Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article VICARIUS

VICARIUS. Ce mot désigne celui qui tient la place d'un autre, le remplaçant, le suppléant ' ; il a pour synonymes les expressions vicem (ou vices) agens 2, vice avec le génitif ; vice sacra se dit de la personne qui supplée l'empereur dans une de ses fonctions; par extension vicarius signifie le délégué, l'aide permanent. 1. On trouve d'abord les remplaçants : à l'armée pour les conscrits, sous la République3 et sous l'Empire'; dans le régime municipal, pour les députations et la gestion des munera' ; dans les corporations d'appariteurs oit les hérauts, les viateurs ont le droit de vendre leur charge à des successeurs pour prendre leur retraite 8. Dans les magistratures et les fonctions publiques, la suppléance est indiquée d'abord par le mot pro, par exemple questeur pro praetore [PROPRAETOR, QUAESTOR]; mais sous l'Empire prédominent les mots vicem, vices, vice 7. La suppléance se multiplie surtout depuis la fin du ne siècle après J.-C. par la substitution des procurateurs aux légats gouverneurs et la concentration, pour une raison d'économie, de plusieurs fonctions en une seule main 8. On trouve ainsi : les préfets de légion vice-légats légionnaires 0 ; un légat du proconsul d'Afrique vice-proconsul 10 ; un juridicus Alexandreae vice-préfet d'Égypte"; des vice-curateurs des travaux publics"; un juridicus vice-légat d'une province 13 ; un procurateur d'Asie, vice-procurateur d'une vicesima et de la quadragesima Asiae ; un procurateur du patrimonium et de la ratio privata dans la Bithynie et le Pont, vice-procurateur de la quadrageEima 14 ; des procurateurs vice-proconsuls d'Asie ou d'Afrique 15 ou vice-gouverneurs (vice praesidis) de provinces ordinaires''; un préfet de l'annone vice-préfet des vigiles"; sous le Bas-Empire des suppléants d'un maître de la milice 18, d'un vicaire de diocèse et, aux deux époques, du préfet de Rome". Justinien défend à tous les magistrats, civils et militaires, de se choisir eux-mêmes des remplaçants 20. Ce sont les vice-préfets du prétoire qui ont eu le plus d'importance. Pour le Haut-Empire leur histoire est peu connue. Sextus Varius Marcellus, le père d'Élagabal, paraît avoir géré provisoirement la préfecture du prétoire et celle de Rome après 197 21. A la fin du principat de Caracalla, Flavius Maternianus parait avoir eu les mêmes attributions 22. Sous Gordien III, entre 241 et 244, Valerius Valens est à la fois préfet des vigiles et vice préfet du prétoire, probablement après le départ pour l'Orient du préfet Timésithée et de son collègue 23 D'autre part, l'Empereur peut déléguer pour une catégorie d'affaires la juridiction du préfet à une autre personne, qui juge vice praefecti et de la sentence de laquelle il n'y a pas appel au préfet'', Pour l'époque postérieure à Dioclétien, on ne voit pas nettement si la fonction du vices agens prae fecti ou praefectorum praetorio est la même que celle du vicaire permanent, du vicarius, ou si elle en diffère. La seconde hypothèse paraît cependant préférable 25 ; car les deux expressions sont employées simultanément dès le début du ive siècle; l'expression vices agens ou des expressions analogues désignent certainement plusieurs fois un suppléant temporaire et non un vicaire du préfet du prétoire 26; VIC 821 VIC quand un fonctionnaire porte les deux titres, c'est en raison de circonstances spéciales'. Les vice-préfets ont été relativement nombreux 2 ; ils ont été nommés soit en cas d'absence du préfet soit surtout pour le soulager et le remplacer dans des régions éloignées, par exemple dans l'Illyrie, l'Espagne, l'Afrique 4. Ces suppléants, soit simples gouverneurs d'une province, soit proconsuls ou vicaires d'Afrique, ont autorité sur toutes les provinces du diocèse souvent avec le titre de judex sacrarum cognitionum. Ils infligent des amendes de coercition jusqu'à trois onces d'or II. C'est à la fin du 111e siècle, sous le Bas-Empire, que se développe le vicariat, fonction indépendante '. On trouve : 1° A Rome le vicarius portus, connu seulement pour l'époque des Ostrogoths et qu'il faut peut-être identifier avec le centenarius, subordonné au cornes portus et au préfet de Home pour la direction du port d'Ostie 8. 