Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

TINA

TINA ou TI`UU. Vase à contenir le vin. C'est un grand récipient, une sorte de cratère, et l'on pense que le mot latin pourrait venir d'une corruption du grec iîvoç, ô(v-rl [CRATER, p. 1554]'. Cette forme de vase devait être ancienne, puisque Varron dit qu'après s'être servi d'outres, on employa ensuite les tinae dans les banquets'. C'était un progrès sur les habitudes de la vie primitive. On trouve aussi la forme tinial. E. P. Industrie de la teinture. La, tendance à donner aux objets des couleurs artificielles s'éveille chez les races dès l'âge de la barbarie. Alors qu'ils étaient encore un peuple très jeune, -et surtout alors, les Grecs avaient un goût marqué pour le bariolage, comme en font foi les vestiges de l'art archaïque, dans la sculpture et la construction. Les anciens aimaient à recouvrir de tons éclatants et variés leurs intérieurs, le mobilier et les articles d'usage courant, comme les vases de terre. Ils en donnaient même à certains bois, le térébinthe, le noyer et le poirier sauvage, qu'ils plongeaient dans des décoctions colorées' ; l'alun, qui a de précieuses vertus ignifuges2, est en même temps un véhicule excellent pour les couleurs et a pu être employé à deux fins. Il serait donc surprenant que l'invention de la teinturerie, qui proprement concerne les étoffes, ne fût pas à peu près contemporaine de celle du tissage ; le hasard lui-même a dû, bien des fois, faire constater les propriétés colorantes qu'ont les sucs de certains végétaux, et suggérer à l'homme l'idée de s'en servir pour se parer à l'imitation de la nature environnante. Imitation que nous n'avons pas à supposer : elle est parfaitement attestée à nos yeux par les formes du langage usuel', qui évite de prêter aux nuances des dénominations abstraites, comme rouge vif, bleu foncé, vert clair. Bien que ces dénominations fussent connues" [cohoal, on leur préférait celles qui s'inspiraient de quelque modèle existant. La distinction des couleurs a chez les anciens une base essentiellement naturaliste ; les variétés de la pourpre sont mises en rapport avec la jacinthe, la violette ou l'améthyste ; on parlait de la (3xrpx»ç', vêtement « vert grenouille » ; nos désignations modernes : bleu de ciel, vert pomme, etc... remontent aux Grecs (a.(ptvov, u~atvov) s. Ovide' recommande aux femmes, pour leurs robes, la couleur du ciel pur (7'o â~oaov 8), le ton naturel de la laine, celui des vagues de la mer', le jaune safran f0 le vert de myrte (lnyrteum "), l'améthyste, la rose blanche, le gris de la grue, et les tons des divers produits des règnes végétal ou animal : le gland, l'amande, la cerise 12 et la cire13. Le grammairien Nonius Marcellus mentionne les vestes caltitulaei4, couleur de souci (caltira), ferrugineae, violaceae'5; dans les jeux du cirque, tout un parti arborait le 79zatvov, couleur du poireau'. Au temps où l'on expliquait tout progrès industriel par l'influence des phéniciens, Ernest Curtius U a voulu attribuer à ce peuple l'introduction en Europe de l'art de tisser et de teindre les fins lainages, en môme temps que celle du culte d'Aphrodite, auquel servaient ces étoffes ; TIN 339 TIN tout 'au plus faut-il admettre avec Blümner que la teinturerie d'art a été importée par eux, et encore est-ce là une pure hypothèse ; les procédés élémentaires ont sûrement une très ancienne origine et peuvent être en Grèce autochtones, comme en Italie chez les Étrusques, dont la tradition nommait les teinturiers au nombre des corporations du roi fuma 2. Ce domaine technique est un de ceux dont les secrets nous échappent le plus complètement ; notre information présente moins de lacunes en ce qui