Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article TOPIARIUS

TOPIARIUS. Cet adjectif, appliqué à tout ce qui concernait lesTOPIA (ars lopiaria, herbue topiariae, etc.), a servi à qualifier l'esclave chargé d'entretenir le jardin d'agrément (servus topiarius) i, puis il est, dans ce sens, devenu substantif. On peut définir le topiarius un jardinier décorateur, un horticulteur fleuriste. Nous voyons par un texte qu'il doit tailler les arbustes, de manière à leur donner ces formes d'animaux ou de corps géométriques qu'affectionnaient les Romains uORTUS12 ; mais ce n'est certainement pas là son unique fonction ; car il doit aussi palisser les plantes grimpantes, en tapisser les murs et les faire courir entre les colonnes'. D'autre part les anciens rangeaient parmi les herbae topiariae des plantes comme la pervenche et l'acanthe, qui n'ont jamais pu se prêter à former des figures et qu'on ne saurait qualifier de tonsiles4. Il est donc évident que le topiarius est préposé à toutes les plantations ornementales. Nous grouperons ici quelques renseignements sur son art, qui n'ont pu trouver place dans l'article Sur les procédés de l'horticulture antique on ne peut rien consulter de plus complet que le poème qui remplit le dixième livre de l'ouvrage de Columelle sur l'agriculture. On peut regretter seulement qu'il ait cru devoir traiter sa matière en vers; quoique la forme n'en soit pas dépourvue de mérite, il aurait été probablement plus à l'aise, et il aurait fait oeuvre plus utile, si, donnant suite à son projet primitif il avait écrit le dixième livre en prose comme les autres. On s'aperçoit aisément qu'en voulant résumer des notions qui ne se prêtaient pas poésie, il a sacrifié une bonne partie des observations et des préceptes rassemblés par ses prédécesseurs Il déclare qu'autantl'horticulture avait été négligée par' les Romains d'autrefois, autant elle était en faveur chez ses conternporains. EL pourtant sa matière lui parait chétive 6 ; Pline l'Ancien est du même avis 7 ; aussi se sontils l'un et l'autre rejetés sur la nomenclature des plantes officinales et condimentaires [coNDIiuENTA]. C'est qu'en effet les principes de culture, même de leur temps, se réduisent à fort peu de chose. Le jardin que Columelle a en vue est un potagers et un verger 0, aussi bien qu'un jardin d'agrément 9e ; même en traitant des fleurs il pense à l'horticulteur de profession, pour qui elles sont un objet de commerce Un sujet aussi vaste exigerait aujourd'hui un long développement ; mais comme on ne connaissait alors que très peu d'espèces exotiques, on n'avait pas besoin, surtout dans les contrées méridionales, de serres chaudes et de châssis; l'outillage était, des plus simples. Ajoutons qu'avant de lire Colulnelle il faut faire abstraction de tous les secours que la chimie a procurés depuis cent ans à l'horticulture pour l'analyse des terrains, la préparation des engrais et la lutte contre les maladies des végétaux. Cependant Columelle a puisé dans les ouvrages antérieurs des connaissances utiles et on voit bien qu'avec leur aide il aurait pu, sur certains points, s'étendre davantage, s'il l'avait voulu. Il enseigne comment il faut choisir un terrain, le défoncer, préparer les planches (fori) 12, faire les semis, biner, repiquer, etc., le tout en suivant l'ordre des saisons, de sorte que son poème est un véritable calendrier du jardinier. Une des parties les plus intéressantes est celle où il énumère les ennemis des végétaux : si on la rapproche des témoignages fournis par les autres agronomes de l'antiquité", on voit que les animaux les plus redoutés pour TOC' inférieure. Le fond est percé d'un trou pour l'écoulement de l'eau ; trois autres trous ont été pratiqués à un tiers de la hauteur, à égale distance les uns des autres ; disposition qui