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VINDICATIO. Le mot vindicatio, comme celui de vindex, se rattache par son étymologie au mot vis. Il désigne les actes de violence auxquels on avait anciennement recours pour défendre sa propriété. Dans les sociétés primitives où le système de la justice privée était en vigueur, la violence était effective ; le débat sur le droit de propriété donnait lieu à une lutte entre les prétendants.
Chez les Romains, au début de l'époque historique, il n'y a plus qu'un souvenir de cet usage sous l'apparence d'un combat simulé. La vindicatio au sens étroit désigne uniquement cette phase de la procédure 1. La violence est civilis et festucaria 2; elle se manifeste, suivant des formes consacrées par le droit civil, au moyen d'un bâton ou d'une baguette (fesluca, vindicte) représentant la hasta [RASTA, VINDICTA]. Ce vestige du système de la justice privée a été écarté d'abord devant certains
tribunaux, puis d'une manière générale. Le mot vindicatio désigne alors simplement la prétention à un droit de propriété. Tel est le sens que lui donne Gaius en décrivant la forme de l'in jure cessio 3 : la vindicatio se réduit à une simple affirmation.
Vindicatio désigne aussi, et c'est là sa seconde acception, l'action qui sert à faire valoir en justice cette prétention. Gains dit même que toutes les actions réelles sont appelées vindicationes4. La vindicatio fut en effet, pendant plusieurs siècles, la forme unique d'action pour les droits réels, non seulement pour la propriété au sens antique, mais aussi pour les servitudes et pour les autres droits réels sur la chose d'autrui. Cicéron l'atteste : vindicatio per quam vis aut injuria, et omnino omne quod obfuturum est, defendendo aut ulciscendo propulsatur5. Caton l'Ancien rapporte, dans un de ses plaidoyers, l'exemple de ce juge qui se transportait toujours sur les lieux (in re praesenti), lorsqu'il avait à statuer sur une servitude d'égout des toits (siillicidium) 6.
la plus usuelle est relative à la propriété quiritaire d'un corps certain, meuble ou immeuble 7 ; c'est la rei vindicatio. La vindicatio est également admise pour une universitas facti, comme un troupeau [UNIVERSITAS, p. 600, n. 24], pour une universitas juris, comme une succession [succESSlo, p. 1560]. L'expression successionenrt vindicare se trouve fréquemment chez les jurisconsultes classiques et dans les rescrits impériaux. On l'emploie surtout lorsqu'une mère demande la succession de ses enfants en vertu du sénatus-consulte Tertullien$ ; lorsque le fisc réclame une succession devenue vacante 9 en vertu de la lex caducaria 10 [LEX, p. 1115], ou dont l'héritier est exclu comme indigne 11 ; ou bien la moitié d'un trésor trouvé dans un terrain public ou religieux 12 [THESAURUS]. La vindicatio s'applique aussi aux parts héréditaires devenues caduques en vertu des lois Julia et Papia Poppaea et qu'on attribue aux patres gratifiés par le même testament [CADUCARIAE LEGES, p. 777].
2° Aux premiers siècles de Rome, alors que la notion de propriété s'appliquait aux personnes libres alieni juris, aussi bien qu'aux choses composant le patrimoine, à une époque où l'on ne distinguait pas nettement le dominium de la patria potestas 13, la vindicatio pouvait être exercée pour un fils de famille ou pour une femme in manu, qui est Tliae loto. Cette application a persisté sous l'Empire, bien qu'il y ait désormais des procédés plus simples pour sanctionner la puissance paternelle : action préjudicielle, interdit de liberis ducendis vel exhibendis, cognitio du magistrat. La filii vindicatio ne différait de la rei vindicatio que par sa causa. Celui qui l'intentait devait mentionner cette causa dans l'énoncé de sa prétention. Il ne devait pas se contenter d'affirmer que l'enfant était à lui d'après le droit des Quirites ; il devait le revendiquer comme un fils ou affirmer qu'il était sous sa puissance d'après le
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droit romain. C'est ce qu'on appelle une vindicatio adjecta causa 1.