2° Le vicarius a consiliis sacris, dont on n'a qu'une mention entre 323 et 3379; il paraît avoir dirigé pendant quelque ternps le conseil impérial et avoir été remplacé ensuite par le magister officiorum 1D 3° Le vicarius summae rei rationum, connu seulement pour la même époque", qui paraît avoir été le sous-chef du fisc, l'ancien procurator summarum rationum et magister summarum1 rationum, et avoir disparu peu après '9. 4° Le rationalis vicarius per Gallias, connu seulement aussi pour la même époque 13. Il paraît avoir été, sous les ordres du rationalis de Rome, un de ces nationales de diocèse, directeurs du fisc, qui s'appellent simplement plus tard dans la préfecture des Gaules ratio nales summarum 14, dans la préfecture d'Italie et en Orient comites largitionumt6 5° Les vicarii des préfets du prétoire. Dioclétien divisa les préfectures du prétoire en 13 diocèses, qui furent portés à 15 dans le courant du Ive siècle 16, à savoir : 1° Oriens, du Taurus à la Grande Syrte; sous Valentinien Pr, vers 38118, l'Égypte en fut détachée et forma un diocèse spécial jusqu'à Justinien, qui le démembra en provinces relevant directement du préfet d'Orient 19 ; 20 As)a, la moitié sud-ouest de l'Asie Mineure 20 ; 3° Pontas, la moitié nord-est de l'Asie Mineure 21 ; 4° 1Jloesiae, l'Illyricum oriental, sauf la illoesia inferior qui relevait du diocèse de Thrace; ce diocèse fut partagé, au moins dès 327 22, en diocèse de Macédoine et diocèse de Dacie20; 5° Tltraciae 23; 6° Pannoniae, l'lllyricum occidental; 7°Italia, la haute-Italie jusqu'au Danube 25; 8° Dioecesis urbis Ilomae, l'Italie au sud de l'Apennin, avec Rome, la Corse, la Sardaigne et la Sicile 26; ce diocèse n'est pas encore dans la liste de Vérone, mais appartient cependant à l'époque de Dioclétien 27; 9°Africa 28; 10°Ilispaniae avec la Maurétanie Tingitane29 ; 11° I3ritanniae30; 12° Viennensis, le sud de la Gaule; 13° Galliae, le nord de la Gaule. Dioclétien mit à la tète de chaque diocèse un vicarius praefectorum praetorio. L'Égypte conserva son préfet, PRAEFECTUS AEGYPTI. Il n'y eut sans doute pas, au début, de diocèses relevant immédiatement des préfets ; mais lorsque ces derniers eurent des districts spéciaux et une résidence fixe, plusieurs vicaires disparurent : dans là 11'otitia dignitatum, la Dacie et la Pannonie relèvent directement du préfet; en Gaule les Galliae furent sans doute pendant quelque temps district immédiat du préfet VIC 822 -VIC des Gaules ; 'mais, à l'époque de la Notitia, la Gaule paraît relever tout entière du vicarius septem provinciarum, le vicaire spécial de la Viennensis 1. Le vicariat d'Orient disparut à une époque inconnue, probablement avant 3442 2. Aux vicaires se rattachent les comtes3, créés par Constantin sous le titre de comtes du consistoire et dont quelques-uns furent établis à demeure dans des provinces, comme contrôleurs des gouverneurs 4. Tels furent : le cornes Ilispaniarum encore cité en 334 ; le cornes Macedoniae, chef du nouveau diocèse de Macédoine, mais bientôt remplacé par un vicaires; le cornes per Africain, transformé ensuite en comte militaire'. Le cornes Orientis paraît avoir remplacé de bonne heure, entre 323 et 343, le vicaire d'Orient; il est assimilé à un vicaire, avec résidence à Antioche 8. L'existence momentanée d'un vicarius rllesopotamiae n'est pas prouvée 9. Ajoutons que les deux proconsuls d'Asie et d'Afrique sont assimilés à des vicaires '1'; les appels de leurs sentences vont, comme pour les vicaires, devant l'empereur 11 ; le vicaire d'Asie paraît avoir perdu définitivement vers 396, au profit du proconsul d'Asie, les provinces des I1es et de l'Helles pont 12. Il faut distinguer du vicaire du préfet de Rome 13 le vicaire du diocèse de Rome, le vicarius Urbis 14. I1 a pour domaine les urbicariae ou suburbicariae regiones qui coïncident sur une certaine étendue avec le district du préfet de Rome 13. En 297 elles comprennent huit 'provinces : Tuscia et Umbria, Campania et Samnium, Lucania et Bruttii, Apulia et Calabria, Flaminia et Picenum, Sicilia, Sardinia, Corsica ; plus tard dix par la création de la Valeria et la séparation du Samnium et de la Campania. Le vicaire de Rome est donc forcément en concurrence avec le préfet de Rome, dont le territoire comprend le sud de la Tuscia et Umbria, une partie de la Flaminia et Picenum, la Valeria