Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article TRUA

TI.UA. Varron réunit les termes lrua, tau/la, trulleum, comme s'ils désignaient des objets congénères' Mais nous savons que, par une conception fausse de la science étymologique, les anciens ont souvent créé des rapprochements de mots uniquement fondés sur des ressemblances de formes. En réalité, même si ces termes sont de même famille, ils paraissent, d'après les textes où ils sont employés, avoir eu des sens assez souvent différents. Aussi nous devons les envisager séparément. Trua est une cuillère à pot, dans le genre de la -rop)vrl [TonYNr], et elle servait aux cuisiniers à remuer et à écumer leurs marmites°. Mais, d'autre part, Varron, TRU 520 TRL dans une phrase assez obscure, attribue le même nom à un dispositif qui faisait écouler l'eau de la cuisine dans la lavatrina'. On en a conclu qu'il s'agissait d'une plaque de métal, percée de trous, placée sur l'évier comme dans nos habitations modernes 2. Mais, d'abord, ce dispositif était-il en usage dans les maisons antiques ? Ensuite c'est une erreur de croire qu'il s'agît de faire écouler les eaux de cuisine au dehors, comme par nos éviers. Le mot lavatrina désigne la salle de lavage, une sorte de buanderie, où l'on se lavait soi-même, quand on n'avait pas de salle de bain organisée [BALNEUM, p. 6511. Il s'agit donc d'y amener, par la trua, de l'eau propre, et c'est sans doute, dans ce cas, un simple conduit, un tuyau à embouchure évasée, dont la forme pouvait peut-être rappeler celle d'une cuillère. nutif de trua (voir l'article précédent)'. C'est, en effet, d'après Varron 2, une cuillère, coellear, ruclicula, et la comparaison qu'il fait avec une coucha lnanubriata [CONCLU] donne une idée de la forme que pouvait avoir cet ustensile de table ou de cuisine. En somme, c'est une sorte de CvATIIUS, une poche ou coquille, munie d'un long manche, quelque chose d'analogue à nos louches pour soupières3. On en faisait en matières précieuses : Cicéron décrit un vas vivarium dont la poche (trulla) était d'une seule gemme avec un manche (manubrium) en or t. Pétrone, avant de mourir, brise une trulla en verre murrhin, du prix de 300 talents, qu'il ne voulait pas abandonner aux convoitises de Néron [MunniINA, p. 20171'. Mais, d'autre part, certains textes mentionnent la trilla comme un vase à boire; on sait combien est grande l'élasticité des termes employés par les anciens pour la vaisselle usuelle, et nous l'avons souvent remarqué en étudiant les noms de vases. Vorace représente un avare qui, aux jours de fête, boit de la piquette dans une trulla d'argile campanienne Un médecin soustrait à son malade une trulla, sous prétexte de l'empêcher de boire 7. Lucien décrit, parmi les vases qui garnissent une table bien servie, une .eu-r;),lc ciselée par l'artiste Mentor, pourvue d'un manche à prise commode 8. Dans le Digeste 9 les trullae sont nommées à côté des skyphos et des phiales. IL Le même mot désigne une sorte de brasero, disposé à la proue des navires de guerre qui veulent se frayer un passage à travers une flotte ennemie; on y allume des feux qui, jaillissant de ces récipients en fer, obligent les autres vaisseaux à s'écarter" III. Enfin trulla est la truelle des macons, l'instrument qui sert à étaler le plâtre ou la chaux sur des parois" ]voy. aussi RUTRusr]. Les mots trullissare, trullissatio, s'appliquent à cette opération". On conserve dans les musées des outils qui paraissent convenir à ce genre de travail et qui ressemblent aux nôtres. Nous en reproduisons deux spécimens (fig. 7135) empruntés à la collection de Zurich13. On peut citeraussi, parmi les stèles du Musée d'Autun, un relief gallo-romain représentant en buste un maçon qui Lient sa truelle" (fig. 6655). TRULLiEUM. -Nonius Marcellus dit que cet ustensile servait à se laver les mains'. Varron le place à côté du mate/Ho et de la pelvis, et il ajoute qu'avec un urceolus, appelé aussi aquae lnanale, on versait l'eau dans le trulleum 2. C'est donc exactement notre cuvette avec son pot à eau; aussi les auteurs modernes l'assimilent Mais le mot a dû recevoir aussi une autre acception, puisque Varron ailleurs' l'assimile à la trua, avec des dimensions plus grandes; il ajoute que le manche « n'était pas creux n, ce qui ne rend pas plus claire ni plus facile l'identification de l'objet, mais en marque encore la différence avec une cuvette. On pouvait le suspendre à un clou'. En somme, c'est sans doute, dans ce sens, une sorte de grande cuillère, dérivant de la 'RUA