J° Au Bas-Empire, la vindicatio fut étendue au droit du maître d'un domaine sur les colons attachés à la terre 2 et qui sont dans une condition intermédiaire entre l'esclave et l'homme libre [coLoNus].
4° Parmi les droits qui comptent dans le patrimoine, le terme vindicatio s'applique aux droits réels civils sur la chose d'autrui, aussi bien qu'à la propriété quiritaire. II a d'abord été usité pour les servitudes rurales de passage et d'aqueduc qui, à l'origine, se confondaient avec la partie du fonds sur laquelle elles s'exerçaient. On disait : ce chemin, ce conduit est à moi Cette application de la vindicatio a persisté lorsque ces servitudes ont été classées parmi les choses incorporelles. On l'a ensuite étendue aux servitudes urbaines, puis aux servitudes personnelles qui sont de formation plus récente. L'expression servitutem vindicare est employée par Julien, Gaius, Marcellus, Papinien, Ulpien4; celle d'usumfructum vindicare par Julien, Celsus, Pomponius, Ulpien 6. Cette vindicatio était soumise, à quelques égards, à des règles différentes de celles de la revendication. Sous Justinien, les actions qui sanctionnent les servitudes forment une catégorie à part et reçoivent une dénomination spéciale : on les appelle actions confes
5° Quelques jurisconsultes emploient le mot vindicare pour exprimer la prétention à un droit réel prétorien, comme l'hypothèque. Marcien dans son livre sur la formule hypothécaire Paul dans ses Quaestiones' parlent de pignoris vindicatio [DYPOTUECA, p. 364, n. 7].
6° La tutelle légitime, qui est un droit pour les agnats et pour les patrons, peut donner lieu à une vindicatio. Cette vindicatio s'est conservée sous l'Empire, tout au moins dans la procédure gracieuse, en cas d'in jure cessio de la tutelle légitime d'une femme [cESSIO, p. 1089, n. 8; TUTELA, p. 557, n. 9].
70 Bien que l'état d'homme libre ou d'ingénu ne soit pas un droit réel, c'est une propriété non moins précieuse que celle des objets qui comptent dans le patrimoine. Cet état peut faire l'objet d'une vindicatio in libertatem ou in ingenuitatem 1 °. Mais dans le premier cas la vindicatio doit être formée par un tiers (adsertor in libertatem), car l'esclave ou celui qui passe pour tel n'est pas, en principe, admis à ester en justice 11 [SERVUS, p. 1268 ; INGENUUS, p. 5t8].
8° A plus forte raison, la vie d'un citoyen romain peutelle donner lieu à une vindicatio. Lorsqu'un testateur a été assassiné, l'héritier majeur de vingt-cinq ans est tenu de venger sa mort 12, sous peine d'être exclu de la succession comme indigne" (crimen inultae mortis). Cette vindicatio s'exerce par les voies ordinaires de la procédure criminelle. Mais le souvenir des actes de violence auxquels on avait recours, dans le système de la justice privée, pour venger le meurtre d'un parent, s'est conservé dans l'expression necem ou mortem vindicare.
La vindicatio a été également appliquée à l'accusation
d'adultère 14 qui, depuis la loi Julia de adulteriis [LEX, p. 1149, n. 10], donne lieu à une poursuite criminelle; au délit de albo corrupto [ALBUM, p. 179, n. 20], qui est une offense à la majesté du Préteur16 ; au cas où un légat municipal [LEGATUS, p. 1036 ; BEVOCATIO, p. 859, n. 30] agit en justice pour obtenir la réparation d'une injure, d'un vol ou d'un dommage qu'il a subi pendant son séjour à Rome16
9° Par extension, on appelle vindicationes certaines prétentions qui ne peuvent donner lieu à une action en justice, mais qui motivent seulement une réclamation adressée à l'autorité administrative, comme le droit d'invoquer une immunité ou un privilège ; la vacatio biennii pour ceux qui ont rempli la charge de légat d'une cité "; certains privilèges des soldats le ou des provinciaux 19 ; le droit pour un magistrat de nommer un tuteur 20.
sidérée comme action réelle, sanctionne les droits réels civils, appartenant à des citoyens romains, sur des choses susceptibles de propriété quiritaire. Elle a été étendue par des procédés divers, sous la forme d'une action fictice ou d'une action in factum, à la sanction de droits réels appartenant à des pérégrins, ou consacrés par le Préteur, ou portant sur des fonds provinciaux. On l'accorde également par faveur, comme action utile, à des personnes qui ont perdu la propriété ou qui ne l'ont pas encore acquise. Enfin, dans certains cas, l'action en revendication joue le rôle d'une action personnelle (condictio ou action pénale).
