Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article THAULIA

TIIAULIA (Oxul,ix). Fête célébrée par les Tarentins ; nous n'en connaissons que le nom'. Peut-être une fête TIIEATRUM, (OÉ«Tpov, théâtre). L'étude du théâtre antique se divise naturellement en deux parties principales. Nous considérerons d'abord l'édifice, puis les spectacles qui s'y donnaient. 1. LE TIÉATRE GREC. 1 . Origine et développement du théâtre grec. De même que la tragédie, le théâtre grec, si l'on veut remonter jusqu'à sa plus lointaine origine, est né du dithyrambe [DITHYRAMBUSI. Le développement de l'édifice a suivi parallèlement celui du drame. D'abord très rudimentaire, il s'est peu à peu compliqué, chaque besoin dramatique nouveau ayant créé un organe nouveau. Le théâtre romain lu i-même (et on en pourrait, d'ailleurs, dire autant du théâtre moderne) ne représente qu'une étape plus tardive dans cette longue évolution. Ramené à ses organes essentiels, le théâtre grec se compose de trois parties : 1' La skénè (6xrlvr,), bâtiment comprenant à la fois les chambres d'habillement, le foyer des acteurs, les magasins. Devant elle, et faisant face aux spectateurs, s'étendait une estrade exhaussée de 3 à Ih mètres, appelée 7t120axItov ou no'(Eïov, qu'on regardait unanimement avant ces vingt-cinq dernières années comme la scène, c'est-à-dire le lieu d'oie parlaient les acteurs, mais dont la destination est à l'heure actuelle très vivement controversée. 2° L'orchestra (i y firtpx), place de danse circulaire au niveau du sol, dans laquelle le choeur évoluait 3° L'emplacement destiné aux spectateurs (OÉzTpov, en latin cavea) composé d'un amas de gradins étagés en hémicycle autour de l'orchestra. Des escaliers, rayonnant de bas en haut, le partageaient en tin certain nombre de sections verticales (xEpx(ôE;, cunei) ; il était divisé en étages par un ou plusieurs paliers horizontaux, concentriques aux gradins (irs u i.ztr, praecinctiones). De ces trois éléments constitutifs du théâtre grec le plus ancien est l'orchestra. Celle-ci, en effet, n'est autre chose que la place de danse circulaire, sur laquelle le choeur dithyrambique avait, de tout temps, exécuté ses danses et ses chants. Mais, au vle siècle, Thespis introduisit dans le spectacle un acteur' : innovation capitale qui entraîna immédiatement plusieurs changements matériels considérables. Dès lors, danseurs et curieux durentnécessairement faire face à ce personnage; et, par suite, toute une moitié de la circonférence se trouva désertée ; ainsi naquit le théatron, en forme d'hémicycle. D'autre part, il fallait à l'acteur unique de Thespis, et, à plus forte raison, aux deux acteurs d'Eschyle, un endroit clos où ils pussent changer d'accoutrement, selon leurs rôles A cet effet, on construisit sur la portion du cercle restée libre une tente (ax-r,v), en toile et en bois : cette baraque provisoire représente l'état le plus rudimentaire de ce qui fut plus tard la scène. Le dernier progrès consista à masquer la Lente d'habillement par une cloison de bois, percée d'une ou de plusieurs portes, qui figura la façade d'une maison : telle fut l'origine du décor. Le théâtre grec était dès ce moment en possession de sa forme générale définitive. TI1E THE '179 2. Sources pour l'étude du théâtre grec. Nous dis posons pour l'étude du théâtre grec de plusieurs sources. La principale, ce sont naturellement les ruines qu'on rencontre sur tous les points du monde héllénique ou hellénisé, en Europe, en Asie, en Afrique'. Souvent imposantes, elles ont de tout temps attiré l'attention des voyageurs et des archéologues2. Mais c'est depuis une trentaine d'années seulement que des fouilles métllodi ques ont été exécutées dans plusieurs de ces édifices, et qu'on en a levé des plans rigoureusement exacts où le type primitif est, autant que possible, dégagé des altérations postérieures L'exploration des théâtres d'Athènes 4, du Pirée d'Oropos 6, de Thorikos 7, d'Épidaure d'Érétrie', de Sicyone 10, de Mégalopolis ", de Délos12, d'Assos", de Pergame", de Magnésie du Méandre '6, de Priène16, d'Éphèse", de Pleuron 13, etc.19, a renouvelé sur bien des points l'archéologie scénique. Une seconde source d'informations, ce sont les textes anciens. En première ligne, il faut citer les chapitres 3-8 dans le livreV du De architectura de Vitruve, où cet architecte traite de la construction du théâtre. Après cet ouvrage on doit nommer 1'Onomasticon de Pollux, dont plusieurs chapitres (livre IV, c. 13-19) décrivent le théâtre et ses diverses parties. Ajoutons encore les scolies, gloses et notices de grammairiens 2e puis, les allusions accidentelles aux choses du théâtre qu'on rencontre chez les écrivains anciens (en particulier chez Aristote, LucienL', Plutarquet2); enfin les précieuses indications qui se peuvent tirer des drames conservés23. Dans une classe à part, nous rangerons les textes épigraphiques : le plus important est, sans doute, les comptes des hiéropes de Délos, où l'on peut suivre pendant un siècle entier l'histoire matérielle du théâtre de cette île 21. En dernier lieu, reste un certain nombre de monuments figurés (fresques, peintures de vases, bas-reliefs, etc.), quireprésentent des vues du théâtre et, particulièrement, de la scène 2". 3. Plans comparés des théâtres grec et romain, d'après Vitruve. Avant de décrire, d'après les monuments subsistants, le théâtre des Grecs, nous résumerons d'abord les deux chapitres où l'architecte Vitruve a donné, en homme du métier, les règles géométriques pour la construction des théâtres grec et romain et comparé leurs plans respectifs 26 Pour construire un théâtre romain (fig. 68h3) on trace d'abord un cercle, dont le dia mètre est proportionné à l'étendue qu'on veut donner à l'orchestra. On y inscrit quatre triangles équilatéraux, de façon que leurs sommets partagent la circonférence en douze arcs égaux. Prenant un côté quelconque de l'un de ces triangles AB, on obtient le mur de fond de la scène (scaenae frons). Parallèlement à ce côté, on tire une droite CD, passant par le centre; on a ainsi la limite du proscaenium et de l'orchestra. Les sommets supérieurs CEFGIIID marquent les points de départ de sept escaliers (scalaria), divisant la cavea en six sections (cunei) jusqu'à la hauteur du premier palier semi-circulaire (praecinctio). Au-dessus de ce palier le nombre des escaliers devra être doublé. Des cinq sommets inférieurs restants, les trois du milieu déterminent la disposition des portes du mur de fond ; au centre, en face de L, on placera la porte royale (valvae regTaeJt» à gauche et à droite, en face de Ii et M, les portes des appartements des hôtes (hospitalia) . Dans le voisinage des deux sommets extrêmes A B se trouveront les couloirs latéraux de la scène (itinera versuraruln). Aux points de jonction de la cavea et du proscaenium on pratiquera, sous les gradins, des corridors voûtés, servant d'entrées au public. Tout autour du gradin supérieur de la cavea s'élèvera un portique, dont la hauteur devra, pour des raisons d'acoustique, être égale à celle du mur de fond de la scène. La longueur de la scène romaine doit égaler deux fois le diamètre de l'orchestra. La hauteur du proscaenium ne dépassera pas cinq pieds romains (= 1 m. 48). THE 180 T11E Le diagramme du théâtre grec s'écarte notablement du précédent (fig. 6854). On inscrit dans un cercle trois carrés, de façon que les 12 angles ainsi formés se trouvent à égale distance sur la circonférence. On prend un côté quelconque de l'un de ces carrés cd; on a ainsi le mur de face du proscaenium (finitio proscaenii). Parallèlement à ce côté, on tire une tangente au cercle ab, qui donne le mur de fond (scaenae frons). Puis, pour déterminer la figure de l'orchestra, on tire une seconde parallèle mn, passant par le centre de l'orchestra ; et, autour des points m et n pris successivement pour centres, on décrit, avec le diamètre entier comme rayon, deux arcs de cercle mo et np. Cette construction au moyen de trois centres a pour effet d'ouvrir plus largement la partie de l'orchestra voisine du proscaenium. Le nombre des escaliers desservant la cavea sera de 8 (efghijkl), formant 7 cunei, jusqu'à la première praecinctio ; à l'étage supérieur, ce nombre sera doublé ; et ainsi de suite, autant qu'il y aura d'étages. La hauteur du proscaenium grec ne doit être ni inférieure à 10 pieds(2 m. 96) ni supérieure à 12 (3 m. 55). En résumé, les différences essentielles entre le théâtre de type romain et le théâtre de type grec sont les suivantes : 1° La scène grecque est beaucoup plus reculée du centre de l'orchestra que la scène romaine. 20 Par suite, l'orchestra grecque a plus d'étendue (elle se rapproche d'un cercle entier, tandis que l'orchestra romaine correspond exactement à un demi-cercle). 3° Le proscaenium grec est presque deux fois plus étroit que le proscaenium romain (la proportion est de 4 à 7). 4° Par contre, il est à peu près deux fois plus haut(10-12 pieds chez les Grecs, 5 pieds au plus chez les Romains). 5° Les corridors voûtés donnant accès dans la cavea appartien-nenten propr aux édifices du type romain; les théâtres grecs ont simplement entre le proscaenium et les ailes de la cavea de larges passages ouverts (azpoio). Vitruve explique brièvement les causes de ces divergences : « Si nous donnons au proscaenium plus de largeur que les 'arecs, c'est que, chez nous, tous les artistes jouent sur la cène, l'orchestra étant réservée aux sièges des sénateur% a hauteur du proscaeniurn ne doit pas dépasser 5 pieds, afin que les personnes assises dans l'orchestra puissent voir tout le jeu des acteurs... Les Grecs ont une orchestra plus étendue, une scène plus reculée, un proscaenium moins large, pour la raison que, chez eux, si les acteurs tragiques et comiques jouent sur la scène, les autres artistes donnent leurs représentations dans l'orchestra'. » Mais les règles de Vitruve s'appliquent, sinon exclusivement, du moins tout spécialement au théâtre de son temps. Il nous faut maintenant exposer, en remontant aux origines2, l'histoire et l'évolution du théâtre grec jusqu'à l'époque romaine. Pour donner un corps à cette étude, nous décrirons préalablement un théâtre particulier, celui de Dionysos à Athènes. Nombre de raisons justifient ce choix. D'abord, c'est le plus illustre de tous les théâtres grecs,celui dont l'exacte connaissance importe le plus à l'histoire littéraire. Secondement, en raison même de son illustration, il a été le type sur lequel se sont, pat. la suite, modelés tous les édifices du même genre. Enfin on y peut suivre, avec plus de précision et de sûreté qu'ailleurs, toute la série des transformations dont le théâtre grec a été l'objet dans le cours des siècles. 4. Le thédtre de Dionysos ù Athènes. On avait perdu dès le moyen âge jusqu'au souvenir de l'emplacement du théâtre de Dionysos. C'est Il. Chandler qui, le premier, en 1765, le retrouva 3. Des sondages à peu près infructueux furent tentés par la Société archéologique grecque en 1841, puis en 1858-59. En 1862, une exploration méthodique, entreprise par l'architecte allemand J.-II. Strack, et continuée par la Société archéologique, mit successivement au jour la cavea, l'orchestra, les bâtiments de la scène, et enfin tout le terrain sacré. Mais les constatations les plus instructives et les plus précises, surtout en ce qui concerne la scène, sont dues à M. Diirpfeld, chargé en 1886 de la direction des fouilles Le théâtre de Dionysos (fig. 6855 à 6858) 6 s'élevait dans le tt méllos de Dionysos Éleuthéreus, sur le flanc sud-est de l'Acropole. Dans cette enceinte, dont on ne peut fixer qu'approximativement les limites, et qui parait avoir été accessible par deux portes, situées, la principale à l'est, l'autre à l'ouest, il y avait, outre le théâtre, deux temples de Dionysos 7. Le plus petit avait été construit antérieurement aux guerres médiques : c'est là qu'on gardait l'image archaïque de Dionysos d'Éleuthères. A quelques mètres au sud avait été élevé plus récemment (entre 420 et 390 av. J.-C.) un temple plus vaste, dont les fondations subsistent : à l'intérieur du naos on reconnaît encore la large plate-forme sur laquelle a dû reposer la statue chryséléphantine de Dionysos par Alcamène. a) Le thédtre du vie et du v'' siècles. Mais l'édifice principal construit sur le terrain sacré était le théâtre de Dionysos. C'est, àl'heure actuelle, un amas de ruines, d'époques très diverses. Du plus ancien théâtre, celui du vie siècle, il subsiste bien peu de chose. En 1886 fut exhumé un tronçon de mur, en blocs polygonaux de pierre calcaire de l'Acropole, lequel, malgré son peu d'étendue, dessine très distinctement un arc de cercle. On constata, en outre, une entaille pratiquée dans le roc THE -181THE vif, en forme aussi d'arc de cercle. Par ces deux arcs faisons passer une circonférence, nous restituerons l'enceinte d'une ancienne orchestra, de vingt-quatre mètres environ de diamètre, qui avait été construite (la nature des matériaux ainsi que l'appareil le démontrent) avant les guerres médiques. Encadrée d'un mur de soutènement, qui domine de 5 à 6 pieds le sol extérieur, elle était située obliquement devant le vieux temple de Dionysos, à une quinzaine de mètres au sud de l'orchestra actuelle. Quant à la cavea, qu'il faut restituer par la pensée autour de cette orchestra, nous pouvons, bien qu'il n'en reste aucun vestige, imaginer assez exactement son aspect général. Les bancs de cette cavea n'ont pu être qu'en bois; car dans aucun théâtre grec on n'a découvert de traces de sièges en pierre, antérieurs au ive siècle. Et, du reste, la comédie du ve siècle désigne encore couramment les sièges du théâtre (de même que ceux de l'ecclesia) du nom de yuÂx'. Sauf du côté de la pente naturelle de l'Acropole, ces bancs exigeaient des substructions, remblai en terre ou échafaudage en bois. Le second procédé, étant le plus simple, est le plus vraisemblable: il estattesté, d'ailleurs, par les lexicographes (s. v. bi m ) 2. Joignez que, seul, il peut expliquer la catastrophe qui, selon Suidas, se produisit dans la première moitié du ve siècle: au cours d'une représentation tragique, les sièges se seraient écroulés sous les spectateurs C'est à la suite de cet accident, ajoute Suidas, que fut construit le premier théatron permanent'. Pas plus que le précédent, du reste, celui-ci n'avait de sièges en pierre. Les fouilles opérées en 1889 par M. Dôrpfeld ont fourni, en effet, sur sa construction, un renseignement intéressant. Elles ont prouvé que le remblai, sur lequel sont appuyés les gradins actuels, se composait de deux couches superposées, d'époque différente. La couche inférieure, ainsi qu'en témoigne la présence de nombreux tessons de vases, ne saurait être postérieure au milieu du ve siècle. C'est vraisemblablement le remblai, sur lequel fut posée la cavea permanente, dont parle Suidas. Il faut donc se représenter cette cavea sous l'aspect d'un remblai de terre, affermi par des murs de soutènement, et garni de gradins en bois. Pour prévenir le retour d'une catastrophe il n'était pas besoin d'autre chose. Des constructions de la scène des vle et v2 siècles, rien n'a subsisté. Si l'on songe, d'une part, que les diverses scènes de l'époque suivante ont, au contraire, laissé d'importants vestiges, et, d'autre part, qu'étant donnée la position de l'orchestra primitive par rapport au vieux temple de Dionysos, une scène permanente eût masqué et presque obstrué l'entrée de ce temple, on sera amené à conclure, avec M. Dôrpfeld, que le théâtre du ve siècle, celui de Sophocle et d'Aristophane, n'avait pas encore de scène en pierre, et qu'une installation en bois, renouvelée ou remise en état chaque année, en tenait lieu. Ce fait s'explique, du reste, assez simplement : quelle nécessité d'édifier une construction permanente pour une fête qui ne revenait qu'une fois l'an et ne durait que quelques jours? Avant les fouilles de M. Dôrpfeld, on se représentait communément le théâtre du ve siècle comme un édifice imposant, tout de pierre et de marbre. La réalité, on vient de le voir, est tout autre. fine orchestra en terre battue, une cavea composée de simples gradins en bois, un grand baraquement en planches en guise de scène, tel était encore, au temps de Sophocle et d'Euripide, le théâtre athénien. Il ne faudrait cependant pas croire pour cela que l'aspect de ce théâtre fût misérable. Aux jours de représentation, quand la cavea était remplie par une foule aux vêtements bariolés, quand le choeur paré de somptueux costumes occupait l'orchestra, l'austère simplicité de ces deux parties du théâtre n'était plus sensible aux yeux. Quant à la scène, bien que construite en bois, ce n'en était pas moins une installation très solide et très vaste : nous en avons la preuve dans le fréquent emploi que font les tragiques de l'eccycléma et de la méchanè [EKKYKLè31A, MACHINA]. De l'emploi de la méchanè, il est permis également d'induire que cette scène comportait, au moins, deux étages. En ce qui concerne enfin son aspect extérieur pendant les représentations, nul doute que toutes les ressources de l'art contemporain ne fussent mises en oeuvre pour la parer et l'embellir. Nous savons par Aristote que, dès le temps de Sophocle (peut-être même d'Eschyle), s'introduisit au théâtre l'usage des décors peints. Et les draines conservés attestent en effet que, dans la tragédie, le décor figurait généralement des palais et des temples, précédés d'un haut portique à colonnes avec stylobate et fronton, dans la comédie des habitations à deux étages flanquées à droite et à gauche d'annexes. En résumé, un tel théâtre, s'il n'avait rien de fastueux, ne déparait point cependant les draines auxquels il servait de cadre. Son cearactèFe original est sa subordination aux oeuvres qui s'y jouaient. b) Le théâtre du ive siècle, ou Médire de Lycurgue. Tout le reste des ruines du théâtre de Dionysos appartient à un vaste édifice en pierre, qui, à l'exception de quelques remaniements postérieurs, avait été bâti, ou du moins achevé, sous l'administration financière de l'orateur Lycurgue (330 environ av. J.-C.)''