Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article TRUTINA

TRUTIVA. Balance. La question a déjà été traitée à l'article LIBRA, mais l'étude que vient de consacrer M. Matteo della Corte à deux balances découvertes, l'une en 1903 à Boscoreale, l'autre en 1904 à Pompéi, et la reconstitution qu'il en a effectuée ont singulièrement T'IlU 521 -TRU précisé et l'on peut presque dire renouvelé notre connaissance des balances antiques'. Il faut d'abord revenir sur les noms qui caractérisaient les différentes variétés de balances. Libra, nous l'avons dit, est une désignation générale 2 ; trutina aussi dans une certaine mesure 3, puisque Vitruve parle des trutinae appelées staterae : « Id auteur ex trutinis, quae slaterae dicuntur, licet considerare. Culn enim ansa propius caput, unde lancula pendet, ibi ut cenlrum est conlocata et aequipondium in alteram partent scapi, per puncta vagando quo longius aut etiam ad extremum perducitur, paulo et in pari pondere, amplissimam pensionem parent per/icit per scapi libratio nent 1 » Il reste que, entre Vitruve et Isidore de Séville, il y a contradiction sur le sens de statera. Vitruve, quelque fautif etobscurquesoitle texte, fait, onlevoit, dc la statera la balance que nous connaissons sous le nom de statère ou balance romaine. Isidore de Séville 6, au contraire, écrit, dans un passage corrigé avec beaucoup d'ingéniosité par M. della Corte 6: « Trutina est gernina punderum lances aequali examine pendens, fa( ta propter talenta et centenaria appendenda » , donc balance à plateaux pour Ies grosses pesées, « sicut momentana propter $ parva modicaque pendenda 9. /Mec et moneta vocata », donc autre variété de la balance à plateaux pour les petits poids, appelée momentana ou moneta. « Idem 10 et statera nomen ex nummo 11 habens, quod duabus lancibus et uno in medio stilo librata,aequaliter stet », il en est de même pour la statère, tirant son nom de la monnaie, moneta en latin, en grec orc(,p, équivalent de nummus, donc elle aussi balance à plateaux. La balance romaine, selon Isidore, a nom campana, d'après son origine : « Campana a regione Italiae nomen'accepit, ubi primum ejus usus repertus est. Ilaec ducs lances non habet : sed virga est signala libris et unciis et vago pondere mensurata 12. » Les exemples, avec cette réserve que campana ne se rencontre pas dans le latin classique, sont en faveur d'Isidore, statera y signifiant balance sans indication précise ou, dans deux exemples de Pétrone 13 et de Suétone 14, nommément balance à plateaux. Il n'en parait pas moins vraisemblable à M. della Corte que la balance romaine, lors de son apparition, et, s'il est exact que nous n'en possédons pas d'exemplaire antérieur à l'époque romaine", Aristote du moins en fait la théorie sous le nom de uinayÿ16, dut être appelée de même statera. Voici comment se serait fait pour lui"le passage de statera du sens de balance à plateaux à celui de balance romaine. Il existe à Florence 18 une balance, et l'on en a trouvé une seconde à Pompéi 19, où il n'y a de plateau qu'à une extrémité, l'autre portant un contrepoids fixe, suspendu comme le plateau par une chaînette, là une tête, ici une monnaie de Tibère, balances qui lx. devaient servir à vérifier l'exactitude des monnaies, slaterae par conséquent d'après l'étymologie isidorienne, ex nummo, mais constituant déjà une étape vers la romaine, avec laquelle elles ont de commun d'être des balances à poids unique et invariable. Imaginez un degré de plus et vous avez la balance avec plateau d'un côté et aequipondium mobile. La dernière évolution, enfin, est la romaine où tout plateau a disparu. Il n'existait pas, en résumé, d'autre mot que celui de statera qui pût être employé pour la romaine quand elle devint en usage, mais, s'appliquant déjà couramment