A. Action fictice en revendication. La revendication est donnée à titre d'action utile dans deux cas : aux pérégrins ou contre les pérégrins ; aux possesseurs en voie d'usucaper.
1° L'action en revendication, modifiée par une fiction, sanctionne, sous le Haut-Empire, la propriété des pérégrins. Gaius dit, en effet, qu'on donne fictivement la qualité de citoyen romain à un pérégrin, lorsqu'il est juste d'étendre à ce pérégrin le bénéfice d'une action créée pour les citoyens romains. Réciproquement on accorde une action fictice en revendication contre le citoyen romain qui a perdu cette qualité à titre de peine et qui est devenu pérégrin: l'action est donnée contre lui « comme s'il n'était pas au nombre des déditices
2° Une action en revendication fictice est promise par l'Édit prétorien au possesseur en voie d'usucaper [USUCArIo, p. 605]. Ce possesseur est protégé par une action créée par le préteur Publicius ad exemplum vindicationis. L'acquéreur qui a perdu la possession peut la réclamer avant d'avoir achevé d'usucaper. On suppose accomplie l'usucapion simplement commencée : fzngitur rem usucepisse ; on autorise le possesseur à revendiquer la chose, comme s'il en était déjà devenu propriétaire quiritaire [PUBLICIANA ACTIO, p. 753].
B. Action en revendication in factum. 10 L'usage de la revendication pour protéger les possesseurs des fonds provinciaux est attesté nettement par Frontin L1
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vindicant inter se non minus fines ex aequo ac si privatorum agrorum. Ce témoignage est confirmé par deux rescrits de Dioclétien' et par une constitution de Justinien 2. La formule ordinaire de l'action en revendication devait être modifiée, car les fonds provinciaux ne comportent pas la propriété quiritaire. Elle était sans doute rédigée in factum ; le droit du possesseur devait être caractérisé par l'expression habere possidere frui licere, qui figure dans la loi agraire de 643.
20 Le droit de superficie et le droit sur l'ager vectigalis ont été sanctionnés par le Préteur au moyen d'une action réelle modelée sur la revendication et sans doute aussi rédigée in factum [SUPERFICIES, AGER VECTIGALIS]. Il en fut de même au Bas-Empire de l'emphytéose [EMrnYTEOSIS] : l'action réelle n'est mentionnée pour ce droit que dans la rubrique d'un titre du Digeste.
C. Action utile en revendication. La revendication est accordée, à titre d'action utile, à certaines personnes qui ont perdu la propriété d'une chose sans leur volonté. Tel est le cas du propriétaire d'une tabula sur laquelle un tiers a peint un portrait. L'artiste devient propriétaire du tableau, mais l'ex-propriétaire de la tabula peut exercer contre lui une action utile en revendication, à charge d'indemniser l'artiste de son travail, sinon celui-ci, s'il possède de bonne foi, écartera sa demande par une exception de dol. Cette solution, indiquée par Gaius mais repoussée par Paul 4, a été consacrée par Justinien 6.
De même si un arbre, transplanté dans le champ d'autrui, y a pris racine, l'arbre appartient désormais au propriétaire du terrain ; mais l'ex-propriétaire a une action utile en revendication 6. De même encore, si un mari donne de la laine à sa femme pour se faire un vêtement, le vêtement devient la propriété de la femme, mais le mari donateur a contre elle une revendication utile', car les donations entre époux sont prohibées [DONATIO, p. 384].