touche une seule branche, la plus appréciée de toutes, la teinture en pourpre [PURPURA:, mais il serait arbitraire d'étendre à toutes les autres ce qui, dans les méthodes de cette Spécialité, aurait été susceptible d'emprunt. Quant aux résultats atteints par cette industrie, il suffit de répéter d'un mot les monuments figurés reproduisant des étoffes en couleurs ne laissent point reconnaître toute la variété des nuances obtenues ; les teintes, sur les vases peints, les terres cuites, dans les fresques campaniennes, sont souvent bien effacées, ont pu être altérées par les influences atmosphériques, résultent aussi de procédés peut-être plus limités que ceux de la teinturerie et enfin, dans bien des cas, semblent juxtaposées par la fantaisie de l'artiste sans égard à ce qui se faisait dans la réalité. Les fragments d'étoffes, très rares, qui nous sont parvenus' de l'époque classique (fig. 6717, 68D), laissent planer les mêmes incertitudes sur les effets du temps ; les échantillons un peu nombreux ne remontent pas au delà de l'Empire et sont presque tous d'époque byzantine (fig. 6850, 6851) ; la sécheresse du sol égyptien leur a peut-être mieux conservé leurs tons naturels, mais, outre qu'ils sont de date tardive, ils ne nous renseignent que sur les goûts et les moyens artistiques d'une seule contrée. Il y a tout lieu d'admettre qu'en Grèce le chiton ~rcNlce] et l'himation (PAU,IusI], à Rome laTOC.1 gardaient en général une teinte blanche uniforme,égayéeseulement pardes garnitures et des bordures d'aspect plus vif ; les travailleurs manuels portaient de préférence des vêtements de couleurs sombres ; les femmes, principalement en Grèce et dans la période archaique, les hommes aussi aux jours de fêtes, se drapaient dans des atours plus éclatants et plus variés, et cette mode se généralisa à la basse époque romaine [LACERNA] ; elle fit fureur chaque fois que le contact avec les Orientaux devenait plus étroit ; mais les peuples européens de la Méditerranée d'eux-mêmes inclinaient davantage à la sobriété, moins peut-être pour la parure de leurs intérieurs (rideaux, tapis) que pour celle de leurs personnes. Les noms des vêtements'cités plus haut, qui rappellent ceux d'un animal ou d'un fruit, sont caractérisques à ce point de vue. A l'époque classique, les habits d'une seule couleur sont, dans l'opinion publique, seuls dignes de l'homme, car eux seuls peuvent faire valoir les formes du corps, dont l'harmonie serait rompue par les lignes des étoffes trop historiées. Tout autre est le goût des temps homériques ; les costumes de fantaisie, bariolés, sont en grande faveur, et cela suppose forcément un développement précoce de la teinturerie. De ce métier nous ne connaissons guère que les termes qui y étaient en usage et les produits naturels qui y trouvaient emploi. Teindre se dit RxaTEty 4, car on procède par immersion, d'où pa?txyi e, ~3x7zTZ i(J..Tta 7 ; dans son atelier (lix?dQ%,s), le teinturier ((3x?_S;°) prépare le bain de teinture (dzu.u.x "1). Xcwvvwxt marque plutôt le fait de colorer par impression, par opposition, et par suite l'action de se farder 11. Enlatin, tingere, ou mieux linguere12, cere13, of/ic•ere 1 `, su/'/icere 15, rendent la même idée de pénétration ; pour la pratique du métier, tinetura 1G, infectio17, in/'ictus", o/fectiol°, su//'ectio90; l'artisan se nomme tinclor2),plus souvent infector22 ou o/fector23. l'atelier, tinctorium3'`, infectorium 2a. Les colorants euxmêmes peuvent se dire généralement zpi'i;ux ou colon, mais, comme les couleurs nécessaires aux peintres ou les fards, ils se rendent surtout par Çi9h.xxo).1 26 medicamen ou MEDICAMENTU9I, pigmentum 27, et sont vendus par le Les couleurs doivent