et le nord du Samnium et Campania. Hiérarchiquement inférieur au préfet de Rome, il peut le suppléer, le seconder; il a le même local (secretarium)16 ; mais en général il y a eu entre eux et entre leurs offices beaucoup de conflits et de rivalités 17. Le vicaire joue un rôle considérable dans l'administration, l'approvisionnement de Rome, dans la surveillance et la protection des corporations 1R. Beaucoup d'affaires vont indifféremment devant son tribunal ou devant celui du préfet de Rome S9 ; il juge des procès criminels de sénateurs2D; les appels de ses sentences vont d'abord, selon la règle, devant l'empereur, puis sont partagés entre l'empereur et le préfet de home 21. Les vicaires des préfets du prétoire ont un office qui comprend en général : un princeps, qui est ducenarius des agentes in rebus, un cornicularius, deux numerarii, un commentariensis, un adjutor, un ab cutis, un cura epistolarum, un subadjuva, des exceptores, des singulares 22 et d'autres subalternes dont le chiffre total nedoit pas dépasser trois cents 23. Perfectissimes au début et alors hiérarchiquement inférieurs aux gouverneurs ", puis clarissimes avec le rang sénatorial peutêtre dès Constance ", plus tard spectabiles 26, les vicaires administrent les diocèses sous la surveillance des préfets27, mais en constituant cependant à certains égards un rouage indépendant; ils reçoivent les rapports des gouverneurs aux préfets ou à l'empereur; ils envoient directement à l'empereur leurs rapports et ceux des gouverneurs et autres fonctionnaires de leur ressort sur des points qu'ils n'ont pu résoudre eux-mêmes 26; ils reçoivent communication des lois soit directement, 'soit par l'intermédiaire des préfets 29. Ils surveillent les gouverneurs, les réprimandent, les défèrent dans les cas graves aux préfets ou à l'empereur; en matière disciplinaire, ils peuvent infliger à leurs subordonnés des amendes jusqu'au chiffre de trois onces d'or 30. Ils ne jugent en première instance soit au civil, soit au criminel, (lue dans certains cas, dénis de justice, impuissance du gouverneur, et peut-être les procès mixtes oit sont impliqués des civils et des militaires 31. En général ils jugent, de même que les comtes et les proconsuls 32, vice sacra, c'est-à-dire les appels des gouverneurs, en concurrence, dans une mesure inconnue, avec les préfets, et quelques procès extraordinaires 33. Les appels de leurs sentences vont à l'empereur, qui de bonne heure les transmet à divers délégués; ceux du vicarius Urbis au préfet de Rome, de 3614 à 4400 ; ceux de l'Orient, depuis 400, à une commission composée du questeur du VIC 823 --VIC palais et du préfet d'Orient 1. Ils ont, comme les préfets, la police générale des impôts, la surveillance de la perception, la vérification des comptes des gouverneurs; ils font rentrer les reliqua anciens, reçoivent les appels en matière d'impôts contre les sentences des discussores2. En Afrique, c'est le vicaire et non le proconsul qui a le rôle principal dans la levée et la transmission à Rome de l'annona Les vicaires surveillent le service de la poste, exercent la police des stations, nomment pendant quelque temps les mancipes , délivrent les diplômes postaux jusqu'en 3Hi. 5. Chargés aussi de faire exécuter les lois en matière religieuse 6, ils jouent un rôle important dans les persécutions contre les chrétiens sous Dioclétien ' ; en Afrique, de concert avec les proconsuls, dans les affaires des Donatistes 3 ; en Espagne, au sujet de l'Arianisme et 'des Priscilliens 1D; à Rome, dans les schismes d'Ursicinus et d'Eulalius 11 6° Le vicarius du préfet de Rome, peu connu 12, est probablement d'un rang supérieur aux précédents 13 III. Les préfets de Rome et du prétoire, les juges d'appel dans de grands districts au m° siècle14 jugent vice sacra, vice Caesaris. Sur le sens et la portée de cette expression nous renvoyons aux articles PRAEFECTUS aumciun, p. 636.637. IV. Le servus vicarius. Cette institution est étroitement liée à celle du pécule. Le pécule, peculium (de pecus) 1o, est la masse de biens dont un père de famille ou un maître laisse la jouissance et l'administration à u n fils (ou fille) de famille ou à un esclave [LEGATUM, p. 104A]. Al'origine il paraît avoir consisté en une tête de bétail ou un petit troupeau nourri dans