Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

TORQUES

TORQUES ou TORQUIS (masc. et fém.), 6TpETCTdç, quelquefois6TEt0IX.COI lier en métal (or, argent ou bronze), présentant l'aspect d'une torsade (fig. 7027) 1, Les deux extrémités du collier se terminent d'ordinaire par des tampons que rapproche l'élasticité du métal ; dans les torques de luxe, ces tampons sont parfois ornés de figures; d'autres fois, les extrémités du torques se replient en s'élargissant (fig. 7028). Il existe aussi des torques pourvus de systèmes de fermeture, comme celui de Penouillet au musée de Toulouse (fig. 7029)2, et d'autres où une extré mité crochue s'engage dans un oeillet". C'est à un dispositif de ce genre que paraît faire allusion Properce quand il qualifie d'unca le torques d'un guerrier gaulois'. Le torques n'est pas un objet de parure hellénique ; les Grecs et les Romains ne l'ont connu que par les Barbares Dans l'ouest de l'Europe, on en a trouvé des TOR 376 -TOR spécimens remontant à la fin de l'âge du bronze, c'està-dire antérieurs à l'an 1000 ; mais les textes le signalent d'abord chez les Mèdes 2 et chez les Perses, où ces objets étaient portés par des personnages de distinction, hommes et femmes3.Il semble que les nobles perses se soient parés du torques même en campagne 4. Les rois de Perse offraient des torques comme présents à des princes étrangers '. Ce n'était donc pas seulement une parure, mais un insigne. Sur la mosaïque pompéienne de la bataille d'Alexandre, le roi de Perse et d'autres guerriers portent des torques ; celui du roi se termine par des têtes de serpents affrontés'. Sur l'aryballe à reliefs de Xénopllantos, on distingue un torques doré au cou du personnage nommé Seisamès7. Un buste de Mên-Attis. orné d'un torques à la mode perse, paraît sur une des coupes d'argent découvertes à Hildes heim B. Le même usage se constate chez les Scythes, dans un pays où les hommes ont continué jusqu'à ce jour à porter des colliers appelés grivna Parmi les bijoux découverts au Bosphore cimmérien, il y a d'admirables torques en or, dont les extrémités sont parfois terminées par des protoones de cavaliers fig. 7030) 10, des têtes de lion 11, de bouc, de sphinx, etc. '"2. Le port du torques était également familier aux tribus celtiques, depuis les confins de la Scythie jusqu'en Irlande; l'usage parait s'en être maintenu chez les tribus celtiques et celtisées du Danube plus longtemps que dans la Gaule même 13. Des torques d'or, d'argent et de bronze ont été découverts dans les îles Britanniques" et en France"; mais les nombreuses nécropoles à inhumation de la Champagne, appartenant au second âge du fer, n'ont fourni que des torques de bronze. Il est d'ailleurs remarquable que ces torques étaient exclusivement placés autour du cou des femmes ; si les Gaulois de la Champagne portaient des torques, ces parures ne les suivaient pas dans la tombe. Les quelques exceptions qu'on a signalées sont dues à des observations peu précises ou à des erreurs". Lorsque les Gaulois, au Ive et au me siècle avant notre ère, se trouvèrent en conflit avec les Romains et les Grecs, le torques d'or, porté par les chefs même dans le combat, fut une des particularités qui frappa le plus vivement leurs adversaires t1. Le tribun Manlius reçut le surnom de 7'orquatus pour avoir placé autour de son cou le torques d'or dont il avait dépouillé un chef gaulois1e. Les annales des guerres des Romains contre les Gaulois de l'Italie du Nord mentionnentsouvent, parmi le butin des victoires, un grand nombre de torques en or 19. Lors du triomphe de Cl. Marcellus, vainqueur de Virdomar, un torques d'or d'un poids exceptionnel fut offert à Jupiter Capitolin 20. Les Insubres, commandés par Aneroeste, avaient promis à leur dieu Mars (Marli suo) un torques d'or sur le butin qu'ils se promettaient de faire ; Flaminius, vainqueur des Insubres, éleva à Jupiter un trophée d'or formé de torques pris à l'ennemi 2f. Lorsque le Sénat avait à se louer de la fidélité d'un chef gauloise, il lui faisait présent d'un torques; plus