Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article THESAURUS

THESAURUS (0,17aupi;). -Trésor,dépôt pour les biens nécessaires à l'existence et utiles pour la vie commune des États, des familles. Celte définition d'Aristote 1 convient aux époques de circulation monétaire comme à celles où les matières premières servaient de moyen d'échange, d'impôt ; elle s'applique à tous les sens que l'on THE 221 THE donne à Orl'aupôg, mot dont l'origine eL l'étymologie' sont inconnues. Bien qu'on ne le retrouve point dans la langue homérique2, Hésiode 3 et Pindare 4 l'emploient déjà au figuré et, durant toute l'époque hellénique, on le considéra comme synonyme de la plupart des noms de meubles ou d'édifices dérivés de ziOlva"; cependant, on lui conserva dans certaines contrées quelques acceptions particulières qu'il faut indiquer et qui permettront peut-être de découvrir le sens primitif et l'origine. 1. Trésors des rois barbares. Hérodote nomme Ormupoi les constructions spéciales " où Sardanapale gardait ses richesses dans Ninive 7, où Crésus entassait ses paillettes d'or où le fabuleux pharaon Rhampsinit plaçait ses jarres remplies de métaux précieux ". Jamais ce terme n'est employé àpropos des rois achéens ; ceux-ci mettaient dans leur 1'IIALAi41US les coffres contenant leurs plus précieux objets 10. Dans la langue d'Hérodote et des Grecs asiatiques 07i7 upôç implique moins l'idée de richesses que celui de magasin, â7ro0rxr) On sait qu'afin de solder les troupes macédoniennes Antimènes vendit tous les matériaux réunis par les satrapes perses dans les trésors pour l'entretien des routes de la Babylonie". Théophraste dit que les Mèdes thésaurisaient le blé '3, et d'autres barbares le bois d'ébène1l. II. Greniers égyptiens. Ce furent peut-être les premiers trésors que l'on construisit et les Grecs continuèrent, même aux époques romaine et byzantine, à les appeler 011auupo(1'. Il en est fréquemment question dans les papyrus 16 et les ostrakat7, car ils eurent toujours une importance considérable dans l'administration de l'Égypte. C'est dans ces greniers que l'on centralisait les récoltes des terres domaniales 1R, qu'on recevait les redevances en nature des colonies militaires " et qu'on percevaitla portion prévue pour l'impôt sur les céréales 2°. Par contre, le blé y était avancé aux agriculteurs sous forme de prêt de semailles, vendu au compte de l'État21 et des particuliers 2, distribué par rations aux soldats et fonctionnaires ; enfin, le surplus 23 était expédié à Alexandrie pour les besoins du Palais ou, durant la domination romaine, pour constituer les envois de froment que les empereurs faisaient venir d'Égypte. L'organisation administrative de ces greniers publics n'est pas encore connue 24 ; il y avait une taxe, le Or,raupolfu) ax t r L'adv 25, et des O'rlaaupovulaxoi 26 ainsi que des scelleurs 27 ; on trouve plusieurs sitologues pour un trésor de village28 et un fonctionnaire pour tous les trésors d'un district 2'. Ces Orleaupof, qualifiés âlu-calot sous les Romains 30, et E a6t?,Lxol par les Lagides 3S, sont d'origine très ancienne 32; on les voit souvent représentés sur les bas-reliefs de l'époque pharaonique 33 : ce sont de vastes édifices en briques ou en lattis hourdé d'argile crue ; construits sur plan circulaire et de forme ogivale, ils n'avaient que deuxouvertures: « une au sommet par laquelle on introduisait le grain ; une au niveau du sol par laquelle on le retirait3'4 n. Jamais isolés, ilssont toujours « accotés par dix et plus, mais sans communication de l'un à l'autre 36 ». De semblables greniers à profil ogival existent également dans les propriétés particulières 36 ; on voit sur un basrelief de la xvul° dynastie, à côté de la maison d'Anna, deux trésors jumeaux en forme de cône allongé et, plus à droite, un grand magasin ovale37 (fig. 6879). Ces trois formes contemporaines d'édifice semblent avoir été adoptées par les Grecs, non pas successivement", mais à la même époque ; il est fort probable que ces files de constructions rondes, en forme de ruche, sur socle élevé de moellons, que l'on trouve à Orchomène 39 et sur d'autres points de la Grèce, servirent de greniers à céréales et non d'habitations. Quoi qu'il en soit, ces bâtisses rondes préhelléniques devinrent maintes fois des sépultures et de là serait venue cette locution grecque qu'emploie Hérodote, à propos des Égyptiens : III. Trésors d'Atree, de IIin yas, etc. Ce