à la balance à plateaux, il dut à l'origine être accompagné de l'épithète campana, que l'usage laissa assez vite tomber: de là chez Vitruve, architecte et théoricien, la seule qualification de statera pour la romaine, alors qu'Isidore, soucieux d'étymologie et remontant aux origines, s'en tient pour elle à celle de campana. Les deux balances récemment découvertes à Bosco reale et à Pompéi sont deux balances à plateaux de grandes dimensions, l'une pouvant atteindre environ 2 m. 20 de haut, l'autre 1 m. 47 29, dont les éléments comprennent d'abord des douilles coniques, au nombre de deux par exemplaire, terminées par des crochets, qui constituaient les extrémités du fléau, librile, scapus 21 La trouvaille de Pompéi (fig. 7136) 22 a livré en outre, encore attenants, les plateaux suspendus par une quadruple chaînette (1-2) 23, alors que, dans la balance de Boscoreale, plus grande, les plateaux, comme l'indiquent une série de petites tiges métalliques, passées dans des crochets eux-mêmes surmontés d'anneaux, auxquels 66 TRI) -522TtS adhéraient des restes de cordes étaient des planchettes de bois suspendues par des cordelettes 2, et, détail très important, une pièce de bronze affilée aux extrémités et percée en son milieu pour recevoir une tige métallique (4 , qui constituait l'axe de suspension, fuicrum, avec le trou pour la tige ou languette servant d'index 3. Les deux balances s comportaient en outre une pièce à jour, à quatre angles saillants. munie à la partie inférieure d'une tige (8) dont la place naturelle se rétablit en guise de couronnement du support vertical, où cette tige s'enfonce, complétant la balance aussi bien au point de vue ornemental, comme une sorte 1 d'acrotère, qu'au point de vue technique, comme l'équivalent d'un cadran pour mesurer l'amplitude des oscilla tions 6. Il est à noter encore que, dans l'un et l'autre exemplaire, l'une des douilles du fléau est pourvue d'un crochet double, et ce serait, d'après la reconstitution proposée (fig. 7137) celle à laquelle était suspendu le plateau où étaient déposés les poids, dont les cordes ou chaînes s'accrochaient par paires (1), l'autre d'un crochet triple, et ce serait le côté du plateau destiné aux marchandises : de celui-ci deux des supports étaient fixés aux deux crochets latéraux et le troisième crochet recevait par son milieu la corde ou chaînette unique fixée aux deux autres points d'attache du plateau (2), de telle sorte qu'il suffisait de la dégager du crochet pour vider sans aucune difficulté ni obstacle le plateau des marchandises qui y étaient contenues Il y avait enfin, parmi les objets recueillis à Pompéi (fig. 7136), une bague munie d'un crochet (3), qui, passée dans les chaînes du côté de la marchandise, aurait servi, conjecture M. della Corte, à ajouter de ce côté tel ou tel poids muni d'un anneau, de maniement facile, permettant d'obtenir le parfait équilibre avec les poids gradués déposés dans l'autre plateau'. l ,lE,SE MICTION. latin', mais il est surtout grec. Aristophane s'en sert souvent; il en parle comme d'un récipient à mettre les aliments, mais sans s'expliquer sur la forme 2. On voit cependant que, dans sa pensée, il s'agit d'un ustensile analogue à nos plats et assiettes, et non pas d'un vase à boire 3. Aussi Ussing et Krause l'assimilent avec vraisemblance à la vaisselle de table représentée par CATINUM, D:scuS, LANX, etc. 4. Letronne conclut aussi, d'après un texte d'llesychius', qu'un grand Lryblion se confondait avec la 7zâpmlst, [PAnoPsts] G. Le même lexicographe le compare encore au plat nommé çaôalio ]CABATAI et au vase large également semblable à un grand tryblion [ProenoN] e. Tous ces renseignements concordent pour désigner un plat ou une assiette creuse'. Lucien dépeint un philo sophe essuyant les plats (Tdy. Tou;_',),ca) du bout de son index 10. Mais, d'autre part, l'auteur de comédies, Alexis, ayant à décrire un vase à boire, rempli de vin, dit qu'il n'est ni un tryblion , ni une phi ale, et que pourtant il participe de la forme des deux ". Et, dans les textes sur la médecine, il est plusieurs fois question d'un Tcéô),tov où l'on met de la tisane et où l'on dose par cuillerée ((I.