Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

VESTIARIUS

\'ESTIARIUS ('I uaertoraa-riç).Marchand de vêtements. Le sens de ce mot, qui ne se rencontre guère qu'en épigraphie, où il est devenu substantif' vestitor, plus rare, doit être synonyme 2), est garanti par les textes juridiques, qui donnent les expressions plus développées : negotiantes vestiarii 3, negotiator vestiarius Parmi ces négociants, il y en avait sans doute de spécialisés 5 ; car on trouve aussi des restiarii tenuiarii VES -761 VES ou tenuarii ', qui débitaient toutes sortes d'étoffes légères de laine ou de lin. En général, ils ne les tissaient pas eux-mêmes, puisqu'un texte d'Ulpien cite concurremment, et apparemment pour les opposer, vestiarii et lintearii ; mais ils devaient confectionner les vêtements, le SARCINATOR ou sartor n'étant qu'un auxiliaire du couturier ou un artisan de réparations. L'existence de vestifces, rarement attestée, ne met pas obstacle à cette explication ; ceux-ci sont des esclaves 3, exécutant les costumes nécessaires au personnel d'une riche maison dont ils font partie ; d'ailleurs ils semblent avoir été quelquefois aussi appelés vestiarii 4 ; il y en avait dans la maison de l'empereur (vestiarii caslrenses) et le corps des E6Ttâ.ptot ou NErTCTwpE; fut un des plus importants de la cour de Byzance [vESTIToR] 6. Qu'il se trouvât dans les magasins des costumes tout confectionnés, ce n'est pas douteux'; au surplus, les modes antiques comportaient très peu de vêtements ajustés. Ces marchands de « nouveautés » plaçaient quelquefois au loin leur marchandise par l'intermédiaire de colporteurs [CIRcIToR], mais d'ordinaire ils tenaient boutique. Deux reliefs de Florence «fig. 4920et6728), qui servaient peut-être d'enseigne, et qui montrent un magasin double, pour les deux sexes, semblent supposer à la fois la vente du « tout fait » et (vu la présentation d'échantillons) la confection sur mesures. La firme des vestiarii indiquait leur adresse, que mentionnent10 nombre d'inscriptions 11 ; ils étaient probablement groupés, car on en connaît trois a compito A liario 1G et deux de vivo Tusco ". La plupart de ces marchands sont des hommes libres u, mais il se trouve aussi des affranchis", principalement d'origine grecque". On discutait le point de savoir si l'affranchi d'un vestiarius pouvait venir exercer le même métier tout près de son patron sans l'aveu de celui-ciu. Un de ces négociants fut dans sa ville sevir et augustal 18 ; le nom d'un autre est gravé sur un autel cinéraire richement décoré ° ; un troisième s'honore d'être d'une famille de vestiarii" . L'exemption générale des munera leur avait été expressément accordée 21. 11larqua.rdt estimait que pour eux « la grosse affaire fut évidemment la tapisserie ou décoration d'appartements u » . Il n'y a pas évidence ; mais la chose est possible, car on ne voit pas quel nom donner à ceux qui étaient chargés de ce soin 23, et vestis est pris parfois dans le sens d'aulaea 24 ou de stragulum 25. Au reste il y avait assez peu de différence entre manteau et tenture. Ix. Pour la Grèce, nos renseignements sont très vagues : simples allusions à l'im.vnoup•ltxii (TÉ7 )56 et au marché des vêtements à Athènes (iU.aTto7:0'l),717 yow x.) 27. Outre le on connaissait le revendeur d'habits ou fripier (i(7.aTto ou dans la partie antérieure de la maison ou de quelque autre construction ; on appelle même vestibule d'une ville l'espace compris à l'intérieur d'une porte double'. Le sens est clair, si l'étymologie est douteuse 2. Aussi employait-on le mot souvent au figuré ; on disait que le comitium, lieu de réunion des nobles, était le vestibule de la curie, palais du Sénat 4, bien que celle-ci eût elle-même son vestibule propre 5; par extension, on. appelait vestibule le porche d'un temple 6, le seuil