Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article TROJA

TROJA, TROJAE LUDUS, Ces mots servaient à désigner chez les Romains des exercices équestres, sortes de carrousels, exécutés par des enfants dans le cirque. Festus définit la Troja : lusus puerorum equestris'. Les écrivains grecs emploient toujours, lorsqu'ils parlent de la Troja, des termes dérivés du mot ia7toq, tels que d'enfants qui exécutaient la Troja portent le nom significatif de turzna'. La description la plus complète et la plus précise que nous ayons de ce jeu est celle qu'en donne Virgile, au livre Y de l'Éneide7. Le poète imagine que la Troja est exécutée par de jeunes Troyens lors des fêtes par lesquelles Énée rend hommage en Sicile, après un an révolu, aux mânes de son père. Tous les enfants qui prennent part au jeu sont à cheval ; leurs évolutions, incessantes et rapides, donnent l'impression d'un combat de cavalerie ; leurs escadrons se rapprochent, s'éloignent, se mêlent, se séparent, se traversent Ces jeunes cavaliers sont armés; chacun d'eux porte deux javelots, peut-être un carquois'. M. von Premerstein a soutenu récemment 10 qu'au moins à l'origine la Troja avait été exécutée aussi bien à pied qu'à cheval ; pour justi fier son opinion, il invoque d'une part une phrase de Suétone, conservée par Servius" : « Lusus ipse, querra vulgo pyrrhicam votant, Troia vocatur » ; d'autre part quelques vers de Sénèque le Tragique ", dans lesquels Andromaque, déplorant le sort de son fils Astyanax voué à la mort, et regrettant qu'il ne doive plus prendre part au Troicus lusus, emploie les expressions mobili pede, prisco saltatu. La phrase de Suétone n'a point la valeur probante que lui attribue M. von Premerstein ; la pyrrltica était aussi bien equestris (lue pedestris10, Quant aux vers de Sénèque, si les termes mobili pede et prisco saltatu paraissent se rapporter à un exercice pédestre, le vers puer cil ales nobilis ages turlnas évoque au contraire l'image d'un carrousel équestre. D'ailleurs les périphrases poétiques de Sénèque ne sauraient infirmer ni même atténuer la valeur de tous les autres textes anciens, qui signalent avec une précision unanime le véritable caractère de la Troja. Le rapprochement que M. von Premerstein établit entre la Troja et la danse armée des Saliens, qui n'aurait été d'après lui qu'une Troia zu Fusse, ne nous parait pas plus valable. Nous verrons plus loin que ce rapprochement est fondé sur une interprétation erronée des documents. La Troja était donc un carrousel exécuté par des enfants. Les textes qui mentionnent ce ludus à l'époque historique fournissent sur son organisation quelques détails intéressants. A la fin de la République et jusqu'en 29 ou 28 av. ,T.-C. au moins, les enfants admis à prendre part au ludus étaient répartis suivant leur âge en deux escadrons ou tarmac", la tapina majorum et TRO i9 i la turma minorunz'. II est possible qu'après 29 ou 28 av. J.-C. cette organisation ait été modifiée par Auguste, et que les jeunes cavaliers aient formé trois escadrons au lieu de deux; la description que Virgile donne de la Troja dans l'Énéide ne peut guère être inexacte; or le poète représente les jeunes Troyens divisés en trois escadrons, dirigés l'un par Priam, le second par Atys et le troisième par Iule lui-même 2. D'après Servius, Virgile aurait voulu rappeler ici l'antique division du peuple romain en trois groupes : les Tities, les Ramnes et les Luceres3. Peut-être est-il plus juste d'attribuer à Auguste lui-même le désir de reproduire, dans la disposition matérielle du ludus Trojae, les divisions primitives de la cité romaine. Le ludus Trojae fut célébré à maintes reprises sous Auguste', sous Caligula', sous Claude 6, au rie siècle de l'ère chrétienne 7; mais nous manquons de détails précis sur son organisation à ces diverses époques. Les enfants qui prenaient part au ludus Trojae, dont les majores avaient de 1l à 17 ans et dont les minores étaient âgés de moins de 11 ans, étaient choisis dans les plus nobles familles romaines : clarae stirpis, dit Suétone 8 ; pueri nobiles, confirme Tacite'. Les auteurs grecs emploient les expressions EU'IEVELÇ 7cn 3 10, Eû7txTpE~OC1 7C xï eç ". 11 ne faut pas en conclure que seuls les enfants patriciens fussent admis à cet exercice : nous savons que Caton le Jeune, à l'époque de Sylla, et sous Auguste le petit-fils d'Asinius Pollion, Aeserninus, tous deux plébéiens, participèrent au ludus Trojae", Il faut entendre que le choix portait sur les enfants des grandes familles. Au début de l'empire, les escadrons de la Troja durent être souvent dirigés par les enfants de la maison impériale ; nous le savons formellement pour Tibère13. Il est de même probable que sous Claude, en 47, Britannicus et Néron, âgés l'un de six ans, l'autre de neuf ans, dirigèrent deux escadrons dans le ludus Trojae donné à l'occasion des jeux Séculaires ". Comme beaucoup de ludi, le ludus Trojae avait un caractère religieux; c'était, d'après Plutarque, une iErâ lnno3pou.:a"; Sénèque l'appelle solemne Troici lusus sacrum f6 ; Galien, dans le passage souvent cité où il fait allusion à la Troja, la met en relation avec des N.ucrri,pta 17. Ce ludus était-il célébré à date fixe ? Les expressions de Sénèque, prises à la lettre, pourraient e faire croire : stato die, solemne sacrum. Parmi les savants modernes, von Premerstein et Wissowa se sont prononcés dans ce sens. D'après von Premerstein, la Troja doit être rapprochée des danses des Saliens, pour la seule raison que ce nom dérive de la même racine que les mots antruare, redantruare, employés pour désigner les mouvements exécutés par ces prêtres ; il en résulte qu'elle devait avoir lieu en même temps que ces danses, soit le jour des Quinquatrus, le 19 mars, et le jour de l'Armilustrium, le 19 octobre. Telle est la thèse de von Premerstein, adoptée par Wissova ". Nous ne TRO saurions l'admettre, parce qu'elle se trouve en contradiction avec les faits. Il est, en effet, aisé de déterminer avec précision les dates auxquelles furent donnés quelques-uns des ludi Trojae mentionnés par les auteurs ; aucune de ces dates ne coïncide avec le 19 mars ou le 19 octobre. En 46 av. J.-C., pendant les fêtes données à l'occasion du quadruple triomphe célébré par César pour ses victoires sur les Gaules, sur le Pont, sur l'Egypte et sur l'Afrique, un ludus Trojae fut exécuté selon l'antique usage »". Or le triomphe de César eut lieu en plein été, dans le courant du mois d'août probablement. Le ludus Trojae ne put donc être donné, cette année-là, ni en mars, ni en octobre. Six ans plus tard, en l'année 40, tandis qu'Octave se trouvait en Gaule et en Espagne, Agrippa, alors préteur, qu'Octave avait chargé de la direction, des affaires à Home, donna de grands jeux parmi lesquels fut exécutée une Troja 20 Dion Cassius ajoute que ces jeux furent célébrés au moment des ludi Apollinares; or la date de ces jeux est connue: ils avaient lieu du 3 au 13 juillet. En 29 av. J.-C., Auguste donna des jeux pour la consécration du temple élevé à César sur le forum ; au nombre de ces jeux figurait une Troja ; la fête fut célébrée le 8 août21. On ludus Trojae fut exécuté lors de la dédicace du théâtre de Marcellus; Dion Cassius fixe à l'année 13 la date de cet événement; Pline l'Ancien la fixe au 4 mai de l'an 1l avant J.-C. 22. Quoi qu'il en soit de l'année, il ne saurait y avoir de doute sur le jour ; la formule de Pline est officielle : Q. Tuberone F'abio illaximo consulibus, IV Nones ,llaias theatri Jlarcelli dedicatione. Sous Caligula, Dion Cassius signale spécialement deux ludi Trojae, dont l'un fut exécuté en l'honneur du dies natalis de l'empereur, c'est-à-dire le 31 août'', dont l'autre fut donné lors des funérailles de Drusilla, autour de son tombeau, c'est-à-dire à la lin de juillet ou au commencement d'août24. D'après Tacite, Britannicus et Néron figurèrent dans un ludicrum Trojae donné à l'occasion des jeux Séculaires célébrés en 47 ap. J.-C. par Claude, jeux qui eurent lieu le 21 avril 2C'. Outre ces dates précisées par les documents, on peut encore citer la date approximative du ludus Trojae dans lequel Tibère, âgé de 14 ans, dirigea la turma majorum puerorum. D'après le texte de Suétone, ce Indus semble bien avoir été exécuté en même temps que les ludi Actiaci : « ... pubescens [7'iberius] Actiaco triumpho currum Augusti comitatus est, sinisteriore funali equo, cum Marcellus Octaviae filins dexteriore velieretur; praesedit et Actiacis ludis et Trojanis eircensibus, ductor turmae puerorum majorum26. » La date du triumphus Actiacus est bien connue ; c'est le 14 août 29 av. J.-C. Celle des Actiaci ludi ne l'est pas avec précision ; on sait seulement que ces jeux furent donnés par Auguste en 28; mais rien n'autorise à penser qu'ils coïncidèrent avec les Quinquatrus ou avec l'Arniilustrium de cette année-là. Voilà donc plusieurs ludi 7'rojae dont nous TRO savons nettement qu'ils ne furent célébrés ni le 19 mars ni le 19 octobre. D'autre part aucun texte, aucun document n'assigne l'une ou l'autre de ces dates à un ludus Trojae quelconque. Ce n'est pas seulement le rapprochement injustifié avec les Saliens qui a induit en erreur von Premerstein, c'est encore l'opinion inexacte qu'il a sur les rapports des tribuni celerum avec le ludus Trojae. I1 pense en effet que les tribuni celerum furent chargés par Auguste de la direction de ce ludus ; ceci admis, il invoque l'indication fournie par les Fasti Praenestini pour le 19 mars : [Sali] faciunt in comitio saltu ladstantibus po]ntificibus et trib(unis) celer(um). La présence des tribuni celerum lui paraît attester la célébration du ludus Trojae. Mais, d'autre part, aucun document ne nous autorise à croire que les tribuni celerum aient été chargés de diriger le ludus Trojae. Von Premerstein veut-il parler de la direction matérielle des escadrons qui exécutaient les évolutions de la Troja? Cette direction est exercée par des enfants, qui ne peuvent guère porter le titre officiel de tribuni celerum, avant même d'avoir revêtu la toga virilis. Veut-il parler d'une haute surveillance exercée sur la célébration du ludus par des tribuni celerum, qui auraient gardé jusqu'à la fin de la République et sous l'Empire les attributions religieuses dont, d'après Denys d'lIalicarnasse, ils avaient été investis à l'époque royale 2? Nous n'avons sur ce point aucun renseignement d'aucune sorte. Ou plutôt les seuls que nous ayons sont en désaccord avec cette hypothèse. A l'époque de Sylla, c'est Sylla lui-même qui désigne les chefs des deux escadrons d'enfants qui doivent exécuter le Indus ; c'est lui encore qui, sur la réclamation des enfants, remplace par le jeune Caton l'un de ceux qu'il avait d'abord désignés 3. Von Premerstein, il est vrai, prétend que ce fut seulement Auguste qui, après avoir porté les escadrons d'enfants de 2 à 3, mit à leur tête les tribuni celerum. Pure hypothèse, qu'aucun texte ne justifie. On ne peut, en effet, tenir pour un texte probant le commentaire de Servius, dans lequel le scholiaste explique pourquoi Virgile, dans sa description du ludus Trojae exécuté autour du tombeau d'Anchise, a divisé les enfants troyens en trois escadrons : c'est pour rappeler, dit-il, la division primitive du peuple romain en trois groupes ou tribus, division qui a fait donner le nom de tribuns aux chefs de ces groupes Vouloir tirer de cette glose, extrêmement vague et purement subjective, la preuve que sous Auguste et les premiers empereurs le ludus Trojae était dirigé par des tribuni celeruin, nous parait un raisonnement très fragile et non une induction vraiment scientifique. Aussi bien le rôle que l'on