THI OROI (Oewpo%1. -Ainsi que l'indique l'étymologie' du mot, thédros a désigné tout d'abord simplement un spectateur 2. Mais, déjà dans Théognis 3, on le trouve employé dans un sens plus spécial', qui ne tarda pas à se préciser encore. C'est ainsi que, chez Épicharme ', le mot e)s po( sert de litre à une comédie où sont mis en scène les ambassadeurs religieux envoyés aux fêtes de Delphes, et nous avons des fragments d'une tragédie d'Eschyle
que les anciens appellent Oetopci =1 'IsO ;aor (6.
Le sens technique et spécial du mot est celui qui nous occupera ici ; c'est d'ailleurs le seul que connaissent les inscriptions 7. Mais, même dans son emploi technique, le mot thédl'os s'applique à deux catégories différentes d'ambassadeurs religieux que nous aurons à distinguer nettement. En effet, si les textes littéraires, à côté du sens très général de a spectateur n, ne connaissent guère que les théores envoyés par les États grecs pour consulter l'oracle de quelque grand sanctuaire ou pour assister aux fêtes religieuses auxquelles ils avaient été conviés, les inscriptions nous fournissent d'abondants documents sur une catégorie de théores qui étaient chargés d'annoncer à l'étranger les fêtes de leur patrie et d'y inviter les autres Hellènes. On pourrait appeler ceux-ci les théores-hérauts, pour les distinguer des premiers qui sont des théores-spectatdotrs. Essayons maintenant de grouper, au sujet de ces deux classes très nettement distinctes, les renseignements que nous fournissent les textes et les inscriptions.
1. Les délégations solennelles, par lesquelles les Étals grecs se faisaient représenter aux fêtes religieuses et
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notamment aux grands jeux publics, portaient le nom de thMriai' (t. III, p. 1366). Elles étaient composées d'ambassadeurs, nommés thédroi ', dont le nombre variait beaucoup', et qui étaient choisis généralement parmi les familles honorables et aisées 4. Des pèlerins, souvent assez nombreux mais qui n'avaient aucun caractère officiel, se joignaient d'ordinaire à la théorie
A sa tête était placé l'arcllithéores, qui était chargé d'y maintenir le bon ordre et de lui donner le plus grand éclat'. Il était désigné par l'État 8, et ses fonctions, parfois très onéreuses constituaient, à Athènes par exemple, une liturgie10 (t. iII, p. 1096). Quoique la cité prit d'ordinaire à sa charge une partie des frais de la théorie ", les dépenses extraordinaires étaient presque toujours assez élevées, tant pour les théores que pour l'archithéore, parce qu'il importait à l'honneur de la nation que ses représentants fissent à l'étranger très brillante figure. Ils voyageaient en grand appareil, couronnés de lieurs, sur des chars richement ornés 12. Plutarque 73 rappelle les dépenses considérables que fit Nicias lorsque, en qualité d'architbéore, il conduisit la théorie athénienne à Délos 14 (voir plus haut, t. III, p. 57) et les offrandes somptueuses qu'il laissa dans file d'Apollon '°. Textes et inscriptions s'accordent d'ailleurs pour nous laisser deviner qu'à toutes les époques les frais des théories ont été très élevés.
Arrivés à destination, les théores avaient pour mission d'assister, comme représentants officiels, aux jeux publics et aux sacrifices et d'offrir, taret en leur propre nom qu'en celui de leur patrie, aux sanctuaires de l'État qui les recevait, les offrandes 16 dont ils étaient chargés. C'est alors aussi que se plaçait la consultation de l'oracle, qui faisait parfois partie de leurs fonctions.
Ils faisaient eux-mêmes des sacrifices et recevaient sans doute une part des victimes dans les sacrifices solennels auxquels ils assistaient; en outre, ainsi que
nous l'apprennent les inscriptions de Samothrace ils recevaient parfois le titre de proxènes'8 et de bienfaiteurs, comme c'était assez régulièrement le cas pour les théores hérauts dont nous parlons plus loin.