résister au frottement et même, sans perte sensible, au lavageàl'eau chaude et au savon; c'est cette résistance qu'exprimait le terme ôauac7toto; 2a lequel désignait aussi le teinturier L9. L'étoffe devait boire la couleur30, t5 ~xOo;, Eq xboov, jusqu'à saturation 31 ; la gardait-elle, on disait qu'elle avait sa fleur(xvOcs), qu'elle était EûxvO,;, âvxvO);;, vvQoe2?i1;32. La plupart des matières tinctoriales ne sont pas (pour employer le langage moderne) substantives ou directes, n'ont pas cette propriété de s'incorporer par elles-mêmes aux éléments du tissu; elles sont adjectives ou indirectes; on les combinait donc, comme aujourd'hui, avec un mordant (7rpda pour la pourpre, l'alun, employé pareillement de nos jours ; on se servait aussi de saponaire (6T7o Otov 36), de couperose, de sel de tartre37. Le maniement de ces matières caustiques exigeait des précautions : aussi la TIN 310 TIN teinturerie ne pouvait guère être une industrie domestique, pour l'occupation des femmes et des esclaves; elle a dû constituer dès le principe une industrie distincte', prenant la laine2 aussitôt après le cardage et la donnant ensuite à filer et à tisser', ce qui se pouvait faire à la maison. Rien n'empêchait d'ailleurs de plonger dans le bain une étoffe ou un vêtement, qu'on voulait reteindre lorsqu'ils étaient passés ; mais la pièce ainsi immergée était forcément monochrome, il n'en allait point de même lorsqu'on tissait avec des fils variés [TEXTBINUM]. Pline a cependant décrits un procédé des Égyptiens qui rappelle notre teinture par impression et qui n'est possible qu'avec les matières colorantes adjectives on dessinait sur l'étoffe, avec le mordant isolé, les sujets ou ornements qu'on voulait faire venir en une teinte donnée ; puis on la plongeait dans le bain, porté à une température élevée ; après lavage., les parties non recouvertes parle mordant reprenaient seules leur couleur primitive. Avec un seul bain, mais en variant les mordants, on obtenait plusieurs sortes de tons. On sut de bonne heure aussi 3 peindre des ornements sur les étoffes ; on a trouvé en Crimée quelques débris qui nous en apportent la preuve G. Aujourd'hui les matières tinctoriales sont presque toutes des produits chimiques; les anciens, au contraire, n'en ont jamais tiré des minéraux; ils distinguaient les sucs des plantes et ceux des coquillages ', et par suite les medicanlenta terrena et les marina 8. 11s prenaient cette sorte de cochenille qu'on nomme kermès pour une baie provenant de la variété de chêne sur laquelle on la recueillait' ; ce coccus ilicis donnait le colorant appelé coccuar 10, avec lequel on imitait la pourpre, pour un prix encore assez élevé ", et qui se récoltait surtout en Cilicie f2. On employait beaucoup aussi 13 la garance, ërsu9«7tvov ou Ep9pd31vov", rubia'S. D'autres tons rouges étaient obtenus par le sandgx 16, qu'on n'est pas parvenu à 'identifier en botanique l'orseille ", .ûKo; Oxlz7etov 18, fucus marinus 1', ôu alga maris 20, très abondante en Crète 21 et d'un si large emploi qu'on disait couramment fucare 22 pour in ficere, mais la teinte qu'elle donnait tournait au bleu au lavage 43; l'orcanette, âyzousz 24, dont la racine est d'un rouge violet; l'airelle, üay-tl 25, lagacintltus 26, pour les vêtements d'esclaves27; la fleur de grenadier sauvage (balaustiuon 28). Le safran (xodroç 20), crocuni ou crocus 30, servait à colorer en jaune un vêtement que portaient surtout les femmes, l'epicrocum cnocoTA 32. Peut-être cet usage du safran fut-il introduit en Grèce par les Orientaux 33 Les héros de l'épopée se figuraient Éos drapée dans un péplos couleur de safran ('Ilwç xoox67s7tnoç 34), sans doute à cause de l'éclat doré de l'aurore. Les