Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article THESEUS

TIIESEUS (0r,6.Em; . Thésée est le plus important des rois mythiques d'Athènes; il passait pour avoir vécu au moins une génération avant la guerre de Troie'. L'étymologie de son nom est obscure2, mais les liens qui l'unissent à Poseidona et à Apollon' attestent son caractère semi-divin 6. 1. Sources littéraires. La légende de Thésée se fixa dans des oeuvres littéraires nombreuses et dont plusieurs sont très anciennes: l'Iliade connait la lutte avec les Centaures, l'amitié pour Piritlio(1s et I'enlè\e THE 226 THE Il. La jeunesse de Thésée. Égée, roi d'Athènes, THE 227 -THE consacrer une boucle de ses cheveux à Delphes' ; puis, quand il eut atteint sa seizième année, tEthra lui révéla le secret de sa naissance et le conduisit au rocher d'Egée. Le jeune homme le souleva sans peine, et prit le glaive et les sandales2(fig. 6883). Dédaignant la voie de mer, il se dirige alors vers Athènes par la route de l'isthme, et c'est dans sa marche à travers ces contrées dange reuses qu'il accomplit ses premiers exploits 3. Sur le territoire d'rpidaure, il rencontra Périphétès -Korynétès, fils d'Iléphaistos et d'Anticleia, qui tuait les passants à coups de massue; il le vainquit et s'empara de son arme Plus loin,parmi les sombres pins de l'isthme, le fils de Posei don Sinis 6 surnommé Pityocallaptès, avait inventé la torture par les arbres Thésée lui THE -228THE fitsubir la peine du talion' et l'écartela2. Il débarrassa encore le pays du monstre issu de Typhon et d'Échidna 3, la laie de. Crommyon', appelée Phaia, la Grise'. Sur la côte rocheuse de Mégaride, Scirons forçait les voyageurs à lui laver les pieds' ; tandis qu'ils vaquaient à cette humiliante besogne, d'une ruade il les lançait dans la mer, où ils étaient dévorés par une tortue monstrueuses. Feignant de se plier au caprice de Sciron', Thésée le saisit par les jambes et le précipita sur les écueils t0 (fig. 688z1). A Éleusis", il se trouva en présence de Cercyon12, qui massacrait ceux qui lui tombaient sous la main, après les avoir contraints à la lutte. Thésée triompha de lui par sa science autant que par sa vigueur, et, l'ayant soulevé dans ses bras, il l'écrasa contre terre13. C'est encore aux environs d'Éleusis" qu'il infligea à Damastès-Procrustès" le supplice que ce brigand faisait subir aux voyageurs : il le contraignit à s'étendre sur son lit, puis, avec tin marteau, il l'allongea à la mesure de sa couche 's ou brisa à coups de hache ses jambes qui la dépassaient (fig. 6885). Arrivé au Céphise, Thésée, pour laver la souillure de tant de meurtres'', se fit purifier par les Phytalides", à l'autel de' Zeus 111eilichios1°. Il pénétra ensuite dans Athènes20, encore inconnu de tous, et sa jeunesse, son élégante parure, ne laissaient guère deviner en lui le héros de tant d'exploits21. Laville était pleine de discorde 22; THE 229 THE Égée vieilli avait épousé l'ambitieuse Médée qui lui persuada d'empoisonner le jeune étranger dans un festin. Thésée ne dut son salut qu'à son glaive, qui le fit, au dernier moment, reconnaître par son père 2. Cette reconnaissange fut cause de larévolte des Pallantides 3; ceux-ci avaient compté sur la succession d'Égée qu'ils voyaient leur échapper. Thésée les surprit et les extermina, grâce à la trahison du héraut Léos 4. Puis, désireux de se concilier l'affection du peuple il dompta le taureau qui désolait la contrée de Marathon 6; il le captura vivant' (fig. 6886) et l'emmena à Athènes le sacrifia à Apollon Delphinios 6. I1 devait encore affranchir sa patrie d'un joug plus lourd. Pour mettre fin à une guerre malheureuse provoquée par la mortd'Androgée9, lesAthéniens avaient consentià Minos un tribut de sept jeunes garçons et de sept jeunes filles 10. Les victimes étaientlivrées au Minotaure qui les tuaitou les dévorait dans le Labyrinthe" [DAE RINTHES]. Latroisième échéance du tribut étant arrivée'', le sort", le choix de Minos'`, ou une décision héroïque", mirent Thésée au nombre des victimes'G.Il partit d'Athènes ", après avoir offert à Apollon Delphinien le rameau des suppliants 18. En pleine mer 1 °, ou au rivage de Crète20, TIIE -230 TIIE la passion de Minos pour Périboia provoquait une vive querelle' ; mis au défi de prouver sa qualité de fils de Poseidon en rapportant l'anneau du roi jeté à la mer 2, Thésée se précipitait dans les flots Des dauphins 4, ou Triton 5, conduisaient Thésée auprès des divinités marines (fig. 6887) : Poseidon promettait à son fils d'exaucer ses trois premiers voeux e ; Amphitrite lui faisait présentd'une couronne d'or 7 et d'un manteau de pourpre'. Victorieux dans cette épreuve, Thésée entreprenait avec confiance le phis célèbre de ses travaux. Aidé par l'amour d'Ariane' [ARIADNE], qui lui donnait une THE -231 THE III. Thésée roi d'Athènes. Devenu maître •afr.V.9aWaWsu~w».viwavvv • Wei vienvtu.~•:ow THE leur reine et par jalousie contre la cité trop illustre z. Elles parvinrent jusqu'aux abords de la ville 3, mais furent vaincues (fig. 6889) 4 par Thésée et par Antiope qui périt dans le combat. Après la mort d'Antiope, Thésée épousait Phèdre, la soeur d'Ariane 6. Phèdre s'éprit du fils de l'Amazone, Hippolyte 1; elle se tua, après l'avoir calomnié auprès de Thésée 8, qui appela sur son fils innocent la vengeance de Poseidon Les der nières aventures de Thésée sont caractérisées par le rôle qu'y joue Pirithoüs 10. A Marathon, sur le point d'en venir aux mains tt, les deux héros, saisis d'une mutuelle 232THE admiration, s'étaient juré une amitié inviolable 12 qui s'affirma d'abord aux noces de Pirithoüs et d'Ilippodamie. La vaillance de Thésée ne contribua pas médiocrement à la victoire des Lapithes sur lesCentaures13[cENTAtiRI). Cette union éclata mieux encore lorsque Thésée entreprit de conquérir Hélène, et Pirithoüs Perséphone ". Aidé par son arni, Thésée ravit Hélène 15, toute jeune encore 16, et la cacha dans l'Attique, à Aphidna ", sous la garde de sa mère 'Ethra f8. Les Dioscures parvenaient à délivrer Hélène1°, et ils emmenaient la vieille 1Ethra en captivité 20. Leur succès avait été facilité parles intrigues TuE 233 THE de Ménestheus 1, et par l'absence de Thésée'. Celui-ci, 1 victime de son hu meur aventureuse et de son amitié pour Pirithoüs 3, était retenu dans les Enfers 4 [tNFcut]. Fixés au rocher qui leur servait de siège 3, les deux héros expiaient cruellement leur dessein d'enlever Perséphone «fig. 6890). Enfin Thésée était délivré par lléraclès 7, et, rendu à lalumière du jour, il se dirigeait aussitôt vers Athènes. Mais ilessayaitvainement de rétablir son pouvoir dans la ville Après avoir secrètement envoyé ses deux fils Acamas et Démo phon en Eubée, chez Elpénor, il se rendit à Gargettos, au lieu qui prit le nom il prononça des malédictions contre Athènes 9. 11 s'embarqua ensuite pour Scyros, où le roi Lycomèdes10 le fit périr par traitrise en le précipitant du haut d'un rocher". Après la mort de Thésée, Ménestheus règne paisiblement sur l'At tique 1"; il com mande aux Athéniens pendant la guerre de Troie 73, oit Démophon et Acamas vont à titre particulier, en compagnie d'Elpénor 18. Les Théséides retrouvaient .'Ethra leur grand' 30 THE -231THE ;mère (lb G891) 1 ; enfermés dans le cheval de bois, ils ava1Ent contribué a la ruine de la ville 2 ; ils conseil laient aux Grecs le sacrifice de Polyxcne3, et assuraient à leur patrie la possession du Palladium 4. On célébrait aussi leurs aventures galantes : Acamas 3, envoyé en ambassade pour réclamer Hélène ", fut aimé de Lao(lice, fille de Priam', et eut d'elle un fils, Mounitos ou Mounichos 8. En Thrace, Phyllis s'éprit de Démophon ° et mourut de désespoir 70. L'usurpateur Ménestheus ayant péri au siège de Troie'', les Théséides, revenus à Athènes, rentraient sans difficulté dans l'héritage paternel 12. IV. Origine et formation de la légende. Thésée n'a été adopté par Athènes qu'à une époque relativement récente 13, et l'on a pu attribuer ses origines à diverses contrées du monde grec 14. La victoire sur le Minotaure et l'enlèvement d'Ariane le rattachent au cycle mythique le plus ancien, au cycle