Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article TIBIA

TIBIA (Aûadç!. I. DÉFINITION. Le mot latin tibia', dont l'étymologie est inconnue, est l'équivalent à peu près exact du grec aiad;, qu'on rattache lui-même, à tort ou à raison, au verbe i' t, souffler. Le terme a.~adç s'emploie quelquefois dans un sens large, où il désigne la totalité des instruments à vent (ÉUnveuaix), excepté les trompettes : c'est ainsi que les tuyaux de la flûte de Pan 2 (sviuxxj et l'orgue (iiôPau) ç) sont qualifiés d'ailo(; les trompettes, d'après le grammairien Pollux, « se rapprochent fort des aiXoi » 3, mais elles ne sont jamais expressément rangées dans cette catégorie. Plus ordinairement, la famille des instruments à vent se divise en deux groupes : les aûotyyaç (/istulae) et les ciao( proprement dits (tibiae) 4. Dans l'un et l'autre, le son résulte de la vibration rythmique d'une colonne d'air renfermée dans un tuyau et mise en mouvement par le souffle humain ou un succédané ; mais les deux groupes d'instruments présentent deux différences essentielles : 1° dans les syringes le tuyau est presque toujours bouché, dans les auloi (comme dans les trompettes) il est ouvert; 2° tandis que dans les syringes, comme dans nos flûtes douces, l'artiste détermine la vibration de la colonne d'air en projetant directement, contre la paroi du tuyau, un ruban d'air, brisé par un biseau ou une arête tranchante, dans les aûao(, comme dans nos clarinettes et nos hautbois, son souffle ne sert qu'à provoquer les pulsations d'une mince lame de roseau (anche) que l'exécutant tient entre ses lèvres, et ce sont ces pulsations qui, à leur tour, déterminent le rythme des condensations et dilatations successives de la colonne d'air emprisonnée dans le tuyau 3. De cette double distinction, il résulte, comme l'établit la théorie acoustique, des différences notables dans le timbre des deux catégories d'instruments, dans la nature des sons harmoniques qui accompagnent chaque son fondamental, dans la hauteur même des sons produits, par rapport aux dimensions de l'instrument. L'emploi du terme /bite, pour traduire tibia ou aûadç, quoique consacré par un long usage, est inexact et de nature à engendrer la confusion, puisque aucune flûte qu'il s'agisse de la flûte traversière, seule employée de nos jours, ou de l'ancienne fuite à bec ne comporte d'anche. Pour éviter toute équivoque, nous proscrirons complètement ce terme. Nous désignerons les instruments dont il est question ici, soit par le terme grec francisé (aulos), soit par le mot chalumeau. En effet, le chalumeau du moyen âge, ancêtre de notre clarinette, et qui survit, sous des noms variés, dans divers pays d'Orient, offre la plus grande analogie avec la tibia antique à un seul tuyau; il dérive même probablement en ligne directe du monaule gréco-romain. Pour réaliser sur un instrument à vent une variété de sons, deux procédés sont concevables : 1° multiplier le nombre des tuyaux de manière qu'à chaque hauteur de son corresponde un tuyau distinct ; 2° forer dans un tuyau unique plusieurs trous, correspondant à des longueurs différentes de la colonne vibrante, et les déboucher ou obturer à volonté. Le premier procédé, qui est celui de l'orgue, s'applique difficilement aux instruments portatifs, insufflés par la bouche et maniés avec les doigts, sans le secours de touches; son emploi a condamné la syrinx àrester• un instrument très imparfait. Le second est celui de toutes les variétés de flûte et de clarinette, et aussi de l'aulos antique. Mais on peut réaliser, dans une certaine mesure, la combinaison des deux procédés : deux ou plusieurs tuyaux, percés chacun de plusieurs trous, et que l'artiste introduit à la fois dans la bouche et met en action simultanément avec son souffle et ses doigts ; on obtient ainsi une musique polyphone c'est une flirte « harmonique », comme on disait au xvne siècle-et même nécessairement polyphone, à moins que, par un dispositif spécial, que les anciens n'ont pas employé on ne puisse réduire à volonté au silence un des tuyaux conjugués. Des instruments de cette catégorie existent encore aujourd'hui dans la musique populaire de divers pays. Tels sont, parmi ceux à anche, l'arghoul et la zurntnat°ala des Arabes, à deux tuyaux' et le launeddas sarde, à trois tuyaux 8; parmi les TIB 301 TIB instruments à bec, le svirial des paysans russes '. L'aulos antique appartient à ce genre composite. Chez les Grecs et les Romains, le chalumeau unique, soit droit (monaule), soit oblique (plagiaule), est d'un emploi assez rare. Textes et monuments sont d'accord pour nous apprendre, qu'il s'agisse de virtuoses ou de simples amateurs, que le chalumeau à anches s'employait en général par paires'. Un pareil instrument devrait correctement porter un nom pluriel, et en effet on rencontre quelquefois, pour le désigner, les termes vô),o(, tibiae getninae 3. Mais, précisément parce que dans l'usage le chalumeau double était d'un emploi incomparablement plus fréquent que le chalumeau isolé, la forme singulière, cia,iç ou tibia, employée sans autre précision, désigne régulièrement l'aulos double. Nous nous conformerons dans la suite à ce langage abrégé. II. ORIGINE. Quoique le chalumeau double se rencontre actuellement chez un certain nombre de peuplades sauvages on hésite à croire qu'un instrument aussi particulier que le double chalumeau à anches soit né spontanément et indépendamment dans beaucoup d'endroits à la fois. Les Grecs eux-mêmes voyaient d'ordinaire dans leur autos un instrument d'emprunt. Les uns le faisaient venir de Libye''; les autres, plus nombreux, de Phrygie, où on lui donnait pour inventeur quelque personnage fabuleux, IIyagnis, le silène Marsyas ou son disciple Olympos D'après quelques-uns, l'invention de la syrinx polycalame par Cybèle aurait suggéré à Marsyas celle du chalumeau simple (monaule ou plagiaule), qui en serait en quelque sorte la synthèse'; le chalumeau double serait encore plus récent. En regard de ces hypothèses, d'autres érudits maintenaient l'origine divine, c'est-à-dire purement hellénique, de l'aulos. Ils en faisaient honneur soit à Apollon lui-mêmes, soit plus fréquemment à Athéna qui lui aurait donné des leçons°. Une légende très récente, sur laquelle nous reviendrons plus loin, cherche à concilier les deux traditions : Athéna aurait bien inventé l'autos, mais, ayant constaté que le jeu de l'instrument déformait son visage, elle jeta les chalumeaux et le silène Marsyas les ramassai0. L'archéologie n'est pas encore parvenue à résoudre définitivement le problème des origines de l'aulos grec. Les prétendues « flûtes préhistoriques » qui ont été recueillies, soit en Italie", soit en Grèce', ne peuvent être invoquées dans le débat : ce sont tout au plus de vulgaires sifflets (en os, en corne ou en pierre), percés d'un ou plusieurs trous, mais rien ne permet de croire qu'ils aient été munis d'anches, ni, à plus forte raison, employés par paires. Les mentions de l'aulos dans les poèmes homériques sont rares, et d'âge contesté". En Egypte, si le chalumeau (droit ou oblique) simple est très ancien, et si, dès l'Ancien Empire, on rencontre également un chalumeau double, mais composé de deux tuyaux parallèles et serrés l'un contre l'autre par des cordons empoissés, type resté inconnu des Grecs, en revanche, l'aulos à tuyaux divergents, l'autos à la grecque, n'apparaît qu'avec la _xvut° dynastie1t. Or, écartant le sarcophage crétois d'Haghia Triada (fig. 6973), où l'aulos est, on le verra, du type phrygien, et non hellénique, on possède des statuettes recueillies dans les îles de Kéros (près Amorgos) (f1g 6941)'3, de Rhodes et de Sardaigne16, présentant l'aulos double de type grec, et qui pourraient bien être antérieures à cette date. Des termes traduits par flûte se rencontrent bien dans les textes cunéiformes dès la période babylonienne 17 mais nous ne savons pas comment cét instrument était conformé, et un autos semblable à celui des Grecs n'apparaît sur les monuments figurés connus de cette région qu'à l'époque assyrienne J8. Quant à la Phrygie, sans vouloir nier l'origine nationale de son aulos, ni l'influence profonde exercée sur le développement de l'aulélique grecque par les aulètes d'origine phrygienne, que symbolise le nom d'Olympos, il faut observer que le type caractéristique de l'aulos phrygien proprement dit (car il a pu y en avoir d'autres) un tuyau droit, un autre terminé en forme de corne .ne s'est jamais popularisé en Grèce : il reste confiné dans le culte exotique de Cybèle et dans celui de Dionysos, qui a subi une forte influence thrace, c'est-à-dire, au fond, phrygienne. L'aulos grécoromain, aux deux tuyaux divergents, rectilignes et égaux, ne semble donc pas venir tel quel de Phrygie ; si on lui cherche une origine asiatique, c'est plutôt à la Lydie qu'on devrait songer ". L'hypothèse d'une origine africaine, sans pouvoir invoquer aucune preuve solide, ne se heurte à aucune impossibilité. Il n'est pas détendu de croire que TIB 302 'l'IB du fond du continent noir l'aulos ait gagné d'abord la côte de Cyrénaïque et les îles de l'Archipel, d'où il se serait répandu d'une part en Égypte, de l'autre en Phénicie, Chypre et Chaldée. Quant aux Romains, si, à l'époque classique, ils se croyaient redevables de l'aulétique aux Grecs', il n'est pas douteux qu'Ils l'ont revue d'abord par l'intermédiaire des Étrusques; l'origine de l'aulos italien est donc liée au problème non résolu de la provenance du peuple étrusque et de la source de sa civilisation première, que beaucoup de savants cherchent encore en Asie-Mineure. Mais comment les barbares, asiatiques ou africains, à qui remonte l'invention de l'aulos double, sont-ils arrivés eux-mêmes à créer ce type d'instrument? Voici ce qu'on pourrait supposer à cet égard. Plusieurs peuples primitifs insufflent le chalumeau non par la bouche, mais par le nez2. Il s'agit, il est vrai, le plus souvent d'un chalumeau simple, et la narine non employée est alors bouchée avec le doigt. Mais on conçoit fort bien que l'homme, ayant deux narines, ait pu, dans certains pays, être amené à s'en servir pour enfler deux tuyaux à la fois et faire plus de bruit. Du double chalumeau nasal, dont la genèse s'explique ainsi très simplement, serait né, dans la suite des temps, le double chalumeau buccal, conception, au premier abord, plus déconcertante. III. MATIÈRE. Sous sa forme la plus simple, l'aulos grec se compose de deux chalumeaux d'aspect identique et dont chacun comprend: l°un tuyau cylindrique ouvert en bas, percé d'un certain nombre de trous latéraux; une «embouchure » oit s'engage l'extrémité supérieure du tuyau; 3° une anche logée dans cette embouchure. Les deux chalumeaux ne se rejoignent que dans la bouche de l'exécutant; jamais ou presque jamais 3 ils ne sont réunis l'un à l'autre par une courroie, une traverse en bois ou une boucle de métal; jamais non plus ils ne se confondent à la partie supérieure dans un canal d'insufflation unique', comme c'est le cas pour divers instruments médiévaux. On a soutenu l'antériorité du chalumeau en pierre ou en os sur celui en matière végétale ; cependant, il est certain qu'à l'époque historique, en Grèce, le chalumeau commun est toujours taillé dans une tige de roseau ° (harundo (houa,); d'où le nom de xx3,«uoçqui le désigne, concurremment avec ~dtiMu 6. Quand, plus tard, cette matière fut abandonnée par les virtuoses pour l'ivoire, les bois précieux ou le métal, on' appela spécialement r.«a«u«û),-t,ç l'aulète modeste qui continuait à faire chanter l'aulos en roseau'. Toutes les espèces de roseau n'étaient pas également propres à cette destination. Le z.(? u.oç a'ATITtxdç 8 (harundo tibialis) se caractérisait par un parenchyme plein et charnu, des feuilles larges et blanches, une aigrette modeste. On verra plus loin quelles qualités particulières on exigeait de la canne destinée à fournir les anches *uy(ziiçl : nous ne nous occupons ici que de celle qui fournissait les tuyaux uA?uxl«ç). Les plants les plus estimés de ce genre se rencontraient en Phrygie dans la vallée du Méandre et du Marsyas°, en Sicile dans une île voisine des Thermes d'Himère'0, mais surtout en Béotie dans les environs d'Haliarte, de Lébadée, d'Orchomène, bref dans toute la région marécageuse où les eaux du Céphise et du Mélas se mêlent à celles du lac Copals : les eaux du Céphise passaient pour posséder, à cet égard, des vertus particulières". Dans ce canton, le roseau aulétique ne venait à maturité que lorsque le lac était gonflé par des pluies abondantes et persistantes, c'est-à-dire à peu près tous les neuf ans. La plante se développait dans l'eau pendant une année, à l'air libre pendant l'année suivante : c'est alors qu'on la coupait12. Nous manquons malheureusement de renseignements sur la préparation que les «û),o7toto(faisaient subir à la tige avant de la vider de sa moelle et de la forer : tout ce que nous savons, c'est que ces dernières opérations comportaient l'emploi de la tarière' 3. La longueur utilisée variait suivant l'espèce de chalumeau; presque toujours elle comprenait plusieurs entre-noeuds (longueur moyenne d'un entre-noeud : 15 centimètres) ; sur les représentations un peu soignées, on aperçoit le léger renflement et le double sillon qui marquent chaque noeud. Parmi les autres végétaux employés dans la suite des temps pour la fabrication des «iÀG(, soit en Grèce, soit dans les pays voisins, il faut signaler les bois de buis, de sycomore de lotus, de laurier nain", de sureau 16, peut-être aussi de cèdre". Le buis était surtout en faveur chez les Étrusques pour les chalumeaux sacrificiels et chez les Phrygiens 10 pour ceux des orgies de Cybèle ; le lotus (celtis australis), arbrisseau de Libye, s'employait à Alexandrie pour le plagiaule et en général pour les chalumeaux de théâtre14 ; buxum et ),O)Tdç devinrent les synonymes poétiques d'aales. On petit aussi mentionner, pour les instruments rustiques, l'emploi de la paille d'orge en Égypte" et, en Macédoine, celui d'un chaume appelé Fâr«, qui donna son nom à une classe d'instrumentistes, les (5xwaû)i«t21. Le règne animal a fourni également de nombreux matériaux à cette fabrication22. La corne a été usitée en l trurie2'1, des os d'animaux diverse' (chiens 25, ânes20, TIB 303 TIB aigles, vautours', etc.) dans plusieurs pays. Une mention particulière est due aux os de jambe de faon, matière des célèbres chalumeaux thébains'-', et à l'ivoire, qui, de la Phénicie, se répandit à l'époque hellénistique et devint la matière favorite des instruments de luxe Les chalumeaux d'ivoire se composent ordinairement de plusieurs pièces distinctes, soigneusement encastrées les unes dans les autres, comme on le voit bien sur l'exemplaire fragmentaire d'Alexandrie (fig. WU). Nous avons déjà fait allusion aux chalumeaux préhistoriques en pierre et en argile. A l'époque historique, à partir du ve siècle, le métal entre pour une part de plus en plus importante dans la confection (les auloi dont il renforce la solidité et, croyait-on, la sonorité : c'est, en particulier, le cas des chalumeaux thébains'. En général, le métal bronze, laiton (auricllalcum) °, argent 6, or ° figure sous forme de garnitures (viroles, tubes accessoires, etc.) qui viennent s'emmancher sur l'âme proprement dite, laquelle est ordinairement de roseau, de bois ou d'ivoire ; parfois cependant l'âme est entièrement revêtue d'une feuille de bronze formant un fourreau continu (chalumeaux Sambon). Quelques textes paraissent même mentionner des auloi coulés en bronze 8, mais aucun spécimen ne s'en est encore retrouvé. IV. PERCE. La cavité intérieure ou âme du tuyau (x(it)iia °, xot).