La revendication utile est également accordée aux mineurs a, aux femmes aux soldatsf0, lorsque le tuteur ou curateur, le mari, le mandataire a acheté une chose avec leur argent et devient insolvable. L'action en revendication leur fournit le moyen d'être payés de préférence aux autres créanciers, tout au moins de faire entrer la chose dans le patrimoine de la personne que la loi a voulu protéger. Cette décision de faveur est écrite dans divers textes qui paraissent interpolés ; elle exprime en tout cas l'état du droit sous Justinien.
Il en est vraisemblablement de même de l'action utile en revendication accordée au donateur sub modo, lorsque le donataire n'exécute pas la charge qui lui a été imposée" [MODUS, p. 1959, n. 21] ; au donateur à cause de mort qui a révoqué sa donation 12.
Ces actions utiles n'ont rien de commun avec l'action en revendication qu'un cessionnaire de droit réel exerce utiliter sans mandat 13 [PROCURATOR].
D. Action en revendication tenant lieu de condictio. Régulièrement la revendication a pour but de faire reconnaître le droit de propriété du demandeur et, par voie de conséquence, de lui faire restituer la chose qui lui appartient. Elle sert aussi à prévenir un enrichisse
ment injuste en obligeant le défendeur à restituer tout ce qu'il a acquis à l'occasion de la chose ; elle fait ici fonction de condictio. En donnant au juge de l'action réelle le pouvoir de statuer sur cette question, on a voulu simplifier la procédure en dispensant le demandeur d'exercer deux actions distinctes, la revendication et la condictio.
E. Action en revendication tenant lieu d'une action pénale. Il y a deux cas où la revendication remplace l'action de dol : contre celui qui s'est offert au procès ; contre celui qui par dol a cessé de posséder. Ces deux cas seront expliqués à propos des pouvoirs du juge de l'action en revendication. La substitution de la revendication à l'action de dol a pour effet, non pas seulement de simplifier la procédure, mais aussi d'assurer au demandeur les avantages qu'une action rei persecutoria présente par rapport à une action pénale, et de lui procurer une indemnité fixée par lui sous la foi du serment.
III. PROCÉDURE DE LA REVENDICATION. L'action de la loi par serment a été pendant longtemps la seule procédure usitée in jure pour la vindicatio. Au dernier siècle de la République et sous l'Empire, il y a deux autres modes de procéder : par une sponsio ou par une formule pétitoire 14. Au Bas-Empire, il n'y a plus ni action de la loi, ni sponsio, ni formule : la vindicatio, comme toute autre action, est directement soumise au magistrat qui juge lui-même ou, s'il est trop occupé, confie à un délégué l'instruction et le jugement du procès : c'est la procédure extra ordinem.
On n'a pas à exposer ici les modes d'introduction de l'instance en revendication aux diverses époques. Il suffit de renvoyer aux articles sur l'in jus vocatio [sus, p. 743], la denunciatio [DENUNÇIÀTIO, p. 102, n. 4], le libelle [LIBELLUS, p. 1175, D. 6].
Io Action de la loi per sacramentum. Les formes de cette procédure, lorsqu'elle a lieu in rem, ce qui est le cas de la revendication, ont été décrites au mot SACRAMENTUM [p. 952]. Pour apprécier les différences qui la séparent des procédures per sponsionem ou par formule pétitoire, il convient de rappeler que c'est une procédure bilatérale. Chacune des parties, saisissant à son tour la chose litigieuse, pose sa baguette sur elle, puis sur son adversaire, en affirmant son droit[VINDICTA]. C'est la manus consertio, le combat simulé qui prend fin sur l'ordre du préteur de lâcher l'objet. Alors celui qui a le premier revendiqué interroge son adversaire et le somme de dire pourquoi il a fait la vindicatio. Celui-ei se bornant à répondre qu'il a usé de son droit, le préteur invite les parties à recourir au serment, dont le montant est promis par les praedes sacramenti. La somme de 500 as ou de 50 as, suivant que la valeur du litige est supérieure ou inférieure à 1000 as, sera payée à titre de peine par les cautions de celui dont le serment sera déclaré injuste. Le magistrat procède ensuite à l'attribution des vindicine [vINmCIAE], et à la réception des praedes titis et vindiciarum qui garantissent la restitution de la chose et des fruits, si le sacramentum du possesseur intérimaire est déclaré injustum. La procédure se termine par l'institution d'un juge. La comparution