. TIIE 182 THE Gavea. La cavea de ce théâtre (fig. 6855) était loin d'être géométriquement régulière. Dans son aspect général, c'est un grand segment de cercle, prolongé à ses extrémités par deux droites. A l'ouest, et surtout au nord, la courbe, heurtant le rocher de l'Acropole, s'aplatit sensiblement ; à l'est, elle se renfle en proportion. D'où il résulte que les murs d'appui qui ferment la cavea au sud sont de longueur inégale : l'un a 7 mènes de moins que l'autre. Pour résister à la poussée de la masse énorme de terres et de pierres, il fallait une enceinte très solide. Celle-ci n'a laissé de traces qu'à l'ouest et au sud. A l'ouest elle est double et cornprend, à l'intérieur, un mur robuste en conglomérat (1 m 60 d'épaisseur), renforcé àintervallesrégulierspar des murs transversaux ; à l'extérieur, un mur également en conglomérat, recouvert d'un parement en pierre du Pirée (t m. 35 d'épaisseur). La partie est correspondante, qui n'est plus visible, était, selon toute apparence, exécutée sur le même plan. Les deux murs du sud sont aussi en conglomérat, revêtu de pierre calcaire. A la partie supérieure de la cavea courait un diarcima très large (il servait, en temps ordinaire, de passage aux piétons pour monter de l'est vers l'Asclépiéion). Dans la partie inférieure il faut également, bien que tout vestige en ait disparu, admettre un second dia,dma. Beaucoup trop considérable, en effet, peur n'avoir formé qu'un étage, est la niasse des gradins étagés au-dessous du palier supérieur. D'après l'analogie de la plupart des autres théâtres grecs, ce second palier devait se trouver à peu près à mi-hauteur entre celui du haut et l'orchestra. Dans sa reconstitution M. Dôrpfeld attribue avec vraisemblance 32 gradins à chacun des deux premiers étages et 14 seulement au dernier. Intérieurement, la cavea était divisée, à l'étage inférieur, en 13 cunei par 14 escaliers, mesurant chacun 0 m. 70 de largeur. Dans les deux autres étages, le nombre des escaliers devait être au moins doublé, de manière à diminuer la largeur excessive des cunei. Les gradins, en pierre calcaire (il n'en reste guère qu'une trentaine), montaient du sud au nord jusqu'au monument de Thrasyllos ; au nord-ouest ils franchissaient même le mur d'enceinte. Au nord-est, un peu au-dessous du monument de Thrasyllos, la cavea avait dû être taillée dans le roc vif : c'est cette partie qu'on appelait IK«crrou.il, la Brèche ; on y exposait les ex-voto et les inscriptions de victoire(lig.6856)2.Larangée inférieure était occupée par 67 fauteuils proédriques en marbre pentélique, réservés à des prêtres, prêtresses et magistrats. Au milieu, on remarque surtout le trône, magnifiquement sculpté, du prêtre de Dionysos Éleuthéreus. Il n'est pas douteux que tous ces fauteuils de marbre, d'un travail excellent, ne (latent du ive siècle 3. Quant aux inscriptions, qui désignent les titulaires, elles paraissent, à la vérité, n'avoir été gravées qu'à l'époque hellénistique ou romaine; mais il est probable qu'elles ont remplacé, au moins sur certainsfauteuils, des inscriptions plus anciennes (6g.6857). Les gradins ordinaires, sans dossiers ni accoudoirs, n'ont que 0 m. 33 de hauteur. Cette mesure anormale (car la hauteur moyenne d'un siège pour adulte est de 0m. 45) ne peut s'expliquer que par le désir d'économiser, autant que possible, l'espace. Il ya lieu, du reste, de signaler dans la conformation des gradins deux dispositions ingénieuses qui avaient évidemment pour but de remédier à ce défaut. Premièrement, la surface horizontale de chaque gradin présente, en arrière, une dépression de 0 m. 04, ménagée pour recevoir les pieds THE 183 TIIE du spectateur assis au gradin supérieur. En outre, la paroi verticale antérieure est creusée d'une cavité en retrait, où le spectateur pouvait ramener ses jambes. Ajoutons enfin que la plupart des assistants apportaient avec eux un coussin, dont on peut évaluer l'épaisseur à 0 m. 08, et qui les exhaussait d'autant. Par là l'élévation totale de chaque siège se trouvait portée à 0 m. 45 environ. M. DorpfeId évalue à 78 le nombre total des gradins. En attribuant à chaque spectateur un espace de 0 m. 50, il arrive à un total de 14 000 spectateurs (5 500 au premier étage, 6 000 au second, 2 500 au troisième). S'il était prouvé que certaines raies verticales, distantes de 0 m. 40 à 0 m. 43, qui se voient encore sur plusieurs gradins, marquaient l'espace assigné à chaque spectateur, il faudrait même porter ce chiffre à 17000. Orchestra. L'orchestra était un demi-cercle prolongé d'un demi-rayon par deux tangentes. Son diamètre (pris à l'intérieur du canal) est de 19 m. 61 ; sa circonférence, idéalement complétée au sud, n'atteindrait pas le proskenion en pierre, construit à l'époque hellénistique. Autour de l'orchestra court un canal concentrique, en pierre calcaire (large de 0 m. 91 à 0 m. 96, profond de 0 m. 87 à 1 m. 10), servant à l'évacuation des eaux de pluie qui descendaient de la cavea, lequel se continuait au-dessous de la scène dans la direction du sud-est. A l'époque grecque, ce canal était à découvert, sauf sur les prolongements des escaliers, où la communication entre la cavea et l'orchestra était établie par des plaques de poros, formant passerelles. Contrairement à la disposition adoptée dans d'autres tliéàtres, par exemple à Épidaure et à Érétrie, où c'est le canal, peu profond, qui, en même temps, sert de passage au public, celui du théâtre d'Athènes est extérieurement enveloppé par un couloir, spécialement réservé à cet usage, et qui va s'élargissant du milieu vers les extrémités (1 m. 25 2 m. 50). L'orchestra du temps de Lycurgue n'a laissé aucun vestige de pavage; le rocher naturel pilait simplement, à ce qu'il semble, recouvert d'une couche d'argile et cerclé d'une bordure en pierre calcaire (comme à Épidaure, à Mégalopolis, à Érétrie). Scène. La scène, dans l'état où les fouilles nous l'ont rendue, présente un dédale de ruines presque inextricable. Par une détermination rigoureuse des matériaux et des styles, M. DUrpfeld est arrivé cependant à assigner à chacun de ces débris sa date approximative (fig. 6858). Il discerne, en résumé, dans ce chaos quatre scènes successives, dont la plus ancienne appartient, comme la cavea et l'orchestra que nous venons de décrire, au temps de Lycurgue. La scène de Lycurgue' se composait essentiellement d'une longue salle rectangulaire, profonde de 6 m. 40, longue de 33 mètres ou même (car les murs transversaux marqués en pointillé sont purement hypothétiques) de 46 in. 50, qui, à ses deux extrémités, projette des ailes carrées (ou paraskénia) larges de 7 mètres et saillantes de 5. Le mur de face, limité par ces deux ailes, mesure 20 m. 50 de longueur. L'unité de ces constructions, ainsi que leur date, se reconnaissent d'après la nature des matériaux employés. Ce sont ceux-là mêmes qui ont servi pour la cavea : blocs de conglomérat pour les substructions, au-dessus une assise en pierre du Pirée, marbre bleu de l'llymette et marbre blanc du Pentélique pour les parties hors du sol. A l'intérieur de la grande salle, une rangée de colonnes (au nombre de 10, probablement '1 supportait le plancher de l'étage supérieur Les deux paraskénia étaient ornés chacun, extérieurement, de 9 colonnes doriques, hautes de 4 mètres à 4 m. 10 (le seuil inférieur et l'entablement compris) : 5 colonnes de façade, 1 colonne d'angle et 3 colonnes pour le côté intérieur Entre ces paraskénia et le mur antérieur de la scène s'étendait un grand espace libre, de 21 mètres de long sur 5 mètres de profondeur environ, clos de trois côtés TII E i84 TIIE et ouvert du côté de l'orchestra. C'est là qu'à l'époque hellénistique s'élèvera le proskénion en pierre, décoré d'une colonnade. Mais, comme il n'a subsisté à cet endroit aucune trace quelconque de murs ou de fondations datant du ive siècle, force est d'admettre, avec M, Dôrpfeld, qu'on se contenta, jusqu'à l'époque hellénistique, d'ériger chaque année un proskénion temporaire en bois. Entre les paraskénia et la cavea s'ouvraient latéralement les deux entrées principales du théâtre, ou parodoi, dont la largeur minima (au point le plus étroit) était de 2 m. GO'. A l'extrémité ouest (qui, seule, est bien conservée) du mur antérieur de la skénè, une porte mettait en communication celle-ci avec la parodos. Enfin, de la scène de Lycurgue on ne peut guère séparer le portique adossé à sa face postérieure. 11 constituait une sorte de décoration architecturale de cette muraille nue, en même temps qu'il offrait un abri aux spectateurs, en cas de pluie soudaine. C'était un rectangle long et étroit, clos de trois côtés par des murs, et orné sur le devant d'une colonnade, probablement dorique, portée par trois degrés en marbre de l'Hymette. Était-il, comme les sloai d'Attale et d'Eumène, surmonté d'un étage, c'est ce qu'on ne saurait déterminer. Mais ce qui est sûr, c'est que l'érection de ce portique date du Ive siècle. ci Remaniements postérieurs apportés au théêctre de Lycurgue. Le théâtre édifié sous Lycurgue est resté à peu près sans changements pendant des siècles. La cavea n'a jamais été modifiée. L'orchestra n'a subi d'altération grave qu'au temps de Néron. Seule la skénè a été remaniée à plusieurs reprises, et cela dès l'époque hellénistique. Vers le II° ou le ter siècle avant J.-C. elle subit, en effet, une première modification, qui porta principalement sur deux points : 1° On érigea un proskénion permanent, en pierre, orné d'une colonnade dont il reste le stylobate 2. Les colonnes, hautes d'environ 4 mètres, étaient distantes, d'axe en axe, de 1 m. 3G à 1 m. 37, sauf toutefois l'intervalle médian qui était presque double (2 m. 48): là se trouvait une porte à deux battants, large de 1 m.70. Dans l'en tre-colonn'ement le plus rapproché à l'ouest existait une autre porte, mais beaucoup plus petite (0 rn. 80 de largeur) Comme dans les autres proskénia en pierre, de même style (exemples : Oropos, Assos), le reste des entre-colonnements devait être clos par des panneaux de bois peint, iT(axxu;, hauts d'environ 3 mètres, larges de 0 m. 85 à leur partie inférieure et de 1 mètre à leur partie supérieure. 20 On recula de 1 m. 70 environ les ailes latérales, ce qui eut pour effet de réduire à 1 m. 10 seulement leur saillie par rapport au proskénion et, inversement, de porter à 4 m. 30 la largeur des parodoi. La façade de ces non 1 Les parodoi étaient ornées d'ex-voto et de sculptures, dont les bases et fondations, en assez grand nombre, ont été découvertes en 1863 (voir le plan de Ziller,' Est;.a. ;.pt. 1862, et la description do Russopulos, Ibid. p. 139). A 1 heure actuelle subsiste, dans la parodos est,la partie inférieure du monument cborégique, élevé par l'agonot.bète Xénoclès, après sa victoire en 307 6 (E. Rersch, Grrech. Weingesch. p. 118). Trots autres bases appartiennent à l'époque romaine. Enfin à l'extrémité inférieure du mur d'appui de l'ouest s'élevait une statue du poète Astydamas, érigée à la suite d'une victoire tragique en l'an 340 (Dôrpfeld-Iterseh, O. L p. 71). Quelle statue lui faisait pendant à l'est, on l'ignore. L'assertion du scholiaste d'Aristide (III. 535 ; XLV1, 13), d'après laquelle les deux angles de la carea étaient décorés des statues de Miltiade et de Thémistocle, semble erronée. 2 Sur ce stylobate se voient encore les traces des fûts de co'onnes, à distances régulières de 1 in. 36 à t m. 37. 3 L'existence de ces deux portes est attestée par les trous de gonds et de verrous, qu'on remarque encore sur le stylobate. Dans l'en tre-colonnementeentral, ces trous sont en nombre double : ce qui laisse supposer un remaniement, à la suite duquel la largeur de la porte aurait été ramenée de 1 m. 70 à i m. 36 (ou, Lie, ' ° inversement, portée de 1 m. 30 à 1 m. 70). 1 Ces colonnes qui subsis veaux paraskénia fut ornée de colonnes pareilles à celles du proskénion 4 Un nouveau remaniement de la scène, beaucoup plus important, eut lieu sous Néron (vers 60 ap. J.-C.), ainsi qu'il résulte de la dédicace conservée àta'i3 'EXsuOE;tmi xai [Néçwvt; K),xui(p Kxirr t'. Ce qui distingue essentiellement des scènes précédentes celle de Néron, c'est l'existence d'un logeionf de type romain, en pierre Haut de 9 m. 50 environ et profond de 8 m. 50, il empiétait sensiblement sur l'orchestra qui, jusqu'alors complètement circulaire, se trouva par suite ramenée à la forme d'un grand segment de cercle. Le mur antérieur de ce logeion i était orné de hauts-reliefs en marbre, encore subsistants, qui représentaient la naissance et le culte de Dionysos En même temps que la scène, l'orchestra fut également transformée à la romaine. Son aire en terre battue fit place à un dallage en marbre, au milieu duquel se détache un grand losange (longueur, 13 m. 70) en pierres multicolores, blanches, bleuâtres et rouges. Le centre du losange présente une cavité circulaire de 0 m. 50 environ de diamètre, qui marque sans doute la place d'un autel. A la mérite époque appartient encore la construction d'une barrière en marbre, haute de 1 m. 08, conservée en grande partie, qui enveloppait extérieurement le canal : cette clôture permettait de convertir, à l'occasion, l'orchestra en une arène pour les combats de gladiateurs et autres spectacles de ce•genre. Quant à la cavea, elle ne paraît pas avoir subi sous Néron d'altération essentielle. On se contenta d'augmenter considérablernent le nombre des sièges proédriques. C'est ainsi que derrière la rangée de fauteuils en marbre fut établie une rangée de fauteuils en bois. Quelques sièges proédriques furent même transportés dans les gradins supérieurs 0. Le dernier remaniement du théâtre est signalé par une inscription métrique, gravée sur la plus haute des cinq marches de l'escalier central qui relie le logeion avec la conislra. Cette inscription nous apprend que l'escalier en question a été dédié à Dionysos par un certain Phaedros, archonte (une ou ive siècle ap. J.-C. 10). C'est aussi à la même époque, à ce qu'il semble, que les reliefs dionysiaques, dont était décoré le mur antérieur du logeion de Néron, furent séparés les uns des autres par des niches, aujourd'hui vides, à l'exception de celle du milieu, où se voit encore la statue d'un satyre accroupi". Enfin on ceignit extérieurement la barrière de marbre, construite précédemment autour de la conistra, d'un mur épais et imperméable, grâce auquel celleci put être transformée, quand besoin était, en une pièce d'eau pour les naumachies. Du système de cana en partie sont, comme rl a été dit plus haut (p 183, no le 4), celles des pueaskivrsa du iv' siècle, qui ontélédenouveauntihsées ici. Corp. laser. tilt. III, 158. Le mot Nies. r a été martelé. 6 Dorpfeld-Rersch, O. 1. p. 90. M. Darpb ld a depuis, Il est vrai, modifié sur ee point son opinion. Il Incline ;ru~ourd'Inn à penser que la scène de Néron écrit une haute scène du type décrit par Vitruve, et dont plusieurs spécimens subsistent dans les théâtres d'Asie Mineure. La première sciène romaine, large et basse, n'aurait été construite qu'au temps de Phaedros (Ath. A7itth. XXII, XXIV (1909), p. 194 sq. 7 Ce mur, dans son état actuel, date de l'époque de Phaedros. Mais le mur de Phaedros n'est qu'un remaniement : les hauts reliefs, eu particulier, sont certannenuut du temps de Néron. 8 F. Groh, Grec/te biradlo, 1909 (en tchèque),p. 104, fig. 36. 9 Sous le principat d' nadriet,on éleva dans chacun des miner une statue de l'empereur. Les piédestaux de ces 13 statues existent encore, en partie. G lie du milieu as ad été dédiée par le peuple et le Sénat, les 12 autres il Ce satyre s'adapte mat à la niche dans laquelle il est placé; et de plus c'est '°rie oeuvre d'un travail sotvné, qui dénote une époque antérieure. TllE 185 T1lE lisation qui amenait, pour cet usage, les eaux dans l'ancienne orchestra il subsiste encore quelques vestiges'. d). Le second théâtre d'Athènes, ou théâtre Lénaïque. Outre le théâtre de Dionysos, Athènes, à l'époque classique, avait un second théâtre, qui n'a, à la vérité, laissé aucun vestige, mais dont les textes nous révèlent l'existence. 11 s'appelait théâtre Lénaïque (9éaipov Ar,v tx'v) 2 ; et c'est là qu'avaient lieu les représentations dramatiques des Lénéennes3. Cet édifice, qu'il faut, à l'exemple du théâtre Dionysiaque du même temps, se représenter comme un simple baraquement en bois, ne disparut qu'après le milieu du ive siècle 4, époque où le théâtre en pierre de Lycurgue devint le lieu unique des représentations'. Où était situé le théâtre Lénaïque ? Au quartier de A:µvat (les Marais), dans le Lénaion, ou enceinte sacrée de Dionysos Lénaios, (lieu des pressoirs6.Malheureusement ni la situation de cette enceinte ni celle du quartier des Marais lui-même? ne sont encore sûrement déterminées'. Longtemps on a voulu identifier le Lénaion avec l'un des deux temples situés dans le péribole de Dionysos Éleuthéreus sur le flanc sud-est de l'Acropole 9, en sorte que Grandes Dionysies et Lénéennes auraient été célébrées sur le même emplacement, et que le même théâtre aurait, alternativement et selon la fête, porté les noms de Dionysiaque et de Lénaïque. Inutile d'insister sur l'invraisemblance énorme d'une telle identification10. Il est aujourd'hui avéré que le Lénaion n'avait rien de commun avec l'enceinte de Dionysos Éleuthéreus, et que par suite les deux théâtres étaient distincts". En faveur de cette solution on peut invoquer, outre le témoignage de Polluxi2, plusieurs indices convergents: 1° Les lexicographes mentionnent un ancien théâtre situé sur l'agora, ou, du moins, dans le voisinage13. Or cette désignation topographique (bien que l'emplacement de l'agora ne soit pas nettement, déterminé) ne saurait convenir au théâtre Dionysiaque. 20 En haut de ce théâtre, la tradition nous apprend qu'avait poussé un peuplier noir, sur lequel grimpaient, pour mieux voir, les spectateurs" : ce qui semble exclure l'hypothèse d'un terrain incliné, comme l'était la pente de l'Acropole. 