Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article TRIBUTUM

TRIBUTUM. Pour la Grèce, voir ETSPHORA. 1. RÉPUBLIQUE. A. Rome et l'Italie. Tant que le budget de Rome n'a été alimenté que par le produit des domaines, des douanes et autres impôts indirects [PORTOBIA, VECTIGAL], et des amendes, elle a dû couvrir ses dépenses extraordinaires, frais de guerre ', solde des troupes, avec un impôt spécial sur le capital, établi vraisemblablement à l'imitation de l'eisphora grecque 2, le tributum 3. Ce mot, issu de la même racine que tribus indique l'attribution d'une parti. Il a eu pour synonyme stipendium, solde car il a toujours passé pour un impôt de guerre 7 ; il est levé irrégulièrement, en cas de nécessité 8, remboursé totalement ou partiellement quand le trésor en a le moyen, avec les contributions de guerre et le butin 9 ; aussi estil considéré comme une sorte d'emprunt forcé 10. 11 remonte probablement à l'établissement du cens et non pas seulement à l'époque de la création de la solde ]'. La tradition relative à une ancienne capitation, supprimée par Servius Tullius, rétablie par Tarquin le Jeune, n'a aucune valeur f2, et c'est à tort qu'on a conjecturé pour la suite l'existence d'un tributum in capita13. La levée du tribut repose sur le recensement [CENSOR, CENSUS]. Le Sénat fixe d'après l'estimation de la fortune totale des Romains, où ne sont pas comprises les terres occupées sur rager publicus, la quote-part à payer, un, deux ou trois pour mille, tributum simplex, duplex, triplez 14 en 184, le censeur Caton décuple l'estimation de divers objets de luxe et des esclaves d'une valeur supérieure à 10 000 as, et en fixe le tribut à trois pour mille 75, Les fortunes inférieures à 15 000 as sont exemptées 10 ; audessus de ce chiffre, le citoyen est, par rapport à l'impôt, adsiduus 17 ou locuples f8 ; au-dessous de ce chiffre, il est proletarius, capile census 19. Les orbi et les orbae paient, au lieu du tribut, ''Ars HORT)EARIUMet quelquefois des contributions volontaires 20 ; en 214, pendant la deuxième guerre punique, le trésor accepta les fonds des pupilles en prêts temporaires 21. Les AERAIIII ne paient pas de capitation, mais probablement un tribut aggravé par les censeurs 22. On a quelquefois levé, en dehors des formes ordinaires, un tributum temerarium, dans des cas exceptionnels, d'abord après la prise de Rome, en l'absence de recensement, et en 210: à cette date le versement de l'or, de l'argent et de la monnaie de cuivre des citoyens eut la forme d'un prêt, déclaré ensuite remboursable en trois termes ; le troisième remboursement fut remplacé par la concession, à charge d'un impôt d'un as par jugerum, de terres publiques appelées polir cette raison ager trientabulum ou in trientabulis 23. En 314 un impôt extraordinaire d'après le cens demanda aux fortunes de 50000 à 100 000 as un matelot et six mois de TRI 131 TRI paye, de 100000 à 300000 trois matelots et une année de paye, de 300 000 à un million cinq matelots, au delà d'un million sept, aux sénateurs huit et un an de paye '. L'hypothèse sur la levée primitive de l'impôt par les soins des TBIBUNI Ar.RAxn et par tribus 2 n'est pas suffi samment fondée [JUDICIABIAE LUGES, p. 659-660 ; STIPE.N IliuM] ; de bonne heure cette attribution appartient aux questeurs 3. Le tribut a été pendant longtemps une lourde charge pour les citoyens ; elle est allégée d'abord par les énormes contributions de guerre des vaincus : ainsi, après la première guerre punique, Carthage paie en vingt termes annuels 2 200 talents euboïques, et après la deuxième 10 010, payables en cinquante termes 5 ; Philippe V 1 000 talents en dix termes 6; Antiochus, 15000 en douce termes, les Étoliens, 300 en 6 ans ; Nabis 100 talents d'abord et 4 000 en huit termes. Des rois et des pays vassaux en Illyrie, en Orient, en Espagne paient un tribut annuel'. Puis l'affluence des impôts provinciaux et du butin permet peu à peu à l'État de se passer du tribut ; après la conquête de la Macédoine, en 167, sans être supprimé officiellement, il n'est plus levé sur les citoyens romains $. Dans cette première période, l'impôt a frappé les colonies romaines, les municipes de la première forme (civitates sine su/Ti-agio), les municipes de droit complet [BIuNICIrIA]. 11 épargne, sauf quandils possèdent des immeubles romains, les Latins et les alliés 0 qui peuvent cependant fournir des contributions volontaires 10 [LATINI, p. 97G; soc'', p. 13681. Après la guerre Sociale toute l'Italie a l'immunité. Le tribut reparaît pendant les guerres civiles, sous une forme illégale, avec des tarifs et des procédés équivalents à des confiscations : en 43 les triumvirs demandent une contribution énorme aux 1400, puis seulement aux 400 plus riches matrones 11 ; ils lèvent ensuite, d'après le cens, pour chaque tête d'esclave, 100 sesterces et sur tout habitant de l'Italie sans aucune exception, citoyen, étranger, affranchi, possesseur de plus de 100 000 sesterces, son revenu d'un an et un prêt du cinquantième de son capital; pour les maisons habitées par des locataires, le loyer d'un an ; pour celles habitées par les propriétaires, le loyer de six mois 12. En 36, Octave fait remise des restes à recouvrer sur ces levées '3. Pour vaincre les résistances rencontrées par son impôt du vingtième des héritages, Auguste menace l'Italie du rétablissement du tribut 14 ; mais, en fait, elle garde jusqu'à la tin du lne siècle l'exemption de l'impôt foncier 13, quoique à certaines époques, par exemple sous Néron ", il y ait eu des levées d'argent fondées sur le cens. Aurélien impose à l'Italie une lourde charge, la fourniture à Rome de vin et de viande de porc 1' [A:1SOSA CIVICA]. Enfin en 292, au moment de l'établissement de la tétrarchie, l'Italie subit le tribut sous la forme de l'annona l'Italie du Nord, Italia annonaria, entretient en nature la cour et l'armée; l'Italie du Sud, Italia urbicaria, nourrit Rome 18. 