attribue à Auguste dans l'histoire du ludus Trojae nous semble tout à fait exagéré. D'après Wissowa, qui admet sur ce point les idées exprimés par Rostovtzew et Norden, le ludus Trojae aurait disparu de très bonne heure ; puis il aurait été restauré à la fin de la République et il aurait continué d'être célébré sous l'Empire'. Cette restauration aurait été surtout l'oeuvre d'Auguste, désireux de relever par des exercices physiques le prestige de Paris 495 TRO tocratie romaine dégénérée et de préparer pour 1 armée une jeunesse vigoureuse Nous ne pensons pas que les documents aujourd'hui connus sur le Indus Trojae justifient ni autorisent une telle opinion. Qu'Auguste ait accordé le plus vif intérêt à la célébration du ludus Trojae ; qu'il ait multiplié les occasions de faire exécuter ce carrousel, d'origine très ancienne et de caractère religieux ; et qu'il ait obéi dans la circonstance à son désir bien connu de ne pas laisser disparaître les vieilles coutumes nationales de Home, cela, Suétone le dit formellement : et Trojae ludum edidit frequentissime,... prisci decorique moris existimans clarae stirpis indolem sic notescere'. Mais, dans cette phrase de l'historien, il n'y a pas la moindre allusion à une restauration d'un usage aboli ou disparu depuis longtemps. Bien au contraire, deux autres textes démontrent que le Indus Trojae n'avait pas cessé d'être célébré. C'est d'abord le texte de Plutarque, que nous avons déjà plusieurs fois cité Il y est question d'un ludus Trojae préparé par Sylla, pendant sa dictature ; il n'y est dit, en aucune façon, que Sylla rétablisse un Indus oublié ; les mesures qu'il prend, le choix des enfants nobles et la désignation des chefs des deux escadrons, sont au contraire mentionnés comme des faits ordinaires, sans aucune remarque spéciale d'où l'on puisse conclure que l'acte du dictateur constitue une innovation ou une exception. Plus significatif encore est le passage de Dion Cassius, qui signale la célébration du Indus Trojae sous le gouvernement de signifie : conformément à l'antique usage. EL ce serait vraiment subtiliser avec excès que d'interpréter ces trois mots dans le sens d'une longue interruption, puis d'une restauration de la Troja. Même, dans ce cas, la restauration aurait été l'oeuvre de César et non d'Auguste. Pour nous en tenir aux données vraiment historiques, l'existence du ludus Trojae nous est attestée pendant la période qui s'étend depuis l'époque de Sylla jusqu'au temps de Galien, c'est-à-dire du début du ter siècle av. J.-C. à la fin du u° siècle de l'ère chrétienne ; nous savons d'autre part que c'était une institution fort ancienne, xx-â Tb'ozatov, dit Dion Cassius ;priscus mos, d'après Suétone. Le ludus Trojae était, à la fin de la République et sous l'Empire, un carrousel équestre exécuté par des enfants des nobles familles, divisés jusqu'à l'époque d'Auguste en deux escadrons, peut-être après lui en trois. Chaque escadron était dirigé par un enfant de haute lignée ou de brillante réputation : Caton, un beaufils de Sylla, plus tard Tibère, peut-être Gaius César, le petit-fils d'Auguste, peut-être aussi, sous Claude, Britannicus et Néron. Ce jeu ne parait pas avoir constitué une fête fixe, une feria stativa ; il se donnait plutôt dans des circonstances exceptionnelles, telles qu'un triomphe, la dédicace d'un temple ou d'un théâtre, la célébration de grands jeux comme les ludi Actiaci ou les ludi Sacculares ; souvent il était intercalé, dans le Circus maximus, au milieu d'autres spectacles 10. Il n'allait pas sans inconvénients ni même sans danger pour les enfants qui y prenaient part : sous Auguste, deux de ces enfants tombèrent de cheval, et l'un deux se brisa la jambe dans Trio TRO i96 sa chute' ; au lie siècle, Galien signale une affection du péritoine déterminée chez le jeune fils de Pison par les exercices équestres du ludus Trojae'. Quelle était l'origine de ce jeu et que signifie le nom de froja qu'il portait? Pour les Romains eux-mêmes il ne parait pas y avoir eu de doute : le mot Troja n'est autre pour eux que le nom de la ville, sur laquelle régna Priam, et c'est un ancien jeu troyen qui apassé dans les usages de ltome.Virgile indique mêmelesétapes pseudo-historiques decette prétendue transmission.Le filsd'I:née,Ascagne, introduisit la Troja à Albe, d'où elle vint à Rome 3. La même conclusion se dégage des vers de Sénèque le Tragique, dans lesquels Andromaque, se lamentant sur le sort de son fils Astyanax, déplore qu'il ne doive plus prendre part au Troicus lusus 4. Moins explicite, Festus n'en indique pas moins que le mot Troja, qui désigne le /usus puerorwn equestris, est le même que le nom de la ville de Priam et que le nom d'un lieu-dit du territoire de Laurentlun,«quoprimum llaliaeAeneasrumsuis conslitit°.» Pour les modernes, cette étymologie et cette explication antiques n'ont, à juste titre, aucune valeur. Déjà hlausen et après lui Goebel avaient indiqué la véritable oie en rapprochant le mot 7'roja ou Troia des mots antroare ou ornplruare, redan trou re ou redan' ptruare, qui expriment l'idée d'évolution rapide, de mouvements répetés et alternatifs O. Festus cite un mot, drua ou /rua, qui se rattache à la mime idée L'argument décisif en faveur d'une étymologie et d'une origine purement italiques a été apporté par Deecke, Ilelbig et surtout Benndorf 9. Sur un vase étrusque, qui daterait, d'après Ilelbig, du Na' siècle av. .l.-C., le mot AIVIIT = Tu VIA = truia, se lit dans une des spires d'un motif tout à fait semblable au motif qui représente le Labyrinthe sur les monnaies de Cnossos et sur un graffite de Pompéi. En avant de ce motif, deux cavaliers sont figurés l'un derrière l'autre ; la gaucherie du dessin ne permet pas d'affirmer que ces cavaliers soient des enfants, bien que les jambes des personnages soient très courtes fig. 7102 9. Quoi qu'il en soit des détails, le mot truia, inscrit en cet endroit du vase, semble désigner un exercice (le cavaliers, un ludus equestris ; quant au motif du Labyrinthe, il symbolise sans doute les évolutions compliquées et enchevêtrées dont se composait cet exercice. Virgile connaissait-il cette représentation de la Truia ou Troia? Toujours est-il qu'il a comparé les évolutions des jeunes Troyens au Labyrinthe de Crète 10. Donc, pour conclure, nous dirons que Troja, Troia, Truia est un vieux mot italique ou étrusque, qui exprime l'idée de mouvements rapides et compliqués ; que dès le vie siècle av. J.-C. nous trouvons ce mot appliqué à un exercice de cavaliers, dont les évolutions rappelaient l'idée du Labyrinthe ; et que le ludus Trojae, tel que nous le trouvons pratiqué à Rome à la fin de la République et sous l'Empire, est simplement la survivance d'un très vieil usage national. J. ToLT.11\. TROI'A(Tpdax). Jeu d'origine grecque,qu'un auteur définit en ces termes: « Il se joue avec des osselets; on les lance en visant une fossette ((3dOao„ ~3oGû;, p(Auvoc), préparée pour les recevoir; souvent les osselets sont remplacés par des glands et des chàtaignes » Rien de plus clair ; c'est le jeu que les enfants appellent aujourd'hui, quand ils s'amusent avec des billes, la fossette ou la Moquette; toutes les billes que le joueur n'a pas réussi à loger dans la fossette sont acquises à l'adversaire' cf. Es ItoTUVN]. La scène de la fig. 7103 est empruntée à un vase peint, de provenance attique : il semble bien qu'elle mette sous nos yeux un jeu comme la 7:c6ra, ou peut-être l'(_'4 ù,Xa, qui n'en différait guère [TALCS]3; le jeune garçon du milieu se prépareà un coup, que contrarie celui de gauche, pendant que celui de droite proteste'. La difficulté est d'expliquer l'étymologie et le sens premier du mot -radai. D'après un témoignage très ambigu', on peut supposer que le jeu ne consistait pas seulement à atteindre le trou, mais aussi à en écarter les osselets de l'adversaire ; il fallait peut-être les heurter assez adroitement pour les « retourner ('9;é 7:40I sur l'autre face » 5. Cependant cette hypothèse ne suffit pas à nous tirer d'embarras'. On jouait souvent à la fossette avec des noix [Noces] 3. Ovide a décrit un jeu qui n'en est évidemment qu'une variante : on plaçait à une distance convenue un vase dont l'étroite embouchure servait de but; il s'agissait d'y TRO 197 TRO loger adroitement ses noix' ; Perse raconte qu'étant écolier il n'avait que le jeu en tête ; un de ses principaux soucis était « de ne pas manquer le goulot étroit de l'amphore » [oncA];peut-être faut-il voir là la même forme de la fossette2. GEORGES LAFAYE. TILOPr1EU\I (Tp6axtov). Sous cette rubrique on ne retracera pas seulement l'histoire des trophées élevés avec les dépouilles des ennemis sur le champ de bataille, mais celle aussi de tous les monuments commémoratifs de la victoire; on résumera également ce que l'on sait du sort des dépouilles ou prises de guerre, SPOLIA (ezûÀx), en Grèce d'abord, puis à Rome. TF6astov vient de •rco-ti, déroute, fuite, comme l'ont reconnu les anciens '. Tout en acceptant l'étymologie, nous ne pouvons plus nous contenter de l'interprétation qu'ils y attachent. D'après eux, le 'cp6extov serait « le monument de la déroute n, destiné à commémorer la fuite de l'ennemi et élevé à l'endroit même où elle avait commencé '-. C'est là un sens dérivé et qui n'a pu être adopté qu'après Alexandre, lorsque la poursuite, s'introduisant dans la stratégie, donna toute son importance symbolique à la fuite. Pour comprendre la signification primitive de Tp t tov, il faut le rapprocher d'âaorp67C2ov où l'acception religieuse s'est conservée. Si l'apotropaion est ce qui détourne et met en fuite toute les forces surnaturelles qui peuvent nuire à l'homme, le tropaion doit être ce qui les concentre en sa faveur 3. Sur le champ de bataille, ce sera un groupement d'armes ennemies qui signifiera à tous que leurs porteurs ont été dévoués aux dieux qui ont donné la victoire. L'ennemi leur est comme livré par un lien magique: épouvantail pour l'ennemi, le trophée est, pour qui le dresse, à la fois le gage et la consécra 11. Lion du triomphe. Avant de devenir le monument qui commémore la victoire, il a donc été comme le portebonheur qui l'assure; il a fini par désigner la victoire elle-même 1. A l'origine, tout ce que le vaincu laisse sur le champ de bataille, morts et vivants, armes et vêtements, est la propriété des dieux du vainqueur. Comment le vainqueur va-t-il faire pour que ces dieux entrent en jouissance de ce qui leur a été promis en retour de la -victoire, sans qu'il soit lui-même privé de tout bénéfice? Comment, à la destruction totale qui fut d'abord la conséquence d'un pareil voeu. le développement du sentiment d'humanité, soutenu par celui de l'intérêt bien entendu, a-t-il, peu à peu, substitué la consécration partielle aux dieux avec partage du reste entre les vainqueurs? C'est cette évolution que tendra à faire ressortir l'ordre dans lequel on cherchera à grouper ici tout ce que l'on sait des dépouilles (Àzeuçx, axü?,s, exutiae, spolia)' et des trophées dans l'antiquité grecque et romaine. poèmes homériques, on distingue une tendance nouvelle, tendance qui fait pressentir les principes des philosophes d'Ionie, aux prises avec l'antique tradition de la destruction totale De nombreuses allusions sont faites à la coutume de dépouiller le mort' ; mais une pudeur empêche de dépeindre cette scène ; d'ailleurs, si on enlève les armes, on laisse la tunique. On va même jusqu'à renoncer aux armes. Andromaque signale comme un mérite d'Achille que, vainqueur d'Cétion, il l'ait enterré avec ses armes 8, et le héros s'honore en laissant Priam racheter le corps de son fils. Zeus s'irrite contre