crétois 13, où il apparaît avec son caractère primitif de ravisseur t". Thésée aurait ensuite passé aux rivages de Béotie par l'intermédiaire du culte de Dionysos", et de là sa légende se serait étendue jusqu'à Marathon 18. Mais Thésée peut être venu directement des îles dans la Tétrapole attique [rÉTRAPOLISl on l'a même considéré comme originaire de cette contrée ; en tout cas, il est le représentant des Ioniens qui se fixent d'abord sur la côte de l'est, puis s'étendent dans la plaine de l'Ilissos, et se fondent avec la population préexistante 20. Le héros est étroitement lié àApollon, le dieu de la Tétrapole2l ; c'est à Marathon qu'il conclut son pacte d'amitié avec Pirithoüs 92; il dompte le taureau de Crète dans la même région23, et il cache Hélène à Aphidna 24 THE -235TUE On ne saurait contester, d'ailleurs, l'importance de la Béotie; en particulier,le mythe de Pittheus et d'Égée relatif à la naissance de Thésée semble provenir d'Hyria et c'est peut-être dans la contrée du Therrnodon 2 que l'ancien thème de l'enlèvement fut appliqué pour la première fois à la reine des Amazones3. On a admis que le saut à la mer, qui figure dans la légende de Thésée', découlait d'un rite pratiqué à Thémiscyra, au rocher blanc de la Thémis béotienne : tuais il serait aussi légitime de chercher l'origine de cet épisode dans les rites d'Apollon Delphinios 6, qui était particulièrement vénéré sur les côtes de Béotie et de Locride'. A ce dernier pays et à la région du golfe Maliaque se rattachent encore quelques éléments du mythe Ariane recevait un culte à. Oinoè9 ; son heureuse rivale, Aiglè, était l'héroïne de Panopeus 1°, et l'on montrait au bord de l'Hémon des tombeaux d'Amazones vaincues ". D'autres se voyaient à Scotoussa et à Cynoscéphales, dans la Thessalie 12, où l'on place parfois le berceau des Amazones '°. La légende de la lutte contre les guerrières "pourrai tvenir de ce pays n, qui a été considéré, lui aussi, comme la patrie primitive de Thésée "6. L'Iliade le compte en effet parmi les Lapithes 17 ; il combat à côté de Pirithoiis, le héros thessalien par excellence 18, à qui l'unissent des analogies assez grandes pour avoir suggéré l'hypothèse d'une identité originelle 19. De tous les pays que nous avons énumérés, mais surtout de la Tétrapole, qui est le foyer principal, la légende se répandit ensuite jusqu'à. la côte d'Argolide 20, et particulièrement à Trézène 2f. Thésée occupa vite une place à part chez ces Ioniens du Péloponnèse 22, à qui le recommandaient ses relations avec Poseidon 23. La naissance et la jeunesse de Thésée furent localisées dans leur ville, et quelques-uns de ses exploits y furent certainement célébrés en des oeuvres poétiques Si. A l'époque de la confédération de Calaurie, où Trézène exerça une sorte d'hégémonie 2', Thésée devint le héros commun des villes alliées 2E. On doit attribuer, en partie, à l'influence de Trézène sur Athènes 27 qui participa à la ligue, la fortune de Thésée dans cette dernière cité 28. L'influence de Trézène s'exerca d'autant mieux qu'Athènes avait déjà reçu du côté de l'est quelques éléments du mythe ; dès l'époque oit l'union avec la Tétrapole avait été réalisée 29, elle s'était approprié son héros 30. La légende athénienne de Thésée est une libre combinaison de l'imagination poétique et du patriotisme sur des données originaires de Marathon et de Trézène 31 V. Thésée à Athènes.Thésée, d'abord rattaché à. l'éponyme des Aidikoreis, une des quatre anciennes tribus 32, fut ensuite relié à la famille des Érechthéides et devint, sans doute au temps de Pisistrate, le petit-fils de Pandion 33. On établit aussi un rapport entre Thésée et la famille du tyran 3t, dont certains actes trouvèrent une sorte d'illustration dans l'histoire de son prédécesseur mythique". Toutefois, la période capitale pour le développement de la légende de Thésée est celle qui va de la chute des Pisistratides à la fin des guerres médiques n. Avec l'exaltation croissante du patriotisme et du sentiment démocratique, la personnalité du héros s'accuse, elle revêt THE 236 THE son aspect original et définitif. C'est l'époque où Thésée grandit aux dépens d'Iléraclès à qui les Athéniens veulent égaler leur représentant 2 qui deviendra un autre Héraclès 3. Les Pisistratides avaient trouvé assistance auprès des Spartiates ; aussi le héros dorien, vénéré par les ennemis d'Athènes, fut-il rapidement éclipsé par le héros ionien, en qui s'incarnait la nouvelle liberté'''. Dès la fin du vie siècle, on voit en Thésée le père de la patrie, le véritable auteur de la puissance d'Athènes par l'établissement du cuvotr.tcudç 5. II avait supprimé les autorités particulières et établi dans la cité, devenue capitale unique, un seul Prytanée et un seul Conseil 5. Les fêtes des Synoikies 7 et des Panathénées $ [SYNouiA, PANATHÉNAIA] passaient pour avoir été établies par lui en souvenir de ce mémorable événement Les anciens ont fait ressortir le caractère démocratique du synoikismos : il brisait la puissance d'une oligarchie et assurait aux citoyens plus d'égalité et de justicef0. Le peuple athénien pouvait sans contradiction faire son héros d'un monarque « libéral et philosophe »'1, dont l'image était digne de figurer entre celles de la Démocratie et du Démos Après la défaite des Perses et l'établissement de l'hégémonie athénienne, la gloire de Thésée grandit avec celle de son peuple 13. On avait triomphé sous ses 'auspices à Marathon '4, et il devient, par sa victoire sur les Amazones, le type idéal du vainqueur sur l'Asiatique 15. Athènes l'utilise au' profit de ses ambitions maritimes 16. Déjà, sous Pisistrate, on avait insisté sur ses anciennes relations avec Délos, et on le désignait comme le fondateur du culte et des jeux dans file". La théorie athénienne se rattachait à l'expédition de Crète, et, chaque année, les théores s'embarquaient sur son propre vaisseau 13 [THÉÔROI]. Les contemporains de Thémistocle célébraient en Thésée le fils de Poseidon 19, à qui la déesse Amphitrite remet une couronne d'or, symbole de la domination sur la mer2-0. Cette apothéose nationale se paracheva sous le gouvernement de Cimon, qui passait, lui aussi, pour être allié àThésée2' ; sa politique et ses victoires sont unies à la légende du héros dont l'éclat rejaillit sur lui 22. Par sa campagne sur les côtes de Thrace et la prise d'Èion, il avait soumis la vallée du Strymon L3, à laquelle était THE 237 THE attaché le souvenir de Mounitos, fils d'Acamas 1. Cette conquête fut bientôt suivie de celle de Scyros2, qui eut une importance capitale. Un oracle, rendu en 476/75, avait ordonné aux Athéniens de rapporter dans leur cité les restes de Thésée 3. Un aigle ayant indiqué la place où les ossements étaient enfouis Cimon les recueillit 5 et les déposa au centre de la ville', dans le Théseion, consacrant ainsi l'établissement définitif du culte de Thésée à Athènes 7. Un ex-voto du Louvre nous le montre encore déifié et adoré par deux assistants (fig. 6892) ". Le retour des cendres donna lieu à de grandioses cérémonies On associa aux honneurs rendus à Thésée les soldats tués à la guerre 1° ; c'est alors, sans doute, que Cimon institua le )e3yo; E7ttro( to; 11, et que le premier tombeau publie fut érigé au Céramique t2, On a vu plus haut que l'origine des fêtes déliennes, des Synoikies et des Panathénées avait été rapportée à Thésée 13. Mais le héros fut encore introduit au coeur même d'anciennes fêtes qui lui devinrent propres ; l'étude de ces fêtes achèvera de mettre en lumière le rôle important joué par Thésée dans la vie politique et religieuse de la cité' Ces fêtes se succédaient sans interruption du 6 au 12 Pyanepsionl5 ; elles avaient en général un caractère funéraire, et on en reliait plusieurs détails à divers épisodes de l'expédition en Crète". Elles commentaient dans la soirée du 6, avant le coucher du soleil, ou le 7, aussitôt après le coucher du soleil, par les Cybernésies [KYBERNESIA], célébrées en I'honneur de Nausitboos et de Phasax, pilotes de Thésée, dans les ~pc;ice qu'il leur avait lui-même élevés à Phalère 17. Le 7, peu après le cou cher du soleil, avaient