des ruches d'abeilles ou des pigeonniers De même le forum sepulcri des Douze Tables, place réservée devant un tombeau, devient un vestibulum chez les auteurs 8 et dans le langage courants. Les bains avaient leurs vestibules comme les maisons (fig. 764 et 768), et également les prisons : les prévenus y étaient admis aux heures de garde renforcée [CARCER, p. 4191. L'équivalent grec est assez flottant : ,rp~ôo).o; dans Homère 10, qui emploie aussi 7p6lupov", ou 7pas9oi.12 ; ce dernier présenté en équivalent par Vitruve 13, qui donne cependant comme plus exact m.Aucx, dont on n'a plus trace nulle part ailleurs. Ils6Aupov est le plus fréquent'. Pour l'époque égéenne, on a reconnu à Tirynthe les vestibules respectifs de la salle des hommes et de celle des femmes ; l'un et l'autre ressemblaient au prothyron d'un temple à antes, et les propylées de l'acropole n'étaient que la juxtaposition de ces deux porches, adossés par leurs murs percés d'une porte (fig. 2496). Ce type s'est maintenu longtemps, car on le retrouve encore tel quel à l'entrée du sanctuaire d'Aphaia à Égine 16. Plus original est celui qui, en Crète, introduisait au palais princier de Phaestos : un escalier monumental de douze marches conduisait à un palier, suivi d'un porche à toiture sans doute toujours accessible; dans le fond, deux portes ornaient le vestibule, aussi large, un peu plus profond, communiquant d'une part avec les appartements, de l'autre avec un escalier d'étage. Ce vestibule s'éclairait par les deux portes en question et par un puits de lumière » situé derrière lui, après un portique à trois colonnes le 96 VES 62 VES On ne sait pas grand'chose de la maison grecque classique 1 [Doues, p. 342, fig. 2499], ni par conséquent de son vestibule. Il résulte du Protagoras de Platon 2 que, dans la maison de Callias, la porte d'entrée, auprès de laquelle se trouvait la loge du portier, n'était pas dans l'alignement de la rue, mais en arrière, précédée du prothyron 3. Mais il est évident que le type d'alors n'a pas été uniforme : dans une région accidentée et fortifiée, comme celle, par exemple, de Dystos d'Eubée, le prothyron n'est qu'un passage étroit sur un des côtés de la maison'. D'ailleurs à l'époque hellénistique aussi on constate la plus grande variété 5. On n'en juge plus seulement d'après de rares exemplaires comme la maison des Dauphins à Délos (fig. 2504) ; bien d'autres ont été fouillées dans cette île. Il en est qui n'ont point de vestibule du tout «ce ne sont pas forcément les plus modestes et où l'on pénètre directement de la rue dans la cour; ou bien la cour, en cet endroit, est simplement rétrécie par une petite chambre D'autres ont plusieurs entrées, une seule avec vestibules, ou bien deux vestibules séparés par une salle étroite 9. Le vestibule est parfois très court 10 ou carré "; mais en général (et il en était de méme à Sélinonte) 12, comme on avait établi des boutiques sur rue, on avait dû repousser au second plan les locaux d'habitation, et alors le vestibule était représenté ou remplacé par un couloir plus ou moins long 13, débouchant d'habitude au milieu de la cour f4. Dans celui de la maison du Lac sacré, on a retrouvé à gauche, dans l'angle, un petit banc de pierre où le visiteur s'asseyait, attendant d'être introduit 15. La décoration était souvent en stuc blanc uni", sur lequel on dessinait au trait, sans relief ni couleur i7. On ne sait trop si ces vestibules recevaient quelque destination spéciale, quelque mobilier 18. Ils étaient séparés de la cour, sauf exception 19, par une porte. Certaines scènes de comédie ont dû avoir lieu, non pas dans la rue, ni dans la maison même, mais dans le prothyron20 ; pour le théâtre contaminé des Latins, la chose ne fait pas doute21 et ressort nettement de plusieurs miniatures des manuscrits de