Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

VEHICULUM

VEIIICULUM. Véhicule, voiture. Des articles de détail ont donné les renseignements utiles sur les formes et l'emploi de chaque voiture usitée dans l'arttiquité. Nous présenterons ici un tableau d'ensemble, destiné à orienter plus facilement les recherches 1. Pour les Grecs on consultera les articles cumins, LEC CURRUS, TRIGA 3 ; pour les populations barbares et orien Les voitures romaines sont beaucoup plus nombreuses et plus variées. Nous les grouperons par destinations : e. Voitures lourdes, pour transport de matériaux, bagages ou voyageurs nombreux : BENNA, CARPENTUM, b. Voitures légères et rapides : ARCUMA, CISIUM, COVINUS1 cumins. d. Voitures de gala et de cérémonies : CABPENTUM, e. Voitures pour malades, femmes, enfants et vieil f. Pour le service des postes et les transports publics, le personnel et. les fonctionnaires, les stationnements, les relais, les règlements et pénalités : CLABULARIS, g. Pour l'emploi des véhicules dans les jeux et autres cérémonies publiques ou privées : crocus, minus,. FUNUS, h. Pour les fabricants : rLAUSTEARIUS; pour les loueurs : CISIUM. G. P. Circulation des véhicules. En général les rues des villes antiques étaient fort étroites, comme le sont encore celles des vieux quartiers dans les villes méridionales ; les places publiques elles-mêmes, bordées de nombreux édifices, encombrées de statues et demonuments de toute espèce, ne laissaient à la circulation qu'un passage très mesuré. Quiconque a parcouru les rues de Pompéi et le Forum romain en emporte cette impression que les voitures n'y devaient avancer' qu'à grand'peine 5. Et en effet elles n'y étaient que tolérées, à certaines heures et dans des conditions déterminées par des règlements très précis. Les Grecs, comme les Romains, partaient de ce principe que, sauf en cas de voyage, la voiture ne convenait qu'à des personnes efféminées ou malades ; elle était seulement permise, par un privilège exceptionnel, à certains dignitaires dont elle rehaussait le prestige. L'orateur Lycurgue défendit par une loi aux dames d'Athènes de se rendre en voiture aux fêtes d'Éleusis, éloignée cependant de 16 kilomètres, pour les empêcher d'humilier les femmes pauvres ; la femme de Lycurgue, ayant violé la loi, fut condamnée à une amende de six mille drachmes et il récompensa lui-même celui qui l'avait dénoncée °. Le carrosse était donc considéré, même en pareil cas, VEII 668 VEI1 comme un luxe dont on pouvait se passer. A l'époque romaine, quand le bien-être eut augmenté et que les relations de chaque cité avec le dehors furent devenues plus fréquentes, il fallut bien légiférer sur la matière. De là de nombreuses dispositions qui ont laissé leur trace dans la littérature et dans les codes. G. LAFAYE. Droit de circulation dans les villes t. Le droit de circuler en voiture à la campagne est absolument libre pour les personnes et les choses. Dans Rome et dans le premier mille autour de Rome ou dans les villes de l'Italie, cette circulation est en principe interdite depuis une époque très ancienne 2 jusqu'au 111e siècle après J.-C. Les gens ne peuvent aller qu'à pied, en chaise à porteur [SELLA]. en litière [LECTICA], et à cheval. A Rome même, sous la République, on a conjecturé que les magistrats, à l'exemple des rois, auraient pu circuler librement en char avec leur SELLA nommée curulis en raison du currus qui la porte 4. Mais à l'époque historique le principe s'appliquait à eux comme aux particuliers. Les exceptions à la règle commune commencent cependant de bonne heure. De tout temps sans doute les Vestales et les prêtresses des grands cultes sont transportées en char aux sacrifices. Dès 335=393 av. J.-C., les matrones ont reçu le privilège de se ser vir de voitures [CARPENTCII, P1LENTUM] dans la ville, en récompense de l'hommage qu'elles firent de leurs bijoux d'or à Apollon de Delphes en exécution du voeu de Camille La loi Oppia sur le luxe des femmes (a. 539=215) restreignit pour elles l'usage des voitures aux jours où se célébraient des sacrifices publics G. Quoique cette loi eût été abrogée assez vite par la loi Valeria Fundania' (a. 339=193), il ne parait pas que les moeurs aient laissé toute liberté aux femmes de monter en voiture en dehors des cérémonies religieuses. Un privilegium spécial fut parfois accordé à certains hommes de se rendre en voiture à la curie $. La Lux Julia dite municipalis (a. 709-43) réserve le privilège du char [PLAUSTRUM] seulement