également lieu les Pyanopsies ou Pyanepsies, dont les rites, d'abord agraires'", avaient reçu un sens nouveau. On consommait les 7ruav61,ta, en souvenir de ce repas commun pour lequel Thésée TIIE 238 THE et ses compagnons, à leur retour en Attique, avaient fait cuire dans la même marmite tout ce qu'il leur restait de provisions 1. Au lever du soleil, l'eirésiônè était offerte, à la date où Thésée et les siens avaient abordé dans leur patrie, et avaient remercié Apollon pour l'heureuse issue du voyage de Crète Les Oschophories [DlonvslA, p. 234], qui occupaient toute la matinée du 7, étaient originairement, elles aussi, des cérémonies agraires 3 ; mais les anciens leur avaient donné, au profit de Thésée, une nouvelle interprétation mythique'. On disait que ces fêtes avaient été instituées par lui 5; les deipnophores, qui préparaient, à Phalère, le repas des oschophores, représentaient les mères des victimes destinées au Minotaure, qui leur apportèrent des provisions au moment du départ, les consolèrent et les encouragèrent 6. Les oschopltores, qui revenaient de Phalère à Athènes en poussant des cris de joie et de deuil auxquels s'associait la foule, rappelaient les compagnons de Thésée, se réjouissant de leur salut et se lamentant sur la triste fin d'Égée. Le héraut du cortège figurait celui que Thésée avait jadis envoyé dans la ville, pour y annoncer sa victoire ; il portait sa couronne autour de son caducée, comme avait fait son prédécesseur, lorsque, apprenant la mort d'Égée, il eut scrupule de mettre à son front les couronnes que lui offraient les citoyens7. Les Phytalides enfin, qui présidaient au banquet sacré des Oschophories, étaient les descendants de ceux qui, autrefois, avaient accueilli et purifié Thésée ". Dans l'après-midi du 7, des présents funèbres étaient offerts à Égée, dont les funérailles avaient eu lieu à la même date à Chonnidas, précepteur de Thésée 10, et aux Amazones 11, Les Théseia proprement dites commençaient le 8, au matin, par une procession et un grand sacrifice suivi d'une distribution d'aliments aux pauvres 12. Thésée recevait sans doute au cours de la journée des offrandes et des libations (yoz') 13. Le banquet des Théseia se plaçait le 9, après le coucher du soleil ]", et les jeux s'ouvraient dans la matinée du même jour. C'était d'abord une sorte de proagdn comprenant des parades militaires, et qui s'achevait le 10 au soir par une lampadodromie qu'exécutaient de préférence les 7talôsç et les rot35. Toute la journée du 10 était ensuite consacrée à l'agôn gymnique t6, où se suivaient neuf exercices : dolichos, stadion, diaulos, palè, pI/gmè, pancralion, hoplitès, hoplomacitia, acontismosf7. Les Théseia prenaient fin, dans la journée du 11, par un agôn hippique moins important que l'agôn gymnique'". Les Épitaphia avaient lieu, après les Théseia, dans la journée du 1219; le souvenir de Thésée, qu'on avait célébré la veille 2D, planait encore sur ces fêtes funèbres. C'était d'ailleurs le retour de ses restes à Athènes qui avait provoqué la réorganisation de l'ancienne fête mortuaire d'où sont issues les Épitaphia2l. Le héros qui s'était toujours montré si respectueux envers les morts devait naturellement présider à leur culte22 ; lui-même avait donné l'exemple du ),flyoç ru-:4toç, qui était l'acte principal des nouvelles cérémonies23. Lorsque, dans l'après-midi du 12, le polémarque offrait un sacrifice sur le tombeau public du Céramique, et lorsqu'on prononçait, en l'honneur des citoyens tombés à l'ennemi, un éloge accompagné d'exécutions poétiques et musicales24 l'image de Thésée, fondateur d'Athènes et personnification de la patrie, était présente à tous les coeurs 2'. Cette vénération universelle pour Thésée n'était pas la simple conséquence d'un dessein politique des dirigeants. Le peuple l'aimait, parce qu'il était en partie né de lui, parce qu'il l'avait façonné conformément à son idéal. Nous saisissons encore ce travail de la conscience athénienne dans l'oeuvre des meilleurs esprits, artistes ou poètes ; ils ont exprimé la pensée et les sentiments de la foule de leurs collaborateurs inconnus, dont le pieux eflort a donné plus de vie et de beauté à cette figure héroïque. Les exploits de Thésée sont pour l'art attique du ve siècle un sujet de prédilection26. Ils apparaissent aux métopes du Trésor des Athéniens27 et à celles du Théseion28 n. Polygnote représentait dans le temple de Thésée la lutte contre les Amazones et contre les Centaures22, Micon la visite à Amphitrite10. Au Poecile, Micon exaltait à nouveau la victoire sur les Amazones, THE 239 THE et le héros était évoqué parmi les combattants de Marathon'. Thésée est aussi le grand favori des peintres de vases à figures rouges; Chachrylion, Euphronios, Douris ont tiré de sa légende de beaux motifs pour l'ornementation de leurs coupes'. Les poètes et les orateurs se font les hérauts de sa gloire 3. Les Éleusiniens d'Eschyle célébraient l'intervention de Thésée en faveur des Argiens' ; Sophocle le montre, dans Œdipe à Colone, respectueux de l'infortune et protecteur des opprimés Euripide lui fait accueillir favorablement les Suppliantes, et soutenir le droit des morts par les armes'. L'Héraclès .Hainolnénos, les (Héraclides publient encore la générosité de Thésée et de son fils'. Ses exploits sont le patrimoine d'Athènes', qui les invoque pour établir ses droits à la suprématie 0. Les Athéniens les rappellent, lorsqu'ils réclament, avant Platées, un rang d'honneur parmi les Grecs", et ils deviennent de véritables lieux communs chez les auteurs de panégyriques officiels". Avec le temps, leur nombre s'accrut" et de là vint le proverbe Rien sans Thésée ''°. Tandis que les ennemis d'Athènes s'efforçaient malignement d'abaisser son héros en répandant les anecdotes qui lui étaient le moins favorables'' les Athéniens s'attachaient à les modifier, et quelques versions de ses aventures accusent un dessein apologétique très net15 Ainsi, la personnalité du héros s'est lentement dégagée de la conscience du peuple ; le patriotisme athénien a créé autour de Thésée cette atmosphère de beauté, d'héroïsme et de poésie où il nous apparaît encore aujourd'hui. Sculpteurs et peintres sont tous inspirés par une sorte d'amour pour l'image qui rayonne sur les reliefs, dans les fresques, ou à fleur d'argile ; ils semblent émerveillés eux-mêmes que tant de grâce puisse environner le courage et la force. Les artistes de Delphes qui, les premiers sans doute, eurent à figurer en marbre le héros, en ont fixé les traits avec un rare bonheur et l'ont paré d'une jeunesse immortelle "S, qui brille aussi chez Euphronios (fig. 6887). C'est « le joli Thésée, au printemps de sa vie, à l'aube de sa gloire ; le Thésée jeune, imberbe, encore un peu demoiselle, naïvement fier de sa beauté, de sa cape flottante.., de ses longues boucles », en un mot, un véritable « Prince Charmant» ". Rien ne peut résister à cette beauté « surhumaine et victorieuse » i8 dont Ariane, Aigle, Antiope, Phèdre, Hélène, d'autres encore f', subissent tour à tour le charme. Mais le héros triomphe des brigands et des monstres aussi bien qu'il fait des coeurs. Il est le grand redresseur de torts, et il ne dépouille pas son humanité quand il arrive au pouvoir suprême : il veut inaugurer le règne de la liberté et de la justice;il protège les humbles, les faibles, il se déclare le champion des morts ; enfin il établit la grandeur d'Athènes et assure l'indépendance de sa patrie20. Cette figure, ennoblie encore par les tristesses de l'exil, est singulièrement belle et séduisante dans ses contrastes. On reconnaît en elle un peu de Solon, un peu de Pisistrate, quelque chose de Thémistocle, de Cimon et même d'Alcibiade" ; mais Thésée est plus que tout cela, car il est Athènes même ; il est une « création du génie athénien, un miroir de l'âme athénienne préparé et poli par elle-même pour s'y mirer elle-même 22 », et il « circule à travers toute sa légende un souffle de jeunesse, de beauté, d'intelligence... où l'on sent vraiment voltiger l'âme de la grande cité » 23. Loris SÉCDAN. mopltoria était célébrée en l'honneur de