ces conditions sur la propriété du maître t6. A l'époque historique le pécule a joué un rôle de plus en plus important dans la condition de l'esclave. C'est un moyen de l'intéresser à son travail, de récompenser son économie, son zèle, sa bonne conduite 17; c'est un gage de sa fidélité au maître et à sa famille, souvent une source de profits'$, surtout quand il fournit le prix de l'affranchissement. Théoriquement, l'esclave ne pouvant rien acquérir pour lui-même, le pécule rentre en droit dans le patrimoine du ou des maîtres19; c'est seulement en fait qu'il a une existence distincte, qu'il naît, croit et meurt avec l'esclave L0. La constitution du pécule est une pure libéralité 21, qui dépend uniquement de la volonté du maître, propriétaire ordinaire, ou nu-propriétaire, usu fruitier, usager et même possesseur de bonne foi"_ Elle comporte sans solennité obligatoire la tradition des biens concédés n. Le pécule se compose des biens donnés par le maître, bétail, vêtements, argent, terres, et des acquisitions personnelles de l'esclave, même de celles faites à l'insu du maître et qu'il lui laisserait s'il les connaissait 24 : économies obtenues sur sa nourriture, par des travaux supplémentaires, par le louage de ses services à des tiers, moyennant le paiement d'une redevance au maître, ou par la culture de terres que lui laisse ce dernier, contre une part du produit 25 [LATIFUNDIA, p. 566] ; cadeaux des étrangers, surtout des clients du maître 26. Le pécule peut donc comprendre toutes sortes de biens; indiqués parl'épithète peculiaris 27, meubles et immeubles, droits, créances et même d'autres esclaves, vicarii. Un esclave ne peut avoir qu'un pécule, même quand plusieurs personnes lui en constituent un chacune, par exemple un nu-propriétaire et un usufruitier, deux époux. Sauf clause contraire, l'esclave, affranchi entre vifs, garde son pécule ; affranchi par testament, il le perd, sauf concession expresse; l'affranchissement testamentaire sous la condition de donner une certaine somme à l'héritier, de rendre des comptes, vaut comme un legs du reste ou de la totalité du pécule28. Ni la vente ni le legs de l'esclave n'impliquent l'abandon du pécule par le maître, sauf disposition contraire 29. L'esclave le garde quand le maître devient fou ou laisse un héritier impubère. Les créanciers du maître ont droit sur le pécule; il passe à ses héritiers ; à la mort de l'esclave il revient au maître ; sous l'Empire le fiscus libertatis et peculiorum recueille, en même temps que l'impôt du vingtième des affranchissements, les pécules des esclaves impériaux30; c'est par exception que quelques maîtres autorisent leurs esclaves à léguer leurs pécules à des esclaves de la même maison par des pseudo-testaments 31, et que l'État laisse les esclaves publics disposer par testament de la moitié de leurs biens 32. Le pécule peut s'éteindre en tout temps par une manifestation expresse de la volonté du maître ; mais en fait il ne reprend le pécule que fort rarement, pour mauvaise gestion ou faute grave: théoriquement il en garde la propriété", mais en fait il concède généralement à l'esclave, par un acte distinct, la libera peculii administratio n, qui lui donne le droit, reconnu par le préteur, non seulement d'user de son pécule, mais de l'administrer au sens large, c'est-à-dire de faire des conventions avec des tiers, en premier lieu avec VIC $24 VIC. le maître, pour l'affranchir moyennant une certaine somme', contracter des obligations dans l'intérêt du pécule, transférer des droits, y renoncer, vendre, hypothéquer, prêter, emprunter, échanger, remettre en dépôt ou commodat, faire du commerce; il ne peut cependant ni aliéner à titre gratuit, ni user de l'intercessio 2. Comme conséquence, le préteur a dû établir en même temps, et reconnaître, la responsabilité du maître pour les obligations contractées par l'esclave à l'égard des tiers jusqu'à concurrence de son pécule et dans la mesure de l'enrichissement du maître. Cette responsabilité, qui ne cesse que par le retrait du pécule, donne lieu à trois actions dites adjecticiae qualitatis, en ce sens que le défendeur est poursuivi comme étant, dans une théorie, le propriétaire du pécule, dans une autre le détenteur de la puissance 3 [AC'rIOI. Si l'esclave a employé tout ou partie de son