semblerait indiquer que ces objets ont été destinés à l'opération du marcottage. Des observations très intéressantes ont été faites dans le jardin de la même maison ; on a retrouvé les traces laissées dans le sol par les racines calcinées des plantations, par les tuteurs et les pieux des palissades ; on a pu reconstituer ainsi le plan des cultures et on en a constaté l'identité avec celui des topia repré sentés dans les fresques antiques'. La fig. 7011 reproduit un pot en terre cuite, haut de 0 rn. 14, absolument semblable à ceux de Pompéi; il a été trouvé à home dans les fouilles de l'Esquilin 7. Quels étaient le nom et la forme de l'arrosoir, ustensile si nécessaire, surtout dans les contrées méridionales, aux travaux du jardinier '? Cette question controversée [llon'PCS, p. 287] peut être aujourd'hui serrée de plus près grâce à quelques études récentes. Il faut d'abord partir des textes classiques, où nous voyons des serviteurs, chargés du nettoyage, mettre en oeuvre successivement l'arrosoir et le balai ; car il est évident que le vase affecté à cet usage domestique a aussi bien pu être employé au jardin. Chez les Grecs l'esclave à qui on a confié le soin d'arroser MsséEty ou Pa(vsty) 8 répand l'eau avec un vase qu'Euripide Mais un texte de Ménandre, plus précis encore, parle des cruches à panse rebondie (xci ot aipo ilot), avec lesquelles « des jardiniers arrosent énergiquement10 ». On a cité à ce propos divers récipients, conservés dans nos musées, qui présentent tous ce caractère commun d'être percés de petits trous ; mais ici nous devons écarter ceux qui, soit par leurs dimensions, soit par la matière dont ils sont fabriqués, n'ont jamais pu convenir à l'entretien d'un jardin 11 ya lieu au contraire de distinguer, comme digne d'attention, une cruche en terre cuite, provenant d'Arles, qui est aujourd'hui conservée au Musée I3orély, à Marseille (fig. 7012)t2 ; elle est munie d'une TOP 339 ours ravages étaient le mulot (mus), la taupe (talpa), la limace (limax), l'escargot (cochlea), le puceron (pulex), la fourmi (formica), la sauterelle (locusta), le charançon (curculio), la pyrale (volucra) et tous les insectes et leurs larves, désignés en gros sous les noms génériques de moucherons (silex), de scarabées (scarabeus), de vers (vermis) et de chenilles (campe, eruca) ; Virgile, par une erreur dont il n'est pas responsable et qui n'a pas encore disparu, y joint le crapaud (bufo). Parmi les maladies parasitaires la plus répandue était la rouille (robigo); cf. mucus. Quant aux remèdes et aux mesures prophylactiques, on ferait une étude curieuse en réunissant toutes les recettes que l'imagination des anciens, à défaut de connaissances méthodiques, leur avait suggérées Saris parler des secours que la religion mettait à la disposition des jardiniers malheureux, prières, sacrifices, cérémonies expiatoires, etc., il y avait aussi ceux que l'on demandait à la magie; aux maléfices qui font naître et propagent un fléau on opposait les incantations qui le conjurent ; certaines formules et certains rites étaient attribués à Dardanos, ancêtre mythique des 'troyens; d'autres au devin Mélampus, d'autres venaient des Etrusques par l'intermédiaire des haruspices [MAGIA, p. 11.98 à 1h01)2. On rapportait par exemple à Mélampus l'usage, qui dure encore, de clouer des hiboux à la porte des jardins. Pour arrêter une invasion de chenilles, il fallait conduire trois fois autour des planches dévastées une femme à moitié nue, en état de ménorrhée ; ainsi le voulait Dardanos, etc., etc. Mais à côté de ces remèdes, dictés par des superstitions séculaires, les anciens en pratiquaient d'autres que la science moderne ne désapprouve pas et qui, sans être toujours très efficaces, n'ont pas encore été remplacés : comme aujourd'hui on protégeait les semis contre les insectes