Déméter Thesmophoros [cERES] sur tous les points du monde grec, en pays dorien comme en pays ionien; c'est une preuve de son importance et de son antiquité. Les auteurs et les lexicographes y font de nombreuses allusions ; ni les détails cependant n'en sont tous exactement connus, ni la signification tout à fait assurée. Il est évident que, célébrée dans un grand nombre de cités grecques, elle l'était avec des variantes sensibles suivant les lieux. THE -2'l0THE Nous parlerons d'abord et surtout de la fête athénienne. Le nom de OEap.ocpdptx-nous nous interrogerons sur le sens du mot après avoir étudié la fête et ses rites -désignait la fête dans son ensemble. Au témoignage d'un grand nombre de textes, elle s'étendait sur trois journées 1, la première étant celle de 1"AvoLsç, la seconde de la N-fiere(, la troisième des Kc0duyfveta. Il y avait aussi en Attique deux fêtes préliminaires aux Thesmophories proprement dites : les ET-iivtx2 et les 0, ECUo?6ptx iv 'A),tuouvrt 3 ; mais elles apparaissent comme des fêtes locales rattachées aux Thesmophories urbaines, et en principe indépendantes de celles-ci, toujours désignées comme une fête de trois jours. La fête était célébrée au mois Pyanepsion, au moment des semailles d'hiver 4. Sur la date exacte il y a quelque divergence. Un témoignage isolé, de Plutarque 6, place la Nr,arc(x le 16 du mois; mais le renseignement est erroné 6, et plusieurs textes, surtout des scoliastes d'Aristophane', placent 1"Avoh,; le 11 Pyanepsion, la Nr,cTE(x le 12 et les Kxnntyivetx le 13. Cependant, d'un texte même d'Aristophane dans les OECit.o ,optz~oue«t 8, il semble résulter que le 13 du mois était le jour de la nier, des Thesmophories, c'est-à-dire de laNrnTe(O.. On aurait dans ce cas (les Stènia se plaçant deux jours avant les Thesmophories, et la fête d'llalimus la veille) le tableau suivant : 10, Stènia ; 11, fête d'llalimus ; 12, Anodos ; 13, Nestcia; 14, Kalligéneia. C'est l'opinion d'A. Mommsen'. La fête c'est le trait essentiel des Thesmophories dans tout le Inonde grec était célébrée par les femmes mariées, citoyennes d'Athènes10, les hommes en étant rigoureusement exclus 11, et de même, semble-t-il, les jeunes filles 12. Dans chaque dème les matrones élisaient deux des leurs pour organiser la fête selon les rites"; les maris de celles qui avaient été choisies étaient tenus de payer les dépenses de la fête, particulièrement du banquetli Un texte d'Ovide 15 parle d'une période de neuf jours pendant laquelle les femmes se préparaient par l'abstinence charnelle à la célébration de la fête ; mais il n'est pas bien sûr qu'il s'agisse des Thesmophories ; en tout cas, pendant la fête elle-même, les matrones observaient la chasteté; il nous est dit qu'elles étendaient sur leur couche des feuillages à vertu purificatrice et anaphrodisiaquef6. Deux jours avant les Thesmophories avaient lieu les Stènia 11; c'était comme une assemblée des femmes athéniennes 18 ; au dire d'un texte 19, elles y échangeaient, pendant la nuit, des propos libres et des sarcasmes 20, l'explication commune de cette pratique étant qu'elle rappelait des scènes analogues qui avaient diverti Déméter lors du rapt de Coré 21. Le jour suivant les femmes étaient près du cap Kolias, dans le dème d'lIalimus, où elles offraient, sans doute avec celles du dème, un sacrifice traditionnel, avec des danses et des chants 22. Puis commençaient, avec la journée de 1"'Avo3oç, quelquefois dénommée aussi K.Oodo, 23, les Thesmophories proprement dites. Nous ne savons rien de précis sur les cérémonies de cette journée : le nom semble indiquer le retour en procession des matrones du cap Kolias au Thesmophorion d'Athènes, ou au moins leur montee, de la ville basse à ce sanctuaire 2''. On ne connaît pas son emplacement exact; mais il était certainement, d'après le texte des Thesmoplloriazousai23, situé sur la colline du Pnyx26; on élevait en ce lieu des huttes de branchages, où il semble que les célébrantes résidaient, chacune ayant sa compagne de tente27 : souvenir évident de la vie agricole de l'ancien temps. Peut-être, comme dans d'autres cérémonies, la procession de nvoioç se faisait-elle avec une image de la déesse qu'on reportait à son sanctuaire. Le jour suivant, 6E7p.oci,op(w) il ;uEOa-, 26, était le plus sacré de la fête 53; il avait en même temps un caractère de deuil 30. 11 n'y avait pas de sacrifice 31 . Les femmes jeûnaientu; elles se tenaient assises sur la terre 33. Ce jour-là les tribunaux vaquaient, et l'assemblée 3'. Le dernier jour de la fête, les Kaantyivetx 33, était marqué par un sacrifice 3ô et sans doute aussi par le banquet des Thesmophories 37. Hésychius enfin mentionne" comme faisant partie des Thesmophories un sacrifice désigné sous le nom de Uwylt,x ou a.,.oi(wce, peut-être aussi de aucun renseignement ne nous permet d'en préciser la nature. Nous avons, par contre, des détails précis sur une cérémonie d'un caractère très particulier, dont nous n'avons pas parlé encore, parce qu'il n'est pas établi à quel jour elle se célébrait dans le cours des Thesmophoria. Clément d'Alexandrie y fait allusion 39 ; et ltohde a publié le texte d'un scoliaste de Lucien h0 qui la décrit. On jetait dans des trous iccp.xra, N.iyapa " des gorets, 7o%pot. D'autre part des femmes, les âvT), ;Tptat, pures depuis trois jours, retiraient de ces fosses les chairs pourries des gorets et les déposaient sur des autels où chacun venait en prendre pour les mélanger à la semence, que cette opération devait rendre féconde. On jetait aussi dans les trous des objets désignés par le mot d'«ap'r; x, images de serpents et d'hommes (vvôptx criexT2, des phallus ?), faites d'une pâte de farine, et des pommes de pin. C'étaient des serpents qui étaient censés dévorer les chairs des animaux. dont on retirait les restes en putréfaction. Le scoliaste explique le rite THE 211 THE par un rappel de l'histoire d'Eubouleus, dont les troupeaux avaient disparu dans un gouffre souterrain lors du rapt de Coré, et voit dans les xppr,.x des symboles se rapportant à la génération des fruits de la terre et à celle de l'homme. Il faut remarquer que le scoliaste ne parle pas d'un temps qui s'écoulerait entre la mise en fosse des gorets et l'extraction par les vT)r,Tptx: des chairs pourries ; il semble qu'il y ait là deux moments d'une même cérémonie. D'oi.t l'hypothèse de Frazer 1, qu'au même jour où on précipitait les gorets dans les 7cµa-a, on retirait aussi les chairs putréfiées des animaux qu'on y avait jetés l'année précédente. Frazer est tenté de voir précisernent dans l'âvoôo;, ou quelquefois xcl oio;, du 1l ou 1'2 Pyanepsion, cette cérémonie mystérieuse de la descente et de la remontée des Lat. Elle se placerait dès lors le premier jour de la fête ; il peut paraître plus logique de voir dans ce rite important le couronnement des Thesmophories, et de le placer, de nuit peut-être, après la v-rlcTs(x 2 et avant la réjouissance des Ka))ty€vela. Il convient maintenant d'énumérer les nombreuses localités du monde grec pour lesquelles l'existence des Thesmophories nous est attestée. La seule mention d'un sanctuaire de Déméter Thesmophoros permet de conclure à l'existence de cette fête. Il est bien probable d'ailleurs qu'elle existait dans toutes les cités. Voici celles pour lesquelles il y a des textes ou des inscriptions 3 : Attique : lfalimos (v. plus haut); le Pirée 5; Éleusis 6 Mégaride : Mégare'. Béotie : Thèbes 6 ; c'était dans la Cadmée que les femmes célébraient la fêle ; Potniai ; Pausanias atteste pour cette ville le rite des I,.Eyxpx ; Koroneia i0. Phocide : Drymaia '1. Locride : Alponos 12. Thrace : Abdère 13; Panticapée 14. Argolide : Trézène 18, Épidaure 16 (t) -Achaïe: Pellène17 (?) : il s'agit des fêtes de Déméter Muc(x; mais il semble bien qu'une partie en était analogue aux Thesmophories : il y avait en effet exclusion des hommes. Arcadie : Phénéos 16 ; Mégalopolis (?) 73. Laconie: Sparte 36 ; Aigila2l (?). 