3° Un groupe de gloses définit le Lénaion 1X. un lieu où se célébraient les concours avant la construction du théâtre en pierre16. N'est-ce pas dire clairement que l'emplacement du théâtre Lénaïque était autre que celui du théâtre de Lycurgue ? M. Foucart pense avoir découvert, dans une inscription du ve siècle, la mention de ce théâtre primitif ou plutôt de ses zpta, c'est-à-dire des échafaudages en bois qui constituaient sa cavea". Il s'ensuivrait que dès le ve siècle ces échafaudages étaient devenus une construction durable, qui survivait à la fête. Le même texte permettrait de situer le Lénaion et son théâtre dans l'intérieur des murs, aux environs de l'hôpital militaire moderne". Outre les deux théâtres urbains, l'Attique possédait encore un assez grand nombre de théâtres. Nous connaissons, à l'heure actuelle, par les textes, par les inscriptions, par les fouilles, une douzaine de ces édifices, disséminés dans les dèmes : au Pirée 13, à Thoricos 10, à Ithamnonte20, à Oropos21, à Éleusis 22, à Acharnes23, à Aixonè 21, à Anagyre à Icarie 2l', à Salamine 27, à Collytos 28, à Phlya20. Dans l'histoire du théâtre athénien de Dionysos, telle que nous l'avons esquissée plus haut, est contenue en raccourci celle du théâtre grec en général depuis le vie siècle jusqu'à l'époque romaine. Cette histoire peut se résumer brièvement ainsi. Pendant deux siècles (jusqu'à 330 environ), le seul élément permanent du théâtre grec a été l'orchestra : théâtron et skènè n'étaient alors que des installations temporaires en bois30. En ce qui concerne le thééitron, un premier progrès consista à appuyer les gradins de bois sur le versant d'une colline, préalablement aménagée à cet effet (débuts du ve siècle). Mais, nulle part en Grèce, il n'a existé de thédtron avec gradins en pierre avant le milieu du Ive siècle. Nulle part non plus, avant cette date, on n'y érigea de slcènè en pierre. Et, même dans les théâtres en pierre élevés aux Ive et me siècles, le proskènion resta une simple construction en bois. De ces faits il résulte qu'en Grèce, comme presque partout ailleurs, l'édifice théâtral n'a atteint sa perfection qu'à une époque où l'art dramatique lui-même était depuis longtemps en décadence. Toutefois le théâtre hellénistique 31 n'en reste pas moins THE '186 TIIE très important à étudier : 1o en lui-môme, parce que c'est un spécimen remarquable de l'architecture pratique des Grecs; 2e comme copie, au moins dans ses lignes principales, des théâtres en bois de l'époque classique, que nous connaissons si peul. ~. Description générale du théâtre hellénistique. L'orientation des théâtres grecs est aussi diverse que possible. Ce qui prouve qu'elle était, quoi qu'on en ait dit, déterminée bien moins par des principes théoriques que par les conditions variables du terrain. Vitruve, il est vrai, prescrit de ne pas exposer la cavea au midi. Mais cette exposition, très fâcheuse en effet, puisqu'elle obligeait les spectateurs à endurer pendant de longues heures l'ardeur du soleil, se rencontre néanmoins en maints édifices (par exemple à Athènes et à Syracuse)'. Orchestra. L'orchestra, dans tous les théâtres de type grec, forme un cercle complet3 (Athènes, Pirée, Oropos, Érétrie, Épidaure, Mégalopolis, Assas¢). Son diamètre est naturellement très variable (11 à 12 mètres dans les petits théâtres d'Oropos et de Pleuron, 16 m. 34 au Pirée, 22 m. hO à Athènes, 24 m. 32 à Épidaure, une trentaine de mètres à Mégalopolis). En général, l'aire n'était point pavéeCelle d'Épidaure (fig. 6819) 5 est en terre battue ; ailleurs le roc nu affleure (Pirée, Délos) ; mais il semble, d'après une inscription de Délos', que le sol naturel fût habituellement recouvert d'un enduit, sans doute d'une couche de chaux ou d'argile. Au milieu s'élevait l'autel de Dionysos ou Oui.té ' : on voit en cet endroit à Athènes une excavation circulaire, à Épidaure une pierre cylindrique, qui marquent, à ce qu'on croit, l'emplacement de cet autel ['rllYMÉLÈ]. Toutefois ce n'est pas là, mais en dehors de l'orchestra, au milieu de l'arc de cercle décrit par le gradin proédrique, que se trouve la seule thgnrélè encore en place, celle du théâtre de Priène. Elle consiste en un autel de marbre, élevé sur une marche, couronné d'une corniche à denticules. et orné de deux frontons latéraux 8. Le canal concentrique, servant à l'évacuation des eaux pluviales, avec dégagement pardessous la skènè, se retrouve à peu près partout'. D'ordinaire il sert en même temps de couloir au public pour gagner la cavea (Épidaure, Érétrie, Délos, Sicyone, Magnésie du Méandre). A Athènes et au Pirée, toutefois, il est entouré extérieurement par un couloir distinct, affecté spécialement à cet usage". L'un des résultats les plus intéressants des fouilles récentes a été la découverte, dans plusieurs théâtres, d'un corridor souterrain, partant du milieu de l'orchestra et aboutissant sous le proskènion ou sous la skènè. Ce couloir existe à Érétrie (2 mètres de haut, 0 m. 88 de large), à Argos, à Magnésie du Méandre, à Tralles. ll convient aussi de signaler à Sicyone un grand canal, partant du milieu de la cavea, lequel prend, dans la partie qui va du centre de l'orchestra sous le proskènion, des dimensions plus amples, et a pu, par conséquent, servir entre ces deux points de passage souterrain. Enfin, sous le sol de l'orchestra d'Athènes, M. Dérpfeld a découvert également un réseau de galeries, mais dont aucune, en raison de leur étroitesse, n'a pu être utilisée par les acteurs. Certains théâtres, du reste, n'ont jamais eu, et même n'ont lamais pu avoir de souterrains, parce que le rocher y affleure partout (ex. : Délos). Gavea. En Grèce la cavea était presque toujours adossée à une pente naturelle, disposition qui offrait le double avantage de l'économie et de la solidité. Les exceptions sont fort rares. A Mantinée, cependant, une motte artificielle en terre, appuyée par un mur en blocs polygonaux, supporte la masse des gradins. A Érétrie, 011 le théâtre a été édifié également en terrain à peu près plat11, l'architecte s'est avisé d'un autre expédient : il a creusé l'orchestra jusqu'à une profondeur de 3 m.20 environ, de manière à diminuer d'autant la hauteur du remblai nécessaire pour la cavea et à se procurer la masse de terres que ce remblai exigeait. La courbe extérieure de la cavea forme généralement un peu plus d'un demi-cercle12. Il est rare qu'elle soit tout à fait régulière (ce qui est le cas cependant à Sicyone, par exemple)13. A Épidaure et à Délos elle emprunte son tracé à trois centres différents ; à Athènes, au Pirée, à Érétrie, l'hémicycle est prolongé vers la scène par deux tangentes. Dans les deux cas on a visé, par des moyens différents, au même résultat, qui était d'écarter les deux TIIE 187 TIIE pointes extrêmes (cornua) de la cavea. Par là on améliorait en une certaine mesure les conditions optiques, très défavorables, des places situées à ces deux extrémités ; et en même temps on élargissait les entrées du couloir qui enveloppe l'orchestra, ce qui facilitait les dégagements. La cavea est toujours appuyée extérieurement par un puissant mur de soutènement (cxvxa-ro.y.x). En dccà de cette enceinte, au-dessus du gradin supérieur, Vitruve prescrit un portique' ; mais cela paraît un usage assez récent. A Délos et à Épidaure le mur d'enceinte est couronné d'une balustrade de pierres posées de champ et surmontées de chaperons à arêtes vives. Tous les théâtres grecs ont, au moins, un ou deux diazômata 2, situés l'un aux deux tiers, l'autre tout au haut de la cavea. Quelquefois même le nombre des paliers est de trois (Argos, Mégalopolis, Éphèse). Le nombre ainsi que la disposition des escaliers ne concordent pas, communément, avec le plan de Vitruve : il y en a 6 à Magnésie, 7 à Assos, 8 à Délos, 10 à Mégalopolis, 12 à Érétrie, 13 à Épidaure, 14 à Athènes et au Pirée, 16 à Sicyone Parfois ils se prolongent en ligne droite du bas jusqu'au haut de la cavea, sans intercalation au second étage (ex. : Mégalopolis et Magnésie). Mais le plus souvent le nombre des escaliers est doublé au-dessus du premier diardma (Épidaure, Pirée et, sans doute, Athènes''). Parallèlement à la scène, la cavea est close par deux murs qui montent, en ligne droite ou brisée, du niveau de l'orchestra jusqu'au gradin supérieur. Entre ces murs el le proslcènion, s'ouvrent, à droite et à gauche, les parodoi (5 m. 70 de largeur à Athènes, 5 m. 30 à Épidaure, 3 m. 50 au Pirée). Le théâtre grec se trouve ainsi séparé en deux moitiés, sans liaison architectonique. Toutefois ces couloirs étaient fermés, à Épidaure et à Pergame, par des portes monumentales. Celles d'Épi daurepeux ent ctre exactement reconstruites 6. De chaque côté du théâtre s'élevaient trois pilastres corinthiens, surmontés d'un entablement, qui encadraient deux portes accouplées, d'inégale largeur. La plus large (2 nl. 30) donnait accès dans la parodos ; l'autre (1 m. 90) s'ouvrait sur une rampe, montant à la plate-forme duproslcènion.Aen juger d'après la petitesse des scellements, ces portes n'étaient pas en bois ; il y a lieu de songer plutôt à des grilles à deux battants en fer ou en bronze. C'est par les parodoi que le choeur se rendait dans l'orchestra ; elles servaient également d'entrées principales au public. Dans tous les théâtres explorés, à l'exception du petit théâtre d'Oropos, où parait avoir toujours persisté l'usage des gradins en bois, les gradins de la cavea sont en pierre ou en marbre. Sur la forme de ces sièges, voyez ce qui est dit ailleurs [p.182 [ de ceux d'Athènes. Mais, outre les places communes, tous les théâtres grecs ont un certain nombre de sièges proédriques ou d'honneur, réservés aux personnages de distinction. Ces sièges affectent la forme, tantôt de fauteuils séparés, tantôt de bancs à plusieurs places, pourvus d'un dossier et, à leurs deux extrémités, d'accoudoirs (fig. 5799). L'emplacement ordinaire de la proédrie est au premier rang, près de l'orchestra. Mais on trouve ailleurs encore de ces sièges privilégiés. A hpidaure, ils occupent, en outre, les deux gradins au-dessous et audessus du diazôma. A Priène existe également un banc proédrique supplémentaire, à la hauteur du quatrième gradin ; mais c'est là une addition postérieure. Un remaniement du même genre eut lieu à Athènes, probablement à l'époque romaine : tout le second gradin fut affecté à la proédrie, et on établit même un certain nombre de ces sièges honorifiques dans les gradins supérieurs. Le nombre des places, dans les divers théâtres grecs, est naturellement très variable ; on estime à 5 500, à 14 000, à 14 ou 17 000 le chiffre des spectateurs que pouvaient contenir respectivement les théâtres de Délos, d'Épidaure et d'Athènes. Bien plus vaste encore était la cavea de Mégalopolis. Pour livrer facilement accès à de telles foules il fallait, outre les parodoi, des portes disposées sur le pourtour de la cavea. A Délos il en existait trois, une tout au haut de l'enceinte, les deux autres aux extrémités du diazôma. A Athènes le diazôma était utilisé aussi comme entrée. A Épidaure on en reconnaît encore quatre : deux aux extrémités du diazôma, deux autres vers les extrémités du petit mur qui limitait l'étage supérieur de la cavea ; et il est probable que, dans ce même petit mur, s'ouvraient jadis un certain nombre d'autres entrées, dont il ne reste plus aujourd'hui de traces. Skènè. La skènè a partout la forme d'un rectangle très allongé, dont la largeur moyenne varie entre 4 et 7 mètres, tandis que sa longueur maxima atteint 35 à 40 mètres. Au rez-de-chaussée, tantôt elle forme une vaste salle unique (théâtre de Lycurgue à Athènes, Pirée, Oropos, Délos), tantôt elle se divise en un certain nombre de pièces (3 à Érétrie, Assos, Priène ; 5 à Magnésie°). Dans certains théâtres, en particulier à Épidaure, il semble que la division en plusieurs chambres soit due à un remaniement, postérieur. En règle générale, ces chambres communiquent entre elles. Le nombre des portes, percées dans la façade antérieure, est variable : 3 à Épidaure', Érétrie, Délos, Assos, Priène ; 1 seule au centre à Oropos, à Pleuron et au Pirée (?). Le plafond de la skènè, haut en moyenne de 3 à 4 mètres, était généralement supporté, à l'intérieur, par des colonnes ou des piliers (Athènes, Épidaure, Érétrie). La limite latérale de la skènè paraît avoir été formée dans les théâtres du ive siècle par deux ailes rectangulaires (aaexaxevta), faisant saillie à chaque extrémité, et encadrant par conséquent le proslcènion (Athènes, Pirée, Épidaure, Érétrie, Magnésie 5). Ces ailes, tara sur leurs façades que sur leurs petits côtés, étaient ornées de colonnes'. Les THE 188 THE inscriptions déliaquesprouvent que, comme laskènè, elles comportaient deux étages `Tà nx17x5x's vt . Tà E7txvlo xx: TIX. (noxxTan), dont les entre-colonnements, comme ceux du proskènion, étaient remplis par des panneaux peints (n(vxxEç) 1. La destination propre de ces deux avant-corps latéraux reste douteuse2. La seule chose certaine, c'est que, avec le temps, cet organe alla s'atrophiant et finit par disparaître. A Athènes la saillie primitive des paraskènia fut, à l'époque hellénistique, réduite d'un tiers ; à Magnésie du Méandre, ils furent complètement supprimés, et les théâtres construits à partir de cette époque n'en ont plus (Oropos, Délos, Assos, Priène)'. Autour de la skènè se groupent ordinairement des annexes, dont il nous reste à dire maintenant quelques mots. À Épidaure, à Sicyone, et peut-être à Athènes, deux rampes latérales, parallèles à chacune des parodoi, menaient à la plate-forme du proskenion4. ASicyone, et probablement aussi à Épidaure, existait en outre une seconde rampe, située derrière la précédente, qui aboutissait à l'étage supérieur de la skènè. En arrière de ces rampes, de chaque côté de la skènè, on trouve encore, à Sicyone, une grande pièce carrée, munie de bancs le long des murs, dans laquelle il est permis peut-être de reconnaître la salle ou foyer du choeur. Une salle analogue, mais du côté droit seulement, existe aussi à Épidaure °. Du même côté, mais plus en avant, et obstruant la parodos, se trouve à Mégalopolis la irx-rivo8rx'rl, ou magasin des décors. Cette slcènothèque paraît avoir eu son pendant, à Thorikos, dans une grande pièce irrégulière, située devant la parodos est. A Magnésie du Méandre une salle spacieuse est adossée au mur postérieur de la skènè6. Enfin il reste à signaler le portique à colonnes qui parfois décore la façade postérieure de la slcènè (Athènes, peut-être Sicyone). Celui de Délos offre un aspect tout particulier : composé de piliers rectangulaires, il enveloppe de trois côtés la skènè et va se raccorder avec la colonnade du proskènion 7. Dans la plupart des théâtres hellénistiques il n'a rien subsisté, au-dessus du proskènion, des constructions de la scène. Mais les inscriptions de Délos mentionnent un étage supérieur de la skènè (ràç En«vw ax-(,v«ç) ; et on a même retrouvé à Oropos l'entablement (lui le couronnait Toutefois, ce n'est que depuis la récente découverte, à Éphèse, d'une scaenae frons encore debout qu'on peut se faire une idée de cette partie du théâtre. Celle d'Éphèse est en marbre, percée de sept grandes ouvertures (largeur, 3 m. 70 à 4 m. 50) qu'encadrent des piliers 7. A Oropos on peut, sur ce modèle, restituer avec vraisemblance un mur, avec entablement et triglyphes, percé de cinq ouvertures larges de 1 m. 50 à 2 m. 5010. Des tri glyphes du même genre ont été trouvés dans plusieurs autres théâtres, par exemple à Érétrie et à Délos. Audessus de cet étage supérieur existait-il, comme l'admet M. Puchsteinlt, un troisième étage? En raison du peu d'épaisseur des murs du rez-de-chaussée'', M. Dorpfeld se prononce résolument contre cette hypothèse Proskènion. Les fouilles nous ont fait connaître deux types successifs de proskènion. Le plus ancien (ive-ure siècles av. J.-C.) était une simple construction en bois. Il va de soi qu'il n'en a été découvert aucun exemplaire. Mais le seuil en pierre sur lequel il reposait a été exhumé sous le stylobate du proskènion en pierre plus récent, à Mégalopolis et à Sicyone" ; et il montre encore sur toute sa longueur, non seulement les excavations carrées oit s'engageaient les piliers de bois, mais aussi les rainures et les trous destinés à fixer les panneaux qui remplissaient les intervalles Ces intervalles ont, à Sicyone 1 m. 46, à Mégalopolis 1 m. 62. Un proskènion en bois est attesté également à Délos par les comptes des années 290 et 28213. A Sicyone, la hauteur de cet ancien proskènion peut, grâce à l'existence d'une rampe conduisant à l'étage supérieur de la scène, être évaluée à 3 mètres ou 3 m. 50'a ; et des déductions certaines permettent d'assigner à peu près la même élévation (3 m. 50) à celui d'Érétrie". Mais le proskèrt ion en bois fut généralement converti en pierre vers le début de l'époque romaine (ne siècle environ av. J.--C.). C'est ce type qui dominait encore du temps de Vitruve et qu'il a décrit18. Nous en connaissons de nombreux spécimens (Athènes, Pirée, Oropos, Thespies, fleuron, Érétrie, Épidaure, Mégalopolis, Sicyone, Mantinée, Délos, Assos, Priène). La caractéristique commune de ces pr'oskènia, c'est la décoration du mur de face, invariablement formée d'une colonnade dorique ou ionique 19. Ces colonnes, qui ont succédé aux anciens piliers de bois, présentent deux formes différentes. Tantôt ce sont des colonnes entières (Athènes, Pirée, Sicyone, Mégalopolis, et peut-être Mantinée et Magnésie du Méandre), tantôt des demi-colonnes adossées à des piliers (Oropos, Érétrie, Thespies, Pleuron, Épidaure, Délos, Assos, Priène). De ces deux types, le dernier, qui réalise un incontestable progrès technique, est évidemment le plus récent. Ils comportent, du reste, l'un et l'autre, un certain nombre de variétés20 : la colonne pleine, mais pourvue, de chaque côté, d'un listel, qui forme transition d'un type à 1'autre (Mégalopolis); la demi-colonne sans feuillures (Épidaure) ; la demicolonne avec feuillures, qui est un perfectionnement de la précédente (Oropos, Délos)21. Les entre-colonnements étaient clos du haut jusqu'en bas par des panneaux de bois rectangulaires (7:',xxeç), qui, non seulement sont THE 189 THE mentionnés, dès 282, dans les inscriptions de Délos, mais de plus ont laissé, à Oropos, Érétrie, fleuron, Syracuse, Assos, Priène, des traces matérielles : on voit encore, dans ces théâtres, soit sur le stylobate, soit à la partie inférieure de l'épistyle, soit sur les piliers postérieurs, les trous de verrous ou les rainures destinés à fixer les panneaux. Ce mode de fixage permettait de les enlever et de les remettre à volonté. Le stylobate d'Épidaure porte, du reste, des marques d'usure, dues au va-et-vient des passants, qui semblent prouver que, dans l'intervalle des représentations, les entre-colonnements restaient libres. Dans presque tous les théâtres, on constate l'existence d'une porte unique et centrale'. Parfois cette porte n'est attestée que par la largeur plus grande de l'intervalle médian (Athènes, Pirée, Mantinée) 2. Mais ailleurs on remarque en outre, sur le stylobate ou sous l'épistyle, les trous de gonds (Oropos, Érétrie, Délos, Assos). Le proskènion de Priène (fig. 6860) est le seul qui, en plus de cette porte centrale, possède encore deux portes latérales Conformément au précepte de Vitruve, l'élévation du proskènion est, dans la majorité des cas, de 10 à 12 pieds (4 mètres à Athènes et au Pirée ; 3 m. 50 environ à Érétrie, Épidaure, Sicyone, Mégalopolis ; 3 mètres à Assos) ; parfois cependant elle est notablement inférieure (2 m. 81 ou 2 m. 53 à Délos, 2 m. 70 à Priène, 2 m. 65 à Pleuron, '2 n1. 