aux Vestales, au rex sacroruni, aux (lamines pour se faire conduire aux sacrifices, au triomphateur le jour de son triomphe, à ceux qui ont besoin d'y prendre place dans les jeux publics ou à la pompa du cirque (c'est-à-dire aux magistrats et aux coureurs) s. Sous l'Empire le même privilège existe, d'après les témoignages d'auteurs littéraires, en faveur des empereurs, de quelques impératrices 10, en des occasions religieuses solennelles, comme le triomphe. Un honneur semblable fut décerné aux cendres de quelques impératrices transportées en carpentum à la procession du cirque : c'est ce que font connaître des médailles frappées en commémoration (fig. 1194). A Rome et en province, à partir de Septime-Sévère, l'usage des chars dans les villes se répand au profit de hauts fonctionnaires (préfet du prétoire gouverneurs de provinces et leurs légats 12, magistrats supérieurs 1') et des sénateurs, à qui Alexandre-Sévère reconnaît même la faveur de sortir dans Rome sur des chars Le changement qui s'est produit, probablement sous l'influence des mœurs orientales, préparait le renversement du principe ancien. Dès le lite siècle sans doute la circulation en voiture dans Rome était devenue la règle t', et même une occasion nouvelle d'étaler un luxe outrageant. Contre ce luxe Héliogabale tenta de réagir en interdisant l'usage des pilenta trop somptueux à. certaines catégories de femmes ; ses sénatus-consultes tombèrent sous le mépris des riches 16. Circulation des véhicules servant au transport des choses 17. La circulation de ceux qui ne servent ni aux cultes, ni aux triomphes, ni aux jeux, fut réglementée quand elle devint dangereuse pour les piétons dans les rues étroites de la capitale. La lex Julia dite municipalis (a. 709=45) interdit aux plostra toute circulation depuis le lever du soleil jusqu'à la dixième heure du jour f3. Elle autorise par exception les transports de matériaux destinés à la construction des temples, les transports pour cause de travaux publics ou pour l'enlèvement des matériaux de démolitions provenant de choses publiques i9, le passage des voitures qui, venues en ville la nuit, s'en retournent à la campagne dans la journée, vides ou en enlevant les ordures 2'. Hadrien accentue la réglementation en prohibant l'entrée de la ville aux véhicules lourdement chargés 21. On ignore quand la libre circulation est devenue possible pour les chariots. Passages interdits aux voitures. Même acquise à l'époque récente, la liberté de conduire un équipage n'a jamais dû être complète. Comme aujourd'hui encore, il est fait défense aux cochers de parcourir certaines voies ou endroits publics; les centurions veillent par exemple à ce qu'ils ne traversent pas les marchés 22. Taxes de circulation. En ce qui concerne les taxes à percevoir sur la circulation des véhicules, les règles du droit public romain ont été indiquées à l'art. POR'roRIUM et se résument ainsi : 1° les instrumenta itilteris, dans lesquels sont compris les chariots, sont exemptés du portorium payable aux limites des circonscriptions douanières (t. IV, p. 592) ; 2° au contraire, ils sont soumis aux impôts levés à l'intérieur de la ligne douanière, soit à titre de péages sur les routes et les ponts (p. 593), soit à titre d'octrois à l'entrée et à la sortie des villes (p, 593-594). Nous n'ajouterons que quelques mots aux indications précédemment données. Les jurisconsultes de l'Empire nous apprennent que l'impôt s'appelle tantôt porlorium 2a et tantôt vectigal21. Ce dernier nom se rencontre aussi sous la forme plus explicite vectigal rotariunt dans des VEI 669 VEI inscriptions africaines'. Il est assez curieux de remarquer qu'au Bas-Empire le terme vectigal, par une restriction de sens notable, s'applique uniquement aux taxes perçues sur les véhicules (y compris les navires), comme le montre l'hzterpretatio de la constitution par laquelle, en 321, Constantin réglementait l'adjudication triennale de la ferme des vertigalia VE1OViS (Vediovis, Vedius) 1. Cette divinité italique, de nature fortement controversée, paraît être une des plus anciennes du Panthéon latin et sabin. Devenue notoire à Rome, elle y est probablement venue d'Albe-la-Longue. Le plus ancien monument connu qui nous ait conservé son nom est un autel de Bovillae, bourgade située au pied du Mont Albain et colonie d'Albe, avec l'inscription : VEDIOVEI PATHET CENTILEIS IVLJEI2. Un texte de Tacite, relatif au règne de Tibère, confirme les rapports spéciaux du culte en question tant