(wne, 10, caverna ") était, généralement parlant, cylindrique, c'est-à-dire d'un diamètre constant: l'aulos gréco-romain est donc, en principe, un instrument de la famille des clarinettes, et non de celle des hautbois; on verra plus loin qu'il en est peut-être autrement des chalumeaux phrygiens. La perce cylindrique de l'autos n'est attestée par aucun texte formel, mais elle résulte avec certitude : 1° des calculs et des expériences des théoriciens antiques sur les longueurs de tuyaux et les emplacements de trous correspondant à tel ou tel son" ; 2° de la matière qui fournissait les chalumeaux à l'époque classique, la tige de roseau, dont la section est sensiblement cylindrique ; 30 de l'examen des spécimens d'auloi antiques parvenus jusqu'à nous et qui tous, sans exception, présentent une perce constante, à quelques millimètres près, et même n'ont pas de pavillon 13. Quant aux représentations de l'aulos sur les monuments figurés, il faut distinguer. A l'époque archaïque et classique, le tuyau est, en général, d'aspect nettement cylindrique, même sans aucun renflement vers le bas; les exceptions sont rares (fig. 6943)'°. Mais il en est autrement sur beaucoup de monuments d'époque hellénistique et romaine (peintures des villes campaniennes, statuettes, sarcophages, etc.). Ici, non seulement le tuyau s'évase presque toujours vers sa partie inférieure et forme un pavillon (zd (ov) plus ou moins large, comme celui d'une trompette', destiné à donner « du creux » au bourdon, mais souvent le tuyau semble s'élargir progressivement depuis le sommet jusqu'à l'orifice, et présente la forme d'un entonnoir bien caractérisé16. Reste à savoir s'il faut voir dans les représentations de ce genre de simples fantaisies ou négligences de l'artiste, ou si, au contraire, il faut admettre qu'à une certaine époque, à côté de l'aulosclarinette, les anciens ont connu et employé, notamment pour les variétés à dia pason élevé, un aulos-hautbois17.C'est une question que la découverte de spécimens réels pourra seule élucider. Les anciens savaient que l'étroitesse de la perce (6TEVOxoileov) contribue, du moins dans certaines limites, à rendre le son plus clair et plus grave, tandis qu'une perce large produit l'effet inverse 18. Les spécimens d'aulos qui nous sont parvenus offrent un calibre sensiblement plus étroit que celui de nos clarinettes, et qui varie entre 8 et 10 millimètres. Voici quelques chiffres résultant des mensurations de Howard et des miennes : TIB 301 TIB L'aulos votif en bronze trouvé à Pergame (fig. 6932) a, selon Conze, '2 centimètres de diamètre extérieur ; mais le diamètre intérieur ne paraît pas dépasser 1 centimètre'. V. Tous. Lorsque la colonne d'air vibrante est limitée par l'orifice inférieur, elle produit le son le plus grave dont l'instrument soit susceptible, le bourdon ou (36(,~~. Pour rendre possible la production de sons plus aigus, on perçait (sans doute au fer rouge)' un certain nombre de trous (Tpy)u.ai«, 7;eu7r4ar«, foramina) dans la paroi : la colonne vibrante est alors limitée par le trou ouvert le plus rapproché de l'anche. Pour déterminer l'emplacement convenable de chaque trou en vue d'une hauteur donnée de son à produire, les anciens ont établi des règles mathématiques fondées sur des expériences faites avec des tuyaux de longueur variable 3. Mais de pareils calculs ne sont qu'approximatifs ; ils supposent des trous de même diamètre que le canal intérieur du chalumeau, ce qui n'est pas toujours le cas': de plus, dans la pratique, la hauteur théorique du son peut être très sensiblement modifiée par l'épaisseur de la paroi, la longueur et la résistance de l'anche dont le son propre abaisse la note, etc. Il y a donc lieu de croire que les «ûaO d77zt procédaient par tâtonnements successifs, en prenant pour point de départ des recettes empiriques . L'important était, d'ailleurs, moins de donner à chaque son une justesse absolue (quelques artifices de doigté et de souffle pouvaient corriger de légères déviations) que d'assurer l'accord des deux tuyaux de l'aulos, qui « parlaient » toujours ensemble °. En principe les trous sont de forme ronde et alignés sur une même génératrice du tuyau, celle qui, pendant le jeu de l'instrument, doit en occuper l'arête supérieure. Toutefois, ces règles ne vont pas sans exception. Ainsi, sur tous les chalumeaux d'époque hellénistique connus, on observe quelques trous forés sur la face inférieure du tuyau, alternant avec ceux de la face supérieure. D'autre part, deux des instruments du Musée Britannique, les plus simples (chalumeaux Elgin), présentent des trous de forme allongée, qui se prêtent mieux au procédé de l'occlusionpartielle, auquel les anciens recouraient, en toute apparence, avant, l'invention des tubulures latérales, pour bémoliser le son principal de chaque trou (fig. 6943). Il est attesté que l'aulos archaïque avait 4 trous à chaque tuyau', et ce nombre est plusieurs fois représenté sur les monuments. Il est d'ailleurs imposé par la nature des choses; le pouce étant employé à maintenir l'instrument en place, il ne reste, pour chaque main, que 4 doigts disponibles : chaque doigt est chargé de la manoeuvre d'un trou, qu'il obture ou débouche tour à tour. Un grammairien latin fait, il est vrai, allusion à d'anciennes libiae à 3 trous seulement 8 ; ce chiffre 3 Arist. Prob. XI 1,23. Nicomach. p.19 ; Censorial. c. 10, 10 ; voulus s'est rencontré dans divers pays, mais rien n'autorise à supposer que les Grecs s'en soient jamais contentés'. L'invention, sur laquelle nous reviendrons, des viroles, permettant de tenir automatiquement un trou fermé tant qu'on n'en a pas besoin, délivra le facteur d'autos de la considération du nombre des doigts, et permit de multiplier les trous bien au delà du chiffre de 4. C'est à partir de ce moment que l'instrument mérita véritablement les ro;, etc., dont le gratifient à l'envi les poètes 10. Le nombre des trous de l'aulos alla en augmentant d'âge en âge, avec le progrès de la musique, plus vite même que celui des cordes de la lyre. Les monuments figurés n'offrent à cet égard que des données généralement incertaines et suspectes. Il vaut mieux retenir le chiffre des trous relevés sur quelques instruments réels, complets ou presque complets : (Ce dernier spécimen est tout à fait exceptionnel.) Malgré tout, les nécessités du doigté imposaient une limite à la multiplication des trous : vers le grave, où ils s'espacent de plus en plus, il aurait fallu augmenter démesurément la longueur de l'instrument; vers l'aigu, oit, au contraire, ils se rapprochent, il arrive un moment où la manipulation des clefs deviendrait impossible ii. quoique ouvert à l'extrémité inférieure, possède, en sa qualité de tuyau cylindrique à anche, les mêmes propriétés acoustiques qu'un tuyau bouché, c'est-à-dire qu'il résonne une octave plus bas qu'un tuyau ouvert à bouche ou même qu'un tuyau à anche ouvert, mais conique, de même longueur : pour obtenir un diapason relativement grave il n'était donc pas nécessaire d'allonger démesurément le tuyau. On verra plus loin qu'il existait des différences considérables de longueur et, par conséquent, de diapason entre les diverses variétés d'auloi, suivant l'usage auquel ils étaient destinés. En général, on peut dire que les chalumeaux archaïques étaient plus courts que ceux de Ce sont, on le voit, des dimensions très modestes, inférieures à celles de nos clarinettes d'orchestre qui dépassent d'ordinaire 0,60. I,es monuments figurés nous font connaître des tibias beaucoup plus longues, notamment dans les scènes de concert et surtout de sacrifice; quelques-unes atteignent presque la longueur d'un homme (fig. 69414) 3. Deux chalumeaux formant la paire peuvent être de longueur égale ou inégale. Les grammairiens latins tiraient de cette distinction la somma divisio des tibiae en tibiae pares et tibiae impures Les tibiae l'époque plus avancée et cela pour une raison toute matérielle : tant que l'obturation des trous se faisait à l'aide des seuls doigts, l'écart des trous extrêmes était déterminé par l'écart maximum des 4 doigts, soit environ 15 centimètres. Comme la gamme de l'aulos primitif embrassait tout au plus l'octave, le trou le plus élevé correspondait à la moitié du tuyau, et la longueur totale de celui-ci (embouchure non comprise) ne dépassait guère 30 centimètres. L'invention des « clefs », en augmentant le parcours de l'autos, augmenta aussi sa longueur. Les spécimens conservés intacts ont les dimensions suivantes (longueur totale, y compris l'embouchure) : grandes dimensions. pares embrassent la totalité des auloi helléniques. A la vérité Pollux mentionne une prétendue variété de chalumeaux inégaux de type grec, les aéXoi yav.r,Àtot, usités, dit-il, dans les fêtes nuptiales et dont l'inégalité aurait un sens allégorique ; on est même parti de làpour désigner, bien à tort, sous les noms de chalumeau « rnfile »et « femelle» le tuyau droit et le tuyau gauche de chaque paire d'au/ai Mais l'existence de ces o chalumeaux nuptiaux » -àrnoins qu'ils ne fussent importés directement d'l gypte est fort douteuse. i.e terme ;tri taot aih o(chez les Grecs parait être absolument synonyme de chalumeaux phrygiens', el. je IX. ne connais aucun monument authentique qui représente une paire de chalumeaux de type grec (rectilignes el de longueur inégale8. L'égalité de longueur entraîne d'ailleurs, jusqu'à preuve du contraire, l'égalité de calibre. VII. Boums, IIÏPIIOLl,1ION. Au sommet du tuyau vient s'insérer l'appareil d'embouchure. Il se compose lui-même de deux pièces : l'une fixe, qui comprend l'ôaµos et l" d 1itov s ; l'autre mobile, qui est l'anche. Parlons d'abord de la première. Holmos (mortier) et hypholmion (socle de mortier) sont des termes empruntés au matériel de la boulangeriei0. Les parties en ques tion de l'aulos ont été ainsi dénommées en raison de leur ressemblance avec les objets ordinaires de ce nom. Elles ne for ment ensemble qu'une seule pièce, fabri quée dans la même matière que le tuyau lui-même, roseau, bois ou ivoire selon les cas. L'holmos, partie supérieure de cette pièce", est une sorte d'entonnoir, plus ou moins évasé parle haut, on l'anche est plantée comme une fleur dans un pot. Un étranglement, destiné à maintenir l'anche en place, le relie à l'hypholmion (le baril de nos clarinettes), qui a la forme d'un bulbe, d'une olive ou d'une poire; un second étranglement forme la transition avec la partie cylindrique du tuyau. 'foute cette monture était d'un diamètre un peu plus fort que le tuyau, et l'extrémité supérieure de celui-ci venait s'y insérer; uneligaturede fil ciré assujettissait 1'hypholmion en place, une autre ligature dessinait l'étranglement entre hyp}tolmion et }mimosa Les traces de l'une de ces ligatures s'aperçoivent distinctement sur l'un des chalumeaux Elgin au Musée Britannique, dont l'hypholmion, détaché du tuyau, s'est conservé en partie (fig. 6945)i2; on les voit indiquées sur certaines peintures de vases". Les embouchures des auloi gréco-romains parvenus jusqu'à nous sont en bois ou ivoire; mais nous possédons deux spéci mensparfaite ment conser vés d'une embouchure en roseau de chalumeau égyptien : je veux parler de la paire de chalumeaux de Panopolis découverte en 1888, et dont un tuyau appartient à M. Maspero et l'autre à M. Loret (fig. 6946)1". Sur le tuyau de M. Maspero le Ill recouvert de poix, formant ligature, est lui-même intact". FIg. 6947. Détails de construction de l'anche. est la partie principale del'aulos ; elle en constitue en quelque sorte la langue. d'où son nom'. Certains instruments très rustiques ont pu se contenter d'une anche grossière formée d'une paille fendue, commecellesqu'onrencontreen 1gypte2, mais dans l'immense majorité des cas, quelle que soit la matière du tuyau, l'anche est soigneusement taillée dans une tige de roseau ; on préférait pour cet usage la variété dite x).ofp.oç, EUy(T'riç, qu'on récoltait en Béotie autour du Copaïs3, et en Phrygie dans un étang situé au-dessus de Célènes 4. Le roseau, par son élasticité, a été de toute antiquité et reste de nos jours la matière la plus propre à cette destination. Les facteurs anciens poussaient assez loin les exigences de leur raffinement. Le roseau pour anche devait avoir grandi dans l'eau pendant deux ans ; les sujets complètement dénués d'aigrette (dits « eunuques ») fournissaient les anches les plus parfaites, mais donnaient lieu à de fréquents ratés de fabrication. Anciennement la taille de ces roseaux s'opérait au mois de Boédromion (septembre). On les laissait sécher ensuite plusieurs années avant de les morceler. Même alors il fallait un assouplissement prolongé (7rFoxaTaéar,enç) pour amener l'anche à la perfection nécessaire. Ses deux languettes s'écartaient peu et rendaient un son sec et assez dur. Plus tard, nous apprend Théophraste, à partir de l'aulète Antigénidas (début du ive siècle), qui introduisit dans le jeu de l'autos des agréments appelés sraâaµ«T«, la coupe du roseau fut avancée jusqu'au solstice d'été (Skirophorion ou Ilécatombéon). L'anche put alors être mise en service au bout de trois ans et n'avait besoin que d'une mise en train assez courte 5 Voici comment on procédait pour la fabrication. Une fois cueillies, les tiges de roseau étaient mises à sécher à l'air libre, encore revêtues de leur écorce ; elles restaient ainsi pendant tout l'hiver; le printemps venu, on les décortiquait, on les nettoyait soigneusement et on les exposait derechef au soleil. Quand revenait l'été, on découpaitchaque tige en ses entre-noeuds (µEau yovxTt«); à chaque entre-noeud on, conservait intact le noeud situé vers les bourgeons; on n'utilisait que les entre-noeuds d'une longueur minima de 2 palmes (1h centimètres). Les meilleures anches provenaient des entre-nœuds moyens ; les entre-noeuds supérieurs donnaient des anches trop flexibles, les entre-noeuds inférieurs des anches trop rigides. Chaque entre-nœud fournissait deux anches, une pour chacun des chalumeaux d'une paire : autrement, croyait-on, les chalumeaux ne pouvaient s'accorder'. L'entre-noeud choisi était laissé quelque temps à l'air, puis sectionné par le milieu de sa hauteur ' en deux demi-entre-noeuds d'environ 7 1/2 centimètres de long; le demi-entre-nœud « côté racine » était affecté au €ara». Cf. Dio Chrysost. Or. 43. Loret, O. c. p 207-9. Iloward interprète ainsi l'aven des églogues (Virg. Hel. 1, 2; X, 51; Tibull. 11, 1, 53; III, 4, 71, etc.). 3 Theophr. IV, 11, 3 sq. (= Plin. XVI, 169-172). 4 Slrab. XII, 8, 14. a .aaµ« est inconnu. Riemann (p. 98)le traduit par Stimmkrucken. La traduction de Pline (apertioribus earum linqulis) indiquerait qu'il s'agit de l'écart des languettes. 6 L'identité des deux anchesdans un chalumeaux harmonique „ est d'une extrême importance. Illahillon dit en parlant de la rummarah du musée de Bruxelles (Cat. p. 166) : e Le son propre des anches étant différent, il en résulte un désaccord entre les sons de chaque tuyau... un tremblement d'où résulte un timbre très original longitudinalement comme le croit Homard, O. c. p. 19. 8 La fig. 6947 tuyau gauche ; le demi-entre-noeud « côté bourgeon » au tuyau droit. Ici s'arrêtent les renseignements de Théophraste, le reste est atl'aire de conjecture (fig.6947)g. Chaque demi entre-noeud est un tronçon de parenchyme cylindrique; pour en faire une anche, il fallait évidemment le fendre dans toute sa hauteur suivant deux génératrices (E1;', FF') diamétralement opposées, aplanir ensuite les lames à surface courbe ainsi obtenues et les lier vers le milieu par un fil plusieurs fois enroulé; les parties inférieures de ces lames, rendues libres, vibraient comme les branches d'un diapason. L'ouverture (o lp.n) de chaque anche l'entre-bâillement de ses deux languettes regardait vers la section horizontale (OP) de l'entre-noeud : ce détail nous est attesté. Aristote compare la silltouelte qui en résulte à celle des mufs cornés de certains poissons, raies et chiens de mers. Une bonne anche devait présenter une substance dense, une surface lisse et unie; elle ne rendait un beau son qu'après avoir été quelque temps humectée par la salive de l'aulète'0. Les détails précédents ne laissent aucun doute sur la nature acoustique de l'anche de l'aulos : c'était une anche double, comme celle de nos hautbois ou, plus exactement, de nos bassons, et non, comme on l'a parfois supposé ", une anche simple, battant dans un cadre comme celle de nos clarinettes: le mot Ewoç, « paire, attelage », qui désigne non les deux anches d'un aulos, mais l'anche de chaque chalumeau, suffit à établir ce caractère, et l'axiome « une perce cylindrique exige une anche simple, une perce conique une anche double », n'est qu'un pré jugé'". Les fac-similés des chalumeaux de Pompéi ont fort bien « parlé » avec une anche double, et sur les monument, assez rares il est vrai, où l'anche de l'aulos est figurée avec un peu de soin, elle ressemble tout à fait à celle du basson (fg. 6914)1'. L'anche de l'autos, quoique plantée verticalement et est un schéma que nous avons constitué nous-mêmes pour familier l'intelligence ., n446', y)ém eu. Ces oeufs ont la forme d'un coussinet allongé, avec, aux 4 coins, des appendices filamenteux. Il s'agit bien des oeufs et non, comme le croit Riemann, des écailles. -10 Arist. De audrb. 802 B, 18. -11 Gevaert, Histoire, II, 281. Il a fini par se ranger à l'opinion commune (Prob. d'Arist. 345). siècle on connaissait plusieurs Instruments cylindriques à anche double (cromorne, courtaud, sourdine basse, etc.). Réciproquement le saxophone, de perce conique, a une anche battante simple. 13 P. ex. Mou. last. XI, 27 (satyre porte-autos), et mieux dans Furtwaengler-Reichhold, Greecie. Vasenmal. pl. 91 (= notre figure 6948). Peinture de Pompéi, Delhmg, 767 (Mus. Trèves). r TIB 307 TIB forcée vers son milieu dans le détroit entre holmos et hypholmion, ne présentait qu'une stabilité assez précaire: à preuve l'aventure célèbre de l'aulète Midas, qui vit, pendant l'exécution de son morceau de concours aux jeux pythiques, une des anches sauter de son logement et se coller contre son palais 1. D'autre part, l'anche était un organe délicat et coûteux qui, une fois usé g-fiuÀ'rp.év7)) 2, n'était plus bon qu'à être jeté. De là les soins minutieux que les aulètes de l'époque classique mettaient à la préservation de leurs anches. Ils ne les introduisaientdans l'embouchure fixe (holmos) qu'au moment de faire usage de leur instrument; dans les intervalles des exécutions, ils les détachaient et les enfermaient dans une pochette ou boîte, qui pouvait renfermer plusieurs paires de rechange. Cet étui, le j).(JTTOxouaiov `, qui s'accrochait à la sybené ou étui à chalumeau, et dont le nom, par une fortune singulière, est devenu synonyme de boite en général, est parfois représenté sur les vases peints. Plus tard il semble que, à l'état de repos, on se contentât de recouvrir l'anche d'une sorte de chapeau qui formait au-dessus de l'orifice de l'holfnos comme un cache-pot Un « couvre-anche » de ce genre paraît s'être retrouvé en nature à Pompéi (fig. 6949)6 ; il a la forme d'un dé tronconique et a été pris àtortpour un bec destiné à loger une anche battante. Sur une curieuse mosaïque du Capitole (Le masehere capitoline), l'orifice de chacun des holinei d'une paire de chalumeaux est coiffé d'un couvercle oblong, posé transversalement, qui doit jouer le même rôle préservateur (fig. 6930) 7. Nous avons relevé ce couvre-anche transversal également sur une peinture pompéienne (fig. 691) 3. IX. CLEFS. -L'aulos primitif avec ses deux fiôp.6uxEç et ses quatre trous par tuyau, qui donnent tout au plus 9 notes distinctes sans compter les altérations d'une justesse douteuse obtenues par l'obturation partielle était un ins trument de ressources fort limitées. Cesressources furent considérablement étendues par deux artistes de l'école thébaine, vers le milieu du ve siècle . Pronomos, le prétendu maitre d'Alcibia de, et Dio dore, qui semble un peu plus ancien. De Pronomos on nous rapportes qu'il trouva moyen, le premier, d'exécuter sur un seul et même chalumeau tous les modes, ou, d'après d'autres, les trois modes principaux ; de Diodore, qu'il introduisit la « multiplicité des trous » et les « chemins obliques » pour le souffle f0. Ces deux renseignements nous viennent de sources différentes et sont difficiles à concilier. Sans chercher à les discuter ni à faire, dans ce progrès, la part des deux inventeurs, on peu affirmer que le perfectionnement de l'autos, réalisé à cette époque, consista dans deux dispositifs, dont le second suppose le premier, mais n'y est pas nécessairement lié : les viroles et les tubes latéraux. 