Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article THYIADES

TIIYI AIDES Oui tlE;). Delphes parait avoir été la métropole du culte dionysiaque comme du culte apollinien. « La part de Dionysos, dit Plutarque, égale à Delphes celle d'Apollon'. ) Les Delphiens croyaient posséder dans l'endroit le plus saint du temple pythique la tombe de Dionysos 2; mais ce dieu, qui était mort et enterré,ressuscitait périodiquement : quand commence l'hiver, continue Plutarque , ils cessent de chanter le péan, pour réveiller le dithyrambe, car c'est alors à Dionysos que s'adresse le culte ». Ils « réveillent le dithyrambe4 », c'est-à-dire qu'ils rappellent à la vie, par la vertu magique des rites, Dionysos Dithyrambe endormi du sommeil des morts. Plutarque se sert du même mot quand, parlant de ces rites de résurrection, il écrit que les femmes Thyiades « éveillaient » Bacchos Lilcnitès5, autrement dit Bacchos nouveau-né, car chez les Grecs les vans )1txvx servaient de moïses aux enfantons °. Quelles étaient ces femmes, ces Thyiades, qui avaient la fonction de rappeler Dionysos à la vie? Notre information a leur sujet est tardive. Je ne sache pas que les inscriptions découvertes à Delphes, et dont une partie est encore inédite, aient apporté des renseignements directs sur les Thyiades. Elles nous apprennent seulement, ce qu'on savait d'ailleurs déjà par Ilérodote, qu'il existait a Delphes un lieu dit iv Oui, ou iv Ouhit, 8, ou e rmvv', ainsi appelé, vraisemblablement, parce que les Thyiades y célébraient certaines cérémonies. L'endroit en question doit être celui où se trouvent aujourd'hui les aires ideSvtx du village de Castri : c'est un palier sur l'éperon rocheux d'où l'on domine à la fois la plaine sacrée et le site de Delphes et du sanctuaire pythique. Là del aient se réunir les Thyiades, quand il s'agissait de « réveiller le dieu ». C'est pourquoi le fronton occidental du temple d'Apollon, celui qui était tourné vers ce lieudit iv Ou{aiç, était consacré, non à Apollon, comme l'autre fronton, mais à Dionysos : on y voyait, au témoignage de Pausanias 10, Dionysos entouré des prend soin de spécifier que les Thyiades ne sont pas des personnages mythologiques, comme les Ménades, mais des femmes, 7ovv7ze; entendez des femmes de Delphes. et selon toute vraisemblance des femmes mariées [iIAENAnEs, p. 1-190 . Les jeunes filles, probablement, ne pouvaient pas etre'l'llyiades, car pour soigner l'Enfant-Dieu, il fallait, non des vierges, mais des nourrices. La Nativité du Dionysos delpltique se célébrait tous les deux ans 72 elle était, comme disaient les Grecs, triétérigae, les Grecs comptant à la fois le point de départ et le point d'arrivée. Pourquoi tous les deux ans seulement? Car la végétation, à laquelle présidait Dionysos, est un phénomène annuel dont le retour aurait dû, ce semble, exiger des rites annuels eux aussi. Le retour triéterique des Bacchanales constitue pour l'histoire des religions une véritable aporie''. Quoi qu'il en soit de cette difficulté, nous savons que la naissance de Dionysos se célébrait à Delphes au mois de Dadophorios, qui correspond à peu près à notre mois de novembre. Le nom de Dadophorios provient évidemment des torches (Sxâas) que les Thyiades portaient dans les cérémonies bachiques ; car les mystères de ce dieu avaient lieu la nuit, d'oi't le nom de Nyctilios qu'on lui donnait souvent''. Après avoir fait renaître Dionysos à la vie, elles montaient au Parnasse, censément avec lui, sous sa direction; et là-haut, sur la grande montagne solitaire loin des regards, dans le vent glacé des cimes, parmi les frimas de l'hiver, elles se livraient à l'enthousiasme bachique. On ne sait pas la durée de leur séjour sur le Parnasse, mais elles devaient y demeurer assez longtemps, car Plutarque nous dit que les Delphiens allaient les y ravitailler '°, On ne sait pas non plus par quelles cérémonies elles célébraient, trois mois plus tard, au mois d'Arnalios, la mort de leur dieu. Par contre, on peut s'imaginer assez bien ce que devait être ce ravivai des Thyiades sur le Parnasse. Il est clair en effet que les rites qu'elles y célébraient devaient ressembler exactement à ceux que la poésie et l'artprêtent aux Ménades ou aux Bacchantes de la mythologie [MAENADES, p. 1h901. Comme on le racontait de celles-ci, les Thyiades parvenaient à l'extase par les hurlements (ô'Au)'e. eo:) et les danses tournoyantes; comme les Ménades, elles (levaient revêtir la nébride et porter le thyrse; comme les Ménades, elles devaient mâcher les feuilles du lierre, et pratiquer le Q7c«o«-ygi; et l'wuo,x~lx c'est-à-dire mettre en pièces et dévorer crue une bête en qui elles pensaient avoir incarné le dieu, pour communier de cette façon avec le corps et le sang de Dionysos. Ces rites enthousiastes et sanglants agissaient violemment sur les nerfs ; ils donnaient lieu à des phénomènes qui auraient bien intéressé nos psychiatres"'. lie nom même des Thyiades est significatif17 : comme celui de la mère 's ou de la nourrice 'U de Bacchos, Thyonè, il vient de la même racine que ' 1av « bondir », Oivaty « s'élancer », Ou:7;v 20 («être saisi d'un transport frénétique Ovs),À« « tempête », 'SIFsi6'(«; il s'explique par les courses éperdues auxquelles ces femmes se livraient, lorsqu'elles étaient en proie à la tt.xvia bachique". Plutarque 2' raconte que, pendant la Guerre Sacrée, les Thyiades delphiques, après avoir couru le Parnasse toute la nuit, vinrent s'abattre d'épuisement sur la place publique d'Amphissa, en pleine armée ennemie, sans s'être réveillées de leur hypnose. Il se peut que toutes les femmes de Delphes participassent à la célébration du culte bachique; mais il est croyable qu'il existait parmi elles un collège chargé spécialement de ces saints mystères : c'est ce qu'on peut inférer de la définition que Plutarque donne des Thyiades dans un TIIY 285 TIIY livre dédié à une darne de Delphes qui était précisément ;oi tv'. Les analogies permettent de croire que ce collège était formé d'un nombre déterminé de membres : à Sparte, les prêtresses Dionysiades étaient au nombre de onze ; à Élis, les femmes auxquelles était réservé le soin de célébrer les Our étaient au nombre de seize3 [TUYIA]. Le collège desThyiades delphiques axait àsa tête, comme nous venons de le dire, une présidente, ii, Ttly OutzStov âp~,7yd;`. Celle qui était en fonctions du temps de Plutarque s'appelait Cléô; l'écrivain lui a dédié deux de ses traités, celui Sur les Vertus des femmes et celui Sur Isis et Osiris. Elle avait été initiée par son père et sa mère aux mystères égyptien', qui avaient alors beaucoup d'adeptes dans la région du Parnasse, notamment it Tithorée 6 et, semble-t-il, à Delphes même. comme en témoigne une statuette en marbre blanc, d'époque impériale, trouvée dans le sanctuaire pythique et qui représente Isis ou une prêtresse d'Isis. Ce n'est certes pas un hasard que la présidente des Thyiades delphiques ait été initiée aux mystères égyptiens : Cléô (levait adhérer, comme le faisait Plutarque, à la croyance déjà répandue au temps d'Hérodote, qu'Osiris ou Dionysos n'était qu'un seul et même Dieu sous deux noms différents. Avec Cléô et Plutarque nous sommes presque au dernier âge du paganisme. 