Ilector de ce qu'il a enlevé les dépouilles de Patrocle' et les Grecs s'attirent la colère des Immortels pour avoir, 1 TRO -498-TRO lors de la prise de Troie, porté partout leur fureur, sans respecter ni l'âge, ni le sexe, ni les autels den dieux. Le massacre de tous les miles, la réduction en esclavage de toutes les femmes, l'égorgement de Polyxène, l'enlèvement de Cassandre, les cadavres dépouillés abandonnés nus aux oiseaux de proie ou mis en pièces par le vainqueur lui-même, tous ces usages, qui semblaient jadis le droit de la guerre, commencent à révolter la conscience hellénique. Après chaque combat, les adversaires conviennent d'une trêve pour ensevelir les morts ; on les dépouille de leurs armes, mais on ne les outrage plus; le butin est mis en commun, choses et gens ; il est réparti également entre les combattants, les chefs recevant une part plus grande 1. Il ne semble pas qu'il yait une (lime régulière donnée aux dieux. Parfois, on brùle en leur honneur des armes ou on leur consacre des prisonniers, soit comme victimes soit comme hiérodules. Quand on a invoqué l'appui d'une divinité pour un combat singulier, on lui dédie les dépouilles du vaincu : ainsi, Hector prometà Apollon de suspendre à son temple l'armure d'Ajax 2 et Ulysse fixe celle de Dolon à la chapelle d'Athéna-du-Butin (A-erg) ménagée à la poupe de son vaisseau 3. Ne doit-on pas reconnaître cette déesse dans les monuments mycéniens, là où on a vu un palladium primitif : poutre, à tête et bras humains, recouverte d'un vaste bouclier bilobé ' ? Il est probable qu'on disposait, en effet, dès lors, ces armures sur une poutre comme elles avaient été disposées sur le guerrier vaincu. On peut donc yvoir les premières allusions au trophée anthropomorphe, et, comme les épisodes où elles figurent sont relativement tardifs, il y a lieu de croire que cette forme du trophée a été introduite en Grèce par le plus guerrier des peuples qui l'envahirent, les Doriens 5. Les seuls trophées dont parle la mythologie ont été élevés par les héros doriens par excellence, par Héraklès victorieux d'Hippokoon 5 ou des Amazones', par Pollux vainqueur de Lynkeus C'est près de Sparte qu'on montrait les temples élevés à Artémis-de-l'Armée ('AQroitet3), à l'endroit où la marche des Amazones avait été arrêtée et à Zeus-de-la-Déroute (Te4muo;), lit où les Doriens avaient vaincu Achéens et Amycléens i0. C'est des débuts de l'époque dorienne en Crète, et de l'art contemporain du Dipylon 11, que date le plus ancien monument qui nous montre un trophée: du moins on ne peut guère interpréter autrement la cuirasse fixée sur un tronc de palmier taillé en pointe, au-dessus de laquelle deux hommes tiennent une cuirasse, sur une mitra de Rhétymnon (Crète) 12. vivantes. Avant de suivre l'histoire des trophées dans la Grèce classique, indiquons brièvement le sort du butin vivant. La même condamnation paraît avoir pesé, à l'origine, sur la personne des vaincus et sur leurs dépouilles on n'aurait donc pas fait de quartier si l'intérêt et l'humanité n'avaient revu l'appui d'une considération religieuse. Mettre à mort ceux que les dieux avaient tirés indemnes du combat, n'aurait-ce pas été aller à l'encontre de la volonté divine ? Ainsi se posa de bonne heure le problème des prisonniers de guerre. On paraît l'avoir résolu de deux manières, selon qu'il s'agissait d'une population entière ou d'un nombre restreint de captifs. Dans le premier cas, si la population conquérante ne se croyait pas assez forte pour maintenir sous le joug la population vaincue, elle l'obligeait à s'expa trier en masse ; ainsi, la légende déjà montre Héraklès, vainqueur des Dryopes, les forçant àaller fonder Asiné t'. Si les conquérants se croyaient assez forts pour n'avoir rien à craindre des vaincus, ils se contentaient de leur interdire l'usage des armes, en leur enlevant tous les droits politiques qui y étaient liés originairement : tel est le cas des hilotes. S'il ne s'agissait que de quelques captifs, on opérait comme nous le verrons faire pour les dépouilles matérielles : une part était prélevée pour les dieux : c'est l'origine des hiérodules té; le reste était partagé entre les vainqueurs, les chefs ayant le droit du premier choix ; ces prisonniers de guerre, réduits ainsi TRO -1190TRO en, servitude, furent les plus anciens esclaves [sERvl]. Quand l'État se développa dans les républiques grecques, les prisonniers de guerre furent considérés comme appartenant à l'État et mis en vente par lui De bonne heure aussi s'introduisit l'usage de la rançon [LYTRA] : la cité vaincue put racheter ses concitoyens à la cité victorieuse, comme auparavant les parents du vaincu au guerrier qui l'avait reçu en partage. En cas de rancon comme en cas de vente par l'État, c'est la dîme du produit que l'État versait aux dieux 2. Quant aux tués, lors même que subsista l'usage de les dépouiller', on respecta leurs cadavres et le vainqueur concluait avec le vaincu une trêve, pour que les deux partis pussent enterrer leurs morts Comme celui 'qui restait maître du champ de bataille pouvait, sans plus, ensevelir les siens, c'était s'avouer vaincu que d'envoyer un héraut réclamer ses morts ; c'était, par suite, s'interdire d'élever un trophée 6. Le trophée, symbole de toute victoire sur terre et sur mer, aux ve et Ive siècles. -Or, l'érection d'un trophée est, pour les Grecs de l'époque classique, à la fois la marque et la consécration de la victoire Si ceux qu'Athéniens et Mégariens auraient respectivement élevés pour la prise de Salamine, au cours du vue siècle ne sont guère plus historiquement certains que ceux des Spartiates sur les Amycléens au vine, le plus ancien trophée dont la mention ne soit pas matière à doute se place vers 520 : ce sont les éperons de navires samiens en forme de tête de sanglier que les Éginètes dédièrent dans leur temple d'Aphaia 9. Les mentions de trophées se multiplient ensuite : sans parler ici de ceux des guerres nationales contre les Perses et contre les Carthaginois, qui nous occuperont plus loin, citons ceux des Athéniens sur les Lacédémoniens devant Potidée (429) 10 et Sphactérie (424) 11 ; ceux des Béotiens sur les Athéniens à Coronée (447) 12 et à Délion (424) 13 et sur les Lacédémoniens à Leuctres (371) et à Mantinée (362) " ; ceux des Lacédémoniens sur les Athéniens en 1101 et 404 75 ; ceux des _Athéniens sur les Sicyoniens en 43316, et des Sicyoniens sur les Athéniens en 42417 ; ceux des Acarnaniens de Stratos sur les Épirotes en 42816, et sur les Ambraciotes en 425 t9; ceux des Éléens sur les Arcadiens en 364 °-0 et sur les Lacédémoniens en 418 21. On en vient a élever un trophée même pour des escarmouches, comme Chabrias sur les Thébains à Corinthe22, ou Agésilas après un engagement de cavalerie en Thessalie 23, ou encore comme les Athéniens pour avoir repoussé une attaque des cavaliers syracusains 2f On verra plus loin les formes diverses que pouvaient revêtir les trophées. Il faut dire dès maintenant que les victoires remportées sur mer donnaient lieu, autant que les victoires sur terre, à l'érection d'un trophée. Nous avons déjà signalé les trophées navals élevés par Égine sur Samos et par Mégare sur Athènes au v1e siècle 23 ; au v', sans parler de Salamine, on peut citer ceux des Athéniens sur les Perses à l'Eurymédon (469)28, sur les Éginètes et les Corinthiens (460) 27, sur les Corinthiens (412)'-6, sur les Lacédémoniens en 425 à Naupacte 29 et en 411 à liynosséma 30 et Cyzique 3', enfin pendant le siège de Syracuse"; les trophées des Lacédémoniens sur les Athéniens en 411 à Symé 33 et à h:rétrie 3', et en 407 à Notion 3i ; ceux des Syracusains 36 et des Éphésiens 17 sur les Athéniens ; ceux des Corinthiens sur les Corcyréens en 434 36 et 433 39. Au Ive siècle, les mentions des trophées, qu'ils soient de mer ou de terre ferme, deviennent plus rares40. En dehors de ceux de Leuctres et de Mantinée'', on n'en relève qu'un petit nombre42. Les monnaies ne nous apportent leur témoignage que pour Athènes et Locres Opuntienne en Grèce, Ainos en Thrace, Lampsaque, Iléraclée et Clazomènes en Asie, Syracuse et Capoue''. C'est en partie parce que nos sources historiques deviennent moins précises, mais c'est aussi peut-être parce que, dans la première moitié de ce siècle, l'hégémonie passe d'Athènes à Sparte, à la Macédoine dans la deuxième moitié. Or, on a conclu de certains textes que ni les TRO 500 TRO Lacédémoniens, ni les Macédoniens, à l'exception du reste des Grecs, n'élevaient de trophées. En réalité, comme nous allons le voir, ces deux peuples, chez qui la prédominance du caractère militaire avait ralenti l'évolution morale. en sont restés, en pleine époque classique, à des stades de l'histoire du trophée que le reste de la Grèce avait déjà dépassés. Le trophée cher les Lacédémoniens. C'est sur un texte obscur de Plutarque qu'on se fonde pour prétendre que les Lacédémoniens n'élevaient pas de trophées : ils auraient seulement offert un coq en vtx'oTi'lçtov 1. Peutêtre faut-il entendre qu'au lieu des hécatombes, que d'autres peuples offraient aux dieux en actions de grâces, les Spartiates ne leur sacrifiaient que l'oiseau dont le chant semblait un cri de victoire. Plutarque lui-même montre Agésilas fier d'élever un trophée sur la cavalerie thessalienne 2 et, si l'on peut récuser les mentions de trophées après les victoires navales que nous avons citées, en observant que les Spartiates n'y étaient que les chefs des Péloponnésiens, ou ne saurait contester les trophées que Thucydide mentionne pour les victoires des Lacédémoniens sur les Macédoniens', les Mantinéens4, les Athéniens Pour ces deux dernières, il dit expressément que les Lacédémoniens avaient dépouillé les morts, et l'on entend parler de X«durcir t chargés de vendre le butin dans l'armée d'Agésilas6;cependant, lslien affirme que les Spartiates ne dépouillaient pas leurs ennemis Ne faut-il pas conclure de ces témoignages que Sparte en était restée à ce stade où les dépouilles qui jonchent le champ de bataille sont considérées comme appartenant aux dieux ? S'il y a sacrilège à les enlever ou à les dresser en trophée, l'interdit ne s'applique pas au reste du butin, et le trophée qu'on élève pouvait être un tas de pierres près duquel on sacrifiait sans doute le coq qui avait annoncé la victoire. Ce ne serait qu'au cours de la guerre du Péloponnèse que, par imitation de leurs alliés péloponnésiens, les Spartiates auraient commencé à dépouiller les morts et à dresser des trophées d'armes. Le trophée cher les Macédoniens et à l'époque hellenistique. Pour les Macédoniens, l'interdiction du trophée est clairement affirmée par Pausanias : aû 11hrtde cet usage, il invoque une raison analogue à celle qu'on voit mise en avant pour expliquer que les trophées des Grecs étaient en buis plutôt qu'en pierre 10 : les guerres de frontières étant aussi continuelles que dépourvues d'importance, c'eïtt été éterniser les conflits, et leur prêter une gravité qu'ils n'avaient pas, que de les commémorer par des trophées. Cette explication est manifestement sans valeur ; ce n'est pas une « bienveillance pour leurs voisins » 11, bien invraisemblable chez ce peuple si belliqueux, qu'il faut invoquer, mais la persistance de l'antique devotio de l'armée ennemie ; rien de ce qui a été voué aux dieux ne saurait, être touché par le vainqueur; les Macédoniens n'élèvent même pas un tas de pierres commémoratif; tout, sur le champ de mort, est abandonné aux dieux 12. Alexandre parait être resté fidèle aux usages macédoniens. C'est pourquoi, dans les récits de sa prodigieuse épopée, on ne voit point, comme on s'y attendrait, s'accumuler les