11 Dioclétien, Cod. Just. VII, 54, 3 ; Valérien Gallien, eod. 1. 12 Ulpiau.
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des parties est garantie par un vadimonium [vADIn1oruuiu, p. 618]. Le juge une fois nommé, les parties se donnent rendez-vous au surlendemain (dies comperindinus), pour se présenter devant lui. Enfin l'on procède
à la litis contestatio [LITIS CONTESTATIO, p. 1271].
L'action de la loi par serment a été maintenue sous l'Empire pour les procès soumis au jugement des centumvirs [CENTUnIVIRI] ; elle s'accomplissait comme autrefois devant le Préteur urbain, ou à défaut devant le Préteur pérégrin 1. On a prétendu cependant que, sous l'Empire, l'action de la loi par serment n'avait plus lieu in rem. On procédait, dit-on, per sponsionem; le montant de cette sponsio, fixé ici à 125 sesterces en raison de la loi Crepereia [LEX, p. 1142, n. 19], donnait lieu à l'action de la loi par serment in personam. La sponsio était unilatérale et préjudicielle comme dans la procédure per sponsionem qui va être décrite. Mais cette assertion, fondée en apparence sur un passage de Gaius 2, est en opposition avec le témoignage d'Aulu-Gelle' qui atteste la persistance de la manus consertio et du débat sur les vindiciae. Ce sont là des éléments caractéristiques de l'action de la loi exercée in rem. Même au me siècle de notre ère, au temps des Sévères, l'emploi de la vindicta, qui caractérise la manus consertio, a été conservé dans l'affranchissement qui a lieu dans la forme d'un procès en revendication : ce n'est pas seulement l'adsertor in libertatem, c'est-à-dire le revendiquant, c'est aussi le maître de l'esclave qui fait usage de la baguette a. [vINDIGTA]. Le texte cité de Gaius prouve simplement qu'une modification a été introduite dans la procédure de l'action par serment, mais il n'en précise pas la nature.
La compétence des centumvirs pour juger les vindicationes paraît avoir été générale sous l'Empire 5 ; Gaius ne fait aucune réserve o. Elle n'excluait pas celle de l'unus judex ; les parties devaient choisir. A défaut d'accord, le demandeur pouvait sans doute requérir, sous le contrôle du magistrat, le renvoi de l'affaire au tribunal des centumvirs. C'est ainsi qu'on s'explique que, pour certaines affaires, telles que la plainte d'inofficiosité, la compétence des centumvirs soit considérée comme normale et que leurs jugements aient fait jurisprudence. Le renvoi aux centumvirs paraît avoir été écarté pour les vindicationes, lorsque la valeur du litige était inférieure à cent mille sesterces. Le jurisconsulte Paul ' signale en matière de succession un praejudicium ainsi conçu : an ea res major sit centum millibus sestertiis [PRAEJUDIC1UM, p. 623]. On a conjecturé qu'il trouvait ici son application.
2° Procédure per sponsionem. Cette procédure coexistait avec la précédente dès le temps de Cicéron s ; elle a persisté à l'époque classique, aux lie et nie siècles de notre ère 9. Elle est bien moins compliquée que l'action de la loi par serment : le revendiquant stipule de son adversaire 25 sesterces pour le cas où il démontrerait qu'il est propriétaire quiritaire de la chose litigieuse : Si homo quo de agitur ex jure Quiritium meus est, sestertios XXV nummos dare spondes ? Puis
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il demande au préteur une formule certae pecuniae pour faire statuer sur la sponsio 10
Cette sponsio n'a lieu que pour la forme : c'est un moyen de faire juger indirectement qui est propriétaire. La stipulation est préjudicielle et non pénale. Les 25 sesterces ne sont pas exigés du perdant" ; c'est un nouvel avantage sur le sacramentum. En voici un autre : on peut se faire représenter en justice par un cognitor ou par un procuralor, tandis que, pour l'action per sacramentum, on doit observer la règle qui défend d'exercer une action de la loi au nom d'autrui [LEGIS ACTIO, p. 1094, n. 14]. Cette règle subsistait au 111e siècle de notre èret2.