éarpa) les médicaments". C'est sans doute dans le même sens qu'llesychius l'assimile à l'(l;~ôa fov oxis, p. 2611". Ici encore, comme ailleurs, nous devons admettre que le terme comportait une certaine élasticité et pouvait désigner des formes diverses de récipients. E. POrTIER. TIIYGO1)IPIIÈSIS (T eueo3(~gct,). Jeu de société en usage chez les Grecs ; on cachait un objet au fond d'un plat. contenant de la lie de vin (Taé,);le patient, les mains derrière le dos, devait l'y chercher (î; év) et l'en retirer avec les dents; comme on voit, c'était une « pénitence», faite surtout pour amuser les spectateurs, qui s'égayaient fort en voyant les efforts du patient, et ensuite sa figure barbouillée de lie'. Le même jeu rustique est encore pratiqué aujourd'hui, avec cette seule différence que la lie de vin est ordinairement remplacée par de la farine. GEORGES LAFAYE. TUBA (.îi),-lv;)'. Sature et origine de la trompette. Les lexicographes grecs comprenaient, sous le TUB 523 TU 13 nom de sulpinx, jusqu'à six instruments différents : la trompette égyptienne (chnous), la paphlagonienne (boïnos), la celtique (karnyx), la médique, enfin l'argienne et la tyrrhénienne 1. On a étudié plus haut la grande trompette, circulaire à la façon du cor de chasse, au mot couxu; la courte trompette, recourbée comme la corne ou la « buisinc» , au mot BOCIN A ;la trompette sinueuse à pavillon circulaire terminée en gueule d'animal, caractéristique des Gaulois, au mot cAnxvx; la trompette droite à pavillonrecourbé, spéciale aux Étrusques, au mot LITUCS• il nous reste ici à résumer ce que l'on sait de la tuba proprement dite, la trompette droite, à la façon de notre instrument de mail-coach, dont le pavillon, qu'il soit évasé ou en cloche, reste dans le prolongement du tuyau. Les anciens s'accordaient à voir dans celle trompette une invention des Tyrsènes de Lydie 2, et cette assertion cadre assez bien avec tout ce que nous savons du rôle des Phrygiens et des Lydiens dans les origines de la musique grecque, pour qu'il n'y ait pas lieu de la contester. Pour mettre cette invention i.vrsène en accord avec leur amour-propre national, les heurématologues grecs avaient imaginé des combinaisons variées '. C'est à un fils ou à un petit-fils d'Héraklès et d'Omphale, à Tvrsénos 4, IIégéléos Archondas 6, Maléos 7 ou Pisaios °, que l'invention de la trompette est attribuée tour à tour ; l'invention aurait eu lieu en Lydie suivant les uns, en Étrurie suivant les autres ; enfin, comme on vénérait à Argos une Athéna Salpinai e, on imagina ou bien qu'llégéléos avait apporté la trompette aux Hérahlides assiégeant Argos qui, la, ville prise, auraient donné pur reconnaissance à la déesse le nom de l'instrument 10, ou bien, renversant les termes de l'emprunt, que ce serait cette Athéna qui aurait inventé la trompette de ce non. pour les Tyrrhéniens 11. Si la tuba est, essentiellement, un long tuyau, oit la colonne d'air, insufflée par une embouchure étroite, ne rend des sons modulés que grâce aux variations du souffle, aux mouvements des lèvres et à la direction ou à l'amplitude du pavillon, elle n'en a pas moins varié de formes à travers l'antiquité. Les variations peuvent porter sur le tuyau ( xi) ç, tubas), le pavillon (xeulcov), ou l'embouchure avec son anche (y)Nw•r'z)L'anche était en os, le pavillon en bronze, le tuyau d'abord sans doute en os, corne ou bois cer clés de fil de bronze, puis en bronze