USURA ou plus souvent USUItAE. Nom technique des intérêts dus par le débiteur d'une somme d'argent ou d'une quantité de denrées. Les intérêts peuvent être conventionnels, judiciaires ou moratoires.
J. Intérêts conventionnels. Ces intérêts résultent d'un contrat (foenus à l'époque archaïque, puis stipulation consécutive à un rutuum) [siuTUUmm, p. 2132], ou d'un simple pacte pour les prêts consentis par une cité', pour les prêts de denrées et le prêt à la grosse [nAuT3Cua FoENUS, p. 1d1. Les intérêts conventionnels ne peuvent en principe dépasser le taux légal [FOENUS]. Il y a exception pour le prêt de denrées jusqu'à Constantin [FOENLS, p. 1226, n. 25], pour le prêt à la grosse et pour l'antichrèse.
L'antichrèse est une convention en vertu de laquelle le débiteur d'une somme d'argent remet à son créancier une chose frugifère (terre, maison), pour que les fruits tiennent lieu d'intérêts (fructus in vicem usuraruni,
X2o7c(a .VTi TeÙV Td/.mv) 2. C'est un forfait : les intérêts et
les fruits perçus sont réputés se compenser. La valeur des fruits peut excéder le taux de l'intérêt si la récolte est bonne; mais si elle est mauvaise, le créancier est en perte. La convention est licite en raison de son caractère aléatoire a ; elle est nulle si elle a été faite en fraude de la Le pacte d'antichrèse peut être joint à une constitution d'hypothèques [nYPOTOECA, p. 365, 2].
Le taux légal de l'intérêt a été réduit par Justinien en faveur des cultivateurs : il est de 1/24 pour les prêts d'argent, 1/8 pour les prêts de denrées °. Justinien a d'ailleurs atténué la peine de l'usure : il a aboli la peine du quadruple édictée par Théodose I" et n'a conservé que celle de l'infamie
La règle limitant le taux de l'intérêt n'était pas rigoureusement observée : en Égypte, dans cèrtains contrats, les intérêts convenus s'élèvent jusqu'à 50 p. 100 e.
Les intérêts conventionnels ont été soumis à une autre restriction. Il est interdit de stipuler, au moment du prêt, que les intérêts à échoir seront capitalisés faute de paiement à l'échéance : c'est la convention que les Grecs
appellent anatocisme [ANATOIOISMOS1. LOS usurae usura
rein sont prohibées par la loi romaines, mais tolérées dans certaines provinces 70. Justinien a étendu la prohibition à la convention faite après l'échéance : les intérêts échus ne peuvent être capitalisés Il a même suspendu le cours des intérêts, lorsque la somme des intérêts payés chaque année devient égale au capital12. Cette règle, qui souffre une exception pour les prêts consentis par les cités", a été empruntée au droit égyptien : elle existait au vole siècle avant notre ère, au temps du roi l3okchoris"; elle a continué à être appliquée en Égypte sous la domination romaine, après l'édit de Caracalla'°
Ix.
Il. Intérêts judiciaires. Ces intérêts ne peuvent, à l'époque classique, être accordés que par le juge d'une action de bonne foi 18. Ils sont calculés d'après l'usage du lieu où le contrat a été conclu, sans dépasser le taux fixé par la loi romaine ". La règle a été étendue par Dioclétien à la condictio triticaria'$. Dans l'action de droit strict certae pecuniae creditae, le juge qui condamne le défendeur à une somme supérieure à celle qui est indiquée dans la formulecommet un quasi-délit t2 [LIS, p. 1265, n. 37].
Le pouvoir, qui appartient au juge, d'allouer des dommages intérêts a été limité par Justinien. Dans les contrats qui ont pour objet une quantité certaine, comme la vente et le louage, le juge ne peut condamner à une somme supérieure au double20. La loi a voulu mettre fin à un abus: dans certaines régions, comme l'Égypte, le vendeur promettait de payer, en cas d'éviction, le triple 21, le quadruple 2z ou le quintuple du prix L3, plus le double des dépenses utiles 2" . et même voluptuaires 25 faites par l'acheteur, sans compter une amende égale, au profit du fisc '. Mais la prohibition édictée par Justinien est restée lettre morte : l'abus a persisté en dépit de la loi 27.
