Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article TROCHUS

TROCIIUS (T?o/6ç . En grec le mot -rpoz6ç est usité dans les acceptions suivantes : 1° Roue de char ou de tout autre véhicule : ROTA. 2° Roue de potier : FIGLINUM OPus. 3° Roue sur laquelle on attachait les suppliciés : ROTA. 4° Rolle de machine : MACHINA. 50 Rouelle de mors : FHE\OJI. 6° En grec', aussi bien que sous sa forme latinisée, le même mot désigne le cerceau dont on se se sert pour jouer. 11 en est souvent question chez les auteurs latins ; mais Vorace oppose le jeu du troc/mas aux jeux nationaux, comme une invention des Grecs 2. C'était un des amusements ordinaires de l'enfance ; aussi le cerceau est-il représenté sur un grand nombre de monuments, notamment sur les vases peints, parmi les attributs des éphèbes (fig. 7098) etdes divinités juvéniles, telles qu'Éros (fig. 2164) ou Ganymède (fig. 7099) 3. Mais on le recommandait aussi aux hommes faits, qui avaient besoin d'entretenir ou de restaurer leurs forces Physiques par l'exercice, et les médecins de l'antiquité ont indiqué dans quelles conditions il pouvait leur procurer une distraction hygiénique°; le cerceau devait avoir sa place parmi les instruments rassemblés dans les gymnases. Si nous en jugeons par les monuments les plus an tiens, on lui donna d'abord une forme très simple,absolument semblable à celle qui est encore en usage; la ba guette (ÉÀâTrp, virga) 2, toute droite, ne différait en rien des nôtres, comme on peut le voir dans les fig. 7098 et 709-f, empruntées à des peintures de vases6. On yremarquera (fig. 7098) les trois ligatures qui, à intervalles réguliers, sont enroulées autour du cerceau, évidemment parce qu'il se composait de légères tiges en bois, dont la courbure avait besoin d'être maintenue par des brins d'osier ou des fils de métal solidement assujettis. Mais à l'époque romaine ce jouet fut parfois modifié; pour chasser le cerceau devant soi on employa aussi une ba guette courbe, appelée, à cause de sa forme, une clef, clavis', qui offrait sans doute cet avantage qu'elle permettait de modérer plus aisément la course du cerceau et de l'infléchir avec plus de grêce dans les tournants; c'est cette clef que nous voyons entre les mains du personnage reproduit ci-contre d'après une gemme (fig. 7100) 8. Quant au cerceau lui-même, un passage du médecin Antyllossnous apprend comment il devait être construit pour répondre aux exigences des hygiénistes ; Antyllos l'appelle xo(xoç; mais on ne saurait douter que la xctx-1i3C5'ix ne soit identique à l'exercice du -r°y(ç'0. Le cerceau doit avoir un diamètre assez grand pour venirjusqu'auxmamelles de l'homme ; la baguette sera en fer et aura un manche en bois. De préférence au modèle ordinaire on choisira un cerceau garni, sur sa circonférence,de petits anneaux car le bruit qu'ils font pendant la course y ajoute de la gaieté. Plusieurs témoignages, en effet, supposent nécessairement la présence de ces anneaux. Suivant Martial ils avaient encore l'avantage que les passants, avertis par leur tintement, s'écartaient d'eux-mêmes pour faire place"; on doit inférer de là qu'en pareil cas le cerceau lui-même était en fer ou en bronze12. Nous savons aussi que les anneau x glissaient librement tout au tour " ; par conséquent ils devaient être très petits, sinon ils auraient singulièrement contrarié le mouve ment. Un bas-relief funéraire trouvé près d'Este (fig. 7101) nous a conservé l'image de ce troches perfectionné' on y voit une femme tenant de la main gauche un cerceau, muni de deux anneaux, et une baguette à double brisure, dont la forme justifie tout à fait le nom de clef [GLATIS]; cette figure serait la personnification du printemps, saison oit la jeunesse se remettait aux jeux de plein air, délaissés pendant l'hiver'. Le bon joueur ne devait pas se contenter de pousser son cerceau en ligne droite ; il devait lui faire décrire des méandres'. Il y avait pour le conduire un art véritable, et c'est sans doute ce qui explique les perfectionnements apportés à la clavis : « Celui qui n'a pas appris à jouer au cerceau, dit Horace, se tient tranquille, s'il ne veut soulever impunément le rire des spectateurs pressés autour de lui ". » On avait même exposé par écrit les règles de cet art délicat ; elles avaient fait chez les Romains le sujet d'un poème didactique°. Il est donc probable que le jeu du cerceau, comme tous ceux qui exigent beaucoup d'entraînement, avait ses professionnels. C'est sans doute l'un d'entre eux qui est représenté dans la fig. 7100; les deux clefs qu'il tient dans ses mains devaient lui permettre d'obtenir des finesses particulières. 7° Les bateleurs employaient aussi des cerceaux (..po-y01) pour faire leurs tours; mais il va de soi que ces accessoires, de dimensions très variées, n'avaient de commun que la forme avec le cerceau de course ; ainsi Xénophon parle d'une danseuse (i;pztlcrp(ç), engagée pour divertir des convives, qui excellait à jongler avec des T9o7oi, c'est-à-dire avec des cerceaux ou de grands anneaux ; un auxiliaire lui en faisait passer jusqu'à douze; sans cesser de danser, elle les lançait en l'air, en calculant la hauteur de manière à les recevoir en cadence'. Un autre de ses exercices consistait à lire et à écrire, sans perdre son équilibre, sur une roue de potier, qu'on faisait tourner à toute vitesse (ii -ep,zoü ôaisia01t)'. 8° Dans les bas temps, quelques grammairiens ont donné par analogie le nom de rpoy; au sabot ou à la toupie [TURBO], sans doute parce que ces jouets, de forme circulaire, a courent » aussi sous les coups répétés qui les frappent 9° Pour la même raison, on a fait rentrer dans la caté gorie des -po,fcxot ou Tpoyiaxta les petits jouets que nous appelons des « diables » et que les anciens employaient comme instruments de sortilèges [Rnomies]'.