ou en fer battu ou coulé". On peut distinguer trois types principaux. a) Tuyau mince, presque de même diamètre à l'extrémité de l'embouchure qu'à celle du pavillon ; le pavillon est en forme de cloche (d'où son nom de x(awv) ; à l'embouchure est souvent adapté le méfie système de lanières (fig. 7138) 13 qu'à la flûte, la phorbeia [TIBIA, fig. G959; ces lanières en maintenant solidement l'anche contre la bouche, permettaient de se servir d'une seule main pour tenir la trompette en place, disposition très utile à la guerre et, particulièrement, à cheval. C'est précisément cet instrument que les peintres de vases, dans la période qui s'étend de 530 à 450, mettent entre les mains des hoplites grecs 14 (fig. 7139), des Amazones13 ou des SilènesL0, et ils permettent de penser que l'instrument mesurait entre I mètre et 1 rn. 20. On peut l'appeler la trompette grecque l'. b) Tuyau aussi mince, mais s'évasant davantage vers le pavillon qui s'ouvre comme dans nos trompettes ; l'embouchure est mobile ; le tout est en bronze. En comparant un exemplaire mal publié du rlluseo Etrusco du Vatican 18 avec les deux TUB 52 i TUB beaux spécimens trouvés en Gaule, on se persuade que ce ne pouvait être qu'un instrument d'apparat ou de culte, et les conditions où a été découverte celle de Neuvy-en•Sullias rendent probable qu'elle servait dans les processions. Nous reproduisons ici celle de Saint-Just, près Saumur, qui est plus complète ; elle mesure 1 m. 1G, dont0 m. 32 pour le pavillon et 0 rn. 17 pour l'embouchure ; le diamètre du tuyau est d'environ 0,002 à l'embouchure (vissée dans une rondelle de diam. 0,045) contre 0,028 à la naissance du pavillon et 0,19. à son plus grand évasement (poids : 905 gr.). L'instrument est fait de pièces en bronze battu, emboîtées l'une dans l'autre au moyen d'annelets en bronze fondu, figurant des lanières enroulées ; l'embouchure et la pièce suivante, qui peuvent se détacher, sont ornées de fines cannelures (fig. 7140, 7141)'. Cette remarquable pièce peut donner une idée des tubae sacrae des Étrusques et des Romains. c) Les trompettes militaires des -Romains paraissent avoir consisté en un tuyau qui s'évasait continûment en entonnoir, tuyau formé d'une ou de plusieurs pièces en bronze battu, et consolidé par un ou plusieurs cercles métalliques. L'embouchure, mobile, s'ouvrait en hémisphère ou en cône; elle ne devait pas dépasser une longueur de 1 m. 20 et un poids de G kilos (fig. 7142) 2.On pouvait la maintenir d'une main placée au centre de gravité ; mais on paraît avoir facilité et le port bien droit et la pression contre les lèvres (qui produisait les tons élevés) en fixant sous le pavillon une cordelette que tenait la main droite placée au centre' ; la gauche, si elle était libre, pouvait ou aider à maintenir la trompette en se posant près de l'embouchure ou, comme on le voit chez les trompettes à cheval, se placer derrière la tête pour permettre, en la renversant, de jeter bien haut en l'air des notes stridentes 4. Cette forme, générale dans l'armée romaine ', parai t avoir été déjà connue des Grecs ° (fig. 7143), comme elle le sera de certains barbares, Germains' et Sarmates a. On parait, enfin, avoir désigné improprement sous le nom de tuba, devenu aussi général que notre trompette, des instruments à tuyau recourbé qui ressortissent plutôt à la butina, au cornu ou au lituus 9. 