IIf. Intérêts moratoires. En général, une mise en demeure est nécessaire pour faire courir ces intérêts. Par exception, le simple retard suffit pour certaines catégories de débiteurs [mollit., p. 2000]. Tel est le cas d'un héritier, grevé d'un fidéicommis ou d'un legs =h'l'el est aussi, au Bas-Empire, le cas du plaideur qui n'exécute pas dans les deux mois la condamnation qu'il a encourue ; mais ici le taux légal des intérêts moratoires est élevé à 21 p. 100 29 ; ils sont dus à dater de la sentence ou de sa confirmation par le juge d'appel. Sous Justinien, le délai a été porté à quatre mois et le taux réduit à 12 p. 100 30.
Dans les provinces de culture hellénique, le simple retard entraînait pour le débiteur une sanction rigoureuse, en vertu de clauses insérées dans le contrat. Ces clauses sont de deux sortes : l'antichrèse et l'hémiolia.
i° L'antichrèse est usitée pour les intérêts moratoires, comme pour les intérêts conventionnels. Le débiteur concède éventuellement au créancier la jouissance d'un fonds de terre, dont les fruits appartiendront au créancier faute de paiement du capital à l'échéance. La valeur de ces fruits s'ajoutera ici aux intérêts conventionnels qui sont à la charge de l'emprunteur. Ce cumul est interdit par la loi romaine, en tant qu'il dépasse le taux légal 31 ; il n'en a pas moins été toléré en llgypte".
Lorsque le pacte d'antichrèse est joint à une constitution de gage, la valeur des fruits perçus peut dépasser celle des intérêts stipulés: l'excédent est la peine du retard 33. Ce pacte est sous-entendu lorsqu'on
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USU 6,10 USU
a constitué un gage pour sûreté d'un prêt gratuit : le créancier est autorisé à retenir les fruits perçus qui se compensent avec les intérêts moratoires'.
20 Beaucoup plus fréquente est la clause appelée 4.toÂÎx ou TO 7(Atd)tov. La forme neutre, qui se rencontre ordinairement dans les inscriptions 2, est très rare dans les papyrus' : on n'en connaît jusqu'ici qu'un exemple dans un papyrus du Louvre (no 8, 1. 10). D'après cette clause usitée dans la vente, le louage, la constitution de dot et surtout le prêt, le débiteur en retard doit payer moitié en sus du capital : ztM, Evobxtov,
auteurs ont prétendu que l'hémiolia était, non pas de 50 p. 100, mais d'une fois et demie le capital (ii).tsu -lSaov), soit 150 p. 10) b. Cette opinion est aujourd'hui condamnée par des textes formels 6. L'hémiolia peut être insérée dans un contrat de prêt gratuit aussi bien que dans un prêt à intérêts '. Dans les deux cas, elle peut se cumuler avec les intérêts moratoires 8.
L'hémiolia, empruntée par les Romains à la pratique grecque, n'a été consacrée par eux que dans des cas exceptionnels : dans le pacte de constant sous la forme d'une sponsio dimidiae partis [CONSTITUTUM, p. 1455, 11] ; puis, en cas d'adtributio pecuniac d'après la loi Julia dite municipalis [LEX, p. 1148], 1. 43: lorsqu'un propriétaire n'entretient pas la voie publique au droit de sa maison, le travail est exécuté d'office à ses frais ; s'il n'en rembourse pas le montant à l'entrepreneur dans les trente jours, il doit payer moitié en sus (tantam pecuniam et dimidium ejus) 9. Enfin, d'après une constitution de Gratien et Théodose, adressée en 380 au préfet d'Illyrie, le plaideur qui n'exécute pas dans les deux mois la condamnation qu'il a encourue, doit payer moitié en sus (medietatem debiti), sans préjudice des intérêts qui sont portés au double 1a. Dans tout autre cas l'hémiolia est prohibée par la loi romaine L'usage de cette clause n'en a pas moins persisté dans certaines régions de l'empire, comme l'Égypte, où elle était pratiquée dès l'époque ptolémaïque 12. On en trouve des exemples jusqu'à la fin du Ive siècle de notre ère ".