auteurs nomment également le genêt, genista 33; la gaude ou réséda, lutum 36, donnant un jaune rougeâtre dont on teignait le flamineum, voile des mariées chez les Romains 37 ; le jaune foncé tournant au brun était produit par le brou de noix 38. D'autres tons jaunes venaient du thapsia, 9x!;o;, 9a'lit« 39, celui-là tirant peut-être sur le vertL0; de la racine du lotus S1 ; et probablement aussi, comme de nos jours, du nerprun ''2, du bois et de l'écorce du sumac 43. Pour le noir, on recourait à la noix de galle, x'1xiç 4'', Balla 45, et à l'écorce de chêne 46. En ce qui concerne le vert, nous demeurons en pleine incertitude; les nuances, dans cette gamme, s'obtiennent aujourd'hui de produits minéraux, qui seuls en fournissent de durables. On teignait en bleu à l'aide du pastel ou de la guède, iai-tç 47, vitrurn. Comment était réalisé le bleu noir que l'imagination des poètes, inspirée sans doute de quelque fait exact, prêtait au péplos de Déméter en deuil 48 ? Rien ne l'indique. C'est une question difficile de savoir si les anciens utilisaient déjà l'indigo dans la teinturerie 49, c'est-à-dire tiraient parti de cette famille d'arbres qui en procure aujourd'hui tant de variétés. Dans nos rapprochements avec les méthodes modernes, le vague des allusions, le silence même des auteurs n'autorisent jamais une conclusion négative ferme; Pline lui-même parle très sommairement de la tiuctura, métier peu digne d'un homme libre50. La nomenclature ci-dessus est donc sûrement très incomplète; il n'y est guère question que de couleurs rouges ou jaunes, et il est manifeste que les anciens en ont créé et apprécié beaucoup d'autres. Nous ne savons à peu près rien de l'organisation TIN 341 T11 commerciale et corporative de la teinturerie. On a supposé' que, chez les Ptolémées, à côté de l'industrie -libre, le trésor royal put avoir ses propres ateliers; le procédé spécial indiqué par Pline 2 avait tous les caractères d'un secret de métier qui, nulle part, n'aurait pu être mieux gardé que dans des manufactures royales. Dans ce même pays, l'impôt des teinturiers (ti€),oc 5a(pÉmv) se montait à 24 drachmes à l'époque romaine3. Une içyasia 2wv gx,fémv apparaît à IIiérapolis de Phrygie', peut-être confondue avec celle des foulons ° ; à Sagalassos, la auvtEw_a.3. honore son bienfaiteur 6 ; les (insnt, deThyatira sont probablement surtout des purpurarii 7. nette, grelot'. Pline nous apprend que le tombeau de Porsenna, près de Clusium, avait des pyramides, dont une chaîne, garnie de clochettes que le vent agitait, joignait les sommets Presque tous les peuples de l'antiquité se sont servis de tintinnabula. Les « chambres à trésor » de Pile de Chypre contenaient des clochettes 3. Elles abondent en Asie, où les Chinois en fabriquaient plus de dix siècles avant notre ère. L'Assyrie, la Phénicie, l'Égypte primitive en ont fourni de grandes quantités et le nombre de celles que l'on découvre sur toute l'étendue du monde romain n'est pas moins élevé. On pourrait presque affirmer qu'il n'est pas de musée qui n'en contienne. Les tintinnabula sont généralement de bronze''. Mais on en possède d'autres métaux; principalement de fer Le fer était surtout employé pour la fabrication du battant et de la pièce qui l'unissait au vase de la cloche ou de la clochette 6. L'oxydation complète de ce métal est, du reste, la cause pour laquelle la plupart des clochettes nous sont parvenues sans leur battant. On n'a point encore trouvé de cloches antiques'. Quant aux autres tintinnabula, leur forme est très variable. Beaucoup de clochettes ressemblent à un cône tronqué ou à une cupule de gland. D'autres sont cylindriques' ou quadrangulaires'. La figure 6991 réunit plusieurs genres de clochettes recueillies, au milieu de beaucoup d'autres, dans les ruines d'anciens sanctuaires, aux sources de la Seine et sur plusieurs points de la Côte-d'Or, où elles avaient été évidemment offertes en ex-voto 10. Les grelots ne différaient pas notablement de ceux de notre époque (fig. 6992)". Le Cabinet des médailles conserve un petit coquillage de bronze, avec trou de suspension, que l'on a inter prété comme un grelot; mais cette explication paraît fort peu sfire'". 