13. Provinces. Rome n'a pas suivi de système uniforme. En général, sauf en Sardaigne et en Afrique, une partie seule du territoire provincial devient ager publieus. Le reste est-il considéré comme une simple propriété quiritaire du peuple romain, dont les anciens habitants n'ont que la jouissance (possessio) grevée d'une sorte de rente du sol ? Telle ne paraît pas avoir été la théorie primitive des Romains. L'impôt a simplement remboursé les frais de guerre et d'entretien des troupes (stipendium) ; très souvent il n'a été que l'impôt payé aux anciens maîtres du pays, une dîme, par exemple en Sicile, en Syrie, dans l'ancien royaume de Pergame 10 [enosonol, p. 7041. L'idée que les terres des sujets sont la propriété du peuple romain est cependant appliquée jusqu'à un certain point dans la loi agraire de 111 en Afrique 20, mais non dans la transformation de l'impôt de l'Asie par C. Gracchus 21. Cicéron n'appelle encore le vectigal certain, qu'il oppose aux dîmes de Sicile et aux impôts d'Asie, qu'une récompense de la victoire et une peine de la défaite 72. C'est seulement sous l'Empire, peut-être sous l'influence de l'Égypte, que les jurisconsultes élaborent peu à peu la théorie nouvelle 20. Elle n'a pas de conséquence pratique, que l'impôt passe pour une contribution de guerre (tributum, stipendium), ou pour une rente du sol (vectigal) 24 ; ces trois mots sont employés à peu près indifféremment l'un pour l'autre 2n, ainsi que les épithètes vectigalis, tributarius, stipendiarius, dont les deux dernières s'appliquent, par extension, aux peuples, aux villes et aux hommes 26. Vectigal indique plutôt la redevance en nature des terres, soitpubliques, soit privées; tributuin, l'impôt en argent 27. On ne voit pas bien pourquoi des textes juridiques appellent stipendiaria les terres des provinces sénatoriales ; tribularia, celles des provinces impériales 28. Le Sénat se réserve toujours le droit d'augmenter, de modifier, de remettre l'impôt 29. Le tribut est payé en nature ou en argent. En nature ce peut être une quantité fixe d'un produit, par exemple du silphium en Cyrénaïque 30, ou une part des récoltes 31, souvent une dîme [DECU:IIAE]. Les pays où l'on trouve cette dernière sont : 1° Sicile. Levée sans doute jusqu'à la fin par les decumani, petits fermiers municipaux 32, malgré un essai tenté en 75 pour la transférer aux publicains33, elle est remplacée, plus probablement par Auguste que par César, vers 22-21, par un impôt en argent'' TRI mais les terres publiques continuent probablement encore longtemps à fournir du blé 1. 2° ,Sardaigne. Devenue tout entière ager publicus, elle paie de l'argent, une dîme du blé, et, en cas de nécessité, moyennant paiement, une seconde dîme 2. 3° Asie. Sous les Attalides et les Séleucides, les domaines royaux paient une dîme, ainsi probablement que la plupart des villes grecques, sauf les villes libres Rome maintient d'abord ce système en supprimant l'impôt des villes grecques de Lydie et d'Ionie qui passent des Séleucides aux Attalides 4. En 123, C. Gracchus établit partout, même pour les domaines publics, sauf quelques rares exceptions', une dîme affermée à Rome à des publicains, soit en bloc, soit par district 6. Sauf une courte interruption sous Sylla, qui donne la levée aux villes, ce régime dure encore à l'époque de Cicéron ' ; les villes utilisent peut-être déjà les decaprotoi 8. En 48, César transforme la dîme en un tribut fixe en argent, avec une réduction d'un tiers, en laissant sans doute aux villes la levée de l'impôt en nature, dont le produit est converti ensuite en argent 8; c'est ce tribut que Cassius lève par anticipation pour dix ans et plus tard Antoine pour neuf ans; le tribut demandé par Antoine aux rois vassaux qu'il établit dans le Pont, la Cilicie, la Pisidie est probablement aussi en argent10. Le domaine public paie probablement ses redevances en nature 71. 4° Afrique. Une petite partie du territoire a été vendue par les questeurs et reste grevée d'un vectigal (ager privatus vectigalisque ou quaestorius); les colons de Carthage gardent leurs lots sous forme d'assignations individuelles (ager privatus jure Quiritium), les villes alliées leurs territoires (ager privatus jure peregrino) ; le reste des terres a formé un immense ager publicus : une partie reste dans cette condition, fournit des (limes, une scriptura et s'étendra sous l'Empire [LATIFUNDIA, PATRIJIONIUJI PRINCIPIS, p. 354] 12 ; l'autre partie, plus con sidérable, est rendue aux indigènes, mais grevée d'un stipendium fixe ", probablement en blé 14, levé par des fermiers"; on ne sait où ont lieu les adjudications. Plus tard cet ager stipendiarius a été absorbé par les villes qui, sous l'Empire, en paient le tribut en argentes 5° Judée. Des impôts des Séleucides Rome a conservé en particulier la redevance du tiers des céréales, réduite au quart par César, qui supprime les publicains en maintenant les petits fermiers municipaux17; plus tard l'impôt est probablement versé en argent 18. Paient le tribut en argent : 1° Espagne". Les Espagnols se procurent probablement l'argent par la mise en adjudication de vingtièmes du blé (vicesimae) 20. %32 TRI L'Espagne envoie en outre à Rome du FRUJIENTUM ESITUM et le produit en blé, sans doute une dîme, et en huile de la portion du domaine public qui n'a pas été assignée aux villes 21 [PATRIDlONI0111 PRINCIPIS, p. 353]. 2° Gaule. César lui impose probablement un tribut de 440 millions de sesterces 22. 3° Macédoine, où l'ancien impôt royal, réorganisé et réduit de moitié par Paull:mile, produit cent talents" 4° Illyrie, dont une partie paie la moitié de l'ancien impôt royal '4. 5° Achaïe 25. -G° Syrie. Le tribut fixe, peut-être d'abord levé en nature par des publicains et des fermiers municipaux, l'est sans doute ensuite en argent". Partout la perception repose essentiellement sur la division en cités et sur les cens municipaux 27; dans les pays barbares, dépourvus de cités, ainsi au début en Afrique, on a recensé les biens des individus, des stipendiarii 88 A côté du tribut quelques pays supportent aussi une capitation, par exemple l'Afrique, où elle atteint les hommes et les femmes29, la Judée d'après une loi de Pompée 30, l'île de Ténos, où sont frappés les hommes, les femmes et les enfants 31 ; Cicéron cite pour la Cilicie des é7ctxe?