51 à Oropos). Sa largeur est, en général, sensiblement moindre que dans le diagramme de Vitruve (3 In. 20 à Épidaure, y compris la saillie de la corniche ; 2 m. 85 à Mantinée, 2 m. 74 à Priène, 2 m. 35 à Athènes et à Pleuron, 2 m. 14 à Érétrie, 1 m. 93 à Oropos). Pour la longueur, l'écart est beaucoup plus considérable encore : à Épidaure, par exemple, elle n'est que de 24 mètres au lieu de 42. La plate-forme horizontale surmontant le proskènion était un plancher. A Épidaure et à Oropos, on voit encore dans l'entablement les entailles où s'engageaient les solives transversales qui le supportaient. Plus Lard on remplaça les solives de bois par des solives en pierre, ruais on continua à employer le bois pour la construction du tablier (Priène, Pleuron). La chambre située sous le proskènion est toujours en communication avec l'intérieur de la skènè. Dans aucun théâtre grec il n'a été découvert d'escalier reliant la plate-forme du proskènion avec l'orchestra. nières années on rattachait au type hellénistique, que nous venons de décrire, un certain nombre de théâtres d'Asie Mineure : Assos, Pergame, Magnésie, Tralles, Éphèse, Priène, Termessos, Sagalassos, Pergé, Sidé, Aspendos, Aizani, etc. t. Mais une comparaison plus précise a révélé entre ces édifices et ceux du type hellénistique des différences essentielles. Il paraît aujourd'hui plus logique de les considérer, avec M. Dôrpfeld, comme un type particulier, formant la transition entre le théâtre grec et le théâtre romain A ce titre ils méritent une étude spéciale. Malheureusement, les théâtres d'Asie Mineure sont encore bien peu connus. Nous décrirons ici l'un des mieux conservés et des plus typiques : le théâtre de Termessos, en Pisidie 6. 1. Le thedtre de Termessos (fig. 6861). --Une grande partie de l'édifice est encore debout. tl était bâti sur une pente fortement déclive. Sa cavea (66 m. de diamètre) forme plus d'un demi-cercle et est divisée en deux étages par une praecinctio. L'étage supérieur n'a que 8 gradins desservis par 10 escaliers, tandis que l'inférieur en compte 18 avec 6 escaliers. A ce total de 26 gradins il faut ajouter une rangée de banquettes indépendantes à dossiers, placée au bas de la praecinctio. Celle-ci forme un couloir large de 2 m. 40, bordé d'un côté par les dossiers des banquettes, de l'autre par un mur haut de 1 m. 90'. Au sommet de la cavea régnait une galerie couverte, dont le plafond était supporté par des piliers rectangulaires, fermée par un mur du côté extérieur, et ouverte intérieurement 8. L'entrée principale du public se trouvait tout au haut du théâtre au milieu du mur de clôture extérieure. Là s'ouvrait de plain-pied, sur une des places de la ville, une porte voûtée de 2 m. 50 de largeur, flanquée de chaque côté d'un pilastre et de 6 demicolonnes. Elle donne accès à un escalier monumental (4 m, de largeur au bas) qui, partageant la cavea supérieure en deux parties égales, conduisait directement à la praecinctio et de là aux gradins inférieurs'. Il importe de remarquer qu'étant établi très en contre-bas des 8 gradins supérieurs, cet escalier ne les desservait pas. Et, comme, d'autre part, le mur qui enveloppe la praecinctio empêchait toute communication entre les deux étages par le moyen des escaliers rayonnants, il faut admettre qu'on accédait à ces gradins d'en haut par des portes spéciales pratiquées dans l'enceinte extérieure. Entre la scène et les murs de façade de la cavea s'ouvraient primitivement deux passages latéraux (7 xooiot), par où l'on pénétrait dans l'orchestra 10. Mais, à une époque postérieure, l'aile sud de la cavea ayant été pro TIIE 190 TEIE longée, on convertit, de ce côté, le passage découvert en lin couloir voûté, au-dessus duquel fut établie une loge d'avant-scène (tribunal). L'orchestra, qui forme également plus d'un demi-cercle, était séparée des gradins par une balus trade haute de 1 m. 20; entre celle-ci et le premier gradin courait un passage libre d'environ 0 rr}. 80 de large. Le bâtiment de la scène était, comme on l'a vu, originairement indépendant. Il mesure intérieurement 3 m. 60 de largeur sur 29m.40 de longueur. Ses murs sont conservés en partie jusqu'à une hauteur de q mètres, en sorte qu'on peut encore reconstituer l'aspect dota/mus scaenae fig.6861)'. Percée de cinq portes, elle n'avait qu'un seul ordre de colonnes en marbre blanc, les unes unies, les autres cannelées en spirale, de style composite et corinthien, hautes de 5 m. 83 (entablement non compris . Ces colonnes se dressaient sur quatre piédestaux placés entre les cinq portes, égaux en hauteur (1 rn. 20 et en saillie (1 m. 35 , mais de longueur très inégale. Les deux qui entourent la porte centrale ont, en effet, G m. 11 de longueur et portent chacun quatre colonnes espacées; les deux autres, qui n'ont que 1 m. 45, portent chacun une colonne et par derrière un pilastre. Au-dessus de la porte centrale l'entablement forme une ligne courbe concave, et au-dessus des autres portes une ligne brisée. Le proslcènion mesure 4 mètres de profondeur et est limité, à ses deux extrémités, par des parasL°ènia, c'est-à-dire par deux murs, construits en pierres de très grandes dimensions, sans autre ornement que deux moulures dans la partie inférieure. Le mur de sousscène, très bien conservé, présente un revêtement de pierres plates, décorées d'écussons et de panneaux qui imitent le travail de la menuiserie. Le pros/. è,nion avait environ 2 m. 45 de hauteur, mais ne dominait cependant que de 1 m. 85 le premier gradin, celui-ci étant lui-même surélevé de 0 m. 60 au-dessus du sol de l'orchestra. On ne saurait déterminer avec précision la date oit fut construit le théâtre de Termessos. Mais la simplicité relative de la décoration architecturale du mur de scène, la présence de parashènia très simples au lieu d'ailes richement décorées, enfin une inscription en l'honneur d'Auguste, tout cela nous reporte aux environs du 1°C siècle avant J.-C. 2. 2. Comparaison du the'dtre d'Asie Mineure arec les théâtres grec et romain. Le théâtre d'Asie Mineure constitue, avons-nous dit, un type intermédiaire entre le théâtre hellénistique et le théâtre romain. Il se rattache, en effet, au premier par ses dispositions essentielles 1° Les théâtres asiatiques sont généralement construits sur la pente d'une colline, et non en terrain plat, comme chez les Romains. 2° Leur cavea excède presque toujours les proportions d'un demi-cercle. 3° L'orchestra elle-même dépasse cette mesure. 4° Les parodoi •sont ordinairement des passages ouverts (et non des corridors voûtés, comme dans le théâtre romain), de sorte que la cavea et la sI. nè forment deux parties indépendantes. 50 Le bord du proskè,nion est toujours plus ou moins en arrière du diamètre de l'orchestra (au lieu de coïncider avec ce diamètre, comme dans le plan romain). Mais, d'autre part, le théâtre d'Asie Mineure diffère du type grec proprement dit par plusieurs caractères nouveaux : 1° Par la décoration somptueuse de la irons scaenae. Celle du théâtre de Termessos, qui ne comporte qu'un ordre de colonnes, est une des plus simples. Mais ailleurs elle se compose de deux ordres superposés, que surmontent de riches entablements (Aspendos, Pergè, THE 191 THE Aizani). La hauteur de ce mur est, en moyenne, d'une quinzaine de mètres; les colonnes du premier étage atteignent elles-mêmes 6 à 7 mètres d'élévation, et la porte centrale 5 à (i mètres. 2° Par l'aspect architectural de la façade extérieure. A un moindre degré que celle de la frons scaenae, la décoration de cette façade est néanmoins, en général, très riche. Citons celle de Pergè, qui a encore plus de 12 mètres de haut : primitivement ornée de colonnes, elle fut transformée plus tard en un nympheum, paré de cinq grandes niches'. Mais la plus imposante est celle d'Aspendos (fig. 6862), haute encore de plus de 23 mètres; avec ses cinq rangées d'ouvertures superposées, de taille et de forme diverses, dont les encadrements en pierre calcaire se détachent en vigueur sur le fond sombre du mur, elle produit une impression de grandeur et de robustesse2. 3° Par les dimensions et le mode de décoration du proslcènion. En ce qui concerne, d'abord, la hauteur, le proslcènion des théâtres asiatiques reste sensiblement au-dessous du proslcènion hellénistique : 1 m. 60 à Aspendos, 2 m. 45 à Termessos, 2 m. 50 à Patara, 2 m. 70 à Priène, 2 rn. 77 à Sagalassos, 2 rn. 30 au moins à Magnésie du Méandre, en moyenne donc 8 à 9 pieds. Par contre, le proslcènion d'Asie Mineure est en général beaucoup plus profond : 3 m. 60 à Aizani, 4 in. 30 à Termessos', 5 m. 70 à Sagalassos 5 m. 74 à Priène, 7 mètres à Aspendos et à Magnésie du Méandre. Enfin, la face antérieure du proslcènion asiatique ne consiste plus en une série de panneaux encadrés par des demi-colonnes : c'est un simple mur en pierre, dénué de tout ornement, ou qui n'a, du moins, que la décoration architectonique ordinaire d'un soubassement ('Termessos, Sagalassos, Termissos). 4° Par la différence de niveau entre le sol de l'orchestra et le premier gradin. Dans la plupart des édifices d'Asie Mineure les gradins, en effet, ne descendent pas jusqu'au niveau de l'arène ; ils la dominent de 0 m. 60 à Termessos, de 0 ni. 59 à Aspendos5, de 1m. 36 à L'attira, de 1 m. 50 à Sagalassos. Grâce à cette disposition, la différence d'élévation entre le scène et les spectateurs les plus bas placés se trouve plus ou moins considérablement rLduite. III. Lu TH ATRE RoMAIS. 1, Origines et développement du thédtre romain.Le premier genre dramatique qu'aient connu les Romains futl'atellane rATELLANAE 1 AliuL.An], laquelle, comme l'a prouvé E. Bethe °, n'est autre chose, en dernière analyse, que la farce péloponésienne, importée d'abord en Campanie et de là à Rome rn1.YAmiEs]. Or ce fait est fort important pour l'histoire de l'édifice théâtral. Il est naturel, en effet, de croire que les phlyaques, partout où ils immigraient, apportaient avec eux l'installation sommaire qui a été décrite plus haut [ibid., p. 435]. C'est donc sous cet aspect tout primitif que nous devons nous figurer le plus ancien théâtre romain. D'après Tacite, il faut distinguer, dans l'histoire de l'édifice théâtral à Rome, trois périodes'. A l'origine, c'est une simple estrade en bois, qu'on démolit immédiatement après la fête (scaena in tempus structa) ; quant au public, il se tient debout (stantem populum spectavisse). Dans la seconde période on ajouta à la scène des gradins, également temporaires et construits en bois (subitarii grades). Enfin, en 55 av. J.-C., Pompée fit bâtir le premier théâtre permanent en pierre (mansuram theatri sedem) s. En résumé donc, à Rome comme antérieurement à Athènes, le drame était en décadence, quand l'édifice atteignit sa forme définitive. Mais quel était, à la belle époque de la tragédie et de la comédie (c'est-àdire au cours du n° siècle av. J.-C.), l'état matériel du théâtre latin, voilà ce qu'il importerait avant tout de savoir. Depuis Ritschl 3, on a fait généralement commencer la seconde des trois périodes établies par Tacite en 145 seulement, avec les jeux triomphaux donnés par Mummius, le conquérant de la Grèce. Et il fallait, en conséquence, se représenter le théâtre latin, jusqu'au delà du temps de Térence (mort en 159), comme une installation des plus rudimentaires. Pas d'autre construction qu'une estrade en bois pour les acteurs (proscaenium), fermée en arrière par une cloison sans peintures (scaena). Aucune disposition spéciale en vue de'la commodité des spectateurs : ni bancs, ni gradins, mais un espace nu, simplement délimité par une barrière. Tout au plus était-il permis de supposer que la scène, pour que le spectacle fîrt visible à tous, était généralement établie au pied d'une colline, sur la pente de laquelle s'étageaient les curieux, debout ou assis par terre, à leur gré. Mais il semble aujourd'hui démontré que la date adoptée par Ritschl est trop basse d'au moins un demi-siècle 10. Le savant allemand fondait, en effet, son opinion sur le fait suivant": en l'an 155 av. J.-C., les censeurs ayant adjugé la construction d'un théâtre en pierre sur la pente du mont Palatin, un sénatus-consulte, rendu sur la proposition du consul Scipion Nasica, ordonna, pour cause de moralité publique, la démolition des travaux commencés et la vente aux enchères des matériaux. Le même décret portait, en outre, interdiction aux magistrats d'élever des gradins « dans la ville et en deçà de mille pas hors de la ville ainsi qu'au public de s'y asseoir. A la suite de cette interdiction, le public, dit Tite-Live, dut « pendant un certain temps » (aliquamdiu) se tenir debout aux représentations dramatiques. Or de ce texte M. Fabia12 conclut, contrairement à Ritschl, mais, selon nous, avec raison : 1° qu'antérieurement à 155 av. J.-C., la coutume existait déjà d'établir, sinon légalement, du moins par tolérance, des gradins en bois au théâtre ; 2° que la prohibition formulée dans le sénatus-consulte constituait, par conséquent, une réaction contre l'état de choses antérieur ; 3° que cette réaction fut de courte durée. De là ressort déjà un premier résultat : c'est que le théâtre du temps de Térence (sa carrière dramatique s'étend de 166 à 160) comprenait une cavea en bois. Mais on peut légitimement, à ce qu'il semble, reporter plus haut encore cette innovation. Les comédies de Plaute, en effet, renferment maintes allusions aux gradins du théâtre (subsellia)13.'l'ant que l'opinion de Ritschl a fait • T H E AT R.V M MARC E LL1. 1 THE 192 'l'I1E loi, il fallait bien considérer tous ces passages comme des remaniements postérieurs. Mais, cette prévention une fois écartée, les témoignages contenus dans l'oeuvre de Plaute reprennent toute leur valeur. Et, par suite, on peut fixer -aux environs de l'an 200 av. J.-C. l'installation de la première cavea en bois Quoi qu'il en soit, c'est l'hostilité systématique du Sénat à l'égard de toutes les importations grecques qui explique la lenteur des progrès matériels du théâtre latin. Bien avant Pompée nombre de tentatives avaient été faites pour établir à home un théâtre aménagé à la grecque. C'est ainsi qu'en 179 le censeur M. Aemilius Lepidus édifia, au Cirque Flaminius, pour les jeux Apollinaires, un Iheutrum et un prnsraeniam ; mais cette construction fut bientôt démolie'. Cinq ans après, les censeurs tirent bâtir une scène de pierre, destinée aux jeux que donneraient les édiles et les préteurs; peut-être cette scène subsistat-elle, auquel cas elle eût, constitué pour les magistrats, donateurs de jeux, un allégement de dépenses très sensible2. En 155 se place la tentative réprimée par Scipion Nasica. En 145' le vainqueur de la Grèce, Mummius, érigea pour la première fois à atome un théâtre complet en bois, construit à la grecque, mais qui fut démoli après les jeux'. Bien d'autres essais du même genre ont dû se produire, dont le souvenir ne s'est pas perpétué4. Enfin, en l'an 63 av. J-C., Pompée dota Rome de son premier théâtre permanent en pierre Deux autres théâtres en pierre furent édifiés en l'an 13 av. J.-C., l'un par Cornélius Balbus, l'autre par Auguste: du second, connu sous le nom de théâtre de Marcellus, les ruines subsistent encore (fig. 6863) 6. atome n'a jamais connu d'autre. théâtres prfnanents. Jusque sous l'Empire on continua, d'ailleurs, à construire des édifices temporaires en bois pour les fêtes publiques en divers quartiers de la ville'. Le plus ancien théâtre romain en pierre, celui de Pompée, était, nous apprend Plutarque, une copie, mais sur une plus grande échelle et avec plus de luxe, du théâtre de Mitylène dont Pompée, (lui l'avait beaucoup admiré, avait fait tout exprès lever le plan ". Mais auquel des deux types, hellénistique ou asiatique, se rattachait le théâtre de Mitylène ? Nous l'ignorons. Du reste, il est peu vraisemblable que le théâtre de Pompée fût la reproduction servile de l'original. Nous avons vu en effet, d'une part, que la première installation scénique qu'aient connue les Romains était le théâtre osque des phlyaques. Or ce théâtre, comme le prouvent les peintures de vases, avait un Ingeion bas (1 mètre environ), accessible en avant par un escalier 10. Comme ce double caractère, logéion bas et escalier, se retrouve dans le théâtre romain, il est à croire qu'il y avait là une tradition établie que l'architecte du théâtre de Pompée dut respecter. Mais il est une autre habitude romaine, dont il lui fallut également tenir compte. La loi avait attribué aux sénateurs des sièges d'honneur dans l'orchestra". Devenant dès lors le lien unique du spectacle, le logéion devait être considérablement élargi. Et nous voyons en effet, dans le diagramme de Vitruve, que le bord antérieur du logéion coïncide avec le diamètre de l'orchestra. En résumé donc, le théâtre latin est, essentiellement, une combinaison, à proportions très inégales toutefois, du théâtre osque et du théâtre grec d'Asie Mineure. Quant aux autres caractères qui ne dérivent pas de cette double origine, ils s'expliquent, soit par des besoins nouveaux, soit par le goût, naturel aux Romains, du fastueux et de l'énorme 12 2. Le tlmédtre de Pompéi. Entre les théâtres de type asiatique et ceux de type romain la transition est établie par un certain nombre d'édifices qui, participant TIIE 193 TIIE des deux à la fois, ne sauraient être rangés avec sûreté dans l'un plutôt que dans l'autre. Tel est, par exemple, le théâtre d'Aspendos, bâti, semble-t-il, vers le milieu du ire siècle ap. J.