trophées. Les seuls dont il soit fait mention sont plutôt des consécrations d'armes et se sont élevés en dehors de l'empire macédonien : ainsi, c'est à Athènes qu'Alexandre envoie les 300 panoplies prises au Granique 13, tandis que, dans sa capitale, à Dion, il se borne à faire élever par Lysippe les statues des neuf hétaires tombés à ses côtés 14. Pourtant, une Niké tropaeophore surmontait son catafalque 18. Chez les successeurs d'Alexandre, le désir d'imiter le conquérant se trouva en conflit avec l'attraction de la Grèce et de ses usages. Ils semblent avoir fini par y céder, sauf précisément les rois de 1Macédoine1e. D'ailleurs, à l'époque hellénistique, les textes qui mentionnent l'érection d'un trophée sur le champ de bataille continuent à être très rares 17. Elle est surtout attestée par des monnaies fa. Comme trophées de victoires TRO 501 navales, on peut citer la Victoire de Samothrace, élevée sans doute par Démétrios Poliorcète en l'honneur de son triomphe sur Ptolémée i à Salamine de Chypre', ou cet autre avant de galère, monté non par Niké mais par Apollon, que son fils Antigonos Gonatas consacra au Triopion, en mémoire de sa victoire sur la flotte égyptienne à Leukolla de Cos 2. Comme monuments commémoratifs d'un triomphe sur terre, il faut rappeler l'éléphant foulant aux pieds un Galate, qu'Antiochos Iet dressa peutêtre sur le lieu même de sa grande victoire galatique3,etle trophée associé à une Tyché et à une Niké, qui paraît avoir orné une des capitales sy riennes 4. On pouvait aussi offrir aux dieux des armes, soit les plus belles de celles qui avaient été prises, soit leurs copies éternisées en marbre: les unes et les autres commémorèrent, à l'Acropole de Pergame, la défaite des Galates (fig. 7108) Ces imitations en pierre pouvaient, au lieu de s'allonger en frise, comme à Pergame et à Milet', tendre à imiter un monceau d'armes donné pour base à la statue du vainqueur ; on en verra des exemples à Delphes et à Délos'. Le trophée anthropomorphe n'a cependant pas cessé d'être en usage sous sa forme primitive : à côté des nombreuses monnaies qui montrent ou des trophées de ce type isolés ou des Victoires TRO les dressant, les couronnant, les portant ou encore fixant les armes à la poutre qui en forme fume °, il faut mentionner cette fresque de Pompéi qui montre, aux côtés d'un souverain hellénistique, une Victoire en train de clouer des armes gauloises (fig. 7104) i0 donc à la fois le signe et le gage de la victoire ". Tout l'effort des combattants tend à en élever un sur le champ de bataille 12. Parfois ils n'y parviennent que le lendemain ou le surlendemain de la victoire 13. Ce n'est qu'après l'avoir élevé qu'on est considéré comme vainqueur ; ainsi, dans le combat entre les 300 Argiens et les 300 Spartiates, ce sont ceux-ci qui sont déclarés vainqueurs parce que leur seul champion survivant, Othryadès, dresse un trophée et l'inscrit avec son sang pendant que les deux adversaires indemmes courent à Argos14 ; en 371, Agésilas met toute son énergie à empêcher Épaminondas d'en dresser un devant Sparte t., Quand les deux armées s'attribuent la victoire, elles élèvent chacune un trophée 16 ce qui amène parfois un nouveau combat". Autant de victoires remportées, même dans une seule journée, autant de trophées". La gloire d'un capitaine se mesure au nombre des trophées érigés : Périclès en aurait dressé neuf fois fo. Le trophée est tellement inséparable de la victoire qu'on en élève même lorsqu'il n'y a pas eu de morts et, par suite, de dépouilles 20. Dans les batailles navales, le trophée est toujours élevé, soit au port d'où la flotte est partie pour la victoire 21, soit au promontoire le plus proche"; d'autres fois, sans doute quand la bataille a eu lieu en pleine mer, c'est sur le navire amiral qu'on dresse les trophées 23. Sur terre, le trophée est, en règle générale, dressé sur le champ de bataille même, parfois dans un sanctuaire voisin, au dieu duquel on attribue la victoire 2«. La crainte religieuse qui entoure le trophée est telle qu'on respecte celui que des ennemis ont dressé dans votre territoire ; le renverser, c'est un sacrilège23. Si on 'l'RO .50? TRO le conteste, on lui en oppose un autre ; il faut, pour qu'on le détruise, ou une haine arrivée au paroxysme ou qu'on puisse, à bon droit, le considérer comme illégitime 2. Quand le trophée s'élève sur un territoire que la victoire a donné ou laissé au vainqueur, il arrive que celui-ci lui rende un culte à l'anniversaire de la victoire : ainsi firent les Athéniens pour les trophées de Marathon et de Salamine 3. tumuliforme et trophée anthropomorphe. Tous les trophées dont nous avons passé en revue l'histoire sont ceux qu'on élève sur le champ de bataille même ou dans son voisinage immédiat. Quel était l'aspect qu'on leur donnait? La Grèce semble avoir connu les deux mêmes formes que Rome ; pour les distinguer, nous les appellerons trophée tumuliforme et trophée anthropomorphe. Ils répondent, à l'origine, à deux types différents de combat : la mêlée et le duel. Dans la mêlée, comme il y a trop d'adversaires en présence pour qu'on puisse savoir qui a tué tel ennemi, ou à qui appartiennent telles armes, et que celles-ci se retrouvent dans un désordre qui ne permet pas de reconstituer l'armure complète de chaque mort, on ne peut qu'en faire un tas qui affecte naturellement une forme circulaire. Parfois, on donne à ce tas un no3au de pierres et l'on a vu que, chez les Lacédémoniens, le trophée ne consistait à l'origine qu'en ce tumulus de pierres 5. Parfois aussi, on paraît avoir distingué les armes en monceaux différents suivant leur nature 6 ; de toute façon, le trophée a l'aspect tumuliforme 7. Dans le duel, qu'il n'y ait que deux combattants aux prises, ou 300 comme dans l'épisode cité d'Othryadès on peut savoir à qui appartient telle armure et qui a tué celui qui la portait; c'est un désir naturel au vainqueur que de dresser lui-même le trophée du vaincu, de façon à ce qu'il lui ressemble le plus possible ; des particuliers continuèrent longtemps en Grèce à conserver les dépouilles des ennemis tués en combat singulier 9. Mais, à l'origine, animiste comme tous les primitifs, le vainqueur peut redouter qu'en ce cas le mort ne vienne reprendre ses armes pour l'assaillir traîtreusement 1°. Le même résultat que dans le trophée tumuliforme, atteint par la confusion même des armes comment tel mort y reconnaîtrait-il les siennes? -, est obtenu par le trophée anthropomorphe : on cloue les armes sur une poutre à traverse ; le mort ne pourra jamais les arra_ cher ". L'importance du clou exprimant le caractère immuable de la victoire ressort bien du trophée peint d'Ilerculanum, où un énorme clou paraît fixé à dessein au haut de la jugulaire droite du casque fig. 1625) 12 Il est certain que ces deux formes de trophées ont été connues à l'époque classique : mais nos textes ne permettent guère de préciser, en général, de quelle forme il s'agit. 11 paraît probable que le trophée anthropomorphe a été plus en usage 13; il était, en effet, le seul qui permît le partage du butin entre les vainqueurs ; il suffisait de réserver pour le dieu une belle panoplie; quand un chef ennemi était tombé, c'est sans doute son armure qu'on consacrait; s'il n'avait laissé que son bouclier sur le champ de bataille, comme il arriva à Brasidas, c'était ce bouclier qu'on fixait au trophée 14. Les monuments, assez nombreux depuis les Victoires tropaeophores de la balustrade du temple d'Athéna Ni16é13, qui représentent le trophée anthropomorphe, permettent de s'en faire une idée: réduit, il ne comprend qu'une poutre, dont le sommet est coiffé par le casque et dont le tronc est couvert par la cuirasse, avec ou sans chlamyde, mais presque toujours flanquée du bouclier (fig. 7105) il ; complet ou cruciforme 17, il comporte une traverse fixée au tiers supérieur de la poutre; celle-ci permet de clouer le bouclier au côté gauche '$, celui où on le porte toujours, une lance ou une paire de javelots à l'extrémité droite ; parfois des cnémides cachent le pied du trophée: c'est la disposition qui a com mencé avec les monnaies d'Agathocle (fig. 7106) 19 pour persister dans nos panoplies. Pour rendre plus frappante la similitude avec un guerrier combattant, on remplace parfois la traverse par une poutre qui s'élève à droite, en oblique, comme un bras TRO 503 TRO levé' ; o-n y attache la lance, la pointe menaçante, tandis que le bouclier est fixé à gauche à un simple surgeon, comme s'il pendait de l'épaule (fig. 7107) 2. Quand le réalisme s'efface devant un désir de symétrie, on place un bouclier aux deux extrémités de la traverse Quant au trophée en pierre tumuliforme, il n'est guère connu que sous les deux aspects qu'il a revêtus lorsqu'on a voulu y trouver un motif décoratif pour les édifices publics, où l'on pensait éterniser en pierre les dépouilles enlevées à l'ennemi, On les dispose en une longue bande, s'il s'agit de former la frise d'un édifice ; on leur donne l'aspect d'un monceau, s'il s'agit de les employer comme base : dans les deux emplois, on peut affecter ou le désordre le plus grand, en présentant les armes pêle-mêle -il en est ainsi pour la frise de Pergame (fig. 7108) 4, pour la base de Delphes ou un ordre relatif en ne présentant que quelques armes dans un ordre naturel il en est ainsi pour la frise de Milet 6, la base de Délos' et, semble-t-il, un monument tardif élevé à Marathon $. Le trophée naval. Pour les trophées de victoires navales, on semble avoir parfois employé une des deux formes usitées pour les victoires de terre ferme, le trophée anthropomorphe e. On se bornait à ajouter aux armes des parties de navire f0, éperons ou aphlastes, ou des instruments nautiques, ancre, trident, gaffe, stylis 11 Mais, le plus souvent, ce qu'on consacre, c'est l'avant d'un vaisseau 72. A l'origine, tous les vaisseaux pris étaient consacrés, comme, sur terre, la totalité des armes; tes bois pourrissant, il ne restait bientôt plus que l'avant, qui était généralement plaqué de bronze en forme d'une tête de dauphin ou de sanglier, et qu'on compléta par un éperon souvent triple. C'est cet ensemble, l'âr?oov3),tov grec, le rostruna romain, qu'on prit l'habitude de consacrer èomme trophée naval, et on sait qu'au lieu d'offrir à Poséidon des avants de bateau réels qui pouvaient resservir, on commença, à l'époque hellénistique, à lui en offrir des réductions votives en pierre ou en bronze 13. En pierre, elles servent de base à une Niké; Épidaure en a livré un exemplaire un peu antérieur à la Victoire de Samothrace. En bronze, ellessontparfois groupées autour d'une colonne, au nombre même des vaisseaux capturés ". Bien qu'on ne puisse en fournirde preuve, il est bien vraisemblable que la colonne rostrale, introduite à Rome en 333 ou en 96010, était copiée sur des modèles vus en Sicile ou en Grande-Grèce (fig. 1786-1787). Une autre forme monumentale du trophée naval consiste à placer l'éperon symbolique dans la main du dieu des mers ". À l'époque hellénistique, quand le vainqueur TRO 50i TRO éclipsa le dieu qui avait donné la victoire, c'est lui-même qui fut figuré debout sur l'éperon, conçu alors comme celui du navire amiral: quand Antigonos Gonatas, après sa victoire de Kos (v. `3:x8), avait consacré sa trière à Apollon, c'est encore le dieu qu'il avait fait représenter, assis sur la proue'; mais, quand (v. 370) Pytllokritos de Rhodes sculpta sur une avancée du roc même de l'Acropole, à Lindos, une poupe gigantesque, elle était destinée à porter la statue de l'amiral Ilagésandros 2. LE BUTIN. Nous avons passé en revue tout ce qui intéresse le trophée