11 est clair cependant que les Thyiades delphiques ne datent pas de la basse époque. L'antiquité de ce collège peut être inférée du rôle que Thyia, leur éponyme et fondatrice, joue dans la légende de Delphes. Elle figurait parmi les héroïnes de la NExuia, sur la fresque de I'olygnote à la Lescllè. Pausanias 7 sait que Thyia était la fille de l'autochthone Castalios, et qu'elle eut Delphes d'Apollon ; que d'ailleurs elle fut aimée de Poseidon; et qu'enfin elle fut la première prêtresse de Dionysos et qu'elle inventa les mystères de ce dieu e : en sorte que la légende mettait Thyia, personnification légendaire des femmes du pays delphique, en rapport avec les trois grands dieux de Delphes, Apollon, Poseidon et Dionysos. Une autre preuve de l'antiquité de ce collège résulte du rôle qu'il jouait dans certaines fêtes évidemment très anciennes. 'fous les huit ans en quel moment de l'année, nous l'ignorons se célébrait à Delphes la fête HÉROYS (Ÿl 'Hptoiç) : la raison de cette cérémonie était tenue cachée, seules les Thyiades la connaissaient. Plutarque', par qui nous savons l'existence de l'llérois, ne semble pas avoir eu connaissance du ~v3T:xôÿ Àoyo; de cette fêté; Cléô n'a pas dû le lui révéler. 11 n'en a su que les rites, dont apparemment chacun pouvait être témoin, Les Thyiades devaient jouer une sorte de drame sacré, qui a paru à Plutarque représenter l'âvaywyil de la mère de Dionysos, Sémélé. Cette rrvayorrl, de Sémélé semble avoir été assez analogue à l'ïvo'oç de Coré. Sémélé était ressuscitée tous Ies huit ans d'entre les morts, d'où le nom d''Hpojl; que l'on donnait à la fête. Elle était ressuscitée par la puissance de son fils Dionysos10 A Trézène aussi, on croyait que Sémélé avait été ramenée du séjour des morts par Dionysos ". Tous les huit ans aussi, se célébrait à Delphes une fête mystérieuse, dont, Plutarque nous a décrit de visu les ôwSµEVa'ti. Le mythe étiologique qu'il raconte à ce propos avait été inspiré aux gens de Delphes par les rites de cette fête, auxquels ils prenaient part sans les comprendre. Ces rites formaient une sorte de drame sacré, qui se passait censément pendant une famine ; le « roi de Delphes » distribuait aux gens, aux étrangers en séjour à Delphes comme aux Delphiens mêmes, de la farine et des légumes ; seule Charila n'avait rien. Charila était une jeune fille, que figurait une poupée [CIIAIIILAI. Non seulement le roi ne lui donnait rien, mais il la souffletait de sa sandale. Alors Charila tombait morte; la présidente des Thyiades emportait sa dépouille; on l'enterrait dans un creux de rochers. Mannhardt13 et Usenerl't ont réuni de nombreux exemples de rites analogues, où un être symbolique, représenté par un mannequin, est mis à mort et anéanti. Ces rites n'ont peut-être pas tous le même sens. Dans certains cas, l'être mis à mort représente une période de temps déterminée, dont on célèbre l'accomplissement. Dans d'autres cas, la cérémonie semble avoir un sens agraire ; elle doit opérer d'une façon magique, pour conjurer la famine, sur les forces qui président à la fécondité de la terre. Tel semble avoir été le sens de la Charila de Delphes : la présidente des' Thyiades, assistée sans doute de son collège, prenait part à cette cérémonie, comme prêtresse du dieu de qui dépend la vie de la nature''. Pausanias, qui est postérieur à Plutarque de près d'un siècle, semble avoir ignoré l'existence du collège des Thyiades delphiques. Il ne cannait de Thyiades qu'à Athènes. Ces Thyiades athéniennes venaient, nous dit-il, se joindre aux femmes de Delphes pour célébrer avec elles surie Parnasse les mystères de Dionysos : ai OucZCE; yuvaTxec athéniennes venaient donc au Parnasse en théorie ; c'est à elles que doit s'appliquer cette glose d'Ilésychios, qui explique une expression d'un auteur attique de l'époque qu'elles suivaient n'était autre que la Voie Sacrée", par laquelle la légende voulait qu'Apollon eût été d'Athènes à Delphes, et par laquelle passait périodiquement la pythafde attique. Le parcours était d'environ 130 kilomètres. Les Thyiades athéniennes exécutaient leurs danses échevelées aux diverses stations de cette longue route, surtout en entrant en Phocide, à Panopée, àl'endroit d'où le Parnasse commence à paraître dans sa gloire et son immensité. Pausanias a cru, ou les exégètes lui ont fait croire, que si Homère avait qualifié Panopée de xa),nlzopoç ", c'était pour avoir su par les Thyiades d'Athènes quelles belles danses elles exécutaient dans cette ville de Phocide. Il serait évidemment bien risqué d'admettre que le collège des Thyiades athéniennes remonte aussi haut. On est plutôt tenté de croire que les Thyiades delphiques sont les plus anciennes, et que leur nom et leur organisation, sinon leurs rites, ont été empruntés par des villes où s'était introduit, peut-être sous l'influence de Delphes, le culte enthousiaste de Dionysos. Une épigramme de l'Anthologie Palatine' parle des Thyiades d'Amphipolis qui, pour se livrer à l'oribasie, montaient au Pangée. Dans une épitaphe de Thessalonique, d'époque impériale, une prêtresse de Dionysos se qualifie iÉptu Oiaa Eùi.x' : le mot Otiax équivaut à Outç; cette prêtresse jouait à Thessalonique le même rôle que Cléô à Delphes, et à peu près à la même époque. A Thèbes, où le culte dionysiaque était si important, il n'y avait pas de Thyiades ; les Thébaines chargées de ce culte portaient le nom de Ménades nom consacré par la légende fameuse d'Agavé et de Penthée c'est parmi les Ménades thébaines, ix O r ~rÂly 1Mxtvxieç rpE7ç, et non parmi les Thyiades delphiques, qu'Apollon de Delphes ordonna aux envoyés de Magnésie de choisir les trois femmes qui devaient instituer le culte de Iiacchos dans la ville du Méandre 4. Mais, bien entendu, entre les rites des Ménades thébaines et ceux des Thyiades delphiques, il ne devait y avoir aucune différence essen TIIY11 LÈ (Onu€art). Parmi les termes techniques qui désignent les diverses parties du théàtre grec, le mot Ouu.É),,,, en raison de la multiplicité des sens que lui attribuent les textes', est un des plus difficiles et des plus obscurs. Autel', degré ((3i,u.s)3, table de sacrifice', estrade pour les musiciens', orchestras, scène ou logéion', lieu de spectacle d'une façon générales, terrain sacré': telles sont ses principales acceptions chez les lexicographes. Pour les concilier il faut remonter au sens primitif. Or ce sens primitif, ainsi que l'a montré M. C. Robert10, en s'autorisant surtout des emplois poétiques du mot au ve siècle", est très vraisemblablement celui de « base, fondation, soubassement » (xort~( n) r 12 en sorte que, contrairementà l'étymologie communément acceptée Oûsty t3, il paraît rationnel de rattacher euu.Éar, à la racine TfOrya et d'y voir un doublet el, synonyme de Ocgiatov14. Ce point de départ établi, la série des sens dérivés se déduit logiquement. Nous comprenons dès lors ce qu'était cette OuicLar, roû ,ôluou 'roû iv ri; vr,arl2, dont parle une inscription déliaque des débuts du m° siècle avant J.