pécule (merx peculiaris) au commerce, avec la permission du maître, ce fonds, avec les bénéfices et acquisitions en provenant, constitue la garantie des créanciers; en cas de liquidation, faite au prorata de leurs créances, ils subissent le concours du maître, pour ses créances quelconques, mais sans privilège4 ; tout créancier qui s'estime lésé par ce partage confié au maître a contre lui l'action trihutoria En second lieu, pour toute obligation issue de contrats passés avec des tiers 6 par un esclave qui n'a pas été préposé à un commerce et sans l'ordre du maître, les créanciers ont contre ce dernier 7 l'action du contrat, donnée avec deux chefs de condamnation, de in rein verso et de peculio : au premier chef, de in rein verso jusqu'à concurrence du bénéfice personnel (in rein versum) qu'il a retirée ; au second chef, pour l'excédent, seulement jusqu'à concurrence de l'actif du pécule 3. La formule de cette action, en réalité unique, et possible même quand le pécule est vide 10, donne au juge un double pouvoir. Il examine d'abord s'il y a eu bénéfice personnel du maître ; s'il n'y en a pas eu, ou s'il est inférieur à la dette, il apprécie alors la valeur du pécule au jour du jugement ; il fait rentrer dans l'actif les créances de l'esclave contre des tiers, contre le maître, les valeurs que le dol de ce dernier a pu faire perdre au pécule 11. il déduit dans tous les cas, comme. privilégiées, les créances du maître, même antérieures à la constitution du pécule, qu'on ne peut faire rentrer autrement ou dont il n'a pas fait remise expresse, les créances des personnes qui sont sous la même puissance, sauf des vicarii, des personnes dont le maître administre le patrimoine comme tuteur, curateur, mandataire, et des copropriétaires de l'esclave 12. Il paie ensuite les autres créanciers dans l'ordre où ils obtiennent une condamnation 13. Un créancier qu'une première condamnation n'a pas désintéressé peut se faire payer sur tout nouvel accroissement du pécule 14. Car l'action de peculio dure aussi longtemps que le pécule; quand il a disparu par la révocation, sans fraude ou par une autre raison, mort, aliénation, affranchissement du concessionnaire, l'action s'éteint par une année utile 15. L'action de in rein verso, perpétuelle, peut aussi avoir lieu isolément, par exemple quand le pécule a été retiré à l'esclave sans dol, que le premier créancier l'a épuisé ou que l'action de peculio est prescrite So Le pécule constitué au fils de famille, peculiuin profectitium, suit les mêmes règles essentielles que celui de l'esclave 17, avec quelques traits particuliers. Il cesse par le retrait, par l'adoption, l'émancipation, la sortie de la puissance paternelle ; le fils de famille oblige son pécule en gérant une tutelle, une magistrature municipale, en recevant une dot, en subissant une condamnation, en s'engageant par une inlercessio ; il affranchit des esclaves péculiaires avec l'autorisation de son père ; il ne l'oblige que dans la limitede l'enrichissement du pécule ; dans l'émancipation la cession du pécule est supposée, sauf clause contraire 18 [PATRIA POTESTAS, p. 343-346. Le pécule, sous forme de solde assurée au soldat, avec tous les avantages qui s'y rattachaient, a été étudié ailleurs [PECULIUM Dans le droit romain comme dans le droit grecs, l'esclave peut posséder dans son pécule un ou plusieurs esclaves, par don, achat ou autre forme d'acquisition 20 L'esclave d'esclave s'appelle peculiaris, conservas 2f, parfois verna 22, généralement vicarius 23. Par rapport à l'esclave ordinarius, chargé d'un service déterminé 21 et qui est supérieur à l'esclave à tout faire, mediastinus 20, le mot vicarius peut désigner trois catégories d'esclaves, difficiles à distinguer, surtout dans les inscriptions; c'est d'abord, dans les maisons privées ou dans les services publics ou impériaux, le suppléant de l'esclave ordinaire et il appartient tantôt au maître, surtout à l'empereur 2à, tantôt à l'esclave, soit public ou impérial 27, soit privé 28 ; ensuite, par extension 29, c'est, le plus souvent, tout esclave péculiaire de l'esclave ordinaire, soit public ou impérial 30, soit VIC 82~ VIC privé'. Un vicarius peut posséder lui-même un vicarius 2. Ce sont naturellement les esclaves supérieurs, riches, surtout ceux de