Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

TORMENTUM

TORMENTL'M. 1 Plant. Cure. 227 ; ['ciron. Rat. 102 ; Quinlil. Declam. 19, 4. 3 Plin. iist. ZVat. XXXIV, 89; Q. Curt. VI, 11. . desych. s. v. ; Polyb. témoignage le plus signilicatif est celui où Plaute (Curcul. 689) assimile le chevalet de torture à la catapulte. V. aussi Sen. De ira, III, 19, 1. -6 ComXI, 2; flan. Ep. X, 97; Suet. l'ib. 19, etc. 7 Sen. 1. c. et Laps. TOI1 -3G3 qu'il ne faille entendre par là simplement le carcan, ;ûÀa [NUMELLAE, fig. 5340]. Le supplice du feu, sous sa forme la plus expéditive, consistait à brûler le condamné au milieu d'un tas de fagots', comme on le voit par les peintures des catacombes de Rome, oit les premiers chrétiens ont représenté les trois jeunes Hébreux, victimes de Nabuchodonosor 2. Souvent le corps du misérable, lié à un poteau, était revêtu d'une tunique imprégnée d'huile, de poix et d'autres matières inflammables, la tunica molestai ; on sait par le témoignage de Tacite que cette horrible torture fut infligée aux chrétiens martyrisés sous Néron, en l'an 64 ; on fit d'eux de véritables torches, qui, «après la chute du jour, servirent à éclairer de leurs feux les ténèbres de la nuit » Mais souvent, pour prolonger encore l'agonie du patient, on promenait lentement à la surface de son corps, jusqu'à ce que la mort s'ensuivit, des torches allumées, ou des lames de métal rougies au feu (iynes, laminas admocere) C'est le supplice que représente la figure 7018 d'après un bas-relief de la Colonne Trajane : des prisonniers romains, entièrement nus, les mains liées derrière le dos, ont été livrés par les Daces à Une troupe de femmes en fureur, qui les brûlent à petit feu 6 ; ainsi procédaient les Romains eux-mêmes avec certains criminels. Ces exécutions hideuses furent souvent données en spectacle au milieu d'un amphithéâtre 7, et même il pouvait arriver que le patient, revêtu d'un somptueux costume de tragédie, jouât un rôle dans quelque pantomime mythologique, dont ses tortures formaient le dénouement ; on vit ainsi, représentés au naturel par des condamnés de droit commun, Ixion périr sur la roue, Hercule sur le bûcher du mont OEta, ou Créüse, rivale de Médée, au milieu des flammes qui embrasaient subitement sa robe magique 8. Les Actes apocryphes des martyrs ont encore prêté aux bourreaux romains d'autres raffinements de cruauté, avec une richesse d'imagination contre laquelle il convient de se tenir en garde; mais les Actes authentiques concordent trop bien avec ce que nous lisons dans la littérature profane pour que nous puissions douter de leur témoignage9. Il faut bien conclure que les Romains ont poussé le droit de punir au delà des limites que s'imposent aujourd'hui les TOR nations civilisées et qu'ils n'ont jamais senti à quel point la torture est vaine, ou même nuisible pour la manifestation de la vérité, et démoralisante pour les spectateurs. III. -Les Romains désignaient sous le nom de tormenta10 les machines de trait dont le principe moteur était dû à la torsion d'un faisceau de fibres ; elles se divisaient en : catapultae, ballistae, scorpiones et ortagri ou fundibala. Les Grecs désignaient les machines analogues sous les noms suivants; m-r.,par n;uôE)u«, dopa ,x. J'essaierai de définir nettement le sens des principales de ces dénominations. La science qui traitait de l'artillerie (ans, telum) s'appelait en grec nommait b x71Tx7tE),T9€r~,ç ; l'emplacement de l'artillerie, Histoire. Les machines de jet étaient inconnues en Grèce à l'époque de la guerre du Péloponèse ; car Thucydide, si précis en toutes choses, n'en parle pas. Elles s'y introduisirent à propos du concours ouvert à Syracuse entre les ingénieurs de tous les pays par Denys l'Ancien, qui se préparait à attaquer Cartilage, en l'an 399 avant Jésus-Christ; le premier emploi qu'en rapporte l'histoire eut lieu au siège de Molyè par le même Denys ". Plutarque raconte qu'Archidamas, roi de Sparte, ayant entendu parler de cette nouvelle invention, s'écria « que désormais le courage de l'homme lui devenait inutile » 12. Plinel3 attribue l'invention des unes aux Phéniciens, des autres aux Crétois et aux Syriens, mais sans fixer aucune date. Jusqu'à présent on n'a trouvé aucune représentation bien nette de ces machines, ni dans les bas-reliefs, ni dans les peintures égyptiennes, qui reproduisent en détail les autres engins de siège dont les Grecs s'attribuaient la paternité; cependant llawlinson croit y avoir reconnu une machine à lancer de grosses pierres 14. Il est donc assez probable que les auteurs des Paralipomènes et d'L'réclniel, qui sont postérieurs au siège de Motyè, ont commis des anachronismes, lorsqu'ils ont parlé des machines de trait d'Ozias, roi de Jérusalem, au huitième siècle avant Jésus-Christ 1 ,, et des balistes de Nabuchodonosor au sixième16. En tout cas, il ne peut être question de voir des machines de celle espèce dans celles que Servius Tullius faisait porter à la guerre par les deux centuries de fabri qu'il créa à cet effet, suivant Tite-Live 17. Athénée dit expressément 18 que les Romains ont emprunté aux Grecs leur grosse artillerie. Il n'y a aucune apparence de vérité dans la tradition suivant laquelle les dames romaines, assiégées par les Gaulois en 390 av. J.-C., auraient coupé leurs cheveux pour en garnir les machines 19; mais on se servit beaucoup de ces engins pendant les guerres Pu TOR niques et Plaute en parle comme d'une arme usuelle', Gastrapliète.-Héron d'Alexandrie, l'un des premiers auteurs qui les aient décrites, ne s'est point préocccupé de cette question de date et de lieu d'origine ; mais il a expliqué très clairement comment l'esprit humain était arrivé à les produire2. Le point de départ, dit-il, est l'arc à main Quand on tenta de lancer avec cet instrument un trait plus fort à une distance plus considérable, on fit l'arc plus grand et on en renforça les branches flexibles, ce qui leur donna plus de rigidité. L'arc ainsi obtenu était difficile à bander ; l'effort de la main étant devenu insuffisant, on fixa l'arc sur une crosse munie d'une rainure à queue d'aronde en son milieu et d'une crémaillère sur le côté. Dans la rainure on engagea un curseur mobile ("erse:pp), de la longueur de la crosse, creusé à sa partie supérieure de manière à recevoir le trait, et portant un cliquet (xwpu; ou xarxx)E(ç) correspondant a la crémaillère. A la partie postérieure du curseur était fixée une griffe (, E(p),mobile autour d'un axe horizontal, et dont le talon pouvait, être relevé par un petit levier (cz ertp(x). Enfin la crosse était terminée du côté opposé à l'arc par une partie concave. Gràce à ce mécanisme, quand on voulait bander l'arc, on remontait le curseur vers la corde archère, jusqu'à ce que la griffe, en pivotant, l'eût saisie. On abaissait ensuite la griffe et on la fixait en poussant dessous la gàchette. Cela fait, le curseur se trouvant ainsi en saillie vers l'extérieur, on en appuyait la pointe contre le sol ou contre un mur et on faisait effort avec le ventre, de tout le poids du corps, contre la partie évidée de la crosse. Refoulé en arrière, le curseur entraînait la corde et bandait l'arc. Le cliquet maintenait à chaque instant la tension obtenue; on s'arrêtait quand on jugeait la tension convenable ; on posait le trait sur le curseur ; et, à l'aide d'une batterie, on le faisait partir au moment voulu. L'appareil ainsi construit se nommait yxaTp?