Térence 22 [VELUM, p. 674, note 4]. La maison romaine est connue surtout par la maison de Livie au Palatin (fig. 2515), où le vestibule, cas très rare, longe un côté du périmètre jusqu'à l'entrée, et par celles des villes campaniennes ensevelies. Elle se présente à Pompéi sous un aspect généralement compôsite : en avant, la partie romaine, à atrium ; à la suite, la partie grecque, à péristyle. L'influence hellénique fut, en effet, très forte dans les régions de langue latine : en Afrique, les riches maisons des premiers siècles copient absolument le type grec, son genre d'entrée et de vestibule23. A Pompéi 2L, le vestibule manque également à bien des logis 25, mais d'ordinaire l'espace libre entre les deux pièces aveugles ou presque de la façade se divise en deux parties: le vestibulum proprement dit, très peu profond, en arrière duquel est la porte d'entrée, puis, avec même largeur 26, les fauces, dites encore prothyron, ouvrant sur l'atrium sans aucune séparation, sauf peut-être une draperie 27. Cette division en deux du couloir d'entrée pourrait bien être elle-même d'origine grecque ; on en a un exemple à Délos, au « magasin 3 » 28. Dans les palais helléniques, comme celui de Palatitza (fig. 2503), on pouvait trouver jusqu'à trois vestibules successifs et contigus. Parfois deux maisons en contact avaient un seul vestibule commun, ce qui ne laissait pas d'entraîner des difficultés 29. Y avait-il quelque barrière séparant le vestibule de la rue, sur le seuil même (limen) 30 ? Pas toujours, puisque Cicéron et ses gens, poursuivis par ceux de Clodius, purent librement se retrancher dans le vestibule d'un ami 31. Vitruve, au reste, dit que toutes personnes ont le droit d'y pénétrer, même non invitées 3z. Le vestibule avait son importance dans la vie du patricien et du magistrat [DOMes, p. 350]. C'est là qu'il se montrait à toute une foule, trop nombreuse pour entrer dans sa maison ; là que chaque sénateur romain s'assit en silence, lors de l'irruption des Gaulois à Rome 33, et que les gens de la noblesse recevaient la salutatio des clients 34. On y exposait des images divines 35 et familiales 36, des trophées et des insignes honorifiques 37 ; le peuple voulait orner celui de Tibère d'une couronne civique, qu'il refusa 38. Il s'y dressa même des quadriges, VES 763 VES des statues équestres 1; on voyait un colosse haut de cent vingt pieds dans le vestibule de la Maison Dorée de Néron 2, sans doute à ciel ouvert, au moins en partie. La controverse est vaine sur le point de savoir si le vestibule était en retrait ou en saillie 4 sur la rue; les deux variétés se rencontraient. Pour la salutatio, les plus commodes étaient ces vestibula regalia ° ou magno aggestu suspensa 6, avec perron, comme en présentait encore, à Pompéi, la villa de Diomède? ; la maison des Vestales, dans la même cité, était précédée d'un portique à colonnes 8, plus modeste que celui qui couvrait tout le front du palais des Flaviens, sur le Palatin °. A Théra, la demeure du chef militaire de File, sous les Ptolémées, était précédée d'un haut propylon comparable à celui d'un temple à antes 10 On ne saurait séparer de cette étude celle des vestibules décoratifs monumentaux11, dont nous connaissons quelques spécimens des plus variés. A Timgad, le vestibule de la curie 1"G consistait en un perron de quatre marches, que la porte de façade laissait seulement entrevoir; celui du forum 13, en deux parties séparées par un mur à une seule porte, comprenait un escalier, coupé de paliers de repos, aux parois richement ornées de marbre et de stuc, avec des bases honorifiques portant des statues. L'entrée de la ville antique, à Tivoli, avait pour vestibule, d'après de vieux dessins 14, une sorte de hall, précédé d'une plate-forme avec perrons1° de chaque côté ; en arrière