1° On imagina d'enfiler sur le tuyau une série de baguesouviroles11 en métal, percées d'un trou circulaire correspondant au trou de même hauteur foré dans le tuyau. Ces viroles jouaient à peu près le rôle des clefs ou clapets de nos clarinettes et flûtes. Elles pouvaient, en effet, ou bien coulisser de haut en bas, à l'aide d'une tige qui les commandait, comme sur le chalumeau votif en bronze découvert à Pergame (fig. 695'012, ou bien exé T1B 308 TIB culer un mouvement de rotation autour de l'axe du tuyau, comme sur les chalumeaux de Pompéi (fig. 6953) 1 et d'Axos (fig. 6954,. Par l'un ou l'autre procédé, lorsqu'on faisait coïncider le trou percé dans la virole avec celui du tuyau, on dégageait ce dernier; dans le cas contraire, on en obtenait l'obturation. Désormais le facteur d'instruments, n'étant plus limité par le nombre des doigts de la main, pouvait à son gré élargirle parcours méthodique du chalumeau ou multiplier les degrés intermédiaires de la gamme. Quelquefois, pour éviter de trop rapprocher les trous, on forait, entre deux trous consécutifs de la génératrice principale, un trou sur une génératrice auxiliaire, latérale ou diamétralement opposée. La virole correspondante était alors percée de deux ouvertures de hauteurs différentes, et l'on amenait tantôt l'une, tantôt l'autre, au contact du trou voulu (chalumeau d'Axos, fig. 6954) 2. Dans le cas du dispositif le plus ordinaire, celui des viroles rotatives, la manoeuvre s'exécutait à l'aide de petites anses, crochets ou cornes, dont un grammairien compare la forme à celle des esprits de l'alphabet grec ; les crochets étaient soudés ou rivés sur la bague. Sur 13 des viroles que présentent les tibiae pompéiennes, trouvées le 10 décembre 1867, on aperçoit la base ou surface de soudure du crochet. Sur certains monuments figurés, le crochet parait être remplacé par un bouton en forme de Pour empêcher le glissement des viroles, on intercalait, de loin en loin, soit une mince bague (chalumeau d'Axos , soit une virole fixe, non percée, qui servait simplement à maintenir en place les autres chalumeaux de Pompéi . De la sorte, toute la surface extérieure du chalumeau semblait revêtue d'une gaine continue de métal, sous laquelle disparaissait entièrement l'îme en roseau, en bois ou en iNoire. Ce métal était le laitonorichalcovincta, ditllorace'oulebronze chalumeaux Castellani et fragments d'une tibia d'llalicarnasseau Musée Britannique, chalumeaux Sambon)', plus rarement l'argent, comme sur les tibiae pompéiennes. Outre les spécimens de tibiae qui nous sont parvenus, le mécanisme des viroles nous est bien connu par les reliefs et les sarcophages; sur les fresques campaniennes chaque virole est suggérée plutôt que figurée par le crochet qui sert à la manoeuvrer. 2° On a déjà vu que des considérations pratiques ne permettaient pas de multiplier indéfiniment le nombre des trous, ni par conséquent de représenter par un trou distinct chaque degré musicalement utilisable dans l'étendue (1 1/2 octave, 2 octaves) désormais assignée à l'aulos. Le procédé de l'obturation partielle, applicable aux viroles comme aux trous « digitaux », permettait, il est vrai, d'abaisser d'un quart de ton ou d'un demi-ton tous les sons naturels correspondant aux trous entièrement débouchés, mais ce procédé manque de justesse. On imagina alors d'adapter à la totalité ou à une partie des viroles une petite tubulure latérale 1, vissée ou soudée sur un orifice n° 2 pratiqué dans la virole à môme hauteur que l'orifice n° 1, mais sur une autre génératrice. Voulait-on donner un son « naturel » ou « bécarre »? On appliquait l'orifice n° 1 de la virole sur le trou correspondant du tuyau. Voulait-on obtenir le même degré bémolisé? On amenait sur ce même trou l'orifice n° 2, muni de sa tubulure. La longueur de celle-ci était calculée de telle sorte que la colonne d'air composée: 1° de la longueur du tuyau jusqu'au trou; 2° de la tubulure latérale, répondit à l'intonation désirée. I.es bémols devinrent ainsi d'une justesse parfaite (les quarts de ton étaient tombés en désuétude) et l'on eut un véritable chalumeau chromatique. Ce procédé a d'ailleurs été appliqué sur certains instruments modernes Les tubulures latérales constituaient des appendices trop fragiles pour avoir survécu fréquemment sur les exemplaires de tibiae parvenus jusqu'à nous: je n'en connais qu'un seul exemple, c'est celui du chalumeau Sambon, où la deuxième virole porte encore sa « clef e de forme conique (fig. 6955) 9. En revanche, elles sont abondamment représentées sur les monuments d'époque hellénistique et surtout romaine. Leur forme y est d'ailleurs très variée : minces tiges cylindriques terminées par un pavillon qui ressemble à un bouton fileté, petits entonnoirs coniques, la pointe posée sur le chalumeau, petites amphores ou clochettes, petits carrés alignés au contact comme les molaires sur une mâ(Moire (fig. 6956)10. Il est remarquable que ni viroles, TIB 309 TIB ni tubulures ne soient, représentées sur aucun monument de la période classique', quoique l'invention paraisse en remonter au milieu du ve siècle. C'est un exemple curieux de l'idéalisme de l'art de cet époque, qui jugeait de pareils détails futiles et indignes d'être retenus, même dans des scènes de genre, à plus forte raison dans des sujets mythologiques. Peut-étre, d'ailleurs, ces perfectionnements sont-ils restés confinés aux instruments de virtuoses, quelespeintres de vases n'ont pas l'occasion de reproduire. numents nous ont permis de nous faire à peu près une idée des « chemins obliques » de Pollux, il n'en est pas de même d'un autre dispositif mentionné par un petit nombre de textes qui paraissent tous se rapporter au Iv° ou au Ille siècle av. J.-C., je veux dire la (ou les) syrinx de l'aulos. Cette invention était récente à l'époque de Démosthène : l'aulete Téléphanès de Mégare, son contemporain, refusa de l'adapter à ses chalumeaux et «pourcette raison» s'abstint de concourir aux jeux Pythiques. Tout ce que nous apprennent de précis les textes, c'est qu'en tirant en haut (,'.te) 7.7tv) la syrinx on relevait la hauteur du son, tandis que, au contraire, en la tirant en bas (xxTx67Lâv), en la penchant (x)u(vet)l), on augmentait à la fois la gravité et le volume du son 3. La même observation s'applique au -âvTOr,TCV de l'aulos, qui paraît n'être qu'un autre nom de la syrinx'. Bien des hypothèses ont été émises sur la nature de cet énigmatique appareil'. On y a vu successivement un autre nom de l'anche (Fétis), une embouchure à sifflet susceptible d'être plus ou moins tirée (Gevaert), une allonge mobile s'adaptant à l'extrémité inférieure du chalumeau (K. von Jan), enfin l'analogue de la « lumière » de nos clarinettes, c'est-à-dire un petit trou placé non loin de l'embouchure, qui provoquait la division de l'onde sonore et permettait de produire facilement les harmoniques supérieurs (douzième), au lieu des sons naturels de l'aulos (Iloward). Cette dernière explication, malgré la faveur qu'elle a rencontrée', ne soutient pas l'examen : la philologie ne permet pas d'admettre qu'un trou ait pu être qualifié de cûpty,7; ce nom ne peut signifier qu'un tube, un sifflet ou une série de tubes comme la flûte de Pan; les verbes employés pour désigner la manoeuvre de la cüpty; ne cadrent pas davantage avec l'idée d'un trou. D'ailleurs on verra plus loin que les anciens n'ont connu ni la lumière ou «âme quintoyante », ni les harmoniques. Sans vouloir trancher un problème dont les données sont insuffisantes, j'incline, je l'avoue, vers l'interprétation deK. von Jan. Il n'est pas impossible qu'à une certaine époque on ait imaginé de doter l'aulos d'un appareil analogue à celui de nos instruments àpiston, c'est-à-dire d'un tube, percé de trous, coulissant à l'intérieur (ouàl'extérieur) du chalumeau; ce tube, remonté, ne faisait que doubler l'àme, et, «tiréenbas» de toute sa longueur, pm'olongeait ou abaissait d'une octave le diapason 3. Mais nous ne pouvons nous faire aucune idée précise du fonctionnement de cet appareil, ni des raisons qui Pont fait si vite abandonner, puisqu'il ne figure, à ma connaissance, sur aucun monument. Certaines variétés de l'arglioul des Arabes d'Cgypte,héri fier de l'aulos grécoromain, comportent un mécanisme du même genre, à la vérité limité au tuyau de droite, qui n'est pas percé de trous : l'intonation de ce tuyau-bourdon peut être modifiée par des allonges qui sont au nombre de trois'. ment de l'aulète comprend comme accessoires 10 : 1° La gaine à chalumeaux (ID,00ii c-rl, A l'époque classique, c'est un sac en cuir non tanné (en peau de truie, de lynx, etc.), qu'on voit accroché au mur'3, ou, TIB 311) TIB quand l'artiste est en marche, suspendu à son bras gaucher (fig. 6938 . Plus tard, il est question d'étuis en buis°. L'étui est divisé en deux compartiments, un pour chaque tuyau. `20 L'étui ou boite à anches (y) oxo12.e ov), qui a également été décrit plus haut', à propos de l'anche (§ VIII) et qui accompagne d'ordinaire la sybènè. 3° La muselière (9opeari, ezops;, -setazdp.tov, ~ct),nrr-ii p3 5, C'est une forte bande de cuir, qui enserre le visage horizontalement à hauteur de la bouche et couvre à moitié les joues ; elle est maintenue par deux montants verticaux agrafés par des anneaux ronds ou quadrangulaires) qui passent derrière ou devant les oreilles et se rejoignent au sommet du crâne ; à leur tour ces montants sont fixés par un bandeau transversal, qui vient s'attacher derrière la nuque. La muselière est percée de deux ouvertures, qui livrent passage aux anches introduites dans la bouche de l'exécutant (fig. 6959 6. Laphorbeia, inconnue en Égypte, apparaît déjà sur des monuments chypriotes6; elle pourrait donc être d'origine phénicienne. Les grammairiens lui assignent plusieurs objets : empêcher la lèvre de l'aulète de se fendre sous l'effort', égaliser l'envoi de l'air et par là adoucir l'intonation modérer la véhémence du souffle masquer le gonflement des joues et la déformation du visage produits par la forte expiration qu'exigeait le jeu de l'aulos10 Ce dernier effet paraît être le principal but visé et, comme ou attendait des virtuoses mâles un souffle plus énergique, on comprend que la phorbeia, sur les monuments figurés, apparaisse beaucoup plus fréquemment autour des lèvres d'un homme que de celles d'une femme". XII. FABRICATION. L'aulos étant dans l'antiquité i I'inax d Fpictètos, Br. Nus. Cat. III, pl. vi, E 137 (notre fig. 6958). 1.eon,d. Tarent. Anth. Pal. V, 206. Une sybènè en ivoire doré est mentionnée dans les inventaires de l'Acropole, C. i. art. 1, 170. En Égypte l'étui à chalumeaux est quelquefois en sycomore et renferme' plusieurs paires, des tuyaux et des anches de rechange (exemplaires a Leyde et au Louvre, Loret, p. 43). 3 Le -()ose. est ordinairement figuré réuni à la sybènè. Dans certains cas pourtant il est représenté a part, par ex. sur le vase de Bruxelles, R. 348 B, déjà mentionné. -4 Ilesycli. Sund. (de mepciv {s'a . Plutarque, De cohib. ira, 456 B, parait distinguer la o. et les sep osgxia. Le latin uipistrum dans ce sens spécial n'est pas dûment attesté. 1; aulèle muni de la muselière est dit lµxe_o5Iiufxo; (Aristoph. Au. 861). Cf. sur la oop6cio, Rbtlicher, Schriften, 1, 51 suiv. 5 Principales représentations. a) Vases peints. Br. Mus. = Mon. lnst. V, 10 (Baumeister, Denkm. Bau.. fg. 1303 . Id. ibid. IV, 273 (Cula et Koner, fig. 469 t). Leyde = Roulez, pl. muni. Exemplaires archalques: supra, fig. 1339 (vase panathénaïque) et 3859 (corinthien); aulete et choeur comique (coqs), J. helt, st. Atlas, pl. xiv; et surtout le vase François (Furtw. Reich. 1, pl. II), satyre du cortège de Dionysos. b) Fresques. Mus. Borb. I, 31 (trio); Vll, 24 (satyre); XV1, 3 (concert d'amours = llaumeister, fig. 595. c) Statuette, Dodone, Carapanos, pl. x, 1 bis. 6 Perret et Chipiez, Ill, 588, fig. 401. On la rencontre aussi sur les monuments étrusques (pas sur les fresques) : Micali, Mon. ined. pl. xxv, 1, classique un instrument extrêmement répandu, safabrication constituait une branche d'industrie importante. Elle dut âtre au début purement locale et liée aux centres de production de la matière première : nous avons déjà donné quelques détails sur la-préparation des roseaux destinés aux tuyaux (§ IlI) et aux anches (§ VIII). Plus tard, lorsque des substances variées et même précieuses, cèdre, buis, sycomore, os, ivoire, cuivre, argent, furent employées, il s'établit de véritables fabriques, qui se divisaient parfois en ateliers spéciaux. A côté de l'ali),ototds, qui façonnait et garnissait le tuyau", il y avait l'xûa0Tplrr1c, qui forait les trous 1a, le yawzz07O16; ou suyo7rotd.7 qui apprêtait les anches". Le père d'Isocrate, Théodore, dirigeait à Athènes une fabrique de ce genre et y gagna une fortune '5. Les chalumeaux de Béotie et d'Argos furent longtemps célèbres 16. On cite aussi ceux de Corinthe L7. Certains instruments particulièrement soignés ou luxueusement garnis atteignaient des prix considérables : l'aulète Ismértias paya sept talents à Corinthe pour une paire de chalumeaux 18. A Rome la même industrie fut exercée par les tibiariiis. Il arrivait d'ailleurs qu'un artiste confectionnait ses propres instruments, ou même en fabriquait pour la vente; nous connaissons au moins un facteur romain qui était en même temps tibicen20. XIII. VARIÉTÉS. L'instrument que nous venons de décrire est un type qui comportait de nombreuses variétés, les unes fixées par des traditions locales auloi thébains, argiens, corinthiens, lydiens, phrygiens, phéniciens, etc., les autres définies par la matière21 ou la destination spéciale de tel ou tel instrument, ou encore par le diapason des voix ou instruments à cordes qu'il devait accompagner. Les anciens, qui possédaient sur ce sujet toute une littérature92, prenaient l'une ou l'autre de ces distinctions pour base de leur classification. C'est ainsi que Varron, se plaçant au point de vue romain, divise toutes les tibiae en phéniciennes (Sarranae), à tuyaux égaux, et en phrygiennes, à tuyaux inégaux23 D'autres écrivains romains24 les classent en chalumeaux de sacrifice (sacri/icae), de théâtre (ludicrae)2' et defunérailles (funebres). Ilérodote, s'attachant au registre de la voix, distingue les xu),ri .vlïcïot et les xûnoi yuvxtxsiat 26. Cette dernière classification, la plus rationnelle et laplus compréhensive, développée par les praticiens du v' et du thèse que la m. servait à maintenir l'autos en place sans le secours des pouces et rendait ainsi ceux-ci disponibles pour l'obturation d'un trou de plus (Félin, Howard). Voir la réfutation de cette idée par Wagener, Afém. sur la symphonie, p. 168. 11 Je ne connais d'exemples d'autètris munie de la T. que sur deux vases du Br. Mus. Cat. III, E 520-1. L'un de ces vases est peut-être identique au no 10 de la Vente Piot. On peut ajouter l'amour peut-être /éminin de la fresque, Mus. Borb. XVI, 3, et 1a statuette en plomb de Sparte, S. lieinach, Ilép. 182, 6. 12 Textes ap. Blümner, Tee/mol. Il, 391, note 1, mais supprimer Anth. Pal. IX, 162, qui vise non l'autos, niais le calame des scribes. On dit ;Lloxoifa. (Poli. VII, 71; VII, 153; Ath. XIII, 592 1) (Stratuis). Le niot parait avoir une acception 4; Pol!. IV, 75 (auloi thébains). 17 Tibias Corinthiae, Solin. 5, 19. 48 Lucian. Adu. indoct. 5. 19 C. i. lat. Vl, 9935 (Dessau, 7643), etc. 20 Le Peut-être est-ce déjà le cas de Phibscos de Milet (Sund. s. v. ly_xiro io6sipox Poli. IV, 74), etc. 22 Poli. IV, 74 suiv., 81 suiv. ; Ath. IV, 176 E suiv. Cf. Scaliger, De acte poetica, 1, i0. 23 Servius, ad Aen. IX, 615: tibiae aut Sarranae dicuntur quae saut pares et aequales habent cavernas, aut Phrygiae quae et impares sont et inaequales habeut casernas. 2t Ovid. P'ast. VI, 657, l'liv. XVI, TIB 311 TIB ive siècle, aboutit au système d'Aristoxène', que nous prendrons pour base de la nomenclature sommaire des variétés connues,en ce qui concernel'aulos gréco-romain. 