-C.'': c'est évidemment la 7rodOuatç's autrement dit la large base sur laquelle reposait l'autel et oit avait lieu l'immolation17. Que de la base de l'autel le nom de Ou ui?, ait été ensuite transporté à l'autel lui-même, c'està-dire de la partie au tout, rien de plus naturel". Et on s'explique également que Pollux appelle cette base (3-ill,.r, puisque en effet elle formait un degré, une marche surélevée entourant l'autel. Mais cette plate-forme ne servait pas seulement aux sacrifices. C'est là aussi que, dans les concours dithyrambiques tenus au théàtre, se plaçaient les aulètes et citharèdes79 : d'où un sens nouveau du mot Oui),-fi, celui d'estrade pour les musiciens. D'un autre côté, beaucoup d'autels, qui n'avaient pas ce soubassement ou piédestal, étaient en revanche précédés d'une table basse destinée à recevoir les gàteaux, fruits et offrandes (iEpi ou Oucepoç rpâ7CE;a) [ARA, fig. 4171. Et, sur cette table, les monuments figurés nous montrent qu'à l'occasion (probablement dans les spectacles rustiques) montaient aussi les musiciens20. Par analogie avec la base d'autel, on a donc pu lui donner le nom de OuµE),71. Lorsque, au ve siècle, Périclès lit construire pour les concours musicaux un théàtre rond et couvert [oDEON, p.151], on conserva aussi tout naturellement le nom de à l'estrade21 élevée au milieu de l'édifice, sur laquelle siégeaient les exécutants'''. Mais, par un nouveau développement, on en vint àétendre le nom de la Ouu.D,. , partie centrale de l'orchestra, à l'orchestra ellemême tout entière. Cette extension de sens, qui se rencontre isolément dès le vt' siècle dans un fragment de Pralinas`13, devint par la suite tout à fait usuelle, comme le prouve la distinction, si souvent faite par les auteurs anciens, entre les axv,vtxoi ' i6vt et les Oou.Eatxo: âyû,vn;2' : la première expression s'appliquant aux spectacles dramatiques qui se donnent sur la scène, la seconde aux spectacles musicaux, rhapsodiques et autres, dont le siège était l'orchestra 20. Mais par quelle nouvelle déviation le mot (Jou=ai, a-t-i1 pu finir par désigner la scène elle-même ? Une telle confusion n'a pu, à coup sûr, se THY 287 THY produire qu'à l'époque romaine, alors que l'orchestra, ou du moins une partie de l'orchestra, fut affectée aux spectateurs [ruEATRU3l, p. 192, 191, 196j. Les musiciens ayant dû, de ce fait, monter eux aussi sur la scène agrandie, on appela quelquefois celle-ci par abus th yméiè. Dans un sens élargi encore, les écrivains de basse époque nommentOuué),71 tout local aménagé pour un spectacle'. Et, comme les jeux dionysiaques en Grèce avaient toujours lieu dans le téménos du dieu, on comprend qu'llésychius définisse la Ouµéar) a un endroit sacré » Enfin, par métonymie, le terme Ou;a.iari a même pris le sens abstrait de « spectacle, chant, danse »2, -Chez les modernes, on donne généralement au mot tllgmélè le sens d'autel, et par là on entend l'autel de Dionysos, sis au centre de l'orchestra. Cependant C. Robert et Thiersch4 ont, dans ces derniers temps, nié absolument cette signification, et n'admettent pas qu'il y ait jamais eu d'autel dans l'orchestra. On peut cependant leur opposer, outre les textes des lexicographes, les traces matérielles subsistantes qui, dans maints théâtres, semblent attester qu'au milieu de l'orchestra s'élevait jadis un autel [TIIEATRUSI, p.186]. A l'un des sens énumérés plus haut se rattache sans doute le nom de OuuÉarl que les comptes épigraphiques d'Épidaure 6 attribuent à la Tholos [TuoLOB]. Mais toute hypothèse à ce sujet serait arbitraire, tant que la destination de cet édifice restera l'objet de controverses'. Enfin aux multiples significations du mot Oup.élrl attestées par les textes anciens il faut en joindre une dernière qui, bien que forgée de toutes pièces par les archéologues modernes, a été à peu près unanimement acceptée pendant toute la seconde moitié du xixe siècle. Pour résoudre la difficulté que créent, dans lesthéàtres grecs [TlEATRU3I,p.l95sq.],l'excessive hauteur du proscaenium et l'absence d'escalier entre ce proscueniunt et l'orchestra, G. Ilermann supposa un plancher artificiel ou plate-forme, qui aurait. recouvert la surface de l'orchestra, ou du moins la partie de l'orchestra située entre l'autel et la scène : c'est sur cette partie exhaussée que se serait tenu le choeur. Et \Vieseler 3, arguant d'une notice, obscure et d'ailleurs mutilée, de Suidass et de l'L'tymologicum magnum70, appliqua au plancher en question le nom de OuN.éa-ci. Bien qu'elle ait été défendue encore par Alb. Mailer" et par Oehmichen12, cette hypothèse n'a plus aujourd'hui qu'un intérèt histo rique13, et nous ne la rappelons ici que pour mémoire. Elle a été surabondamment réfutée depuis quelques années par Petersen", Ilaigh 13, Dürpfeld's, Pickard, TIIYMIATERlON [TURIRULUM]. TQYnSUS (®pro;). Le thyrse est, essentiellement, une hampe de roseau ou d'un bois souple couronnée de feuilles de lierre ou de vigne, que portent, comme emblème de Dionysos, ses compagnons et ses fidèles. Origine et signification. C'est en 430, avec le Dionysalexandros de Kratinos, que le motOdpaoç fait son apparition dans la littérature grecque et ce sont les maîtres de la ligure rouge, au début du vs siècle, qui en introduisent les images dans la céramique attique. Mais celui qui, dans Athènes, a véritablement donné droit de cité au thyrse, c'est Euripide avec ses Bacchantes qu'il écrivit en 407, à la cour d'Archélaos, roi de Macédoine 2. C'est d'ailleurs des pays thraco-macédoniens que le thyrse paraît originaire, aussi bien pour son nom que dans son rôle d'emblème dionysiaque. On n'en a pas seulementpour indice l'origine thrace du culte orgiaque de Dionysos; c'est au nord de la Thrace qu'habitait le peuple des Agathyrsoi, dont les anciens paraissent avoir interprété le nom « ceux qui agitent le thyrse », thyrsagetae ; c'est en Macédoine que se rencontre le nom de Thyrsis qui devait avoir une telle fortune dans la Bucolique, sans doute parce qu'il était celui d'un génie agreste du cortège de Bacchus ; c'est de Macédoine que les Thyiades [THY1ADES_, qu'on parait y avoir appelées Thyssades, ont suivi Dionysos à Delphes 3 ; leur nom semble devoir être rapproché de celui du thyrse, dont thystlos, thystos ou thyssos auraient été des variantes thraco-macédoniennes, intermédiaires entre la forme thyrsos du grec classique et la forme parallèle latine, /'astis Importé ainsi àDelphes, puis àÉleusis, avec les autres rites extatiques du Dionysos thrace, le port du thyrse parait avoir conservé encore à Athènes un caractère exotique, quand Euripide composait ses Bacchantes à la gloire du nouveau Rédempteur et qu'Aristophane se thyrse, comme son nom même avec ses composés ou dérivés, ne paraît être devenu courant qu'à l'époque hellénistique 3. Fi que Oupaoç ne se fùt spécialisé pour désigner l'emblème dionysiaque, ce terme semble s'être appliqué à toute longue tige flexible ou rameau souple, comme l'indique son étude étymologique' ; à Athènes, il se serait plus particulièrement appliqué au roseau dit vZ 0-fi:, qui figurait au nombre des plantes consacrées à Dionysos 2 [FERULA. Ce roseau (Ferula comntunis L.), qui atteint 3 à 4i mètres, avec ses noeuds réguliers et les longues feuilles retombantes qui en partent, devient, une fois vidé de sa moelle blanchâtre, un bois aussi sec que léger, très propre à donner des étincelles par frottement'. C'est