Les théories de ce genre étaient extrêmement nombreuses et il serait sans intérêt d'énumérer ici celles que nous connaissons ; mais il faut signaler au moins celles que nos docurnents citent le plus fréquemment. Non seulement Athènes envoyait des théories aux fêtes qui se célébraient en Attique ", mais encore et surtout elle prenait une part importante, et sur laquelle nous m'avons plus à insister, aux fêtes de Délos20 [DÉLIAI et de Delphes L1 [arrimai. Des théories athéniennes assistaient naturellement aux jeux Olympiques, Néméens 22 et Isthmiques, mais aussi aux fêtes de Thespies 23 et de Thèbes 24. Les clérouques de Lemnos et de Délos envoyaient des théores à Athènes 2s, ainsi que les Mitésiens 20 et Ariarat.hes V, roi de Cappadoce 27. Samothrace recevait des théories de Thasos, de Sanè en Chalcidique, de Maronée et d'Abdère en Thrace, de Dardanos et de Lampsaque, de Cyzique et de Chalcédoine, de Cymè et de Myrina, d'Érésos, du roi Attale II de Pergame, de Priène, Éphèse, Colophon, Téos, Clazomène et Samos, des villes doriennes de Cos, d'Astypalée, d'Ilalicarnasse, de (Gortyne; de Caunos, Alabanda et Stratonicée en Carie 28 ; cette énumération étendue, que nous fournissent les listes de Samothrace, nous permet de nous faire une idée de l'extension considérable qu'avait prise la renommée de certains sanctuaires du monde grec. Nous sommes rarement aussi bien documentés que pour Samothrace, mais nous verrons plus loin que nos listes de théorodoques complètent ces renseignements sur plus d'un point. A côté des théores de Rhodes envoyés à Délos 2', à Alexandrie30, à Samothrace", on voit arriver à Rhodes même des théories de Cyzique 32, et d'Eumène Il de Pergame 3". Mais surtout l'activité des artistes
ceux de l'Isthme à Thespies 4, et naturellement ils en recoivent à leur tours.
II. On a connu de bonne heure en Grèce les ambassades chargées d'annoncer aux cités étrangères les fêtes religieuses de leur patrie et de proclamer la trêve sacrée qui en rendait possible la fréquentation, mais il ne semble pas que les membres de ces missions aient porté dès l'abord le nom de théores. Tandis que ceux d'Olympie et d'Éleusis s'appelaient sloxDoritonol, il est probable que les autres portaient le plus souvent le nom de 7pEQ
pEt;ou de -pEapEuTZt6 [LEGATI], puisque aussi bien c'est
un terme qui les désigna parfois encore, même quand celui de théores eut commencé à leur être appliqué'. Mais lorsque, à l'époque hellénistique, la création de grands jeux analogues à ceux d'Olympie et de Delphes tend à se multiplier sur tous les points du monde grec, on voit naturellement se multiplier aussi les ambassades chargées de les annoncer et c'est le moment, semble-t-il, oit des théores furent investis de ces fonctions. C'est là un des faits nouveaux dont nous devons la connaissance à l'épigraphie, car les textes sont, sur ce point, presque complètement muets. Grâce aux inscriptions, on a pu dresser 8 un catalogue assez long, et sans doute incomplet, des fêtes nouvelles établies en Grèce au cours du me et du ne siècle av. J.-C., et annoncées aux villes helléniques par des ambassades solennelles. Ce sont, dans l'ordre chronologique, les PTOLÉMAIA9, à Alexandrie, vers 280 ; les 5ÔTÈR1A 10, à Delphes ; les Megala Asclapieia '', à Cos ; les MOUSEIA 12, à Thèbes ; les Didymeian, à Milet ; les Posideia'4, à Ténos; les Leucophryena'°, à Magnésie du Méandre ; les Ptoïa ", à Acraephiae ; les lly akinthotrophia 17, à Cnide ; les matauOBIA 18, à Pergame; les ANTIGONEIA 19, à Sicyone ; les Athenaia et Eumeneia 20, à Sardes ; les jeux fondés en l'honneur d'Antiochus Épiphane 21, à Daphné près d'Antioche; les Koreia 22, àCyzique; enfin de nouvelles fêtes en l'honneur d'Apollon Ptoïos 23, à Acraephiae, tout à la fin du ne siècle. Les formalités observées dans la formation des théories chargées de l'annonce de ces fêtes sont bien connues maintenant grâce aux documents abondants fournis par les fouilles de Magnésie2'". On a pu en tirer une quantité de détails qui éclairent presque toutes les parties du sujet. Nous n'aurons qu'à les résumer ici.