1° Variétés gréco-romaines. Aristoxène divise les auloi en cinq classes (yév-r,), définies par la hauteur moyenne de leur intonation ou, si l'on préfère, par celle de la voix humaine, qu'ils accompagnaient à l'unisson dans toute son étendue. Ce sont, de l'aigu au grave : Les deux premières classes correspondent aux rê)n( féminins d'Hérodote, les trois dernières à ses at;aol virils. L'ensemble de l'échelle de ces cinq catégories embrassait, nous ditAristoxène, une étendue supérieure à d eu x octaves et une quinte 4. Toutes choses égales d'ailleurs, le registre d'un chalumeau dépend de sa longueur :les cinq classes d'Aristoxène représentent donc des instruments de plus en plus allongés, depuis les courtes« virginales» jusqu'aux imposants «plus-que-parfaits Connaissant les dimensions ou le registre approximatif d'une variété d'autos, définie par son emploi ou toute autre particularité„ on peut essayer de la ranger dans une des cinq catégories de la classification aristoxénienne, et c'est ce que les anciens eux-mêmes ont tenté. C'est ainsi que les aû),oi r~g(srot, « de demicalibre » (?), employés dans les banquets, sont donnés conne synonymes des 7catôtxo!3, le prétendu a. gzya8tç comme équivalent de l'a. xt8xpt6T%pt0C 6, enfin le plus célèbre de tous, l'xu),â; 7tohxdç, l'accompagnateur des péans, et, à Rome, des cantica du drame', l'instrument des virtuoses au concoursaulétiquedeDelplles, -ïzopov 2'1yl,g2 est rangé parmi les a. TiXEtot 8. Avec une grande probabilité nous compterons encore : parmi les 7:2p0 'net, les a. iLaoXTprlTo;, à ]'intonation aigué, qui accompagnaient les lamentations funèbres 9; parmi les 7w2t3txo(, les a.7rapo(7tot, autre espèce de chalumeaux de festin, de courte taille 70; parmi les xtOxotr-r,ptot, les chalu meaux destinés à l'accompagnement du dithyrambe des chants de la tragédie (r2.Tpaytxoi)19,delalysiodie(a. ),ur;wô(xoi) 14 et généralement les x. VErox7rot « plus courts que les parfaits » '9 ; parmi les Té),Etot, les a. U o9éaTpot (?) destinés à l'exécution des nomes aulétiques16, les douteux a. ég cer-119tot, qui scandaient les prosodies" el sans doute les marches militaires ; enfin, parmi les 17ropTÉ),Etol, qui accompagnaient les libations et les hymnes liturgiques' 9, On manque de renseignements authentiques sur les a. yaur,nlot, usités dans les noces", et les prétendus x. dL uxiÇ propres aux orgies bachiques 2e. Les 2. G:O7r0t21, les c)ptyyE427 ne sont que des noms, en partie suspects. Nous n'entreprendrons pas davantage d'identifier les tibiae y)raecentoriae qui se faisaient entendre au début des banquets sacrés29, elles gingrinae « aux fines modulations », (lui imitaient le cri de l'oie (gingritus)29. Quant aux t. milvinae, qui rappelaient la voix du milan, leur diapason suraigu les classe nettement dans la première catégorie d Aristoxène30 2° Variétés barbares. Parmi les peuples étrangers auxquels les écrivains grecs et romains attribuent l'emploi de l'aulos double, il faut citer en première ligne les Égypt.iens31, qui en faisaient usage soit dans les cérémonies religieuses 32, soit dans la vie civile. Les nombreux spécimens d'auloi égyptiens figurés sur les monuments ou recueillis dans les fouilles sont ordinairement en roseau, plus rarement en bois ou en bronze3'. On en distingue deux variétés : l'une, à tuyaux parallèles, qui remonte à l'Ancien Empire, et est encore usitée en Égypte sous le nom d'arq/ioul 33; l'autre, à Lutaux divergents, qui n'apparaît que sous la 18° dynastie. Dans cette dernière les tuyaux sont ordinairement de même longueur; quelquefois cependant un tuyau, le gauche, est plus long d'un tiers environ. L'anche, dont on a quelques spécimens, consiste en une paille fendue et aplatie, pareille à l'anche double de la musette. Dans la Libye voisine, l'rlXbÿ i'rnotf,op U,.;, au son duquel les nomades rassemblaient leurs troupeaux de che TIB 312 T1B vaux, était un chalumeau en bois de laurier nain décortiqué, d'un timbre perçant'. L'autos phénicien, qui s'acclimata à Home sous le nom de tibiae Sarranae tyriennes), était en général semblable à l'autos grec, moins la matière (ordinairement l'ivoire)2. Le même type existai tàCypre2 et probablement dans toute la Syrie, où l'on vantait le « souffle hardi n des aulètes ou plutôt des (uloi`. On signale aussi en Phénicie un petit chalumeau, probablement double, long d'un empan 22 centimètres), au son aigu et plaintif et propre aux lamentations funèbres ; les pleureuses cariennes l'introduisirent à Athènes, il se glissa jusque dans les banquets. C'est le yiyyp«ç ou yiyypoç, ainsi nommé d'un des noms d'Adonis". Le chalumeau lydien est vanté par Ilorace°; Solin lui donne le nom de tibia turaria, sans doute parce que son rôle principal était d'accompagner les offrandes de simple encens, sans victime'. Sur son diapason les renseignements sont contradictoires : tandis que Ion de Chios le compare au chant aigu et strident du coq", le grammairien Donat, qui atteste son emploi dans la comédie romaine, parle de sa « sérieuse gravité n ° et Apulée de sa douceur 10. Peut-être 'doit-on concilier ces renseigne ments en rappelant que, d'après Hérodote, les armées lydiennes allaient en campagne « au son de l'aulos masculin et de Paulus féminin » 11. Le chalumeau double étrusque, qui servit probablement de modèle à la tibia romaine, est un instrument en tout pareil à celui des Grecs, assez souvent de profil conique f2, plus rarement de type phrygien 'a; la matière était le buis ", l'ivoire t5 ou la corne ". L'aulétique jouait un grand rôle dans la vie étrusque. L'aulos y réglait la danse, la chasse, le pugilat, la bastonnade, la cuisine ". Les chalumeaux de sacrifice étrusques étaient célèbres'". D'après les monuments figurés, l'aulos a sa place dans les cérémonies funèbres ou nuptiales, dans les triomphes, les jeux, les banquets; il s'associe à la danse ou à d'autres instruments, notamment aux crotales ". L'aulète(subulo 20 est parfois nu" , parfois vêtu d'une courte casaque à manches, coiffé du pétase ou du bonnet phrygien (fig. 6960)2'. Mais à l'époque classique l'aulète étrusque portait, comme son confrère romain, une robe de femme : un disciple de Théophraste, Polystratos, fut surnommé le Tyrrhénien parce qu'il revêtait le costume des aulétrides 23 11 a dt] y avoir en Phrygie différentes espèces d'aulos. Les énigmatiques cxutx ))slt en sont peut-être une'-'. Sur plusieurs monuments , Marsyas et Olympos (fig. 69M) soufflent dans un chalumeau double de forme hellénique2', et rien ne permet de croire que les virtuoses phrygiens, qui jouirent d'une telle vogue dans la Grèce amimique, aient fait usage d'un instrument dillérent de l'autos classique. Mais la seule variété qui nous occupe ici, celle à qui les textes réservenLparexcellencelenomd'oel? rpplytoç, tibia plirygia, etdont le nomindigèue paraît avoir été Éau,.os2°, c'est l'inslrurnent composé de deux tuyaux dissemblables, l'un rectiligne et de perce cylindrique ou faiblement coniqueV7, l'autre plus long, d'abord droit, puis terminé par un pavillon ou appendice à perce rapidement progressive, qui se recourbe en forme de corne ou de foyer de pipe (fig. 6961), d'oit son nom de xlpaç (cornu)2". L'instrument est quelquefois appelé ai),àç Éyxsçxû),rç 37. Sa matière ordinaire est le buis 33 ; il semble bien que le tuyau incurvé soit fait en deux pièces3', et que la « corne n -ordinairement une corne de bouvillon 3" soit vissée ou emboîtée dans le tronçon rectiligne. Ilésychius atteste 36, et la plupart des représentations confirment37, que le tuyau incurvé était tenu dans la main gauche de l'exécutant (fig. 6962). De là le nom de tibia sinisera ou laeva qui le désigne chez les Romains, et celui de tibia dextera pour tout tuyau rectiligne. Dans les TIB -313TIB didascalies des comédies de Térence, l'instrument accompagnateur est tantôt défini par les mots duae dexterae (deux tuyaux droits et égaux, en d'autres termes l'aulos grec), tantôt par ceux-ci : una dextera et una sinistra ; c'est l'aulos phrygien. Le même tuyau de droite servait indifféremment dans les deux cas. Jamais, en revanche, il n'est question de duae sinistrae; jamais non plus on ne voit représenté sur les monuments un aulos composé de deux tuyaux recourbés'. D'après Varron, le tuyau incurvé aurait été percé de deux trous (un aigu et un grave), et le tuyau rectiligne d'un trou seulement', ce qui, avec les ~oi uxsç, ne donne pour tout l'instrument que cinq notes. Ainsi l'élymos se serait rapproché de la classe des trompettes, auxquelles on demandait l'excitation et le bruit d'une sonnerie rythmée plutôt que la variété mélodique. 11 a pu en être ainsi à l'origine, mais à l'époque hellénistique et romaine l'autos phrygien est un instrument complet, qui a adopté tous les perfectionnements de son rival hellénique : multiplicité des trous, mécanisme des viroles, tubulures latérales. Les monuments ne laissent aucun doute à cet égard (fig. 6963) 3. La perce de l'aulos phrygien était étroite 4 ; sa gamme, et particulièrement celle de son tuyau cornu, descendait beaucoup plus bas que celle de l'aulos grec ordinaire; la sonorité en était rauque, troublante : un seul texte le rapproche des aôaoi'féminins,à cause,non de son diapason, qui était sûrement grave 3, mais de son timbre plaintif'. Marié dans son pays natal au tympanon et aux cymbales (fig. 6977), dans les cérémonies bruyantes du culte de la Mère des Dieux, sur le mont Bérécynthe7, l'aulos phrygien se répandit avec ce culte en Occident. Sur les monuments, il parait souvent associé aux autres emblèmes de la religion d'Atys et de Cybèle'. A une époque et par une voie inconnues il s'introduisit aussi dans le culte de Dionysos, dont une branche, on le sait, est originaire de la Thrace, nation apparentée aux Phrygiens'. Les artistes le prêtent souvent aux satyres et aux ménades10 L'aulos phrygien apparaît sporadiquement en Étrurie" et è Cypre'', comme en pays grec13;mais c'est surtout à Borne qu'il trouva une vogue durable, d'abord dans IX. le théâtre où il rivalise avec les tib'iae lydiennes et phéniciennes" (les partitions du Phormio, de l'Iieautontiinoroutnenoscomportaienl son emploi), ensuitedans les jeux de cirque, où sa vigoureuse sonorité alterne avec celle de la trompette'', enfin dans les cérémonies funèbres 16. est un instrument exactement semblable à l'un des deux chalumeaux dont se compose l'aulos grec double, mais qui s'emploie isolément. C'est donc un tuyau ouvert, à perce cylindrique (en principe), avec ou sans pavillon, muni d'une anche double placée dans l'axe du tuyau, et percé d'un certain nombre de trous. Comme il se manie avec les doigts des deux mains, on voit, en admettant que les deux pouces soient occupés à le maintenir, qu'il peut comporter 8 trous. Le mécanisme des clefs lui est donc moins nécessaire et, en fait, nous ne croyons pas qu'il lui ait été appliqué. La matière parait être d'ordinaire le roseau". La longueur ne dépasse pas 40 centimètres. Quoique certains auteurs mentionnent un monaule indigène en roseau chez les Doriens d'Italie l'xû),bç tuiûatvo;" et qu'une tradition attribue au dieu Pan l'invention du monaule 19, les Grecs considéraient cet instrument comme d'origine barbare. Il apparaît en Égypte(sous le nom de mai) dès une haute antiquité ; Osiris passait pour l'avoir inventé 20; une variété égyptienne très courte s'appelait en grec y(yy) o; 21. En Phrygie aussi le monaule semble indigène; le monaule a thrénétique» des Phrygiens, adopté par les Cariens, fut introduit par ceux-ci en Grèce 22. Le monaule est déjà mentionné par Sophocle, mais comme un instrument exotique23 ; il se répand à Athènes au lv0 siècle, où les auteurs de la comédie moyenne le citent fréquemment", mais c'est surtout à Alexandrie qu'il lit fureur. Son intonation est qualifiée de suave2 ; il s'emploie dans les banquets 26, les xuôp.oi lascifs 2', tout spécialement dans les fêtes nuptiales23 pour accompagner le chant d'hyménée, mais aussi dans lescérémonies funèbres29. L'artiste spécial s'appelle, comme l'instrument, monauie30 ; mais souvent le même ou la même jouait indifféremment du monaule et de l'aulos double 31. 11 ne faut point confondre le monaule avec la syrinx lnonocalame (flageolet), qui s'insuffle directement par l'orifice supérieur, taillé en biseau, sans le secours d'une TIB -314i•TIB anche. Mais on comprend que sur les monuments figurés il soit souvent difficile de distinguer ces deux instruments, comme aussi le monaule à pavillon de la trompette. Les représentations certaines et non restaurées du monaule sont donc extrêmement rares; elles ne se rencontrent d'ailleurs qu'à partir de l'époque hellénistique (fig. 6964 t. XV. PLAGIAULE. Le plagiaule (^r),x'iixu)os, obliqua tibia, peut-être vasca tibia) 2, que les Alexandrins appelaient piiztyZ ou pnn(yytov, est, comme son nom l'indique, un chalumeau tenu transversalement. Mais on ne doit pas le confondre, comme on l'a fait souvent, avec notre flûte traversière, qui, dans la terminologie antique, rentrerait dans la catégorie des t7uriyye,. Le plagiaule est un véritable autos à un seul tuyau donc, si l'on veut, une sorte de monaulet muni, comme tous les auloi, d'une anche ; mais cette anche, au lieu d'être plantée dans l'orifice supérieur du tuyau, est introduite, comme dans nos bassons, obliquement, par un petit tube latéral, inséré à peu de distance du sommet ; l'extrémité supérieure du tuyau est, en principe, bouchée complètement. L'exécutant tient l'instrument à peu près horizontalement devant sa bouche, en le portant vers l'oreille droite' ; il souffle à travers l'anche, absolument comme dans un monaule ordinaire; seulement, grâce à la disposition oblique de celle-ci, le son, au dire des anciens, était moins brillant, plus doux'. La matière du plagiaule, ou du moins de la photinx, est ordinairement. à l'époque hellénistique, le bois de lotus 7. L'intention du plagiaule était parfois attribuéeà Pané; d'autres lui assignaient une origine phrygienne s, libyenne10 ou égyptienne''. L'emploi s'en vulgarisa surtout à l'époque alexandrine1°. On le trouve dans les mains des bergers' 3, mais il figure aussi dans les joyeux festins 14 etdans le culte de Sérapis'''. Dans la mythologie, il est l'instrument favori d'Éros et des Satyres". Parmi les chalumeaux antiques parvenus à nous, il en est deux au moins les chalumeaux Castellaniau Musée Britanni que qui sont très probablement des pla giaules (fig. 6965) 17. Ces instruments ontune culasse en bois revêtue de ceintures de bronze, mais les viroles sont fixes, au lieu d'être mobiles comme dans les instruments pompéiens. L'un des chalumeaux est percé de 5 trous, l'autre de 6, dont un, en dessous, pour le pouce. Dans le mieux conservé des deux, on constate que le sommet du tuyau est bouché. A peu de distance du sommet, le tuyau s'orne d'un buste de ménade en relief, foré d'un canal oblique qui vient rejoindre l'âme du tuyau principal : c'est dans ce canal, assez court, et plus étroit, non seulement que le calibre du tuyau, mais même que les trous de celui-ci, que devait s'engager l'anche de l'in strument18. Le plagiaule est assez fréquemment représenté sur les monuments figurés, mais, quand le dessin est du plagiaule. sommaire ou la conservation impar faite, il est difficile de le distinguer du simple flageolet10, tenu un peu obliquement et qui s'insufflait, soit par l'orifice terminal, soit même, croit-on, par un des trous forés dans la paroi (fig. 6966)20. XVI. CORNEMUSE. La cornemuse ou musette est une variété de l'aillas oit le poumon humain est remplacé par un réservoir d'air, poche ou outre, gonflé préalablement à l'aide d'un moyen quelconque(soufflehumain ou soufflet), par le canal d'un tube auxiliaire. Deux tuyaux àanche (ou un seul) analogues à ceux de l'aulos sont fixés par leur extrémité supérieure dans la paroi de l'outre. L'exécutant tient celle-ci sous une de ses aisselles : en pressant contre la paroi avec son bras, il détermine une poussée d'air qui provoque la vibration des anches des tuyaux; avec ses doigts restés libres, il bouche et découvre les trous convenables. Cet instrument, auquel on attribue une origine syrienne ou babylonienne, est rarement mentionné dans la littérature classique. Le plus ancien texte allégué d'une interprétation d'ailleurs extrêmement incertaine se lit dans la Copa qui nous est parvenue sous le nom de Virgile : notons que Copa est une Syrienne'. Dion Chrysostome fait allusion à un prince (lui apprit à jouer de la cornemuse pour éviter que ses traits, comme ceux de Minerve, ne fussent déformés par l'usage de l'aulos buccal 2. Ce prince est sûrement Néron : Suétone nous raconte que, dans la crise finale de sa vie, l'empereur avait fait voeu, s'il rentrait vainqueur, de se produire sur le théâtre dans plusieurs rôles, entre autres comme joueur de cornemuse 3, L'artiste très dédaigné de cet instrument s'appelle en grec crai) ; en latin utricularius " ; mais on ignore le nom de l'instrument lui-même; c'est peut-être xcxxu)sog ou tibia utricularis. Des textes obscurs paraissent lui donner les noms inexpliqués de chorus ou de sym piionia 6. Les représentations figurées de la cornemuse, peu nombreuses, sont, sans exception, d'une interprétation douteuse (fig. 69691 ou d'une authenticité suspecte', XVII. GAMME DE LA TIBIA. L'étendue mélodique de l'aulos archaïque à 4 trous paraît avoir été limitée à une seule octave8. L'ordre des intervalles variait selon le mode (àpµov:a), dont il y avait à cette époque trois variétés principales (lydien, phrygien, dorien). A chaque classe de mélodies correspondait un autos distinct. C'est seulement, on l'a vu, lorsque Pronomos eut, par l'invention des viroles, permis de multiplier les trous, qu'il devint possible d'exécuter sur un même instrument (les airs en modes différents 9 : l'aulos devint Il serait intéressant de savoir comment, à l'époque archaïque, se répartissaient entre les deux tuyaux les notes de l'octave modale. Un texte de Plutarque, tiré d'Aristoxène", donne à cet égard quelques indications. Supposant le mode dorien et l'hypate (fondamentale) Mi, le tuyau affecté au chant nous verrons tout à l'heure lequel comportait l'hypate (Mi), la parhypate (Fa), la mèse (La), la pararnèse (Si naturel), la paranète (Ré) : c'est, on le voit, son échelle complète. Quant au tuyau d'accompagnement, y figuraient certainement la trité des conjointes (Si bémol, note modulante), la trité des disjointes (Ut), la nète (Mi aigu). Il nous manque donc pour ce tuyau deux notes. L'une est certainement le Mi grave (hypate), car, les deux tuyaux étant d'égale longueur, le son sortant par l'orifice inférieur (bombyx) doit être identique de part et d'autre. L'autre note est probablernentla mèse (La), qui, en qualité de tonique mélodique, ne pouvait guère manquer tant au chant qu'à l'accompagnement. La gamme complète est alors celle que représente la figure 6970,c'està-dire l'octave dorienne diatonique complète, moins la lichanos, Sol, qui manque aussi dans les hymnes delphiques, mais en revanche avec la note supplémentaire Si bémol, qui sert à moduler au ton relatif12. A partir de l'invention des viroles le parcours normal de l'aulos fut notablement élargi. Si l'un des chalumeaux de Pompéi se tient encore dans les limites de l'octave, d'autres embrassent la neuvième, la onzième (octave et quarte); l'instrument d'Autos allait probablement jusqu'à la double octave. Ce devait être là à peu près l'étendue o' maxima 1; la triple octave n'était jamais atteinte'. Quant aux intervalles composant la gamme, ils étaient, à cette époque, beaucoup plus serrés, pour faciliter les modulations. Les trous des chalumeaux de Pompéi donnent une série chromatique (par demi-tons à peu près complète, et, à cette époque, il n'y avait sans doute pas de différence entre l'échelle des deux tuyaux d'une même paire 3. L'aulos perfectionné pouvait exécuter des mélodies dans tous les modes usuels, qui, au temps