-C. Si sa cavea et son orchestra n'excédaient un demi-cercle, s'il n'était appuyé au flanc d'une colline, si son premier gradin n'était exhaussé sensiblement au-dessus de l'orchestra, il apparaîtrait par tous ses autres caractères, en particulier par sa richesse décorative et sculpturale, comme un magnifique exemplaire du théâtre romain (fig. 6862)1. Entre beaucoup d'édifices plus vastes et plus imposants (exemple : Orange 2), nous décrirons ici le théâtre de Pompéi, parce que ses dispositions principales se lisent encore très clairement. Il offre, en outre, cette particularité intéressante d'avoir été bâti au temps de l'indépendance osque et romanisé ensuite sous Auguste 3. Le théâtre de Pompéi est adossé, du moins en partie, à la pente de l'acropole (fig. 6864)'. Pour supporter les gradins supérieurs, qui dépassent la hauteur de la plate-forme formée par le sommet de la colline, on a dû bâtir une galerie voûtée (crypta). Contrairement aux habitudes romaines, la cavea constitue plus d'un demi-cercle : sa courbe, régulière à l'ouest, se continue à l'est par une tangente. Elle est divisée en trois étages. L'étage inférieur, qui n'a pas d'escaliers rayonnants, ne comprend que quatre gradins continus, très différents des autres : beaucoup plus larges et moitié plus bas, ils portaient sans doute les sièges d'honneur (bisellia) des grands personnages, principalement des décurions. Autour de cet étage courait la praecinctio, simple gradin plus élevé et plus spacieux que les autres, bordé en avant par un petit parapet de marbre qu'interrompaient trois escaliers de trois marches chacun. Divisé en sept eunei par 6 escaliers, le deuxième étage comprend 20 gradins de marbre, larges de 0 m. 39, dont les plus bas étaient sans doute, selon l'usage romain, réservés aux 1X. chevaliers. Au milieu du premier degré se dressait la statue, dédiée par les décurions à M. Holconius Rufus, l'un des restaurateurs du théâtre. Au-dessus de ce second étage s'élève le mur vertical de la galerie voûtée, percé de 6 portes, correspondant chacune à l'un des 6 escaliers. L'étage supérieur, établi sur cette crypte, ne comp tait, à ce qu'il semble, que 4 gradins ; il était entouré, à son sommet, d'une galerie, probablement à deux étages, reposant sur des arcs, à laquelle on accédait du dehors par 3 escaliers. Les voies d'accès à la cavea étaient multiples. On arrivait au premier étage par l'orchestra et ses parodoi. Les spectateurs de l'étage intermédiaire avaient le choix entre deux entrées : ou bien, après avoir pénétré de l'extérieur dans la crypte par 3 portes, ils débouchaient intérieurement par les 6 vomitoria dont nous avons parlé ; ou bien ils entraient par les parodoi, où s'offrait à eux un escalier menant à la praecinclio. Quant au dernier étage, on ne peut douter qu'il ne fût mis en communication avec la galerie supérieure par des vomitoria. Sous les ailes de la cavea, à leur point de jonction avec la scène, s'ouvrent des passages voûtés servant d'entrées à l'orchestra : ils supportent deux loges d'avant-scène (tribunalia) (fig. 6865'0. L'orchestra, qui était probablement occupée, au moins en partie, par des sièges d'honneur, forme un demicercle, prolongé par deux tangentes. Elle est accessible par les deux parodoi voûtées, dont il vient d'être question. Son aire est pavée de plaques de marbre. Deux petits escaliers de b marches chacun, à droite età gauche, la relient à la scène ou logeion. La scène n'a qu'un mètre environ de hauteur, 6 rn. 60 de profondeur et 33 mètres de longueur. Le plancher eu bois qui la recouvrait a disparu, tmais les trous destinés à recevoir les poutres qui le supportaient se voyaient naguère encore dans la frons scaenae. Dans le mur antérieur du proscaenium se creusent des niches, qui étaient probablement occupées par des statues 6. Entre ledit mur et un autre mur parallèle, situé en arrière, s'allonge un espace vide, creusé un peu au-dessous du niveau de l'orchestra : c'est dans cette cavité que venait, à ce qu'on suppose, se dissimuler le rideau [MACHINA, p. 1469] 7. Des 2J THE 194 THE couloirs latéraux mettent la scène en communication avec l'extérieur. La frons scaenae, construite en briques primitivement revêtues de marbre, était décorée de piédestaux, de colonnes et de niches. Elle a 3 portes, précédées chacune de deux marches ; celle du milieu occupe comme à Orange (fig. 6866 1), Arles, Herculanum, Aizani, Sagonte2, le fond d'un renfoncement semi-circulaire. Quant à la façade extérieure du bâtiment de la scène, elle offre également trois portes ; mais les deux latérales avaient été déjà murées dans l'antiquité. A quelque distance du théâtre, derrièrelascène, s'élevait un vaste portique carré (qui fut, à une certaine époque, utilisé comme caserne pour les gladiateurs). A l'ouest du théâtre s'étendait l'une des places de la ville, le forum triungulare, bordé de portiques. A l'est était un second théâtre couvert, ou odéon, de di mensions plus petites. Toutes ces constructions pouvaient fournir un abri au public, en cas de mauvais temps. D'autres dispositions avaient été prises en vue du bien-être et de la commodité des spectateurs. En haut du mur qui domine la summa cavea, on voit une série de pierres en saillie, percées d'une ouverture : dans ces anneaux de pierre s'engageaient les hauts mâts auxquels on fixait les cordages du voile destiné à tempérer l'ardeur du soleil. A l'angle nord-ouest du théâtre, là où le niveau du sol est le plus élevé, se remarque une tour, haute de 4 mètres, et large de 6 m. 70; elle servait, semble-t-il, de réservoir et fournissait l'eau que, pendant les grandes chaleurs, on répandait sur l'assistance en vapeurs parfumées. « Sparsiones, vela erunt », disent les affiches annonçant les jeux3. Enfin, sous l'un des escaliers qui, du dehors, montent à la galerie supérieure, se dissimulent des latrinae; deux autres locaux du même genre se trouvent aussi dans le voisinage. § 3. Caractères propres du théâtre romain. L'ensemble des caractères qui constituent le théâtre de type romain peut se résumer ainsi': 4° La figure de la cavea, de même que celle de l'orchestra, y forme exactement un demi-cercle. 2° La scène ne dépasse pas en moyenne. 1 m. 50 de hauteur; mais elle est, en revanche très large (13 m. 20 à Orange). 3° Un escalier (parfois deux), disposé sur le devant de la scène, la met en communication avec l'orchestra (Athènes, Magnésie du Méandre, Herculanum, Pompéi, Tusculum, Faleria). 4° La scène élargie obstruait, nous l'avons vu, ies anciennes parodoi. Les Romains furent ainsi amenés à y substituer des passages voûtés, ou vo mitoires, qui fu rent pratiqués de chaque côté sous le cuneus le plus rapproché de la scène. Pour cela on entailla les gradins du bas jusqu'à la hauteur néces saire ; quant à ceux du haut, ou -bien ils subsis tèrent;ou bien à leur place on établit, au-des sus de chaque vomitoire, des loges d'avant scène (tribuna lia) , destinées aux autorités. 5° Du même coup il devint (possible de relier à la cavea les ailes de la scène : et ainsi l'édit e, qui chez les Grecs se composait de deux parties indépendantes, acquit une véritable unité architectonique. 6° De plus en plus s'étendit l'usage de construire les théâtres non sur le versant d'une colline, mais en terrain plat. Il fallait dès lors, pour supporter la masse des gradins, de puissantes substructions voûtées. Sous celles-ci on établit des escaliers qui, de l'extérieur, aboutissaient aux portes pratiquées dans les murs verticaux de clôture des precinctions, et conduisaient aux divers étages de lacavea. 7° Au même goût de la grandeur et du faste répond le luxe croissant de l'ornementation architecturale. Non seulement on décore plus richement encore la frons scaenae, qui a parfois trois ordres superposés (Orange), et la façade externe de la scène (fig. 6867 °), mais mime le mur externe de la cavea (fig. 6863). Des rangées de colonnes et de pilastres d'ordres différents, interrompues par des fenêtres et des portes aveugles, et surmontées de riches entablements, y forment plusieurs étages : tout au haut règne intérieurement une galerie circulaire (Orange, théâtre de Marcellus) 6. THE 195 THE précédente du théâtre grec, on s'est à dessein abstenu de toute allusion à la destination du proskènion. C'est qu'aucune question n'est, à l'heure actuelle, plus controversée. Avant les fouilles de M. Dôrpfeld, personne ne mettait en doute la nette formule de Pollux : « La scène appartient aux acteurs, l'orchestra au choeur 2. » On se représentait donc, dans le drame grec, les acteurs et le choeur séparés en deux groupes distincts : le premier sur la scène ou proskènion, l'autre dans l'orchestra. Cette scène, on se la figurait telle que Vitruve l'a décrite, « moins large que celle du théâtre romain », et haute de 10-12 pieds 3. Il fallait bien, à la vérité, reconnaître que cette séparation locale des deux groupes n'était pas absolue, l'action dramatique nécessitant plus d'une fois leur réunion momen tanée sur un même plan. Mais, malgré tout, on estimait ces occasions assez rares"; et, pour les communications exceptionnelles entre acteurs et chœur, on admettait l'existence d'un escalier reliant le proskènion et l'orchestra G. Ces opinions traditionnelles sont aujourd'hui battues en brèche 7. Considérant, d'une part, la hauteur anormale (3 à 4 mètres) des proskènia mis au jour depuis une trentaine d'années$, d'autre part, leur étroitesse extrême (2 m. 50 à 3 mètres)', et enfin l'absence de toute trace d'escalier entre l'orchestra et la prétendue M. Dbrpfeld en conclut que le proskènion est matériellement impropre à la fonction qu'on lui a jusqu'à ce jour attribuée. A son avis, la place normale des acteurs grecs était sur l'orchestra, au bas du proskènion, dans la portion comprise entre celui-ci et l'autel. Les deux groupes d'exécutants pouvaient ainsi commu_ piquer librement, de plainpied, sans que d'ailleurs il résultât de leur rapprochement aucune confusion; car le choeur, ainsi que cela se fait de nos jours encore dans l'opéra, se rangeait en deux demi-choeurs à droite et à gauche. Et que devient, dans cette théorie, le proskènion ? La colonnade , qui, avec ses entrecolonnements remplis par des panneaux peints, forme sa façade antérieure, n'est autre chose que le décor devant lequel on joue. Construite d'abord en bois, puis (à partir du ne ou du ler siècle) en pierre, elle figure, un peu conventionnellement, une ou plusieurs habitations. Partout elle offre en son milieu une porte, ouais, de plus (comme le montrent des traces subsistantes, à Délos particulièrement), il était facile, par la suppression de deux pinakès, d'y ouvrir deux autres portes latérales 11. Quant THE 196 Tu E à la plate-forme qui surmonte le proskènion, c'est simplement le toit en terrasse de l'habitation devant laquelle se passe l'action ; les acteurs n'y paraissent donc que par exception, et surtout dans les rôles de divinités descendant du ciel (OEo))oyetov). Telle est, très succinctement résumée, la théorie nouvelle de M. Dôrpfeld. Mais elle n'intéresse pas seulement le théâtre grec. Par contre-coup, elle tend à modifier profondément nos idées sur l'origine du théâtre romain. Selon M. Diirpfeld, en effet, le logéion romain n'est pas né, comme on l'admet d'ordinaire', de l'abaissement et de l'élargissement du proskènion grec: il provient de la division de l'orchestra en deux parties de niveau différent. Lorsque le choeur, diminué en nombre comme en importance, ne fit plus que chanter, sans exécuter de danses, l'action put se concentrer désormais sur la partie de l'orchestra située entre le proskènion et l'autel, ofi s'étaient toujours tenus les acteurs2. Quant à la portion qui restait libre, elle fut utilisée de plusieurs façons différentes. Dans les théâtres romains, on y établit des sièges pour les sénateurs et autres personnages de marque ; mais en même temps, pour que ces sièges ne gênassent pas la vue des spectateurs assis aux premiers gradins, on la creusa d'environ 1 m. 50, ce qui eut pour résultat de prêter à l'emplacement des acteurs, demeuré pourtant sans changement, l'aspect d'une scène exhaussée 3. Dans les théâtres d'Asie Mineure, on transforma généralement cette moitié, devenue vacante, de l'orchestra en une arène pour les combats de gladiateurs, les représentations de mimes, etc. Pour cela, ou bien on creusa plus profond encore que dans les théâtres de type romain, de façon que le lieu des acteurs dominât de `2 ni. 50 aurai nimum le terrain de l'orchestra : ce qui permit l'établissement, sous la scène, d'un vaste local pouvantservirde salle d'attente aux gladiateurs et autres artistes, ou de loges pour les animaux féroces. Ou bien, au contraire, on suréleva dansles mêmes proportions le lieu desacteurst; mais alors, en compensation, 4 ou b des gradins inférieurs de la cavea furent supprimés, afin de ramener à la mesure normale d'un mètre et demi environ la différence de niveau entre la scène et le premier gradins. Quel que fût le procédé employé, l'acteur, dans les théâtres asiatique et romain, restait toujours sur le même emplacement que dans le théâtre grec, à la même distance du public, à la même hauteur au-dessus du premier gradin, devant le même mur à colonnes figurant le décor a. La partie, en effet, qui, dans ces théâtres, correspond à l'ancien proskènion grec, c'est la colonnade située derrière le logéion, en d'autres ternies le premier étage de la scaenae irons ; au-dessus de ce premier étage, les colonnes de l'ordre supérieur forment même en général un retrait, qui est un souvenir de l'ancienne plate-forme horizontale recouvrant le proskènion''. Ce n'est pas ici le lieu de discuter à fond la théorie de M. Dôrpfeld. Bornons-nous à faire le départ entre les résultats qui, dès à présent, semblent acquis à la science et ceux qui restent encore objet de controverse. lin point ofi l'accord est fait, c'est que, sur une scène telle que la décrit Vitruve, la plupart des drames du ve et du ive siècles, tant comédies que tragédies, n'auraient pu matériellement se jouera. C'est là un résultat important, niais tout négatif. De cette impossibilité M. Dôrpfeld a conclu que les acteurs grecs jouaient dans l'orchestra, au même niveau que le choeur. C'est dépasser le témoignage des faits. La seule chose démontrée, en effet (non par les fouilles, (lui ne nous ont rien appris sur le théâtre antérieur à 330, mais par le texte des drames conservés), c'est que la place respective des acteurs et du chœur, dans le théâtre grec du ve siècle, était telle qu'il n'en résultait aucune gène pour les relations des deux groupes. Or à ce postulat la solution, moins radicale, proposée par plusieurs savants, donne également satisfaction : selon eux, les acteurs grecs de l'époque classique auraient joué sur une estrade basse, assez THE 497 TIIE basse pour ne point entraver les communications entre les deux groupes, mais qui constituait cependant une sorte de délimitation idéale entre eux'Pour la période suivante le problème, il est vrai, se pose autrement. C'est le temps des proskènia du type vitruvien, d'abord en bois, puis en pierre. Ici, un moyen terme n'est plus possible. Ou bien les acteurs de ce temps jouaient à 3m. 30 de hauteur, ou bien ils jouaient au ras du sol, dans l'orchestra Et, dans cette seconde hypothèse, qui est celle de M. Dôrpfeld, le proskènion hellénistique n'était qu'un décor. Beaucoup des partisans mêmes de M. Dôrpfeld n'ont pas adhéré à cette seconde partie de sa thèse3. Ils estiment : 10 que Vitruve, ayant décrit avec une rigoureuse exactitude le,-proskènion, n'a pas pu commettre sur sa destination une erreur si grossière' ; 2° que par sa forme, sa décoration, ses dimensions mêmes, le proskènion était impropre, quelque complaisance d'imagination qu'on prête au public grec, à figurer avec quelque vraisemblance une ou plusieurs habitations privées, et a fortiori un temple ou un palais'. Reste donc que le proskènion hellénistique, en dépit de sa hauteur, soit une scène. Mais comment ce que nous ne jugions pas possible aux ve-1Ve siècles le serait-il. devenu dans l'âge suivant? C'est que, vers ce temps, le choeur dramatique fut, sinon supprimé, du moins considérablement diminué : en sorte qu'on put faire monter sur la scène le petit nombre de figurants auquel il était réduit'. Cette conception, si séduisante qu'elle soit, a cependant, il faut l'avouer, un point faible. Il ne suffit pas, en effet, d'expliquer comment l'élévation de la scène est, à une certaine date, devenue possible; il faudrait, de plus, nous montrer la nécessité, ou tout au moins l'utilité de cette élévation subite'. En résumé, il est sage, croyons-nous, de conclure que, sur la destination du proskènion grec, la lumière n'est pas faite encore. Et, en conséquence, le débat reste ouvert également sur les origines du logéion romain'. II. LES REPRÉSENTATIONS. 1. GRÈCE. Nées du culte dionysiaque, les représentations dramatiques, en Grèce, restèrent durant des siècles un acte de ce culte'. Ce n'est qu'à l'époque macédonienne que, cette signification religieuse s'étant peu à peu effacée, elles tendirent à devenir un divertissement purement profane et furent admises dans d'autres fêtes que celles de Dionysos 70. Il y avait, à Athènes, quatre fêtes annuelles de ce dieu. On célébrait au mois de Poseidéon (décembre-janvier) les Dionysies rus THE 198 THE tiques, en Anthestérion (février-mars) les Anthestéries, en Gamélion (janvier-février) les Lénéennes, en Élaphébolion (mars-avril) les Dionysies urbaines [DIONYSIA, p. 234, 235, 239, 241 sq.]'