ÉTi;; les bras étaient généralement faits en corne [ARCL'BALLISTA]. Catapulte Quand on voulut augmenter encore la grandeur et la portée du projectile, on conserva l'ensemble de la machine précédente, mais on changea la nature de l'arc. Les branches de celui-ci furent remplacées par deux bras de bois rigides («yxmvEç, braccitia fig. 7019, AA)', dont l'une des extrémités était fixée à la corde et dont l'autre s'engageait dans le milieu d'un faisceau ainsi disposé : on enroulait une corde fine et fortement tendue autour des semelles d'un cadre en bois (7ratvOliov); on avait soin de disposer régulièrement cette corde en rangs superposés et de battre chaque rang séparément et successivement avec un maillet, de manière à bien serrer les brins les uns contre les autres ; le bout libre de la corde était ensuite arrêté dans le faisceau. Quand l'extrémité du bras était engagée entre les deux moitiés du faisceau, on insérait entre celuici et la partie supérieure des semelles des tasseaux en fer, qui, amenés au biais, tordaient fortement les brins et par suite provoquaient un serrement énergique sur le bras. On ne tarda point à apporter à ce système primitif de torsion un perfectionnement notable. La semelle et le chapeau du cadre (7CEp(Tp71T9t, scutulae, BB) furent formés chacun d'un épais madrier, percé d'une ouverture circulaire (Tpr,Nx); ces ouvertures, placées sur une munie perpendiculaire, étaient calculées comme on le verra plus loin. Autour (le chaque tracé, ou sur la face extérieure des péritrètes ou sur une garniture métallique y adaptée, on entaillait une rainure, dans laquelle s'encastrait le tenon annulaire du barillet (-, a;vtx(ç, CC). Ce barillet, dont l'ouverture intérieure était identique à celle du tréma, portait, à l'extérieur, une partie carrée destinée à donner prise à une clef pour la faire tourner. L'extrémité supérieure était percée de deux entailles à l'extrémité d'un même diamètre, afin de recevoir une clavette (i tiuy(ç, Dl)) en fer. C'est sur ces clavettes que s'enroulait la corde pour former le faisceau moteur, ou ton (T6voç, EE), qui devait remplir exactement le tréma : j'indiquerai plus loin par quel procédé. Les barillets se faisaient habituellement en bronze travaillé au marteau; mais dansles grandes machines on les construisait en bois cerclé de fer. Quand le faisceau était formé et le bras encastré au milieu, on lui donnait le degré de force désiré en tournant le barillet au moyen d'une clef ; la pression du barillet sur la semelle, qui augmentait avec la torsion, suffisait pour le maintenir à la position où on l'amenait. Deux cadres semblables, assemblés l'un à côté de l'autre symétriquement par rapport à une crosse (cûPty h') analogue à celle du gastraphète, et une corde (To;trlç, G), reliant les deux extrémités libres des bras, constituaient une catapulte -. /suthytone et palintone. Quand les deux bras étaient dirigés du côté opposé au tireur, on avait TOR -365TOR la catapulte palintone, par analogie avec l'arc oriental qui portait le même nom. Quand les bras étaient dirigés du côté du tireur, comme dans l'arc ordinaire, on avait la catapulte que les théoriciens appelaient euthytone, par opposition à l'autre. De ces deux classes de machines, la première présentait plus d'avantages pour les gros projectiles : à la fois parce que, la course des bras étant plus longue, l'effort développé pouvait être plus grand, et parce que la forme en V, que prenait la corde au moment du bandé, était commode pour retenir et guider le boulet. Lithobole. Aussi c'est toujours avec le système palintone que l'on construisit les lithoboles ou pétroboles. Les machines destinées à lancer des traits, c'est-à dire les doryboles ou oxybèles, appartenaient au contraire généralement au genre euthythone, qui était plus facile à construire ; les petites euthytones étaient souvent appelées scorpions 1, à, cause de certaines analogies de forme avec l'animal de ce nom. Quelques oxybêles de choix, comme les chirobalistes, furent palintones. Les palintones devant être plus grosses et plus résistantes que les euthytones, par suite de la diffé rence des projectiles, il en résultait des formes assez différentes pour les diverses pièces similaires qui composaient les unes et les autres. Les anciens ingénieurs ont donné avec les plus grands détails les tracés et les dimensions de ces pièces, auxquels ils étaient arrivés par de longs tàtonnements 2. Je ne dirai rien ici des tracés (fig. 7020)3; mais je vais entrer dans quelques détails sur les dimensions, parce qu'elles permettent de se rendre compte des dispositions données aux remparts et à leurs embrasures. Proportions. Gomine dans presque toutes les autres constructions antiques, toutes les parties des machines balistiques étaient calculées en fonction de l'une d'elles prise comme unité; ce module était le diamètre du faisceau moteur ou ton, qui était égal à celui du tréma percé dans les péritrètes.Il était déterminé par les deux règles fondamentales suivantes : 1° dans l'euthytone le module égale le neuvième de la longueur du trait; 2° dans la palintone on multiplie par 100 le poids de la pierre exprimé en mines; la racine cubique du produit, augmentée de son dixième, donne en doigts le module, ce qui peut s'exprimer par l'équation : D 1,1 ~/ 0 M.01. Pour que ces deux règles coïncident, il faut que le diamètre du trait soit proportionnel à sa longueur et que le poids du fer y représente une fraction constante du poids total. MM. Dufour et Prou sont d'accord pour évaluer le diamètre du trait à 1/32 de sa longueur et supposent que la partie en fer pèse à peu près autant que celle en bois. Si l'on cherche le diamètre du projectile