La différence essentielle entre les deux modes de procéder, c'est que la procédure per sponsionem est unilatérale. Il n'y a pas de combat simulé, ni de prétention réciproque à la propriété. Seul le revendiquant affirme son droit; seul il a la charge de la preuve.
L'exécution de la sentence est d'ailleurs assurée, comme dans l'action de la loi, par des cautions. Mais ces cautions ne sont plus des praedes : ce sont des adpromissores [INTERCESSIO,,p. 551]. Le revendiquant stipule du défendeur et des cautions une somme égale à la litis aestimatio pour le cas où son adversaire, ayant succombé, ne restituerait pas la chose et les accessoires. Cette stipulation, distincte de celle des 25 sesterces, est appelée pro praede litis et vindiciarum, parce qu'elle a un objet analogue à celui de l'obligation des praedes litis et vindiciarum de l'action de la loi par serment in rem 13 [vINDICIAE]. Une clause spéciale oblige le défendeur et les cautions à payer le double de l'estimation, à défaut de restitution des fruits 14
3o Procédure par formule pétitoire. Ce troisième mode de procéder n'a de commun avec le précédent que son caractère unilatéral. Introduite vers la fin de la République dans les provinces pour les procès entre citoyens et pérégrins 13, la procédure par formule pétitoire a reçu bientôt après une large application 16 ; elle a été fréquemment appliquée, même à Rome, aux procès entre citoyens, lorsque les parties ne pouvaient pas, en raison de la valeur du litige, plaider devant les centumvirs ; vraisemblablement aussi lorsque le défendeur, dès sa comparution devant le magistrat, demandait une formule arbitraire. Dans les régions où la procédure formulaire a été remplacée par la procédure extraordinaire, les magistrats se sont inspirés dans leurs jugements des règles suivies par les juges de l'action pétitoire.
La procédure par formule pétitoire se distingue des deux précédentes en ce que la question de propriété est directement soumise à l'examen du juge : Si parer hominem ex jure Quiritium Auli Agerii esse. D'autre part ce juge a reçu des pouvoirs de plus en plus étendus, pour tenir compte des rapports que la possession temporaire de la chose peut faire naître au profit ou à la charge du défendeur. Enfin l'instruction écrite, délivrée par le magistrat, contient la clause arbitraire qui autorise le juge à ne prononcer de condamnation que si le défendeur ne restitue pas la chose et ses accessoires.
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L'exécution de la sentence est assurée par la satisdation judicatum solvi. Les trois clauses qu'elle renferme ont été décrites à l'article CAUTIO, p. 979, n. 106.
4° Procédure extraordinaire. Sous le Bas-Empire, où la procédure extra ordinein est seule en vigueur, les règles établies par le droit classique pour la procédure par formule pétitoire ont été maintenues et, à certains égards, élargies. Le juge, qui est désormais le magistrat lui-même ou son délégué, a un pouvoir qui n'appartient pas au juge, simple citoyen : la sentence rendue par lui est exécutoire par la force publique'. Si le défendeur ne peut restituer la chose, il doit en payer la valeur, calculée d'après l'intérêt du demandeur; s'il a cessé par dol de la posséder, il sera condamné à une somme que le défendeur fixera lui-même sous la foi du serment.
Empire, les parties au procès sont, en règle générale : d'une part, le propriétaire qui a perdu la possession; d'autre part, le possesseur actuel de la chose.
1s La question de savoir si le propriétaire, qui n'a plus la chose, en a perdu la possession se résout d'après les règles sur la possession [POSSESSIO, p. 603]. Le propriétaire n'a pas intérêt à revendiquer, lorsqu'il peut exercer soit un interdit récupératoire, soit un interdit conservatoire 2.