proprement dit, le monument dressé sur le champ de bataille avec une partie des dépouilles des vaincus. Nous devons examiner maintenant le sort réservé au reste des dépouilles, soit qu'il fût partagé entre les vainqueurs comme butin, soit que de nouveaux prélèvements y fussent faits pour consacrer aux dieux des monuments commémoratifs de la victoire, trophées au sens large du terme. Aucun renseignement précis ne nous est parvenu sur le partage du butin à l'époque classique. Il ne comprenait en général que les dépouilles du mort, armes et vêtements: il fallait des victoires comme celles des Guerres Médiques pour qu'on se trouvât en présence de masses d'objets précieux ; après Marathon, on voit les Athéniens faire des tas distincts de l'or et de l'argent ; les trésors du camp de Mardonius firent la fortune de tous les vainqueurs de Platées 6. Pour la répartition, deux systèmes paraissent avoir été en usage : ou bien le partage sous la direction du général vainqueur qui recevait la plus grosse part 3, ou bien la vente publique au profit de l'État. Partage et vente du butin. C'est à la suite d'un partage que des particuliers ont pu dédier des dépouilles C'est sur celles de Xerxès que Kallias dédie un cheval à Delphes 7 et Ktésylis une coupes; que (les marins offrent des armes à la Létô de Délos', et Lykomédès un avant de galère à l'Apollon Daphnéphoros d'Athènes 10; (lue d'autres dédicaces ont pu être faites par les corps des hoplites " ou des cavaliers 12 athéniens. La part du général n'implique pas au même point qu'il y ait eu partage : peut être faut-il voir des dons gracieux faits par la cité reconnaissante dans toutes les dépouilles d'un Thémistocle, que la Pythie lui refuse le droit de consacrer à Delphes 13, ou dans celles d'un Démosthène sur lesquelles il dépose 3011 panoplies dans les temples de l'Attique 1. Après Platées, où le butin fut réparti au prorata de la valeur déployée, Pausanias reçut pour sa part une dizaine de pièces sur toutes les catégories de prises : femmes, chevaux, chameaux, talents, etc. 15, Très souvent, dans les dédicaces tir -r }•ao-Jptov, le chef C'est ainsi que chef et soldats ont eu leur part des dépouilles et c'est sur cette part qu'ils offrent un exvoto aux dieux. Comme la cité, le chef peut témoigner sa reconnaissance en consacrant une œuvre d'art au lieu d'une simple part de butin. Ainsi 1lermolykos consacre à Athènes une statue de Krésilas, et Lysandre deux étoiles d'or à Delphes et deux Victoires, portées chacune par un aigle, à Sparte 17. Avec le progrès de la démocratie, la vente au profit de la cité devait se généraliser. Déjà, après Délion, on voit les Béotiens mettre en vente tout ce qui dans le butin n'était pas les armes ; de l'argent, produit par cette vente (ix T7,g aaru'iF(ily Ttt,°r,ç), il est fait deux parts l'une est employée tout de suite pour élever à Thèbes un portique, avec statues de bronze qui rappellent la victoire ; l'autre est constituée en fonds de réserve pour défrayer une fête annuelle commémorative, dite Délia quant aux armes prises, l'État parait se les être aussi réservées, du moins les boucliers, qui furent cloués aux façades des portiques et temples de l'agora de Thèbes 's. Cette vente à l'encan devint presque une coutume annuelle au me siècle, chez ces peuples qui vivaient de la guerre, Achéens'°, Éoliens 20, Crétois '. Alexandre, de son côté, en monarque centralisateur, avait fait porter le butin dans son trésor 22 ; il se réservait de faire, suivant son bon plaisir, telle gratification à ses soldats. Les souverains héllénistiques paraissent s'être inspirés de son exemple. La part des dieux. Il faut faire une place à part à Zeus Tropaios 23, qui met l'ennemi en déroute2l, età T110 'I' (iO Niké, la victoire personnifiée. D'abord vocable ou forme spéciale d'Athéna [MINERVA;, puis déesse distincte [VICTORIA], Niké, dès l'époque hellénistique, a été associée au trophée de toutes façons : elle le porte (fig. 71141 2, le dresse 3 ou y cloue les armes ; elle vole vers lui une couronne à la main 3 ou la pose sur le casque (fig. 7110) ° elle écrit sur le bouclier le nom du vainqueur(fig. 7112)7 ou sacrifie devant lui 8. Après avoir honoré ces divinités spécifiques de la victoire, la cité victorieuse adresse à sa propre divinité tutélaire les témoignages de sa reconnaissance ; son temple s'orne du butin de guerre ou des oeuvres d'art qui en sont le produit. L'Acropole d'Athènes n'était pas seule à être remplie d'ex-voto celle de Marseille était « encombrée de prémices » ; au temple de Thermos, sanctuaire fédéral des Étoliens, Philippe V réduit en cendres plus de 1 000 armes votives 10. Ce sont surtout les temples panhelléniques, Delphes et Olympie, qui, dès le Vie s., deviennent ainsi le musée des victoires de la Grèce. Notons seulement ici que ces ex-voto se répartissent,dans l'espace, de Lipari" et de Marseille12 àlléraclée du Pont"; dans le temps, depuis Kypsélost4 jusqu'au pilier de Paul-Émile vainqueur de Persée, à Delphes (168)'°, et jusqu'au Zeus de Mummius, vainqueur de Corinthe (116), à Olympie1". Enfin, parfois, des dieux particuliers bénéficièrent de la reconnaissance du vainqueur qui croyait leur devoir sa victoire. Il en fut ainsi notamment, après Marathon et après Lysimacheia, de Pan (fig.7109) '7 Pan dont le rôle dans la déroute a valu son sens à panique et du héros Kychreus après Salamine f8; à Sélinonte, une dédicace nous fait connaître les dix divinités auxquelles la cité attribuait le mérite d'une de ses victoires et auxquelles elle offrait 60 talents 19. La part que les dieux reçoivent peut être donnée sous des formes variables. Trois noms lui sont surtout appliqués : 1° «nxFI-r,, prélèvement fait avant tout autre; âxpo0(vlx, prémices assimilés à ceux des fruits de la terre ; 3° dîme des prises de guerre. On rencontre encore ceux d'cstcraïov, marque ou prix de la valeur, et de /actarr,ptov, action de grâces, ex-voto ; enfin, il arrive que, dans la dédicace, manque tout terme qui en définisse la nature. Il suffit d'indiquer le nom du vaincu ; ainsi, sur le fameux casque offert par héron à Olympie, on lit seulement : '1'ups iv' âaè Quelle que soit la forme de la dédicace, sa nature varie encore davantage. On peut consacrer au dieu: 1° des armes véritables : a) prélevées indistinctement sur les dépouilles 22 b) choisies parmi les plus belles 23 ; c) dorées ou argentées pour les consacrer 24 2° des armes de parade ou d'imitation : a) réductions en métal précieux 2 ; b) imitations en marbre 26 3° une somme d'argent 27 : a) trouvée sur le champ de bataille ; b' produite par la vente du butin; 4° un monument commémoratif : al statues des dieux qui ont présidé à la victoire 28, groupées parfois avec celles des héros 29 et des chefs des vainqueurs 30 ; b) emblème de la cité victorieuse 31 ; e) transposition légendaire de la victoire qu'on veutconsacrer3L;d) épisode caractéristique de 1a victoire33; lx. 6% V TIlO 50 un monument symbolique: a) une Victoire' ; b) un lion, symbole du courage 2; c) un trépied, emblème d'Apollon 3. Pour exposer ou conserver ces offrandes de victoire, on devait, le plus souvent, abriter les unes dans des trésors 4 ['rursAunos], dresser les antres sous des portiques civils 3 ou des colonnades de temples [PORTICUS, TEMPLUM]. Le temple lui-même offrait à la fois les avantages du trésor et ceux du portique. Aux temples construits en souvenir des victoires médiques que nous citons plus bas, on peut ajouter à Athènes celui de Niké, voué sans doute après la victoire d'Oinoé °, et ceux de Zeus Sôter et d'Aphrodite Euploia élevés par Conon après Cnide' ; à Olympie, non seulement les Éléens auraient élevé une, chapelle de Sôsipolis en mémoire d'une victoire sur les Arcadiens 8, mais le temple de Zeus lui-même aurait été construit sur le produit du butin enlevé par eux aux Pisates 9. Un autel, enfin, pouvait être un trophée de victoire au même titre qu'un temple : outre le « grand autel » de Pergame et celui de Zeus Éleuthérios élevé à Platées par tous les Grecs qui avaient participé à la victoire libératrice 10, on peut rappeler cet autel dont on a retrouvé à Pouzzoles une copie réduite et dont l'original paraît avoir été érigé à Athènes par les Panhellènes : 'I Ài xôt 'r rpo7.aiov éar .O-rl dit la dédicace 11 (fig. 1202 ; tropaion a donc fini par désigner tout monument commémoratif. Sa destination spéciale n'est signalée que par l'inscription '2. différents types de trophée que nous avons essayé de distinguer se trouvent presque tous réunis lorsqu'il s'agit de commémorer une grande victoire. Pour donner une idée de la variété de leurs combinaisons, essayons de grouper ce que l'on sait sur le sort fait aux dépouilles des grands triomphes de la Grèce unie contre les barbares. Après Marathon, les armes réservées pour les dieux furent consacrées la plupart à l'Acropole 13 , quelquesunes dans d'autres temples athéniens 14, une part importante à Delphes"; sur le lieu même de la victoire, un trophée d'armes parait avoir été érigé '3 qu'une imitation en pierre remplaca à l'époque impérialef7. Les divinités protectrices d'Athènes reçurent en récompense : Athéna des armes '8, avec, plus Lard, l'Athéna Promachos de Phidias, produit de la dilue "; Apollon Pythien, le trésor des Athéniens avec ses panoplies et leur ex-voto où figurait Miltiade"0; celui-ci eut le droit d'élever une statue de Pan, qui avait annoncé la victoire dans la grotte de l'Acropole, qui lui fut consacrée en actions de grâces2' ; la Némésis de Rhamnonte recul le bloc de marbre enlevé aux Perses, où Agorakritos devait tailler sa statue colossale 22. Comme monuments représentant la bataille, il faut rappeler la fresque de Panainos, au Poecile", et, peut-être, le groupe des cavaliers scytho-perses à l'Acro pole 24. Pour Salamine, outre le tropaion dressé dans l'île même 25, llérodote 26 nous apprend que, parmi les prémices offerts aux dieux, se trouvaient trois trières phéniciennes qui furent consacrées, une au Poseidon de l'Isthme, l'autre à l'Athéna du Sunium, la troisième à l'Ajax de Salamine ; Delphes eut un Apollon de douze coudées tenant un rostre à la main, Olympie un Zeus colossal 27 ; les Athéniens n'élevèrent pas moins de cinq temples commémoratifs : celui d'Artémis Eukleia, à Athènes u ; celui d'Artémis Aristoboulé, à Mélité 5° ; celui de Borée, sur l'Ilissos 30 ; celui d'Aphrodite, au Pirée 31 ; celui de Kychreus, à Salamine 32 ; les màts et les étais des navires ennemis furent employés à la construction de l'Odéon 33, et certains des alvrotéria exposés au Portique des Athéniens à Delphes doivent en provenir" ; le trône d'argent de Xerxès fut placé au Parthénon 3t, ; la cuirasse dorée de Masistios à l'Érechthéion 36. Les Éginètes, à qui on avait donné des âot.rr.ia en sus de leur part régulière du butin, se les virent réclamer par Apollon Pythien ; ils les lui consacrèrent sous la forme de trois étoiles d'or suspendues à un mât de bronze S7. Sur leur part de butin, les )Jpidauriens offrirent un Zeus à Olympie 3s A près Platées,quilivra encore plus de richesses aux vainqueurs, elles furent toutes mises en commun ; puis trois dimes furent prélevées, une pour Delphes, dont fut tiré le fameux trépied au serpent (fig. 2529) ; une pour Olympie, où elle servit à couler un Zeus en bronze de dix coudées; une à l'Isthme, où fut dressé, face au soleil levant, un TRO 507 TRO Poséidon de sept coudées ; sur ces statues, les noms des vainqueurs étaient inscrits comme sur le trépied 2. Pausanias avait fait graver sur le trépied une épigramme où il était présenté comme faisant la consécration à Apollon ; les AmphicLyons inscrivirent à la place