pourquoi il passait pour celui dans lequel Prométhée avait dérobé le feu céleste t. A Éleusis, les mystes portaient en foule le roseau de feu, comme l'atteste le proverbes : Il semble que cc roseau était ainsi devenu à Athènes l'emblème de Dionysos', quand le renouveau que l'Or phisme venu de Thrace fit subir à son culte, à l'époque d'Euripide, amena à appliquer au narthex le nom de thyrsos. Le poète emploie indifféremment les deux termes dans les Bacchantes qui, au dire du Scholiaste, portent Oipaou; rTOt v5fp(Jt)x; 9. Pourtant on les distinguait encore dans le culte. Ainsi, dans les fêtes qui commémoraient le triomphe de Bacchus aux Indes, Athénée montre les fidèles portant d'abord des thyrses au lieu de lances, puis des narthex et des flambeaux 10. C'est probablement au narthex que pense Plutarque ", quand il nomme iOupaoxopa la fête juive des Tabernacles qu'il compare à celle de Dionysos, fête oit les fidèles processionnent autour de huttes de branchages, tenant en main le lulab, gerbe faite de rameaux de palmier, de myrte et de roseau que Plutarque qualifie de Oupaoc 1L ; c'est aussi aux rameaux d'une plante palustre qu'il doit songer, quand il montre les Argiens évoquant des eaux Dionysos, en soufflant dans des trompettes cachées dans des thyrses13. Cette idée de rameau ou de roseau disparut bientôt quand le thyrse artificiel eut remplacé le thyrse naturel. Déjà, en son pays d'origine, thyrses paraît avoir pris le sens de son correspondant latin [astis, bâton souple, et, de leur côté, les tiges effeuillées du narthex servaient de cannes aux vieillards''. Pour comprendre l'évolution du thyrse, il faut montrer comment les pampres et le lierre sont venus orner ce qui n'est plus qu'une hampe et comment cette hampe même a varié selon qu'on se la représente comme une tige de roseau ou un rameau de pin. Le pin. Sous la forme la plus ancienne que fournissent les vases peints, le thyrse est un arbuste non encore dépouillé. La partie inférieure s'élargit en tronc; ce tronc, ou plutôt cette branche maîtresse est, de loin en loin, interrompue par des nœuds ; deux ou trois paires de rameaux s'en dé tachent; ces rameaux sont indiqués par un trait médian flanqué de part et d'autre de petits points oblongs simulant des feuilles ; les mêmes feuilles gar nissent l'extrémité de la branche''. Parfois les rameaux feuillus ne se détachent que d'un seul eL même point (fig. 6921)'6. Parfois, à ces feuilles espacées se substitue un bouquet toufu17. Sa forme évoque celle des pignae. D'autre part, en l'absence de bouquet terminal, le petit arbre rappelle celui dont les Centaures sont généralement armés 16 ; ce même arbre se retrouve en Thrace, sur des monnaies, entre les mains des Silènes et de Dionysos lui-même 19 (fig. 681, 688, 719). Porté par Dionysos ou par les démons de son cortège, cet arbre est certainement un pin. On sait que le pin était l'un des arbres sous la forme desquels on adorait Dionysos 20 comme Attis rDENDROPRORm]. Mais les plantes dionysiaques par excellence sont la vigne et le lierre. Le lierre et la vigne. -Pour la vigne, point n'est besoin d'insister. Pour le lierre, rappelons que, de même qu'il existe un Dionysos Bcrp'ç11, on connaît un Dionysos Ktaniç 22 et que les Thraces, dont des rois s'appellent l(isseus21, ornaient de lierre leurs boucliers et leurs THY 289 TIIY casques comme leurs thyrses qu'Euripide appelle x(aatv)t Déjà la céramique ionienne associe des guirlandes de lierre et des pampres aux scènes dionysiaques3 ; toutefois, à l'exception d'une amphorisque corin thienne, oit un Dionysos nu porte une énorme vigne sur l'épaule `, il faut descendre jusqu'aux céramistes attiques pour voir la vigne passer du cadre du tableau aux mains du dieu ou de ses compagnons. Deux amphores att.ico-corinthiennes du Louvre peuvent marquer la transition. Sur l'une, Dionysos, couronné de pampres blancs, un cimthare à la main, se tourne vers un ample cep tout chargé de pampres rouges et noirs 6 ; sur l'autre, assis, il saisit un rameau du pied de vigne planté devant lui G. Ce sarment, il l'a arraché, sur une Iiylix du milieu du vie siècle, et parfois il porte le pied entier [nAcceus, fig. 693, 709; MAENADES, fig. 1764] ° ; mais il faut attendre la deuxième moitié de ce siècle pour voir, chez les maîtres de la figure rouge, se répandre entre les mains des personnages dionysiaques les rameaux de IX. vignes ou de lierre 9. Que ces peintres ne fissent pas grande différence entre ces deux attributs, c'est ce qu'attestentune coupe de Nikosthénès etuneamphore d'Amasis: dans la coupe, la branche que tient Dionysos se divise en deux rameaux dont l'un porte des feuilles de lierre, l'autre des feuilles de vigne f ° (fig. 6922); dans l'amphore, ce dieu porte dans chaque main un rameau de l'une des deux espèces". La vogue de ces maîtres, persistant au ve et au Ive siècle dans l'Italie grecque, y fit placer un rameau naturel entre les mains des génies bachiques 12, alors qu'en Grèce même on ne connaissait plus que le thyrse artificiel. C'est aussi probablement de modèles attiques perdus de cette époque que s'inspiraient les céramistes apuliens qui donnaient un narthex àDionysos et à son cortège (fig. 6928)". Gén éralement, le roseau est légèrement sinueux et les noeuds y sont indiqués de loin en loin, parfois accostés d'un bourgeon ou de la base de la feuille qu'on y a coupée ; au bas on voit la trace laissée par la section de la tige, au haut elle s'épanouit en ramilles se terminant chacune par une fleur qui semble formée d'un faisceau de baies; à leur naissance s'enroule souvent une bandelette tI (fig. 6923). Ainsi une branche de pin ou, plus souvent, un roseau de narthex pour la hampe, les pommes de pin et les acanthes du roseau ou plutôt des feuilles de lierre et de vigne avec ou sans leurs fruits pour le couronnement, tels sont les éléments du thyrse naturel. cendre aux vases à figures rouges de style sévère, au début du ve siècle, pour trouver le thyrse artificiel1°. Ici non seulement la tige, au lieu d'être ornée de ses propres feuilles, est toujours munie d'un bouquet de pampres ou de lierre, mais l'artiste n'a manifestement plus conscience que le thyrse n'est qu'un rameau ou un roseau ; c'est devenu pour lui un emblème composite de forme convenue. Passons successi vement en revue les variétés que représentent ses deux parties: bouton terminal ou couronnement, tige ou hampe. Le thyrse à bou quet de lierre. Il y a deux manières principales de garnir de feuilles de lierre l'extrémité du roseau. On peut fixer, dans son extrémité incisée, quelques rameaux qui s'épanouissent en éventail ; on peut attacher régulièrement quelques rameaux plus courts sur les côtés de cette extrémité, de façon qu'ils forment autour un véritable bouquet. Le premier système ne se rencontre que sur quelques vases d'Hiéron ' et de Chélis; le second a peut-être été introduit par Iliéron, qui est le seul à indiquer sous le bouquet les lanières entre-croisées qui l'attachent 3 (fig. 6924 et MAT,NADES, fig. 4765). Dans ce second système deux tendances se font jour dès le début. Dans l'une, on cherche à donner au bouquet une apparence naturelle en figurant les feuilles en désordre 