l'empereur, les vilici, arcarii, dispensatores, qui ont le plus de vicarii L'esclave ordinaire paraît avoir eu souvent comme contubernalis ou concubine une vicaria 4, dont les enfants s'appellent /Mi' ou filii et vicarii et entrent dans son pécule 7, comme les enfants abandonnés qu'il recueille et qui s'appellent aussi vicarii, alumni 2. C'est surtout pour remplir une condition mise à son affranchissement que l'esclave ordinaire achète et forme un vicarius qu'il doit laisser comme remplaçant 9. Il l'utilise comme aide et suppléant, soit pour le service du maître, soit pour son service personnel10 ou pour des entreprises commerciales, industrielles, agricoles i1. En droit le vicarius est la propriété du maître qui peut le reprendre, l'aliéner, qui seul a le droit de l'affranchir soit isolément, soit en même temps que l'esclave ordinaire 12, ou d'autoriser l'affranchissement 13, qui est seul actionné pour les actes civils ou délictueux du vicarius. Mais en fait et avec le consentement implicite du maître'', l'esclave ordinaire dispose librement du vicarius, exerce sur lui, souvent jusqu'à l'abus, le pouvoir disciplinaire, profite de ses acquisitions pour son propre pécule". Il peut l'aliéner, lui constituer un pécule 16, le lui enlever, l'autoriser à commercer. Le pécule du vicarius est soumis aux mêmes règles que le pécule ordinaire 11. Le maître qui a préposé un vicarius à un commerce ou à une industrie encourt la même responsabilité que pour un esclave ordinaire. S'il lui a simplement permis ou laissé faire un commerce sur son pécule, il est passible de l'action tributoire, de l'action de in rem verso et probablement de l'action de peculio vicarii". Pour tous les actes d'affaires du vicarius, autorisés ou simplement tolérés pour l'esclave ordinaire, l'action de peculio vicarii est doublement adjecticiae qualitatis ; elle est donnée de peculio ordinarii sur le pécule de l'esclave ordinaire ; elle paraît comporter, selon les cas, avec déduction des créances du maître sur les deux esclaves, soit une sorte d'action tributoire, soit l'action du contrat, avec le double chef de condamnation de in rem lA. verso et de peculio 19. L'action noxale contre les délits du vicarius a lieu contre le maître, qui réclame ensuite l'indemnité au pécule du vicarius, puis à celui de l'esclave ordinaire jusqu'à concurrence de la valeur du vicarius 20 Cll. LÉCRIVAII. le Sénat votait la célébration de jeux et de sacrifices pour demander aux dieux la conservation de la santé de l'Empereur. A côté des vœux annuels [voTuM], il y avait les voeux qui ne ramenaient ces cérémonies que périodiquement, après un certain nombre d'années, cinq ans, dix ans, quinze ans, vingt ans, trente ans ; de là, les quinquennalia, decennalia, quindecennalia, vicennalia, tricennalia 1. Les médailles que l'on frappait à cette occasion portent une inscription indiquant la date des voeux, inscrits, 'le plus ordinairement, dans une couronne de lauriers, sur un bouclier ou sur un étendard. Notre figure 7442 montre sur une monnaie de Constantin la Victoire inscrivant elle-même sur un bouclier la formule des vicennalia 2. Les vicennalia sont mentionnés parfois par les auteurs 3 ; ils se lisent sur les monnaies de Dioclétien et de ses collègues de la tétrarchie ; puis sous Constantin et la plupart des empereurs, ses successeurs, lors même qu'ils sont loin d'avoir régné vingt ans 4. Les formules varient, par exemple : VOT.X.MVL.XX : 'ï,'otis decennalibus (solutis), multisvicennalibus (susceptis): c'est-à-dire,les voeux pour la période décennale étant accomplis ou réalisés, d'autres en grand nombre sont agréés pour la 104 VIC 826 VIC période vicennale dans laquelle on entre. Il faut com prendre de même la formule : voT.xx.MVLT.xxX : votis vicennalibus (solulis), multis tricennalibus (susceptis) : la période vicennale étant accomplie (soluta), des voeux nombreux sont agréés (suscepta) pour la période trentennale qui commence. Dans des formules comme celle-ci : sic xx.stc xxx : sic vicennalibus, sic tricennalibus, il faut également sous-entendre solutis et susceplis : les vicennalia étant à terme, on forme les mêmes voeux pour les tricennalia qui débutent. Il résulte de là que les vicennalia sont mentionnés sur les monnaies d'un même prince à deux époques différentes : une