de son nom « les sauveurs de l'Hellade », et le roi de Sparte dut se contenter d'une dizaine de pièces de chacune des catégories du butin 3. Platées eut une part de faveur pour les mêmes raisons qu'Égine après Salamine : ses 80 talents servirent à élever un temple avec statue à Athéna Areia ` et un autel à Zeus Éleuthérios, où se célébrait chaque année une cérémonie commémorative Sparte éleva la colonnade dite persique, où les piliers étaient remplacés par des Perses formant atlantes et où se dressaient les statues de Mardonios, d'Artémise et d'autres chefs vaincus °. Mégare, délivrée d'une bande des débris de Mardonios, élevait un temple à Artémis Sôteira' ; Tégée, sur sa part du butin, consacrait à son Athéna le ratelier du cheval de Mardonios 8. Moins bien informés sur les grandes victoires remportées par Syracuse sur les Carthaginois, nous entrevoyons cependant que les trophées ne furent alors ni moins riches ni moins variés. Après Himère (480), Gélon distribua tout le butin entre ses alliés en proportion de leur nombre; mais il ne réserva pas seulement des offrandes pour les temples déjà existants d'IIimère et de Syracuse ; il éleva à Syracuse celui de Déméter et de Koré et un autre de Déméter à Enna 9 ; il consacra à Olympie un Zeus colossal et un trésor, où il envoyait, entre autres dépouilles, trois cuirasses de lin f0, et à Delphes des Nikés et des trépieds d'or 11 Après le Krimisos (339), Timoléon, seul, eut, pour sa part du butin, 1000 cuirasses et IO 000 boucliers d'or et d'argent 12 et il parait avoir consacré à Delphes un char Tb Kapx-riônrvémv 13. Un siècle plus tard parvenaient à Delphes de nouvelles dépouilles enlevées aux Carthaginois; mais elles étaient dues aux Romains à qui allait passer l'empire de la Méditerranée 14. Il leur arriva d'enrichir de leurs prises les sanctuaires de la Grèce: on a vu ce que Flamininus et Paul-Émile consacrèrent à Delphes après Cynoscéphales et Pydna '°, et Mummius à Olympie après la prise de Corinthe". Depuis, dans la Grèce asservie, quelques consécrations de dépouilles furent faites à Délos par les amiraux romains 17; enfin, après la prise de Jérusalem, il semble que le voile du temple fut envoyé pour servir au Zeus d'Olympie 1s. tropaeum proprement dit, comme le terme même qui le désigne, a sans doute été emprunté par les Romains aux Grecs 19, l'idée de consacrer les dépouilles de l'ennemi est trop naturelle aux peuples primitifs pour qu'elle ne se soit pas présentée à l'esprit des Romains. Si le témoignage de Virgile 20, plein du souvenir des épopées grecques, ne saurait avoir grande autorité en la matière, la description qu'il donne de la consécration par Énée des armes de Mézence offre des détails précis dont d'autres textes corroborent l'exactitude pour l'Italie : les dépouilles sont attachées à un chêne sommairement ébranché qui domine une hauteur; les armes sont brisées au préalable, tela trunca 2r. Or, le chêne est l'arbre sacré des Italiotes ; c'est de lui que se dégageront plus tard la lance sacrée, quiris, et le couple des divinités guerrières, Quirinus et Quiritis 22 ; quant aux armes, les briser c'est, comme les clouer, les empêcher de redevenir nuisibles aux vainqueurs. Il est d'autant moins téméraire d'attribuer aux Romains des premiers siècles l'usage de consacrer des dépouilles ennemies, que nous le retrouvons chez d'autres peuples italiotes, par les textes chez les Venètes 23 et les Volsques 2., par les monuments chez les Samnites 23, Apuliens 2°, Étrusques 27 et Sardes 28. Ou trouve des trophées sur des monnaies de Capoue, de certaines villes osques et des Bruttiens, et, si leur type est emprunté aux villes grecques voisines, leur adoption porte à croire que l'usage représenté ne leur était pas étranger 2s. A Rome il a laissé des traces certaines. Même si l'on n'accepte T110 308 TRO pas les interprétations de ceux qui ont proposé de voir, dans Tarpeia écrasée sous les boucliers fig. 7113) 1 et dans la pila Horatia qui aurait porté les armes enlevées par les Voraces', des trophées primitifs sur les Sabins et sur les Albains, le rite de consacrer les dépouilles opimes à Jupiter Feretrius 3, dont on rendait en grec le nom par TGOF.OCLOÜ7G;' ou Exu)tc Gç1, est un vestige de la plus haute antiquité : la et les tira❑home d'Auguste en conservait pieusement chers sabins. le souvenir Si la tradition qui en prête l'institution à Romulus vainqueur d'Acron, roi des Caeniniens', a dît être influencée par une statue, encore reproduite sur les monnaies impériales (fig. 7124), oit le fondateur de Rome était représenté portant sur l'épaule droite un trophée monté sur poutre s, une autre monnaie, commémorant un épisode qui se place vers 230, a une bien autre valeur; M. Lepidus (fig. 7114) qui, à quinze ans, avait tué un ennemi et sauvé un citoyen, y est représenté à cheval, portant au bout de sa lance, appuyée à l'épaule gauche, la tunique et le ceinturon du vaincus, comme on le voit faire aux cavaliers samnites dès le 1v° siècle. C'est probablement ainsi qu'il faut se figurer les dépouilles opirnes rapportées par les généraux romains qui avaient tué en combat singulier le chef ennemi : Manlius Torquatus en 461 ", Cornelius Cossus en 4"8", Valerius Corvus en 34912, surtout Marcellus en 222(fig.7115)'a; Plutarque le montre portant sur l'épaule le chérie sur lequel il a suspendu toutes les pièces de la panoplie de Viridomar; peut-are en fut-il encore de même pour Scipion Émilien en 151'4. On sait que, seuls, Cossus et Marcellus purent aller, en char, porter les dépouilles opimes à Jupiter Feretrius sur le Capitole, car, seuls, ils avaient combattu possédant cette plénitude du caractère religieux que conféraient les auspices. Quand c'était tin officier ou un simple soldat qui tuait le chef de l'armée ennemie, les dépouilles étaient consacrées à Mars et à Quirinus '8. Quoi qu'il en soit, le petit nombre des cas rapportés tend à montrer combien, dans les premiers siècles de home, furent rares et entourées de précautions religieuses les exceptions faites à la coutume qui voulait que les dépouilles maudites restent à se consumer sur le champ de bataille. Même plus tard, lorsqu'elles furent attachées à des sanctuaires, c'est par là que s'explique la question que pose Plutarque : Pourquoi, parmi les offrandes que l'on fait aux dieux, n'y a-t-il que les dépouilles prises sur les ennemis que la coutume ordonne de laisser consumer par le temps, sans qu'on en prenne soin ni qu'on les répare 10 `' » butin élaitréparti. Par là même, on aappris le sort fait aux armes : toutes celles qui avaient quelque valeur n'étaient jamais vendues. Après avoir figuré au triomphe du vainquetir,elles étaient,les unes suspendues dans sa demeure, les autres aux temples ou autres édifices publics, et cela au gré et par les soins des édiles1 8,à moi us qu'iln'v eût un voeu formel de la part du vainqueur. Où qu'elles fussent déposées, la religion défendait de les en enlever 'O. Il en était surtout ainsi de celles qui formaient le lropaculn proprement dit. Quand l'usage des trophées dressés sur le champ de bataille s'est-il introduit à Rome ? Si Virgile montre Énée en érigeant un avec les armes de Mézence 20, si Plutarque fait voir Romulus ajustant de même celles d'Acron sur un arbre ébranché 21, l'historien ne peut rien tirer de faits aussi légendaires. Plutarque ne mérite guère meilleur crédit quand il parle du trophée que Postumius aurait dressé aux Fourches Caudines en l'inscrivant avec son sang : l'anecdote est copiée sur celle d'Othryadès Il n'y a pas non plus grand fond à TRO i09 TR0 faire sur les vers où Silius parle d'un trophée élevé aux Pyrénées . par Scipion vainqueur d'Hasdrubal (208)1. Une série de monuments fournit, pour la fin du Ive et le début du 111e siècle, une base plus solide. Ce sont les monnaies romano-campaniennes frappées à cette époque. Elles doivent leur nom de victoriati à ce que le revers montre le plus souvent une Victoire couronnant un trophée, qui consiste en un tronc garni par une tunique plissée, un bouclier rond, un casque à panache, une épée et une lance (fig. 7116) 2. Sans doute, on pourra observer que c'est là un type grec dont les villes de Campanie avaient dû trouver le modèle à Héraclée ou à Tarente 3 ; mais les Romains l'auraient-ils adopté s'il n'avait pas eu pour eux la même valeur symbolique? Quand leurs magistrats monétaires commencent, après la guerre de Pyrrhos, à frapper monnaie, ce type est l'un de ceux dont ils font usage'. Toutefois, ils ne paraissent pas, avoir en vue de victoire particulière. Le plus ancien événement historique auquel des monnaies au trophée se rapportent est la victoire de Pydna: ces pièces montrent PaulÉmile debout, à droite d'un trophée au pied duquel se voient, à gauche, Persée et ses deux fils (fig. 7117) On peut donc penser que le trophée, bien qu'il ne fût pas inconnu auparavant, n'est entré dans l'usage romain, comme le mot même de tropaeum, que sous l'influence des Grecs d'Italie, influence dont l'adoption des victoriats marque l'apogée e. Le plus ancien trophée attesté par les monuments serait celui de Paul-Émile en 168. Le plus ancien trophée attesté par les textes est celui que Domitius et Fabius élevèrent en 121, au confluent de l'Isère avec le Rhône, après leur victoire sur les Allobroges. Cependant, on a eu tort de conclure du texte de Florus, qui nous le fait connaître, que ce fut le premier trophée élevé par les Romains; le texte ne parle pas de trophées en général, mais d'une forme particulière des tours en pierres que les vainqueurs ornèrent des armes ennemies, quum hic Inos inusitatus fuerit nostris 7. Quoi qu'il en soit, les mentions de trophées se multiplient par la suite. C'est à Rome que paraissent s'être élevés ceux de Marius sur Jugurtha et sur les Cimbres et les Teutons, puisque Sylla les fit démolir, et César restituer, en 65; mais tropaea a pu être pris ici par Suétone 8 au sens de monuments de victoire et c'étaient peut-être des Victoires tropaeophores. Sylla, vainqueur des armées de Mithridate à Chéronée, dressa deux trophées aux deux endroits marquants du champ de bataille' ; on sait seulement qu'ils étaient dédiés à Mars, Victoria et Vénus. Peut-être consistaient-ils en troncs recouverts d'une panoplie, puisque c'est au moyen d'un pareil trophée anthropomorphe que Sylla paraît avoir commémoré ses succès dans la guerre Sociale 1°. On entend parler pour Sertorius d'une Victoire tropaeophore en or et on voit figurer un trophée Ô. poutre sur une intaille qu'on lui rapporte On ne sait à quel type appartiennent les trophées dressés par Lucullus en Arménie"; ceux que Pompée éleva au col du Pertus après avoir rétabli l'ordre en Espagne (71) 13 devaient être imposants, puisque César passait pour avoir marqué sa modestie en ne plaçant à côté qu'un monceau de TRO â 10 TRO pierres'. Que les trophées de cette époque dussent comprendre une base qui portait l'inscription triomphale, c'est ce qui résulte de ce que dit Cicéron des trophées élevés par Pison en Macédoine (57), bien qu'il n'eût que des défaites à y consigner Que les trophées que portaient ces bases fussent du type anthropomorphe et que le mot de tropaeum évoquât désormais pour les Romains une idée familière, c'est ce qui résulte et de l'emploi du terme par Cicéron et de la constante figuration de l'objet sur les deniers émis par ses contemporains. Ces deniers, sans doute frappés à l'occasion de triomphes, sont pour nous la plus abondante mine de renseignements pour l'histoire du trophée au dernier siècle de la République 3. En 134 apparaît Afars, dans un quadrige au galop, le tropaeum sur l'épaule droite ; en