d'Aristote, étaient au nombre de sept 4. Cependantun témoignage qui parait remonter à une autorité ancienne n'attribue à la musique d'aulos que 5 modes (dorien, phrygien, lydien, iastien, syntono-lydien)5. De tout temps le mode phrygien exerca dans ce genre de musique une prépondérance incontestée': autos et mélodie phrygienne sont deux termes quasi inséparables. La peau du silène Marsyas frémit quand l'aulos fait entendre un air phrygien', et les compositions chorales, dirigéesparl'aulos, étaient si bien identifiées au mode phrygien que Philoxène, disait-on, ayant essayé d'écrire un dithyrambe en mode dorien, était involontairementretombédansl'harmonietraditionnelle'. Si chaque aulos individuel n'était plus asservi à un mode déterminé, en revanche, il avait nécessairement sa hauteur propre d'intonation, c'est-à-dire son ton ou échelle de transposition (Tpd7roç). Au temps d'Aristoxène, où l'enharmonique n'était pas encore complètement désuet, les facteurs d'aeloi employaient 6 tons, dont les fondamentales étaient ainsi échelonnées du grave à l'aigu hypophr~gien,-3 4adeton-hypodorien,-3/h-dorien, 1 ton phr~ gien, -3/4 l' dien,3//r mixolydien 4. Après l'abandon définitif de l'enharmonique et des quarts deton,rlous trouvons l'échelle suivante des tons aulétiques, au nombre de sept : hypophrygien, 1 ton hypolydien, 1 iastien, 1/2, phrygien, 1 hdien, 1 llyperiastien, 1 hyperéolien 19.En admettant, avec les théoriciens grecs récents, une étendue de 2. octaves pour chaque échelle tonale, on voit que, depuis la note la plus grave proslamhanomène) du ton 11 pophrygien jusqu'à la note la plus aigue (nète des hyperbolées' du ton hyperéolien, il y avait tout près de 3 octaves (fig. 6971). Nous avons supposé jusqu'à présent qu'à chaque trou de l'autos correspondait un son unique. En réalité il n'en était pas ainsi. Un texte de Proclus nous apprend que, sans même tenir compte des « trous auxiliaires » (7tapaTpu7tr~t,.aTa), c'est-à-dire très probablement des petites tubulures latérales chaque trou de l'aulos émettait au moins trois sons différents", Quelques interprètes modernes 12 ont pensé qu'il s'agissait ici des sons harmoniques qui, ordinairement noyés dans le son principal ou « fondamental » auquel ils se superposent, peuvent être mis en évidence par une insufflation plus forte, au point de se produire seuls. Dans un tuyau cylindrique à anche 13, comme dans un tuyau fermé, les seuls harmoniques qui se produisent sont ceux de rang impair (en comptant le son fondamental pour 1), et ce sont les deux premiers seuls (octave et quinte, double octave et tierce) qui sont sérieusement perceptibles. Par exemple, étant donné le son fondamental Ut',produit ensoufflantmodérément, un souffle plus fort fera sortir du même trou le son Sol' ; en soufflant encoreplusénergiquementon obtiendra le son Ni : ce seraient là, a-t-on prétendu, les « trois sons différents » de Proclus. Cette opinion doit être entièrement rejetée. 11 n'y a pas trace, dans la théorie musicale antique, de l'observation, ni à plus forte raison de l'utilisation, des sons harmoniques. Les chalumeaux du moyen âge ne les utilisaient pas davantage, et, quoi qu'on ait prétendu, il est très difficile, sinon impossible, de les extraire régulièrement d'un instrument façonné comme l'aulos antique", malgré l'étroitesse de la perce et l'emploi de l'anche double, qui, dans une certaine mesure, en favorisent l'émission. La production régulière des harmoniques dans les chalumeaux n'a été rendue possible que par l'invention de Christophe Dentier de Nuremberg (vers 1692), qui perça un petit trou auxiliaire, recouvert d'une clef, à peu près au tiers dela hauteur du tuyau(à compter del'anche) ; ce trou provoque la division de la colonne vibrante en 3 parties aliquotes : c'est ce dispositif (lumière ou âme quintoyante) qui a métamorphosé le chalumeau en cla TIB 317 TIB rivette, Or, seul le préjugé' a pu s'imaginer en découvrir la moindre trace dans certains auloi antiques. Ajoutons, pour achever la démonstration, que si la pratique des harmoniques avait existé dans l'aulétique ancienne, un instrument de dimensions très modestes, ayant huit trous échelonnés de Ut à Ut2, aurait eu effectivement un parcours mélodique total ainsi représenté (fig. 6973), c'est-à-dire de plus de trois octaves, ce qui est exclu par le texte formel d'Aritoxène déjà cité'. La véritable explication du texte de Proclus y voit uneallusion au procédé bien connu de l'obturation partielle. En bouchant au quart, à moitié, un trou qui, complètement ouvert, donne une certaine note, on transforme partiellement le tuyau en tuyau fermé et l'on abaisse celte note environ d'un quart de ton, d'un demiton4. Ce procédé empirique est employé encore aujourd'hui par les joueurs de certains instruments populaires, par exemple le galoubet de Provence ; les anciens aulètes ont dit certainement en faire largement usage pour la production des intervalles fractionnaires (quarts, tiers, moitiés deton)qui jouaient un grand rôle dans les genres à pycnon, savoirl'enharmonique importé d'Asie et le chromatique. Le procédé pouvait s'appliquer aussi bien avec le doigt qu'avec les viroles ; dans aucun cas il n'était susceptible d'une grande justesse, pas plus que d'autres procédés empiriques du même genre, comme la compression des anches avec les dents ou les lèvres, connue des anciens6, et le a doigté fourchu » auquel ils ne font pas allusion. L'introduction des tubes latéraux, qui donnaient des bémols exacts, dispensa désormais de recourir à ces artifices nalfs ; quant aux quarts de ton, on sait qu'à partir du me siècle av. J.-C. ils furent abandonnés. Il est donc probable qu'à l'époque de Proclus le procédé auquel il fait allusion n'avaitplus qu'un intérêt archéologique : il n'en parle d'ailleurs que par ouï-dire (it) uaat). XVIII. TECHNIQUE. Il ne manquait pas d'autodidactes, comme les bergers, capables d'improviser tant bien que mal sur un grossier chalumeau. Mais ce fait ne justifie pas l'opinion méprisante d'Aristoxène sur la facilité de l'aulétique comparée au jeu de la lyre Il semble au contraire que l'éducation du véritable aulète ait comporté un long et difficile apprentissage Les seuls détails que nous possédions sur la progression de l'enseignementaulétique, c'est que les débutants s'exerçaient sur un instrument de courte taille, le '''iv 10, etqu'ilsse préparaient par des études graduées (p.IX0 AaTa) dont deux portent les noms inexpliqués de teïpa et de La technique de l'aulète (zetpoupyO 12 comprend avant tout le souffle (7rvEiua) et le doigté (EÛ«Etpta). L'aulète introduit les deux anches dans sa bouche et les tient entre ses dents. II dirige son souffle à travers l'entre-bâillement des deux languettes de chaque paire. Un bon souffle doit être régulier, égal, capable de durée et de puissance. Aussi le bon aulète est-il généralement un gaillard trapu, bien nourri, un peu lourd 13. L'effort était considérable, surtout avec des instruments de grande taille et dans les morceaux à effet. Les textes nous montrent les joues de l'aulète allumées, gonflées, distendues, écartées, protubérantes, ses yeux houleux, farouches, injectés de sang; le reste de son corps n'était pas dans un état de tension moins violente (fig. 6974) 1''. Néanmoins, malgré la véhémence de l'expiration, il fallait éviter les grimaces, la distorsion des traits ou tout au moins savoir la dissimuler sous la muselière. La gracieuse mobilité du visage de Pronomos était un des mérites par où il avait su conquérir ses auditoires. La vigueur n'est pas tout: il faut qu'elle soit réglée. L'aulète Caphisias gifla un de ses élèves qui s'efforcait de faire le plus de bruit possible et lui dit ce mot célèbre : oûx iv LLEvx'mw L'artiste doit être maître de son souffle, en exalter et en modérer à propos l'énergie, pour marquer les nuances du chant, le forte et le piano". La justesse même de l'intonation dépend de la manière dont il dispose ses lèvres et gouverne son haleine. Un souffle ardent, émis à la façon d'un gémissement, abaisse la hauteur du son 17 ; en augmentant la pression des lèvres et des dents sur l'anche, on relève cette hauteur L'aulète joue ordinairement debout ; quand il est représenté assis, il s'agit le plus souvent d'une répétition ou d'une leçon accompagnée"; il tient son chalumeau à pleines mains, le pouce en dessous, les doigts arqués. L'inclinaison, comme l'écartement, des deux chalumeaux présente les plus grandes variétés : l'instrument est tantôt abaissé presque verticalement (surtout s'il est de grande taille), tantôt plus ou moins incliné, tantôt horizontal, tantôt enfin fortement relevéL0 ; il est probable que ces changements de pose influaient sur l'intonation. La chose est attestée pour l'écart des chalumeaux 21, qui varie du quasi-contact à l'angle droit22. Avec l'aulos archaique, où l'écart des trous extrêmes est réglé sur l'extension de la main, le poignet reste à peu près fixe: l'art consiste à bien lever et appliquer les TIB 318 TIB doigts pour déboucher et bouclier les trous voulus, peut-être aussi à savoir obturer partiellement un trou à la largeur convenable pour la production des intervalles altérés 1. Le bon doigté est ferme et moelleux. Avec le mécanisme des viroles, qui permet de multiplier les touches et d'élargir considérablement l'étendue du « clavier » (37 centimètres sur un des auloi pompéiens), la main del'aulète ne reste plus en place: elle se promène rapidement du haut en bas du tuyau pour tourner la virole, manoeuvrer le crochet, tirer la griffe voulue 2. L'agilité, la prestesse des doigts (' yuzEtelz, Enqspeta) passent au premier plan 3. La pratique des véritables artistes comportait naturellement autre chose que la maîtrise du souffle et la sûreté ou mèrnela virtuosité du doigté. Pollux, dans un passage obscurs, distingue dans les compositions pour chalumeaux (aûÀtip.ara) quatre passages ou « parties xpotip.xrx, terme emprunté au langage des instruments à cordes semblent désigner simplement la phrase instrumentale, à moins qu'il ne faille y voir spécialement la partie d'accompagnement (chalumeau gauche), ailleurs désignée sous le nom de xpoûetç. Les TEpxrtep.o( ou TEpETcaptara 6 et les viy).a?ot sont des ornements, des traits plus ou moins analogues à nos trilles, mordants et autres fioritures. Quant aux eup(ypara, ils semblent bien avoir eu surtout leur place dans le nome pythique, où l'artiste devait imiter les sifflements du dragon expirant et aussi ses grincemements de dents (ôlovrtepoi) °. Cet effet était peut-être obtenu à l'aide de l'appareil énigmatique que nous avons déjà mentionné, les euptyyeç, et c'est sous ce nom que Strabon décrit la section correspondante du nome pythique. Un autre artifice permettait l'imitation du son de la trompette (G117ctŒTt4 dans le même nome '°. Une manière particulière « d'envelopper » le son (tremolo?), désignée sous le nom de 7 XZat.tara ou xaTzi .rp.ara, avait eté introduite au ive siècle par Antigénidas 11 et entraîna, on l'a vu, une modification dans la préparation des anches. On vanta longtemps les « modulations de miel » de cet artiste 12, spirituel et fastueux, qui fit école cependant la secte de Dorion, venue plus tard, suivait d'autres méthodes, probablement plus sévères13 Une citation d'Aristoxène nous dispensera d'insister sur les autres qualités nécessaires à un aulète accompli : « En entendant un aulète, dit le grand critique, on apprécie d'abord si ses chalumeaux sont d'accord ou non, si le phrasé est clair ou confus ; ce sont là des parties de l'interprétation aulétique, elles ne sont pas le but, mais seulement le moyen de l'atteindre. Au delà de tous ces détails, il s'agit de juger le caractère de son interprétation, de savoir si elle se présente comme conforme à la composition donnée que l'artiste a entrepris de rendre et de traduire f4. » L'aulète qui fait sa partie dans un ensemble (concert, danse, choeur) jolie presque toujours en même temps le rôle de dirigeant et doit, en cette qualité, marquer la cadence. Comme ses mains sont occupées par son instrument, c'est avec les pieds qu'il frappe la mesure, et, pour mieux accuser la percussion, son pied droit est armé d'une forte semelle, ou encore met en branle un appareil sonore spécial, en bois ou en fer, qui a déjà été étudié, le pédalier ou xpour.Ea [SCABELLUI, et fig. 6983] 16. Souvent, dans les soli, on attend de lui des mouvements rythmiques, des balancements du corps, bref une véritable danse. Le grammairien Tryphon énumère une longue liste de compositions aulétiques qui toutes comportaient, de la part de l'instrumentiste, un accompagnement dansé'. L'aulète Pronomos (ve siècle), dont le nom se lit sur un beau vase attique à côté d'un joueur de chalumeau assis, en grand costume d'apparat [coonus, fig. 14261, avait enthousiasmé les spectateurs à la fois par la mobilité de son visage et par ses mouvements expressifs t7. Cette mode avait été inaugurée par Andron de Catane et Cléolas de Thèbes '". De même, depuis l'époque où le dithyrambe prit le caractère dramatique, l'aulète s'y livra à une mimique animée, où plusieurs mirent une exagération de mauvais goût 19. XIX. IIÉTEROPnoNIE. On a vu plus haut qu'une des particularités les plus remarquables du jeu de l'autos double, c'est qu'il est toujours et nécessairement concertant : sa mélopée est à deux parties. Sans doute, dans l'aulos perfectionné, où les trous des deux tuyaux paraissent avoir été disposés de même, ces deux parties peuvent être à l'unisson; mais ce n'était là qu'un cas exceptionnel26 : en règle générale, pour employer une terminologie empruntée à la citharodie, un des tuyaux est chargé du chant (p.t)ioç), l'autre de l'accompa Dans la musique antique, contrairement à ce qui se passe dans la nôtre, le chant est normalement au grave de l'accompagnement 22. Il en était ainsi dans le « solo » aulétique, qui est, on vient de le voir, un véritable duo: les exemples cités par Plutarque ne laissent aucun doute à cet égard 23. Mais dans quelle main l'aulète tenait-il le tuyau du chant, dans quelle main le tuyau d'accompagnement? Nous avons vu (§ XIII) que, dans l'aulos phrygien, le tuyau le plus long et le plus grave est tenu à gauche. On en a conclu 22 par analogie que. dans la tibia grécoromaine, c'est au tuyau gauche qu'était confiée la partie TIB 319 TIB la plus grave, c'est-à-dire, comme on vient de le voir, le chant. Mais un texte de Varron dément formellement cette conclusion et nous apprend que, au contraire, le tuyau droit faisait le chant '(tibia incentivu), le tuyau gauche l'accompagnement (succentiva) I. Il n'y a aucune raison de rejeter ce témoignage 2, ni de supposer sur ce point une différence entre la pratique des Grecs et celle des Romains. Ajoutons qu'il ne faudrait pas pousser à l'absurde le principe que le chant est toujours au grave de l'accompagnement. Un des exemples cités par Plutarque prouve que quelquefois les parties se croisaient 3. XX. RLPEx'roIRE. L'aulos s'emploie soit seul (yti,r, aüÀrlet) ou à deux (cuvau)i(a), soit d'une manière concertante avec une cithare (Vau)oç xcOxotctç), avec une voix humaine (céll.yi(a), avec un choeur (zopau)ccx) ou enfin comme partie d'un ensemble vocal ou instrumental plus complexe. A chacun de ces modes d'emploi correspondait un répertoire spécial, dont nous n'indiquerons ici que les types essentiels. La vt),r au),ratç comprend d'abord un grand nombre de ritournelles traditionnelles, usitées dans des circonstances déterminées dont ilseraquestioriplusloin(XXI), par exemple pour cadencer tel ou tel travail matériel propre à un certain corps de métier, ou encore pour ani mer et régler une prise d'armes, une marche, une ronde, une procession, une fête nuptiale, un banquet. La manière yap,jatov, 7 aCO(vtov, etc. 4) laisse croire que le rythme et le style, sinon la mélodie, de ces airs étaient en quelque sorte stéréotypés; il devait en être de même de la danse, exécutée par l'aulète lui-même, qui en accompagnait la plupart Les airs (µl),•,,,) de chalumeau joués à l'occasion de liba ou des rites orgiastiques de Cybèle (Mr,'rpû«) 8, avaient aussi, en raison même de leur caractère liturgique, des formes consacrées, mais comportant une certaine latitude. Les plus anciens, très vantés par les critiques conservateurs, étaient attribués à Olympos ; dans la suite des temps des variantes s'y glissèrent. Aristoxène distingue, par exemple, entre le cnovôalov exécuté à la mode ancienne et celui où l'aulète introduit le raffinement du quart de ton Certains c;rovfEla aulétiques furent ensuite transcrits pour cithare i0 Le vdu.oç «ü)cr,titxdç, morceau d'apparat, triomphe des virtuoses, sorte de sonate ou de concerto, eut également, du moins à l'origine, un caractère religieux. On louait la noble simplicité des plus anciennes compositions de ce genre, dont l'origine se perdait dans la nuit des siècles : les unes étaient attribuées à une divinité (Athéna), ou aux ancêtres de l'aulétique phrygienne (ilyagnis, Marsyas, Olympos l'« ancien »), à Olympos le jeune et à ses disciples (iliérax, Craies) f1. Les premiers nomes de date certaine sont ceux de Polymnestos et de Sacadas (vie siècle) '2, mais après eux tous les grands virtuoses s'essayèrent en ce genre dans un style de plus en plus libre et modulant i3. Les nomes anonymes traditionnels portaient le nom de la divinité à laquelle ils étaient consacrés (Athéna, Arès, Dionysos, Pan, la Mère des dieux), ou de leur destination ( rix'',fEtoç, i7tITOI)OEOI.;), OU de lent. registre (40toç); quelques désignations restent obscures sections de caractère distinct explique le nom du nome 7Lonux4x),oç (comme celui du nome aulodique Tpl;ata(ç); ruais ce détail ne lui était point particulier. Ainsi le nome d'Athéna avait une introduction (47y,, en 5/4i et une reprise centrale (.pp.ov(a) en 6/8 "°. Le plus célèbre air à programme, le vdN.oç 7ruOtvdc, morceau de concours obligatoire aux jeux Pythiques, peignait en cinq sections le sujet, déjà popularisé par la citharodie, du combat d'Apollon contre le dragon [sEPTE111on]. Le