tard les Romains en offrirent aussi à des chefs germains 2j. Il n'est pas question de ces ornements, peut-être tombés en désuétude, dans le récit des campagnes de César ; mais le torques était si généralement considéré comme un attribut des Gaulois que Claudien, décrivant la Gaule personnifiée, lui met encore un torques au cou (evinetaque torque decoro) 21. Nous savons aussi que les Gaulois cisalpins offrirent à Auguste un torques colossal en or, pesant 100 livres"; on a cru TOR -377 TOR reconnaître un objet de ce genre, présenté par les nautae de la Seine, sur un bas-relief d'un des autels découverts à Notre-Dame de Paris La célèbre statue du Gaulois mourant, au Capitole 2, représente un guerrier nu, paré d'un gros torques (fig. 7031), que les archéologues d'autrefois prenaient pour une corde passée au cou d'un gladiateur 3. On voit également des Gaulois ornés de torques sur le sarcophage de la vigne Ammendola, représentant une bataille entre Grecs d'Asie et Gaulois (fig. 7032) ', et sur d'autres oeuvres d'art où sont figurés des Gaulois vaincus 3. Un buste de Gaulois avec torques figure sur un aes coulé à Ariminum (fig. h53)6. Le port du torques, à cette époque, parait avoir été réservé aux hom mes '. Dans l'art gallo-romain, il est réservé aux divinités, surtout masculines "; citons comme exemples le dieu cornu de Reims, assis entre Apollon et Mercure 9 (fig. 4963) ; le dieu tricéphale de Condut, au musée de Périgueux (fig. 7033), où le buste de milieu est orné d'un torques très nettement indiqué ; les divinités gauloises figurées sur le vase d'argent de Gundestrup 16, etc. On a trouvé en Gaule des statuettes de style gréco-romain auxquelles leurs possesseurs gaulois ont ajouté des torques d'or ou d'argent 11; une inscription de Riez 12 mentionne une IX. statuette de Somnus, dédiée à Esculape, qui portait un [orques d'or. J'ai déjà cité des exemples de dédicaces de Lorques au Mars gaulois et au Jupiter romain ; il est question ailleurs d'un torques offert à Jupiter Iteliopolitanus 13 Dans quelques monuments gallo-romains, des tordues paraissent être tenus à la main par des divinités, ou présentés sur leur corps même à l'adoration des fidèles ; vu la rudesse du travail, il est parfois difficile de dire s'il s'agit de torques, de colliers ou de bracelets ii. Familiarisés avec le torques par leurs longues guerres contre les Gaulois, les Romains en firent une récom pense militaire [ARMILLA, Dont MILITARIA]. Suivant Pline16, les auxiliaires et les étrangers recevaient seuls des torques d'or ; les citoyens romains ne recevaient que des torques d'argent, mais cette distinction ne fut plus faite sous l'Empire. Le torques, les armillae et les phalerae étaient des insignes accordés aux soldats et aux sous-officiers jusqu'au grade de centurion inclusivement; les officiers supérieurs recevaient des cornua, des hastae, des vexilla. Pline cite un tribun, Licinius Dentatus, qui, au cours d'une longue carrière, où il combattit dans 120 rencontres, n'avait pas reçu moins de quatre-vingt-trois torques 17. Les épitaphes de soldats mentionnent souvent des récompenses de ce genre, et des soldats ornés de torques sont figurés sur des stèles funéraires f8. Aurélien voulut que les soldats portassent en public ces marques de leur valeurl9.On ne les conférait pas seulement aux soldats individuellement2o, mais à des corps de troupe ; ainsi les inscriptions nous font connaître des alae torquatae 21, et même des alae bis lorquatae Il y avait plusieurs sortes de torques, suivant l'importance des services rendus; ainsi il est question d'un soldat clonants torque majore bello Dalmatico 23. Peutêtre ce « grand cordon » répond-il à la mention obscure que fait Isidore de Séville de torques d'or pendant jusqu'à la poitrine2''. Sous l'Empire, le don d'un torques récompense aussi d'autres services 2t'. Auguste décora ainsi un jeune noble qui avait été gravement blessé dans les jeux troyens et lui conféra le surnom de Torquatus 26. Le géant Maximin, avant de devenir empereur, reçut un jour, de la main d'Alexandre