11 est très douteux que le nom de tintinnabulunl ait jamais été appliqué au gong, qui chez les anciens remplissait souvent. le même office que les cloches et les sonnettes; le nom de discus semble seul lui avoir convenu13. On peut voir ailleurs [DISCUS, fig. 2467] un gong trouvé à Pompéi. La figure 6993 représente une femme qui tient dans sa main droite un gong suspendu à une corde, et dans la gauche un bâton avec lequel elle s'apprête à le frapper 14. D'une façon générale, les tintinnabula servaient dans l'antiquité aux mêmes usages que de nos jours. Cependant l'emploi des TIN a 2 TIN sonnettes dans les maisons et les boutiques n'est nullement prouvé ; les textes que l'on peut alléguer à ce sujet ne sont pas convaincants 1. On n'a pas constaté avec certitude, à Pompéi, la présence de sonnettes 2. Quand on se présentait pour entrer, on appelait, on frappait avec le marteau de porte 3. Dans les ruines d'Alise, au milieu d'objets gallo-romains, on a trouvé des clochettes ; mais il n'y a pas de raison d'affirmer qu'elles aient servi de sonnettes d'avertissement'. Chez les Grecs et les Romains, l'ouverture des bains et des marchés était annoncée par un tintinnabulum8.11 en était sans doute de même pour le commencement et la clôture des jeux. Une cloche figure sur une tombe grecque, parmi les attributs d'un gymnasiarque 8. Dans les rondes de nuit, les soldats de garde portaient une sonnette 7. A Rome, et sans doute aussi dans la plupart des grandes villes, les veilleurs chargés d'assurer la sécurité des différents quartiers avaient, de même, une sonnette à la main pour donner l'alarme en cas d'incendie 8. On employait des tintinnabula comme instruments de musique. Les anciens paraissent avoir connu l'harmonica i cnctox, fig. ?59'é 9j. Dans les fêtes et les festins, les pas des danseuses étaient rythmés par divers instruments dont des sonnettes ou des grelots constituaient, en partie, les éléments [CREPITACULUM]. Clément d'Alexandrie fait allusion à ces danses profanes pour les interdire aux femmes chrétiennes 10. Ces usages, et d'autres qu'il serait possible de citer1', nous montrent le côté utilitaire des tintinnabula; mais ce n'était pas le seul. Cloches, clochettes et grelots, sous les formes les plus variées, servaient aussi à conjurer les sorts. Le musée de Berlin possède une clochette de bronze de style assyrien, dont la panse porte en relief une série de divinités mêlées à des génies malfaisants, à tètes de lion et à serres d'aigle; le caractère prophylactique n'en est pas douteux 12. A Dodone, oit des cloches d'airain étaient suspendues au temple de Jupiter JUPrrER], on frappait sur un gong pour éloigner les maléfices' 1. Les clochettes du tombeau de Porsenna, celles du second temple du Capitole [CAPITOLIUI] répondaient au même besoin. C'est encore pour une cause prophylactique qu'une quantité considérable de bijoux, de meubles et d'ustensiles, découverts dans tous les pays, y compris des régions qui n'ont jamais été soumises à l'influence gréco-romaine'«, sont ornés de clochettes. Une clochette hexagone, conservée au Cabinet des médailles 16, est suspendue à l'anneau d'une paire de pendants d'oreilles. Le musée de Marseille possède