rond de la palintone, en supposant que ce boulet soit en pierre et qu'il ait par conséquent une densité égale à 2,75, on trouve que ce diamètre est environ les 3/4 de celui du module. Les machines construites dans les règles occupaient un espace d'environ 20 modules en longueur, 13 en largeur et 17 ou 18 en hauteur. Elles se désignaient par le poids ou la longueur de leur projectile, suivant qu'elles étaient pétroboles ou doryboles. L'attaque employait, pour battre les murs d'enceinte des villes, des machines d'un talent (60 mines ou 26 kilogr.). Leur ton avait 0,10 de diamètre ; elles occupaient 7 m. 60 en projection horizontale et avaient une hauteur voisine de 7 mètres. Philon, dans son Traité d'artillerie, donne des tables pour la construction des machines jusqu'à celles de trois talents ; ces dernières auraient eu 9 m. 35 de hauteur. Des engins aussi énormes étaient peu employés; cependant Démétrios en plaça sur une de ses hélépoles 3 et Archimède en construisit huit, pour le navire de Héron, qui lançaient à un stade (185 mètres) des pierres de trois talents (80 kilogr.) ou des poutres de 12 coudées (5 m. 50) o . On voit que les anciens, ne pouvant produire à l'aide de la flexion que des vitesses initiales très faibles, cherchaient à augmenter par les ruasses l'effet MV2 du projectile. Dans son Traité de poliorcétique 7 le même ingénieur Philon donne la mesure des effets obtenus, quand il dit que des bossages de bonnes pierres, saillant d'une palme (0 m. 08) sur le nu d'un mur et suffisamment rapprochés, préservent les oeuvres vives contre -tout dommage pouvant résulter du choc des projectiles d'un talent; ailleurs i l affirme que les murs de 1 0 coudées, c'est-à-dire d'environ 5 mètres d'épaisseur, peuvent résister au choc de ces mêmes projectiles, pourvu qu'on empêche les pétroboles de s'établir à une distance moindre que 164 mètres, résultat auquel on arrivait en entourant les places de trois fossés suffisamment larges et en obstruant les braies de telle sorte que la machine ne pût s'y loger. Les Marseillais assiégés par César avaient des lithoboles qui perçaient quatre couches de claies en osier; on ne put se garantir de leurs effets qu'à l'aide de blindages en pièces de bois, épaisses d'un pieds. La défense employait d'ordinaire contre les travaux d'approche, et notamment contre les grandes tours de bois de l'attaque, les pétroboles de 30 mines (13 kilogr.). Le diamètre du ton correspondant était de 0 m. 31; on voit que ces machines devaient avoir une hauteur de près de 6 mètres et une longueur encore plus considérable; on ne pouvait donc les placer sur le sommet des murs ni dans les tours: il fallait les établir en arrière du rempart, sur le sol même de la ville, et tirer en bombe par-dessus l'enceinte. Il n'en était point de même pour les pétroboles de 12 mines (5 kg. 235 et de 10 mines (4 kg. 363), ainsi que pour les doryboles de 5 empans (1 m. 15), dont les premières avaient moins de 4 mètres et les dernières moins de 2mètres de haut; ces machines se plaçaient, soit sur le rempart lui-même, soit au rende chaussée des tours de la fortification 9, soit dans les hélépoles. Philon, auquel il faut toujours revenir quand on veut avoir des détails précis sur la poliorcétique TOR ancienne, recommande d'un côté, à la défense de contrebattre successivement chaque pétrobole de l'attaque par deux pétroboles de 10 mines, de manière à la détruire; de l'autre, à l'attaque 2, d'armer ces tours de bois, de manière à contrebattre chaque lithobole de 12 mines et chaque dorybole de 5 empans de la défense. D'après le même auteur chaque quartier de la ville avait pour sa défense des machines encore plus petites, savoir : une lithobole de 10 mines (4 kg. 363) et deux catapultes de 3 empans (0 m. 68). Les entrées des ports étaient défendues par des pétroboles de 20 mines (8 kg. 3), et, si cette entrée était trop large, on construisait ° au milieu une tour contenant une pétrobole de 4 mines (1 kg. 3). Enfin, dans les combats à l'intérieur des murs, on se servait de catapultes de 3 palmes (0 m. 32) et de pétroboles de 2 mines (872 grammes) °. Support. Les supports des machines euthytones et palintones étaient peu différents. Le support des euthythones (fig. 7019) consistait en une sorte de pied analogue à celui des pupitres de musique ; il étaitformé d'une colonne verticale (colunlella, ôE007rlT7)ç, Il), fichée sur une croix en charpente horizontale, à laquelle elle était en outre reliée par deux contre-fiches obliques. La partie supérieure de la colonne était amincie de façon à former un tenon cylindrique, sur lequel s'enfilait une large pièce en U, appelée xap77ictov(I), munie de deux colliers à la partie supérieure de ses branches. C'est sur ces colliers que se posait un axe horizontal traversant la crosse perpendiculairement à son axe et par son centre de gravité, jouant ainsi le rôle des tourillons dans nos canons. On voit que, grâce à ce système, les mouvements horizontaux s'opéraient autour de l'axe de la colonne par l'intermédiaire du carchésion et que les mouvements verticaux avaient lieu autour de l'axe de la crosse. Une barre (VTEpEmtoV, J), fixée par une de ses extrémités au cave/lésion, au moyen d'une articulation, soutenait par une contrefiche (ivxa«ucrrprov, K) la partie inférieure de la crosse, qui changeait d'inclinaison suivant que cette extrémité libre était reportée plus en avant ou en arrière. Le bandage s'opérait, soit à la main, soit avec une corde (inz)iov, xxT«ywyf,), allant s'enrouler autour des treuils (M) fixés à l'extrémité de la crosse. Portée. La portée moyenne de toutes ces machines parait avoir été d'un demi-kilomètre. Josèphe rapporte qu'au siège de Jérusalem les pierres d'un talent, lancées par la pétrobole de la dixième légion romaine, tuaient à la distance de deux stades et qu'elles étaient encore dangereuses pour ceux qui se trouvaient au delà. D'après un autre historien de la guerre des Juifs, un des compagnons de Josèphe aurait été mis en pièces par une batterie et sa tête emportée jusqu'à trois stades x. On cite comme exceptionnelle la machine palintone construite par Agésistrate 9, qui portait à 4 stades, ou 740 mètres, un trait de 4 coudées (1 m. 85). En tout cas, aucun projectile n'allait jusqu'à 5 stades, puisque c'est à cette distance que les assiégeants établissaient leurs camps. Le musée de Saint-Germain possède une oxybèle construite par M. de Itef ye, d'après les traités d'Héron et de Philon (fig. 7019); ellea un trait de 1 m. 30 de long pesant 85 grammes, et ne porte qu'à 3(i(i