Sévère, un torques d'or, comme récompense de ses extraordinaires prouesses de lut teur 27. Lors du triomphe de christianisme, le port du torques parut entaché de paganisme et de barbarie 2" ; mais nous savons par Sidoine Apollinaire qu'au ve siècle encore des torques étaient donnés en prix aux auriges vainqueurs 29. C'est à tort qu'on a parlé d'un /orques brachialis, 48 TOR 378 TOR qui aurait été porté au bras; cette erreur provient d'un texte mal ponctué de l'Histoire Auguste '. Quelques archéologues anglais ont qualifié de torques funicularis des torsades en or d'une grande longueur (parfois plus d'un mètre) dont on a recueilli des spécimens en Angleterre et en France Ad. de Longpérier a montré' que c'étaient des ceintures, comme celle qu'on voit autour du corps d'un des Gaulois morts de Venise 4. ainsi le matelas du lit romain [LECTUS] et de la litière [LECTICA]. Il y en avait sur les lits destinés au repos et au sommeil; par suite, torus prend quelquefois le sens de lit nuptial et, par extension, de mariage'. On en garnissait également les lits tricliniaires, les lits funèbres et les lits des dieux pour lectisternes'. Les Romains rapprochaient ce mot de tortus et le faisaient dériver de la même racine. Le torus aurait été à l'origine un tortis d'herbes, servant de coussin. Ce mot désignerait donc primitivement le chevet du lit (frons lecti)3. Parmi les modernes, certains ont pensé aux cordes ou tors (funiculus tortus), qui servent de sangles et supportent la literie. D'autres remontent à la racine sanscrite star, à la racine grecque stop (cTOOEVvuN.t, sterno). Tores aurait remplacé stores et serait proche parent de storca, natte tressée en paille, en corde ou en jonc'. Mais ne vaut-il pas mieux chercher une relation avec les vocables grecs Tdpvos et'rao.? Le tornos est à proprement parler le tour, métier qui sert à travailler le bois et les métaux en les faisant tourner sous le ciseau [TORNUS] ; le toros est un instrument des puisatiers'. Ces termes avaient fini par signifier toute forme arrondie, toute courbure. Tel est aussi, d'une façon générale, le sens du mot tores ; il semble même que ce soit le plus ancien. On caractérisait ainsi le toron des cordes ', les liens qui rattachent la vigne à l'ormeau', les moulures bombées, la saillie des muscles', le gonflement des veines les renflements de terrain, l'emphase du style. Les matelas devraient donc ce nom au bourrelet régulièrement arrondi qu'ils forment sur la face antérieure des lits. L'équivalent de tores en grec est le mot T)41, TU)ECOV, dont la signification première parait être aussi celle de bosse, protubérance, et qui désigne tout objet rembourré 10. Le Tu)tttov avait remplacé les peaux de bêtes, les épaisses couvertures de laine et les nattes d'écorce dont il est encore question à l'époque homérique L'usage du matelas semble s'être généralisé sous l'influence du luxe asiatique, en même temps que la coutume de s'étendre sur un lit pour prendre ses repas. Peut-être fut-il réservé tout d'abord aux lits de repos. Sur le lit que nous montre la frise d'Assos 12 (vie siècle), il n'y a que des coussins. On ne voyait pas de matelas sur les lits de table des Spartiates i3. Pendant un temps, au ve siècle, on n'en vit pas sur ceux des Athéniens, qui subissaient alors l'influence de Sparte ". A Rome, on conserva longlemps l'habitude de ne disposer sur les lits tricliniaires que des peaux ou des tapis [LUTHS 1. Mais cette tradition ne résiste pas aux nouveaux besoins de bien-être et au goût du luxe que développent les rapports de Rome avec l'Orient ; dès le ne siècle, le tores tricliniaire devient à la mode même dans la plèbe". Par un excès de raffinement, Heliogabal fit supprimer les lits des salles à manger et étaler les matelas par terre 18 Différentes matières, désignées sous le nom générique de tomentum 11 (on disait en grec r).