Quand donc, à la suite d'un événement particulière
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ment heureux, de l'inauguration d'un nouveau règne ou de la manifestation éclatante d'une divinité, un Étal décrétait la fondation de jeux solennels, accessibles à tons les Grecs, il avait d'abord à nommer les théores chargés de porter de tous côtés les invitations. Chaque ambassade était formée généralement de deux ou trois théores, et parfois dirigée par un archithéore 24 ; mais ce dernier point n'était pas essentiel, car, comme pour les ambassades civiles 26, on voit assez souvent les membres de la théorie former un collège dans lequel tous ont des droits égaux 21. Au début, ainsi que nous l'avons indiqué, il semble bien que c'étaient des théores-spectateurs qui étaient chargés des fonctions de hérauts. C'est, par exemple, ce qui eut lieu pour les théores de Cos 28 qui, envoyés pour assister aux Itonia, en Thessalie, furent invités à annoncer les Asclapieia de leur patrie, tandis que leurs concitoyens, envoyés aux fêtes du sanctuaire de Samothrace, durent faire la même annonce à Chios et dans d'autres villes encore. Dans la suite les deux fonctions ont été toujours nettement distinguées, et les théores que l'on chargeait exclusivement du rôle de hérauts recevaient en partant des indications précises sur l'itinéraire au cours duquel ils auraient à accomplir leur mission. Les inscriptions de Magnésie sont si nombreuses et, en général, si bien conservées, qu'on a pu déterminer ainsi l'itinéraire d'une vingtaine des diverses théories qui furent chargées, à la fin du me siècle av. J.-C., d'inviter les villes grecques à assister aux fêtes instituées en l'honneur d'Artémis Leukophryénè et à reconnaître le droit d'asile de son temple 79. On voit, par exemple, une même théorie visiter successivement Athènes 30, Chalcis 31, Érétrie 32, la Béotie 33 et la Phocide 34, tandis qu'une autre va en Acarnanie 36 et en lpire36; une autre théorie encore parcourt Sicyone
Argos 38, Mégalopolis 39 et la Messénie 40, puis deux de ses membres s'en détachent et vont l'un en Achille " et l'autre à Corinthe". Il va de soi qu'à l'époque hellénistique, les souverains grecs d'Égypte ¢3 et d'Asie, les Ptolémées comme les Séleucides 44, les rois de Pergame comme ceux de Macédoine, reçoivent la visite de ces théores. Tout naturellement aussi on les adresse aux grandes corporations d'artistes dionysiaques 4'
[DIONPSIACI ARTIFICES], dont le concours était indis
pensable pour assurer à la nouvelle fête tout l'éclat désirable.
Une subvention destinée à couvrir les frais de ces voyages était accordée aux membres des théories, qui recevaient avant de se mettre en route des instructions
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détaillées et le texte des décrets', rédigés spécialement pour chacun des souverains, des États ou des corporations qu'il s'agissait d'inviter. Arrivés à destination, les théores avaient à faire connaître, avec les formalités usitées en pareils cas', le but de leur voyage à l'assemblée du peuple, et à attendre la réponse qui serait faite à leur proposition. Les formules de ces réponses sont justement. ce que nous connaissons le mieux, grôce aux documents de Magnésie 3. Les souverains donnent à leur réponse la forme d'une lettre4; les villes, d'ordinaire, celle d'un décret ". Les points principaux en sont presque partout les mêmes : on remercie la ville des Magnètes, on la loue des sentiments de piété dont témoigne sa démarche; on accorde la reconnaissance du droit d'asile et des jeux qu'elle sollicite ; on promet l'envoi de théores à la fête nouvelle ; on nomme des hôtes publics chargés de recevoir les théores (voir plus bas) ; on accorde à ceux-ci une indemnité pour les sacrifices qu'ils auront à accomplir 3, un présent en argent pour eux-mêmes° et une offrande, aussi en argent, pour la divinité dont ils sont venus annoncer la fêtes ; on loue les théores présents et souvent on leur accorde les titres de proxène et de bienfaiteur 9. L'invitation au Prytanée manque rarement 1U. Enfin le décret prend des mesures pour assurer la publicité de la décision.
III. Nous avons vu que les théores de nos deux catégories recevaient l'hospitalité dans les villes où ils se rendaient. Il nous reste à examiner quelles mesures étaient prises pour leur en assurer le bénéfice. A l'époque la plus ancienne, on les hébergeait parfois dans des bâtiments publics comme ceux que les textes nous font connaitre àCéos, àTénos, à Olympie etailleurs encore 11 En général cependant il semble que les théores devaient avoir recours aux proxènes de leur patrie et étaient reçus par eux [IV, p. 793] Mais lorsque la proxénie fut devenue surtout une distinction honorifique à laquelle on ne voulait plus ajouter de charges onéreuses, les États grecs, ne pouvant plus imposer l'hospitalité des théores à leurs proxènes, eurent à s'occuper d'y pourvoir d'une autre manière. Ils créèrent alors une classe nouvelle d'hôtes publics, que l'on appelle THEônonoxoi. C'est ainsi que lorsque la ville d'Asinè en Messénie eut décidé, à une époque que nous ne connaissons malheureusement pas, d'envoyer des théores aux Chthonia d'Hermione, celle-ci nomma un théorodoque pour rece
voir ces hôtes qui venaient lui faire honneur12. Puis, quand surtout l'épangélie des fêtes nouvelles eut pris le grand développement que nous avons signalé, les États choisissent dans leur sein des citoyens auxquels ils confèrent aussi le titre de théorodoque et qui ont pour mission d'héberger les théores-hérautst3. Les inscriptions de i1lagnésie nous font connaître ainsi les noms d'une vingtaine de citoyens de villes diverses, chargés de recevoir les théores de Magnésie quand ils reviendront à l'avenir apporter une nouvelle invitation'`.