une quinzaine d'années, entre 101 et 89, en dehors de ce type repris avec Minerve remplaçant Mars 4, on trouve simultanément : Routa ou la Victoire couronnant le trophée, la Victoire écrivant sur le bouclier du trophée, un prisonnier agenouillé ou accroupi à son pied, enfin Mars nu portant ou contemplant le trophée 5. Dans la période suivante, le trophée lui-même semble prendre une importance plus grande sur les monnaies, comme si Rome s'enorgueillissait de plus en plus de ses conquêtes. Ce n'est pas qu'on ne retrouve occasionnellement le trophée couronné par la Victoire 6 ou porté par elle', par Minerve' ou par Hercules ; mais c'est surtout le tropaeum qui s'étale aux revers des deniers consulaires. Servilius Isauricus en place un sur les monnaies qui, en 79, commémorent son triomphe 10. Sylla et son fils en mettent deux ou trois côte à côte ". Ilanqués du sinlpuluin et du lituns; on le dresse sur le dos d'un captif agenouillé 12 ou on l'accoste de deux prisonniers accroupis 13. Par les prisonniers et par la forme des armes, on s'attache à bien marquer quel est le peuple vaincu ; les uns rappellent ainsi les victoires de leurs ancêtres, tels l'Aemi lius qui montre Persée et ses fils devant le trophée de Paul-Émile (fig. 7117)1L, ou le Métellus qui orne le sien d'armes numides 1J. Mais c'est surtout à César qu'on doit la vogue des monnaies de ce . f type. A cinq reprises, il dresse un trophée sur ses monnaies: en 54, il l'orne des dépouilles de la Bretagne qu'il vient de soumettre (fig. 7118116 ; en 50, la Gaule pacifiée, ce sont des dépouilles gauloises avec un captif et une captive au pied du trophée"; en 49, consul et dictateur, il flanque le trophée gaulois de la hache consulaire" ; en 10, l'année du supplice de Vercingétorix, il le représente, enchaîné et hirsute, au pied du trophée que garnissent ses armes 19 ; en 45, vainqueur à Munda, ce sont des armes espagnoles, bouclier échancré aux côtés, rondache, épée à antennes, avec couronne dans le champ 20. Brutus reprend ces armes espagnoles avec le sabre recourbé et les javelots (fig. 7119) ainsi que Casca". Sextus Pompée23 et Domitius Ahenobarbus 2: commémorent de même leurs victoires navales; Marc Antoine (36-4) et son lieutenant Sosius (32) 2' leur campagne contre les Parthes et les Arméniens. En 37, Domitius Calvinus, pacificateur de l'Espagne, avait élevé au Palatin de manibieis " un des derniers trophées dressés par un général. Désormais ce droit va passer à l'Empereur. TRO 3'11 TRO toriens fournissent peu de renseignements sur les trophées: c'est que leur érection était à ce point entrée dans les moeurs qu'il semblait inutile d'en faire mention. En même temps, ils prennent un caractère monumental, grâce auquel non seulement de nombreuses images nous en ont été conservées sur monnaies, intailles et terres cuites, mais quelques-uns même ont pu parvenir jusqu'à nous. Désormais, toutes les prises de guerre sont versées au trésor militaire de l'empereur, chef suprême de l'armée : elles contribuent à fournir aux troupes et la solde régulière et ces dons extraordinaires bien connus sous le nom de DONATIVUM. Lors même que c'est le général vainqueur qui consacre le trophée c'est au nom de l'empereur que la dédicace est faite. D'ailleurs, si les textes étaient notre seule source d'information, on pourrait se demander si l'usage des trophées s'est maintenu sous l'Empire, tant les mentions en deviennent rares chez les historiens on n'en connaît guère par eux que pour Auguste, Drusus, Germanicus, Caligula, Néron et, peut-être, Trajan Il est possible que la dernière mention soit celle des tropaea décernés par le Sénat aux trois Gordiens en 237 pour leur victoire sur Maximinus 3, car l'abondant emploi que fait de ce terme l'emphase de Claudien atteste seulement à quel point le sens propre s'était effacé devant celui de « succès militaire, victoire ». Cependant, les monuments apportent un témoignage tout différent. Tandis que les représentations figurées de trophées sont si rares sous la République, elles deviennent innombrables sous l'Empire. Ce n'est pas seulement sur les médailles impériales frappées à la suite de quelque succès militaire', ni sur les monuments publics qui les commémorent qu'on retrouve les trophées; ils s'étalent partout, sur les monnaies des villes pacifiques d'Asie' comme sur des monuments qui n'ont rien de triomphal. C'est que le trophée, à force de devenir usuel, se transforme en simple motif déco ratif. Aussi nous signalerons seulement ici, parmi les trophées qui nous sont parvenus de l'époque impériale, ceux qui ont une importance historique. Ils suffiront, d'ailleurs, à faire comprendre combien les modèles hellénistiques et le goût de la magnificence ont modifié le monceau d'armes ou la simple panoplie des temps républicains. Pour les plus importantes des victoires d'Auguste; on peut reconnaître par quels trophées il les avait commémorées : pour Philippes, qui vengeait César et qui confirmait ses vietoires,ce fut au temple de Mars Ultor, ainsi que pour l'Espagne pacifiée et les aigles récupérées de Crassus; pour Actium, à Actium même0 et à la Caria Julia; pour les Alpes soumises, à la Turbie. Gantemus Augusti tropaea Voué en 42 à Philippes, dédié seulement en l'an 2 av. J.-C., le temple de Mars Ultor (fig. 3270) paraît avoir comporté plusieurs monuments de victoire. Dans la cella un Mars colossal, le trophée sur l'épaule gauche (fig. 7120) 8; devant la porte, sous la colonnade corinthienne, un monceau d'armes, ou, peut-être, le tropaeum dressé sur un avant de navire, qu'un denier d'Auguste et des antéfixes nous font connaître 9 ; peut-être enfin, aux angles du fronton, des Victoires tropaeophores. Sur ceux de ces trophées qu'on peut reconstituer, on rencontre des armes gauloises : leur combinaison avec des rostres permet de penser qu'il s'agissait des victoires navales de César en Gaule, soit celles sur les Venètes qui ont laissé leurs traces au mausolée de Caecilia Metella, veuve du jeune Crassus. leur vainqueur 10; soit celles sur les Marseillais et leurs alliés gaulois que commémorent les trophées nautiques à l'arc d'Orange. Quant au Mars Lam, _ _ ». Y~Yl'1. t TRO 512 TRO tropaeophore, il appartient peut-être plutôt au petit temple rond qui fut élevé à ce dieu sur le Capitole en 20 av. J.-C. pour recevoir les enseignes de Crassus, avant que le temple du Forum d'Auguste fût prêt à les abriter. Dix-huit ans après, quand Auguste inaugurait ce temple, on parait en avoir commémoré le souvenir dans les vici de Rome par des autels, dont la fig. 7121 reproduit l'exemplaire conservé à Florence : adsuescent Latio Partha tropaea Jovi f. Actium n'avait pas seulement été commémoré, comme on l'a vu, à Actium même et à Apollonie (fig. 7131). A Rome, son monument était à la Curia Julia, dédié en 29 av. J.-C. Au centre de la Curie, devant l'autel, Auguste avait placé la Victoire tropaeophore s'élançant d'un globe qui avait, naguère, àTarente, célébré la victoire de Pyrrhus à Héraclée 2. Il se borna à accoster le globe de deux Capricornes, son horoscope, et, semble-t-il, à remplacer par des armes égyptiennes celles de la panoplie portée par la Victoire ; une autre Victoire, la palme au lieu du trophée en main, parait s'être dressée au faite du fronton, La soumission des quarante-six peuples des Alpes fut commémorée en 7/6 av. J.-C. par ce tropaeuni Augusti qui a laissé à la Turbie son nom avec ses ruines imposantes 3. II ne s'élève pas sur un champ de bataille; mais comme il arrive souvent, à la limite de la province dont il commémore la soumission (fig. 7122)'. Le monument dressait sa masse au sommet de la Corniche (4M m. au-dessus de Monaco), marquant et le plus haut point de la route alpestre et la frontière entre Gaule et Italie: A/pae sunrrrrae : risque hue Italia, Miné Galliae 5. Au milieu d'une plate-forme dallée de 38 rn. de côté, limitée par 12 bornes par côté, s'élevait, sur un socle, un soubassement carré de 31 rn. de côté et de 9 m. de hauteur; sur la plate-forme ainsi constituée, un étage carré de 27 rude côté et de 5 m. de hauteur supportait une rotonde (diam. 18 m.; haut. 13 m. environ), entourée de 24 colonnes doriques (haut. 8 m. 80) ; les colonnes reposaient directement sur un stylobate à degrés (3 m.) et soutenaient une attique à triglyphes et métopes (2 rn.) ; l'attique était couronnée d'une pyramide à gradins que surmontait sans doute un trophée colossal. La hauteur totale était d'environ 46 in. (38 mètres sans le trophée). Les métopes étaient ornéesalternativernent de bucrânes enguirlandés et d'armes ou de dépouilles navales. Sur la face Est du soubassement, l'inscription s'allongeait dans un énormecartouche(haut. 3 m. 63 ; long. 17 m. 44) dont des Victoires occupaient les angles supérieurs et qu'encadraient deux trophées d'armes gauloises, dont une paire de barbares accroupis cachait le pied (avec ces trophées la longueur du cartouche atteignait 23 m.54). Les deux arcs de triomphe décernés par le Sénat à Auguste en 29 et 20 av. J.-C.' devaient aussi porter un trophée au sommet, si on les TRU 513TRO reconnaît sur une monnaie d'Auguste de Fan 16 av. J.-C.'. Il en fut de même sur l'arc érigé par l'ibère, en 15ap.J.-C. en 1 honneur de Germanicus qui venait de reprendre aux Germains les enseignes de Varus ".D'au tre part, Germanicus parait avoir eu un trophée monumental au Capitole''. SurlaGemma Augustea et la Gemma Caesarea, qui se rapportent toutes deux au triomphe de Tibère, des soldats élèvent un trophée avec des prisonniers enchaînés au devant motif qui se retrouve sur l'Arc d'Orange dédié après la révolte de Sacrovir (9.1 ap. J.-C.) °. Sur les champs de bataille, pour Drusus sur l'Elbe (9 av. J.-C.) ', pour Germanicus sur la Weser' et sur l'Elbe (16 ap. J.-C.) ce ne sont pas des trophées anthropomorphes que leurs troupes élèvent, mais un monceau d'armes orné d'une dédicace orgueilleuse. Sur les monnaies de Drusus figurent des armes germaniques en désordre, qui peuvent faire allusion à un trophée semblable°. Après sa mort (9 av. J.-C.), le Sénat lui décerna également, sur la Voie Appienne, arclcm cam tropaeis 1 °, ce qu'il fit pour Claude, au Forum", et, au Capitole, pour Néron, avant de savoir même les succès de Corbulon sur les Parthes f2. Les deux types ainsi mis en vogue ne manquèrent pas d'être repris sur les monnaies, et, sans doute, danla réalité. On retrouve le monceau d'armes germaniques sur les deniers de Commode ou de Constantin 1a. Les prisonniers au pied du trophée ont eu encore une fortune plus brillante, surtout depuis que Domitien, vainqueur des Chattes en 83, avait fait frapper ses monnaies à ce type ", en même temps qu'on lui dédiait, pour célébrer sa victoire, les trophées qui ornent aujourd'hui la place du Capitole 1°. Des vers contemporains de Juvénal montrent qu'à côté des imitations en pierre du trophée anthropomorphe on continuait à en élever avec des troncs dépouillés et des armes véritables"`, et on sait que Caligula en fit dresser de semblables sur les bords du Rhin Avec Trajan, on arrive au plus fameux des trophées monumentaux, celui qui avait donné son nom à la ville de Tropaeum Trajani fondée par l'empereur dans la Dobroudja, sur la route directe qui mène de Silistrie, près le Danube, à Tomes (Constantza); ce sont les monnaies de Tomes qui représentent sommairement le monument dont les ruines se voient à Adamklissi (fig. 7123)7e Sur un soubassement à degrés s'élève une massive rotonde en rustica, de 20 mètres de diamètre et de 8 mètres de hauteur; les deux derniers mètres de la rotonde sont occupés par cinquante métopes, séparées par des triglyphes ornés de cannelures ou d'entrelacs et, sans doute, couronnéespar une frise d'armes ; au-dessus, une corniche en saillie supporte un parapet crénelé ; dans l'intervalle des cinquante créneaux se dressent autant de barbares prisonniers et, entre eux, autant de lions passant, dont chacun forme gargouille. Ce parapet couvre le point de départ d'un toit imbriqué en cône tronqué; il est couronné par un dé hexagonalàpilastres, où est gravée, à l'Est,la dédicace, et qui élève à 8 mètres plus haut, en tou t à 20 mètres au-dessus du sol, le tropaeum proprement dit. haut lui-même de 8 mètres, le tropaeum est constitué par un pilier arrondi ; ce pilier est recouvert, dans le haut, d'une cuirasse à jupon que traverse le baudrier retenant le glaive au flanc droit ; la cuirasse est ornée d'un cavalier bondissant et d'un aigle; des fragments ont permis de supposer que le sommet, brisé, comprenait quatre boucliers hexagonaux, deux carquois et un casque ; audessous de la cuirasse passe le pilier qui porte cette panoplie, au haut sont sculptées deux riches jambières ; au bas, sur la mème face Est que la dédicace, une statue de barbare, debout, s'y appuyait entre celles de deux femmes assises 1°. 