-,1o,l,.a) 1 , servaient à rembourrer le tores. On employa d:abord la paillers le foin 20 et le jonc 21. Sous l'Empire, tette paillasse était encore en usage dans les camps 22, chez les pauvres gens et dans les dortoirs de gladiateurs ; aussi l'appelait-on communément bourre de cirque, tomentum circeuse 2s Pline signale également « les feuilles blanchâtres et molles » du gnaphalium, dit aussi chamaezelon (yxxai~'t ov) 24, ce qui indique une plante basse. On croit qu'il s'agit d'une sorte d'immortelle blanche, Santolina (Atflanasia) maritima,, Lin., ou Diotis candidissima, Desf., qui est fréquente dans les régions méditerranéennes" et qui pousse en touffes serrées, couvertes d'une bourre blanche et épaisse. On utilisait de même les fruits cotonneux de certaines plantes (sO~ar1) 25. La bourre de coton paraît avoir été connue des Macédoniens, sans doute pendant et après l'expédition d'Alexandre en Asie27. D'autre part, certains étymologistes rapprochent Tûarf du sanscrit tala, u floc de coton », tûlika, u matelas bourré de coton » 28. Il semble toutefois que l'usage du coton ait été peu répandu en Grèce et à Rome "9 Ilivssus, cAlulASUS]. Par contre, on emploie communément la bourre de laine 30, xvaçxaov 31, qui a fini par désigner coussins et matelas. Elle s'obtenait avec les résidus de l'opération du cardage ou avec des laines spécialement préparées. Sous les Flaviens, la meilleure de ces bourres de laine provenait du pays des Leuques 32, c'est-à-dire de TOR 379 TOR la région de Toul, de même que le lin des Cadurques passait pour être la meilleure enveloppe de matelas'. C'est pourquoi l'on attribuait alors aux Gaulois l'invention des lits rembourrés'. Enfin il existait des lits de plume. Les coussins de plume, déjà ci tés au ive siècle avant notre ère, étaient devenus très communs à l'époque romaine; mais les raffinés, qui payaient jusqu'à cinq deniers une livre de plumes des oies blanches de Germanie (gantae) 3, voulaient aussi coucher sur le duvet4. On garnissait surtout de plumes les matelas des riches litières, pour que les heurts fussent moins sensibles '. Quant à l'enveloppe, elle était le plus souvent en toile de lins. Sophocle qualifie les TuXe m de a vopp«.;,r( 7, ce qui veut dire qu'ils sont faits de pièces de lin cousues ensemble ; le torus a iïilo dont parle Martial est en lin d'Égypte 8. La soie était plutôt réservée aux coussins de luxe. Le type, l'épaisseur et la décoration des matelas ont beaucoup varié selon les styles à la mode et selon la destination des lits. Si les lits helléniques furent invariablement très hauts [LEcTUS], la TUA n'y garda pas toujours les mêmes proportions. Elle était tout d'abord assez épaisse; telle nous la voyons sur les cratères corinthiens de la première moitié du vie siècles, sur un vase chalcidien du milieu de ce même siècle 10, et sur une cylix attique à figures noires", qui paraît dater de la même époque. On la recouvrait en général d'une draperie ornée de bandes parallèles, de grecques, de méandres, de quadrillages ou de losanges, de rayures en S, de semis de croix ou de points, munie de franges, et qui cachait le châssis du lit, et cet usage continua au ve siècle (fig. 2124, 3332, 333), 3338, 3780, 11229, 4304, 4384). Sur un vase corinthien on distingue deux matelas : la Tu'«, plus épaisse, et le Tuniiov, plus mince, posé par-dessus 13. Cette superposition de matelas va désormais caractériser la literie grecque, comme en témoignent les vases à figures noires et les vases à figures rouges. Mais en même temps il y a tendance à diminuer de plus en plus l'épaisseur de chaque matelas'''. Sur certains vases à figures rouges, laprimitive -n )o est remplacée par deux ou trois TuÀei.