Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article TIGNUM

TIGNUJII (dOxe;2). Poutre, solive. Dans la pratique, malgré les distinctions des grammairiens' et les redondances des auteurs ", tignutn ne diffère guère de trabs, trabes ; on peut même leur appliquer la plupart des sens divers de PALus [cf. encore ASSOR1. TIPI 337 TIM Ce sont surtout des troncs d'arbres employés dans les retranchements [VAL1:UM ; cf. fig. 177], comme ceux qu'on voit abattre ou porter par l'armée romaine dans diverses scènes de la colonne Trajane' (fig. 6990), et des bois de construction2. La langue de la jurisprudence, fidèle aux vieilles habitudes 3, désigne par ce mot tous les matériaux de construction en général' ; pour tant le sens res treint reparaît dans le tignum junclunt, poutre engagée dans la maison voisine. Pour le jus tigni inunittendi, cf. SERVI US, p. 1283. i'I11I:M a [DIRE, p. 202 . 'l'IMOR, l'Effroi. Les Latins ont quelquefois employé Timor comme un synonyme de PAVOR', pour désigner cet être surnaturel que les Grecs appelaient puoBos. Hygin fait de Timor un fils de l'Éther et de la Terre'. D'un passage de Cicéron, oit il est mentionné sous le nom de Jletus parmi les enfants de l'lirèbe et de la luit, il résulte clairement qu'au temps de cet écrivain on le considérait, non pas comme un dieu, ruais comme « un monstre imaginé par les anciens généalogistes3 ». Si l'Effroi a reçu un culte chez les Grecs rpltonos], nous ne voyons pas qu'il en ait été de même chez les Romains à l'époque classique et, quoique Cicéron parle en philosophe, son jugement suppose qu'il était d'accord avec le sentiment général de ses concitoyens. Timor n'apparaît que dans deux textes poétiques, où l'imitation d'IIomère et d'llésiode est évidente'. Saint Augustin abuse donc des termes, pour les besoins de sa démonstration, lorsqu'il parle d'un a deus Timor ». Ce n'était en réalité, aux yeux des Romains, qu'une figure allégorique, une abstraction personnifiée, que les superstitions de basse époque ont pu, il est vrai, transformer parfois en un démon malfaisant, aussi puissant que les dieux univer sellement reconnus. GEORGES L Ai AVE. du mot, les timouques sont des « magistrats », et c'est ainsi, en effet, qu'Ilésychius' explique le mot. En fait, 1X. c'est avec ce caractère qu'ils apparaissent à Messène, à une époque d'ailleurs indéterminée, mais qui n'est pas antérieure à l'établissement du gouvernement oligarchique, en 220 2. A Téos également, les timouques étaient des magistrats, que l'on voit figurer, au Ve siècle, à côté des aesymnètes (peut-être n'y a t-il qu'un seul aesymnète) et des euthynes3, et, au lue siècle, à côté des stratèges'. Dans ces deux documents et dans un troisième 5, les timouques paraissent avoir un caractère et des attributions d'ordre surtout religieux. A Naucratis enfin, Athénée signale l'existence de timouques qui semblent présenter le même caractère 6. Tout autres étaient les timouques de la colonie pho céenne de Marseille [AIASSILIENSICM RESPUBLICA]. C'était, en effet, un corps de six cents membres, nommés à vie, et qui se recrutaient (sans doute par cooptation), au temps de Strabon, parmi les citoyens ayant au moins trois enfants et citoyens au moins depuis trois générations'. Mais il est probable qu'il n'en avait pas toujours été ainsi. Aristote nous apprend, en effet, qu'il fut un temps oit, à Marseille, un très petit nombre d'hommes exercaient seuls le pouvoir jusqu'au jour où, sous la pression de la plèbe, « l'oligarchie devint plus républicaine » 8. La réforme aurait consisté, toujours d'après lui, à conférer les droits politiques à des membres de la cité qui jusque-là n'étaient que des citoyens passifs, et même à des hommes pris en dehors de la cité, c'est-àdire