TOR 310 mètres, c'est-à-dire à moins de 2 stades. Un trait plus gros, pesant 780 grammes, n'était lancé qu'à 150 mètres. Ces résultats ne doivent point nous étonner; car, bien certainement, on n'a point pris pour la reconstitution de l'appareil toutes les précautions indiquées par les anciens auteurs. Ceux-ci voulaient qu'on choisît, pour faire les cordelettes du ton, les muscles, les plus développés par l'exercice, des animaux les plus vigoureux, ceux des cous des taureaux ou des jambes des cerfs et des chevaux. On faisait tremper ces muscles dans l'eau, on les battait pour les séparer dans leur longueur; on les réduisait en filasse, puis on les peignait doucement et on les filait pour les transformer en cordes. On employait également avec succès les cheveux de femme, pourvu qu'ils fussent longs, fins et bien imbibés d'huile. Les cordes ainsi préparées étaient tendues et enroulées en écheveaux sur les clavettes des choenices au moyen d'un appareil qui permettait d'obtenir une tension égale pour chaque brin, tension que l'on constatait en le faisant vibrer avec la main, jusqu'à ce qu'il donnât une note déterminée 1D. Dans les machines euthytones la corde de l'arc était cylindrique pour pouvoir s'adapter à l'encoche de la flèche ; dans les palintones elle était plate comme une ceinture, afin que la pierre, frappée bien au milieu et sur une assez grande surface, fût convenablement lancée et n'allât pas heurter le bois de la machine. Poids. La niasse du bois employée dans la construction des euthytones était égale à 100 ou 120 fois le cube ayant pour côté le diamètre du ton; soit 60 fois pour les parties essentielles et de 20 à 40 pour l'affût, dont la hauteur ne dépendait pas du calibre, mais était déterminée de manière à servir commodément la pièce ; le poids des parties métalliques et du faisceau moteur peut être évalué à 1/6 environ du poids du bois. On en arrive ainsi à évaluer à 40 kilogrammes le poids des euthytones de trois spithames et à 300 kilos le poids de celles de trois coudées, qui constituaient les calibres extrêmes en usage. M. Riistow a calculé, d'après les indications de Philon, qu'une euthytone de deux coudées revenait à 480 drachmes,correspondantà une somme de 1000 francs, en tenant compte de la valeur relative de l'argent. Le poids de la palintone de 2 talents et demi, dont le projectile pesait 65 kilos, allait jusqu'à 10 000 kilos ; celui des palintones de 30 mines, dont le projectile pesait 8 kilos, était de 2 500 kilos ; on voit combien ces machines étaient relativement plus lourdes que nos canons modernes. Chalcentone.De pareils engins, composés de cordes et de bois, et cde plus soumis à des réactions très violentes, étaient extrêmement sensibles aux influences atmosphériques et se dérangeaient facilement. Par les temps variables, le tir devait être fort incertain. Il eût été beaucoup trop long de retendre les tons brin à brin: on rétablissait alors l'énergie de la force motrice, au degré voulu pour la portée demandée, en tournant les barillets. « Mais, dit Philon, c'est une erreur, si l'on croit arriver ainsi au but désiré ; je dirai même qu'on amoindrit la portée et l'intensité du jet en affaiblissant la machine par la torsion oblique du faisceau en hélice serrée,ce qui enlève aux cordons leur force et leur élasticité naturelles : tel est l'effet de la torsion qui leur est appliquée àla partie supérieure. TOR Dans cet état, le faisceau devient rebelle à la manoeuvre du bandage ; dans la détente, au contraire, il se montre affaibli, relâché, comme si la torsion qu'il a reçue en excès se traduisait par une perte de force équivalente. » A la suite de cette remarque, les ingénieurs grecs essayèrent d'abord de supprimer la torsion pour le bandage en composant la clavette de deux pièces, que l'on écartait à volonté au moyen de coins de bois enfoncés à coups de maillet ; puis ils se préoccupèrent de remplacer la force de torsion par celle de l'air comprimé, en faisant agir les talons des bras contre les pistons de corps de pompe hermétiquement fermés ; ils essayèrent aussi de se servir de ressorts en bronze; mais ces tentatives ne donnèrent jamais de résultats bien satisfaisants, puisque l'ancien système continua à prévaloir. Elles ont eu du moins pour effet de nous conserver sur l'industrie métallurgique et les idées théoriques des anciens quelques détails que je crois assez intéressants pour être reproduits ici in extenso. Voici d'abord des extraits du IVe livre de Philon, relatif à la machine chalcentone ou clmlcotone, c'est-à-dire à ressorts de bronze '. « On fabriqua alors pour la catapulte de 3 empans des lames en rubans de bronze, car on leur donne ce nom. Ces rubans étaient des ressorts métalliques, ayant de longueur 12 doigts, de largeur 2 doigts, et d'épaisseur 1/42 de doigt. On les fondit de cuivre rouge bien préparé, de première qualité et purifié avec soin à plusieurs reprises, puis mélangé, à raison de 3 draclmles2 par mine (3 0/0), avec de l'étain pur, bien nettoyé et corroyé. Au sortir du moule, les rubans furent aplatis et mis aux dimensions ci-dessus. Puis ils reçurent une courbure douce sur un gabarit de bois. Ensuite je les battis àfroid sans relâche, pendant très longtemps, leur donnant une épaisseur uniforme, ainsi que des arêtes rectilignes au pourtour du profil ; et, dans l'autre sens, une courbure régulière, épousant exactement celle du gabarit. Enfin je les conjuguai deux à deux, mettant en regard leurs parties concaves. Les extrémités, limées avec soin, s'assemblaient deux 'à deux au moyen de tenons. Les rubans empruntaient donc leur force à la nature même du bronze. Le plus blanc et le plus pur, quand on le fond avec toutes les précautions requises, donne un métal fort, souple et élastique. Les ressorts furent battus à froid, sans relâche et pendant longtemps, afin d'en durcir les fibres superficielles et de leur procurer plus de résistance. » Cette élasticité du bronze était alors une chose nouvelle, ou du moins complètement oubliée depuis les âges héroiques, où les armes étaient faites de ce métal, car Philon ajoute : « Il est impossible, dirat-on, que les lames déjà courbées, puis redressées par l'effort du bras, ne restent pas indéfiniment rectilignes, bien loin de se détendre et de revenir à leur courbure première. On admet que l'élasticité est une propriété naturelle de la corne et de certains bois,, comme on le voit dans l'arc ; mais on soutient que le bronze, bien que doué comme le fer d'une certaine rigidité, d'une certaine dureté et résistance, conserve néanmoins