«, bas et aplatis' (fig. 114, 2124, 2439, 4390). Si celui qui repose directement sur les sangles se moule sur le châssis, les matelas supéri ours remontent sur la saillie du chevet (xvrntv7pav) et débordent les petits côtés (fig. 2124) 16 ; on voit souvent les bouts qui pendent séparément ", terminés en pointe, parfois ave des pompons u et peut-être des plombs, pour étirer le tissu et empêcher les plis disgracieux. A l'époque hellénistique, et sans doute sous l'influence renouvelée de l'orientalisme, la mode revient aux matelas épais 19. D'autre part, dès la fin du ve siècle, tend à s'introduire un nouveau type de lit. L'âupizéy)ioc est muni d'accotoirs à ses deux extrémités, pour permettre de se coucher indifféremment dans un sens ou dans l'autre20. Dans ces lits, le matelas cesse d'être débordant et ne dépasse plus les extrémités du cadre. Nous retrouvons en Étrurie la tradition orientalo-grecque de l'unique et haut matelas (fig. 4393). Elle s'y perpétue au ve siècle ". Toutefois un détail caractérise les matelas étrusques. Ils sont entourés, seulement dans leur partie médiane et sur un tiers environ de leur longueur, d'une sorte de housse richement décorée. C'est une véritable gaine, d'étoffe plus épaisse, peut-être même parfois de cuir, qui semble destinée àmaintenir les formes arrondies et tendues du matelas. Elle reparaît sur les matelas romains, mais avec une disposition différente. Un couvercle de sarcophage, qui date dulie siècle de notre ère et qui fait partie du musée Torlonia22, représente un litàdeux accoudoirs, oit sont à demi couchés un homme et une femme ; la literie consiste en un seul toras très épais, ceint de trois larges bandes qui le divisent en quatre parties à peu près égales. Ailleurs, les bandes sont remplacées par des séries de lanières ou de courroies 23 (fig. 3360) ; mais ne s'agirait-il pas de simples rayures (cf. fig. 4396)? Le matelas romain est toujours haut et bien tendu 24 ; il est d'autant plus haut que le lit devient plus bas, selon la mode punique. Pris entre les accoudoirs et le dossier du lit, dont le dernier type est le lit-sopha, il ne dépasse jamais le cadre et s'arrondit en tore sur la face externe (fig. 3357). Qu'il s'agisse des lits de repos ou des lits tricliniaires, des esclaves ont mission de le retourner pour lui rendre la rigidité qui convient; et la maîtresse de maison, avant les repas, va s'assurer que cette besogne est accomplie 23. Sur les lits de repos, nous ne voyons en général qu'un tores unique. Mais sur les lits de parade, surtout pour les expositions funéraires, on en superposait souvent deux ; il y en a deux sur le lit funéraire des Haterii (fig. 3360). L'enveloppe des matelas romains n'offre pas les riches dessins que nous mon TOR -380TOR trent les vases grecs. Toutefois les matelas attaliques, dont il est question dans Properce étaient probablement décorés de broderies, d'un type originaire de Pergame ; un bel exemplaire de ces tori brodés, avec scènes de chasse, est reproduit fig. 6744. D'ordinaire le matelas est recouvert d'une simple étoffe de couleur. On appréciait surtout la pourpre et l'écarlate 2. Les textes font mention de toralia 3. C'est un terme un peu vague, mais qui semble avoir eu primitivement une signification très précise. Le jurisconsulte Paul nous apprend qu'il ne faut pas confondre toralia et stragtlla 4. Ceux-ci font partie de la vestis, c'est-à-dire de la garde-robe; on désignait sous le nom de vestes stragulae le drap de lit sur lequel on se couche et celui dont on se recouvre. Les toralia font partie de la supellex, c'est-à-dire du mobilier. Ils constituent un élément de la décoration du lit. Nous avons vu que, sur les lits grecs des vie et ve siècles, on étendait souvent une draperie brodée et frangée, qui recouvrait en général le matelas et. la face extérieure du lit. A partir du ive siècle se manifeste une nouvelle mode '. La draperie est placée directement sur les sangles, sous le matelas. Elle descend très bas, presque jusqu'à terre, en ne laissant voir que les pieds ouvragés et tournés de la cliné. Les Étrusques (fig. 112, 4055)6, puis les Romains', en adoptèrent la tradition. Cette garniture de lit peut rentrer dans la catégorie des toralia. Mais Varron définit plus précisément le toral ce qui est « ante torum » 8 ; et Pétrone, décrivant les préparatifs d'un repas. nous montre les serviteurs qui placent les toralia devant les lori'. Le toral serait donc, à proprement parler, une sorte de pente ou bas de lit, fixé sur le barreau du châssis. Les Grecs mettaient de ces pentes à leurs litières (fig. 4375110, Sur