des chaînettes faites de petits anneaux où sont accrochées des clochetteslf. Dans les tombes grecques on trouve de petites clochettes de bronze ou de terre cuite 17. En 1879, on a découvert à Poitiers des sépultures anciennes qui contenaient des clochettes et d'autres objets. Un de ceux-ci consistait en une paire de boucles d'oreilles formée d'anneaux de bronze portant des clochettes 18. Des bracelets ou des colliers garnis de clochettes, quelquefois accompagnées de grains de corail, ont été mis au jour, en France, un peu de tous les côtés, notamment à Albiez-le-Vieux (Savoie) 19, à Védignac (Creuse) 28, à Billy (Loir-et-Cher) 21, à Larnaud (Jura)22, etc. On ne saurait contester le caractère prophylactique des tintinnabula, car beaucoup de bijoux sont ornés à la fois de clochettes et de phallus, et le rôle de ceux-ci comme talismans ne fait pas de douteL9. C'est en partie pour conjurer le mauvais ail qu'on suspendait des clo chettes au cou des animaux domestiques ou qu'on en décorait les harnachements des chevaux [CINGULA, fig. 1471; connus, fig. ? 1991. Les exemples de cette coutume sont innombrables 24. Apulée 26 et Lucien 26 mentionnent les sonnettes portées par Fane dont ils ont conté les aventures; on peut observer cet objet très nettement indiqué sut' un médaillon en verre doré provenant des catacombes de Rome ( fig. 69941)27. Phèdre, dans sa fable TIN 34,3 TIN Les Deux Mulets et les Voleurs, parle d'une sonnette suspendue au cou de l'un des animaux '. Paulin de Note dépeint l'inquiétude d'un paysan qui a perdu ses boeufs et s'en rend compte en n'entendant plus leurs clochettes '. Des terres cuites de l'Allier représentent des chiens avec un grelot fixé à leur collier 3. A Pompéi, dans la maison dite de Diomède, le squelette d'un homme gisait auprès de celui d'une brebis qui avait encore une clochette au cou'. Des sonnettes de fer d'assez grandes dimensions, destinées au bétail, sont conservées à Reims, dans la collection Ilabert, d'autres au musée de Chàtillon-sur-Seine En 1883, on a trouvé à Mandeure plusieurs centaines « de petites sonnettes que l'on mettait au cou des chevaux et des moutons pour conjurer le sort » 6. Leur hauteur moyenne est de 3 centimètres. Quelques-unes de ces sonnettes sont à quatre pans et reposent « sur de très petits pitons ». On suppose avec vraisemblance que cette découverte s'est produite sur l'emplacement d'un marché Par suite de cette habitude de parer de tintinnabula le cou de certains animaux, la clochette avait fini par devenir un signe de domesticité. On la voit au cou d'une girafe qui décorait, à Rome, le mur d'un columbarium, et suspendue au poitrail d'un éléphant de guerre [11ESTIAE, fig. 826 ; F.LEPIIAS, fig. 2623]. C'est peut-être aussi pour les livrer davantage au mépris public, en les assimilant à des animaux, qu'on suspendait une clochette au cou des criminels conduits au supplice 7. Les martyrs chrétiens, considérés comme des criminels, mouraient quelquefois avec des clochettes au cou'. Zonaras nous apprend qu'on avait suspendu une clochette, un fouet et une verge au char triomphal de M. Furius Camillus, pour rappeler à ce puissant personnage qu'il pouvait être précipité du plus haut degré de la gloire à la plus intime des conditions''. La clochette, protectrice des troupeaux, l'était également des récoltes. C'est comme talisman qu'on plaçait des clochettes dans la main des Priapes qui protégeaient les vergers 10. 