(t) tx et des impôts sur les personnes et les portes (exactio capitullt atque ostiorum)32; en 49, l'Asie fournit, entre autres impôts extraordinaires, une capitation 73. Mais en somme la capitation ne paraît pas encore être un impôt général [CAPITATIO;. li. IIAU'c EIIPIRF.. 1° Cens. Les opérations et les principaux agents du cens depuis Auguste ont été décrits à l'article CENSUS. Même dans les provinces impériales le cens est régulièrement l'Ce;uvre des gouverneurs; les recenseurs spéciaux, censitores, legati ad census accipiendos, censuum accipiendorum, sénateurs jusqu'à Hadrien, ensuite en grande majorité chevaliers, sont plutôt extraordinaires 34 et n'apparaissent dans les provinces sénatoriales que depuis I-Iadrien 3S. On emploie aussi des officiers pour certains districts et groupes spéciaux 30. Les principaux employés subalternes sont connus pour le tabularium du procurator tractus Cartllaginiensis, qui renferme un adiu(tor) tabul(arii) ou tabul(ariorum) trib(utorum), un dispensator a tributis, des tabularii affranchis et leurs adiutores, en partie affranchis, en partie esclaves, dont deux s'appellent a mensa Vagensi, a men(sa) Thisiduensi, et se rapportent sans doute aux banques impériales de ces localités ; puis des esclaves, adiutores a colnmentariis, librarii notarii, praeco, tabellarii, collegium cursorum, collegiu»n mulionum, pedisequi, agrimensores, chorographus37. Il y a eu probablement des bureaux de ce genre, des tabu TRI 433 TRI Zaria, dans toutes les capitales des provinces Le bureau principal d'Éphèse, pour l'Asie, a un arcarius prou. Asiae, des collèges de tabularii, de commentarienses, de decuriones, de tabellarii; celui de Lyon, un librarius in tab(ulario) rrtaiori 3. Ces bureaux paraissent avoir aussi servi depuis Marc-Aurèle à l'enregistrement des naissances 4, sans doute pour la capitation. Les tabularii reçoivent l'argent des impôts et donnent les quittances'; les archives sont tenues par les commentarienses, u commentariis et leurs subalternes 6. Il y a deux exemplaires du cadastre (forma) des colonies, un dans la localité, l'autre à Rome '. Ce sont probablement les autorités municipales qui fournissent les matériaux du cens, car la legatio ad census accipiendos, censualibus professionibus, est un munus personnel, pour lequel il y a des subalternes, des tabularii municipaux qu'on retrouvera au lias-Empire 8. Les assemblées provinciales jouent peut-être déjà aussi un rôle; car le tabularium censuale de Tarragone relève probablement du concile provincial ° ; les Trois Gaules élèvent une statue à un chevalier chargé du cens 10; le tabularium mains de Lyon peut faire supposer un second tabularium, soit de la cité, soit du concile. Nous ne savons pas quels sont les rapports exacts des bureaux provinciaux avec le bureau impérial du cens, qui est à Rome, avec un chevalier e censibus, un adjulor et des affranchis nomenclatores a censibus 1'. Le cens donne d'une part les listes des individus, d'autre part l'estimation des fortunes qui sert pour le classement des individus, la répartition des tributs et des munera. C'est d'après ces données que l'empereur fixe, augmente ou réduit les tributs 12. 2' Capitation. -Auguste aétabli deux sortes de tributs : le tributum capitis, la capitation, et le tributum soli, l'impôt foncier. La capitation [CAi'ITAT1o] est l'impôt des sujets, une marque de servitude. Ainsi les Bretons paient des impôts pour leurs terres et une capitation pour leur corps 13 ; Vespasien fait remise à Césarée, devenue colonie, du tributum capitis, sans lui donner le jus italicum, et Titus de l'impôt du sol ''°. Vers 62, on établit 100000 barbares dans l'empire pour qu'ils paient le tribut ". Al'époque d'Ulpien, dans sa déclaration au cens (forma censualis), le propriétaire foncier doit dénombrer, outre ses esclaves, ses inquilini, sans doute les cultivateurs attachés au sol, et ses coloni ; ce passage est éclairci par le morceau précédent, oit la capitation frappe, en Syrie, les hommes depuis quatorze ans, les femmes depuis douze jusqu'à soixante-cinq 16. Tertullien appelle l'impôt foncier et la capitation les marques de la conquête et de la servitude 17. La capitation existe donc probablement partout, soit seule, soit comme un supplément de l'impôt foncier. Elle frappe surtout la population rurale, les colons, les petits propriétaires, les classes qui la payaien t, autrefois sous les Séleucides, les Attalides, les Carthaginois. La loi de Caracalla sur le droit de cité n'a sans doute pas délivré de la capitation les nouveaux citoyens de condition inférieure. Dans les villes, une partie de la plèbe, petits commerçants et industriels, membres des corporations, est frappée de bonne heure, au moins sous, et peut-être avant, Sévère Alexandre, par l'impôt de l'aurum negotiatorium 1S; le reste a del être dispensé très tôt de la capitation 19. Les Juifs paient la capitation spéciale (lu fscus Judaicus [JUDAE1, p. 625J. 3° Impôt foncier. Il frappe les biens fonciers de tout genre, y compris les salines, les mines, les esclaves ruraux et probablement aussi urbains t0. Il atteint sans doute aussi les maisons de ville et de rapport". Nous ne savons pas exactement quel impôt paient les meubles, les capitaux non fonciers, par exemple ceux des banquiers, avant l'établissement du chrysargyre : peut-être sont-ils assimilés aux propriétés foncières22. Le propriétaire fait sa déclaration d'après la formule du cens93, en estimant lui-même les objets déclarés [CENSUSJ. L'impôt est soit un impôt de quotité, le cinquième, le septième, le dixième de la récolte, comme probablement en Germanie dans les DECIMATGS AGNI et en Grande-Bretagne, soit un impôt de répartition et de taxation, fondé sur l'estimation du sol, comme en Pannonie, en Gaule25; la taxation peut être en argent ou en nature, comme en Égypte et peut-être dans d'autres provinces, telles que l'Afrique2. Niais c'est le versement en argent qui l'emporte de plus en plus, pour payer les traitements