un vase à figures rouges, c'est peutêtre une garniture du même type qui décore le lit d'Adonis (fig. 7034)11. Tantôt, comme ici, elle forme de larges plis, soigneusement distribués, et dont une bordure aux vives couleurs accentue encore les sinuosités. Tantôt elle est fortement tendue et tombe avec raideur. Telle nous la voyons, à moins toutefois qu'il ne s'agisse de simples couvertures, sur certains vases attiques du milieu du Ive siècle 12 et sur une faïence d'Égypte, qui date de l'époque hellénistique13. Elle n'a plus guère sa raison d'être sur les lits de repos quand ils deviennent des objets d'art, quand on y emploie des bois rares, quand on y prodigue la sculpture et les matières précieuses, ivoire, écaille, pierres et métaux. Le musée de Berlin possède les fragments d'un lit en marbre, trouvé à Pergame, et qui date probablement du règne d'Eumène II (197-159) 14 ; une magnifique draperie garnit le bas du lit, niais elle était attachée sous le barreau, pour n'en pdint cacher la décoration sculptée. Ce totale n'est plus de mode au temps des lits-sophas, qui sont trop bas; la courtepointe même, s'il y en a une, se replie sous le tonus et en dessine les contours. Mais on continue à draper une étoffe devant les lits tricliniaires, sous la saillie du coussin. Nous voyons de ces toralia sur les peintures de Pompéi qui figurent des scènes de banquets(fig.439S)15. C'est d'un total de salle à manger que parle par deux fois IIorace 15. C'est à propos de banquets sacrés que le nom des toralia revient à plusieurs reprises dans les actes des Frères Arvales, aux lie et lue siècles de notre ère 17. Le totale était généralement en toile de lin 18, ce qui permettait de le laver souvent 19. On en fabriquait aussi en drap 2e et en soie. Les plus simples ne sont ornés que d'une bordure L1 ou de larges bandes horizontales 22. Il y en avait de très somptueux, avec des broderies de luxe. Sur le lit de Pergame, l'étoffe en est épaisse et lourde. Les principaux motifs de décoration, sur deux zones horizontales et superposées, y consistent en griffons affrontés autour d'un trépied et en un défilé de monstres marins. Ils y sont encadrés de bandeaux plus étroits, portant des motifs d'ornementation courante : en haut, rosaces et quatrefeuilles inscrites dans des carrés, et frise de rinceaux; en bas, palmettes et lotus, rangée de perles, rang mal conservé, peut-être de lotus épanouis, torsade et franges. Les toralia segmentata des Frères Arvales sont des étoffes blanches 23 sur lesquelles sont appliquées des pièces de pourpre, cercles, carrés ou bandes, et des passementeries d'or 2'". Dans la salle à manger où nous mène Pétrone, les toralia montrent des scènes de chasse, avec des filets tendus et des chasseurs à l'affût' ; ce thème était souvent reproduit dans la décoration picturale des triclinia. Le mot torale avait fini par prendre une signification plus générale'. Les Frères Arvales sont couchés sur leurs toralia; il s'agit donc ici de véritables couvertures de lit. Le grammairien Nonius dit que de son temps, au nie siècle de notre ère, on appelle tarai un drap de lit 3. Terme d'architecture. En matière d'architecle tore est une moulure à profil convexe, forbourrelet, qui IL turc, mant TOR 381 TOR décore la base (spira) des colonnes ioniques et corinthiennes gine, cette base parait n'être qu'un simple disque ou tambour en saillie, destiné à répartir la pression sur une plus large surface avant de la transmettre au massif du soubassement 4. Si l'on élégit le disque par une moulure concave, on aboutit à la scotie. En abattant au contraire les angles et en arrondissant le profil du disque, on aboutit à un tore. Peut-être aussi le tore primitif appartenait-il au fût dont il marquait la naissance, comme empattement du premier tambour Mais les plus anciennes bases de colonnes que nous connaissions, dans l'ordre ionique, présentent déjà des profils très compliqués. Dès la première moitié du vie siècle, à l'Artémision d'Éphèse, nous voyons sous un gros tore deux scolies que séparent des baguettes ; et