nom tradi THE 222 TIIE tionneI est donné à des chapelles funéraires [sEPVLCIIUM, p. 1212, TuoLUS], de profil ogival, dont la voûte, formée d'assises horizontales, s'avance progressivement dans le vide'. Philostrate y fait allusion à propos « des rois de l'ancien temps n, de leurs tombeaux fort riches en or et B]mupsMEt; 2. Pausanias en parle également 3, mais on prétend qu'il méconnut leur caractère sépulcral 4. L'imprécision de son texte 3 vient sans doute de ce que les Grecs, comme les Égyptiens 6, distinguaient la chambre mortuaire', zciTo;, de la chapelle funéraire, Oraxupd;, al7rù ar,ua. La première était complètement close et impénétrable comme un caveau; la seconde, consacrée au culte héroïque, était ouverte 8, au moins pour les anniversaires, et on pouvait y contempler de grandes richesses 9. 11 est certain que le trésor de Minyas resta, jusqu'à l'époque romaine10, un lieu de culte très fréquenté. Cependant, il y avait à Messène un trésor souterrain, ne recevant ni l'air, ni la lumière du dehors, n'ayant point de porte et dans lequel on ne pouvait pénétrer qu'en enlevant l'énorme pierre posée sur l'extrados ". Ce monument, rendu célèbre par la mort de Philopoemen, n'était peut-être qu'un ancien héroon fortuitement découvert pendant la reconstruction de Messène. Les gens du pays l'appelaient Orl6aup; 12 ; Tite-Live le nomme tllesaurum publicum 13 ; mais, à son époque, ce terme ne désignait pas encore l'aerarium IV. Trésors des sanctuaires. Aulu-Gelle" comparait les FAVISSAE aux OriGuupoi; ce rapprochement, adopté par Otf. Miiller", n'est pas toujours juste, car il n'y eut jamais de crypte sous un naos hellénique; si le temple grec recevait en don ou en dépôt des objets précieux, on les rangeait d'ordinaire dans le pronaos ou l'opisthodome [TEMPLUM]. C'était la coutume des Athéniens et aucun de leurs inventaires sacrés ou publics ne mentionne,sur l'Acropole, un Oriaaup6;16; ce mot en Attique est même opposé à -r a p. t E ï ov t7 et ne désigne que le coffre 18 les récipients19 [nocueuS], où des particuliers cachaient leur argent ; les jurisconsultes voulaient encore que celui qui avait déposé le 0r,cailptdpa fût inconnu et qu'on ne pût le découvrir, pour qu'il y eût Or,osxvp6;20. De là, dans la Comédie2t, l'emploi de ce substantif comme synonyme de eilpert; 22 et l'habitude d'invoquer Zeus EOp€uto; comme dieu des trésors_ Cependant, hors d'Athènes, les textes mentionnent des 07,axupot dans plusieurs sanctuaires, mais l'acception varie selon qu'ils sont situés dans les régions orientales ou occidentales de la Grèce. 1o Sur le versant de l'Adriatique, à Olympie 23, à Delphes 2', les 0-r,aaupoi sont des édifices rectangulaires construits dans un hiéron fédéral et analogues aux oïxo: du sanctuaire amphictyonique de Délos 2, (fig. 6881) ; leur origine et leur affectation première ne sont guère connues ; on sait seulement qu'ils datent des ve, vie et, peut-être, vue siècles 28, et que la plupart furent fondés par des tyrans. On admet, avec Pausanias, que ce sont des chapelles votives, des dv«Osp.1erx n. Il est vraisemblable qu'avant la domination romaine, voire même macédonienne, ces monuments étaient moins des musées d'art 2R que la propriété particulière d'un État confédéré, qui pouvait y déposer ses richesses et les en retirer 29 sans recourir à l'Amphictyonie ou au Sénat sacré. Les États qui fondèrent un Trésor le firent bâtir, non par des artistes attachés au temple, mais par leurs nationaux, et ceux-ci emportèrent de leur patrie jusqu'aux matériaux de construction 30; il en résulte une grande variété de types architecturaux d'autant plus intéressante pour l'histoire de l'art et, surtout, pour la géographie de l'architecture, qu'on les trouve réunis sur un faible espace et que la plupart sont contemporains. A Olympie, les treize trésors 31 étaient comme accotés en ligne sur une terrasse, x 'ç eh32, située au nord du Métroon et dominant de trois à quatre mètres l'area du temple de Zeus (fig. 5397). Le premier fut bâti par Géla vers 582 ; son plan est celui du temple sans pronaos de l'Italie ; les chapiteaux rappellent ceux qu'on a découverts dans les ruines de Géla 33 et toute la pierre se cachait 3` sous des revêtements en terre cuite polychrome. Les Mégariens avaient orné le trésor voisin de sculptures taillées dans le calcaire « après le montage et la mise en place des blocs qui les portent 32 n, Ce trésor de Mégare n'a pas de triglyphes sur les a .