la courbure qu'il a reçue d'un effet puissant et ne peut plus ensuite spontanément se redresser; excusons l'objection fondée sur une notion imparfaite des choses. La propriété desdits ressorts fut en effet devinée, à la vue 3G TOR des épées celtiques et espagnoles. » L'auteur entre ensuite dans quelques développements sur la manière dont on travaillait et essayait ces épées ; puis il résume ainsi la fabrication des ressorts : « Je battis donc mes rubans à froid sur chaque face, et cela eut pour effet d'en durcir l'épiderme. L'intérieur, au contraire, demeura mou, grâce à la douceur du battage, qui ne pouvait se faire sentir à quelque profondeur. Les lames se trouvaient donc formées, pour ainsi dire, de trois métaux juxtaposés : à l'extérieur, deux couvertures dures, à l'intérieur un corps mou. De là leur souplesse élastique. » Ces ressorts en bronze ont été employés dans la cliirobaliste (7erE42),n(aiaa), arme de jet portative, dont M. Prou a tenté la restitution [AnC1113ALLisTA1 3• Aerotone. La catapulte litltobole aérotone est décrite ainsi par Philon : « Ctésibios, ayant bien compris la force et la résistance excessive de l'air et sa facile mobilité, comprenant aussi que l'air renfermé dans un vase résistant peut admettre tour à tour une forte compression et une rapide expansion, pour reprendre ensuite un volume égal à la capacité du vase, conçut très bien, grâce à son habileté en mécanique, comment ce mouvement même pouvait communiquer aux bras une grande fermeté et un élan très rapide. C'est pourquoi il construisit deux vases, ayant la forme de pots à onguent sans, couvercle, et il employa l'airain battu afin d'obtenir des vases forts et solides. On les avait d'ailleurs préalablement modelés en cire et exécutés en fonte, afin de prendre exactement la mesure de l'épaisseur, ainsi que celle des parties intérieures. Ils étaient façonnés au tour ; la surface, dressée au moyen d'une règle, était rendue parfaitementlisse. Cela fait, on adaptait à l'intérieur un tampon d'airain, susceptible d'y exécuter un mouvement de va-et-vient en glissant à frottement sur sa propre surface, qui était elle-même parfaitement égalisée et lisse.De cette manière les deux parties de l'appareil étaient tellement bien emboîtées l'une dans l'autre qu'il était impossible à l'eau de passer entre les deux surfaces et de rien laisser perdre de sa force à l'appareil. Du reste ne soyez pas étonnés ni embarrassés de savoir s'il était possible de fabriquer un tel appareil ; car dans la flûte nommée hydraule, dont on joue avec les mains, le soufflet, qui envoie l'air dans la cloche au travers de l'eau, est d'airain et travaillé d'une facon analogue à celui des vases mentionnés ci-dessus. Ayant donc construit deux vases comme nous l'avons dit, semblables à des pots à onguent, et ayant donné aux péritrètes • une forme appropriée aux pièces qui devaient être établies, Ctésibios les y fixa solidement. 1l adapta aux talons des bras une garniture en fer, de forme légèrement courbée, destinée à presser contre les tampons. Quant aux bras, il les faisait pivoter, par le même procédé que ceux de la machine chalcentone décrite précédemment, autour d'essieux de fer retenus dans des crapaudines. Ayant donc fait tout ce que l'on vient de dire, ayant tendu la corde, et appareillé la fronde, il manoeuvrait de la même facon que dans les autres machines : alors, la corde archère étant tirée, il s'ensuivait que les bras, appuyant les talons contre les tampons, les poussaient fortement, de sorte que l'air retenu dans les vases, étantcomprirné de la manière que je l'ai dit et, par suite, se trouvant condensé, imprimait TOR 368 --TOR aux bras une impulsion vigoureuse, conformément à sa constitution naturelle. Donc, la pierre étant mise en place sur la machine et la détente lâchée, les bras partaient avec une grande énergie et chassaient la pierre en lui communiquant une portée d'une longueur considérable. » Polybole. Parmi les essais tentés par les anciens je citerai encore la catapulte polybole, qu'un certain Denys d'Alexandrie avait construite pour les Rhodiens. On jetait à l'avance une brassée de traits dans une trémie, placée au-dessus d'un cylindre en bois muni d'une encoche longitudinale. Ce cylindre, animé d'un mouvement de rotation, analogue à celui de la culasse mobile de nos revolvers, amenait successivement chacun des traits dans la position convenable pour être lancé. «Le modèle présenté par Denys, dit, Philon', avait une grandeur comprise entre celle d'une machine d'une coudée (0m.46)etcelle d'une machine de trois spithames(Om.69); il lançait des traits longs d'une coudée et un doigt(0 m. 65), dépourvus d'encoches et empennés avec trois plumes ». Ces traits portaient à environ 200 mètres. Autres types. Biton 2 décrit divers types de lithobole, parce que, dit-il, il arrive souvent qu'il faut faire des machines spéciales pour s'adapter à la disposition des lieux ; l'un de ces engins avait été construit à Rhodes par Charon de Magnésie ; l'autre à Thessalonique par Isidore d'Abydos ; mais il est fort difficile de les reconstituer par suite de l'obscurité du texte, qui suppose parfaitement connues les parties essentielles ; on croit y reconnaître des bras élastiques, bandés mécaniquement et agissant sur une fronde. Les batteries. Le nombre des pièces mises en batterie, dans les siècles antiques, était tout à fait comparable à celui qu'on employait il y a peu de temps encore. Ainsi, à l'attaque de Jotapata, Vespasien avait 160 machines en action Les Romains trouvèrent à Carthagène 120 oxybèles de grand calibre et 281 de petit, 23 grandes lithoboles et 52 petites : en tout, 476 pièces d'artillerie proprement dite, sans compter plus de 2 500 scorpions, qui paraissentavoirété analogues pour l'usage à notre ancien fusil de rempart'. Les Juifs avaient, à la fin du siège de Jérusalem par Titus, environ 40 lithoboles et 300 oxybèles 5. On voit par ces exemples que la proportion des oxybèles et des lithoboles était sensiblement constante et variait de 1 à 5 ou 6. Artillerie de campagne. Alexandre avait des catapultes avec ses troupes de campagne : au commencement de la bataille du Tanaris, il avait fait placer à l'embouchure du fleuve une de ces machines, qui tua de l'autre côté un cavalier scythe G ; mais c'est à Machanidas, tyran de Lacédémone, qu'est dû le premier emploi de l'artillerie sur le champ de bataille, à Mantinée, 207 ans av. J.