le tore est strié de cannelures horizontales'. Dans les temps classiques, l'ordre comporte deux types de bases : la base ionique proprement dite, avec un seul tore, séparé de la plinthe par un étagement de deux scolies ; la base attique, à deux tores d'inégale grosseur, séparés par une scotie, (fig. 703b) 7. Vitruve nous donne les proportions canoniques de ces deux variétés. La hauteur de la partie annulaire, dans la base de type ionique, se fractionne en 7 divisions égales ; 3 septièmes sont réservés au tore. Elle se fractionne en 8 dans la variété attique, et les huitièmes se répartissent ainsi: 3 pour le tore inférieur, 3 pour la scotie, `, pour le tore supérieur. L'art grec n'étant point asservi à des lois immua bics, ces types normaux ont naturellement subi plus d'une transformation. Ce sont des thèmes sur lesquels on exécute de libres variations, surtout à partir de l'époque macédonienne, où se manifeste une véritable renaissance de l'architecture ionique. Au Didymeion de Milet, par exemple, les moulures se multiplient et la hauteur s'exagère 3. Dans les colonnes de la façade, tantôt le tore supérieur est remplacé par un bandeau circulaire, oà se déroulent des rinceaux ; tantôt les scoties disparaissent et il ne reste plus qu'un seul tore, posé sur une haute plinthe polygonale 9. L'architecture romaine admet la base, non seulement pour l'ordre ionique et corinthien, mais aussi pour l'ordre toscan, qui est un dérivé du dorique. Cette base toscane est essentiellement constituée par un tore, que surmonte un filet à congé (apophzjsis), et qui repose sur une plinthe circulaire. Le tore avec )'apophyse a la même hauteur que la plinthe ; et la hauteur totale correspond auravon inférieur de la colonne16. Dans l'ionique romain, la base est de type attique, à double tore, mais avec adjonction d'une plinthe carrée". On rencontre à Pompéi et à la porte de Pérouse un modèle plus archaïque, dont Pliigalie nous offre l'exemple au ve siècle 13; un empattement conique y prend la place du tore inférieur. Toutes les variétés de la base grecque trouvent leur adaptation au corinthien romain 13 ; le plus souvent, deux scolies s'y creusent entre deux tores (fig. 1778). Quant aux colonnes monumentales, telle que la colonne Trajane ou la colonne Antonine à Rome, un gros tore sur plinthe y forme coussin entre le fût et le piédestal (fig. 1788). L'ordre dorique concentrait toute l'attention sur les parties hautes, chapiteau et entablement. Avec un ordre à base, on risque d'attribuer trop d'importance à un motif secondaire. Aussi traitait-on généralement la base ionique avec beaucoup de simplicité, en gardant les surfaces lisses. Il n'est pas rare toutefois, même en Grèce, d'y voir des ornements sculptés. Ce sont les membres saillants, c'est-à-dire les tores, qui reçoivent cette décoration. La plus ancienne et la plus fréquente consiste en stries circulaires. On cherchait ainsi, comme par des hachures, à rompre les tons fondus de l'ombre 14. Nous avons signalé ces stries à Éphèse, dans l'Artémision du vie siècle. Elles reparaissent à l'Iléraion archaïque de Samos (seconde moitié du même siècle), où elles se continuent sur la scolie'. A Priène, au temple d'Athéna Polias, construit en 310, elles ne se présentent que sur la moitié inférieure et ombrée du tore16. Dans la TRA -382TIIA base attique, pourvue de deux tores, on évite la monotonie en ne décorant que le tore supérieur (fig. 7035); il offre, du reste, l'avantage d'être mieux à l'abri des dégradations.Les architectes d'Athènes ont employé le motif des cannelures horizontales au temple de la Victoire Aptère, à l'lrechtheion, aux Propylées. Ils ont également utilisé les entrelacs à l'Érechtheion, dans le portique du nord'. Quand triomphe le style fleuri de l'époque hellénistique, l'ornementation florale envahit les bases 2. A Milet, le tore se couvre de palmettes et de fleurs d'eau, ou de feuilles de laurier disposées verticalement 3. Les tores à feuillages imbriqués, simulant une couronne, sont nombreux dans l'art romain 4. R. GRAILI.OT.