4; dans l'autre, on cherche à les ordonner 6. A cet effet, on adopte de bonne heure la convention suivante : le long de la tige elle-même se dresse une rangée de feuilles,tournéeslapointe enhaut,quilacachent entièrement ; de part et d'autre on figure une ou deux autres rangées dont la pointe est tournée en dehors (fig. 6924). Ces feuilles latérales peuvent être ou si rapprochées qu'elles se recouvrent l'une l'autre, ou assez espa cées pour avoir même l'air d'être détachées, lorsque le peintre ne se donne pas la peine d'indiquer leurs tiges'. Pour s'éviter cc soin sans que les feuilles aient l'air de voltiger, l'idée vint bientôt de cerner leur touffe d'un trait qui marquerait comme le contour du bouquet. A l'intérieur de ce contour, le peintre n'eut plus qu'a jeter quelques feuilles pour leur donner l'aspect d'une touffe réelle. Ces feuilles sont ou jetées comme au hasard, la pointe généralement vers l'extérieur $, ou toutes alignées sur trois colonnes la pointe en haute (fig. 692b); ou encore, seule la colonne médiane est indiquée en feuilles détachées, les deux autres forment le contour même qui est ainsi déchiqueté au lieu de poursuivre en une ligne unie10, Souvent, au lieu d'indiquer, ainsi qu'on l'a fait jusqu'ici, leur contour au trait noir, on les figure par une tache noire en forme de coeur", de fer de lance ou de harpon12 (fig. 6920. Quand l'exécution est sommaire, l'indication des feuilles se réduit à une ligne sinueuse ou courbe ou à une ligne en zigzag continue ou discontinue13 On arrive ainsi aux formes stylisées. Avant d'en passer en revue les varié tés, il faut indiquer un des éléments qui les font bien comprendre. A la fois pour marquer l'épanouissement du lierre et pour en varier le dessin, l'idée paraît être venue de bonne heure d'ajouter ses baies à ses feuilles : c'est le sur des coupes de Brygos", on voit autour de la touffe des feuilles une série de petits cercles détachés qui représentent ces corymbes. Comme les fleurs du lierre TIIY 291 THY sont tripartites, on les figura de préférence sous forme de petits groupes de trois points t. Lorsqu'on se mit à inscrire les feuilles dans un cadre oviforme ou cordiforme, les baies durent y rentrer aussi. Ce sont elles que représentent les petits points qu'on trouve inscrits à l'intérieur des demicercles ou des angles qui figurent les feuilles 2. Lorsque la stylisation se développe, baies et feuilles se confondent (fig. 716). Dans un cadre plus ou moins ovale ou circulaire l'artiste se borne à jeter au hasard des taches noires qui perdent bientôt tout aspect foliiforme pour ressembler à autant de points 4. Parfois ces points sont réservés en blanc sur le noir dont on remplit le cadre (fig 6927) 6. On a passé de la touffe ou du bouquet au simple bouton pointillé 6. Le thyrse composite : férule, pomme de pin et lotus. A l'époque hellénistique, on voit des formes nouvelles, plus complexes, se substituer à ce type devenu rigide et tout conventionnel. Malgré la liberté avec laquelle ces nouvelles formes sont traitées, il semble qu'on les puisse répartir en trois groupes, dont chacun aurait subi l'in fluence d'une autre plante en vogue à l'époque : la panicule de la ferula, la pomme de pin, le bouton du lotus. A propos des thyrses naturels, on a déjà parlé de ceux qui consistent en un de ces grands roseaux ramifiés au sommet et ombellifères du genre ferula [FERULA, fig. 2971-2; et fig. 6928]'. C'est eux que nous retrouvons à l'époque grécoromaine sur les vases d'Apulie et de Lucanie, régions où ils poussent avec une vigueur particulière. Mais ils diffèrent des précédents, d'abord par la fantaisie avec laqu elle on l'ait partir en tous sens de leur tige fleurs et feuilles, puis, surtout, par l'importance donnée à la pani cule qui termine la tige. Au sommet de la tige principale les feuilles se groupent pour former comme des spathes enveloppant les inflorescences (fig. 6929) '. Non seulement, par la forme en fuseau ou en fer de lance qu'elle prend ainsi, la panicule rappelle le bouton stylisé du thyrse classique, mais, pour bien marquer que c'est ce thyrse auquel il a pensé, l'artiste prend soin de le garnir de feuilles de lierre; le plus souvent il les a disposées sur trois rangées, l'une médiane, dans l'axe de la tige, les deux autres sur les côtés de la panicule, tantôt intérieures ou extérieures ° à leur con tour, tantôt le chevauchant [MAENADES, fig. i1771, 5097] 10. En même temps, les longues feuilles retombantes qui se développent sous le bouton prennent l'aspect de celles de l'acanthe, dont la vogue paraît coïncider avec l'époque où domine le chapiteau corinthien 1' (fig. 6929). Nous avons vu également, à propos du thyrse naturel, que c'est une branche de pin qu'on trouve le plus anciennement aux mains de Dionysos et de ses compagnons. Le pin, dont on tirait la résine qu'on mêlait au vin était resté consacré au dieu ; rien donc de surprenant, à une époque où la pomme de pin devient un motif d'ornementation favori 13, que de la voir adoptée pour couronner le thyrse. Un auteur de l'Anthologie parle du xo voopoç Oupcoç 74, et les lexicographes donnent xwvo; et xiovo?oot comme équivalents de O■ipao; et Oupaogdpot 15. Pourtant il est rare que ce soit une simple pomme de pin qui couronne le thyrse (fig. 6930) 16 ; elle se combine naturellement avec le lierre qui est devenu la plante dionysiaque par excellence. Ou bien on enveloppe d'une corolle de feuilles de lierre le bas de la pomme qui prend un aspect d'artichaut l', ou bien l'on en ouvre ou supprime la partie supérieure pour en faire sortir une18, deux '° ou plusieurs baies 20. Pour certaines des pièces que l'on serait tenté de réunir dans cette série des thyrses kdnophores, il est, à vrai dire, difficile de distinguer si le calice de feuilles d'où sortent les baies n'est pas formé de feuilles de lierre ainsi groupées artificiellement. La même hésitation s'impose pour le groupe de thyrses que nous appel TIIY 292 TIIY levions lôtophores. Mais, en distinguant avec soin les feuilles à trois pointes et trois nervures correspondantes, qui sont du lierre, de celles à deux pointes recourbées en sens inverse et à calice profond, qui sont du lotus, il reste un petit groupe où l'on doit incontestablement reconnaître cette plante sacrée de l'Égypte' (fig. 690et6931). Sa présencesur le thyrse n'arien de surprenant: dès le vue siècle, les potiers de Naukratis ont fait du lotus un des motifs favoris de la céramique ionienne et dès lors a commencé cette identification de Dionysos à Osiris qui devait s'affirmer à l'époque hellénistique. On sait qu'Osiris passait aussi pour l'inventeur et le protecteur du vin et que le lierre lui était consacré 2. Aussi les artistes alexandrins ontils pu trouver en Égypte l'idée de faire sortir une grappe d'un calice de lotus. Dans certains exemples de thyrses, lôtophores comme kônophores, quand ce qui sort du calice folié est figuré par une grappe de petits cercles s'élevant en cône, il est bien difficile d'affirmer que l'on se trouve en présence des baies du lierre et non de raisins. Mais l'on ne peut hésiter à reconnaître des pampres dans les grandes feuilles trilobées qu'on rencontre parfois s'enroulant au haut de