'Chez les Grecs et les Romains, de même que chez les Barbares, la clochette pouvait être un moyen de fascination dans le combat [FASCINUbl]. Le bouclier de Tydeus, dans Eschyle, est garni de clochettes [cLlPlsus, p. 12h2]. Nous savons, par Dion Cassius, qu'un grelot décorait le talon de la lance courte des guerriers bretons 1t Dans la vie religieuse, le rôle des tintinnabula a été, de tout temps, des plus considérables. Quoique les cloches n'aient été adoptées en Orient, pour le culte chrétien, que dans le courant du haut moyen âge, nous savons que dans les cérémonies religieuses de l'antiquité, la clochette trouvait place. Une assez grosse sonnette d'usage cultuel a été trouvée à Tarragone, en Espagne (haut. 0,12, circonf. 0,4h); elle porte une inscription gravée en caractères du second siècle de notre ère qui la désigne sous le nom de cacabulus, diminutif de cacabas, par assimilation avec la forme du vase de ce nom [cncABus]. Elle appartenait à un certain Félix, esclave (vernaculus) dans un temple de la ville, où il remplissait les fonctions de « nuntius junior » (avant sans doute au-dessus de lui un nuntius major); il se servait de ce cacabulus pour les sacrifices en l'honneur de l'Empereur (sacris augustis) ; l'inscription se termine par un voeu de longue durée (saecululn bonuln) pour le Sénat et le peuple romain f2. On peut supposer que ce nuntius était chargé d'annoncer le moment du sacrifice ou d'autres cérémonies par le son de sa clochette, comme on le fait aujourd'hui avec le tintement de la cloche dans les églises. De même, si l'on a pris dans la chrétienté l'habitude de bénir les cloches et de les sonner pour calmer les tempêtes, écarter la grêle et mettre en fuite les démons, il est incontestable qu'on a eu recours, dans l'antiquité, au bruit de l'airain pour apaiser la colère des dieux. Les anciens agitaient des sonnettes et frappaient sur des gongs 13 [niscus] pendant les éclipses. J uvénal compare le babillage d'une femme au bruit que font, au moment d'une éclipse, les bassins d'airain et les sonnettes mis en branle de tous les côtés ". On suspendait des sonnettes aux arbres sacrés, notamment au pin de Cybèle [ARBORES SACRAL, fig. 4144, 447]. Un disque est souvent représenté sur les monuments dionysiaques13. Les Bacchants et les Bacchantes agitaient des clochettes tenues à la main ou suspendues au poignet (fig. 699516), ou placés, comme ornements, sur leurs férules et leurs thyrses [FERIILA] 17. Un Bacchant (fig. 7011), représenté sur un bas-relief de Rome, porte une tunique garnie de clochettes. On n'aurait que l'embarras du choix pour citer d'autres exemples". On a trouvé dans les catacombes de Rome un carillon en bronze (fig. 6996), composé de deux spatules ovales que réunit une tige en torsade. Au bord de chaque spatule sont suspendues douze petites clochettes ; on devait agiter TIR 341 TITI l'instrument en le tenant à plat par le milieu de la tige'. Les carillons de ce type ont pu aussi bien servir à des usages profanes; car les premiers chrétiens ont adopté pour les besoins de leur culte les tintinnabula dont on avait partout l'habitude2. On connaît des clochettes pourvues d'inscriptions. L'une d'elles, conservée au musée Kircher, fournit les noms de quatre divinités Une clochette d'or, trouvée sur l'Esquilin, est ornée d'une inscription grecque attestant qu'elle servait à combattre le mauvais oeil 4. Deux tintinnabula découverts dans un tombeau de la voie Prénestine portent, de même, des mots grecs qui expriment des souhaits de bonheur '. On voit ci-joint reproduite fig. 6997) une clochette en bronze, trouvée près de Thèbes dans le temple des Cabires; c'est un ex-voto offert aux divinités du lieu par un certain Pyrrhias, comme il résulte de l'épigraphe : IIuptaç Kxgtpuit xx: 7txt6( 6. Les clochettes étaient quelquefois aussi décorées de reliefs. Nous citerons une clochette d'or où sont représentés lestravaux d'Hercule (fi g. 6997)'. É m. Esl'F.t1As DIEU.