s'ouvrait un arc monumental, puis une large exèdre. Le type du vestibule à exèdre n'est pas rare ; celui du nymphée de Tivoli avait intérieurement cette forme et était voûté ; dallé en marbres de couleur, il devait donner une grande impression de richesse. Extérieurement, c'était un vaste rectangle avec, en façade, une large porte centrale, et aux extrémités deux passages, extérieurs à l'exèdre 16. Le marché de l'Est, à Timgad 17, avait un vestibule semi-circulaire, dallé en grès; sur le front, rectiligne, s'étendait un por tique à deux colonnes entre deux piliers; l'exèdre était sectionnée en trois par deux portes ouvrant sur des pièces latérales (fig. 7419)18. Au natatorium, ou portique circulaire, de Tivoli 1e, on avait donné, pour le contraste, un vestibule aux formes droites, en croix latine. En revanche, aux constructions à lignes droites on juxtaposait volontiers un vestibule à lignes courbes. Un des plus originaux est celui de cette « Piazza d'oro », où Hadrien avait accumulé les plus grandes richesses artistiques de sa villa 20 ; on y reconnaît le dilettantisme éclectique de ce souverain subtil (fig. 7420) 21. En plan, c'est un édifice à huit pans, où alternent les absides et les niches rectangulaires, celles-ci percées, de deux en deux, d'une porte ou d'une fenêtre; à l'intérieur, chaque pan se termine dans le haut en un arc surmonté d'un véritable formeret; les nervures en briques plates, servant d'armature au blocage stuqué, reposaient sur des pierres de travertin en encorbellement, qui couronnaient des colonnes engagées. A Spalato, un type également exceptionnel de prothyron ouvrait sur les appartements inférieurs, du côté de la'Porta aenea 22. Après un portique à colonnes d'une très riche ornementation, on entrait dans une salle circulaire spacieuse (12 mètres de diamètre et 17 d'élévation), inscrite dans un carré de maçonnerie et couronnée d'une coupole, peut-être recouverte d'un toit. Quatre niches en demi-cercle, destinées à recevoir des vases ou des statues, se creusaient dans les parois, percées aussi, un peu plus haut, de fenêtres à arcades ; deux autres étaient également pratiquées dans la coupole, en briques et en moellons comme les murs et décorées de mosaïques (fig. 7421)23. On remarquera que, d'après la mosaïque de Ravenne qui représente le palais de Théodoric (fig. 5457 = 7345), le vaste portique du milieu semble avoir fait saillie sur la façade, car il a une toiture particulière, en avant des combles qui couvrent les côtés ; il y aurait encore eu là un vestibule monumental. VICTOR CdIAPOT. du service domestique, préposés à la garde et à l'inspec VES 76 1 \T ES tion vestis et specio') des vêtements (peut-être même de toutes les étoffes, y compris les tapisseries d'ameublement), qu'ils avaient naturellement la mission de plier (plico), chose délicate, car on tenait beaucoup à une ordonnance esthétique des plis [TOCA, p. 351]. L'équivalence des deux termes parait bien probable 2. La fonction était d'importance ; Plaute la cite en tête dans son énumération de la familia. Le vestiplicus (spicus) était normalement attaché à la garde-robe d'un homme 3, la vestiplica spica à celle d'une femme; pourtant nous connaissons un vestiplicus d'impératrice 4. Comme tous les domestiques de cet ordre, c'étaient le plus souvent des esclaves (leurs noms l'indiquent assez) ou des affranchis quelquefois très jeunes et presque toujours des Grecs Il est assez difficile de les distinguer de l'a veste, ab veste, ad vestem ou supra vestem, dont la charge comprend nombre de subdivisions dans l'administration impériale. Dans le monde grec, cette fonction a dû exister pareillement et elle peut avoir une origine orientale 8 ; mais nous n'en avons plus trace, et encore tardivement, que par le vestiaire des palestres VICTOR CIIAPOT.