première fois, à la fin de la période décennale ; ils sont alors suscepta; une seconde fois, à la fin de la période vicennale ; ils sont alors soluta. La même interprétation double s'applique aux autres vota. Rien de plus commun que la mention de ces vaux sur les monnaies de la période constantinienne. Sur l'arc de triomphe de Constantin, inauguré à Rome, à la fin de la période décennale, en 315, on lit sur l'un des côtés : sic x sic xx et sur l'autre côté, VOTIS X VOTIS xx, formules auxquelles s'applique l'interprétation dont nous venons de donner le principe'. Les voeux pour l'Empereur étaient formés généralement tous les cinq ans, mais on n'attendait pas toujours que la période fût révolue pour en former d'autres et commencer une nouvelle période par anticipation : cet usage bouleverse étrangement la chronologie des vota. Exceptionnellement, sous Justin et Justinien des monnaies portent VOT.XIII (votis tredecennalibus) et voT.xmi (votis quatuordecennalibus) 2. Sous Constance Il, Julien, Valentinien III, Théodose II on trouve : VOT.XXX. stVLT.Xxxx : votis tricennalibus (solutis), multis quadragennalibus (susceptis) 3. On rencontre aussi les vota impériaux mentionnés sur d'autres monuments. Ainsi, par exemple, les vicennalia sont inscrits sur un disque de verre gravé de l'époque de Dioclétien (fig. 1852) 4. tième sur les héritages fut organisé sous Auguste en 759 de Rome = 6 ap. J.-C. Ce genre de contribution avait déjà été projeté par Jules César et par les triumvirs' ; mais devant les récriminations du peuple ils avaient dit y renoncer ; il fallut toute l'habileté d'Auguste pour amener le Sénat à consentir à l'établissement de cette taxe, que la réorganisation de l'Empire rendait nécessaire. En effet, pour faire face aux dépenses d'une caisse de retraites destinée à assurer une pension aux soldats libérés, l'empereur,.à côté de l'aerarium et du fiscus, avait établi un trésor spécial [AERARIUM BIILITARE] ; il fallait trouver, pour l'alimenter, des ressources nouvelles. Auguste y versa d'abord une forte somme, qu'il préleva sur sa fortune et sur celle de Tibère ou qu'il fit verser par les rois et les peuples tributaires 2 ; pour la compléter il proposa au Sénat de voter un impôt sur les successions, le menaçant, s'il n'y consentait pas, de rétablir l'impôt foncier, qui n'existait plus en Italie depuis la guerre de macédoine. Devant cette perspective les résistances cessèrent; une lex Julia créa définitivement la vicesima hereditatium 3. Elle frappait d'un droit du vingtième tous les héritages, « excepté ceux des parents tout à fait proches et des pauvres 4 ». On a beaucoup discuté pour savoir ce qu'il fallait entendre par les parents tout à fait proches (-rûv 7tXVU 6Uyyvoûv) 5 ; l'hypothèse la plus vraisemblable est qu'on doit comprendre dans cette catégorie ce qu'en droit romain on appelle les decem personae, c'est-àdire le père, la mère, les enfants, le grand-père, la grand'mère, le petit-fils et la petite-fille, le frère et la soeur6. Encore l'immunité du vingtième n'était-elle accordée qu'aux citoyens romains et même aux anciens citoyens'. Les nouveaux citoyens, qu'ils fussent arrivés au droit de cité par le jus Latii ou qu'ils le tinssent de la libéralité du prince, s'ils n'avaient pas reçu en même temps le jus cognationis, étaient soumis à la taxe nouvelle quand ils venaient à hériter de leurs parents. Quant aux parents pauvres (.rwv 7tev7jTon), on est d'avis, en général, que c'étaient ceux qui ne possédaient pas 100 000 sesterces 6. Nerva corrigea la rigueur de la lex Julia de vicesima hereditatium envers les nouveaux citoyens : il décida que les biens qui passeraient de la mère aux enfants ou des enfants à la mère, alors même que le jus cognationis ne leur aurait pas été donné, ne seraient pas sujets au paiement du vingtième; il accorda la même faveur au fils héritant de son père, pourvu qu'il eût été redactus in patriam potestatem0. Trajan alla plus loin : il abolit cette dernière exception 10 ; il déclara aussi que le père héritier de son fils, serait, comme le fils héritant du père, exempt de tout droit de transmission". En outre, il fixa d'une façon définitive la somme en dessous de laquelle les « pauvres » ne seraient pas soumis à une taxe. Il décréta enfin que la loi aurait un effet rétroactif