1. GRÉCE. Que les Grecs aient revu la trompette d'Orient, c'est ce qu'on peut conclure, en dehors de la tradition de son origine tyrsène, de sa présence entre les mains des Amazones 10 (fig. 7144), des Phrygiens 11 et des Perses I2, ainsi que de sa très grande rareté dans Homère 13, L'Iliade ne mentionne la trompette que dans une comparaison -la voix d'Achille s'élève au-dessus du tumulte de la mêlée a comme retentit la trompette autour d'une ville assiégée par des ennemis inexorables e 11 et rien ne prouve que «n71t, ait désigné alors le même instrument que plus tard. C'est au vjlle siècle au plus tôt qu'elle naine. aurait fait son entrée dans la littérature grecque, TUB 525 TUB si, du moins, l'on admet que c'est aux Cypria que remonte l'histoire d'Achille à Scyros, retrouvant son ardeur guerrière au son de la trompette d'Ulysse'. Mais on ne peut guère, comme le voudrait la tra dition 2, attribuer son introduction en Grèce aux Doriens, puisque ce sera toujours aux accents de la flûte et de la lyre que Spartiates et Crétois marcheront au combat'. En fait, ce n'est qu'à la fin du vle siècle que la trompette apparaît dans la littérature avec Bacchylide qui, opposant la guerre à la paix, parle de caa7r.,acov sur; et dans les monuments figurés Dans les armées de la Grèce classique, le rôle de la trompette serait resté peu développé, si l'on en croit la rareté des textes. On la voit donner le signal de l'attaque (Tb 7tO%.eutxb1t) sur terre e et sur mer et celui de la retraite (te âv,;(,xnrrtxv) s, et Xénophon montre la cava lerie athénienne s'exerçant aux sonneries du clairon Dans l'armée d'Alexandre, on lui voit prendre une place plus importante. Elle donne le signal de la bataille 10 et de la retraite ", de la charge '2 et de l'assaut '3 ; elle fait lever le camp i4 et arrête une panique t'. Les successeurs d'Alexandre semblent s'en être servis : ainsi, sur mer, Démétrius fait sonner la charge àSalamine de Chypre '° ; sur terre, Philippe V fait donner par 1a trompette le signal de l'assaut à Psophis 17; de même, le consul Flamininus pour l'attaque à Cynoscéphales 13. Les Romains ont propablement emprunté à la stratégie, grecque de cette époque leur usage si développé des sonneries dans la vie militaire '9. Dans la vie civile des Grecs, la trompette ne paraît pas non plus avoir joué un grand rôle 20. Si des concours de trompette sont attestés, dès le vo siècle, en Béotie 2' où ils resteront parti culièrement en honneur 22, ce n'est qu'au début du ive siècle que cet instrument prit place dans les joutes musicales à0lympie23, puis à Délos 24. D'après Pollux, son introduction serait due à l'aventure de l'acteur comique Her mon : s'étant éloigné pendant le concours de comédie, il n'entendit pas le héraut qui l'appelait, son tour venu ; il fut frappé d'amende, mais il fut décidé qu'à l'avenir ce serait la trompette qui convoquerait les agonistes". On voit, en effet, sur un vase athénien oh sont représentés des concours gymniques, un trompette à côté du héraut 26, et, sur un bas-relief, aux côtés d'un athlète couronné, un trompette annonce sa victoire (hg. 71/d) 2'. Le Mégarien Ilérodôros aurait remporté dix-sept fois (dont dix fois à Olympie entre 328 et 292) la victoire au concours de trompette : c'était un colosse qui, emmené par Démétrius Poliorcète dans ses campagnes, remplissait les camps de ses fanfares, même du plusloin ; il embouchaitdeux trompettes àla fois etpar son ardeur entraîna les soldats qui au siège d'Argos (303) avaient peine àmettre en place une hélépole"; comme lui, 111olobros, sous Ptolémée Philopator, pouvait manier TUB 526 TUB deux trompettes à la fois, et Épitadès se faisait entendre à 50 stades ; dès 275, on voit même une femme, Aglaïs, jouer à Alexandrie à la fois dans les marches guerrières et pour les processions reli gieuses'-. Par cette anecdote, on apprend que la trompette servait' aussi à rythmer les processions 3. Que ce rôle lui était dévolu dès le début du ve siècle, à Athènes, c'est ce que l'on peut conclure des vases qui montrent un trompette accompagnant le carnaval des grandes Dionysies Peut-être le rôle de la trompette y était-il plus d'évocation que de simple accompagnement : il en était certainement