. Il paraît toutefois prouvé que de l'une de ces solennités, les Anthestéries, le drame fut toujours absent. A la vérité Plutarque fait allusion à un concours de r0n8.wôo( qui aurait eu lieu le jour des Chytres; mais il s'agit là, presque certainement, d'un concours de déclamation entre comédiens, non de repré sentations comiques [COstoEDsA, p. 1418; MSTRIO, p. 213]. Dans les trois autres fêtes le drame tenait une place, plus ou moins brillante [DIONYSIA, Ll. 1.; COSIOEDIA, p. 1417 ; TRAGOEDIA]. C'est dans la 61e Olympiade (536-3), et probablement aux Grandes Dionysies, que se produisirent les premiers concours de tragédie2. Quant aux concours de comédie, il a été récemment établi qu'ils ne furent introduits à cette même fête qu'un demisiècle environ après, c'est-à-dire vers 488 3. La chronologie des concours dramatiques aux Lénéennes est moins exactement fixée. Ce qui est sûr, c'est qu'ils y prirent place officiellement beaucoup plus tard qu'aux Grandes Dionysies. Le concours des poètes comiques y eut lieu pour la première fois vers 4484; mais celui des poètes tragiques n'y est attesté qu'à partir de l'an 41.6 6. On a exposé ailleurs les règlements des divers concours dramatiques, la durée des représentations, l'ordre probable dans lequel tragédies et comédies se succédaient, le nombre des poètes admis à concourir, le nombre et la nature des pièces présentées [DIONYSIA, p. 241, 213-4; nisriro, p. 213]. Ajoutons seulement, en ce qui concerne les reprises de pièces anciennes [mONYSIA, p. 241; nroNYSracl ARTIFICES, p. 248], un renseignement chronologique dû à de récentes découvertes; cette innovation eut lieu aux Grandes Dionysies, pour la tragédie en 386 6, pour la comédie en 339 '. L'organisation des spectacles dramatiques regardait l'État ou les dèmes. A l'archonte éponyme était confiée la direction des Grandes Dionysies, à l'archonte roi celle des Lénéennes. Les démarques exerçaient, aux Dionysies rustiques, la même fonction dans chaque dème $. Seules, les Dionysies du Pirée n'étaient pas seulement la fête locale d'un dème, mais une fête commune de la cité : l'État contribuait aux dépenses [vloNYsIA, p. 234]. Les préliminaires d'un concours dramatique formaient un ensemble complexe d'opérations : 10 désignation officielle des chorèges [CnoREGIA, p. 1117; DIONYSIA, p. 245-6; cf. AGONOTuETES]; 20 désignation des poètes; 30 désignation des protagonistes [IIrsTmo, p. 212]; 4° groupement des chorèges, des poètes et des protagonistes [IUSTRIO, p. 213 sq.]; 5° désignation des juges du concours [moNYsln, p. 244]; 6° proago'n, exhibition ou annonce du concours [DroNYSIA, p. 242]'. Ces opérations ont été en grande partie décrites dans des articles précédents : il suffit d'y renvoyer,Contentons-nous d'insister sur l'unique point qui n'a pas été suffisamment traité : le mode de désignation des poètes. Les poètes tragiques ou comiques qui désiraient prendre part aux concours athéniens adressaient leur requête à l'archonte compétent : cela s'appelait « demander un choeur » (aiTeiv 7opôv). Comme, parmi les dramatiques d'Athènes que nous connaissons, beaucoup sont d'origine étrangère, il faut admettre que l'on n'exigeait pas des candidats la qualité de citoyen 70. Il ne semble pas non plus qu'aucune condition d'âge ait été imposée' 1. Les éphèbes, il est vrai, pendant qu'ils tenaient garnison hors d'Athènes, étaient exclus du concours ; toutefois ce n'était pas là une interdiction spéciale, mais une simple conséquence de la défense générale qui leur était faite de s'absenter, pour quelque motif que ce fût, de leur garnison". Il est a priori évident (quelques textes, malheureusement trop peu précis, témoignent, du reste, en ce sens13) que la désignation des poètes concurrents était précédée d'un examen comparatif des oeuvres proposées. Mais sous quelle forme avait lieu cet examen? Rien n'autorise â croire qu'il existât un comité officiel de lecture. Légalement, l'archonte était sans doute juge unique et souverain', Mais, comme il était le premier intéressé à ce que la fête organisée par ses soins réussit brillamment, on peut être assuré qu'il prenait généralement conseil des personnes compétentes. Ajoutons que sa responsabilité même était gravement engagée ; car une assemblée spéciale, tenue au théâtre le surlendemain des Grandes Dionysies, discutait et jugeait sa gestion 16. Dans ces conditions les injustices criantes devaient être assez rares. Nul doute, en revanche, que les renommées déjà établies, les victoires antérieures n'exerçassent sur les choix de l'archonte une grande influence ts. A en juger d'après le nombre des drames qui lui sont attribués, Eschyle aurait concouru, en moyenne, une fois tous les deux ans, Sophocle même un peu plus fréquemment. Le poète dramatique, à l'origine, était surtout un entrepreneur de spectacles. Des noms donnés aux anciens poètes, ôp-y.6Ta(, ôiicinxx%,ot (maîtres de ballet, instruc teurs), on peut même induire que la composition du texte n'était pas regardée comme la plus importante de leurs fonctions". Aux débuts du ve siècle, cette complexité d'attributions subsistait encore intacte : Eschyle fut à la fois poète, compositeur, maître de danse, régisseur, protagoniste1R. L'activité des poètes alla ensuite diminuant progressivement. Sophocle, le premier, se THE 199 THE dispensa, à cause de la faiblesse de sa voix, de tenir les principaux rôles dans ses pièces'. Un peu plus tard, les poètes renoncèrent à diriger les répétitions de leurs choeurs. Les choreutes n'étant pas généralement des professionnels, c'était une tâche très lourde, qui exigeait des mois d'apprentissage minutieux. Tandis qu'Eschyle et Sophocle avaient pris encore une part active à cette préparation technique 2, il y a apparence au contraire qu'Euripide n'y intervenait déjà plus personnellement. En tout cas les auteurs dramatiques du Ive siècle se confinèrent de plus en plus dans la partie purement littéraire de leur métier, abandonnant l'instruction des choeurs à des agents spéciaux qu'on nomma Ù'noôl8erx),ot Nous n'avons pas à décrire ici le cadre matériel des représentations. Les éléments de cette description se trouvent dans divers articles, déjà publiés, auxquels nous renvoyons le lecteur. Pour les machines, on se reportera à l'article MACIIINAE; pour les costumes et attributs, aux articles I11sTRIO (p. 217 et 221) et CoTnURNUS pour les masques, au mot PERSONA. Il nous reste cependant à traiter des décors, dont il n'a été question jusqu'ici qu'incidemment [cumins, p. 1120 ; nisTRlo, p. 216 ; MACHINA, p. 1468]. Vitruve a décrit sommairement les trois variétés de décor usitées, de son temps, au théâtre : décors tragique, comique, satyrique'. En ce qui concerne le premier, nous apprenons qu'il était « composé de colonnes, de frontons, de statues et autres ornements royaux », en d'autres termes qu'il offrait l'aspect d'un palais. Mais cet état typique était le terme extrême d'une longue évolution. C'est par les quatre plus anciennes pièces d'Eschyle que nous pouvons reconstituer le décor primitif de la tragédie'. A cette date on n'avait pas eu encore l'idée de figurer, au moyen d'une cloison percée de portes, la façade de la demeure où se passe l'action. Dans les Suppliantes, le décor consiste simplement en un autel, dans les Perses (472) en un tombeau, dans les Sept contre Thèbes (467) en un autel, situé peut-être entre deux tours, dans le Prométhée en une cime de rocher'. Nul doute que tous ces objets ne fussent massifs (c'est-à-dire représentés par une charpente solide) et de proportions monumentales : c'étaient donc ce qu'aujourd'hui nous appelons des praticables. Dans ce système le décor et la tente d'habillement (exrwrl) restaient deux choses distinctes; et les personnages étaient supposés venir du dehors pour se réunir sur le lieu de l'action. Mais, moins de dix ans après les Sept, nous constatons dans l'Orestie un décor de nature toute différente. Ici le lieu de l'action est d'abord un palais (Agamemnon, Choéphores), puis un temple (Euménides), d'où sortent et où rentrent les acteurs. Ce qui revient à dire que désormais décor et skènè ne font plus qu'un. Le décor de l'Orestie, ce n'est autre chose que la paroi antérieure de la tente d'habillement, aménagée de manière à figurer la façade d'un palais ou d'un temple. Il est probable que, dès ce temps, la peinture aidait à l'illusion. Aristote, il est vrai, en attribuant à Sophocle l'invention des décors peints (x r,vo rp«c, (x), semble placer ce progrès un peu plus Lard 7. Mais Vitruve, d'autre part, affirme qu'Agatharchos de Samos, peintre renommé du v° sièle, avait le premier exécuté pour Eschyle une scène (scaena) s. Ces deux traditions ne sont pas, au fond, inconciliables : il se peut qu'à Sophocle revienne l'honneur de l'invention (il écrivait déjà depuis une dizaine d'années pour le théâtre, lors de la publication de l'Orestie), mais qu'Eschyle l'ait immédiatement mise à profit On ne saurait, en revanche, ajouter une foi entière à ce qu'ajoute Vitruve dans la suite du même passage. A l'en croire, Agatharchos ayant publié un commentaire écrit sur son oeuvre, cet exemple aurait suggéré à deux illustres physiciens, Anaxagore et Démocrite, l'idée d'un traité oit ils « enseignaient les moyens de peindre sur une surface plane des édifices, soit saillants, soit fuyants ». Mais ce que nous savons de la peinture grecque au temps d'Agatharchos ne nous permet guère de croire que ce peintre ait connu et pratiqué les lois de la perspective. Tout au plus doiton penser que, dans la représentation des objets matériels, la peinture servait déjà à rendre, par des teintes plates, la couleur réelle des choses 10. Cependant il reste incontestable que l'art de la décoration et, par conséquent, de la perspective théâtrales fit de très rapides progrès, car nous trouvons, dès la fin du ve siècle, des peintres, Apollodoros d'Athènes et Clisthène d'1 rétrie, qui font métier de skènographes, c'est-à-dire de peintres de décors ".L'usage de la toile de fond, dans le théâtre grec, date donc au plus tard de cette époque". L'ensemble des décors que réclament les tragédies conservées peut se ramener à quatre types principaux. 1° Le temple. Ce décor semble avoir consisté généralement en trois parties : au centre, le temple proprement dit; des deux côtés, des annexes, qui variaient selon les circonstances (habitation des prêtres, bois sacré, mur du téménos, etc.) 13 Le temple de l'Ion d'Euripide, qui est, décrit dans la pièce avec assez de détail, peut nous donner une idée de ce genre de décor. Il offrait un portique à colonnes, exhaussé sur des degrés, sous lequel se dressait l'autel d'Apollon ". La décoration sculpturale en était très riche : elle représentait, entre autres sujets, deux groupes (Héraclès et l'hydre, Bellérophon et la Chimère), et trois scènes de Gigantomachie 16. 2° Le palais. Dans le théâtre grec, temple et palais ne différaient guère. Cette quasi-identité tient sans doute, comme l'a supposé M. E. Reisch, à ce que, dans la démocratique Athènes, il n'existait point de véritables demeures princières, pouvant servir (le modèles : en conséquence de quoi on adapta à cet usage le temple 16. Les palais de théâtre se composent ordinairement de trois parties, ayant chacune une porte : la demeure THE 200 THE royale, au centre; d'un côté, l'appartement des femmes; de l'autre, l'appartement des hôtes. Telle est déjà la disposition du palais dans les Clcoèphores 1. A l'occasion, les deux annexes latérales que nous venons d'indiquer pouvaient être remplacées par quelque autre, mieux appropriée aux circonstances ; c'est ainsi que, dans Andromaque, on voyait sur l'un des côtés un sanctuaire de Thétis 2; dans les Bacchantes, d'un côté le mur de clôture d'un terrain sacré, et de l'autre une écurie3. Les textes signalent en outre l'existence d'un étage supérieur', la hauteur et l'aspect imposant des portes la richesse ornementale de l'ensemble : colonnes, triglyphes etc. 3° La tente. Ce décor, moins fréquent que les précédents, se rencontre encore cependant dans cinq des pièces conservées (Ajax, Hécube, Troyennes, Iphigénie à Aulis, Ilhesos). Dans toutes il s'agit de la tente militaire d'un roi. Il faut se représenter un baraquement en bois, mais spacieux, orné peut-être par devant (comme déjà chez Homère) d'un portique, et probablement flanqué, à droite et à gauche', de tentes plus modestes pour les femmes et les serviteurs. Le paysage rustique ou marin, représentant des chaumières, bosquets, cavernes, rochers (Philoctète et Œdipe à Colone de Sophocle, Électre d'Euripide). Sur cette variété de décor, usitée particulièrement dans le drame satyrique, voir SATYRICUM DRAMA, p. 1105. La scène comique, dit Vitruve, « présente l'aspect de maisons privées, avec des balcons et des fenêtres ayant vue sur le dehors, à la manière des habitations ordinaires » 9. A cette description générale correspond assez exactement déjà, quatre siècles auparavant, le décor qu'on est en droit d'imaginer pour la plupart des comédies d'Aristophane 19. Mettons, tout d'abord, à part les Oiseaux dont l'action se passe, par exception, clans un cadre satyrique". Les l;cclésianouses demandent, comme décor,trois maisons côte à côte 12 ; les Nuées deux, les Chevaliers, les Guêpes et le Ploulos une seule 13. Dans Lysistrala, il faut imaginer deux maisons et, au milieu, entre elles, le rempart et la porte de l'Acropole 1'; dans les Thesmophorianouses, le temple de Déméter et la maison du poète Agathonl". Mais il reste trois pièces dont la mise en scène, si l'on prenait à la lettre les allusions du texte, eût été aussi savante que compliquée. Tels sont, d'abord, les Acharniens, dont l'action se passe successivement à la ville (en trois endroits différents, sur la Pnyx, devant la maison d'Euripide, devant celle de Lamachos) et à la campagne (devant la maison du paysan Dicéopolis). La Paix offre, semble-t-il, des difficultés plus graves encore; car, tandis qu'au début et à la fin de la pièce nous sommes sur terre devant le logis de Trygée, le milieu nous transporte au ciel devant le palais de Zeus. De même encore l'action des Grenouilles voyage du temple d'Héraclès, sur la terre, au palais d'liadès dans les enfers. Il n'y a lieu cependant, dans aucun de ces trois cas, de supposer ni décor merveilleux, ni changements à vue [MACHINA, p. 1468]. Le plus vraisemblable est qu'on recourait tout uniment au décor simultané ou juxtaposé. Les divers lieux oû devait se transporter l'action au cours de la pièce (c'est ce qu'au moyen âge on appellera des mansions) étaient d'avance figurés côte à côte sur la scène. Et l'on voyait ainsi voisiner la ville et les champs, la terre et le ciel ou les enfers. Par conséquent, il est probable que dans les Acharniens le décor était permanent et se composait de trois maisons juxtaposées (au milieu celle d'Euripide, à droite et à gauche celles de Lamachos et de Dicéopolis) et de quelques bancs, à droite, figurant la Pnyx. Le décor de la Paix, tout aussi simple, comporte deux maisons : l'une est la demeure terrestre de Trygée; l'autre, placée peutêtre à un niveau légèrement supérieur, est le palais céleste de Zeus 16. Enfin on voyait dans les Grenouilles deux maisons encore : à droite, celle d'Héraclès ; à gauche celle de Pluton. Les maisons de comédie sont le plus généralement contigués ; quelquefois cependant une ruelle (ikioç) les sépare 17. Comme dans la réalité, elles ont un étage supérieur", avec des fenêtres 19 (probablement aussi des balcons20) et un toit plat praticable 21. Devant chacune se dresse l'autel d'Apollon Agyieus 22. Dans la comédie nouvelle le décor que nous venons de décrire devient typique et à peu près immuable. La plupart des comédies de ce temps ont pour cadre une rue ou une place publique, bordée de maisons particulières, doit sortent el, oit rentrent les personnages intéressés à l'action 23 [cf. CoMoEDIA, fig. 1881, 1882; HISTRto, fig. 3858, 3862 ; PIILVAIOES, fig. 5632, 5633]. Sur le décor du drame satyrique voir sATYRICU_M DRAMA, p. 1105. De même que l'interprétation de nos opéras modernes, celle de tout drame grec était une chose très complexe et qui exigeait le concours de plusieurs arts : 10 exécution vocale, c'est-à-dire déclamation, chant et récitatif [CANTICUM, p. 894; Cu -t us, p. 1122; HISTEIO, p. 227 ; cf. 211-212; 2141: 2° musique [éluslcA, p. 2081]; 3° danses et évolutions [enoxus, p. 1121-1125; SALTATIO, p. 104110444]. Nous nous bornons ici à renvoyer aux articles spéciaux. Les spectacles dramatiques, à Athènes, commençaient dès le lever du jour''. On s'y rendait en habits de fête et la tète couronnée 26. Les personnages honorés de la proe'drie [PROEDRIA] étaient conduits à leur place processionnellement et en corps 28. Des emplacements distincts étaient, en outre, réservés aux membres de la Boulé (-o mH si201 -_PHe aux étrangers et aux juges du concours 3. Toutes les autres places étaient accessibles à qui avait payé les ffiKON]. La question, longtemps controversée, de savoir si les femmes étaient admises au théâtre paraît aujourd'hui définitivement tranchée dans le sens de l'affirmative. Voyez sur ce point l'article COMOEDIA, p. 1418''. On trouvera dans ce même article des indications sur la façon dont les places étaient réparties entre cette foule immense de spectateurs 6 que Platon évalue à 30000 6. Après un certain nombre de cérémonies préliminaires [DIoNYSTA, p. 244], la séance s'ouvrait par une lustration faite avec le sang d'un jeune porc'. Le sort décidait de l'ordre dans lequel seraient joués les poètes concurrents'. Le commencement de chaque pièce était annoncé par le son de la trompette". Comme les séances se prolongeaient jusque dans l'après-midi, il fallait manger et boire pendant le spectacle 10. Parfois les chorèges ou des particuliers généreux faisaient circuler des gâteaux et du vin" Sur les manifestations extérieures, en général plus bruyantes que de nos jours, par lesquelles la multitude exprimait ses sentiments de sympathie ou d'hostilité, voyez