1les de la mer Égée: Égine 22 ; Érétrie d'Eubée" : Plutarque rapporte deux particularités des Thesmophories de cette ville : les femmes y font cuire les viandes (du banquet des Thesmophories?) au soleil, et d'autre part ne fêtent pas leshx))tyévetx; Délos: il est fait plusieurs fois mention, dans les comptes sacrés, des Thesmophories 2" et de l't;; fyxlp.tnv offert à cette occasion à Déméter : il semble que la fête soit célébrée non en hiver, mais en été, au mois Métageitnion ; un rite particulier consistait en l'offrande d'un pain, nommé .tcds'rl : la fête de cette offrande-prémice était désignée sous le nom de 111aya),4T:a ; Paros" ; Thasos 27 (?) ; Rhodes 23. Asie Mineure : Gambreion 29; Smyrne 30 ; Erythrai 31 ; Éphèse °2 ; Milet". Afrique : Alexandrie 34' ; Cyrène 3S : on racontait que le zi(11r97,6 Ix. Battos avait été mutilé par les femmes (c,,ctrurprx1?) pour avoir essayé de pénétrer les mystères de la Thesmophoros. Sicile : Syracuse : un texte d'IIérakleidès 36 y atteste l'existence des Thesmophoria ; et une grande fête qu'on y célébrait pendant dix jours, au témoignage de Diodore de Sicile 37, lors des semailles, avec grand appareil, ne peut être que cette même fête des Thesinophoria: les femmes échangeaient en cette occasion, comme nous avons vu en Attique, des propos obscènes (cdr1po)oy(a) ; Catane 38 (?). Italie : Naples 39 ; Pompéi "0. Nous ne dirons ici que quelques mots de la question difficile de l'origine et de la signification des Thesmophoria. Comme toujours, c'est aux rites qu'il faut regarder pour la découvrir. On peut ainsi rejeter sans plus les anciennes explications qui voient dans les Thesmophories la fête de Déméter législatrice et civilisatrice [CEHES] ; rien dans le rituel de la fête n'autorise une telle explication , aussi bien remonte-t-elle à une époque où les idées abstraites de ce genre n'avaient pas pris forme religieuse. Rien non plus, dans cette fête d'où les hommes sont rigoureusement exclus, n'implique la célébration du Oecsb; ),lx-ooto41, du mariage légal. Il s'agit de tout autre chose. Hérodote fait venir la fête d'Égypte avec le culte de Déméter, avant l'invasion dorienne 43. Mais indépendamment de toutes les objections qui s'adressent à la théorie égyptisante, les rites essentiels des Thesmophories semblent bien devoir s'expliquer par des croyances religieuses très antérieures aux pratiques classiques du culte des divinités éleusiniennes. Ils se rapportent, à l'idée de la fécondité agraire obtenue par des moyens magiques43. Les hommes sont exclus des Thesmophories, et les femmes qui les célèbrent gardent la continence sexuelle. Mais, par une contradiction apparente, le rôle de 1'aiczpo)r((x on l'a vu par plusieurs exemples et des symboles phalliques et de la génération y est aussi très important 44 : à côté des ezr1N.04cx .v3, wv jetés dans les cv.o,T31, il nous est dit que les femmes rendaient honneur au udp:s) yuvxaemtov "6 et il y a même trace du rite de fécondation par flagellation ". Le jour (le la v-rle-e(x, les femmes sont assises à terre ; ce peut être là une posture qui permet l'union avec le démon chthonien", à qui s'adresse le rite des âv-),rtictat; celui-ci même aide, on l'a vu, à la fécondité des semailles. Ainsi la continence sexuelle des femmes, rigoureusement séparées des hommes, serait comme la condition de leur union magique avec le démon chthonien, union qui doit procurer la fertilité du sol, et qui aurait été le but des Thesmosphoria primitives. Il n'y aurait donc pas besoin, pour expliquer l'exclusion des hommes, de recourir à l'hypothèse du matriarchat'"8, ou à ce fait que le soin de la vie agricole paraît avoir été réservé aux femmes dans l'état de société le plus TFIE 242 -TIIE ancien L'idée de la génération humaine va de pair avec celle de la génération des fruits de la terrez ; ce rapprochement naturel peut expliquer les R«)J,tyivet«, qui semblent surajoutés à la fête primitive, de caractère agraire ; aussi bien nous,voyons à Érétrie des Thesmophoria qui ne comportent pas cette troisième journée 3. Quand la religion olympienne et anthropomorphique pénétra le domaine des anciennes croyances magiques, Déméter, déesse de la terre cultivée, attira naturellement à elle les rites des Thesmophories; c'est ce qui explique l'influence sur eux des rites éleusiniens, et comment la cérémonie magique des 'âc atia fut rattachée à l'histoire de Déméter, Coré et Eubouleus ; comment, en beaucoup de lieux, la fête apparaît surtout comme célébrée en l'honneur du couple divin de la mère et de la fille ; comment l'«icyoo),oy(x des Thesmophories fut expliquée par la légende de Déméter et d'lambé [cEl4 s] ; comment même, en quelque mesure, la représentation mimétique du mythe éleusinien put avoir une part dans les Thesmophories4. Si un texte aussi précis que celui du scoliaste de Lucien ne nous avait été conservé, nous aurions peine à retrouver les traits primitifs et caractéristiques de la fête. Il resterait à expliquer le nom même de Oecµopdptx. On peut dire que l'interprétation certaine n'est pas encore trouvée. Si l'on rapproche le mot d'autres mots tenté de le prendre au sens propre et matériel : ce sera la fête ou l'on porte les lacuoi. Et dans ce cas le nom de la déesse Tiiesrnophoros serait tiré du nom de la fête, et non l'inverse. Mais quel est alors le sens de Oecµo.? Il ne s'agit certainement pas de rouleaux ou de livres rituels '. Frazer 6, d'après l'étymologie de Osa!,.o(, veut que le mot signifie « objets déposés » et s'applique en l'espèce aux restes charnels que les ' ),r.ptxt retiraient des / at,.xsx ; l'explication paraît bien forcée. Pour Harris son, les Oeeuo sont les « choses magiques », du mot ÉCC«cOxt 7. Mais on peut croire aussi' que Oet,.opd2t« est un mot dérivé de l'éphithète OeeptoLdpoç, analogue à celle de xxp7to112dpo;, Oeeud; étant pris dans le sens de orte«uod;, qu'il a dans un passage d'Anacréon En somme l'étymologie reste incertaine ; l'étude du rite seule peut nous éclairer sur la nature et le sens des Thesinophoria. ÉMILE CAHEN. magistrats d'Athènes et de quelques autres villes. Les thesmothètes faisant partie à Athènes du collège des archontes, nous renvoyons à l'article ARCHONTES pour tout ce qui est commun à ces magistrats, et à l'article soRTITIO pour ce qui concerne leur nomination. Nous nous occuperons donc seulement de ce qui est particulier aux thesmothètes. Au commencement du vne siècle avant notre ère, Athènes était depuis longtemps soumise au régime aristocratique. Les Eupatrides, qui avaient triomphé de l'antique royauté, étaient représentés au gouvernement par les trois magistrats ou archontes qui détenaient les certainement très exagérée par Rohde, loc. cit. 5 Le stol. de Théocrite, 4, 25, ne peut s'appliquer aux Thesmophoria. 6 Cf. Encycl. Brit. art. Thesmophoria. pouvoirs politiques, administratifs, religieux et militaires : l'archonte par excellence, le roi et le polémarque. Cependant des classes nouvelles s'élevaient en Attique comme dans le reste de la Grèce. De plus en plus nombreuses, dirigées par des chefs qui devaient leur influence, non pas à leur sang, mais à leur fortune, elles combattaient avec une âpreté croissante les privilèges de la naissance et l'exploitation égoïste de la puissance publique. Rien ne leur paraissait plus odieux, rien ne les faisait autant souffrir dans leurs intérêts matériels et moraux que le monopole de la justice exercé par les grands yévy, aux dépens des roturiers et de l'État luimême. Il n'y avait point de lois, mais seulement de vieilles coutumes que les Eupatrides se transmettaient mystérieusement de père en fils. « Ils prononçaient des arrêts à tort et bannissaient la justice` » : ces « maîtres ès lois », ces « exégètes du droit civil et religieux») se conduisaient en « mangeurs de présents »a . A la première victoire que remportèrent les ancêtres de la démocratie athénienne, ils résolurent de tirer la justice des ténèbres sacrées où la maintenait la tradition orale des ywr„ pour l'amener au grand jour et en faire la chose de l'État. C'était le temps où commençait à se répandre l'usage de l'écriture. On voulut qu'Athènes eût des codes. Six magistrats furent adjoints aux archontes, « avec mission de rédiger par écrit les décisions ayant force de lois (Ot'cf,.tx) et de les conserver