avec Veiovis et avec Bovillae qu'avec la famille des Iules'. La date de l'inscription n'est pas antérieure aux Gracques ni postérieure à l'avènement d'Auguste. Sur la signification du nom de la divinité les anciens ne sont pas d'accord, la particule ve étant aussi bien susceptible d'ennoblir le nom louis ou Diovis que d'en amoindrir le sens : Veiovis peut signifier ou le Grand Jupiter ou Jupiter soit jeune et même chétif (vescus), soit méchant et hostile ; Ovide a reproduit ces difi'érentes interprétations, sans doute d'après Varron et les annalistes La vieille religion latine connaissait des incarnations diverses de Jupiter, telles que SUMMANUS, dont nous avons parlé ailleurs et JupiterAnxurus dont le nom était interprété bizarrement par xvsu upoû : quia barbant numquam rasisset, ce qu'Ovide rend par ce vers: Jupiter est Juvenis; juvenales adspice vultus Il existe par ailleurs un Jupiter Puer et aussi un Jupiter Crescens, ce dernier sur une monnaie d'Antonin le Pieux'. Klausen, qui a consacré à Veiovis un chapitre presque entier de son ténébreux ouvrage, sans d'ailleurs réussir à le ramener à une idée précise, dit que Veiovis est « l'enfant inabordable (unrugaenglich) des dieux, pénétré de toute la puissance de Jupiter 'hi. Sa mère n'est nommée nulle part, mais elle est probablement 11ONA DEA, qui le conçut de Faunus, avec intervention de MATER MATUTA comme éducatrice f0. Une interprétation longtemps en faveur est celle qui a fait de Veiovis une doublure de Dispater, c'est-à-dire une divinité infernale tombée en désuétude". Il est nominé en compagnie de ce dieu et des Mânes par Martianus Capella et même il leur est assimilé 12. L'épisode du culte de Veiovis à Rome qui nous permet le mieux de définir la nature du dieu, c'est son rôle dans le fonctionnement de l'ASYLUs fondé par Romulus et dans la fête des Lucaria, célébrée les 19 et 21 juillet. A celle-ci correspondait la cérémonie en son honneur des Nones de Mars, inter duos lucos, dans la dépression de terrain entre la Citadelle et le Capitole, où son sanctuaire bordait le lieu d'asylei'. Dans l'une et dans l'autre Veiovis intervenait, nullement comme un génie de la Mort ni comme un dieu de nature funeste ou maligne. L'asylus, suivant la définition de Cicéron, est un emplacement consacre que les ancêtres ont en partie destiné à être un refuge en cas de peril14. La fête des Lucaria se célébrait entre la via Salaria et le lit du Tibre où, suivant Festus, les Romains, vaincus par les Gaulois, avaient trouvé un abri après leur défaite fô Ce qui achève de préciser le caractère salutaire et secourable de Veiovis, c'est son association, à partir de l'an 291 av. J.-C., avec Aesculapius dans File du Tibre et son absorption graduelle dans la personnalité d'Apollon et aussi dans celle de Jupiter Salutaris i4. On lui sacrifiait une chèvre, ritu lzunlano, c'est-à-dire en substitution d'une victime humaine, afin de conjurer les épidémies funestes qui sévissaient au printemps. L'annaliste Pison, vers le milieu du ne siècle av. J.-C., comparait Veiovis avec l'Apollon Lykoreus de Delphes 17. De toute façon, ces figures divines qui expliquent la véritable nature de Veiovis et ses fonctions religieuses sont de caractère latin ou sabin. Elles rendent improbables toutes les interprétations par lesquelles, à la suite de K. O. Müller, on a tenté de lui fabriquer une provenance étrusque en accentuant son caractère sinistre i'. La chèvre, chevauchée par un petit génie ailé, figure sur les VEL G'70 VEL monnaies qui représentent, au droit, Veiovis (fig. 7342) t. En plus de la chèvre, Veiovis a encore pour symbole un faisceau de flèches ou de rayons qui représentent la foudre 2. Ammien Marcellin, qui les cite d'après les livres de Tagès, nous apprend que les hommes touchés par elles étaient saisis d'une telle stupeur qu'ils ne percevaient plus ni le bruit du tonnerre, ni d'autres sons plus violents encore. Ovide, qui a eu peine à se reconnaître parmi les témoignages relatifs à ce dieu, dit, là où d'autres arment Veiovis, que le dieu est sans armes 3. Sur les monnaies, Veiovis porte un faisceau de traits qui sont des foudres 4. Lorsque, sur le tard, on lui fabrique une image cultuelle, on choisit le type ou de Jupiter juvénile ou d'Apollon portant l'arc et les flèches, celles-ci représentées par des rayons (fig. 7342). Pline mentionne une image archaïque de Veiovis, placée dans le sanctuaire Inter duos lucos ; elle était en bois de cyprès et datait de 93 av. J.-C. 5. J. A. Hien.