des fonctionnaires et des soldats. Outre l'impôt ordinaire il y a des demandes supplémentaires, des réquisitions, des annonae, soit en argent, soit en nature, à l'occasion de calamités publiques, de guerres'". L'immunité des individus isolés, des rois alliés, des villes liberae et immunes, et les remises d'impôts ont été exposées aux articles 4° Levée. Le fisc reçoit l'impôt des provinces impériales, et sans doute aussi, dès le début de l'Empire, une partie de celui des provinces sénatoriales, en particulier de l'Afrique 28, et de l'Asie 2°, comme le prouve l'existence du f scus Asiaticus, caisse établie à Rome, au moins depuis les Flaviens, avec des procurateurs et des subalternes3° [9'lsCOS1. Pour la levée, Auguste élimine sans doute les publicains des provinces impériales31; ils subsistent dans quelques provinces sénatoriales au moins jusqu'à l'époque d'Ulpien32; ruais en somme presque partout les publicains perdent la levée de l'impôt foncier; elle passe aux procurateurs impériaux et aux gouverneurs séna Il. T1lI toriaux, qui en ont la surveillance dans leurs provinces' ; mais elle retombe essentiellement à la charge des villes, sauf dans les pays encore barbares où on y emploie des officiers et des soldats 2. L'Empire garde en effet et étend le principe de la levée annuelle3, par districts urbains en utilisant de plus en plus l'institution déplorable de la liturgie grecque qui finira par ruiner les villes La levée de l'impôt foncier, exactio tributi, faite d'après les rôles dressés par les tabularii municipaux, est un menus d'abord personnel, qui pèse au début successivement sur tous les habitants de lacité, puis, dès le début du tue siècle, presque uniquement sur les décurions, exactores tributorum 9, qui devient alors patrimonial et comporte non seulement une responsabilité nécessaire en cas d'incurie et de négligence, mais de grosses dépenses; c'est ainsi que l'envisagent déjà Ulpien et Modestin7. En Orient, c'est la fonction des commissions de dix et de vingt membres, DECAPROTI. Icosaproti VIGINTI PRIMA], choisis probablement en dehors des curies, par les décurions, pour un an, mais rééligibles et pouvant exercer en même temps d'autres charges municipales ; ils exercent un menus mixte, à la fois personnel et patrimonial, donnant leur temps à la levée de l'impôt, responsables les uns pour les autres, probablement déjà avec recours contre la curie et au besoin contre la ville elle-même; ils ont probablement encore au-dessous d'eux de simples exactores chargés d'une simple liturgie personnelle [sluxus, p. 2044] 8. Ils ne paraissent pas être identiques aux decemprimi ou aux principales des villes d'Occident. Le paiement sur leur bourse, par les chefs de plusieurs assemblées provinciales, en Lycie, en Macédoine, d'une partie de l'impôt foncier ou de la capitation 9, n'indique peut-être pas une intervention officielle des assemblées. Les impôts que les villes sont impuissantes à recouvrer sont levés par les procurateurs impériaux ou les agents sénatoriaux, qui emploient comme exactores tributorum soit des esclaves impériaux, soit des esclavespublics10. Le produit des impôts va dans les caisses locales et provinciales, mensa, fiscus"; une partie sert sans doute aux besoins de la province, le reste est envoyé à Rome, à moins qu'il n'y ait simplement une liquidation entre les caisses locales et le bureau central a rationibus [Flscus, innovation, conséquence du recensement de Dioclétien, est la division de la matière imposable en unités fiscales, appelées jugum, cap ut , qui fournissentun impôt, ,juga tio, capitalio 13. Le jugula ou capta peut être une étendue foncière ou une certaine quantité de meubles, esclaves, bétail (capitalio animalium), ou une ou plusieurs tètes valeurs paraissent équivalentes [CAPUT Le cens de Dioclétien aurait dû être renouvelé périodiquement; mais en fait il n'y a plus que des révisions locales et extraordinaires (peraequationes), confiées à des peraequatores (è;tearral), qui sont généralement choisis, soit parmi d'anciens fonctionnaires, soit parmi des principales municipaux contrôlés et surveillés par les préfets du prétoire 1/. Pour faciliter ces révisions, tous les changements de propriété doivent être enregistrés et inscrits au cadastre". Il fournit, aprèsrévision, les rôles des contribuables, les tabulae, dressées par le labularius de chaque cité16, dont l'ensemble constitue le liber celt 2° Établissement, taux. Malgré l'existence d'une sorte de période budgétaire de quinze ans, qui a commencé sans doute en '297", chaque préfet du prétoire publie chaque année dans son territoire, d'après les bases fixées par l'empereur, sans doute sur son propre rapport (suyyesiio), la somme que son territoire doit payer, vraisemblablement à partir du tQ1 septem proclamation générale les scriniurii, affectés à chaque diocèse dans l'office du préfet, font un extrait pour chaque province (deleyatio particularis), affiché quatre mois avant la levée dans les endroits les plus fréquentés30. L'impôt de chaque province est réparti par le gouverneur entre les cités, dans chaque cité entre les contribuables, d'après les rôles, surtout par les principales, successeurs en Orient des decaproti, des icosaproti, dont le pouvoir est considérable et dont la partialité, les prévarications ont provoqué tant de plaintes2L. II y a presque les mêmes règles pour les impôts fonciers supplémentaires [SUPERINDICTIO]. En principe il n'y a d'immunité que pour les lots des vétéransL2; les biens impériaux paraissent ne payer que les fermages23; ceux de l'Église n'ont eu l'immunité que sous Constantin 2.. Lanoblessesénatoriale, qui paie certainement l'impôt pour ses terres 26, outre la COLLATID GLEBALIS, a été défendue spécialement dans la répartition par des defensores senatus, choisis par le Sénat, un ou deux par province, et qu'on trouve de 361 à 39626, et plus efficacement par l'emploi d'autres pratiques illégales, surtout par l'intervention des honorati, des potentes, sénateurs, anciens fonctionnaires, qui dans chaque cité TFII 435 reçoivent les