-C. Il la répartit par fractions sur tout le front de son armée, comme on le fit plus tard pour les premières bouches à feu; il parvint ainsi à rompre la phalange macédonienne'. II paraît certain que ce fut sous Vespasien que les Romains commencèrent à adjoindre un certain nombre de pièces à leurs légions, dans le service de campagne 8. Les machines romaines. Vitruve décrit, sous le nom de catapulte et de scorpion, l'oxybèle euthytone ; et, sous celui de baliste, la pétrobole palintone. Il ne parle pas d'autres machines 9. Les écrits de César, de Tite-Live, de Tacite et des autres écrivains romains antérieurs à Hadrien, confirment l'emploi de ces dénominations10. Un seul passage de César" a provoqué de longues dissertations, parce qu'il semble en contradiction avec la classification précédente. César dit, en effet, qu'au siège de Marseille les assiégés envoyaient, avec des catapultes, des pierres sur les murs de la tour de briques qu'élevaient les assiégeants ; mais, d'abord, on peut admettre que César, ayant séjourné en Orient et connaissant la langue grecque, a employé ici le mot de catapulte dans son sens propre, c'est-à-dire dans celui de machine de jet en général ; il n'y a, de plus, rien d'impossible à ce que les Marseillais aient employé dans ce cas particulier la machine euthytone, pour lancer des pierres sur une construction très légère et très rapprochée ; les euthytones et les palintones pouvaient également servir à deux fins, moyennant de très petites modifications. Ainsi César raconte dans un autre passage12 que les grandes balistes lançaient des poutrelles longues de 12 pieds, armées de fer, qui traversaient quatre rangs de claies. Héron dit, du reste, expressément que les lithoboles jettent à volonté des pierres et des traits, et même simultanément les deux espèces de projectiles. On lit dans Athénée 13 qu'on plaça sur le vaisseau du roi Hiéron une machine capable de lancer à la distance d'un stade, soit une pierre de :3 talents, soit un trait de 12 coudées. Remarquons que dans les machines des anciens il n'y avait pas, comme dans nos canons, une àme comportant un projectile déterminé ; ces machines donnaient tout simplement une impulsion à un objet qui pouvait être quelconque, ainsi que nous le ferions avec une chiquenaude à un corps placé sur une table. Les projectiles ordinaires étaient bien des flèches et des boulets de pierre, mais on lanca aussi avec les balistes des barres de fer rouge, vectes ferrcos candentes ", et des projectiles incendiaires de toutes sortes. Sylla, au siège d'Athènes, employa de gros boulets de plomb pour démolir une tour de bois, que les défenseurs avaient opposée à une de ses hélépoles. Appien, qui rapporte ce fait, emploie le mot catapulte pour désigner la machine de ,jet' Bas-Empire. L'onagre. -Du deuxième au quatrième siècle de notre ère, nous n'avons pas d'autres documents écrits sur l'artillerie des Romains; mais au quatrième siècle nous trouvons dans Végèce, Ammien Marcellin, et dans le livre anonyme De rebus bellicis, des détails suffisants pour nous montrer que l'ancien sys TOR 369 TOR tème avait à peu près complètement disparu. Les machines à lancer les traits ne s'appellent plus ni oxyhèles, ni euthytones, ni catapultes, ni scorpions ; le nom de baliste est seul resté en usage pour les désigner; les machines à lancer les pierres ont pris celui d'onagre. Les balistes sont formées de grands arcs en fer, montés sur des chars qui contiennent tout l'appareil propre au bandage; Ammien Marcellin 1 et Procope en donnent une description; le livre De Pelais bellieis, une figure; mais le tout est assez obscur. Aussi me contenterai-je de reproduire ce que dit Végèce sur leur emploi: « La légion n'est pas invincible par la valeur seule de ses soldats; elle doit encore sa force à ses armes et à ses machines. Premièrement, elle ,est munie de balistes montées sur roues, traînées par des mulets, et servies chacune par une chambrée, c'est-à-dire onze soldats de la centurie à laquelle elle appartient. On ne se sert pas seulement de ces balistes pour la défense des camps ; on les place encore sur des champs de bataille, derrière les chariots pesa mmen t armés ; iln'yani cuirasses de cavaliers, ni boucliers de fantassins qui soient à l'épreuve des grands traits qu'elles lancent. Il y a donc cinquantecinq balistes dans une légion, plus dix onagres que l'on fait traîner' tout armés sur des chariots attelés de boeufs. L'usage des onagres est de défendre les retranchements avec des pierres, comme les balistes avec des traits. » L'onagre dont il est ici question a été décrit d'une façon assez claire par Ammien Marcellin" : (( Voici la forme du scorpion, que l'on appelle maintenant onagre : on taille deux poutres de chêne ou d'yeuse en leur donnant une légère courbure, de manière à les faire paraître cintrées ; ces poutres sont forées et assemblées entre elles comme les pièces d'une scie. Un gros câble, qui passe par les trous, lie les deux poutres et les empêche de s'écarter. Dans le milieu du câble s'élève obliquement une tige de bois dressée comme un timon de voiture, et embrassée de telle sorte par les cordes de nerfs qu'elle puisse s'élever ou s'incliner davantage. L'extrémité de cette tige est armée de crochets en fer, desquels pend une fronde faite de cordes ou de chaînes. On couche en avant et au pied de la tige un fort bâti, muni d'un coussin de paille hachée et fixé par de robustes attaches. La machine, au droit de ce tutti, repose sur un amas de gazon ou sur un massif en briques, toute construction en pierre cédant, non au poids, mais à la violence de la commotion. Le moment d'agir étant venu, on met une pierre ronde dans la fronde, et quatre hommes placés de chaque côté, agissant sur des barres, enroulent les cordes, qui amènent le bras et le font baisser jusqu'à ce que le chef de batterie (magister), qui se tient debout, fasse partir la détente d'un coup de marteau. Le bras dégagé vient heurter contre le coussin de menue paille et lance le caillou avec une telle violence, qu'il fracasse tout ce qu'il rencontre. On appelle également cette machine tormentuln, parce qu'elle tire son effet de la torsion ; le nom de scorpion lui venait de ce qu'elle semble dresser un dard; enfin on lui donne maintenant celui d'onagre, par l'analogie qu'elle présente avec cet animal, qui, quand il est poursuivi par les chasseurs, lance avec les pieds de derrière des pierres lx. avec une telle violence que celles-ci enfoncent la poitrine ou brisent le crâne de ceux qui courent après lui. » On voit encore par cette citation combien les noms des machines de jet ont varié, et quelle confusion les historiens ont apportée dans