1X. 65 TRO 5 1 i. Le monument a été élevé, en 103, par Trajan à Mars Ultor. Le choix du dieu vengeur permet de supposer que l'emplacement était celui qui avait vu Cornelius Fuscus taillé en pièces par les Daces en 87 ; les épisodes rappelés par les métopes paraissent se rapporter à l'irruption des Sarmates qui eut lieu en 102, entre la première et la deuxième campagne de la première guerre dacique. D'ailleurs, dans leur état actuel, elles semblent avoir subi une restauration hâtive après leur destruction par les Goths (peut-être en 251) ; cette restauration a dû être l'ceuvre de Constantin, vainqueur des Goths, Sarmates et Carpes en 322. C'est alors qu'il fit relever également les ruines de la ville que dominait le tropacum et dresser sur sa porte principale un trophée : il mesure 2 m. 05 du pied du tronc noueux, que des jambières flanquent sur deux troncs latéraux, au haut de la cuirasse à triple rangée de lambrequins, plastron de mailles, ceinturon et épée, le tout lourdement orné. Tel est sans doute le dernier grand trophée élevé par Rome sur les barbares. Mais la tradition, au moins iconographique, paraît en avoir passé au Bas-Empire : s'il v a comme une ironie à le trouver sur les monnaies de Romulus Augustule (fig. 7124)1, c'est à bon droit qu'un trophée reparaît sur un diptyque de Justinien 2. tique des trophées, nous passons à une rapide revue des variétés qu'ils présentent dans l'art romain. Armes en monceau. Aussi bien que sur les trophées monumentaux dont nous venons de voir, à La. Turbie et à Adamklissi, les deux exemples les plus fameux, les frises d'armes avaient leur place naturelle sur ces autres monuments de victoire : les arcs de triomphe'. Ils peuvent y former des frises continues à l'attique ou des registres séparant les reliefs des montants'; ils peuvent orner les tympans'!, ou les intrados 7, ou les pieds-droits 8. Les monceaux de dépouilles sont également à leur place sur le socle des colonnes triomphales (fig.7123)9, ou au fronton de temples élevés en commémoration d'une victoiretP, sur la base TRO de statues de généraux vainqueurs" ou sur l'urne cinéraire 12, la pierre tombale" ou l'autel funéraire 14 d'un soldat valeureux. Enfin, des armes amoncelées peuvent servir de siège à Roula 15, conformément à ce qu'on a vu en Grèce pour Athéna et pour l'l tolie, ou à des divinités guerrières, d'après des modèles non moins certainement grecs : ainsi, le Ilars Ludovisi le et l'Hercule à qui Hadrien sacrifie sur un des médaillons de l'arc de Constantin 17. Par une transformation de ce type qui, à en juger par les monnaies, paraît avoir été fort en faveur jusqu'à Constantin, on fit trôner Hercule sur un siège dont les côtés étaient ornés d'armes 18. Enfin, le triomphateur lui-même peut être assis sur le monceau d'armes, le glaive dans la gauche, un trophée TI10 :i 15 TRO dans la droite, tandis que la Victoire le couronne'. Armes en panoplie. Plus ces monceaux d'armes se sont éloignés de leur type primitif pour devenir simple motif d'ornementation, moins ils ont mérité le nom de trophée. L'usage l'a réservé à ce que nous avons appelé les trophées anthropomorphes. Ils consistent, on se le rappelle, en un tronc d'arbre dépouillé; généralement on lui laissait deux branches à même hauteur vers le sommet, ce qui lui donnait l'aspect d'une croix ; souvent ces branches étaient remplacées par une traverse artificielle On pouvait aussi supprimer toute traverse et remplacer le tronc qui gardait ses noeuds par une poutre équarrie ou arrondie. Tronc ou poutre pouvaient être simplement enfoncés en terre 3 ; s'il s'agissait d'un trophée artificiel on les maintenait par des pierres amoncelées autour de leur pied ou on Ieur aménageait un véritable socle en maçonnerie 6. Si l'armature du trophée et le mode d'érection pouvaient ainsi varier, il en était de même de la disposition des armes auxquelles cette armature servait de support. Le type originel paraît avoir été celui qui groupait sur l'armature une panoplie complète, de façon à ressembler à un guerrier armé de pied en cap : le bouclier était alors à gauche, le javelot ou la lance à droite. Mais des considérations d'ordre artistique amènent bientôt à faire que les deux extrémités de la traverse se correspondent. Cette symétrie pouvait s'obtenir, soit en ajoutant un bouclier à droite 7, un javelot à gauche, de façon à avoir un bouclier aux deux bouts de la traverse, soit en plaçant à chaque extrémité un véritable faisceau d'armes s, reléguant souvent en ce cas le bouclier au pied de la poutre. Quand il n'y avait pas de traverse, la disposition variait encore davantage '. Cette variété tient à cc que, de bonne heure, le trophée a joué, avant tout, un rôle décoratif. nature, avec armature en bois et armes métalliques, ne nous sont pas parvenus. On ne les connaît que par les textes qui parlent d'arbres coupés10, de troncs ornés f1, et il est possible que, même à la guerre, on suspendit parfois les trophées à des branches d'arbre comme on le faisait pour les trophées de chasse 1z. Nous pouvons les reconstituer d'après les réductions en bronzel3 et les imitations en pierre que nous en possédons. Ces imitations peuvent être divisées en deux groupes principaux : celles qui ont une valeur triomphale, celles dont le rôle est surtout ornemental. En tête du premier groupe se placent les trophées monumentaux. L'un d'eux a encore été trouvé sur le champ de bataille qu'il dominait : c'est l'énorme tropaeum qui couronnait le monument de Trajan à Adamklissi ; d'autres ont été élevés à Rome, tels les pseudotrophées de Marius dressés pour Domitien en souvenir de ses victoires sur les Germains 14. Qu'ils eussent ou non une base également monumentale,depareils trophées devaientà eux-mêmes toute leur valeur. Quant à ceux qui décoraient les arcs de triomphe, bien qu'ils contribuent si puissamment à la signification du monument dont Dion Cassius traduit le nom arcus triurnphalis par .'.lç onato:(,ôpoç16, ils y sont aussi un élément de décoration au même titre que les frises d'armes. Comme pour cellesci, leur place peut varier suivant la conception de l'architecte: le plus souvent, ils ornent, en relief, les petits côtés16, ou surmontent, en ronde bosse, l'entablement 17. TRO 51G TRO Ils peuvent décorer des bases, lorsque des images des peuples vaincus forment des atlantes', ou servir à la décoration des chapiteaux2. En tète du groupe ornemental, il faut placer une catégorie où le trophée conserve encore une valeur symbolique : c'est l'abondante série des cuirasses historiées, au milieu de laquelle le trophée se voit souvent accosté de deux Victoires 2. Le trophée est aussi un ornement coutumier des sarcophages à sujets guerriers'. Dans ces deux séries d'oeuvres sculptées, et dans d'autres, se voit une des formes du trophée qui est la plus caractéristique pour la période impériale : celle où une femme, ou un homme, une paire ou un couple, personnifiant les vaincus, sont figurés au pied du trophée. Trop/rées et Captifs. Sans insister ici sur l'origine, certainement hellénistique, de ce type, classons sommairement les variétés qu'il présente. Elles peuvent se répartir en trois classes, selon que les prisonniers sont figurés assis, debout, ou agenouillés. TRb Trophées et Victoire. Aussi naturellement que les prisonniers, la Victoire est associée au trophée. Elle peut s'y appuyer, en l'embrassant parfois contre soi comme la fai t celle de Carthage (fig. 7130)11 ou le contempler, le dresser (fig. 7104, 7106)12 ou le couronner (fig. 7110, 7116), le porter sur son épaule (fig. 7131) ou sur une longue poutre (fig. 7111)13, ou écrire le nom du vainqueur sur un bouclier qu'elle va y suspendre (fig. 7112, 7121) 1Y. D'autres personnifications, proches parentes de la Victoire (cf. fig. 43446), ont été associées de même au trophée, telles Virtus 15, Ilonos 16, Abundantiaf33 ou ltonza18 ; Mars peut naturellement les remplacer 19, ou l'empereur, Mars vivant. On trouve encore un trophée entre les mains fermes de Julien (fig. 7132) 20, comme sur l'épaule débile de Romulus Augustule (fig. 71211). reste à parler d'une dernière catégorie de trophées, les trophées maritimes. On sait que le plus ancien est celui que le Sénat décerna, en 260, à Duilius, vainqueur de la flotte carthaginoise à Myles (fig. 7133)". Une colonne fut dressée près de la tribune du Comitium et ornée d'éperons de navires [nosTltuM; : de cette columna rostrata (fig. 1787), la tribune prit le nom de Rostres. D'après une autre tradition, elle aurait, dès le siècle précédent, reçu des rostres, enlevés en 338 par C. Maenius aux Antiales [1oRUM, p. 1297 22. Les rostres pris par Pompée aux pirates paraissent être restés dans sa maison, rostrata domlus 23 ; ceux d'Actium furent fixés sur le devant du podium du temple de César, dédié par Auguste en 29, sous un perron aménagé en tribune qui prit le nom de Rosira Julia; d'autres ornaient un autel oit l'on voyait Apollon assis devant des trophées Fig• 7132. nautiques . Sur le même butin naval d'Actium, Auguste avait consacré dans Ambracie à Apollon Alotios une décavée, THO ,18 TRO c'est-à-dire dix vaisseaux allant de celui qui possède une rangée de rames à celui qui en a dix rangées'. Si la colonne rostrale est devenue, à Rome, le trophée naval caractéristique, on y a, au moins depuis le temps de Pompée, commémoré les victoires sur mer par les trophées que l'on a vus usuels en Grèce : ou bien un monceau fait de parties de navire et d'instruments nautiques 2, ou bien une poutre chargée d'une panoplie qui peut être plantée, ou sur un vaisseau de guerre', soit isolée, soit flanquée d'enseignes, ou sur une proue seule, ce qui ramène aux rostres. Un trophée planté ainsi sur une proue' parait avoir commémoré Actium au temple de Mars Ultor, à en juger par un denier d'Auguste «fig. 7134). Il faisait peut-être aussi allusion à la victoire de César devant Marseille. Des éperons sont mêlés aux autres trophées nautiques, aplustres, chénisques, ancres et gouvernails, sur l'arc d'Orange qui commémore cette victoire. A l'époque impériale, on retrouve diverses dépouilles navales sur une frise conservée au Musée du Capitole' et qui, paraissant relever de l'art flavien, pourrait appartenir à un monument élevé par Domitien, pour ses victoires sur le Rhin; dans Fig. 713k Trophéc la médaille frappée en 85 pour les commémorer, un prisonnier germain monté sur un avant de navire soutient le bouclier de Pallas Niképhore'. A. REINACII.