pour le jugement des litiges' ». Ils furent appelés thesmothètes. L'époque où fut créée cette magistrature ne peut être fixée avec précision. Aristote' remarque avec justesse qu'elle date d'une époque où les trois premiers archontes étaient déjà nommés annuellement. L'institution est donc postérieure à 682. Tout au plus pourrait-on soutenir qu'elle est contemporaine de la réforme qui transforma l'archontat de charge décennale en charge annuelle; mais il est plus vraisemblable qu'elle marque un progrès ultérieur des classes populaires. En tout cas, elle est de quelque temps antérieure à l'attentat de Cylon, événement où l'on voit intervenir les neuf archontess.C'est donc vers le milieu du vne siècle que fut imaginée la fonction de thesmothète. On voudrait savoir d'oit vient que le nombre des thesmothètes fut fixé à six. Deux explications ont été proposées. D'après Thumser et Busolt, ce nombre résultait d'une entente entre les trois classes dont se composait alors la cité d'Athènes, les Eupatrides, les Géorgoi et les Dèmiourgoi 7.Mais rien ne nous dit queles trois classes en question aient eu dès la première moitié du vite siècle l'organisation officiellement reconnue qu'on constate dans l'histoire intérieure après Solon. D'ailleurs, il est impossible d'admettre que les six places de thesmothète aient été réparties également entre les trois classes, puisque dans l'année où l'on distribua exceptionnellement entre elles dix charges d'archonte (h82), on en réserva cinq aux Eupatrides, trois aux agriculteurs et deux aux artisans 8 : on ne pourrait donc qu'attribuer trois places de thesmothète aux Eupatrides, deux aux agriculteurs et une aux artisans. I, 126, 8. 7 Thumser, Staatsalt. de Hermann, 6' éd., p. 343 ; Busolt, Gr. Gesch. THE -2'i3TIGE Mais dès lors le rapport des six thesmothètes avec les trois classes n'a plus rien de démonstratif, de mathématiquement nécessaire ; d'autre part, il faudrait supposer que les Eupatrides ne virent pas décroître leur influence dans le cours du vu' siècle et au commencement du vi°, puisqu'ils auraient obtenu trois thesmothètes sur six comme ils devaient obtenir cinq archontes sur dix, et cette hypothèse est contraire à la vérité historique. L'autre explication, celle de Gilbert', est plus vraisemblable : on dut attacher à chacun des trois archontes deux lieutenants chargés de l'assister ou de le contrôler dans l'exercice de sa fonction judiciaire, pareils aux deux parèdres que se choisirent plus tard les archontes, à l'exception des thesmothètes 2. D'une position subordonnée les assesseurs passèrent, peut-être vers l'époque de Solon, à une situation indépendante et à peu près égale à celle des archontes; néanmoins ils conservèrent toujours dans le corps complet des archontes une place distincte et une légère infériorité de préséance. Ce qui donne à cette hypothèse une grande probabilité, c'est que les lois des Athéniens, ces lois que les thesmothètes avaient pour mission de rédiger, furent toujours classées par magistratures et affichées devant le local propre à chacune d'elles 3. Les OEru.i( que les thesmothètes colligeaient à l'origine rappelaient encore les O€µtrTE; des rois homériques et les coutumes familiales, mais faisaient déjà présager les lois futures. Nommés pour un an, les thesmothètes n'avaient pas le temps de codifier les vieux coutumiers; ils ne pouvaient pas exécuter l'oeuvre qui dut être accomplie par ces thesmothètes à titre extraordinaire, Dracon et Solon'. Leur activité dut se borner à recueillir, au fur et à mesure des circonstances, les décisions des archontes, qui jugeaient alors «UTOTE),Ei;, et les sentences prononcées par le Conseil des anciens archontes, l'Aréopage 5. On ne voit pas qu'ils aient pu de longtemps jouer un autre rôle que celui d'assesseurs ou de greffiers, rôle important, d'ailleurs, à une époque où il n'existait de dispositions authentiques que celles qu'ils reconnaissaient comme telles. A la belle époque d'Athènes, les six thesmothètes continuèrent de former dans le collège des neuf archontes un collège spécial. Par ordre de préséance, ils venaient après l'archonte, le roi et le polémarque : les listes officielles se conformaient constamment à cette règle 6, ainsi que le protocole qui fixait les places au théâtre de Dionysos 7. Tandis que les trois premiers archontes avaient chacun son local particulier, ils siégeaient ensemble, tous les six, au Thesmothéteion 8, monument à portique situé probablement au nord-ouest de l'Acropole, dans le voisinage des grottes de Pan et du temple 1. 8 sq.; 863, 1. 6 sq.; Ill, 1005, 1007, 1008, 1011-1013. 7 Au deuxième d'Apollon ()7rb Mzxpxi; °, assez vaste pour servir aux réunions plénières'° et aux repas communs" des neuf archontes. Contrairement aux trois autres, qui avaient chacun sa compétence individuelle, ils devaient agir conjointement dans leur cu' lptov à six têtes12, et ils étaient solidairement responsables devant le peuple pendant et après leur gestion13, Mais ce qui distinguait essentiellement les thesmothètes des autres archontes, c'est que leur juridiction n'était pas étroitement subordonnée à des attributions politiques. Ne cessant jamais de justifier leur titre, ces magistrats purent bien quelque temps détenir la part de pouvoir exécutif que leur communiquait la solidarité constitutionnelle des neuf archontes" ; mais leur fonction durable, principale d'abord, unique ensuite, fut d'ordre judiciaire et législatif. Ils n'avaient pas l'hégémonie de procès ayant rapport à des attributions nettement déterminées; ils étaient chargés particulièrement des affaires qui intéressaient la république et, de plus, ils étaient les chefs mêmes de l'administration judiciaire. Toutefois les rapports des thesmothètes avec les autres archontes étaient primitivement si étroits que, dans certaines formules archaiques, on désignait le corps entier sous le nom de thesmothètes" :l'interrogatoire des neuf archontes au moment de la docimasie s'appelait t' ii tta; T.,v OEau.oOETwv 16 ; le serment qu'ils prononçaient avant d'entrer en charge était l'ô'pxoç'r vbECU.oii7tuv";peut-être même la loi qui réglait le tirage au sort des magistrats dans le Thèseion en confiait-elle réellement le soin aux neuf archontes, lorsqu'elle en chargeait formellement les thesmothètes' g. Mais à l'époque romaine, quand les fonctions purement municipales ne se distinguèrent plus aussi nettement, le mot de thesmothète fut employé au sens d'archonte dans le langage courant: une inscription mentionne un personnage IXs;r)Tx •r?lv 'COU liX5L'AL:O); OicµoOiTU.tç âazr1v xai Trly i7rclvuu.ov âr/'lv, et un décret de confrérie au ne ou ne siècle après J.-C. nomme l'archon Lorsqu'on voulut mettre le tirage au sort des archontes en relation avec les dix tribus de Clisthènes, on fit entrer en ligne de compte, avec les neuf archontes, le secrétaire des thesmothètes ( ypxt,.N.aTEÛ; b Tuv BE;to057.0iv) [GRASIMATEIS_. Ce secrétaire leur fut probablement adjoint à ce moment et dans cette intention. En tout cas, le («dixième archonte » occupait dans le collège une position subordonnée : il ne subissait pas l'examen de la docimasie devant le Conseil, comme les archontes, mais en premier et dernier ressort devant un tribunal, comme tous les autres fonctionnaires. Chaque tribu à son tour, suivant un roulement, avait le désavantage de Op. cet. I, p. 68, n. 61; p. 627, n. cf. Waehsmu th, Op. cit.Il, 1, p. 355).-11 nyper. p. 432, u. 2. 19 Iriser. yr. III, 716, 1. 3; M'tth. d. arch. hist. iu Ath. xlx (1891). p. 218 = Ddlenberger, 737, 1. 