avec de la suie ou de la cendre ; on arrosait les plantes avec des substances amères, ou bien ou mettait des pièges à proximité. Nous avons en somme dans le poème de Columelle un tableau en raccourci, mais fidèle, de l'horticulture telle qu'on la pratiquait à l'époque impériale'. La plupart des outils dont se sert le jardinier ont été énumérés ailleurs [RUS'TICA 11ES]. On a parlé aussi de la culture en pots [non-us, p. 286] ; les grands vases décoratifs en marbre, dont on possède dans les musées de si admirables spécimens'. ont pu quelquefois, comme ceux des jardins modernes, contenir des arbustes ou des plantes à fleurs', quoiqu'on les ait aussi employés vides, comme le prouvent certaines peintures [non as, fig. :39041. Mais une découverte récente nous a fait connaître l'humble pot en terre cuite, qui devait trouver sa place dans les plus modestes cultures : des fouilles exécutés en 1902 à Pompéi, dans la maison du Centenaire, ont ramené à la lumière plusieurs de ces récipients; ils ont la panse renflée vers le milieu et vont s'amincissant à la partie TOP 360 TOR pomme percée de trous, inamovible, qui a été moulée et cuite avec le vase; l'orifice est recouvert à moitié, de façon que l'eau ne débordât pas quand on la répandait jusqu'au bout (haut. 0,34). On est assez tenté de croire que nous avons là le r A20; arpoyya0; de Ménandre, l'ur'ceus aquarins de Caton'. Cependant il est juste d'ajouter que l'authenticité de ce vase n'est pas à l'abri du soupçon et qu'elle aurait besoin d'être confirmée par de nouvelles découvertes. Onvoit àcôté, dans la fig. 7012, un fragment de même provenance; c'est un goulot en terre cuite, d'un seul morceau, barré, un peu au-dessus de son orifice, par une cloison percée de trous; il a dû faire partie d'un vase analogue au précédente. Certains jardiniers dans l'antiquité ont eu une condition enviable, particulièrement ceux qui étaient attachés au service d'un temple ou d'une grande maison ; nous avons conservé une lettre de Darius, relative aux jardiniers qui cultivaient le domaine d'Apollon, près de Magnésie du Méandre ; le roi de Perse félicite le satrape gouverneur d'avoir présidé à des plantations nouvelles dans sa province, mais en même temps il lui inflige un blâme pour avoir soumis ces serviteurs sacrés à la corvée et à l'impôt; leurs privilèges séculaires semblent avoir été confirmés par des dispositions spéciales jusque sous l'Empire 3. C'est qu'en effet, l'horticulture fut toujours très honorée en Asie; les jardiniers de Cilicie notamment étaient recherchés entre tous pour leur habileté' ; le vieillard de Tarente, chanté par Virgile, avait appris à Corycus les secrets de son art"; les inscriptions trouvées dans cette région confirment la tradition par leur témoignages ; l'une d'elles, relevée à Pompéiopolis, semble avoir indiqué l'emplacement attribué aux jardiniers sur le marché public de cette ville'. A Rome, dans les grandes maisons, les esclaves affectés à l'entretien des parcs d'agrément, les topiarii, se considéraient eux-mêmes, dit Cicéron, comme étant d'un rang plus élevé que leurs compagnons8; prétention justifiée en grande partie par l'apprentissage délicat et par les connaissances techniques qu'on exigeait d'eux; le monument funèbre d'un topiarius de Côme (fig. 7013) a été consacré à sa mémoire par son élève n (discens) s. Les inscriptions de l'Italie nous font connaître un grand nombre de ses confrères, pour la plupart esclaves ou affranchis des empereurs et des grandes familles romaines; à en juger par la provenance de ces documents, il est manifeste qu'ils ont exercé leur profession dans les parcs qui entouraient la capitalel0, et aussi dans les somptueuses villas oit la haute société résidait pendant la belle saison, à Tibur, à Antium, à Pouzzoles ou à Sorrente". GEORGES L:1royr.