COMOEDIA, p. 1418. La police de la salle était faite par les rhabdouques [BnABDOU101011, agents armés de verges qui siégeaient sur la tligméle, le visage tourné vers le public. Pendant la représentation, le poète, à ce qu'il semble, se tenait à l'intérieur de la skènè, ou, comme nous dirions, dans les coulisses'1'. A la fin du concours avait lieu le classement des poètes concurrents, prononcé au scrutin secret par les juges désignés. Les opérations complexes de ce classement ont été exposées à l'article DIONYSIA, p. 2411-3. Dans chaque concours, tragique ou comique, trois prix étaient décernés : au poète, au chorège, au protagoniste vainqueurst3. La récompense des poètes avait, dit-on, consisté à l'origine en des dons en nature. Le poète tragique remportait un bouc; le poète comique un panier de figues et une jarre de vin". A l'époque classique, le prix officiel de poésie dramatique ne fut plus qu'une simple couronne de lierre, proclamée par le héraut et que le poète recevait de l'archonte en plein théâtre'". Mais avec le prix, qui était le privilège du vainqueur, il ne faut pas confondre les honoraires. Ceuxci étaient touchés par tous les poètes qui avaient concouru, et semblent avoir été porportionnels au rang mérité par chacun d'eux". Vers la fin du ve siècle, sur la proposition de deux trésoriers publics, Archinos et Agyrrhios, qui se vengeaient ainsi d'injures personnelles, le salaire des poètes comiques fut abaissé". Quant au prix du chorège, IX. on a longtemps admis que, dans les concours dramatiques aussi bien que dithyrambiques, c'était un trépied d'airain. Mais cette assimilation était erronée : il est aujourd'hui reconnu que tous les textes où il est fait mention d'un trépied ont trait exclusivement à des concours dithyrambiques 18. Comme le poète dramatique, son chorège ne recevait sans doute qu'une guirlande de lierre. Et telle était aussi, probablement, la récompense du protagoniste vainqueur. Mais chaque protagoniste touchait, en outre, de l'État une rétribution en argent La fête des Grandes Dionysies était clôturée par une assemblée du peuple, qui se réunissait le surlendemain au théâtre même, et dans laquelle on examinait la gestion de l'archonte20. On v votait aussi des éloges, des couronnes, des statues aux magistrats qui, par leur activité et leur zèle, avaient contribué à l'éclat des concours, par exemple au Conseil des Cinq cents, aux épimélètes, à l'agonothète 21. Inversement, les plaintes (7rpobo).zO y étaient reçues contre ceux qui avaient commis quelque délit relatif à la fête92. C'est une plainte de ce genre que porta Démosthène contre Midias. A la suite de chaque concours l'État en consignait les résultats dans des procès-verbaux qui restaient aux archives. A une époque qu'il est difficile de déterminer (peut-être dès le milieu du Ive siècle), ces procès-verbaux furent transcris sur des stèles de marbre qu'on exposa, les unes sur l'Acropole, le plus grand nombre aux abords du théâtre. Par la suite on prit soin, à intervalles irréguliers, de compléter et de tenir au courant ces copies23. Les fouilles en ont rendu à la lumière un certain nombre [DIDASKAI.IA]. La suite de ces documents constituait les fastes complets du drame attique. C'est Aristote qui le premier en comprit le haut intérêt et qui les publia avec notes et éclaircissements. Ses Victoires dionysiaques et leneennes et ses Didascalies dérivaient directement de cette source". C'est là aussi que Callimaque avait trouvé les éléments de son Tableau chronologique des didascalies depuis l'origine2". Ératosthène et son élève Aristophane de Byzance y avaient également puisé pour écrire, l'un son grand traité Sur l'ancienne corn(die2É, l'autre pour rédiger ses Arguments (`17rx laEt.t), mis en tête des drames des tragiques, sa Liste des draines, son livre Contre les tableaux de Callimaque. Il faudrait citer beaucoup d'autres noms encore : Carystios de Pergame, auteur d'un livre Sur les didascalies, Cratès, etc...27. De toutes ces recherches il ne reste plus, malheureusement, que quelques fragments épars dans les arguments et les scolies des drames subsistants; débris infiniment précieux, car c'est grâce à ce petit THE 202 -.s THE groupe de faits et de dates authentiques que la science moderne peut encore reconstruire, dans ses traits généraux, le développement historique du drame attique. Rien de plus honorable pour un citoyen athénien qu'une victoire chorégique '. Aussi les chorèges se préoccupaient-ils d'en perpétuer le souvenir par un signe matériel. C'était l'usage, à la suite d'une victoire dithy rambique, de consacrer à Dionysos le trépied d'airain décerné par l'État, en l'exposant au haut d'une colonne ou d'un édicule qui lui servait de piédestal (fig. 6868) 2. La guirlande de lierre que recevaient les chorèges dramatiques était, naturellement, tout à fait impropre à un tel emploi. C'est pourquoi les ex-voto de ces chorègesprésentent plus de variété 3. Peut-être offrait-on 7 parfois, à la place de la couronne de lierre, une imitation de cette couronne en métal précieux. Mais la pratique la plus commune, au v° siècle, consistait à exposer une plaque de marbre, décorée de bas-reliefs ou de peintures, avec inscription dédicatoires. Le luxe des ex-voto scéniques alla, du reste, croissant. Dans une inscription de la première moitié du Ive siècle, nous voyons trois chorèges de la même famille faire hommage à Dionysos d'une statue et d'un autel'. Plus fastueux encore était le monument, haut d'environ 4 m. 50, élevé en 306 par l'agonothète Xénoclès5. Enfin une autre forme d'offrande, spéciale peut-être à la chorégie comique, consistait à consacrer l'équipement du choeur, ou du moins certaines pièces caractéristiques de ce costume, telles que couronnes, masques, accessoires A tous ces monuments étaient jointes des dédicaces. Le nombre des inscriptions chorégiques rassemblées au Corpus est considérable. Mais la plupart se rapportent au dithyrambe, non au drame'. Les dédicaces dramatiques se reconnaissent à cc signe constant que le nom de la tribu n'y figure pas : omission qui atteste leur caractère purement privé'. Il n'est pas douteux que, comme les chorèges (mais cependant d'une façon moins constante), les poètes et les acteurs vainqueurs n'aient aussi consacré des ex-voto. Le théâtre grec avait été conçu exclusivement en vue des représentations dramatiques et dithyrambiques. Mais, comme il ne servait, chaque année, que pendant quelques jours à cet usage, et que, par sa forme, il était excellemment approprié à recevoir des foules, on comprend que l'habitude se soit introduite d'y tenir les assemblées populaires (ixx)ir c x i v ~1u 6Extipv°) 10. Dès l'époque classique avait lieu, nous l'avons vu, à la suite des Grandes Dionysies, une assemblée, en quelque sorte religieuse, au théâtre, où l'on délibérait sur les incidents de la fête". C'est probablement ce précédent qui donna l'idée d'utiliser l'édifice pour d'autres réunions du peuple. On trouve quelques cas isolés d'assemblées extraordinaires tenues au théâtre dès le v" siècle (par exemple, lors de l'abolition de la tyrannie des Quatre cents") et au Ive (par exemple, à l'occasion de la prise d'Ilatée par Philippe, en 377 13). Mais ce n'est qu'à dater du milieu du siècle suivant que l'usage devint régulier"Cet emploi du théâtre est également attesté dans d'autres cités qu'Athènes'', et il était devenu général, au temps de Cicéron'. De quel endroit parlait l'orateur ? Certains textes, qui ne sont pas toutefois décisifs, laissent croire qu'il se tenait, non sur le proskénion, mais sur une tribune en bois élevée à cet effet dans l'orchestra''. Le théâtre fut également utilisé, à partir d'une certaine époque, pour des luttes et exhibitions de toute sorte, qui n'avaient aucun rapport avec l'art scénique. Dès les débuts du ve siècle on y avait donné des combats de coqs 1s. Plus tard on y vit des charlatans, avaleurs de sabres, montreurs de marionnettes, prestidigitateurs, etc. 19. Enfin, à l'époque romaine, les combats de gladiateurs, les chasses aux bêles, les naumachies en bannirent le draine20 et nécessitèrent même des remaniements de l'orchestra. Voyez plus haut, p. 196. IL Ro3IE. A Borne même, les jeux scéniques, bien qu'ils eussent perdu tout lien avec le culte de Bacchus, ne se laiciserent point complètement. Ils ne se produisaient guère, en effet, que dans les fêtes en l'honneur des dieux. Celles-ci peuvent se diviser en fêtes annuelles et fêtes extraordinaires {LUDI, p. 1370]. Les premières étaient au nombre de sept 2' : 1° Les ludi Romani, magni, maximi (septembre). Les spectacles scéniques y avaient été importés d'Étrurie, en 364, sous forme de pantomimes. En 240 la tragédie et la comédie grecques y firent leur apparition, avec Livius Andronicus. C'est là qu'en 161 fut représenté le Phortnion de Térence. 2° Les ludi plebeii (novembre). Presque dès THE l'érection des théâtres en pierre. Pour subvenir à tant de charges l'allocation octroyée par l'État était très insuffisante, et cela d'autant plus que les donateurs de jeux, dans un but de popularité, luttaient de prodigalité intéressée. Souvent on s'endettait, parfois même on se ruinait, quitte à se dédommager largement ensuite par des extorsions dans les provinces. Le mal sévit surtout durant les deux derniers siècles de la république. 11 continua, bien qu'en de moindres proportions, sous l'empire. Ce qui le modéra, ce furent bien moins les prescriptions restrictives des empereurs que la défaveur progressa e des jeux scéniques au profit des combats de gladiateurs ''. Aux chefs de troupes (dominus gregis revenait, à Rome, le principal rôle dans l'organisation des spectacles scéniques. Ils étaient, en fait, de véritables entrepreneurs de spectacles. C'est à l'un deux que s'adressait le donateur de jeux, pour le choix et l'achat de la pièce. Le chef de troupe surveillait en outre les répétitions, cumulant ainsi les fonctions de directeur, d'acteur principal, de régisseur. Pour plus de détails voyez nlsrlllo, p. 221.. Bien moindre était l'importance du poète (scriba) 5. Il ne fournissait que le texte. Quant à la musique et à la danse, elles n'étaient pas son oeuvre, mais celle d'un compositeur spécial (modos facere, modulari). C'est ainsi que, d'après les didascalies, Plaute eut recours, pour la partie musicale de ses oeuvres, aux talents de Marcipor, esclave d'Oppius, Térence à ceux de Flaccus, esclave de Claudius °. Le poète n'était pas davantage, nous venons de le voir, régisseur. Tout au plus peut-on croire, d'après une allusion du prologue de l'Ileautontimdrouménos, qu'il intervenait dans la distribution des rôles. Soucieux avant tout du succès, la plupart des directeurs se préoccupaient beaucoup plus, dans le choix des pièces, des goûts du public que de la valeur littéraire des oeuvres. Ils avaient également un faible, nous dit Cicéron', pour celles qui étaient de de nature à mettre en relief leur talent d'acteur. Quelquefois cependant des personnes compétentes étaient consultées. Au temps de Cicéron, Sp. Maecius Tarpa exerçait, plus ou moins officiellement, la fonction de censeur ou critique des ouvrages dramatiques'. Déjà Térence, lorsqu'il avait voulu faire jouer son Andrienne, avait été renvoyé pour examen à un connaisseur, le vieux poète Caecilius Nous n'avons aucune indication précise sur les honoraires touchés par les poètes. C'était, du reste, ce salaire qui nuisait à leur considération, toute profession mercenaire passant, aux yeux des Romains, pour déshonorante. Ainsi s'explique que, pendant la période la plus florissante du théâtre latin, les auteurs aient été presque exclusivement des étrangers ou des affranchis : Livius Andronicus, Ennius, Haute, Térence. Sur les concours entre acteurs (et peut-être entre poètes), ainsi que sur les prix et les récompenses qui leur étaient attribués, voir 111sTRro, p. 225. Les représentations dramatiques à Rome n'étaient, dans leur ensemble, qu'une copie des représentations grecques. Nous renverrons donc, sur ce point, le lecteur aux articles spéciaux déjà signalés plus haut [cASriculu, THE 203 leur création (vers 220) on y donna des pièces de théâtre ; c'est ce qui résulte de la didascalie du Stichus de Plaute, joué en 200. 3° Les ludi Ceriales (avril). Nous n'y trouvons aucune mention de jeux scéniques avant la période impériale. 4° Les ludi Apollinares (juillet). Dès son origine (212) cette fête fut tout entière scénique. 5° Les ludi ilegalenses (avril). Les jeux scéniques y prirent place régulièrement à partir de 194. 6o Les ludi florales (avril). Les spectacles scéniques y consistaient, à ce qu'il semble, exclusivement en mimes. 7° Les ludi Palatini (janvier). C'était une fête privée de la maison impériale en l'honneur du numen Augusti, à laquelle n'étaient conviés que des personnages de très haut rang'. Parmi les fêtes extraordinaires on peut citer principalement les suivantes 2: 1° Les jeux votifs, voués aux dieux, par exemple avant ou pendant une guerre. Il n'est pas prouvé que les spectacles scéniques y aient été admis avant l'empire. 2° Les jeux dédicatoires, par exemple à l'occasion de la consécration d'un théâtre. 3° Les jeux triomphaux ; c'est, aux jeux triomphaux d'Actium que fut représenté le Thyeste de VTarius. 4° Les jeux séculaires, dont les représentations théâtrales faisaient leprincipal ornement [sAECUL.ARES r.uvf]. 5° Lesjeux funèbres, qui consistaient uniquement en ces représentations. C'est aux jeux funèbres de Paul-Émile, célébrés en 160avant J.-C., que furent joués les Adelpizes de Térence. 11 est très malaisé de déterminer la durée des spectacles scéniques dans l'ensemble de chacune de ces fêtes. A l'origine, les jeux du cirque, courses de chars et de chevaux, avaient constitué exclusivement le programme de toutes les fêles romaines. Lorsque les jeux dramatiques vinrent s'y adjoindre, le programme fut généralement scindé en deux parties, la première attribuée à ces spectacles nouveaux, la seconde aux jeux du cirque. La durée totale de toutes ces fêtes a, du reste, énormément varié selon les temps. Après n'avoir, à l'origine, occupé qu'un jour, la plupart atteignirent ensuite progressivement une, ou même deux semaines. Sous l'empire les spectacles scéniques prenaient, aux jeux palatins trois journées, aux jeux séculaires une journée sur trois'. Dans les spectacles privés, c'était naturellement le donateur qui exerçait la présidence. Aux magistrats revenait celle des spectacles officiels. Les fêtes extraordinaires étaient présidées par les consuls ; les fêtes annuelles (à l'exception toutefois des jeux Apollinaires qui regardaient le préteur urbain) par les édiles curules ou plébéiens. Telle fut, du moins, l'organisation en vigueur jusqu'en l'an 22 av. J.-C. Mais, à cette date, Auguste transporta aux préteurs la direction de tous les jeux annuels. La présidence des jeux était généralement une fonction des plus onéreuses. Il fallait non seulement acheter la pièce, rétribuer la troupe d'acteurs, fournir les décors et peut-être les costumes, faire les frais des prix et des récompenses, mais encore, avant laconstruction des théâtres en pierre, élever pour la circonstance un édifice temporaire en bois. En ce qui concerne cette dernière obligation, rappelons, comme il a été dit plus haut, qu'elle subsista clans bien des cas, même après THE 201, THE 5ALTATIO]. Dans la plupart de ces articles une section est consacrée au théâtre latin et spécifie les points par où il diffère du théâtre grec. En ce qui concerne spéciale ment la décoration théâtrale, nous ajouterons cependant qu'elle fut longtemps, à Rome, d'une simplicité toute rudimentaire', Dans les anciens théâtres de bois, il semble que le fond de la scène ait été formé à 1 origine par une cloison unie et sans aucune peinture (vacuae pictura labulae) 2. C'est en 99 av. J.-C. qu'on vit pour la première fois un décor peint, dans le théâtre construit par Claudius Pulcher, édile 3. Le premier rideau avait été fourni une trentaine d'années auparavant par la succession du roi Attale (133 av. J.-C.) 4. A partir de cette époque, le théâtre latin non seulement imite le théâtre grec, mais le dépasse infiniment en luxe et en magnificence (fig. 6869) °. C'est ainsi que nous trouvons mentionnées, au premier siècle avant J.-C., des scènes toutes d'argent, ou d'ivoire, ou d'or e. Enfin, en 58, l'édile Seaurus fit bâtir un théâtre composé de trois étages, ornés de revêtements de marbre, de verre et d'or, et qui ne contenait pas moins de 360 colonnes et de 3 000 statues 7. Sur les changements à vue et les prestiges mécaniques qui complétaient la décoration théâtrale, voir MACHINA, p. 1478. A l'époque de Plaute et de Térence les représentations se donnaient de grand matin. Un certain temps avant la fête, une proclamation générale de tous les spectacles dont elle se composerait avait été faite à travers la ville par la voix du héraut'. Sous l'empire, cette annonce avait lieu même par voie d'affiches 0. Mais, de plus, une annonce particulière (pronuntiatio tiluli) précédait, au théâtre, la représentation de chaque pièce 10. Elle était faite par le praeco, ou par le directeur de la troupe, ou par le proloyus [PaoLoGLs]. Le public y apprenait le titre de la pièce, le nom de l'auteur, ou, quand la pièce était une adaptation du grec, les noms des deux auteurs grec et latin. Quand le draine était inédit, on ne manquait pas de le dire et de s'en faire un mérite''. Les jeux scéniques, à Rome, étaient accessibles gratuitement à l'ensemble des citoyens, y compris les femmes et les enfants 12. Les esclaves même, bien que légalement exclus, y étaient tolérés '3. En revanche, les étrangers n'y avaient point droit d'entrée, à l'exception naturellement des ambassadeurs et des hâtes de marque invités aux jeux par l'État'''. Au théâtre, comme au cirque, le peuple était réparti par tribus 15. A partir de 194 av. J.