Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article TOPIA

TOPIA. Paysages, parcs, bosquets, jardins d'agrément'. Ce mot ne s'est encore rencontré qu'au pluriel et l'origine en est obscure ; d'après l'opinion la plus vraisemblable il viendrait du grec ,rdatov (diminutif de '7 to;) 2, quoiqu'il n'y ait point d'exemple de -d7ttov employé pour désigner spécialement un lieu de plaisance tel qu'un jardin. Mais le sens de topia est déterminé par l'adjectif TOPIARIUS; on doit donc supposer que le mot grec avait pris à l'époque alexandrine 3 la même acception particulière. Ce qui distingue essentiellement les lopia des autres horti, c'est qu'ils ne servent de rien pour l'alimentation de l'homme ; un hortus peut être un verger ou un potager, ou les deux à la fois, et comprendre encore des parterres ; il n'y a dans les topia, en dehors des bâtiments et des œuvres d'art, que des arbres et des fleurs. Hadrien, ayant voulu rétablir la discipline parmi les légions de Germanie, les obligea à faire disparaître tous les enclos qui s'étaient multipliés autour des casernes pour le plaisir des soldats, guinguettes [TRICLINIUM], portiques, cryptes [CRVrrA] et jardins d'agrément, topia'. Des bosquets de ce genre, avec des tonnelles, calyba, et des treilles['rRZCxn.A], ajoutaient beaucoup, surtout pendant les chaleurs, aux séductions d'un cabaret Dans la peinture on entendait par topia des paysages champêtres plus ou moins ornés de « fabriques ». Les spécimens que nous connaissons nous montrent en général une nature riante, comme l'aimaient les anciens, oit la fantaisie des artistes a rassemblé et combiné librement les motifs les plus divers : ils représentaient dans ces tableaux, dit Vitruve, « des ports, des promontoires, des côtes, des fleuves, des fontaines, des canaux, des temples, des bocages, des montagnes, des troupeaux, des bergers ». Les galeries qui offraient une certaine longueur semblaient particulièrement propres à une décoration de ce genre 6. S'il faut en croire une tradition rapportée par Pline l'Ancien, ce fut un certain S. Tadius 7 qui le premier introduisit le paysage dans la peinture au temps d'Auguste. « Il imagina de représenter des maisons de campagne, des portiques et des paysages (topiaria opera) : bois, bosquets, collines, bassins, canaux, rivières et rivages, au choix de chacun; des personnages qui se promènent, qui vont en bateau ou qui arrivent à leur villa sur des ânes ou en voiture. D'autres pêchent, tendent des filets aux oiseaux, chassent, ou encore font la vendange. On voit dans les œuvres de ce peintre des maisons de campagne aux abords marécageux, des gens loués pour porter des femmes sur leurs épaules et qui chancellent sous leur fardeau tremblant, enfin mille autres sujets aussi spirituels, de l'effet le plus amusant s. » Ce système, qui consiste à animer la nature par la présence de l'homme et qui mêle à des aspects rustiques des scènes de la vie familière, a laissé de nombreuses traces dans les fresques de Pompéi. Nous en donnons ci-joint un exemple (fig. 7010) 9. On trouvera à l'article IIORTCS (fig. 3900 et 3903 à 3906) plu TOP 358 TOP sieurs vues de jardins, qui rentrent aussi dans la catégorie des verdures destinées à récréer le regard sur les parois intérieures des habitations. La tradition recueillie par Pline est cependant incomplète; on peut admettre, comme il le rapporte, que ce genre de décoration devint commun à Rome au temps d'Auguste; mais il est plus que probable qu'il avait été inventé, longtemps auparavant, par des artistes grecs : de là le nom sous lequel il fut toujours désigné. 11 dut apparaître pour la première fois à l'époque hellénistique, dans le temps oit la sculpture, elle aussi, se rajeunissait en créant le basrelief pittoresque ; les deux arts ont dît chercher simultanément, sous les successeurs d'Alexandre 2 , de nouveaux effets dans la reproduction des sites et de la vie rustiques. De part et d'autre se révèle le même goût pour les sujets gracieux et idylliques qui reposent le regard, pour les scènes familières traitées avec une pointe d'humour jusqu'à rappeler parfois le tableau de genre. Dans les Copia que nous connaissons, les éléments que la nature a fournis au peintre semblent avoir été souvent arrangés d'une façon un peu conventionnelle pour le plaisir des yeux. ll est facile cependant d'apercevoir le rapport qui en général unit ces productions de l'art industriel aux sites attrayants, au milieu desquels le beau monde des grandes villes venait se délasser de ses fatigues