envoyés du pouvoir central, discutent avec eux les indictions, les crues et les dégrèvements d'impôts, s'exonèrent au détriment des curiales et des petits propriétaires' et développent ainsi l'usage du patrocinium [LATIFUNDIA, p. 964-3 ; SENATUS, p. 11981. Les remises d'impôts ont trois formes principales, soit l'abandon de restes à recouvrer (reliqua) 2, soit la diminution du montant pour chaque unité fiscale, soit la réduction du nombre des unités 3. Nous manquons de données précises sur le taux de l'impôt ; le texte d'Amrnien Marcellin sur l'abaissement des impôts en Gaule par Julien est inintelligible 4; la remise faite par Constantin à la cité d'Autun de 7000 capita pour le salut des 25000 autres ne s'applique visiblement qu'à la capitation plébéienne 5. D'autres textes sont aussi vagues s. 3° Capitation. La capilatio plebeia ou CAPITATIO IIL'MANA 7 frappe presque exclusivement la plèbe rurale, les colons, les petits propriétaires, plebeii, qui n'ont pas la fortune suffisante pour être mis dans la classe des curiales. Le chiffre de cette fortune est inconnu et la ligne de démarcation sans doute très flottante SENATUS IIUNICIPALIS, p. 1203]. La capitation épargne donc les sénateurs, les fonctionnaires et anciens fonctionnaires d'empire, les curiales, les soldats', les vétérans, tantôt seuls, tantôt avec leurs femmes', et en outre les nonnes, les orphelins, garçons jusqu'à l'âge de vingt ans, filles jusqu'à leur mariageî0, les jeunes enfants jusqu'à un lige inconnu. Valentinien accorde une exemption extraordinaire à toute la Thrace". La plèbe urbaine continue à avoir l'exemption en Orient jusque sous Justinien12; en Occident, elle ne paraît pas encore l'avoir à la fin du Ive siècle 13, sauf à Rome 14. Le capitation, levée probablement en argent, et surtout par les grands propriétaires sur leur domaines", est de plus en plus étroitement unie à l'impôt foncier par l'assujettissement définitif des colons au sol. L'unité fiscale a varié; c'est d'abord un homme, ou deux femmes; plus tard, en Orient, deux ou trois hommes, quatre femmes". 4° Impôt foncier. Le caractère de l'unité fiscale a été exposé aux articles CAPITATIO TEnRENA, CAPOT, d'après le Livre syriaque et les fragments de cadastre de Vulcei, de Théra et d'Astypalaea 11. Le jugum ou capot n'a pas partout la même contenance. En Afrique l'unité, la centuria, paraît avoir deux cents jugera" ; en Italie la millena est plutôt la surface qui rapporte 1000 boisseaux (modii) que la surface de 1000 jugera 19. L'impôt foncier porte différents noms : tributa, annonae, anno nariae functiones 20 ; functio publica, publica collabo, devotio; capitatio21 ; canon ; canonici tituli, canonicariae indictiones, solennes species 22. Les deux noms principaux et souvent synonymes23 sont lribulum et annona. L'annona, qui comprend les fournitures en nature, blé, orge, vin, huile, vinaigre, sel, lard, viande de pore, fourrage 2i, n'est donc plus maintenant un supplément, mais la majeure partie de l'impôt foncier. La plus petite partie seulement est payable régulièrement en numéraire, soit en or monnayé, soit en lingots 25 [MONETA]. Cette prépondérance des versements en nature depuis la fin du nie siècle 2' est la conséquence des faits économiques, diminution des réserves métalliques, variations et avilissement de la monnaie, qui ont amené le paiement en nature des traitements civils et militaires, sauf des donativa 27 [shLAuIUM]. Mais selon les besoins du trésor, le versement en nature peut être remplacé par l'évaluation et le versement en argent, l'ADAERATIO. Au Ive siècle l'adaeratio est généralement interdite pour les fournitures civiles et le canon de Rome"; elle est plus largement pratiquée pour les fournitures militaires, surtout après une importante loi de Valentinien Ier 29. Elle se généralise au ve siècle, et le paiement en numéraire reprend ainsi le dessus sous cette forme compliquée. Ainsi en Orient l'adaeratio est permi_ d'abord partiellement, puis imposée à des tarifs vari.lbles, tantôt spéciaux à l'armée, tantôt fixés sur le cours du marché, ou arbitrairement par le préfet du prétoire30. Le paiement des traitements et des impôts en numéraire redevient prépondérant en Occident au ve siècle et sous les Ostrogoths, en Orient sous Justinien 31 3° 1lnnona. Elle alimente trois catégories de services : Les capitales, Rome par l'Afrique et Constanti nople par l'Égypte [ANNONA CIVICA, CANON[. 2° La cour et les fonctionnaires par l'intermédiaire de la caisse du préfet du prétoire 32. 3° L'armée. Pour le second service, c'estl'ernpereur qui fixe les annonae, le préfet du prétoire seul qui en autorise la délivrance ; c'est la province qui parait être le centre de distribution ; les denrées doivent être touchées en temps voulu, avant la fin de l'année ; sinon, elle reviennent au fisc 33. Constantin avait attribué aussi au clergé chrétien des annonce qui furent temporairement supprimées par Julien34. Quelquefois, en cas d'insuffisance de l'annona, l'État fait, au prix du marché, probablement aux frais des sacrae largitiones, des achats supplémentaires de diverses denrées, comparatio specierurn, venaliciunt, synoneton 35 [atm TRI 1~~G TRI PARATIO PU11LICA]. C'est l'armée qui absorbe la plus grosse partie du produit de l'impôt'. L'annona du soldat comprend du blé ou du pain, de la viande fraiche ou salée, du vin, de l'huile, du vinaigre et du sel 2. Ce sont les contribuables eux-mêmes, aidés despraepositi pagorum, qui doivent transporter les denrées soit aux relais postaux, mansiones, soit aux magasins de la cité (horrea) administrés par des décurions, praepositi horrei, qu'assistent des mesureurs et des gardiens, soit aux magasins desfortsintérieurs ou de la frontière En outre, les grandes guerres provoquent naturellement, de la part des préfets du prétoire, des réquisitions extraordinaires 4. Le transport des denrées à la frontière est dirigé quelquefois par des troupes spéciales mais en général par des corvées, des curiales et des propriétaires, par des employés des offices provinciaux, dits primipilares, héritiers des centurions primipiles du haut-Empire qui étaient chargés de distribuer l'annona 0. C'est le pastus primipili, fonction devenue civile dès la fin du 111e siècle et dont les principaux membres des offices doivent tous s'acquitter par ordre d'ancienneté, avant leur retraite, probablement pendant un an 6. La délivrance des denrées à l'intérieur, erogatio, est plutôt l'affaire des susceptores municipaux, qui les remettent à l'officier dit optio d'après les états de présence (brevis, pittacium, diurnum, authenticum), rédigés par le chef de la comptabilité de chaque corps, l'actuarius 9. Tout ce service est sous la surveillance des préfets du prétoiref0. 