-C., sur la proposition de Scipion l'Africain, les premières rangées de la cavea furent spécialement affectées aux sénateurs : privilège qui excita parmi le peuple une vive irritation 10. Plus tard, dans les théâtres à la grecque, les places des sénateurs furent transportées dans l'orchestra 11. Les chevaliers, à leur tour, c'est-àdire les personnes possédant une fortune supérieure à 400000 sesterces, reçurent des places d'honneur : les 14 premiers gradins leur furent assignés (peut-être par Caius Gracchus, vers 123 av. J.-C.) 18. A une époque indéterminée, probablement sous Sylla, cette faveur avait dû leur être enlevée : car lalex Roscia (67 av. J.-C.) leur rendit (restituit) 19 ces sièges 20. Enfin Auguste, par la lex Julia tlleatralis 21, modifia la lex Roscia, en s'inspirant peut-être des règlements du théâtre attique 22, mais plus sûrement de préoccupations somptuaires et morales. Cette nouvelle loi confirmait les privilèges des sénateurs et des chevaliers. Elle attribuait le milieu de la cavea aux citoyens et re jetait au haut le bas peuple (pullati) 23. Elle reléguait dans une section spéciale, également au haut de la cavea, les femmes qui j usque-làavaient siégé mêlées aux hommes 2+. Elle séparait de la foule les militaires. Elle accordait des places distinctes aux hommes mariés (scamna maritoram) 2a. Elle assignait un cuneus spécial aux enfants nobles (praetextati) et un autre, tout voisin, à leurs pédagogues 26. Il y avait aussi des sièges d'honneur pour les magistrats et les prêtres, siégeant soit individuellement, soit en corps 27. Enfin plus honorifiques encore étaient les deux loges d'avant-scène (tribunalia), situées au-dessus des entrées de l'orchestra , dans celle de droite prenaient place le donateur des jeux et l'empereur; dans celle de gauche, l'impératrice au milieu des Vestales 28, Sous Domitien 28 ces règlements furent confirmés et appliqués TIIE 205 TIIE avec une rigueur nouvelle'. La fig. 6870 représente, d'après une monnaie frappée à Héraclée (Bithynie) au in' siècle de notre ère, un théâtre rempli de spectateurs 2. Nous avons parlé, à propos du théâtre de Pompéi, des précautions prises par les Romains pour la commodité des spectateurs : édifices couverts à proximité du théâtre, pouvant offrir un abri en cas de pluie (odéons, gymnases, portiques, etc.) ; voiles, au-dessus de la cavea, arrêtant les rayons du soleil; aspersions d'eau fraîche et parfumées.Il nous reste à dire un mot de l'acoustique dans les théâtres romains et des moyens employés pour la développer. Dans la plupart des théâtres antiques, l'acoustique, ainsi que l'ont prouvé les expériences faites par les modernes, est naturellement excellente. C'est que plusieurs conditions, favorables à la propagation comme à la concentration des sons, s'y trouvent réunies : l'adossement de la cavea à une colline, la disposition concentrique des gradins, le peu de profondeur de la scène, etc.s. Mais l'art de l'architecte pouvait ajouter encore à ces avantages naturels. Vitruve prescrit, à cet effet, deux mesures. 11 veut premièrement que la ligne idéale passant par l'arête supérieure des gradins forme une droite', et, d'autre part, que lascaena et la cavea soient de hauteur égales. Enfin, à l'époque hellénistique ou romaine, s'introduisit un autre perfectionnement, signalé également par Vitruve °. On disposait autour de la cavea un à trois rangs de niches, selon la grandeur du théâtre ; dans ces niches étaient placés des vases d'airain ou, à la rigueur, de terre cuite, tous d:un timbre différent et soigneusement calculé, qui, recueillant la voix des acteurs, la renvoyaient au public amplifiée et embellie 1°. En plusieurs théâtres, notamment à Gérasa, à Aizani et en Crète, on a trouvé des niches qui semblent avoir eu cette destination l'. Tandis qu'à Athènes tout concours dramatique comportait une triple compétition entre les chorèges, les poètes et les protagonistes, à Rome le concours n'avait lieu qu'entre les chefs de troupes [COMOEDIA, p. Iii23]. II n'y avait, par suite, qu'un prix, qui consistait sans doute en une somme d'argent. Ce prix n'était pas décerné, comme en Grèce, par un jury spécial, mais par le donateur des jeux lui-même 12. Nul doute, cependant, que l'avis du public, généralement exprimé par de bruyantes manifestations [coâoEDLt, p. 1424], ne frit prépondérant. Bien avant la représentation, l'opinion avait été travaillée par les brigues des concurrents. Chaque troupe avait sa claque [ulsl'Rlo, p. 229]. Sur les procès-verbaux officiels dressés après les concours, et dont quelques spécimens nous ont été transmis en tète des pièces de Plaute et de TE1I OD:IISI_L (Osoix(atx). La fête des Theodaisia paraît, de par son nom, pouvoir être commune à plusieurs divinités ; ce nom implique, comme celui des IllÉOXINIA, l'idée d'une épiphanie du dieu, qui vient prendre part au repas de fête. On la retrouve, nommément désignée, en plusieurs lieux du monde grec. A Cyrène elle était consacrée à Dionysos et aux Nymphes'. A Andros on désignait sous le nom de Théodèsia un jour du mois de janvier or" l'on célébrait une fête de Dionysos ; on disait qu'une source, dans le sanctuaire du dieu, s'épanchait ee jour-là en flots de vin 2. A Lesbos la cérémonie est également en l'honneur de Dionysos'. A Lindos, dans Pile de Rhodes, plusieurs inscriptions gravées sur les pentes de l'acropole «sur le rocher ou sur une muraille), datant du v° au me siècle av. J.-C., rappellent un sacrifice offert par une famille ou un thiase, sans doute en ce lieu même, et désigné sous le nom de Bouxdmx Occ z( iX ou OEuiz(6:a il y a à Rhodes un mois OEUÔa(atoç. Les Bouxd7rt7. de Lindos s'adressaient probablement à Héraklès', qui, d'après la THE 20G THE légende, aurait lui-même institué le sacrifice à son profit en dételant un jour deux boeufs d'une charrue et faisant son repas de l'un '. Il y a aussi à Anaphé une mention des Théodaisia 2. En Crète, un traité d'alliance entre Latos et Olus3 mentionne, pour l'une et l'autre de ces villes, la fête des Théodaisia, sans qu'il apparaisse à quelle divinité elle se rapporte. Elle existait également à Iliérapytna4 et Lyttos°. 'l'IIÉOGAIIIA (OEoy«µta). On trouve dans le monde grec quelques traces d'une fête commémorant les unions divines. Pour Athènes, une fête des Théogamia nous est attestée par un scholiaste d'llésiode l ; et il estprobable que la cérémonie du tepbs yzu,oç mentionnée par Photius n'en diffère pas2 [luÉnos GAMos]. Elle était célébrée en l'honneur du couple divin Zeus-Héra; nous n'avons d'ailleurs aucun détail sur elle ; et ce n'est que par hypothèse qu'on en fixe la date au mois Gamélion ',consacré â Héra' A Cnossos, en Crète, on célébrait également des sacrifices annuels pour rappeler les noces de Zeus et d'IIéra'. -L'autre couple divin auquel s'adressent des Théogamia est celui d'Iladès-Perséphone. Pollux" nous dit qu'il y avait en Sicile des fêtes de Coré dénommées OEOyâ;zvL. On les retrouve également en Lydie, à Nysa. Près de cette ville, à Acharaka, une de ces grottes à exhalaisons chaudes qui passaient pour les entrées de l'Hadès était un lieu de cure par incubation ; on célébrait là chaque année, au dire de Strabon, une panégyrie': elle faisait partie sans doute des Théogamia, fête avec jeux que mentionne un texte épigraphique 8 et dont le nom se retrouve sur des monnaies de la ville'. ÉMILE CADES. était une épithète de Dionysos, et certaine cérémonie des Dionysies rustiques, en Attique, portait le nom de Oeo(vt '. Mais, contrairement à ce qui a été dit à DIONVsrA, p. 234, c'était une Bua(x, et non une iopTd,. Quelques inscriptions du bourg d'Icarianous font connaître qu'une famille d"Ixxptsiç, groupée autour du héros éponyme et s'occupant du culte institué en son honneur, prenait part aux Dionysies champêtres en offrant un sacrifice que l'on croit être celui des OEO(vtx h,i. CAIIEN. 'l'IIÉOhOLOS (OEoxd)io,). Titre porté par les grands prêtres d'Olympie', depuis la plus haute antiquité 2 jusqu'à la fin du paganisme Les théocoles d'Olympie étaient au nombre de trois, choisis au début de chaque olympiade parmi les membres de quelques familles sacerdotales, qui fournissaient aussi les SPONDOPHOROI4. Es pouvaient être réélus, ainsi que le prouvent les inscriptions où les mêmes noms reviennent souvent. Chacun d'eux était de service à tour de rôle pendant un mois", et devait pendant ce temps, avec l'aide des spondophores, accomplir les sacrifices rituels, sur chacun des très nombreux autels d'Olympie '. Pausanias nous apprend aussi que les théocoles observaient dans leurs sacrifices des rites très anciens'. Ils brûlaient de l'encens mêlé à de la farine d'orge 3, pétrie avec du miel ; ils ornaient les autels de branches d'olivier, et faisaient sur chacun d'eux des libations de vin', sauf sur ceux, des Nymphes, des grandes Déesses, et sur l'autel commun à tous les dieux 10. Malheureusement Pausanias n'a pas cru pouvoir rapporter les prières et les hymnes qui faisaient partie de leur rituel, et qui, dans certains cas au moins, étaient très particuliers". Ils habitaient le Tliéocoléon, que mentionne Pausanias i2 et que les fouilles ont mis au jour au N. de l'église byzantine et à l'E. de l'Hérôon (voir le plan, fig. b397, t. IV, p. 176)'3. C'était primitivement un bâtiment carré de 19m,25 de côté, qui fut successivement agrandi à l'époque hellénistique et remanié sous l'Empire romain. Quand l'empereur IIadrien eut achevé et inauguré l'Olympieion d'Athènes, commencé sous les Pisistratides'4, il y établit des théocoles 15, en même temps qu'il institua des jeux imités de ceux d'Olympie'". Enfin les inscriptions nous font connaître des théocoles à Amphissa" et Amphicléa16 (Phocide), à Chaleion" (Locride), à Pltistyon 20 (Étolie), et une prêtresse théocole à Zante21. A Dymè d'Achaïe, on rencontre des théocoles éponymes, au moins au n' siècle av. J.-C. 22 TIIÉOP11AN1A (OEOLZUtx).Une inscription mentionne un r' n, de ce nom, à Chios'. Pour les Théophania delphiques, voir rnÉOxÉNIA. É,1. Cviiev. 'l'IIÉÔRI A [rllÉ:ônoI(. T11EORIiiON, TIILURIIiA (Oewotxw, 0etoptxz). Dans son sens primitif (et conformément à l'étymologie, estop(x, spectacle), ce mot désigne la subvention versée, à partir de la fin du v' siècle, par l'État athénien à tous les citoyens pauvres pour leur permettre de payer le THE 207 THE prix d'entrée au théâtre A l'origine, l'accès du théâtre avait, semble-t-il, été libre. Mais telle était l'ardeur de la foule à se disputer les places et à s'en emparer dès la veille, qu'il s'ensuivait des querelles et des rixes. Pour remédier à ce désordre, un droit d'entrée fut établi'. Quand fut inauguré ce régime payant et combien de temps dura-t-il, nous ne le savons pas'. lais il était contraire à l'esprit de plus en plus démocratique de la constitution athénienne que, par le seul fait de leur indigence, des citoyens fussent exclus des spectacles publics'. De là l'institution du thédricon. Toutefois celle-ci n'est point due, comme on l'a cru longtemps sur la foi de Plutarque, à Périclès 5. Aristote, dans la Constitution d'Athènes', l'attribue formellement au démagogue Cléophon, dont l'influence politique ne commença qu'après la chute des Quatre-Cents '. L'assertion d'Aristote est, d'ailleurs, confirmée par les comptes des trésoriers d'Athéna pour l'année 410, où le thédricon figure pour la première fois 6. Supprimée sans doute sous le régime des Trente', cette subvention paraît avoir été immédiatement rétablie par la démocratie victorieuse, sur la proposition d'Agyrrhios10. Les inscriptions témoignent que, dès l'origine, le thédricon était distribué à toutes les grandes fêtes: les versements qui eurent lieu en 410, pendant la troisième, la quatrième, la cinquième et la septième prytanies, atteignirent un total d'environ 16 talents 12. Mais bientôt l'usage des distributions s'étendit même à des fêtes où il n'y avait pas de spectacles"; elles avaient alors pour but de permettre aux indigents de s'accorder, à l'occasion de la l'ôte, une journée de chômage et un meilleur repas. Le prix uniforme des places au théâtre, en dehors des sièges proédriques [PBOEDRIA], étant de deux oboles t4, tel a dti être aussi, du moins primitivement, le taux du thédricon. Et, par suite, il y a lieu d'identifier avec celui-ci la ôtwbEnl«, citée dans les inscriptions et dans les textes anciens '°. Toutefois d'autres témoignages fixent à une drachme" ou à quatre oboles 17 le montant du thédricon. On peut rendre compte du premier chiffre en admettant qu'il s'agit de fêtes, comme les Dionysies urbaines, où, les représentations durant trois ,jours, la diobélie était versée trois fois 78. Le second chiffre s'expliquerait, de même, par un versement double. Et, dans ces conditions, le terme de diobélie, qui représente le versement journalier, resterait exact. Les fonds du thédricon étaient fournis par l'État sur ses revenus. En l'année 410 nous voyons les bel/Mutantes emprunter au trésor d'Athéna sur les revenus de l'année (E-[ETEL'X) les sommes nécessaires à cet objet ". Au siècle suivant, bien que, par suite de la disparition du trésor fédéral, la capacité financière d'Athènes eût singulièrement diminué, les distributions n'en continuèrent pas moins, et môme se multiplièrent. Alors fut créée une caisse spéciale du thédricon2D, qu'alimentèrent les excédents de revenu annuels, jusque-là réservés au service de la guerre'''. Une loi, prescrivant qu'en temps de guerre ces excédents seraient rendus à leur destination primitive, resta toujours lettre morte L2. La caisse du thédricon était administrée par un collège composé probablement de dix membres, qui portait le titre de oi É L Tb OewoLxév ils étaient désignés à l'élection et entraient en fonctions aux Panathénées ='3. La répartition entre les citoyens avait lieu dans les dèmes par les soins du démarque ; il fallait, pour y être admis, être inscrit sur le registre civique (),fi;tx e;xbv yoall.uaTeïov) ; les absents n'y avaient pas droite Sous la longue administration d'Euhule (3544-339) le collège des intendants du thédricon acquit une importance disproportionnée. Par la rnalheureuse issue de la guerre sociale (3hh) Athènes venait de perdre, avec ses principaux alliés, une grande part de sa puissance et de ses ressources financières. Renoncer aux anciennes ambitions d'hégémonie, développer l'industrie, le commerce et les intérêts matériels, procurer à tous les membres de la cité le maximum de bien-être, tel fut le programme d'Eubule et de son parti'', Pour réaliser cette politique, le thédricon lui fut un instrument précieux. Nommé l'un des administrateurs de cette caisse et sans doute réélu plusieurs années de suite, il eut assez de crédit pour faire attribuer aux intendants du thédricon le contrôle général et l'emploi des finances de l'État; en sorte que, sans être officiellement supprimées, les autres magistratures financières furent de fait annihilées Al'TIGHAPIILCS, p. 291127. Dès lors la presque totalité des revenus publics fut sacrifiée aux plaisirs et à la subsistance du peuple 28 Peu sensibles pendant la paix, les effets désastreux de ce système éclatèrent en temps ~tÎË 2D4 de guerre. Les citoyens, amollis par le bien-être et l'indolence, ne voulaient plus servir personnellement, et pour payer les mercenaires qui devaient combattre à leur place l'argent manquait'. Car le peuple n'entendait pas faire le sacrifice de sa sportule. Selon une tradition rapportée par le scholiaste deDémosthène2 et par Libanius3, défense aurait même été faite, sous peine de mort, de proposer l'affectation à la guerre des fonds du thédricon. La réalité de cette loi reste cependant douteuse 4. Peut-être l'assertion de ces commentateurs n'est-elle qu'une induction hasardeuse tirée d'un passage de la 3e Olynthienne 6, où Démosthène, exposant la nécessité d'abolir le thédricon, se sert des expressions ix7roaECOxt et xxxü,ç Ti 7rx0eiv pour caractériser les dangers qui menaçaient l'auteur éventuel d'une proposition en ce sens. Rien n'oblige, à vrai dire, à prendre ces termes en leur sens littéral : ils peuvent, ici comme ailleurs7, désigner la ruine et la mort civile, conséquences naturelles d'une amende exorbitante pour tout condamné qui n'arrivait pas à s'acquitter. A l'appui de cette interprétation on peut, du reste, alléguer le cas d'Apollodoros qui, en 348 8, étant membre du Sénat, fit adopter par cette assemblée une motion tendant à remettre à un vote du peuple le soin de décider lui-même si l'excédent des revenus annuels serait affecté à la guerre ou aux spectacles°. On remarquera la prudence habile de cette rédaction. Apollodoros invoquait, en outre, une loi ancienne portant qu'en temps de guerre les excédents seraient consacrés aux besoins militaires, et ce principe fondamental d'une démocratie que le peuple devait rester maître de disposer de son bien, comme il l'entendait. Le peuple décréta en effet que les fonds du thédricon feraient retour au service de la guerre. Mais ce décret ne fut pas appliqué ; en dépit de toutes les précautions qu'il avait prises, Apollodoros, accusé de proposition illégale, fut condamné à une amende d'un talent10. Toutefois on voit que, dans ce procès, il n'est pas question de peine capitale". Quoi qu'il en soit, ce n'est qu'une dizaine d'années plus tard, en 339, que Démosthène osa enfin formuler nettement la proposition, maintes fois suggérée dans les Olytlthiennes, qui restituait à la guerre les excédents annuels 72. A cet effet fut créée une magistrature nouvelle, le Txp.(z; T)v cTpxTtwTtxwv, qui réunit la direction générale des finances de l'État [TASuAI] 13. Vers le même tempstl, sur la proposition THE d'Ilégémon, furent réduites les attributions du collège du thédricon, abusivement étendues sous Eubule 15. Cette loi même serait, à elle seule, la preuve que le thédricon n'avait pas été définitivement aboli. Mais, en outre, nous savons que Démosthène lui-même fut membre de ce collège, après Chéronée15; et Aristote, dans la Constitution d'Athènes, en parle comme d'une institution encore existante17. Nul doute, cependant, que les distributions n'eussent été ramenées à une mesure raisonnable. La prospérité financière d'Athènes sous l'administration de Lycurgue. les constructions coûteuses élevées à cette époque, en sont de sûrs garants ls. Pendant la période macédonienne, nous ne trouvons plus aucune trace du lltéôricon10. O. NAVARRE.