133. THE n'être ainsi représentée que par le secrétaire'. Malgré cette infériorité, le secrétaire des thesmothètes avait des occupations absorbantes : on fut obligé de lui adjoindre principale circonstance où le secrétaire tenait lieu d'archonte, c'était le tirage au sort des jurés, l'opération se faisant par tribus3. S'il est assez facile d'indiquer d'un trait le caractère de la juridiction exercée par chacun des trois premiers archontes, en rapportant à l'un le droit de famille, à l'autre le droit religieux, au troisième le droit des étrangers, il est impossible, au contraire, de découvrir, soit dans les textes, soit dans les faits, un principe assez synthétique pour servir de fondement à la juridiction des thesmothètes. Cette complexité imprécise de leur compétence s'explique par les origines historiques de leur charge. L'institution a eu pour principe premier l'affirmation du droit de l'État en matière de législation et de justice à l'encontre de hauts fonctionnaires et d'un sénat recrutés dans l'aristocratie 4. Les thesmothètes n'ont jamais perdu complètement leurs attributions législatives : on en retrouve les vestiges, en plein régime de démocratie, non seulement dans leur participation à la ypapii 7Lapavdu.wv, mais plus rnanifestement encore dans la présidence qu'ils exercaient lorsqu'il fallait faire ratifier par les tribunaux des conventions internationales de droit privé (aôµeo),a) E, mais surtout dans le rapport qu'ils devaient rédiger pour signaler au peuple les contradictions des lois ou les lacunes qu'ils auraient relevées au cours de leur gestion et pour proposer le redressement de ces défectuosités (idpOwrc; rùv v6µo,v)6. Ils n'ont jamais cessé, notamment sous le gouvernement démocratique, de diriger l'administration de la justice, d'exercer par leur juridiction une haute surveillance sur les principaux magistrats de la république et de réprimer par toutes sortes de moyens les abus de pouvoir. D'autre part, les relations primitives des thesmothètes avec l'Aréopage contribuent fortement à déterminer leur compétence ultérieure '. L'Aréopage avait jadis « la mission de veiller à l'observation des lois » (ô:arrpEïv rob; vd .su;) et « le droit souverain de frapper de peines afflictives et d'amendes les auteurs de délits contre l'ordre public et les moeurs » (roù; âxoct,Loûvra;) 8. Or, il se trouve que plus tard les thesmothètes ont l'hégémonie de la yp a~~ aaravdi,.wv, ainsi que de la ypa?-r, u.ot 7Eta; et de la ypai?il il 4psw; s. Coïncidence que d'autres faits interdisent d'attribuer au hasard. Ainsi les actions pour faux témoignage porté devant l'Aréopage sont introduites par les thesmothètes, et non par le roi", contrairement à la règle générale qui assigne les actions en faux témoignage au président du tribunal. Et, lorsque le Conseil des Cinq Cents a hérité de la juridiction politique qui appartenait précédemment à l'Aréopage, les condamnations qu'il prononce sont apportées devant le peuple, pour ratification, par les thesmothètes". La mission de défense publique confiée aux thesmothètes vers le milieu du vire siècle a donc laissé des traces THE nombreuses, encore que confuses, dans la constitution de l'époque classique. Mais le caractère hétérogène de leurs attributions judiciaires s'explique encore en grande partie par la netteté mémo des compétences qui s'étaient constituées avant la leur. Dès l'origine, ils n'eurent dans leur juridiction propre que des restes épars. Ce manque d'unité ne fit que s'accentuer dans le cours des temps. Le progrès de la division du travail politique et administratif amena la création de magistratures nouvelles à juridiction exactement limitée (par exemple, les « quarante », les siaaywyai; et, pendant quelque temps, les vauTOÔixat) : autant de séries d'affaires homogènes retirées à la juridiction des thesmothètes. Cette juridiction, en un mot, n'a jamais été qu'un reliquat amorphe 12. On peut dire d'une façon générale que « les thesmothètes décident souverainement la convocation des tribunaux, leurs jours de séance et leur répartition entre les magistrats13 ». Cependant, au v" siècle, quand les six mille hèliastes désignés par le sort étaient répartis pour toute l'année en dix jurys, dont chacun était affecté pour toute l'année au même magistrat-président et au même tribunal, nous ne savons pas quelle part les thesmothètes prenaient aux opérations nécessaires. C'est après la réforme judiciaire qui suivit l'archontat d'Euclides (404/3) que le rôle des thesmothètes se précise. On ne les voit intervenir ni dans le recrutement des hèliastes, ni dans la consti tution des sections [mtbASTAI, p. 189 ; sox'frrro, p. 1411]. Mais, les jours d'audience, ils assignent à chaque section son tribunal en tirant simultanément de deux urnes les jetons qui désignent les sections (A-K) et ceux qui désignent les tribunaux (A et suivants) : on possède ainsi trois jetons portantsur une face une lettre (A, E, E), et sur l'autre quatre chouettes en diago nale avec lalégende OEIMOO E TII N (fig. 6893 6894) rio, p. 1412]. Enfin, quand la machine de la justice athénienne eut reçu les derniers perfectionnements, à l'époque que décrit Aristote, les manipulations se multiplient. Il y en a trois qui sont exécutées par les thesmothètes. L'un d'entre eux, assisté d'un appariteur, tire au sort une lettre pour chacun des tribunaux à pourvoir (A, M et ainsi de suite) et la fait afficher à l'entrée du tribunal 14. Puis il amorce les opérations destinées à constituer les jurys : il tire au sort, dans les dix boîtes où les hèliastes des dix sections ont jeté leur tablette d'identité, l'afficheur de chaque section, l'Ëi.7rr,xTr,ç ; mais ce n'est pas lui, au titre spécial de thesmothète, qui tire au sort les noms des jurés dans les dix tribus et leur assigne un tribunal, ce sont les neuf archontes et le secrétaire des THE -24.5 THE thesmothètes, chacun dans sa tribu. Enfin, les tribunaux une fois munis de leurs jurys, deux thesmothètes tirés au sort les partagent par la voie du sort entre les présidents'. Aristote résume ces trois opérations en disant des thesmothètes : « Ce sont eux qui assignent aux magistrats par tirage au sort les tribunaux tant civils que criminels 2. n Ce sont eux, pouvons--nous ajouter, que les décrets du peuple chargent en toutes circonstances de constituer les jurys et de garnir les tribunaux A l'hégémonie spéciale des thesmothètes sont soumis, avant tout, les procès pour crimes commis contre la sûreté de l'État et la constitution. Le peuple faisait d'eux les intermédiaires entre l'assemblée, organe de sa souveraineté politique, et le tribunal, organe de sa souveraineté judiciaire. Ils avaient donc à introduire: Les Eiaxyyo),(xc, par lesquelles, selon une règle souvent pratiquée au ve siècle et devenue constante au milieu du ;v`, le Conseil ou l'assemblée, présumant un acte de trahison ou un complot contre la démocratie, prescrivait la peine éventuelle en soumettant à un tribunal a question de faits [EISAVCÉLIA]; Les xxTxyEtpoTOV(at, par lesquelles l'assemblée déférait les magistrats provisoirement suspendus de leurs pouvoirs au jugement définitif d'un tribunal' ; Les 7rpo'oax, par lesquelles elle saisissait un tribunal sur préavis favorable à l'accusation [PnosoLf.]. La compétence des thesmothètes s'étendait aux actions publiques qui frappaient les attentats contre les garanties protectrices de la souveraineté législative : l'action en proposition illégale (ypxp.11 Trapxa uov) et l'action en [PAnohoïlôv GRAPlli';]. De même, ils réprimaient toute irrégularité commise par le bureau de l'assemblée, par les prytanes, les proèdres, l'épistate (ypxt?ri vcp' xvvr, démocratique, ils opposaient à l'autorité du Conseil, depuis la fin du vr siècle, les barrières prévues par la loi. Les condamnations émanant du Conseil (r.ITxy'u)aE;; sx TT; (lou) O;) leur étaient communiquées par le secrétaire de la prytanie 11 pour renvoi devant un tribunal dans deux cas: 1° si la peine dépassait la limite rixe de cinq cents drachmes ; 20 si le condamné en appelait d'une sentence ou d'une amende prononcée par le Conseil dans les limites de sa compétence''-. Parmi les actions criminelles ou publiques (ypxaaO, quelques-unes armaient le citoyen désireux de se porter au secours de la cité menacée par une infraction ; d'autres, quoique ayant pour objet principal de venger un intérêt privé, servaient indirectement à sauvegarder un intérêt public. L'une et l'autre catégorie étaient plus ou moins représentées dans la juridiction des thesmothètes13. Comme actions publiques de leur compétence, Aristote mentionne celles qui exigent le dépôt préalable de la consignation appelée rapzaTaacç''. Ces