ainsi dans cette fête de Dionysos à Lerne, oit les Argiens croyaient faire sortir le dieu du marais, en soufflant dans des trompettes cachées par des thyrses, fête que Plutarque compare avec la fête juive des Tabernacles, ou l'on placait également les trompettes sacrées au milieu de rameaux G. Comme compagnons de Dionysos, les Silènes 7 et les Bacchants 8 soufflent parfois dans des trompettes et, à l'époque hellénistique. la salpiux vient alterner avec la conque marine à la bouche des Tritons et des Vents'. Quant à l'Athéna Salpinx d',lrgos, on ne sait si elle était vraiment figurée une trompette à la main '° ; s'il en était ainsi, elle aurait pu servir de prototype à ces \ihés qui, à cause du rôle guerrier de la trompette, s'en servent pour annoncer la victoire : c'est d'après les vases (fig.71Di " et les monnaies 12 qui la représentent, porlantdelamain droite une longue trompetteàsab loche, qu'il faut reconstituer la Victoire de Samothrace 13. C'est probablement pour le vainqueur d'un concours de trompette qu'lntidotos avait peint une autre ceusre d'art, son tubicen, à moins qu'on n'y voie le prototype du lubicen sculpté par lpigonos, devenu si célubre sous le nom du Gladiateur mourant''. II. Itomlr. S'il est probable que les Grecs doivent leur trompette aux Tyrsènes de Lydie, il est certain que les Romains ont emprunté la leur à ceux d'Étrurie. On a vu que des traditions la faisaient inventer à Pise 1G, à' Vetulonia'6 ou à Tusculum'7 ; des textes la mentionnent dans les armées des Étrusques 18 ; leurs monuments représentent, à côté des trompettes dont le pavillon est recourbé [euox.t] ou dessine une spirale [L1TGusl, des trompettes droites à pavillon évasé'' ou carnpaniforme70. La meilleure preuve de l'origine étrusque de la trompette à Rome est le rôle qu'elle y occupe dans les cérémonies religieuses. Deux fois par an, on y procède à une lustration des trompettes sacrées, rite qui a dû commencer par être apotropalque : le 23 mars, le tubilustriulrt a lieu en l'honneur de Mars et (le Aerio, la Minerve sabine L1, le 23 mai en l'honneur de Vulcain 99. Quand la fête de Cybèle, avec ses tambours et ses cymbales, vint se placer aux mêmes jours où se célébrait le tubilustriutn, celui-ci se confondit avec le deuxième jour des :Vegalezsia "'. Aux sacrifices solennels, comme les suooetaurilia aux jeux publies'" et aux triomphes, enfin Ttfll ;27 Tt113 à tous les grands enterrements 1, la tuba jouait un rôle qui unit par sembler purement honorifique, mais qui avait commencé par être magique. II n'est pas certain qu'il y eût des confréries de trompettes sacrées z, et on ne sait au juste en quoi la tuba sacrorum différait de la trompette militaire ni si la tuba que certains textes poétiques mentionnent pour la manœuvre des vaisseaux était différente de la trompe recourbée que les monuments montrent entre les mains des pilotes [BOc1NA]. Dans l'armée romaine, les tubicines sont si étroitement associés aux bucinatores et aux cornicines qu'il n'y a guère à ajouter aux articles qu'on a consacrés à ces sonneurs de cor et de buisine, qui formaient avec eux la fanfare légionnaire collsu, fig. 1954j. Que le rôle des tubicines à l'armée ait été d'abord religieux, c'est ce qui résulte de ce qu'ils constituent, dans l'organisation servienne, une centurie spéciale groupée avec celle des cornicines entre la quatrième et la cinquième classe'; mais, tandis que les cornicines, spécialement affectés à la garde des enseignes, ont gardé la peau d'ours ou de loup des siglti%eri, les tubicines ont adopté, au moins sous l'Empire, l'uniforme du légionnaire, comme il résulte de certains reliefs de la colonne 'Irajane (fig. 6685) et du petit bronze de la Bibliothèque Nationale (fig. 7140 Sous l'Empire, vers 203, une légion à effectif complet paraît