~ leege-effeeeemmeere r I AAAA Merde %Mi rseerà l a THE 223 TIIE grands côtés; on ne les figura que sous le fronton de la façade', alors que la file des triglyphes se prolonge sur les flancs du trésor de Sicyone 2. Delphes n'appartenant pas, comme Olympie, aune fédération purement dorienne, :rs les trésors y présentent une variété plus grande encore. Il n'y apas que de lourdes constructions doriques avec des sculptures en calcaire, des stucs colorés et des revêtements céramiques ; on a découvert sur la Voie Sacrée d'élégants édifices en marbre des îles, des constructions d'ordre ionique et de très beaux spécimens de cet art ionien du vie siècle qui fut, dans tous les genres, « l'éducateur de l'art grec proprement dit et qui joua le rôle d'intermédiaire actif entre Athènes et l'Orient»). Il ne reste de beaucoup de trésors que les fondations' ou des fragments' ; mais on possède plusieurs hauts-reliefs peints en jaune et en rouge qui meublaient le fronton du trésor des Mégariens' ; une suite de longues plaques en pierre tendre qui, placées dans des coulisses, décoraient de leurs bas-reliefs l'entablement du trésor de Sicyone'. lies!. possible de restituer dans leur ensemble deux trésors dont le style présente une grande analogie et qu'on croit être ceux des Cnidiens B et des Siphniens 9; la majeure partie des frises sculptées existe encore, ainsi que les deux caryatides qui se trouvaient dans chacun de ces monuments entre les antes du pronaos 10 Le trésor des Athéniens " (fig. 6880) a été reconstruit en entier et toutes les pierres retrouvées furent mises à leur ancienne place, parce qu'elles portaient gravées de longues suite d'inscriptions, documents de toute espèce : deux hymmes grecs notés, liste de personnages venus d'Athènes, de magistrats, de cavaliers, de jeunes gens envoyés pour la procession. Grâce à ces documents épigraphiques on constata que le mur en aval était plus épais que celui d'amont, afin de mieux résister' à la poussée des terres; la déclivité du sol obligea même les constructeurs à dresser une terrasse et c'est sur l'éperon triangulaire qu'elle dessine en avant que fut érigé le trophée de Marathon i2. 2° Dans le bassin de l'Archipel, les 071saupo( des temples ne sont plus des édi fices pour abriter les statues, les ex-voto, mais des constructions dans lesquelles pèlerins et visiteurs déposaient leurs offrandes. A Délos, les six bâtiments qui forment un demi-cercle autour du groupe des trois naos (fig. 6881) et qui, par leur plan et leurs dimensions, rappellent les trésors de Delphes et d'Olympie, sont appelés oixot dans les inventaires 12, alors que ces mêmes documents nomment O'riQxupo( des édifices existant dans le IIiéron 14, l'Aphrodision 1', l'Asklépieion'6, le Sérapéion17 et dans l'île f8 ; ces trésors figurent dans les comptes des recettes avec le relevé nominatif des pièces d'or, d'argent qu'on y découvrit en les ouvrant". Il en est de même à Éleusis ; dans les recettes de 329/8, on inscrit en détail les sommes recueillies dans le trésor de Déméter20 et dans celui de Proserpine 21 L'encaisse du trésor provenait d'ordinaire de dons anonymes IDONARIUM]; on y trouve même des bijoux 22 ; THE 22iTHE mais, parfois, d'une redevance fixe payée par ceux qui offraient un sacrifice' ; elle est alors proportionnée à la valeur de l'animal 2. Dans le sanctuaire d'Amphiaraos, il était spécifié que l'argent serait de bon aloi 3 et versé dans le trésor en présence d'un prêtre' ou d'un néocore s. Le produit était divisé en plusieurs parts ; à Halicarnasse, on faisait un prélèvement en faveur de la prêtresse pour son Éatxcu; izetson t(+.xrtciz ; O ; à Éleusis, en 39.9 8, Lycurgue proposa au Conseil de distraire de la recette les frais d'un sacrifice aux Grandes Déesses ' ; le surplus devait être remis aux teporotoé, si le peuple acceptait le décret 8. Bien avant 460, le produit du trésor éleu Éleusis, elle se fit à la fin de la Xe prytanie et fut payée 4 drachmes à l'ouvrier qui en fut chargé" ; à Délos ", on ne donnait que 3 drachmes pour ce travail. La construction et les réparations ,de ces monuments se faisaient d'après les devis d'un architecte 13 et il y entrait de la pierre ", du bois" ; les trésors d'Éleusis avaient des portes en bois de cèdre'", des claires-voies" et étaient couverts de tuiles". Le règlement le plus complet relatif à l'établissement et à la surveillance de ces édifices est encore celui d'Andanie, oit sont réunies les prescriptions éparses dans d'autres inscriptions 19. Les spécimens actuellement conservés furent érigés par des Asklépiades 20 ou des Basilistes2t et sont de petites dimensions ; ils se composent de deux blocs de pierre superposés. L'inférieur a une cuvette, « un évidement semblable à ceux des moulins antiques22 » ou des SÉCOMA ; dans le bloc supérieur se trouve un canal en entonnoir assez grand pour laisser passer une monnaie 23 ([1g. 6882) ; parfois, le récipient fut creusé à même un rocher, après qu'on en eut aplani la surface2'. Le produit annuel recueilli ne dépassait pas de petites sommes : en l'an 180 av. J.