Le propriétaire doit désigner d'une façon précise la chose litigieuse, et déclarer s'il la revendique en totalité ou pour partie 3. Dans ce dernier cas, il doit indiquer l'étendue de sa part, afin d'éviter de perdre son procès pour cause de plus petitio'. S'il a une juste cause d'ignorer la part qui lui appartient, comme c'est le cas d'un légataire soumis éventuellement à l'application de la loi Falcidie, il doit avoir soin de faire une vindicatio incertae partis 5.
La revendication n'est pas possible pour les choses qui ont perdu leur individualité par suite de leur incorporation à une autre : Extinctae res vindicari non possunt G. Si plus tard l'incorporation cesse, par exemple, si la maison construite avec les matériaux d'àutrui est démolie par cas fortuit, le propriétaire des matériaux peut les revendiquer contre le constructeur de mauvaise foi 7.
20 La revendication se donne contre celui qui possède
la choses lors de la titis contestatio [LITIS CONTESTATIO,
p. 1272]. Pour ne pas s'exposer à un échec, le revendiquant doit, lorsqu'il y a doute, faire usage de l'interrogatio in jure 9 [Jus, p. 744]. Il faut.ensuite que le défendeur consente à plaider10. Pas de difficulté s'il rend la chose litigieuse : il n'y a pas de procès; mais s'il refuse, le revendiquant sollicitera l'interdit quem fundum pour se faire transférer la possession, s'il s'agit d'un immeuble ". Les rôles seront alors intervertis : le demandeur originaire, devenu possesseur, sera déchargé du fardeau de la preuve, si l'ex-défendeur exerce contre lui la revendication.
Lorsqu'il s'agit d'un meuble, le revendiquant se fait
autoriser par le magistrat à l'emmener ou à le prendre (duci vel Ferri jubere) i2. Le défendeur qui cache l'objet est tenu de l'action ad exhibendum13. Si le meuble est usucapé après la titis contestatio, le juge de cette action n'absoudra pas le défendeur, à moins que celui-ci ne consente à ce qu'on antidate l'intentio de l'action en revendication. C'est ce qu'on appelle la vindicatio repetita die"
Le défendeur, qui entend conserver durant le procès l'avantage de la possession, doit fournir la caution judicature suivi [JUDICATuM, p. 643, n. 18-20]. S'il refuse, on l'oblige à transférer la possession au demandeur, lorsque celui-ci offre de donner caution. Dans le cas contraire, on laisse la chose au défendeur, ou on la remet à un
Pour prévenir des abus, la revendication est permise depuis Constantin, en matière immobilière, contre un simple détenteur, à moins qu'il n'indique le nom du possesseur (auctoris laudalio). Si celui-ci refuse de défendre au procès, le magistrat peut, après enquête, autoriser le revendiquant à se mettre en possession de l'immeuble16. Justinien a étendu aux meubles la nouvelle règle. Désormais la revendication se donne contre un simple détenteur, pourvu qu'il ait la faculté de restituer'7.
Par exception, il y a deux cas où la revendication se donne contre un non-possesseur, en raison d'un dol dont il s'est rendu coupable. Le non-possesseur qui sciemment s'est présenté comme possesseur (qui titi se obtulit), en vue de permettre au vrai possesseur d'achever d'usucaper, est tenu de réparer le dol causé au revendiquant 1B. Le possesseur, qui par dol a cessé de posséder avant que le procès ne soit engagé, celui par exemple qui a détruit ou abandonné la chose ou en a transféré la possession à un tiers, est considéré comme étant encore en possession 's : dolus pro possessione est20. Il est tenu de réparer le tort causé au demandeur. La revendication joue ici le rôle d'une action pénale. Elle tient lieu, sous Justinien, de l'action de dol accordée par le droit classique 21, ou de l'action ex stipulatu, lorsque le défendeur avait promis de s'abstenir de tout dol, en fournissant la satisdation pro praede litis et vindiciarum ou judicatum solvi".