avoir eu :39 tubicines ce qui semble indiquer qu'il y en avait trois par cohorte, sauf pour la première cohorte qui, beaucoup plus nombreuse que les autres, devait en recevoir huit'; les deux derniers, portant les noms d'optio et de princeps, auraient été, le premier le chef de cette musique, le second son sous-ordre, attaché à la personne du légat'. Les centuries s'étant pratiquement confondues avec les manipules vers l'époque antonine, on comprend qu'un trompette ait pu être attaché à chacune de ces unités : c'est ce qui expliquerait que, dans toutes les inscriptions où un tubicen donne l'indication complète du corps auquel il appartient, il nomme, après la légion, la centurie s. Quand on détachait une re,cilla tio, elle recevait d'ordinaire au robins un tubicen 10; on connaît aussi des tubicines dans les cohortes prétorien nes" et auxiliaires_2, mais il ne semble pas y en avoir eu dans la cavalerie, sauf pour les equites singulares13 Au combat, le principal rôle des tubicines était de donner le signal de l'attaque et celui de la retraite"; mais ils devaient connaître encore d'autres sonneries comme notre diane, notre chamade ou notre boute-seller ; celles-ci servaient surtout dans la vie du camp, où les trompettes devaient également sonner pour la pose des sentinelles 16 et pour les rassemblements 11 et, aux allocutions, sacrifices et cérémonies de lustration de l'armée (fig.4692)'18, entourer le général ou l'empereuris.Couronnés,ilsl'accompagnaientdemêmeautriomphe(tig.7148)20. TUB 528 -• TUD Dans chaque légion, ils paraissent avoir formé une association qui pouvait porter le nom de scola tubicinum'. Quant aux fonctions militaires des tubicines, les textes nous permettent seulement de nous rendre compte de la façon dont ils donnaient le signaltdu combat, par le récit de la bataille de Philippes chez Dion : « Un seul trompette, dit-il, comrnenca d'entonner le signal dans chacune des deux armées; à ce son répondirent les autres trompettes, rangés en cercle dans un emplacement choisi, et cet air n'était que pour avertir les soldats de serrer les rangs et de préparer les armes. Bientôt après, les autres trompettes, distribués dans les divers corps, firent entendre des airs propres à enflammer le courage. A ce son guerrier succéda soudain un silence profond : bientôt tous les trompettes, par un concert terrible, firent retentir l'air d'un son perçant et aigu ; et les deux armées poussèrent ensemble un grand cri de guerre 2. n La trompette resta avant tout, à Rome, l'instrument de la musique guerrière. Si elle intervint dans des jeux, ce fut pour des jeux de gladiateurs (fig. 3593) et pour y exciter les adversaires comme à la guerre 3; on faisait parfois retentir à l'amphithéâtre un tubarum concentus ', mais, seule, la trompette grecque paraît avoir joué des soli 5, et un amateur de trompette paraissait aux Romains chose singulière On a calculé que la trompette romaine devait donner le ton phrygien transposé une octave plus haut'. Mais, par manque d'expériences précises, on ne peut contrôlerni même comprendre en leur portée exacte les termes dont Pollux se sert pour définir les qualités de la trompette : « On qualifie le son, le timbre, la résonance, le retentissement, la clameur ou le fracas de la trompette par les termes suivants : excitant, encourageant, robuste, grave, sévère, puissant, véhément, terrifiant, martial, belliqueux, violent, ferme, imposant, rude, tumultueux n four imaginer les fractos sonitus 9, qui caractérisaient le clangor tubarum'°, le mieux sera toujours de redire le vers d'Ennius dont Servius a fait remarquer qu'il rendait si bien le son de la trompette, bene Iris electis verbis imitatur sonum tubarum : At tuba terribili sonitu taratantara dixit ". p. 1017, note 19; 1018, note 1 ; TUBA, p. 526].