texte mélodique, dû à Sacadas, fut remis au goût du jour au 311e siècle par Timosthène, amiral de Ptolémée Philadelphe. C'est ce remaniement qui explique peut-être la différence des deux sommaires que nous en ont laissés Pollux (d'après une source ancienne) et Strabon" : Il faut ranger encore dans le répertoire de l'aulétique morceaux servant d'introduction à une composition plus développée. Parfois ils étaient improvisés ; plus souvent, c'est une selle à tous chevaux soigneusement préparée, que l'aulète adapte à n'importe quel nome comme les rhéteurs leurs exordes le ; 92 Les interludes exécutés par l'aulète entre deux épisodes d'un drame ou d'un dithyrambe dramatique (i rxé)ct«, ôtaé. tx), les petites ouvertures qui précédaient la pièce, etc. (voir infra, § XXI). Nous ne connaissons rien du répertoire de la ouvau)`(a (duo d'auloi), qui ne devait guère différer de celui de la Ltnr, ccû),r1ct;', puisque, l'art musical grec ignorant l'harmonie à plus de deux parties, les deux instruments ne pouvaient que se doubler mutuellement. Quant à la combinaison de l'autos et de la cithare, elle a existé de temps immémorial pour soutenir les danses, les choeurs, les marches militaires, etc. Mais le duo concertant artistique de ces deux instruments, l'Ë.vxu),o; xtOzptctç proprement dite, ne fut créée qu'au vie siècle par l'école d'Épigone et perfectionnée par Lysandre de Sicyone. Il semble que dans cette combinaison (où l'une des parties de l'autos doublait presque nécessairement la mélodie de la cithare) le rôle principal appartint à l'instrument à cordes. Il faut donc y faire rentrer les nomes citharistiques ~ixµs;ot, 7raclaµrOtôE;) avec accompagnement d'autos'. Le duo d'autos et de chant (xülwôia)3 est, après la 1~ta~ aûÀrystç, la branche la plus importante de la composition aulétique. On en faisait remonter l'origine au légendaire Ardalos de Trézène ', d'autres y voyaient un emprunt fait aux Mariandynes de l'Asie Mineure septentrionale 5. Le plus ancien répertoire d'aulodie se composait d'élégies, chantées soit dans les cérémonies funèbres, soit dans les banquets', soit même dans les concours' : le rythme élégiaque est né sous l'influence de l'autos ; l'instrument à vent est seul capable de marquer nettement les deux tenues nécessaires pour compléter la mesure du pentamètre. Plus tard l'élégie s'émancipa de son accompagnement et devint un genre purement littéraire. L'aulodie comportait encore des chants d'un rythme plus libre t,É),rl , comme les monodies de la tragédie grecque et les rantica du drame romain, et en outre les nomes aulodiques, pendants des nomes aulétiques, et dont plusieurs étaient fort anciens 3 : on les attribuait à un certain Clonas, Arcadien de Tégée selon les uns, Béotien selon les autres. D'autres nomes avaient été composés par Polymnestos de Colophon. Les connaisseurs savaient distinguer entre le style des nomes aulodiques et celui des nomes citharodiques Dans le duo d'autos et de chant, le rôle principal appartient à la voix humaine : c'est le chanteur qui s'appelle a", nWdd;. Le timbre de l'autos, plus apparenté que le timbre de la cithare à celui de la voix humaine, se marie mieux avec elle, et certains critiques, comme les péripatéticiens, déclaraient en conséquence l'aulodie plus agréable que la citharodie f0. D'autre part, l'autos étant plus sonore que la cithare, et l'une de ses parties, la plus grave en général, doublant forcément le chant vocal, il « couvrait » mieux les fautes du chanteur" : c'est précisément pourquoi ce genre était moins estimé que la citharodie, et l'on disait communément que les aulodes se recrutaient parmi les citharèdes manqués 12. On reprochait encore à ce genre la tristesse, qui le fit exclure bientôt du concours musical de Delphes. Quant au répertoire de la choraulie, il est immense; on peut même dire que le rôle principal de la tibia consiste à diriger et à soutenir le chant choral. Le nouveau dithyrambe est dominé par l'aulète, et à Rome le mot tibicen devint synonyme d'étai d'une construction 13. Mais nous ne savons pour ainsi dire rien du caractère de l'accompagnement aulétique dans ces ensembles, qui restent, malgré tout, des compositions surtout vocales; nous ne sommes pas mieux renseignés sur la symphonie des grands orchestres qui devinrent à la mode à l'époque hellénistique et romaine, et où l'autos garde toujours sa large part. Les vôal.o; xéx)tot, attribués à un certain Euios14, ne sont pas autrement connus. meau n'a jamais eu ni en Grèce ni à Rome le caractère d'un instrument vraiment national. Cependant il a profondément pénétré de son influence la vie antique. Les actes auxquels il est associé embrassent presque toutes les relations sociales. Un distique d'Ovide 15 résume ainsi les principales occasions de son emploi : Cantabat Tanis, cantabat tibia lattis, Cantabat in estis tibia funeribus. Nous suivrons cet ordre pour les étudier ; une dernière rubrique groupera les emplois de moindre importance. 1° La religion. Ilérodote 16 signale l'absence de l'autos dans les sacrifices des Perses. On peut en con clure que ceux des Grecs comportaient à son époque normalement, sinon obligatoirement, l'intervention de notre instrument. Cet usage remonte d'ailleurs à une époque reculée, à la Grèce d'avant les Grecs, comme l'atteste le sarcophage crétois d'Ilaghia TriadaL1. L'aulèt.e figuré sur la scène de sacrifice, probablement funéraire, d'une des deux grandes faces de ce monument(fi g. 6975) est un homme, vêtu d'une tunique assez courte, mais avec la chevelure longue des femmes, peut-être exigée par le rituel. Son instrument, interrompu par une cassure malencontreuse, est un autos double. Les deux tuyaux sont peints d'un ton brun-rouge ; ils sont donc en roseau ou en bois; quoi qu'on en ait dit, il n'y a pas trace de phorbeia. Au premier abord, les deux tuyaux ont l'air d'être parallèles, mais il n'y a peut-être là qu'un effet de perspective; ils semblent, en outre, serrés l'un contre TIB 321 TIB l'autre par un cordon à nombreux enroulements, dont les extrémités libres -trois brins retombent non loin de l'embouchure comme une frange. On a remarqué que le tuyau droit réapparait au delà de la cassure, tandis qu'il n'en est pas de même du tuyau gauche. Paribeni en avait conclu que les deux tuyaux étaient de longueur inégale, ce qui se rencontre en Egypte, mais non en Grèce. La vérité est tout autre: une masse indistincte (de couleur grise) et en forme de « foyer de pipe » qu'on aperçoit sur le fond, immédiatement après la cassure et sur l'alignement du tuyau gauche, est l'extrémité d'un pavillon en forme de corne etprobableinenten corne, qui terminait celui-ci: on a donc là l'exemple le plus ancien de l'aulos phrygien' et l'on aperçoit les conséquences qui en pourraient être ii rées sur les relations de la civilisation crétoise. La Grèce propre a dû emprunter l'usage religieux de l'aulos aux populations préhelléniques et anatoliennes. Les textes et les monuments nous le montrent en pleine vigueur dès l'époque archaïque ; il se perpétue jusqu'à la fin de l'antiquité 2. L'aulète du sacrifice est presque toujours un homme, très rarement onvoit une femme en remplir l'office «fig. 6976). Les libations (movdadl, qui accompagnent ou remplacent le sacrifice, peuvent encore moins se passer de l'aulos 4. Elle ont même donné leur nom à une catégorie spéciale d'exécutants (a-ovlx ),xt), à leurs longs et graves instruments (ati)ol a-o' 1tx5O, aux airs solennels qu'ils y soufflaient (a-ovôa:x p.D,;l, 59ûÂ4i.taTz), au style particulier de ces airs (a7ovlEluxb; Tod-o;) et même au pied favori 5 qu'ils mettaient en usage (aitovSEïov). Dans d'autres cérémonies religieuses l'aulos s'associe à la voix humaine. Les hymnes liturgiques usités dans le rituel des temples comportaient, à l'époque classique, l'accompagnement de l'aulos t. Quant aux multiples variétés de la chorale orchestique, dont la religion grecque était le centre ou le prétexte, si, à l'origine, elles ne tolèrent d'autre compagnon que la lyre, peu à peu on voit l'aulos s'y introduire à son tour et expulser l'instrument à cordes, ou partager avec celui-ci. De ce nombre sont les péans', les prosodies ou chants processionnels s, les parthénies ou choeurs de jeunes filles °, les hyporchèmes t0, les épinicies Ix. Deux religions à demi exotiques dans le monde grec font à l'aulos, et notammentà l'aulos phrygien, une place prépondérante : l'une est celle de Dionysos où le chalumeau, tibia bacchica, domine dans les mystères extatiques, les cortèges, les banquets de thiases, les sacrifices' 2 : on verra tout à l'heure son rôle dans le dithyrambe et dans les représentations dramatiques ; l'autre est la religion de Cybèle et d'Attis13 : c'est pendant les « orgies » de ces divinités asiatiques, aussi bien dans leur pays d'origine qu'en Grèce et à Rome, que l'aulos mêlé aux cymbales et au tympanon (fig. 6977) fait entendre les rythmes excitants, les mélodies passionnées des p.rivpi iŒ, accompagnés de danses frénétiques 14. La nomenclature des nomes aulétiques nous a déjà laissé entrevoir le grand nombre des divinités grecques dont le culte admettait l'intervention de l'aulos. Même celles que la légende représentait comme les plus hostiles à cet instrument sollicitent son concours à l'occasion. Athéna a son nomos célèbre, et l'aulète figure dans la procession des Panathénées athéniennes 15. Apollon n'est pas moins accommodant : l'aulète a un rôle dans ses Thargélies à Athènes et dans ses IIyacinthies à Sparte 16. A Delphes, il accompagne l'enfant porteur du laurier de Tempé et la Pythaïde athénienne "; à Délos, les mystérieuses offrandes des Hyperboréens ". Souvent les sanctuaires ont un ou plusieurs aulètes attachés, d'une manière fixe, à leur service, avec un traitement régulier et une place officielle dans les cérémonies. Nous savons, par exemple, qu'à Andanie l'aulète du temple est désigné annuellement 19 ; à Délos le salaire des aulètes représente un article important du budget des Iliéropes10; dans la même île le chœur sacré des vierges possède une aulétris attitrée2l Pourtant cette invasion de l'aulos dans les cultes grecs comporte des exceptions qui tiennent peut-être à 41 TIB 322 TIB la très haute antiquité de certains rites ou de certains sanctuaires. A Paros, il est exclu du sacrifice aux Charites 1 ; à Ténédos, l'entrée d'un temple était interdite aux aulètes 2. Textes et monuments sont d'accord pour nous apprendre qu'en Étrurie comme en Grèce le joueur de chalumeau était de rigueur dans tous les sacrifices 3. Les Romains empruntèrent cette pratique, en même temps que leurs premiers aulètes, aux Étrusques ° : leurs auteurs attribuent à la tibia le pouvoir d'apaiser les dieux 6. Les tibicines latins chargés de ce service avaient reçu une organisation officielle : c'est le Collegium tibicinum Romanorum qui sacris publicis praesto saut collège qui remonte à une très haute antiquité', et qui plus tard seulement paraît s'être fondu avec celui des joueurs de cithare officiels (fidicines)'. Cette corporation jouissait de curieux privilèges, notamment d'être nourris dans le Capitole où ils officiaient ; aux ides de juin ils célébraient leur fête syndicale, les quinquatrus ntinusculae, sorte de carnaval où le masque et la robe féminine abritaient de singulières licences et dont on chercha par de bizarres légendes à expliquer l'origine oubliée '. 11 importe de remarquer qu'à Rome le tibicen ne manque jamais sur la représentation d'un sacrifice iU ; mais, quelque solennelle que soit la cérémonie, un seul instrumentiste est toujours figuré". En dehors des sacrifices, les libations 12, les supplications 13, certaines prières " comportaient à Rome l'accompagnement de la tibia. A l'époque impériale elle se mêle, seule ou en compagnie d'autres instruments, à la plupart des cérémonies religieuses, notamment aux Parilia, aux fêtes de Vénus 16 et de Junonl6, aux .Jlegalesia, fêtes de la Mère des dieux [CYHELE, p. 1685], aux cortèges d'Isis13, etc. Le cortège du triomphe qui eut, du moins à l'origine, un caractère religieux, admettait dans ses rangs, à l'instar du triomphe étrusque 19 des tibicines couronnés d'or, mêlés à des joueurs de cithare 20• Dans le cortège de l'ovatio, les joueurs de chalumeau sont seuls à figurer 21. 2° Jeux 22. Dans les agones musicaux célébrés à l'occasion des grandes fêtes helléniques l'aulos figure à un double titre. Tantôt il représente à lui seul l'orchestre d'une exécution chorale ou dramatique (aulos cyclique), tantôt il figure comme concurrent isolé ou comme partie d'un petit groupe concertant: c'est par ces derniers exercices que nous commençons. Le solo d'aulos fut introduit aux jeux Pythiques en 586 av. J.-C. Sacadas d'Argos y remporta le prix ainsi que dans les deux pythiades suivantes 23. Désormais cet exercice devint un « numéro » indispensable du concours delphique. On a vu quel était le caractère de haute virtuosité du morceau de musique descriptive imposé aux concurrents. Ceux-ci revêtaient" un costume de fête assez semblable à celui des citharèdes : la longue tunique brodée de points et d'étoiles, flottante, descendant jusqu'aux pieds (ôpOoerrd.etov, stola pytlaica), et, pardessus, une casaque sans manches, tissée d'un patron en damier, ornée d'un galon et d'une frange ; la chevelure, soigneusement lissée, était ceinte d'une couronne de lauriers, la joue harnachée de la i?oEeEtcz2'(fig.6938, 6959). L'aulète joue debout, sur une estrade carrée heu) 20. A l'instar du concours pythique, le solo d'aulos fut introduit dès le vie siècle au concours des Panathénées27 et successivement dans d'autres agones dont le nombre alla sans cesse croissant jusqu'au me siècle après notre ère 28. A Aphrodisias, sous l'Empire, le vainqueur à cet exercice reçoit un prix variant de 1000 à 1400 deniers. L'instrument et le costume des concurrents, désignés à l'époque post-classique sous le nom de 7zu8txbç ai)7,Trç 011 plus brièvement (depuis Auguste) 7:uOctlÀ ç, s'inspiraient du modèle delphique, mais avec plus de richesse : sur la fresque de Cyrène, le pythaule porte une longue tunique à manches de couleur bleue, ornée de broderies ou de peintures, une large ceinture jaune à bordure rouge, un manteau de pourpre (fig. 1423). A Rome, le solo d'aulos lassa tibia), qui exigeait de la part du public une sérieuse éducation musicale, eut beaucoup de peine à s'acclimater. On connaît l'anecdote fameuse des jeux triomphaux offerts en 167 par L. Anicius, où les plus illustres virtuoses grecs, amenés à grand prix, furent invités par les spectacteurs d'aborda jouer tous ensemble des airs différents, puis, comme cette cacophonie ne suffisait pas encore, à se battre entre eux à coups de poing 29. Ce n'est guère que dans les jeux à la grecque de l'époque impériale que cet exercice raffiné s'implanta définitivement 30 Le duo aulodique fut introduit à Delphes la même année que le solo d'aulos. Le premier et dernier lauréat TIB 323 TIB fut l'Arcadien Échembrotos. Cet exercice, qui parut lugubre, fut ensuite rayé du programme'; il ne paraît avoir figuré ensuite dans aucun aggôn consacré à Apollon. Il se maintint au contraire dans le concours des Panathénées où, au Ive siècle, il comportait deux modestes prix enargent 2,auxA rnphiaraiad'Oropos,ainsi que dans les jeux locaux des cités béotiennes tll'usea de Thespies, Gltaritesia d'Orchomène, Sarapiea de Tanagra où it ne disparut qu'après l'époque de Sylla Dans l'agôn aulodique athénien, chanteur et aulète se tiennent tous les deux sur l'estrade, mais le véritable concurrent, on l'a vu, est le chanteur, souvent un adolescent : lui seul reçoit le prix, lui seul figure sur le palmarès. L'aulète, plus modestement vêtu que le pytbaule, se contente du rôle d'accompagnateur (fig. 6978 et 6979) 4. A Rome une sorte d'aulodie, peut-être inspirée d'un usage étrusque, s'était introduite au ut siècle dans les ludi scenici. Elle acquit tant de popularité que les censeurs de l'an 115, qui abolirent les jeux à la grecque, laissèrent cependant subsister lutinant tibicinem cura cantore a.Nous ignorons ses destinées ultérieures. Un troisième exercice aulodique figure pendant quelque temps au concours des Panathénées, sous le nom de cuvau)J °. Mais les critiques alexandrins n'étaient pas d'accord sur sa véritable nature : duo d'auloi, duo d'autos et de cithare, association de l'aulos et d'un danseur ou d'un choeur. Les seules compositions chorales avec autos admises dans les agones sont celles qui se rattachent, au moins par leur origine, au culte de Dionysos et qui, précisément en cette qualité, réclament le concours de l'instrument dionysiaque par excellence ', à savoir le dithyrambe et le drame. Le dithyrambe [DITUVRAIIIDesj acquit toute son importance à Athènes où il figure dans les concours des Dionysies, mais aussi aux Panathénées et aux Thargélies 8. En raison de la disposition circulaire du chlrur, oit de son emplacement primitif sur une plateforme circulaire [cvcLlcus Gnons], l'aulète y est lui-même qualifié de xûx),iuç aû)crrs(ç. Il est toujours unique °. A l'origine, c'est un simple employé du poète-maestro (zo, oiilxaxa),o;), salarié par celui-ciJ°. Mais, petit à petit, à mesure que le dithyrambe évolue vers la forme de la cantate ou de l'opéra, l'aulète grandit en prestige : il devient le collaborateur et le suppléant du. poète dans l'instruction des (horeuteset finalement passe à la solde de l'htat. Désormais, à Athènes, c'est l'archonte qui tire au sort, pour les répartir entre les choeurs concurrents, les aulètes inscrits sur la. liste, presque tous de nationalité étrangère 12. Les inscriptions choragiques reflètent cette ascension hiérarchique de l'aulète du dithyrambe. 'Dans les plus anciennes notices commémoratives il n'est pas même mentionné. Ensuite il figure après le z0o0ô18xa.a.