évidemment à des métèques'. Et peut-être cette réforme aurait-elle été précédée d'une autre, qui aurait ouvert d'abord l'accès de la charge de tirnouque aux frères ou aux fils des membres de cette assemblée, jusque-là ouverte seulement aux chefs des familles 10. Nous ne savons quand ont eu lieu ces changements, ruais la suite de l'histoire de Marseille semble indiquer la fin du ve siècle. Et c'est sans doute à partir de ce moment' que l'appellation de timouques fut souvent remplacée, au moins dans le langage courant, par celle de Six Cents. Le nombre des timouques, peut-être variable auparavant, avait dû être fixé à ce chiffre et augmenté sensiblement. C'est ainsi que les désignent un décret honorifique de la cité de Lampsaque de 196 avant notre ère", Valère Maxime " et Lucien". Or, on trouve dans deux autres cités grecques, à lais et à Syracuse, un corps politique désigné du même nom. A Élis, il parait seulement après le synoekisme de cette ville, vers 420; et les Six Cents y font alors contre-poids à l'ancien conseil des Démiurges, seul corps politique de la constitution antérieure". Il s'agit donc bien d'une transformation du régime oligarchique dans un sens démocratique, comme à Marseille ; mais là TIN 333 TIN s'arrête l'analogie : il parait, en effet, y avoir eu à Élis une assemblée du peuple, dont il n'y a pas trace à Marseille'. Quant à Syracuse, les Six Cents semblent y avoir exercé le pouvoir suprême sous le régime oligarchique qui règna entre la mort de Timoléon et la tyrannie d'Agathocle 2. C'est à ces timouques de Syracuse que ressemblent le plus ceux de Marseille. II est vrai que l'on regarde généralement ceux-ci comme ayant constitué un Sénat. Mais il semble bien qu'ils fussent plus et mieux que cela, car l'on ne voit à côté d'eux que des commissions exécutives, tirées de leur sein, les Quinze et les Trois, et pas d'autre corps délibérant. Ce corps aristocratique n'était donc pas seulement un organe de gouvernement, c'était la « cité légale ». Ainsi s'expliquent les passages de Cicéron où il taxe de servitude la condition du peuple à Marseille'. Les timouques dirigeaient en toute souveraineté lapolitique extérieure de la cité. Lorsque Jules César se présenta devant Marseille, c'est la commission des Quinze qu'il convoqua et avec qui il délibéra. Mais les Quinze ne firent qu'en référer, évidemment, aux timouques, quoique César ne les nomme pas, et c'est la réponse de ceuxci qu'ils rapportèrent à Césars. Ils fonctionnaient aussi comme cour de justice, au moins pour certaines affaires. Lucien nous parle d'un citoyen qu'ils avaient frappé d'atimie, peine entraînant la confiscation des biens, pour avoir fait une proposition contraire aux lois existantes 5. Il s'agissait donc d'un délit politique, réprimé par une loi analogue à la 'pz r) 7fEpav6uwv des Athéniens, et le délinquant était salis doute lui-même un timouque, puisqu'on ne voit pas où il aurait pu faire cette proposition, si ce n'est dans le Conseil même. D'autre part, d'après Valère Maxime, les timouques auraient eu le droit de délivrer de la ciguë aux citoyens qui leur en auraient fait la demande en leur démontrant qu'ils avaient une raison honorable de se suicider e. On a fort bien montré que Valère Maxime a mal interprété une loi, ou plutôt une coutume, commune à Marseille et à l'île de Céos, en vertu de laquelle les magistrats pouvaient adoucir le sort des condamnés à mort, en leur permettant d'échapper, par l'empoisonnement, à l'exécution par la main du bourreau'. Mais de quels condamnés s'agit-il ? de tous les condamnés à mort, ou seulement des condamnés politiques? et par qui avaientils été condamnés, par les timouques ou par des magistrats spéciaux? C'est ce que nous ne pouvons décider.