Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article TROPHIMOI

TROPIIIMOI (Tp,ipy.,a). -On désignait sous ce nom à Sparte une classe d'étrangers (,Evo i 'rcûv ?OC? i v) qui devait être dans une situation intermédiaire entre celle des étrangers proprement dits et celle des vrais citoyens. [C'étaient,d'après Schômann, les jeunes gens envoyés à Sparte pour y recevoir l'instruction.] Peut-être, quant à la jouissance des droits civils, leur condition juridique se rapprochait-elle de celle des (Lde«xEç [avec qui liermann les confond à tort] ou de celle des N EoôxucSâEiç. Ils participaient quelquefois aux charges publiques, notamment au service militaire, et nous les voyons dans Xénophon figurer parmi les soldats d'Agcsipolis neur du héros TROpuoNII.s ; elle comportait un ' (w2. Les BASILEIA paraissent n'en être qu'une forme plus d'Orchomène, ou, suivant d'autres, d'Apollon luimême', Trophonios passait, avec son frère Agamédès, pour un architecte de mérite. Cette légende paraît fondée sur les restes d'importantes constructions préhelléniques que l'on voyait encore, à l'époque classique, dans la région de Béotie et en particulier d'Orchomène, ancien centre des Minyens 2. Les deux frères avaient bâti, disait-on, un palais pour Alcmène3, un temple pour Apollon à Delphes4, un autre pour Poseidon près de Mantinée en Arcadie 5, enfin le célèbre trésor d'Hyrieus, roid'llyria, en Béotie'. Ce dernier édifice était leur chefd'oeuvre et avait donné lieu à une histoire qui paraît calquée sur celle que raconte Hérodote au sujet du Pharaon Rhampsinit'. Les deux constructeurs avaient disposé une des pierres de telle façon qu'en se déplaçant elle donnait passage dans l'intérieur de la chambre où le roi avait déposé ses richesses ; ils y puisaient donc à TRO -i599T RU loisir. Mais Hyrieus, ayant constaté les vols, fit disposer un piège où Agamédès vint se faire prendre. Trophonios, pour ne pas être trahi, lui coupa la tête et l'emporta dehors'. La terre s'ouvrit pour engloutir le criminel, qui disparut dans une fissure devenue « l'antre de Trophonios », situé près de Lébadée, où l'on venait consulter un oracle, fameux dans le monde entier'. La même histoire est racontée par d'autres auteurs avec des variantes : la scène est transportée à Élis, chez le roi Augias, et c'est Dédale qui construit le piège où se prend le compagnon de Trophonios, qui est ici Kerkyon 3. Mais, suivant d'autres encore, la fin des deux frères aurait été beaucoup plus édifiante' : ayant demandé à Apollon de les récompenser pour la construction de son temple, le dieu leur aurait promis de le faire, et, sept jours après, ils s'endormirent doucement pour ne plus se réveiller. Cette histoire est liée, elle aussi, à une autre légende fort connue, celle de Cléobis et Biton d'Argos'. On voit de combien d'éléments divers et contradictoires est formée la trame de tout ce mythe. Le poète cyclique Eugammon de Cyrène lui avait donné place dans sa Telégonie6. Il n'est donc pas aisé de connaître par quels détoursles aventures de Trophonios et de son frère avaient abouti à un culte religieux aussi important La disparition de Trophonios sous terre le rapproche du devin Amphiaraos, devenu aussi une divinité rendant des oracles [AxPHIARAus]. Il paraît vraisemblable que le héros Trophonios s'est confondu avec un dieu local, un Zeus Basileus, appelé aussi Zeus Trophonios, connu par des inscriptions de Lébadée 8, et que Cicéron assimile, comme dieu chthonien, à Ilermès'. Toutefois les deux cultes sont distincts à l'origine "0. En tout cas, le sanctuaire de Lébadée, sous forme de grotte souterraine, était universellement connu", et dans les rites on invoquait aussi le nom de son frère Agamédès auquel on offrait un bélier12. Une stèle se dressait près de la fosse où l'on sacrifiait13. L'oracle de Trophonios était déjà réputé lors de la Guerre Messénienne, et Aristomène y avait consacré un bouclier'. Crésus le consulta au vie siècle's Pendant les Guerres Médiques, un envoyé de Mardonios corrompit à prix d'argent un habitant de Lébadée, pour pouvoir descendre dans l'antre 16. Le dieu annonca en vers le succès de la bataille de Leuctres aux Béotiens' 7 ; même prédiction pour la mort du roi Philippe de Macédoine 1S, et pour la victoire de Sylla sur Mithridate". Au second siècle avant notre ère, la ville de Lébadée était consacrée à Zeus Basileus et à Trophonios20. Les formes étranges de la consultation de l'oracle ont été exposées à l'article oRACULUSI (p. 216 'et 219). La verve des comiques grecs n'avait pas manqué d'en tirer parti; Cratinos, Céphisodoros, Alexis, Ménandre écrivirent des pièces intitulées Tropllonios°'. A l'époque romaine Lucien l'introduit dans ses Dialogues29. L'historien Dicéarque avait laissé un traité en deux livres sur l'oracle "3 et Plutarque avait rédigé un ouvrage semblable ". Le sanctuaire paraît avoir été situé sur la rive gauche de la petite rivière nommée Ilerkyna2', dont on avait fait une nymphe, fille et première prêtresse du dieu". Près des sources où buvaient les pèlerins, il y avait une très ancienne image de Trophonios, attribuée àDédale27. Dans l'intérieur du temple se trouvait la statue, oeuvre de Praxitèle, dont les traits étaient semblables à ceux d'Esculape 28, et dont on comparait la grande beauté à celle du Zeus Olympien de Phidias29. On avait autrefois songé, sans raison, à assimiler à Trophonios la tête dite du « Jupiter Talleyrand » au Louvre (fig. 78b) 3°. En réalité, aucune oeuvre antique n'est encore identifiée avec la statue de Praxitèle. Sur une coupe à fond blanc, de style cyrénéen, trouvée à Samos, est figuré un homme construisant un édifice en forme de tholos, que M. Bmhlau interprétait comme Trophonios ou Agamédès construisant le trésor du roi Hyrieus 31. Mais M. Hauser me semble avoir raison de dire qu'il s'agit plutôt de Dédale bâtissant le Labyrinthe 32. De même, Diimmler avait songé à expliquer par l'épisode du vol dans le trésor d'Ilyrieusune curieuse peinture d'un vase corinthien du Louvre33; mais cette hypothèse reste fort douteuse et lui-même ne la présentait qu'avec réserve 34. E. PoTTIER.