la hampe ", ou ornant en bouquet le sommet du thyrse L'existence d'un thyrse à pampres est, d'ailleurs, garantie par les vers où Virgile Fig. 6931. Thyrse lôtophoreet Ovide désignent le thyrse sous le nom de pampinea hastes 5, et Nonnos sous celui de '7'o6 â~. csadav G. Si on ne le rencontre que rarement figuré, c'est qu'il présentait plus de difficultés pour le peintre et surtout pour le sculpteur. C'est aussi que, par leur nature grimpante, la vigne comme le lierre sont plutôt des ornements de la base que du sommet. Avant de passer à l'étude de la haste du thyrse, notons qu'on connaît au moins un exemple de phallus ornant le sommet d'un thyrse dont le lierre entoure la hampe'. La hampe du thyrse et ses ornements. On a vu que la hampe du thyrse était constituée le plus souvent par une tige de narthex ou ferula ; à l'ordinaire elle est pourvue de noeuds, et l'on reconnaît au bas la section faite en la coupant à la racine'. Mais, parfois, les noeuds figurés sont trop saillants pour pouvoir être ceux d'un roseau ; il s'agit d'une branche d'arbre dépouillée, ce qui est généralement le cas lorsqu'on voit des pousses latérales , ou des amorces de rameaux coupésf0, ou même des rameaux entiers (fig. 4766, 6921, 6922) li. D'après ce qui a été dit plus haut, les hampes de ce genre sont probablement des branches de pin ; dans les exemplaires courts et sinueux il pourrait s'agir de ceps de vigne. Les feuilles de vigne ou de lierre qui s'enroulent autour de la hampe, ramifiée ou non, ne sont pas censées pousser sur elle, mais y sont placées comme des guirlandes12. Parfois ces guirlandes elles-mêmes se projettent en rameauxi3. Dans la variété des thyrses à férule, la tige est garnie de longues feuilles effilées et denticulées, comme celles qui conviennent à ces roseaux palustres. Par leurs enroulements naturels ces feuilles ont prêté à la fantaisie des artistes, qui les contournent parfois de façon toute héraldique. Selon qu'il est censé provenir d'un roseau coupé à sa racine ou d'une branche taillée, le bas du thyrse est élargi ou appointé, le diamètre de la hampe reste le même ou va en s'amincissant ; les mêmes causes agissent sur ses dimensions''. On pourrait sans doute les trouver toutes, depuis celle où le boulon dépasse tout entier la tête du porteur qui s'appuie sur la hampe, comme si c'était une lance, jusqu'à celle où il le brandit comme une canne ou une baguette. Comme la lance a un talon répondant à la pointe, l'analogie ainsi qu'un désir de symétrie ont Mi amener, quand l'origine du thyrse fut oubliée, à orner ses deux extrémités d'un bouton conique 13 : c'est le .)rus-0v d'un épigramme d'Agathias 16, qu'on retrouve notamment sur une coupe d'Hildesheim et, servant de sceptre, dans la main de la Borna d'un diptyque de Vienne 17, Que le thyrse fût garni d'une ou de deux touffes de feuilles, le besoin de les mieux fixer devait faire employer des rubans (cf. fig. 681, 684, 686, 4776, 4972, 6932). Il y avait d'autant moins de raison de ne pas faire voir ces rubans, ou en laissant leurs extrémités flotter TIIY 293 TrlY auvent (fhg.6931),ouen les croisant le long de la hampe, (fig. 6930), que le ruban ne pouvait que rehausserle caractère sacré du thyrse : il était sacré lui-mème à un double titre, ou comme bandelette et bandeau, symbole de toutes les consécrations, ou, lorsqu'il formait des noeuds, par la force magique attribuée de tout temps aux noeuds 1 [NODUS, vrr'rA]. Enfin ces rubans artistement noués contribuaient singulièrement à l'aspect décoratif du thyrse. Aussi ne doit-on pas s'étonner que, dès qu'avec le ive siècle un genre plus libre succède dans la céramique au style sobre, presque tous les thyrses soient figurés enrubannés 2; au début du me siècle, dans la célèbre pompe de Ptolémée II, on voit Nysa représentée tenant un thyrse entouré de bandelettes Dans une élégie anonyme sur la mort de Mécène, la décoration du thyrse ne consiste plus seulement en rubans, mais en or et en pierreries`. Parfois on y voit attachés des clochettes ou de ces tambourins (fig. 6932) qui, avec les crotales, sont les instruments favoris des fètes orgiaques' [TYMPANLS1]; parfois aussi les serpents que brandissent les Ménades ne s'enroulent pas autour de leurs bras, mais autour de leurs thyrses U. RÔLE DU THYRSE. Divinités dont il est l'attribut. Le thyrse est, avant tout, l'emblème de Dionysos, dont Ouocopdeo; est l'une des épithètes', de ses compagnons et de ses fidèles. Aussi, sous sa forme primitive de rameau de lierre ou de pampres, ne se voit-il qu'entre les mains de Dionysos [BAccius], de Silène [SILENI] 8 et des Ménades [MAENADES] 9; Dionysos l'a prêté à Iléphaistos [VULCANUS] 10 dans la scène, si goûtée des céramistes de la figure noire, où il est ramené dans l'Olympe. Cette figuration du thyrse qui, pour Dionysos, commence dès le vue siècle, se trouve sur une amphorisque corinthienne" et se poursuit en pleine période de la figure rouge 12 ; elle cesse presque dès l'apparition de ce style, pour les compagnons du dieu. C'est alors le règne du thyrse artificiel, sous les diverses formes qu'on a passées en revue ; Dionysos" et Silène ", Iléphaistos 13 et les Ménades i6, parmi lesquelles il faut ranger Nysa, la nourrice de Dionysos, et Ariane son amante (fig. 2972), ne sont plus seuls à porter le thyrse, mais il s'étend aux divinités que le développement du culte dionysiaque y rattache : au Kabire thébain " et au Midas phrygien 18, dont le culte ou la légende ont tant de traits dionysiaques ; aux génies de la nature agreste, Pan 12 ou les Centaures L0, qui se groupent naturellement avec les Silènes et les Satyres 21 ; aux personnifications des désirs que Bacchus favorise, Éros 22 et Potllos 23 ; à rI'HY 29I TIIY Niké1 enfin, sans doute parce que l'idée de victoire s'associe si souvent pour le Grec aux concours dionysiaques; il est probable que c'est à l'instar de Niké que les symboles semblables, si répandus à l'époque hellénistique, les Tychés des États et des cités, ont dû recevoir le thyrse, emblème de victoire et de prospérité 2, et c'est de ces figurations qu'ont dû s'inspirer ceux qui, jusqu'à la fin de l'Empire, mirent le thyrse aux mains de Monza 3. Par l'assimilation d'Isis à Tyché-Fortulsa, assimilation parallèle à celle de Dionysos à Osiris dont on a indiqué plus haut l'influence probable sur la genèse du thyrse lôtophore, la déesse égyptienne reçut aussi le thyrse}, ainsi que l'autre déesse africaine dont le syncrétisme fit une personnification de la fécondité, la Caelestis de Carthage Enfin le thyrse est porté par tous ceux qui se donnent pour de nouveaux Dionysos, Alexandre revenant des Indes 6, Dérnétrius Poliorcète à Athènes ou Antoine à Éphèse S. II semble que les prêtres de Dionysos aient eu également le thyrse pour attribut en tout cas à Lesbos 9, où l'on connaît par ailleurs une confrérie de porte-thyrses 10 -, et les fidèles ne le portaient pas seulement dans ses fêtes orgiaques, mais dans cette fête ordinaire du dieu du vin qu'était un banquet11. Le thyrse comme bâton magique. Si le thyrse devient ainsi simple symbole de prospérité, une autre évolution lui prêta un caractère magique [cf. MAGlA, p. 1516]. Les doctrines orphiques et les