et remit à ceux qui n'avaient pas encore payé l'impôt et qui s'en trouvaient dispensés par cette dernière partie de l'édit les sommes dont ils étaient redevables au Trésor. C'est cet acte de générosité qui serait figuré sur un des bas-reliefs des rostres du forum romain : on y voit un magistrat, en présence de l'empereur assis, mettre le feu à des tablettes amoncelées (fig. 6731)". Caracalla, au contraire, porta le taux de la vicesima du vingtième au dixième 13 ; il supprima les immunités accordées aux proches parents par ses prédécesseursl4 et surtout, en conférant par un édit célèbre le droit de cité à tous les provinciaux, il soumit le monde romain entier à cette taxe. Macrin rétablit le taux ancien et les anciennes exceptions 16. La vicesima hereditatium disparut avec le régime postérieur à Dioclétien. On a voulu établir, sans raison suffisante, que la suppression en remontait à Constantin 16 VIC 827 VIC L'impôt du vingtième des héritages était perçu aussitôt après la mort du testateur,; même si l'acte donnait lieu à contestation, l'héritier était immédiatement envoyé en possession, pourvu que le testament fût valable dans la forme 2, ce qui permettait au fisc de calculer immédiatement l'importance de l'héritage. Dans ce calcul on retranchait d'abord de la totalité les frais funéraires, qui étaient exemptés de l'impôt', c'est-àdire l'argent donné pour faire embaumer le cadavre, le prix du terrain, les frais de transport du corps, et ceux du monument funéraire, s'il n'était destiné qu'à préserver le défunt de toute profanation et n'avait rien de somptueux 4. On déduisait ensuite la valeur des legs, à moins que le testateur n'eût spécifié que le montant de la taxe afférente à chacun d'eux devait être pris sur la succession (integra sine deductione vicesimae) 5. Une telle évaluation était particulièrement délicate quand il s'agissait de legs alimentaires, puisqu'il fallait calculer la durée probable de la vie du légataire; la loi avait même dû intervenir pour décider la question d'une façon générale 6. Comme les autres impôts romains, la perception de la vicesima hereditalium fut d'abord affermée'. Nous avons la preuve certaine qu'au temps de Trajan il en était encore ainsi 8. La surveillance des publicains était sans doute confiée, au début de l'Empire, aux préfets de l'aerarium militare et aux procurateurs provinciaux 9; dans la seconde moitié du premier siècle, des procurateurs spéciaux furent créés, qui avaient la charge de contrôler la gestion des fermiers et de régler avec eux toutes les questions qui intéressaient la perception de l'impôt. Le premier en date qui nous soit connu est un affranchi de l'empereur Claudel''. A partir du règne d'Hadrien ces procurateurs reçurent pour mission, non plus de surveiller les publicains, mais de percevoir eux-mêmes les droits de succession : la gestion directe remplaça la ferme''. Parmi ces procurateurs, les uns, qui étaient les plus élevés en grade et avaient le rang de ducenarii ou tout au moins comptaient parmi les centenarii les plus importants12, étaient à la tête du bureau central de Rome. Ce sont ceux qui, dans les inscriptions, sont désignés comme procuratores AU' hereditatiurn sans aucune addition. D'autres, les procuratores XX iter Bomae 13, doivent être regardés comme chargés de lever l'impôt dans l'intérieur de la capitale. D'autres enfin fonctionnaient en Italie ou dans les provinces. En Italie, les circonscriptions de la vicesima se com posaient de plusieurs des régions d'Auguste réunies en un seul groupe de composition variable : 1° Aemilia, Liguria, Transpadana"; 2° Transpadana, Liguria, Aemilia et Venetia 14 ; 3° regio Campaniae, Apulia, Calabria16; 40 Umbria, Tuscia, Picenum, regio Campaniae J7 ; 50 Campaniaf3. En province on trouve les districts de perception suivants : Ilispania citerior 19 ; 20 Baetica et Lusitania 20; 30 il'arbonensis et A quitania 21; d° Lugdunensis, Belgica et utraque Ger mania" ; ho Pannonia atraque 23 ; Achaia 24 ; 70 Asia, Lgcia, Phrygia, Galatia, insulae Cyclades 2J ; 8° Pontus, Bithgnia, Pontus mediterraneus, Paphlagonia 26 ; 90 Syria 27 ; 100 Aegyptus 28. Au-dessous de ces procurateurs existait tout un personnel d'employés affranchis29 ou esclaves30, comme dans les autres bureaux financiers de l'administration