L'Édit prétorien a créé une action spéciale in factum contre celui qui, par dol, aliène une chose judicii mutandi causa, pour rendre la poursuite plus difficile 23. Cette action faisait obtenir au demandeur la réparation du préjudice causé. Le revendiquant pouvait aussi demander au magistrat de tenir l'aliénation pour non avenue et de lui restituer son action contre le précédent possesseur2'. Sous Justinien, la restitution n'est plus mentionnée; l'action in factum a seule été conservée.
a deux points à vérifier : d'abord si le demandeur est en mesure de prouver qu'il est propriétaire, puis si le défendeur possède et s'il a des exceptions à faire
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valoir contre la poursuite dirigée contre lui 1.
Le demandeur doit établir comment il a acquis la chose : par un mode originaire (occupation d'une res nullius, accession) ou dérivé. Dans le second cas, il doit prouver, non seulement qu'il a acquis la chose en vertu d'un titre régulier (vente, échange, donation) et par un mode approprié (mancipation, tradition) 2, mais aussi que son auteur était propriétaire, ainsi que les auteurs de son auteur. Cette preuve serait très difficile, si l'on n'avait le moyen de la simplifier, en invoquant l'usucapion 3 [usucAPIO, p. 60h].
Le défendeur doit posséder la chose lorsque le procès est engagé [uns CONTESTATIO], car c'est à ce moment que le juge doit se placer pour savoir si le défendeur doit être condamné. Le défendeur doit posséder encore la chose lors du jugement' ; s'il a perdu la possession sans dol ni faute, il sera absous. Justinien a modifié la règle sur la possession du défendeur; il n'exige la possession qu'au jour du jugement.
Le défendeur peut écarter la poursuite dirigée contre lui en invoquant un droit réel sur la chose (usufruit, hypothèque), ou une convention conclue avec le demandeur (vente, donation) 3. C'est à lui de faire la preuve des faits qu'il allègue : reus in exceptione actor est 6.
Le juge peut aussi imposer au défendeur diverses prestations, qui, en certains cas, varient suivant que le défendeur est de bonne ou de mauvaise foi.
Tout possesseur doit restituer ce qu'il a acquis à l'occasion de la chose notamment les fruits perçus ou qu'il aurait pu percevoir depuis la litis contestatio s. Il est responsable de la perte ou de la détérioration causée par sa faute 9, et même des cas fortuits d'après les Proculiens 1°
Le possesseur de mauvaise foi est seul responsable des cas fortuits11, suivant les Sabiniens, dont l'opinion a été consacrée par Justinien, à moins qu'il ne prouve que la chose aurait également péri chez le demandeur 12 Celui-ci peut d'ailleurs établir qu'il aurait évité la perte' en vendant la chose 13. Le possesseur de mauvaise foi doit rendre les fruits perçus avant la litis contestatio, ou leur valeur : à l'époque classique, le propriétaire avait contre lui, de ce chef, une condictio fondée sur un enrichissement injuste i4. Il peut aussi, sous le Bas-Empiref 5, lui demander compte des fruits qu'il aurait dû percevoir, mais la peine du double établie pour ce cas par Valentinien 16 a été réduite au simple par Justinien 17. Le possesseur de bonne foi, au contraire, n'est tenu à cette époque de rendre les fruits perçus avant la litis contestatio que s'ils n'ont pas été consommési°. D'après le droit classique, il en acquérait la propriété par la sépara
tion 19.
Le défendeur a, de son côté, le droit de se faire tenir
compte des impenses nécessaires 20, c'est-à-dire de celles qu'il a faites pour la conservation de la chose. II le fait valoir par voie de rétention ou par une exception de dol21. Il a le même droit pour les impenses utiles ou d'amélioration, à deux conditions : qu'il soit de bonne foi, que l'amélioration subsiste lors du jugement ou de la restitution. Ce droit est d'ailleurs ici restreint à la plus-value donnée à la chose, sans qu'il puisse être supérieur au montant de la dépense22. Pour les impenses de luxe ou de simple agrément, celles qu'on appelle voluptuaires, le défendeur n'a droit à aucune indemnité. Justinien autorise seulement le possesseur, même de mauvaise foi, à enlever tout ce qui a quelque valeur et qui peut être retiré sans détériorer la chose 23