mystères d'Éleusis avaient fait à Dionysos une grande place dans les croyances funéraires et les rites cathartiques. Aussi n'y a-t-il rien d'étonnant à ce que le thyrse soit associé à la ciste mystique ou paraisse àla main du Zeus Philios'arcadien12 qui, comme Zeus Meilichios, est plutôt un Dispater qu'un Jupiter, ou soit donné aussi à l'une des compagnes étrusques de Dispater, Vanth, déesse des morts 13. Le thyrse n'a pas seulement sa place parmi les ornements des urnes et sarcophages 14, il est placé parfois entre les mains du mort 15, comme s'il devait lui assurer dans l'autre Inonde tous les plaisirs de la vie. Le thyrse devient comme l'emblème des mystes de Dionysos ; c'est en les frappant de son arme que le dieu, Ouccoi,.av ii lui-même 16, pousse ses fidèles à l'extase où à l'épilepsie ; il s'en sert comme d'un aiguillon pour presser leur troupe frénétique ; aussi Nonnos appelle-t-il souvent xwtipov 17 le thyrse que Lucrèce qualifie d'acer13 etllorace de gravis" ; Ovide parle des femmes que le dieu tlzyrso concitatn et û(LEvot Oupan121. Si puissant pour remplir les âmes d'une ivresse divine, ce bâton ne l'est pas moins pour féconder la terre et par là aussi s'explique que le thyrse soit devenu un symbole de prospérité : le thyrse des Bacchantes d'Euripide fait jaillir du sol des sources d'eau et de vin 22 et une fontaine de Messénie dite Dionysias devrait son origine à un coup donné par le dieu 23 ; le miel et le lait, boissons des maîtres et des habitants du sombre séjour, passaient pour couler de ses feuilles de lierre"et c'était en un thyrse gigantesque que Dionysos avait changé le mât du vaisseau des pirates tyrrhéniens2'3 Le thyrse naturel, qu'il soit branche de pin ou canne de jonc, peut servir, comme tel, d'arme primitive. C'est sans doute par un souvenir de l'époque reculée où il était employé comme latte ou comme massue, qu'on le, porte dans la droite à la façon d'une aune, et non dans la gauche comme la plupart des insignes religieux 26. Mais, avec le développement de l'armement, il sembla invraisemblable qu'une haste sans fer pût être une arme efficace ; en même temps, l'Orphisme paraît avoir interdit à son dieu et à ses fidèles le port d'armes sanglantes"; seul parmi les dieux, dans la Gigantomachie du Tll Y 295 TITY trésor de Cnide (ou de Siphnos), Dionysos n'est pas armé ; les lions de son char combattent pour lui '. Dionysos, semble-t-il, pouvait avoir une armure défensive complète 2, mais il ne devait pas frapper avec la lance. Ainsi le voit-on, sur des vases du vesiècle, s'armer, pour combattre les géants, de la cuirasse et du casque des hoplites : il n'a que le thyrse pour arme offensive 3. Si le dieu et ses compagnons peuvent mettre les ennemis en fuite avec une arme aussi rudimentaire, c'est que le caractère magique qu'on a vu résider en elle n'a pas tardé à la faire passer pour une arme surnaturelle, qui agit plus à la façon de la baguette du magicien que de la lance du guerrier. Aucune armure ne peut lui résister 4. Bien que non haec in munera facti 6, les thyrses dont le roi Argaios arme les filles de Macédoine suffisent à repousser une attaque des Taulantiens 6. Le thyrse comme arme. Le thyrsolonchos. Pourtant le rationalisme grec, ennemi du surnaturel, ne pouvait s'accoutumer à l'idée qu'une arme sans fer fût efficace. En même temps les artistes, pour représenter l'action du thyrse, étaient bien obligés de le montrer brandi à la façon d'une arme : comme ils avaient quelque souvenir de son origine, ils le font manier le plus souvent à la façon d'une latte ou même d'une massue, quand certaines formes allongées du bouton terminal sur une hampe raccourcie donnent au thyrse l'apparence d'une massue' ; quand la hampe est longue et que la couronne feuillue est ramassée en ovale ou en losange, l'aspect du thyrse devient celui d'une lance ; aussi est-il tout naturel qu'on le brandisse à la manière d'une arme d'hast «fig. 44776).:llais c'est surtout alors que l'esprit de logique des Grecs devait s'étonner à l'idée de faire jouer à une touffe de feuilles le rôle d'une pointe de fer. Pour échapper à ce qui leur semblait irrationnel, c'est souvent avec le pied élargi du thyrse qu'ils font frapper comme avec un talon de lance (fig. 5433)9; puis ils placent un fer dans ce talon (fig. 685 0.6933) jO ; enfin, par une dernière évolution à laquelle l'art et la littérature ont eu également part, c'est dans le bouton même, plus ou moins dissimulée par ses feuilles, qu'on se décide à fixer une pointe. C'est le Oupa)`oyyoc ", le thyrse-lance, qu'on trouve figuré dans des monuments romains inspirés de modèles hellénistiques 12, mais qui est surtout connu par la littérature depuis l'époque alexandrine. Le thyrsolonchos est, à la différence du thyrse simple, une arme véritable. Strabon le cite parmi les armes des dieux 13 ; ce serait celle dont Dionysos aurait muni ses Bacchantes pour conquérir les Indes 14, et, lorsque, dans la fameuse fête donnée par Ptolémée I1, on voulut représenter le triomphe du dieu, c'est un thyrsolonchos doré qu'on mit entre ses mains et entre celles des jeunes filles qui représentaient les Ménades ; Callixène a soin de le distinguer du thyrse de 90 coudées et de la lance TIA 296 TIA de 60 coudées que portaient des chars venant àla suite. Ç'aurait même été l'emblème ordinaire des thiases bachiques, puisque Virgile montre Daphnis leur enseignant fouis tentas intexere mollibus hastas 2. La confusion se fit bientôt ainsi entre thyrse et thyrsolonchos. Après avoir rappelé que les Lacédémoniens vénéraient une idole de Dionysos munie, non d'un thyrse, mais d'une lance, Macrobe demande : sed cum thyrsum tenet, quid alind quant latens telum gerit, cujus mucro hedera tambente protegitur 3 ? question qui prouve l'oubli de toute différence entre le thyrse avec fer ou sans fer. Nonnos emploie souvent le terme de Gupsoç là où le contexte indique qu'il pensait à une arme munie d'un fer'. Il lui arrive même de désigner un pareil thyrse-lance par le nom de vticO-, 5, si bien que ce roseau, que Dionysos passe pour avoir donné à ses fidèles afin qu'ils ne se blessent pas dans les fumées du vin finit par devenir lui aussi une arme mortelle. A. J. REINACu. TIARA (Ttzpn fém.) et TIARAS ('rtxps.