60 Impôts annexes. On lève sur la même base que l'impôt foncier: 10 L'Aunurr TIRONICUM [PROTOTYPIA]. 20 La vestis militaris du canon vestium, les habits militaires, livrés aux sacrae largitiones, mais sous la surveillance des préfets du prétoire; en 377, c'est un habit pour vingt juga en Thrace, pour trente dans les diocèses d'Asie, du Pont, d'Orient, d'Égypte ". 3° La collatio equorum72, les chevaux dits canonici, militares, levés sous la direction du TRn1UNUS sACR1 5TARULI, et dont la fourniture peut être remplacée par l'adaeratio sur le pied de quinze à vingt-trois sous d'or, selon les provinces et les époques13. 4° Les fournitures de bronze, de fer, de différentes matières destinées aux fabriques d'armes impériales, ou leur équivalent en numéraire'4. 7° Levée. Pour l'impôt foncier, elle appartient au Ive siècle à deux catégories de collecteurs réguliers, qui au ve tendent à se confondre, les exactores et les susceptores [EXACTIO]. Les exactores, annuels, qui ont reçu des tabularii municipaux les rôles des impôts, breves, font faire les recouvrements, généralement en trois termes, ter septembre, 1 e' janvier, ter mai, quelquefois en bloc, par les susceptores 15, chargés chacun d'une catégorie d'impôts et nommés spécialement allecti pour la levée du numéraire. Les susceptores touchent comme indemnité une remise sur le numéraire, le vingtième du lard et du vin, le centième et plus tard le cinquantième du blé, le quarantième de l'orge 1fi. Ils sont contrôlés par les defensores civitatum qui n'apparaissent dans nos textes juridiques qu'en 364'7, mais qui remontent vraisemblablement partout 18, comme en Égypte 19, au moins au début du Ive siècle [DEPENSOR cIVITATIs] ; c'est en leur présence, qu'assistés de peseurs, ils pèsent les denrées revues, rédigent les quittances (apochae, securitates) en y inscrivant la raison du versement, la somme ou la quantité, le nom, le jour, la date, avec inscription des mêmes mentions sur les acta municipaux L0. Le mode de recrutement des susceptores a beaucoup varié. Ils sont pris quelquefois dans l'office des gouverneurs, parmi les tabularii, les numerarii 21, quelquefois parmi les anciens employés municipaux, largitionales civitatum", mais en général parmi les décurions, appelés pour cette raison procuratores curiarum 23. Il en est de même des exactores, pris quelquefois dans les offices, mais généralement dans les curies, qui sont responsables de leur gestion 2i. Dans chaque cité le premier des exactores paraît exercer la charge de la PROTOSTASIA. Une loi de 383 pour le Pont 23 charge de lever l'impôt, pour les grands propriétaires (potentes) l'office du gouverneur, pour les petits le défenseur de la cité, pour les curiales leurs collègues. De 361 à 396, par privilège spécial, en Orient, l'impôt des terres sénatoriales parait levé à tour de rôle par chaque sénateur, mais en 397 les abus de ce régime font revenir aux curiales 26. La levée des impôts a lieu sous la surveillance générale des préfets du prétoire, des vicaires et des gouverneurs; elle est trop souvent aussi contrôlée, tintée par des envoyés du pouvoir central, agentes in rebus, soldats (opinalores) palatini des deux comtes des finances, praefectiani, canonicarii de l'office des préfets du prétoire, dont l'ingérence, les abus de pouvoir, les pillages ont constitué un véritable fléau Le recouvrement des restes (reliqua) est confié soit aux exactores, soit aux offices des magistrats 2s, soit à des envoyés spéciaux, discu.ssores, quelquefois compulsores, de plusieurs catégories, choisis tantôt par les TRI 3'7 TITI numerarii des gouverneurs et des préfets du prétoire, tantôt par les gouverneurs eux-mêmes, sous Justinien par l'empereur seul, parmi d'anciens fonctionnaires de haut rang, souvent avec le titre de comtes du consistoire, investis de larges pouvoirs et dont les décisions vont en appel devant les vicaires et les préfets 1. On peut assimiler à un discussor un exactor auri et argenti provinciarum III, qu'on trouve entre 321 et 3372, et l'ExaMTNATOR PER ITALTAM. Les remises d'impôts constituent l'1NDULGENTIA. La responsabilité des collecteurs, déjà établie sous le Haut-Empire, s'aggrave au Bas-Empire. En cas de négligence, de malversation, l'État attaque dans l'ordre suivant : les décurions collecteurs et leurs cautions, ceux qui les ont présentés (nominatores, creatores), puis au besoin la curie 3. En cas d'insolvabilité de contribuables et après la vente de leurs biens, c'est plutôt par abus que légalement que les collecteurs sont rendus responsables 4 ; aussi essaient-ils souvent, malgré les lois, d'extorquer aux propriétaires voisins l'impôt des insolvables En présence de terres abandonnées, agri deserti, on applique le régime de l'adjectio, i7rI O)ci, établi peu à peu pour diminuer les charges et la responsabilité des collecteurs et garantir la perception de l'impôt 6, Il a deux formes. La première, qui apparaît en 337 pour les propriétaires privés et surtout peur les fermiers du domaine, s'applique aux terres dites ôu.diou).x, considérées comme des unités fiscales indivisibles, dont les parcelles sont tenues à l'impôt les unes pour les autres, en quelques mains qu'elles passent' [DESERTI AGRI]. La seconde forme s'applique aux terres buoxrlvcx, qui font partie du même cadastre, probablement de la même cité; elle apparaît d'abord dans une loi d'Aurélien, étendue par Constantin, et subsiste dans le droit de Justinien et de ses successeurs : les terres désertes sont imposées aux curies, avec une dispense d'impôts de trois années, ou, faute de garanties suffisantes, réparties avec leurs charges entre les possessiones et les territoria, c'est-à-dire probablement entre tous les propriétaires, petits et surtout grands s. On sait que cette responsabilité des curiales pour la levée et le paiement de l'impôt foncier a été une des principales causes de la ruine des curies. En Orient, dès le ve siècle, des propriétaires obtinrent le privilège spécial de l'autopractorium, c'està-dire le droit, mieux connu pour l'Égypte, de payer directement eux-mêmes l'impôt foncier '. 