cette nomenclature,puisque le nom de scorpion, appliqué d'abord à la plus petite des oxybèles, était devenu celui d'une pétrobole. La machine décrite par Ammien, que Végèce appelle_ également onagre est facile à reconstituer dans ses éléments essentiels ; l'existence d'un bras unique, se mouvant dans le plan de la trajectoire du projectile, est caractéristique, et la figure 7021, qui représente un modèle du musée de Saint-Germain, doit être une reconstitution suffisamment exacte dans son ensemble. A l'aide d'un treuil, on abaisse le levier A, ce qui tord encore davantage les faisceaux, et on le fixe dans la position que représente notre gravure au moyen d'une corde C, passée dans un crochet B. Une fronde D est suspendue au levier; on y place le boulet de pierre. Si, à l'aide d'une détente, on détache brusquement le levier, il va reprendre sa position primitive, se redresser avec une grande violence, et venir frapper le matelas placé à la partie antérieure de l'appareil. Dans ce mouvement, si rapide que l'oeil ne peut le percevoir, la fronde a agi en lançant en l'air le projectile, qui tombe à 130 ou à t60 mètres, selon son poids. Le projectile s'élève à une hauteur qui n'a pas été déterminée, mais qui est consirable. Sa vitesse est très faible, et on le suit de l'oeil avec la plus grande facilité. Les officiers d'artillerie. Pendant longtemps les machines de trait furent fabriquées, chez les anciens, par des ingénieurs civils, qui exploitaient, durant la paix, les diverses applications des sciences et qui mettaient, durant la guerre, leurs talents au service de leur patrie. Hérodote 3 donne le nom d'à?zetéxTu'I à Mandroclès de Samos, qui jeta un pont de bateaux sur l'Ilellespont, lors des guerres Médiques. Héron et Philon de Byzance, que les anciens rangeaient parmi les z yavtxo(7, ont laissé des traités sur la géométrie, la mécanique, la conduite des eaux, l'artillerie, la construction des ports, la fabrication des horloges, la fortification, l'attaque et la défense des places. A la même époque, Plaute nous montre l'architectus occupé tantôt à édifier une habitation privée, tantôt à tracer le plan d'un navire 8 ; Vitruve, l'auteur du Traité d'architecture, raconte qu'il a com 47 TOR 370 TOP mandé l'artillerie à l'armée et il nomme arrhitecti les ingénieurs qui ont défendu Marseille contre César'. Apollodore de Damas, l'architecte du forum de Trajan, a composé un traité sur les machines de guerre 2. A l'époque de Végèce le service du génie et de l'artillerie aux armées était dirigé par deux officiers supé placés immédiatement sous les ordres du préfet de la légion. Les fonctions du praefectus castrorum étaient surtout administratives. Vègèce les définit ainsi : « Le tracé, l'exécution et le paiement de tous les ouvrages du camp et des retranchements le regardaient. Il avait inspection sur les tentes et les baraques des soldats et sur tous les bagages. Son autorité s'étendait aussi sur les médecins de la légion, sur les malades et leurs dépenses. C'était à lui de pourvoir à ce qu'on ne manquât jamais de chariots, de chevaux de bât, ni d'outils nécessaires pour scier ou couper le bois, creuser le fossé, élevér les palissades et se procurer de l'eau. Enfin il était chargé de faire fournir le bois et la paille à la légion, de l'entretenir de béliers, d'onagres, de balistes et de toutes autres machines de guerre. Cet emploi se donnait à un officier de mérite, qui avait servi longtemps d'une manière distinguée, afin qu'il pût bien montrer ce qu'il avait pratiqué lui-même avec applaudissements. » Quant au praefectus fabrum, c'était le chef de tous les ouvriers, le commandant des troupes du génie de la légion. Il présidait aux travaux d'attaque et de défense des places, ainsi qu'à la fabrication et à la réparation des machines, chariots, outils et armes de toute espèce. On a vu que l'institution des compagnies militaires d'ou vriers remontait à Servius Tullius. A. DE RocuAs. Les monuments antiques. La plus ancienne image d'une catapulte que nous aient conservée les monuments se voit sur un bas-relief qui décorait la balustrade du temple d'Athéna Polias à Pergame, édifice construit entre les années 197 et 159 av. J (fig. 7022)`. Lamachine est représentée au milieu d'armes diverses, cuirasse, épée, boucliers, flèches, etc...; le sculpteur n'a reproduit que la face antérieure du cadre (aÀtvO(ov), contenant les faisceaux moteurs ; il faut supposer que les autres parties, à savoir la crosse (aûuy;) et le pied (ôpOoar .tTlç) avec leurs accessoires, étant placés en arrière, sont cachés aux regards du spectateur. Mais il est d'ailleurs facile de reconnaître toutes les pièces du cadre, ci-dessus décrites 's : le chapeau, endommagé du côté gauche, et la semelle, qui constituent les r péritrètes » (aEp(TpTTTa) ; les madriers extérieurs (aapaaTxTat) et les madriers intérieurs (µEa,arX.Tat), enfermant les deux faisceaux moteurs (Ti,vot), tordus en spirale, qui passent en haut et en bas par les ouvertures correspondantes (Tpi,uxTa) et aboutissent aux barillets (7otvtxiCE;), sur lesquels ils ont été fixés et tendus ;au centre de la fenêtre apparaît l'extrémité antérieure du curseur (Jure), posé sur la rainure en queue d'aronde de la crosse; enfin à la droite de l'appareil on voit un des bras (âYxcôvaç) 6, sur lesquels était tendue la corde archère (to;ïrtç) ; le bras du côté gauche est caché derrière le bouclier voisin. Le Musée du Vatican possède un bas-relief analogue (fig. 7023), sculpté sur le monument funé raire d'un vétéran, qui fut, à Rome, ingénieur (architectus) dans l'arsenal impérial, sous Vespasien et sous Domitien 7. La machine, symbole des travaux auxquels on l'employa, est représentée de face, comme celle de Per game ; ici les deux bras, tout droits et massifs, sont parfaitement visibles ; on distingue même à leur extrémité le lien de la corde archère. sont renflés vers le milieu en forme de consoles. Quatre colonnettes, surmontées d'arceaux, encadrent les autres compartiments, qu'on doit supposer revêtus d'un tablier en fer ; car les Tôvol sont complètement dissimulés et on . n'a laissé au centre qu'une étroite meurtrière pour donner passage au bec de la Stoi7Tpa et à son projectile ; cette ouverture est entourée d'un grénetis et des palmettes ornent les arceaux. On remarquera aussi les énormes clous à bossettes qui assujettissent entre elles les différentes pièces du cadre. Il n'est pas douteux que l'on avait déjà interprété correctement ce bas-relief a, lorsqu'on reconstitua à Saint-Germainen-Laye,par ordre de Napoléon