Il est enfin une troisième catégorie de théorodoques ; ce sont ceux qui sont nommés théorodoques de certains temples. Cette dignité est conférée à des étrangers par l'État qui envoie les théores. Nous connaissons jusqu'à présent six sanctuaires qui honoraient ainsi les étrangers 1". Certains d'entre eux ont fourni des listes assez étendues de leurs théorodoques 1U.
Si encore une fois les théorodoques se substituent ici aux proxènes, c'est pour la même raison que plus haut. La proxénie n'est plus qu'un titre d'honneur que les États peuvent distribuer d'autant plus largement que ce litre n'entraîne plus guère de charges. La théorodoquie en imposait' Elle s'accordait, comme la proxénie, à la suite de services rendus 18, mais elle constituait une distinction d'un ordre moins élevé. Aussi ne voit-on jamais un proxène nommé théorodoque, tandis que le cas contraire est fréquent 19. La théorodoquie n'était recherchée que comme un échelon pour parvenir au grand honneur de la proxénie. C'est pourquoi on ne trouve généralement dans chaque ville qu'un, au plus deux théorodoques d'un même temple 20, tandis que le nombre des proxènes est indéterminé.
IV. Enfin il faut signaler, en terminant, les fonctionnaires qui portaient le nom de théores Y1. Outre leurs fonctions de surveillants des affaires religieuses, ils paraissent avoir eu parfois un rôle politique assez étendu .0n en connait à Égine 22, àMantinée 23, à Tégée ", à Naupacte 2', à Thasos 28 et à Phasélis
CH. Mhcllrl..
TH I OXÉNIA ((jeota). -Nous ne nous occupons pas ici de la question générale des théoxénies. On trouvera des indications sur ce sujet dans la partie des divers articles consacrés aux divinités grecques qui concerne le culte : on se reportera particulièrement aux articles nlosct-xl et LECTISTEItNIUM. Nous n'avons à mentionner ici
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que les tètes publiques nommément désignées sous le
nom de Oiul;évta ; elles sont rares. Les Dioscures sont par excellence les dieux des tlréoxénies : on trouvera à l'article moscuni,p.256,desdétails surle culte théoxénique privé, comme celui dont il est parlé dans la IIIe Olympique dePindare,à Théron d'Agrigente', ou public, comme celui de Sparte, dont parle Pausanias2, ou celui de Cyrène 3. De O" s9 via proprement dites, célébrées en l'honneur des Dioscures, nous trouvons trace à Paros
à Ténos 5, à Céos 6.
Les Théoxénia de Delphes, au mois Théoxénios=marsavril, s'adressaient à d'autres divinités. D'après un texte de Polémon 7, elles étaient célébrées d'abord en l'honneur de Léto et des Létoïdes. Mais nous savons maintenant par deux des hymnes retrouvésàDelphes que la fête s'adressait surtout à Apollon et Dionysos. L'hymne de l'Athénien Cléocharès $ célèbre l'épiphanie d'Apollon ; or nous voyons par un texte épigraphique que l'hymne était destiné à être chanté aux Théoxénies9. D'autre part l'hymne à Dionysos, de Philadamos de Skarpheia 10, paraît également destiné aux Théoxénies ; la contamination du culte dionysien et de l'apollinien y apparaît d'ailleurs nettement. Ilérodote parle d'une fête delphique des Ocol+vez ", à l'occasion de laquelle on faisait usage du cratère d'argent, offrande de Crésus. Comme, dans une inscription delphique, ce même cratère d'argent est mentionné à propos des Oeoévla13 il apparaît que les Théopkania d'Ilérodote sont en réalité identiques aux Théoxénia 13 : c'est toujours la fête de l'épiphanie divine à l'époque du printemps'.
A Pellène, en Achaïe, il y avait un temple d'Apollon Oeoiivto; 13, où l'on célébrait en l'honneur du dieu et peut-être aussi d'Hermès" des Theoxénia : le prix de la victoire dans l'ây v consistait en argent. ÉMILE CAUEI .