ç masct). Sous ce nom les Grecs et les Latins entendaient une sorte de bonnet, porté par la plupart des peuples du nord-ouest de l'Asie. Saint Jérôme nous en a laissé une description très précise'. C'était une calotte demi-sphérique ; on la posait sur le sommet de la tête, de manière à laisser à découvert la partie antérieure de la chevelure; on la fixait autour de l'occiput par une bandelette ; elle n'avait pas de pointe (apex) à son sommet. Telle était, semblet-il, la forme la plus commune de la tiare. Mais ce type général comportait une infinité de variétés que nous font connaître les monuments et les textes. La tiare figure déjà très anciennement sur les bas-reliefs assyriens et chaldéens, et elle y présente plusieurs formes. Généralement le roi assyrien, qu'il ait nom Sargon, Assournasirpal, Sennachérib ou Assourbanipal, y apparaît orné d'un haut couvre-chef, en forme de cône tronqué, avec un apex au sommet Une variante plus rare est la haute tiare cylindrique, telle que la porte, par exemple, Mérodach-idin-akhi, roi de Babylone Mais, d'autres fois, les rois d'Assyrie revêtent une coiffure d'un modèle tout différent : c'est une haute calotte hémisphérique, terminée au sommet par une sorte de fleuron 5. Enfin les guerriers assyriens sont ordinairement coiffés d'un couvre-chef conique, qui s'effile en une longue pointe, mais qui mérite peut-être le nom de casque plutôt que de tiare En Chaldée, nous trouvons des tiares formées de cornes superposées; toutefois les dieux seuls portent cette tiare à cornes, jamais les rois ou les autres mortels'. Si d'Assyrie et de Chaldée nous passons en Phénicie, ou du moins dans les colonies phéniciennes, les petits bronzes sardes nous montrent des chasseurs coiffés de tiares ou casques cornus 8; et les statues cypriotes ont sur la tête un bonnet conique en étoffe, terminé par une pointe repliée en arrière, qui rappelle d'assez près le couvre-chef assyrien décrit plus hauts. Faut-il aussi reconnaltre, comme l'a proposé M. Th. Reinach, dans les personnages sculptés au Ive siècle sur le sarcophage de Sidon dit a sarcophage du satrape », un prince cypriote et sa cour 70? Le héros principal y porte une tiare, très distincte de celle de ses sujets: conique, haute et rigide, avec une pointe recourbée en avant et des fanons. Ses sujets ont une simple calotte à pointe « phrygienne n, qui parfois se complique de fanons, d'un couvre-nuque et de garde-joues pouvant se nouer sous le menton I1 .1,a tiare était également en usage déjà chez les Idétéens : sur une stèle de basalte, nous voyons un personnage royal affublé d'une coiffure singulière, toute pareille par sa forme cylindrique et ses bords relevés à un moderne haut-de-forme12. En Syrie et Cappadoce les monuments nous prouvent que les femmes se couvraient la tête d'une tiare droite et rayée, parfois même cannelée et tourelée par en haut 13, C'est surtout chez les Perses que la tiare constituait une mode nationale" : elle s'appelait proprement xur,euc(c 15. Celle du roi (à laquelle était réservé, semble-t-il, le nom de x d ptç16) se distinguait, comme de juste, par l'éclat des couleurs, des broderies et des pierreries 1''. De plus elle était souvent enserrée autour de la tête par un diadème [DIADESIA, fig. 2337)18, c'est-à-dire par un bandeau plat à fond bleu tacheté de points blancs i0. Mais ce qui caractérisait surtout la tiare du grand roi, c'était, d'une part, l'apex qui la surmontait20 et, d'autre part, sa forme droite et raide : à lui seul appartenait le privilège de la porter ainsi2l. Ses sujets la portaient souple et retombant en avant 22. A part cette rigidité qui est un trait constant, la tiare royale affecte sur les monuments figurés des aspects très divers. Il y a d'abord la haute tiare lisse, de forme cylindroïde, mais renflée à son sommet'. Ailleurs, et particulièrement sur les monnaies appelées doriques, le roi est coiffé d'une tiare, plus basse que la précédente, cylindrique et crénelée ''°. Sur d'autres monuments la tiare royale est conique, et parfois bordée en arrière, de la base au somrnet, d'une sorte de crête de n tel ée qui forme cimier L5 TIA 297 T1A [BARBARI, fig. 792]. lie seigneur Perse sur le sarcophage sidonien dit d'Alexandre 1, ainsi que Darius sur la mosaïque pompéiennequi figure la bataille d'Issus',portent,en guise de bonnet phrygien, une sorte de bachlik ou de passemontagne, de couleur claire, dont les pans latéraux ou garde-joues, noués sous le menton, couvrent le bas de la barbe et souvent même la lèvre inférieure'. C'était sans doute une tenue de guerre : car on l'observe également chez les compagnons du roi qui combattent à ses côtés (fig. 6934) '. Mais, dans la vie civile, ceux-ci arborent des coiffures différentes. Sur les monuments qui nous montrent le roi entouré de sa cour, les grands dignitaires sontcoiffés alternativement ou d'une large tiare cylindrique à côtes, de moyenne hauteur, ou d'une calotte basse qui dessine au-dessus du front un léger renflement et rappelle d'assez près un bonnet phrygien sans pointe; il est probable que cette différence de parure caractérisait deux catégories distinctes de fonctionnaires '. Autre part, par exemple sur le vase de Xénophantos 6 ou sur le vase de Darius (fig. 792), les Perses 'ont sur la tête le bonnet connu généralement de nos jours sous le nom de « phrygien ». C'est un long bonnet conoïde, à demi souple, avec une pointe penchée en avant, muni de fanons qui descendent jusqu'au-dessous du col et ordinairement assujetti au moyen d'une mentonnière. Sur un vase du Vatican (fig. 6935) le Grand Itoi (13xta),eé) est caractérisé par cette coiffure'. L'usage de la tiare est attesté encore chez nombre d'autres populations d'Asie, par exemple chez les Lyciens 6, les Arméniens ' et les Parthes (fig. 797)10. Elle était aussi l'insigne des lx. prêtres de Phrygie ", des mages de Cappadoce". Artémis, en sa qualité de déesse d'origine orientale, porte une tiare sur les monuments archaïques [DIANA, fig. 2362, 2378]. Dans la mythologie grecque les personnages relation avec l'Orient, Médée (fig. 4877), Midas Phineus, Thamyris, sont souvent coiffés de la tiare. Chez les Grecs et les Latins, qui vivaient tête nue, le _ bonnet phrygien devint tout naturellement la marque distinctive des barbares et symbolisa, dans l'art, la mollesse asiatique ". Telle était déjà probablement, dans la tragédie d'Euripide, la coiffure de Télèphe qu'Anis tophane appelle « un bonnet myV I d~ sien » 13. Sur les représentations figurées, le bonnet phrygien caractérise non seulement les barbares d'Asie, Perses jiJTHRA, fig. 5083, 5086, 5092-94], Troyens, par exemple Anchise (fig. 316), Priam 16, Pâris (fig. 5636), Ganymède (fig. 4230), Phrygiens, par exemple Tantale (fig. 1052„ mais aussi les Amazones (fig. 6936; cf. AMAZONES, fig. 247-248), et même, par une extension tout à fait arbitraire [BARBARI, p. 673, NULS, p. 480], les peuplades barbares du nord de l'Europe, les Scythes [Amr s, fig. 470] 17, les Thraces, par exemple Orphée (fig. 4052) ou lihésos [ALOPEGIS, fig. 227228]. Les dynastes lyciens, les satrapes d'Asie-Mineure et d'Arménie portent la tiare sur les monnaies (fig. 6937)'". En Sicile la partie carthaginoise de l'île est caractérisée dans la numismatique par la présence de la tiare donnée comme coiffure, même à des fernmes's. Toutefois, avant de terminer cet article, une remarque s'impose: parmi les coiffures que nous avons énumérées sous le nom de tiares, plusieurs sont peut-être plutôt des casques ou des bonnets de peau (â),cunrexiç) : la distinction, sur les monuments, est le plus souvent impossible à faire. Nous savons, du reste, par les textes que certains peuples, entre autres les Mossynèques et les Paphlagoniens 20, portaient des casques tiaroïdes (x9-r1 6xjrtvz TtvpoEe3'7j). C'est pourquoi on a pu se demander si la coiffure des Amazones n'était pas une alopékis plutôt qu'un bonnet phrygien21. Et la même question se pose à propos du couvre-chef exotique porté par quelques-uns des cavaliers de la frise du Parthénon [ALOPÉI6IS, p. 188, fig. 229]-'. La tiare antique est l'ancêtre de la tiare 38 TIB 298 TIB papale et de la mitre épiscopale modernes '