Âo; ; enfin, depuis 345 environ, avant celuici 13. L'importance croissante des reprises de compositions anciennes, le remplacement du poète par un simple instructeur, ont pu contribuer à grandir les attributions de l'aulète''`. En tout cas, sa part dans l'exécution musicale n'a cessé de se développer. Il n'est plus seulement chargé de donner la mesure et le ton aux choreutes, au milieu desquels il se tient ~,. Il joue un rôle dans la pièce, car c'en est une ; il exécute de nombreux intermèdes imitatifs, et même, pendant les chants du choeur, son jeu instrumental se complique d'une mimique animée 16. Bref, et bien que, à partir de Timothée, la cithare commence à jouer un rôle dans le dithyrambe, l'aulète est à la fois maître de ballet, virtuose et premier sujet. Toute cette évolution commence dès le début du ve siècle : Pratinas se plaint qu'alors qu'autrefois les aulètes accompagnaient les choeurs de leur instrument, c'est désormais le choeur qui accompagne l'aulète de ses chants 17. Mais le courant fut irrésistible et parait avoir été général: les catalogues agonistiques portent la mention significative r rtirls us â zossC ; les prix attribués à l'aulète cyclique viennent en importance immédiatement après ceux des citharèdes, et, dans TIB 324 TIB différents jeux, il obtient le prix d'honneur (6tx rvrtuv) sur l'ensemble du concours'. L'aulète cyclique (fig. 6980) n'a ni l'instrument ni le costume de l'aulète pythique.Antigénidas inaugura les brodequins milésiens et, dans le dithyrambe I~w~arTsl;, arbora le premier un manteau couleur de safran. Les peintures d'un tombeau de Cyrène nous montrent un aulète cyclique couronné de lierre et vêtu d'un costume d'apparat : longue tunique à manches, flottante, dentelée, mi-partie blanc et bleu avec des empiècements rouges et un ample himation bleu Sous Auguste, Princeps paraît sur un théâtre privé à Rome en tunique blanche, souliers et guêtres de même couleur Sous Carin, un choraule étale un manteau de pourpre violette, présent du riche lessala4. A partir du Ive siècle av. J.-C., on vit d'ailleurs bien des virtuoses cumuler le talent d'aulète cyclique avec celui d'aulète pythique et figurer successivement dans la même audition musicale sous l'un et l'autre aspect'. A l'époque hellénistique et romaine, l'aulète cyclique (appelé aussi, sous l'Empire, znpau),'t,;) paraît très souvent sur les inscriptions agonistiques, bien que nous soyons fort mal renseignés sur le caractère des exécutions auxquelles il prêtait son concours et qui durent s'écarter de plus en plus du type du dithyrambe attique. Les choraules mentionnés dans les anecdoctes et les inscriptions romaines e doivent se confondre souvent avec les aulètes de pantomime. La tragédie et la comédie attiques, filles, elles aussi, du culte dionysiaque, comportent pareillement l'accompagnement de l'aulos, et de lui seul. Mais l'aulète dramatique ne se hausse jamais à Athènes jusqu'à la situation de l'aulète cyclique. Il reste toujours un simple salarié du chorège et ne figure point dans les inscriptions. En revanche, à l'époque hellénistique, les troupes ambulantes de comédiens, engagés dans les différentes fêtes, ne manquent pas de mentionner l'aulète qui les accompagne. Le rôle musical de l'aulète dans le draine attique est assez mal connu. Il entrait dans l'orchestra avec le choeur et en sortait à la tête de celui-ci 7. De sa place, que nous ignorons, il soutenait les chants du choeur et marquait la cadence de ses évolutions'. I1 accompagnait les monodies des acteurs, le récitatif mélodramatique (raoxxx-rxaoyi,), mais non point le dialogue iambique ou trochaïque °. De temps à autre il exécutait un interlude (uscn),rov ou ôtxû),tov), dont l'importance dut s'accroître à mesure que diminuait celle des chants du choeur 10. On sait les raffinements et la mollesse des cadences qu'Agathon introduisit dans l'aulétique théâtrale. Je ne connais pas de représentation monumentale de ''aulète tragique. Celui du choeur cornique est drapé dans une longue tunique et porte un manteau brodé (fig. 6981) 11, Plus richement ornée encore est la robe de l'aulète satyrique dont les cheveux longs sont ceints d'une couronne de lierre 12. En revanche celui des farces gréco-italiotes, connues sous le nom de phlyaques, monte sur le tréteau à côté des acteurs et paraît revêtu d'un pantalon, d'une blouse et d'un masque barbu 13. Dans le théâtre romain de l'époque républicaine, le tibicen joue un rôle considérable, d'abord comme accompagnateur des danses primitives des ludiones étrusques'', ensuite comme soutien des choeurs et des cantica de la tragédie, des cantica seulement de la comédie, qui ne comporte point de choeurs. Il exécute au début de chaquereprésentation uneespèced'ouverture instrumentale15 et des interludes dansles entr'actes75. Les ritournelles de ce genre se gravaient dans la mémoire des auditeurs. Au temps de Cicéron, il y avait des dilettantes, qui, dès les premières notes du chalumeau, reconnaissaient s'il s'agissait de la partition de l'Antiope ou de celle de l'Andromaque ". Je soupçonne fort l'auteur de ces mélodies (modi), nommé dans les didascalies, souvent de condition servile, d'être identique à l'artiste qui, à l'origine, les exécutait. Le tibicen, àpeu près vêtu comme son confrère de la comédie grecque, se tient ordinairement dans la coulisse. Mais, à l'occasion, il paraît mêlé aux acteurs et sur le même plan que ceux-ci. Les monuments nous montrent même une fois une petite fille jouant ce rôle 13 D'après un texte assez suspect'', l'aulète de la tragédie aurait eu deux instruments à sa disposition: unetibia chorique pour accompagner les choeurs, une tibia pythique pour les cantica des acteurs. Quant aux instruments du tibicen comique, nous sommes renseignés pour Plaute, par la didascalie du Stichus ; pour Térence, TIB 32 5 TIB par celles de toutes ses pièces et les notices du grammai rien Donat. Malheureusement ces renseignements sont confus et contradictoires,. Il semble bien, en somme, que l'instrument ordinaire ait été le chalumeau composé de deux tuyaux rectilignes et égaux, désignés sous les noms tantôt de tibiae pares, tantôt de duae dextrae. Il semble aussi qu'il y en AL deux variétés, différentes sans doute par la longueur, les lydiae et les sarranae (tyriennes). Dans quelques pièces on faisait usage du chalumeau phrygien à tuyaux inégaux, dont l'un recourbé : il est désigné tantôt par le terme tibiae impures, tantôt par dextra et sinistra. Dans une seule pièce, l'Zieautontimorumenos de Térence, la didascalie indique un changement d'instrument au cours de la comédie : primum imparibus, deinde duabus dextris. A l'époque impériale, la pantomime, au théâtre, supplante presque complètement le drame grec ; ce genre comporte parfois un orchestre assez bruyant (syringes, chalumeaux, cymbales, cithares, lyres), mais laulète y conserve la prépondérance; la tibia, « excitatrice de la vigueur du danseur », est la reine de la symphonie romaine, comme le violon est le roi de la nôtre". 30 Funérailles. L'autos domine dans les solennités funèbres, d'où les instruments à cordes sont, en principe, exclus 3. Les anciens, frappés par son timbre quelque peu lugubre, affirmaient qu'il avait été associé aux cérémonies du deuil avant de l'être aux manifestations de l'allégresse'. Il accentue, selon eux, tout d'abord, la tristesse des assistants, dégage leur émotion sous forme de larmes et ainsi la soulage. C'est un rôle à la fois moral et cathartique". Déjà dans la Grèce archaïque nous voyons laulète occuper sa place dans le cortège funèbre (ix ,)px.) et soufifier en marchant'. Il accompagne de ses plus mélancoliques accents l'élégie ou le thrène chanté dans la maison mortuaire et les « percussions de poitrine » qui se font aux reposoirs ou auprès de la tombe'. Une particula leur tessiture élevée, longtemps caractéristique du mode lydien 8. L'aulète emploie en conséquence un court chalumeau au registre aigu ; le Tuu.P,abir,; carien, qui souvent remplace son confrère grec, souffle dans le petit gingras phénicien ou dans le rnonaule phrygien. En Étrurie les monuments nous montrent également un emploi très fréquent de la tibia dans les cérémonies funéraires : ploratio, cortège, danse ou banquet L'usage étrusque pénétra dans les mmurs romaines et s'y perpétua jusqu'à la fin de l'antiquité. Le tibicen ou la' libicina funèbres, plus spécialement appelés siticines, figurent dans l'exposition du corps (eollocatio)1U, quoiqu'ils ne prennent point part, ce semble, à la conclamatin t t. Ils accompagnen Lle défunt à sa dernière demeure (pompa, exsequiae)11, et les tibiae funebres sont le soutien obligé des lamentations (naeniae) poussées autour de la tombe 73. Une glose 1`' prétend que la tibia aurait eu pour apanage les obsèques des impubères et la tuba celles des adultes : retenons-en tout au plus que la trompette était bannie du cortège funèbre des enfants. Dans les funérailles d'apparat, plusieurs aulètes se faisaient entendre simultanément '°. Jadis la loi des Douze Tables en avait limité le nombre à dix ".Ajoutons que, à la différence des Grecs qui associaient l'idée d'un diapason aigu à celle du deuil, les Romains paraissent avoir eu dans ces occasions une prédilection pour le son grave de l'aulos phrygien à corne, joué par des artistes spéciaux, les monumentarii ceraulae17. 4° Autres usages. Fentes nuptiales. La présence de l'aulos dans les cérémonies du mariage est une conséquence naturelle de leur caractère religieux. Il en est déjà question dans le Bouclier d'Achille et dans Hésiodete. A l'époque classique, les monuments nous montrent l'aulos accompagnant la loutrophorie19, escortant le cortège nuptial20 et même celui des E7toe, ta«21. Le chant d'hyménée s'accompagne de l'aulos seul ou mêlé à d'autres instruments'"; de même l'épithalame23 et le xi,);l.o; nuptial. Des virtuoses célèbres ne dédaignent pas de prêter leur concours à des fêtes de ce genre"'. On peut mettre en doute l'existence du chalumeau spécial à branches inégales qui, d'après Pollux, aurait servi à ces occasions"e mais non celle d'une ritournelle particulière, le •;h.r,)a0v En ltrurie2G et à Home2', les textes et les monuments attestent des usages semblables [11A'rHmloNtusl, p. 1656;. Banquets et mascarades. Dans les banquets comme dans les noces, c'est à l'origine un élément religieux qui justifie l'immixtion de l'aulos28. Elle se produit en effet, normalement, au moment des libations qui inaugurent le auu.7tectov consécutif au repas proprement dit°°, ainsi que lors du péan qui le clôture 3c. Mais peu à peu, sous l'in TIB 326 TIB fluente des moeurs orientales', la musique de table prend un caractère différent. Elle n'est plus qu'un facteur d'animation et de volupté'. AAthènes,au va siècle, il n'est pas rare de voir les convives eux-mêmes manier l'instrument, soit pendant le festin 3, soit au cours de la farandole étire_ velée qui lui succède (x(ïlu.os) 4. C'est vraiment là, comme le dit le vieux Pratinas, (lue Paulus est roi : xoi(t.W N.wov 6apo_ Plus ordinairement le rôle d'aulète est rempli par un artiste à gages, loué à l'agora', qui souffle dans les courts chalumeaux, dits 7txaoivtot, parfois avec le concours de la cithare, soit pour accompagner la beuverie ou le jeu du cottabos, soit pour régler une danse, une chanson, ou quelque tour d'acrobatie 6, complément fréquent du festin, soit enfin pour escorter le x(i u.oç, où il figure en bonne place et n'est pas le moins allumé (le la bande jo}euse7. A partir du milieu du ve siècle, l'aulos (comme la cithare ou le chant)' est presque toujours confié à une femme. La demande est si forte que l'astynome tire au sort les aulétrides, comme les citharistes, et les distrubue entre les postulants. Dans un intérêt démocratique un maximum de salaire deux drachmes) est fixé pour la soirée mais ce règlement n'est pas toujours obser_ vé f0. Nous reviendrons plus loin sur le recrutement et le genre de vie de ce personnel féminin. En Étrurie, les festins en musique n'étaient pas moins à la mode qu'en Grèce. L'aulète y est généralement un homme". A home, sous la République, dès le temps de Caton l'Ancien, les convives à table ou de jeunes enfants à leurs gages chantent au son de la tibia les récits des hauts faits des ancêtres72. Sous l'Empire, le plus modeste bourgeois, quand il donne à diner, ne se refuse pas le luxe d'un libicen". Mais dans les festins des grands, c'est toute une symphonie qui fonctionne, où la tibia du choraule se mêle à d'autres instruments et aux voix des pueri syhnphoniaci14. La cena de Trimalchion donne l'impression d'un 'véritable ballet de Molière : le découpage des viandes, l'enlèvement des plats, etc., tout se fait en cadence, au son de la tibia et de ses compagnons. Même aux dîners de Sévère, c'est aux accords de la tibia que se sert un plat d'esturgeon'". Concerts. Dans les concerts publics et privés (is th(stç), qui se multiplient à l'époque hellénistique et qu'il est souvent difficile de distinguer des banquets, dont ils peuvent être un épisode, l'autos est quelquefois seul à fournir le divertissement instrumental ; c'est aussi, semble-t-il, le cas de la sérénade des amoureux1'. Bien plus fréquemment l'aulos est associé àun danseur ou à une danseuse, parfois armée de crotales, dont il sert à régler la cadence' D'autres fois il se marie à un ou plusieurs instruments différents : cithare 13, trompette 19, castagnettes 20, cymbales 21, cor, tambourirl2L, etc. Souvent un chanteur ou une chanteuse fait sa partie dans un petit orchestre de ce genre23. Toutes ces combinaisons avaient déjà fait la joie de l'Égypte pharaonique, et c'est par Alexandrie, ce semble, qu'elles se sont répandues dansle monde gréco-romain. Les orchestres monstres mêlés de choeurs caractérisent surtout l'époque romaine; le nombre des tibiae s'y multiplie bien au delà de la proportion admise dans la symphonie moderne 2'. Même dans les exhibitions privées le costume de l'aulète conserve une certaine recherche. Sur une fresque d'IIerculanum représentant un trio, ou peut-titre la répétition d'in trio, l'a.ulète, un gros homme d'aspect joufflu, est assis, le pied posé sur un large scabillum avec lequel il frappe la mesure. Sa tunique de couleur changeante (bleu, rouge) est bordée d'une triple bande et ornée d'empiècements ou de broderies, petites fleurettes dorées se détachant sur un fond pourpre. Une ceinture, jaune et rouge, serre sa taille. Les sandales, le manteau négligemment jeté sur ses genoux, sont de couleur safran, comme l'itimation d'Antigénidas (fig. 6983) 20 La tibia clans l'armée. Plusieurs peuples barbares, les Lydiens par exemple, employaient l'autos dans leur musique militaire". Aux veux des Grecs de l'époque TIB 327 TIB post classique, c'est là une pratique efféminée : Posidonius la raille à l'occasion de la guerre que se firent de son temps deux villes de Syrie. Mais à l'époque archaïque on pensait autrement. Chez les Lacédémoniens, l'air de Castor (xu.cTOpEtov) joué sur l'aulos maintenait l'ordonnance de la phalange au moment de l'attaque, et c'est encore l'aulos qui accompagnait le péan de la charge (p.ea2-tiptov) entonné par les guerriers Les Crétois, dans les mêmes circonstances, associaient l'aulos et la lyre'. Plusieurs danses militaires comportaient également l'accompagnement de l'aulos. C'est le cas certainement de la pyrrhique lacédémonienne, qui devint ailleurs un simple divertissement'. Les Mantinéens de Xénophon, dans une fête militaire, marchent, dansent et chantent au son de l'aulos qui joue l'air du pas d'armes (lv a).tov) 6. Encore Alexandre, si l'on en croit la légende, courait aux armes en entendant un aulète souffler sur le chalumeau le nome orthien6. La tibia dans la marine. Le son de l'aulos, propre à marquer le rythme, l'ut longtemps employé chez les Grecs pour régler la cadence des rameurs, particulièrement dans la marine de guerre. Chaque trirème avait son instrumentiste attitré, le Tptr,paua7;ç 7, qui jouait l'air des rameurs (spETtxiv, EioECia), ou l'air des trirèmes (Tptr,ptxdv), parfois aussi des morceaux de choix comme ceux d'tsménias". Le trièraule est représenté sur quelques monuments'. C'est quelquefois un esclave, comme ce Phormion, dont Démosthène fait l'amant de la mère d'Eschine10; mais ce peut être aussi un artiste de haut rang. Douris de Samos nous montre Alcibiade, en 408, faisant son entrée triomphale au Pirée, pendant qu'à côté de lui l'aulète thébain Chrysogonos, un vainqueur du concours de Delphes, drapé dans la stola pythique, marquait la cadence aux rameurs". Tibia el gymnastique. La palestre grecque est l'école de la guerre. Comme celle-ci elle comporte l'intervention à la fois excitante et régulatrice de l'autos''. Son emploi le plus remarquable dans ce genre a lieu dans le concours du pentathle à Olympie, particulièrement dans l'épreuve du saut. Un aulète distingué, même un pythionique, estimait à honneur d'être désigné pour ce service. 