8° Caisses. Le Bas-Empire a trois grands services financiers : 1° la res privata [LATIFUNDIA, p. 961-962 ; qui reçoivent, presque uniquement en numéraire, les impôts et revenus suivants : le CRRVSATIGVRCM, les NARIUM, l'AUHTJM TIRONICUM, le canon vestium, les amendes [MULTAI, les produits des mines, des monnaies, des autres monopoles, de diverses fournitures pour les fabriques d'armes t0, de la vente, des biens caducs, vacants, confisqués 11 [LARGIT1o] ; 3° la caisse des préfets du prétoire, arca, qui reçoit essentiellement le tribut et l'annona12. Aussi, dans chaque province, y a-t-il deux caisses : une pour les sacrae largitiones, l'autre, arca Tscalis, qui pourvoit aux besoins locaux et dont les excédents passent à la caisse du préfet, sous le contrôle des numerarii de son office 13. C'est le préfet qui reçoit tous les règlements, lois, rescrits relatifs aux impôts, qui en a la police générale, contrôle la perception, protège les contribuables contre les exactions des offices, des curiales, des grands, contre les abus, les privilèges illégaux 16, juge les controverses importantes sur les impôts 13. 1V. ÉGYPTE 16. A. Haut-Empire.1° Base et formes des impôts. Indépendamment des diverses catégories de terres domaniales et sacrées [LATIFUNDIA, p. 959-960 ; PATRIMONILM PRINCIPIS, p. 354], le sol de l'Égypte est considéré comme un domaine particulier de l'empereur, successeur des Lagides 17 ; on n'y connaît pas rager optimo jure privatus le ; on peut cependant admettre la formation d'une propriété privée, dès le nie siècle av. J.-C., parla possession des lots des xar,poûyot et des xsî-rotxol et la concession de terres publiques, soit en location perpétuelle, soit en toute propriété; elle se développe largement sous l'Empire aux dépens du domaine et du fermage perpétuel. On ignore la somme totale des impôts et revenus égyptiens 19. Le paiement est en nature pour les fonds qui produisent les céréales, le coton, le sésame, en argent pour ceux qui donnent le vin, les palmes, les olives, les fruits, et en général pour les impôts autres que les impôts fonciers. Outre les taxes d'enregistrement et sur les héritages [vICESIMA IIEREDITA coronarium, les douanes et différentes contributions plus ou moins obligatoires 20, l'Égypte paie deux catégories principales d'impôts directs : 1° La capitation, axo,tpa?:x. Elle épargne les citoyens romains, les prêtres attachés régulièrement aux temples en nombre fixe, les xzrotaot, les personnes qui ont le droit de cité d'Alexandrie, de Ptolémais, de Naucratis, d'Antinoopolis, les personnes dites â7ib yuu.vxa;ou, c'est-à-dire probablement celles qui, ayant été admises dans les gymnases des métropoles, en constituent la noblesse municipale 21 Elle frappe les indigènes de quatorze à soixante ans ; le taux est variable, de dix à vingt-quatre drachmes selon TRI X38 'l'RI les localités ; àOxyrhynchosles indigènes des métropoles ne paient que douze drachmes '. La loi de Caracalla 2 a-t-elle donné le droit de cité à ces indigènes ou le leur a-t-elle refusé en tant que dediticii ? Cette seconde hypothèse, assez vraisemblable, pourrait invoquer un texte nouveau sur papyrus, si la restitution en était cer taine `?° Les impôts fonciers. Les principaux sont les ctttri, vectigal frumenlarium qui fournissent à Rome, sous Auguste, tant par la redevance (lieiAptov) des terres publiques que par l'impôt des terres privées, vingt millions de boisseaux par an ; ils comprennent surtout l'i?,r2 teia, dont le taux varie, pour les terres domaniales, de deux à sept artabes par aroure, pour les terres privées, de une artabe et demie à une artabe un tiers ; et en outre différents suppléments, l'irtrpayli 6, des fournitures pour les voyages de l'Empereur, de sa famille et principalement du préfet d'Égypte et surtout l'annona ntilitaris, les réquisitions militaires, d'abord livrées par les villages sous forme de liturgie aux soldats et payées sur leur solde, puis devenues, dès le u° siècle, un supplément régulier, payable soit en nature, blé, vin, viande, habits,soit en argent, par adaeratio ". Viennent ensuite des impôts spéciaux sur le bétail, porcs, moutons, boeufs, chameaux, chevaux 9 ; des impôts fonciers to payables, pour les terres à vignes à dattes et à légumes, en argent; pour les terres à plantes oléagineuses ', en nature ; un impôt sur les maisons, peu connu °3, et probablement d'autres sur les locations 14, sur les terrains à bâtir '". Établissement. Il repose : 1° Sur les déclarations individuelles, xar'olx(zv âao•lraipzl, faites au recensement (X25ypap(a) de la population, tous les quatorze ans depuis Auguste (en 9 av. ou G ap. J.-C.) et complétées à toute époque par les déclarations des morts et des naissances, et par l'Ëa(xpta;; annuelle, qui met à part les gens des classes privilégiées. Dans les métropoles devant le stratège du nome, le secrétaire royal, les deux secrétaires locaux et les amphodarques ; dans les villages devant le stratège, le secrétaire royal et le logographe, le chef de famille déclare sa demeure, sa famille, ses locataires avec leur signalement détaillé f6. Ces déclarations permettent aisément, avec l'aide de commissions de contribuables et de divers documents, d'établir, pour la gestion des munera et des charges municipales, la fortune et le revenu (7rpos) des individus t'. 