-C., quinze drachmes pour un tronc établi dans le Sarapieion de Délos ; autant pour le 9-rleaup; du temple d'Apollon; beaucoup moins dans l'Asklépieion et dans l'Aphrodision 25. En Italie, on se servit de ces trésors en pierre et on y grava également des inscriptions26 ; l'une d'elles indique même le poids de la tare du thesaurus 27 ; quelquesuns sont rectangulaires 28, comme leurs modèles grecs, mais d'autres, de forme conique29, cylindrique 30, sont de véritables troncs. L'un d'eux a G décimètres de diamètre et autant pour la hauteur 31. L'origine de ces trésors semble orientale ; on les mentionne dans les papyrus 32. Le plus anciennement connu aurait été établi, au ix' siècle, pour recevoir les offrandes destinées à réparer les dégâts commis pendant le règne d'Atlialie dans le temple de Jérusalem33 V. Administration romaine. La hiérarchie et le rôle des employés des Trésors sont encore obscures. 10 Procurator tllesaurorum. En 217 mourut Prosénés, affranchi, peut-être chrétien 3s, et cubiculaire de Caracalla u. Après avoir débuté dans la ratio kastrensis, il avait été successivement procuralor vinorum, proc. munerunt, proc. patrim. et proc. thesaurorum35 ltostowzew considérait cette RATIO thesaurorum comme l'économat du palais37; on rejeta cette hypothèse, mais celles qui furent proposées depuis 38 ne sont guère mieux fondées 39. A cette époque, jusqu'à la réforme provinciale attribuée àDioclétien, les thesauri de l'empereur sont-ils les greniers publics de l'Égypte" ou des coffres" TII E 223 TIIE remplis d'or comme ceux de Septime-Sévère 2 et du prétendant Julien2? QO ~r,Getu' ÛE(ely xôur,;. Ce titre de comtes des trésors sacrés se lit dans une inscription' attribuée au lycien Tatien, connes sacrarum largitionum de l'empire en 374. 3° Cornes lhesaurorum 4. Probablement le cornes largitionum b qui, dans l'Empire d'Orient, était un fonctionnaire des finances représentant le cornes sacrarum largitionum6 dans chacun des six diocèses. -4t° Praefecti thesaurorunl ; ils sont tt la tète de l'administration financière de chacune des provinces de l'Orient' ; ce sont probablement les thesaurenses du Code théodosien 5 et ceux que les auteurs grecs nomment 3° Praepositi thesaurorum. Il y en avait douze sous la direction du comte des largesses sacrées de l'Occident" ; un résidait à Rome et quatre en Gaule '2 Lyon, Arles, Ileims et Trèves . VI. Trésors trouvés. La question juridique exposée par Boulanger ",'Thomas-Latour" et M. A. Blanchet 15, fut plus amplement traitée par FietféLacroixt6. Le trésor est un ancien dépôt " de biens meubles cachés depuis longtemps " par des propriétaires inconnus 1° : condita ab ignotis dominis tempore velustiore Dnobilia 20. On ne sait rien de la législation grecque à ce su jet, bien que la question dût préoccuper les esprits après toutes les calamités de la guerre du Peloponèse. Il. Il semble qu'on admettait à Athènes 2', comme dans la République romaine", le principe du droit des gens qui veut qu'un trésor soit à celui qui le découvre et l'enlève L'avarice des Césars porta ces empereurs à s'emparer des trésors découverts ", de même qu'ils s'appropriaient la plupart des héritages; c'est moins du droit que de l'histoire. D'après Sévère et Antonin, le fisc ne peut prétendre qu'à la moitié du trésor 2t ; Iladrien accorde la possession entière à l'inventeur à moins qu'il n'ait usé de magie 23, ou que la découverte n'ait été faite dans une propriété de l'empereur 21, des lieux fiscaux, publics, religieux ou dans des monuments 2T. De ces dispositions générales résultent l'obligation imposée par Constantin de faire au fisc la déclaration de toutes trouvailles ", et le droit reconnu par Gratien et Théodose au propriétaire du sol de prendre le quart des biens trouvés" comme trésors. Seaux Domr.xv.