III, la catapulte rornaine (fig. 7019) 9 ; car dans celle-ci plusieurs détails sont une imitation évidente du monument du Vatican 70 ; le res TOR -371 TOR taurateur a seulement, ajouté quelques ornements contestables, pour rendre plus sensible à l'aeil la présence du tablier qui couvre la face antérieure du cadre. Une curieuse gemme de la collection Cadès (fig. 7024 ajoute à nos connaissances ce qui manquait dans les monuments précédents: elle nous montre l'arrière de la catapulte. Nous voyons là l'Amour qui torture Psyché, figurée par un papillon [esv eue]; il l'a piquée à la pointe d'un javelot posé sur la crosse et 91 bande la corde de tirage (ô r),ov, xaTa,tmr(;)àl'aide du treuil (ivoç, i vta rot,), dont il a saisi les bras dans ses deux mains; il fera ensuite jouer le déclic et la bestiole sera lancée dans les airs avec le projectile. On remarquera que la barre tent les mouvements verticaux de la crosse dans la mise au point, ne sont pas cons truites sur un modèle identique à celui des 1llatllenbatici veteres 2. L'artilleur a abaissé jusqu'à terre l'extrémité postérieure de la crosse, qu'il maintient du pied, afin d'atteindre par son tir la plus grande hauteur possible. Les catapultes représentées sur la colonne Trajane diffèrent un peu des précédentes ; on voit dans la figure 7025, d'après un de ces bas-reliefs deux soldats romains occupés à manœuvrer leur machine au sommet d'un agrler, formé de troncs d'arbres empilés ; elle n'a point de 7rxoxcrzrxt et les Tôvot sont complètement enfermés dans deux cages cylindriques semblables à des tourelles : le chapeau est courbé en forme d'arc; il est probable d'ailleurs que dans cette sculpture monumentale, destinée à être vue de loin, certains détails sont traités d'une façon assez conventionnelle, notamment la position et l'ajustement de la crosse. La figure 7026, tirée du même originale, montre lune catapulte ou une baliste sur roues (carroballista) 5, affectée au service de campagne. Recherches récentes. Les études techniques et les travaux de reconstitution, poursuivis autrefois à SaintGermain-en-Lave, ont été repris en Allemagne, en 1901, par un officier d'artillerie, le major Schramm ; ses appareils, après avoir été essayés sur un champ de tir à Metz, sont aujourd'hui exposés au Musée de la Saalbourg. Ils ne se distinguent point de ceux de Saint-Germain par des différences essentielles. Cependant on s'est efforcé, en les construisant, de se tenir plus près encore des descriptions des .llathernatici veleres, autant qu'elles nous sont accessibles. Dans la confection des faisceaux moteurs, d'or' dépend toute la puissance de la pièce, on a employé, pour obtenir la plus grande élasticité possible, des crins de cheval, comme le prescrivent les ingénieurs de l'antiquité. Bref on est arrivé à donner à la catapulte une portée de 370 m. (un peu plus de 2 stades) avec un trait mesurant 0 m. 88 de longueur, et à percer de part en part un bouclier revêtu de fer, épais de Om.036. Malgré ces perfectionnements, il reste encore bien des questions douteuses à élucider ; la plus débattue est celle qui se rapporte à la construction de la rx),(vTovoç. On entend par là une catapulte dans laquelle la corde archère était fixée aux extrémités internes des deux bras, au lieu de l'être, comme dans l'euthytone, à leurs extrémité externes; cette opinion, dont l'origine remonte aux travaux de Prou, soulève des objections' ; surtout on ne voit pas comment elle peut être justifiée par l'étymologie du mot 7ra)i(vrovo;. M. Schneider a soutenu récemment que dans cette machine chaque faisceau moteur, monté sur la clavette supérieure (i7`tu; (;), était ramené en arrière vers la clavette inférieure, de façon à former un second tour qui augmentait d'autant la force d'impulsion e, comme il le fallait lorsque, au lieu de javelots, on lançait des boulets et autres projectiles pesants. Il est possible que de nouveaux progrès soient encore réalisés dans ces recherches, quand les figures jointes au texte dans les manuscrits des Illathentatici veteres auront toutes été reproduites avec exactitude9. Exercices et arsenaux. Depuis le commencement du Fve siècle av..l.-C. plusieurs inscriptions mentionnent des catapultes parmi les armes qui étaient en usage chez les Grecs 10. Nous voyons, par exemple, que la jeunesse était de bonne heure habituée à manoeuvrer ces engins; à Samos le tir de la xxTaaZX.:7,; et de la ),trioFt.no; figure parmi les exercices auxquels on soumettantes éphèbes'`. Une loi de Céos prescrit au gymnasiarque de conduire les jeunes gens au tir de la catapulte (xxra7rx1Tn¢e?(x) trois fois par mois; elle établit entre eux des concours et fixe des prix pour les vainqueurs12. Chaque ville avait dans ses arsenaux des machines de trait toujours prèles à assurer sa défense et on se faisait un honneur de les entretenir en bon état : en 199 av. J .-C., Athènes récompense un citoyen qui, dans un moment de crise, a fourni, à ses frais, des faisceaux moteurs pour armer les catapultes 13. Nous avons aussi d'intéressants détails sur t'artillerie athénienne dans les inventaires de l'arsenal du Pirée, dressés par les commissaires de cet établissement après la con TOR 372 TOR quête macédoniennes; entre les années 330 et 322 av. J.-C., l'arsenal renfermait des pièces de catapultes démontées, avec leurs munitions, que les commissaires ont ainsi classées : Ces chiffres peuvent paraître assez faibles; mais il faut songer qu'Athènes venait d'être écrasée à Chéronée; nous n'avons là qu'un résidu, et de plus les machines du Pirée ne servaient qu'aux besoins de la marine; Athènes en avait encore d'autres, par exemple celles qu.e l'on conservait dans la Chalcothèque de l'Acropole ; elles nous sont connues par des inventaires qui datent à peu près de la même époque que les précédents'. Les pétrobotes y sont distinguées des oxyboles ; on a noté avec soin lalongueur de chaque pièce,d'après celle de ses projectiles; il yen a de deux, trois, quatre coudées, une autre de trois empans ; on cite même le nom d'un des constructeurs; enfin on indique le nombre et l'état de la pièce et de ses munitions. Nous voyons ainsi qu'en l'an 306 il y avait à l'Acropole quatre catapultes complètes, de longueurs et de modèles différents. Dans le siècle suivant les parcs d'artillerie prendront bientôt d'autres proportions ; on verra les cités et les souverains de l'Orient grec mettre en action, pour une seule opération de guerre, plus de cent pièces à la fois, et à l'époque romaine c'est par centaines qu'on les comptera dans les journées déci