ypxWxl wv L'action d'usurpation du titre de citoyen (ypxy' L'action de corruption à l'effet d'usurper le titre de L'action de vénalité (ypxpli Ll wv)19 ; Les actions soit d'inscription, soit de non-radiation, soit de non-inscription ou de radiation frauduleuses sur la liste des débiteurs de l'État (ypx:fxi +EuSEyyoxi-nç 79, L'action de faux record (yoxu-(1 + uôoxnrlTEtx;) 22 ; L'action d'adultère (yFtp~ hot, lx;) 23 Mais la liste d'Aristote n'a pas la prétention d'être complète 24. Nous connaissons, surtout par les orateurs, d'autres actions criminelles pour lesquelles l'hégémonie appartient également aux thesmothètes. A l'action de vénalité fait pendant l'action de corruption (ypxpr; ôsraauoû) 26 et correspond l'action de détournement de peut-être entraîné à la même hégémonie l'action criminelle de vol en général 2'. L'action d'adultère a pour compléments l'action de séquestration illégale sous pré l'action de prostitution (ypx?r; 6Txtp-l',cEw;) 2". Enfin l'action d'outrage (ypx.?r uôosw;) n'est pas sans rapport avec l'action d'adultère, et nous la voyons également donnée par les thesmothètes 30. Mais, pour la dernière au moins de ces actions, le demandeur est dispensé de verser la consignation 31, et par conséquent, Aristote n'a pas voulu dire que les thesmothètes introduisaient seulement des actions criminelles JÛV 71p ârTxat; 'rdarxt. Les procédures extraordinaires de droit pénal mettent également en mouvement les thesmothètes. Comme ils THE 246 TH E comprennent dans leur juridiction criminelle les affaires de sycophantie et dans leur juridiction civile les affaires de mines et de commerce, ils sont qualifiés pour recevoir certaines espèces de dénonciation (91atç) relatives à ces genres d'affaires et tendant à sauvegarder les intérêts de l'État: par exemple, leur compétence civile en matière commerciale leur vaut la ?atç en matière de douanes et d'impôts '. Dans certains cas, c'est à eux, et non pas aux Onze, que doit s'adresser la déclaration aux autorités à fin de prise de corps (`vôtt;tç)2: d'après le seul exemple qui soit parvenu à notre connaissance, celui du débiteur public qui se fait investir d'une magistrature 3, il semble que les thesmothètes se substituent aux Onze quand il y a lieu de protéger les règles essentielles de l'État'. Il en est de même pour la prise de corps à fin de remise aux autorités (iaaywyt'i) : on amène aux thesmothètes les proscrits en rupture de ban, le traître et le meurtrier condamnés à l'exil perpétuel et surpris sur la terre attique 5. Lorsque les Athéniens changèrent la confédération de Délos en empire et lorsqu'ils reconstituèrent cet empire au Ive siècle, ils se réservèrent le droit exclusif de juger par Et; Eetç les affaires capitales, puis des procès de plus en plus nombreux. Les thesmothètes furent chargés de cette juridiction nouvelle Au premier rang des actions privées qui ressortissent aux thesmothètes on peut placer les i(,tat â7tb auuôô).wv, c'est-à-dire les actions ouvertes à un étranger ou contre un étranger par ces conventions internationales de droit privé que précisément les thesmothètes avaient eu à faire ratifier'. Aristote 8 nomme en outre : Les actions privées en matière commerciale (i(xat Ét,.7toptxat)9, qui avaient repassé aux thesmothètes après avoir appartenu pendant un siècle à une juridiction Les actions privées en matière de mines (il(x; L'action privée contre esclave pour diffamation d'homme libre t' ; L'action privée pour faux témoignage porté devant l'Aréopage' 3. Dans la même catégorie prend place le recours contre une décision de dèmotes prononçant exclusion du dème et, par voie de conséquence, privation des droits civiques 16. Quand des affaires privées mettaient fortement en jeu l'intérêt public, il arrivait que, par un décret spécial fondé sur la raison d'État, le peuple athénien dessaisît le tribunal compétent. Dans ce cas, il confiait volontiers aux thesmothètes la présidence d'un tribunal extraordinaire. C'est ainsi qu'on procéda en 415, pendant les troubles provoqués par les Hermocopides et les sacrilèges, quand il fallut régler les contestations qui s'étaient éle vées à propos des primes promises aux dénonciateurs". Vu l'importance des procès que présidaient les thesmothètes, il leur fallait un local assez vaste pour contenir plusieurs jurys réunis en un seul" Tant que les tribunaux restèrent affectés chacun à une magistrature déterminée, ils se réservèrent le tribunal qui avait été longtemps le seul où venait siéger le peuple, celui qui resta toujours le plus considérable de tous et garda le plus de prestige, l'Héliée. « L'Héliée des thesmothètes », tel est le nom que donnent au local et au jury les orateurs et même les actes officiels du ve siècles''. Comme chefs de la justice administrative et politique, les thesmothètes étaient chargés de l'exécution des lois qui réglaient la nomination et la gestion des magistrats. Ils présidaient les tribunaux qui procédaient à l'examen préalable ou docimasie de tous les magistrats élus ou tirés au sort, en appel s'il s'agissait des neuf archontes, en premier et dernier ressort s'il s'agissait des autres fonctionnaires". L'un d'eux posait donc au candidat devant les jurés la série des questions qui constituaient l'vx.xptatç traditionnelle, l'engageait à produire ses témoins, puis demandait s'il se présentait un citoyen pour protester contre la nomination faite. S'il s'en présentait, il faisait entendre l'accusation et la défense, puis procédait au vote. S'il ne s'en présentait pas, il faisait voter aussitôt1°. Les thesmothètes traînaient devant les tribunaux les fonctionnaires atteints et provisoirement suspendus par le vote sur la question de confiance qui était émis àchaque prytanie (ètuzetoorov(a,â7to7EtroTOV(01, XŒTa/E;DOrOV(x) 20. Ils obligeaient les stratèges sortis de charge àrendre des comptes devant la justice en tout état de cause (eüOuva)21. Quant aux autres fonctionnaires, ils ne les citaient devant un tribunal que sur la requête des euthynes, c'est-à-dire lorsque, même après avoir obtenu décharge, ils étaient formellement accusés par un citoyen au moyen d'une action publique intentée devant l'euthyne de sa tribu et que l'euthyne jugeait le grief Compétents dans les affaires de docimasie, chargés d'introduire l'action publique d'extranéité (ypv?ii rçev(aç), les thesmothètes étaient tout désignés pour présider à la docimasie judiciaire des nouveauxcitoyens, lorsque, vers 320, le régime oligarchique établi par Antipatros imposa cette garantie aux décrets conférant les droits civiques. Ils n'avaient pas seulement à constituer le tribunal dont l'approbation était nécessaire; ils devaient encore, à titre d'Etaxymyeiç, introduire, sinon le récipiendaire, qui par privilège spécial pouvait être dispensé de comparaître en personnel', du moins le décret par lequel un étranger pénétrait dans la citées. De là vient la for THE 2/17 THE OvarÀTl^cÛGtv)'. Au commencement du second tiers du me siècle, une formule nouvelle indique que les thesmothètes doivent procéder à cette docimasie la première fois qu'ils auront à garnir un tribunal de 501 jurés: T'ov vdu.Gv2. On constate que les thesmothètes eurent à faire observer les mêmes formalités pour la concession de privilèges moindres, comme l'icrï))rtç, l'isotélie ou la proxénie 3. Lorsque, à l'époque romaine, le corps des éphèbes copia les institutions de la cité, il se donna, entre autres dignitaires, des thesmothètes : on en trouve six sur un catalogue éphébique ', un seul sur un autre Les thesmothètes ont existé ailleurs que chez les Athéniens. Plusieurs villes d'Amorgos avaient un fonctionnaire de ce nom, comme elles avaient un archonte : à Arkésinè, le thesmothète, ainsi que l'archonte, conserve dans ses archives les testaments des particuliers 5; à lEgialè, il reçoit des plaintes qui tiennent de la aap-l 7C6Cpmdp-tOV et assurent à l'accusateur les avantages de la (i9GLç'. A Larissa, en Thessalie, sur un gradin de marbre trouvé au théâtre est gravé le mot OEGp.oOèrt;s. On sait aujourd'hui par une dédicace que Pergame aussi avait un collège de thesmothètes 9. GUSTAVE GLOTZ.