11 jouait soit 1'aa-gµa TiuOtxov, soit la vieille ritournelle (ivôcop.') attribuée à lliérax. L'usage subsistait encore à l'époque hellénistique, ruais avec un répertoire plus vulgaire ". Aux ,jeux SI halons d'Argos, l'autos était également de tradition dans le concours de lutte (7:â),-i))14. Aux Panathénées, certains exercices de voltige armée, qui rentrent, il est vrai, plutôt dans l'acrobatie que dans la gymnastique proprement dite, comportaient le même accompagnement". La règle olympique s'introduisit dans la pratique des palestres athéniennes, où de nombreuses peintures de vase en portent témoignage, à l'occasion des exercices les plus variés16; exceptionnellement une femme tient l'instrumentJ7. L'usage grec se constate aussi en Étrurie, du moins dans les concours de pugilat'".On peut rattacher au même ordre d'idées l'emploi de la tibia phrygienne à [tome, pour animer les jeux du cirque(° et de l'amphithéâtre. Tibia et travail.Un phénomène très répandu chez les peuples primitifs est l'emploi d'une musique vocale et instrumentale, fortement rythmée, pour marquer la cadence, et par là diminuer l'effort de certains travaux manuels2', ou encore, dans les intervalles d'un labeur pénible, pour soutenir le moral de ceux qui s'y adonnent. Aucun instrument n'est plus apte à cette fonction que l'aulos. Aussi le voyons-nous usité en Égypte pour régler les mouvements des moissonneurs et des rameurs"' ; en Étrurie, pour rythmer le pétrissage de la farine et jusqu'au supplice du fouet22. La Grèce archaïque a connu des pratiques analogues. Dans la liste des aûar,N.ztz professionnels23, on voit figurer l'air du pressoir (êrtarwtov) qui, transporté à Alexandrie, se chanta dans une grande procession dionysiaque'', TIB 328 T113 Au Ve et au Ive siècle, la Béotie, Thèbes en particulier, hérite de la suprématie d'Argos et devient le foyer incontesté de l'art aulétique. C'est là que Pronomos, Diodore, Antigénidas réalisent des perfectionnements successifs dans la technique et la construction de l'instrument. Chargés de couronnes, appelés à toutes les fêtes, richement payés pour leurs concerts et leurs levons, -nous savons qu'ils n'enseignaient pas seulement leur instrument, mais le chant et la musique en général, les virtuoses thébains colportent de ville en ville leur talent, leur orgueil et quelquefois leur faste : on cite, pour le luxe extravagant de leur costume et les pierreries dont ils aimaient à se parer en public, Isménias, Nicomaque et Dionysodore 1. Si « mener une vie d'aulète » devient alors ine expression proverbiale pour désigner une existence de parasite 2, un culte enthousiaste s'attache aux grands artistes du passé. Sacadas, à qui Pindare avait consacré un poème, eut'sastatue à l'Hélicon et sa tombe monumentale àArgos 't. Pythocrite etPronomos se virent également ériger des statues Téléphane de Samos ou de Mégare, contemporain de Démosthène, eut un tombeau remarquable, construit aux fraisa de Cléopâtre, fille de Philippe. Nous montrerons plus loin que les femmes aulétrides apprenaient leur métier dans des écoles spéciales (aé),r)ap:uix). Il existait certainement aussi des écoles pour les autètes mâles et même, au y' siècle, l'étude de l'autos faisait partie de l'éducation libérale en général. Mais les virtuoses durent toujours avoir un cercle restreint de disciples; les exemples de Pindare, de Pronomos, de Potamon prouvent aussi que la vocation était souvent héréditaire. On a vu que les aulètes cycliques, en leur qualité de salariés des poètes, furent longtemps moins considérés que les solistes. Déjà cependant Simonide célèbre l'un d'eux, Ariston d'Argos Vers l'époque d'Alexandre, la distinction sociale entre pythaules et choraules parait presque effacée; le plus souvent d'ailleurs le même artiste fonctionne selon l'occasion dans l'une et l'autre qualité 8. L'engouement pour les virtuoses de l'aulétique se perpétue et s'étend dans le monde grec à travers l'épocuehelléiiistiqiie etromaine.Les inscriptions nous les montrent promenant d'un bout à l'autre de la Méditerranée leur carrière triomphale, choyés et gratifiés par les princes, qui parfois les attachent à leur personnes, accumulant les couronnes dans les jeux et les lettres de bourgeoisie dans les villes, obtenant enfin de leur vivant les honneurs que l'époque classique réservait aux gloires consacrées par la mort et par le temps, comme, par exemple, des statues 10. Immédiatement après les virtuoses à réputation universelle viennent, comme considération, les aulètes à poste et à traitement fixes. Tels sont les aulètes des grands sanctuaires, dont nous avons déjà parlé, ceux qui font partie du personnel permanent de certaines associations religieuses ai, l'aulète attaché au collège des archontes d'Athènes f2, celui de la boule 13, etc. Si la Grèce n'offre pas d'exemple de collèges spéciaux d'aulètes, à partir de l'époque macédonienne les membres un peu distingués de la profession s'inscrivent dans les grandes associations d'artistes dionysiaques (ativo' ot TeAvtrdv) qui s'organisent à Athènes, à l'Isthme, à Téos, et qui souvent prennent à l'entreprise la-partie musicale d'un festival religieux. A mesure que se répand le goût alexandrin et romain pour les grandes exécutions collectives, une distinction professionnelle et sociale s'établit entre le protaules'4 d'un orchestre, commenous disons premier violon, première clarinette, -et le modeste hypaules. Au-dessous de ces diverses catégories relativement privilégiées, vient un nombreux prolétariat : l'humble spondaule, le tymbaule, plus misérable encore'', le triéraule, parfois esclave, et, tout au bas de l'échelle, le musicien ambulant appelé, suivant les cas, calamaule, rapaule, ascaule, etc., qui court les grands chemins, emportant sur son dos son mince bagage, dont une cithare fait quelquefois partie 1a. Rome parait avoir d'abord demandé ses tibicines Ô. 1'Étrurie 17. A partir du IIe siècle, c'est surtout la Grèce et l'Orient qui les lui fournirent : on connaît ces joueuses de chalumeau syriennes groupées en compagnies et connues sous le nom de AOII3uBAIAE J3. Assurément il ne manquait pas de professionnels jouissant de quelque considération : nous avons parlé du collège des tibicines attachés aux sacrifices publics et des privilèges qu'ils avaient reçus. Mais la plupart des artistes sont de condition modeste, sinon servile, et cela dès l'époque républicaine '. Sous l'Empire, mainte grande familia comprend par centaines des instrumentistes de tous genres et, entre autres, des joueurs et joueuses de chalumeau2° Martial nous laisse entendre que de son temps ce n'était pas un mauvais métier que celui d'aulète 21 ; le plus célèbre virtuose fut, au temps de Néron et de Galba, le choraule Canus le Rhodien, auteur du mot fameux : « Si mes auditeurs savaient le plaisir que me donne mon art, ils se feraient payer par moi an lieu de me payer 02• » Au temps d'Auguste, le tibicen Princeps n'étalait pas moins de faste et de vanité ridicule que ses anciens confrères thébains 24. Encore sous les derniers empereurs paiens, on voit un choraule exhiber en public le manteau de pourpre que lui a donné un grand personnage 24. Toutes les variétés d'aulètes que nous a fait connaître le monde grec se rencontrent également à Rome : choraule on connaît une représentation de nain choraule (fig. 6980) -, pythaule 26, spondaule27, calamaule 2s, camptaule 2" (probablement le sonneur 42 TIB 310 TIB d'aulos phrygien), protaule', hypaule 2, etc. Toutefois, d'une manière générale, le jeu de la tibia n'a jamais passionné la société romaine au même point que la citharodie, et ses plus fameux virtuoses n'ont pas obtenu la fortune et les bonnes fortunes dont s'énorgueillirent les grands citharèdes. Une mention spéciale est due àl'aulète femme (alinriTÇÀ;, tibicina,, une des physionomies les plus curieuses de la société grecque, et spécialement attique, à partir du ve siècle 4. Exclue des concours, rarement appelée au service de la religion ou de la palestre, la joueuse d'aulos prend sa revanche dans les concerts et surtout dans les banquets, d'où elle évince peu à peu son collègue masculin S. L'exemple de l'Égypte 6 et des autres nations orientales rappelons-nous les ambubaiae syriennes n'a pas été étranger à cette évolution de la mode. On constate parmi les aulétrides les mêmes distinctions sociales et économiques qu'entre les aulètes. A côté de la pauvre fille qu'on voit s'acheminer modestement vers le lieu du festin, son panier de Fig. 6956. Caricature provisions sur les épaules et répé de femme aulète. tant son morceau tout en mar chant 7 ; à côté de la vieille mendiante flétrie que caricaturent les coroplastes (fig. 6986 8, il y avait des artistes fort huppées et qui menaient grand train. Il faut dire que la source de leur opulence n'était pas toujours leur talent; il aurait fallu beaucoup de soirées à deux drachmes le tarif officiel des astynomes, on s'en souvient pour mettre Lamia 9 dans ses meubles. La vérité est que les aulétrides côtoyaient de fort près la condition des hétaires. Formées dans des écoles spéciales10 (les plus estimées venaient d'iEgium en Achaïe) ", où fréquentaient volontiers les jeunes désoeuvrés, elles y prenaient de bonne heure le goût de la vie joyeuse. Aux carrefours elles guettent le client, armées de leur sourire 12. Dans les soupers où elles arborent des toilettes élégantes, des bijoux, la mitre enrubannée 13 et la robe diaphane 14, elles doivent se prêter à toutes les fantaisies, même non musicales, des convives échauffés par le vin 15. On se plaisait à les faire boire, à les déshabiller 16, et la tibicina temalenta, qui n'est pas inconnue non plus à l'orgie romaine 17, avait fourni à Lysippe le motif d'un de ses chefs-d'teuvre'a. Le souper fini, elles prennent part au xs .o; tumultueux qui se prolonge fort avant dans la soirée. Il arrive qu'un convive, un peu plus aviné que les autres, fasse trois fois le tour de la maison en portant l'aulétris dans ses bras 13; pis encore, on la met aux enchères, et l'adjudicataire, fût-il un philosophe, emmène l'artiste chez lui pour achever la nuit en sa compagnie 20. De ces rencontres for tui tes pouvaient naître des attachements durables : il n'est pas rare de voir un fils de famille installer chez lui une aulétris comme concubine 21, et l'esclave débauché marchait parfois sur les brisées du maître 22 écrit quelque part Diderot, a le son désagréable et sauvage ». Gevaert parle plus modérément de son timbre mordant et caractéristique ». Les anciens, pour définir le timbre de l'aulos, emploient des épithètes contradictoires. Les uns le qualifient de rauque, de lugubre et d'horrible, les autres de perçant et de retentissant, quelques-uns de gracieux, de suave ou de plaintif23. Il faut prendre garde que ces adjectifs visent en réalité des variétés différentes du même instrument. Nous savons, par exemple, que l'aulos phrygien avait une sonorité rude et bruyante, le monaule et le plagiaule une voix caressante et douce. Dans un même instrument, on constate une différence de timbre sensible entre le son grave et sombre du bourdon et les notes plus claires des ouvertures latérales24. D'une manière générale, les perfectionnements techniques de l'aulos, l'emploi d'une matière plus rigide que le roseau, l'addition de la ceinture métallique que composent les viroles, contribuèrent sinon à modifier le timbre de l'instrument, qui est à peu près indépendant de sa matière, du moins à renforcer sa sonorité. On sait qu'Ilorace compare le son de la tibia de son temps à celui de la trompette'. L'appréciation que les critiques anciens portent sur le caractère moral(' 6o;) de l'aulos doit s'entendre surtout par comparaison avec la lyre et la cithare, dont les sons purs, mais grêles et incolores, produisaient sur eux l'effet de la sérénité. D'autre part, en vertu d'une association d'idées trop naturelle, on attribua souvent à l'instrument les caractères généraux de la musique asiatique, où il trouvait son emploi ordinaire, et du mode phrygien, qui en était en quelque sorte inséparable. C'est en ce sens que de nombreux textes qualifient l'aulos d'instrument sauvage, pétulant, bacchique, orgiastique, enthousiaste et surtout pathétique 26. Au lieu d'apaiser l'âme, de lui apporter l'équilibre moral, sa voix frémissante, proche parente de la voix humaine, soulève, remue, nous fait sortir de nous-mêmes. Confident de la joie aussi bien que de la douleur, il renforce l'une et atténue l'autre, comme un être sympathique qui sait les partager ; de même il enflamme l'amour et exalte la TIB 331 T1B ferveur religieuse 1. On lui attribue une action merveilleuse sur certainsanimaux 2, magique même sur certaines eaux; il engendre des désordres surprenants dans la nature humaine, mais il produit aussi des guérisons morales et physiques étonnantes, en particulier celle de la sciatique et des morsures de vipère': Si la puissance artistique et émotive de l'autos n'a jamais été contestée dans l'antiquité, les avis différèrent sur sa valeur éducative. L'école pythagoricienne ne l'a pas mise en doute : Pythagore, racontait-on, ramena à la raison des jeunes gens ivres en faisant jouer par l'aulète un air de libation, avouant ainsi, dit un critique, que les aulètes pouvaient plus que les philosophes pour le redressement des mœurs 5. Ses disciples ont cultivé l'autos, aussi bien que la lyre°, et lui ont consacré de nombreux écrits. Après la guerre médique, dans le merveilleux éveil de toutes les curiosités qui épanouit alors l'Aine grecque, la jeunesse de beaucoup de cités se lança avec ardeur dans l'étude de l'autos comme dans celle des instruments polychordes 7. A Athènes, des noms illustres de l'aristocratie, Callias, Critias e, peut-être Périclès luirnême°, figurent parmi ses adeptes. Les monuments nous le montrent enseigné sur les bancs de l'école10 manié par les éphèbes pendant et après le banquet11, étudié même dans le gynécée12. A Héraclée Pontique, à Lacédémone, l'engoûment ne fut pas moindre13. On vit un noble Spartiate, chargé d'une chorégie, servir luimême d'aulète à son chœur". Entre 450 et 440 une réaction se produisit à Athènes contre cette mode irréfléchie. La réaction avait peutêtre un arrière-fond politique: larivalité croissante contre Thèbes, capitale incontestée de l'aulétique. Mais dans la polémique qui s'engagea à cette occasion, on ne fit valoir que des raisons esthétiques et morales. L'autos, disaiton, à la différence de la cithare, ne permet pas à celui qui en joue de chanter en même temps ; de plus, il déforme les traits du visage. S'appuyant sur un vieux mythe préexistant, selon lequel Apollon avait écorché Marsyas1", on raconta que l'autos, inventé puis rejeté par Athéna, avait été ramassé par le Silène phrygien, qui défia le dieu de la lyre et fut vaincu par lui. t2n groupe de Myron, un dithyrambe de Mélanippidès" popularisèrent cette forme nouvelle et tendancieuse de la légende. Le jeune Alcibiade, qui cependant, dit-on, avait pris des leçons de Pronomos' déclara de mauvais goût l'usage de cet instrument barbare, bon pour des gens qui ne savaient pas causer, et son exemple entraîna la jeunesse dorée qui recevait de lui le mot d'ordre'$. En quelques annéesl'aulo,rs fut banni de l'éducation des citoyens, et un peu plus tard l'école socratique, inspirée peut-être parle citharède Damon, trouva de profondesraisonsphilosophiques1° pour confirmer une condamnation qui resta saris appel, malgré l'éloquentplaidoyer du dithyrambiste Télestès 20. Il n'en faudrait pas conclure que l'autos, au Ive siècle, ait tenu une place moindre dans la vie musicale d'Athènes qu'au ve ; mais il est désormais exclusivement un instrument de professionnels et surtout de professionnels étrangers. Sur la liste assez longue des aulètes cycliques, couronnés dans le concours du dithyrambe, dont les noms nous sont parvenus, on trouve des Béotiens, des gens de Sicyone, d'Argos, d'Ambracie, d'1Jpidaure, mais pas un Athénien 21.Et cette circonstance contribua à grossir les frais de la chorégie dithyrambique, bien plus coûteuse, nous assure Démosthène 22 ,que celle de la tragédie. La plupart des États grecs suivirent Athènes dans cette évolution. Seule la Béotie23 fit exception à la règle. Premier foyer, dans la Grèce propre, du culte de Dionysos, elle resta fermement attachée à l'instrument de prédilection du dieu. L'étude de l'autos continua d'y faire partie de l'éducation des jeunes gens libres2' et reçut même une consécration légale inspirée, disait-on, par le désir de tempérer l'impétuosité naturelle du caractère thébain 2°. Jusqu'à la fin de leur existence indépendante, les Thébains conservèrent dans cette branche de l'art une primauté indisputée, et la légende raconte qu'ifs se consolèrent un peu de la destruction de leur ville en découvrant dans ses ruines une vieille épigramme qui proclamait cette suprématie'°. A l'époque hellénistique, les villes purement grecques restèrent fidèles à la tradition qui excluait l'autos de l'éducation libérale. Il est remarquable qu'il ne figure pas dans le programme, pourtant si complet, de l'enseignement musical donné aux enfants deTéos2'. A Alexandrie toutefois, l'étude de toutes les variétés d'autos, mais particulièrement des variétés à un seul tuyau, parait avoir été en faveur clans toutes les classes de la société28. Le dernier des Lagides s'y adonna luimême avec tant d'ardeur qu'il en reçut le surnom méprisant d'Aulète29. AHome, sous la République, l'exercice d'un talent musical quelconque fut longtemps réputé incompatible, sinon avec la qualité de citoyen, du moins avec une naissance distinguée. Les choses changèrent sous l'Empire, et l'aulétique, sans faire fureur, on l'a vu, au même degré que la citharodie, conquit des amateurs dans l'aristocratie et jusque sur le trône. On cite comme ayant pratiqué le jeu de la tibia Néron, Domitien, Alexandre Sévère et Gallien 30. Quant à Héliogabale, il se contentait TIG 332 TIG de chanter avec accompagnement de chalumeau '. La tibia proprement dite est encore mentionnée à diverses reprises par les poètes du Ive et du ve siècle après notre ère2. Elle disparaît après cette date, et deux causes paraissent expliquer son abandon : 1° la difficulté technique de l'instrument, qui ne devait plus guère attirer d'adeptes à une époque profondément troublée et au milieu de l'abaissement général des études ; 2° l'étroite association de la tibia avec les cérémonies religieuses du paganisme : sacrifices, libations, etc., plus particulièrement avec les mystères de deux des cultes les plus abhorrés et les plus redoutés par l'Église, en raison de l'empire qu'ils gardèrent longtemps sur les âmes, je veux dire les cultes de Bacchus et de Cybèle. Le christianisme avait pu adopter Orphée et sa lyre ; il rejeta Marsas et le souffle passionné de ses chalumeaux 3. L'orgue, plus sonore et qui ne réveillait pas d'aussi dangereux souvenirs, était là, tout prêt, pour recueillir leur TIBIALE. Pièce de vêtement ou d'armure enveloppant la jambe (tibia ; elle préservait du froid les personnes délicates ' et des coups les gens de guerre 2 elle pouvait être ou d'étoffe, ou de cuir, ou de métal. C'est donc une simple variété de l'ocIEA et peut-être encore des FASCIAS. Son équivalent grec est inconnu on a voulu' l'assimiler à la 7ieptxvrlu(ç s, mais celle-ci parait identique à la xvr)Ntiçs. V. CILAPOT.