20 Sur le cadastre, qui existe probablement dans chaque nome et que tiennent au courant des inspections annuelles, surtout pour les changements apportés parle Nil 1". 3° Sur les déclarations, soit annuelles pour les meubles, le bétail ", soit extraordinaires, relativement à l'excès ou à l'insuffisance de l'inondation et pour justifier une remise totale ou partielle de l'impôt, sous le contrôle des autorités, en particulier des ),tp.vaerai 20. I4° Sur le livre foncier de chaque nome, la MÀtoOi-,xii iyxrr;a£wv, qui enregistre obligatoirement les contrats importants susceptibles de modifier les droits privés, et où les propriétés de chaque village sont probablement classées par les archivistes d'après les noms des propriétaires, avec tous les actes qui les concernent. Ce livre subit en outre, de temps en temps, des révisions générales pour lesquelles chaque propriétaire doit déclarer ses droits 2t. 3° Levée. La somme totale de l'impôt, indiquée tous les ans par l'empereur au préfet de l'Égypte 22, est répartie, dans chaque nome 23, par l'E aorc-r-r',s, assisté d'un E;e 'r-ais, qui réside probablement à Alexandrie 21. Avec l'aide de tous les documents précédents et surtout du scribe de chaque bourg, du XtJihnpatl.,UxTEUs 2", en prenant comme base, non la hauteur de l'inondation du Nil 26, mais les chiffres des années antérieures, il établit les rôles individuels d'impôts, 4arxtTratNa 27. Le fermage n'a été conservé que pour les impôts indirects, pour les taxes et droits d'enregistrement et sur les professions. Pour les autres impôts il a été remplacé, comme ailleurs, dès la fin du règne de Tibère, par la régie et les liturgies municipales, sous la surveillance générale, dans chaque nome, du stratège, responsable sur toute sa fortune, et des toparclloi 26. A côté des i'nttr,p7,70C(, contrôleurs aussi responsables ; des â7a;TTiTal, qui tantôt alternent avec les praclores, tantôt surtout réclament les restes et exercent probablement aussi une liturgie 1v ; des anciens du village, sorte de collège annuel qui lève quelques impôts accessoires 30, le rôle principal appartient aux collecteurs, ;Tpxx' open, de deux classes, les uns pour les redevances en nature, les autres pour les redevances en argent : ces indigènes, responsables sur toute leur fortune, assermentés, présentés par le cûmogralnmateus avec révision des choix par le stratège, l'épistratège et le préfet, pourvus du droit de faire des saisies et de prendre des gages, rétribués par le prélèvement d'une certaine part, nommés pour une année ou davantage, plusieurs pour un seul impôt, versent l'argent aux caisses publiques [rI4APÉZ1CAI], prélèvent, sur l'aire du village, la part des den TRI 1.39 rées due au fisc, la remettent au grenier public, 8raau~d„ sur quittance, entre les mains des ouzondyot, fonctionnaires également liturgiques, et indiquent chaque mois au stratège le total des levées', La création de sénats municipaux par Septime-Sévère, en 202, à Alexandrie et probablement dans toutes les métropoles 2, fortifie cesystème; les sénats choisissent maintenant, par l'intermédiaire du prytane, responsable sur sa fortune, et sous leur propre responsabilité, les nomarques et les nouveaux décaprotes, généralement deux par loparchie, à côté desquels subsistent les anciens collecteurs 3. Sauf la partie consommée sur place, le blé est, expédié immédiament par caravanes d'ânes aux ports du Nil et de là à Alexandrie, aux greniers publics de Néapolis, par les vx~xnrpot (plus tard navicularii Niliaci), avec le concours des prosecutores, également chargés de liturgie ''. C'est probablement pourles comptes de ce blé, amené ensuite à Rome, qu'il y a dans cette ville le fiscus Alexandrinus3. B. Bas-Empire. On trouve en Égypte à peu près le même régime qu'ailleurs, le cycle de quinze ans, la répartition de l'indiction annuelle entre les provinces, les villes et les villages, les superintlicliones ; et, comme innovation, des déclarations des terres, révisées tous les quinze ans, contrôlées par des censitores et des ~;ta six(, adrzat, analogues aux peraequatores 6. Outre la capitation, dont le maintien est probable, l'Égypte fournit : 1° l'annona, e'u.lonr'I, destinée à Constantinople, et dont le total s'élève, sous Justinien, à 8 millions d'artabes [ANNONA civicA] ; 2° les impôts en argent, qui vont aux sacrae largitiones ; 3° l'annona, versée à la caisse des préfets du prétoire, soit en nature, soit en argent, pour l'entretien des troupes et des fonctionnaires s ; It diverses fournitures secondaires, ainsi les cadeaux usuels aux fonctionnaires et aux soldats 3. La levée se fait comme ailleurs, sous la surveillance des gouverneurs 1D, quelquefois par les offices des fonctionnaires, mais surtout par les curies des nomes devenues cités ; elles fournissent l'exactor civitatis, remplaçant du stratège, assisté de différents receveurs et d'exactores, de practores secondaires, tous chargés de liturgies, et des praepositi pagorum, chefs des pagi qui ont remplacé les toparchies ; et pour le transport des denrées aux troupes, de ôta.; TRI (eropalores)1t. Dès le 1v° siècle se produisirent des changements importants dont les principaux sont : l'attachement de plus en plus étroit des colons à la glèbe pour le paiement des impôts et la gestion des liturgies, sous la responsabilité des propriétaires '2; le développement de la grande propriété aux dépens de la petite et surtout des terres publiques que, dans la pénurie de fermiers, l'État doit imposer aux voisins ou aux curies ou céder sous forme de location perpétuelle ou d'emphytéose 1J ; l'anarchie féodale caractérisée par le triomphe du pat rocin ium 1 t [LATIFUNDIA, p. 965-966]; par le régime de l'aûzorpa,(a, droit accordé, soit à de grands propriétaires, soit à des villages représentés par leurs notables, de lever eux-mêmes l'impôt 15 ; par la substitution, dès le ve siècle, aux praepositi pagorum des ,txyyp'xt, puissants seigneurs, souvent en même temps chefs militaires, chargés de lever eux-mêmes l'impôt des villages qui ne relèvent plus des curies16. A Alexandrie, Anastase transfère la levée de l'impôt de la curie à des fermiers adjudicataires