Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

VIVARIUM

VIVARIUM (Zuypaiov, Opto o3flïo). Parc et toute espèce d'enclos où l'on entretient vivants des animaux sauvages. Jusqu'au temps des guerres Puniques les Romains ne connurent pas autre chose dans ce genre que la garenne, si bien que le mot LEPORAR1UM resta encore en usage par la suite avec un sens beaucoup plus étendu, quand on eut enfermé avec les lièvres d'autres V~~ 95i3 VIV espèces animales ; Varron appelle leporarium un parc où l'on élève non seulement des quadrupèdes, mais des escargots et des abeilles, bref toutes les espèces sauvages, à l'exception des oiseaux et des poissons, auxquels sont destinés la volière (ornithon) et la piscine (piscina)' . Vivarium, formé à l'imitation du grec ;wyoetov, remplaça leporarium au temps d'Auguste dans ce sens large et s'appliqua même à la piscine, que la langue française désigne proprement sous le nom de vivier 2. Il a été question ailleurs des lièvres et des lapins [LEPORARIUM], des loirs [GLIIARIUAI], des escargots [cocuLEARIUM] et des abeilles [APES, MEL] ; nous parlerons seulement ici des parcs faits pour le gros gibier, et de la piscine. I. Cefutunpropriétairenommé Q. Fulvius Lippinus, contemporain de Cicéron, qui eut le premier l'idée d'établir, dans de vastes proportions, un parc pour le gros gibier. Sur un domaine qu'il possédait aux environs de Tarquinies il préleva un terrain de quarante arpents (10hectares), qu'il fit entourer d'une clôture, et il y enferma des sangliers, des cerfs, des chevreuils et des mouflons (oves ferae) ; un autre parc plus grand encore se voyait à Statonia3. L'exemple fut bientôt suivi par les personnages les plus distingués de la société romaine, notamment par Lucullus et Hortensius'. Varron rapporte lui-même que, dans sa propriété de Tusculum, les sangliers et les chevreuils se rassemblaient au son de la trompe, à heure fixe, pour prendre leur nourriture, tandis que du haut d'une palestre on jetait aux uns du gland et aux autres de la vesce. Hortensius avait sur le territoire de Laurente un bois de plus de cinquante arpents (12 hectares), entouré de murs; au milieu, sur un tertre, s'élevait un pavillon; il y invita un jour des amis à dîner ; pendant le repas ils virent arriver un serviteur costumé en Orphée, en robe longue et la cithare à la main. Sur un signal, il se mit à sonner de la trompe et aussitôt accourut autour des convives une multitude de bêtes sauvages5. Malgré cette mise en scène, le parc d'Ilortensius était, comme les autres, une réserve de chasses ; déjà au temps de Varron on citait comme une des plus remarquables celle qu'un grand propriétaire avait organisée en Gaulez. Souvent aussi les animaux réunis dans ces enceintes y étaient engraissés pour la vente ; le vivarium ajoutait aux revenus du domaine; Columelle range parmi leurs hôtes ordinaires les daims (Jarnac) et les gazelles (oryges) 8. Un parc, pour répondre à sa destination, devait être parfaitement clos et par conséquent entouré de tous côtés, autant que possible, de hautes murailles en pierre bien crépies, pour tenir à distance les animaux nuisibles, particulièrement les loups Si on trouvait la dépense trop forte, on remplaçait la pierre par de la brique crue, liée avec un mortier de terre, ou encore par une palissade formée de pieux solides [VACERRA], espacés entre eux de 8 pieds (2 ru. 710), et sur lesquels on fixait des perches (amites) transversales, aussi serrées qu'il en était besoin, ou bien des planches de chêne 10 ; d'où le nom de roborariunz, donné primitivement à ces enclos, avant qu'on en eût trouvé un autre. On amenait l'eau dans des bassins (lama) en mosaïque grossière dite opus signinum [musivus oPUS, p. 2093]. Les meilleurs emplacements étaient ceux qu'on choisissait en pleines forêts, sous des arbres qui pouvaient fournir aux animaux leur nourriture, tels que les chênes. Mais, dans la mauvaise saison surtout, le gardien (custos vivarii) était chargé de leur apporter de l'orge, du blé, des fèves, du marc de raisin, des herbes potagères, etc. Il devait aussi veiller sur la reproduction et sur la vente 11. Une des causes qui contribuèrent le plus au développement rapide des vivaria fut la coutume des chasses offertes en spectacle aux populations des villes à partir de l'an 186 av. J.-C. [VEIVATIO]. Les organisateurs de ces jeux publics éprouvèrent bientôt le besoin d'avoir sans cesse à leur disposition non seulement du gibier commun, depuis le lièvre jusqu'au sanglier, mais encore des animaux féroces capturés dans les contrées les plus lointaines ; delà un commerce dont les ménageries furent un des principaux organes. Elles étaient nécessaires aussi pour satisfaire au goût qui, depuis la fin de la République, portait les riches particuliers à s'entourer d'animaux rares; on recherchait même les espèces féroces, soit par curiosité, soit par caprice, pour se faire une réputation d'originalité ou pour se donner le plaisir d'apprivoiser et de domestiquer ces hôtes redoutables [BESTIAE MANSUETAE, CICURES] t2. L'idée d'entretenir des animaux exotiques est venue à Rome de l'Asie et de l'Afrique. Les rois et les grands seigneurs de la Perse avaient eu de tout temps dans leurs parcs (7r«po.ôataot) des enceintes immenses où l'on rassemblait des bêtes sauvages ; un des plus magnifiques était celui que Xerxès possédait près de Celaenae en Phrygie, dans les dépendances d'un de ses palais; il était traversé par le Méandre ; Cyrus le Jeune y chassa à cheval13. Alexandre trouva dans la Sogdiane, aux environs de Samarkand (an 327), un de ces enclos où les fauves pullulaient depuis de longues générations ; les maîtres du lieu y avaient élevé des pavillons de chasse en forme de tours, au milieu d'une forêt qu'ils avaient entourée d'un mur; le conquérant macédonien y abattit un lion énorme de sa propre main; quatre mille pièces de gibier y furent tuées par ses troupes ". Ces traditions restèrent vivaces en Perse sous toutes les dominations jusqu'à la fin des temps antiques; en l'an 363 de notre ère, l'armée de Julien, ayant pénétré entre Ctésiphon et Séleucie, força les portes et l'enceinte [LoJucA] d'un parc royal, où elle fit tomber sous ses coups des lions et des ours « destinés aux plaisirs du souverain 13 ». La chasse dans le parc n'excluait pas d'ailleurs la chasse en pleins champs ; mais par la première la jeunesse se préparait à la seconde". En Égypte, Ptolémée II Philadelphe avait fondé au bord de la mer Rouge une ville appelée Ptolémaïs 1pithèras, VIV 959 VIV tout exprès pour y rassembler les animaux sauvages capturés pour lui en Éthiopie, particulièrement les éléphants ; ils étaient parqués dans une presqu'île dont on avait fait une île à l'aide d'un fossé et qu'on avait entourée de murs de tous côtés [VENATIO, p. 689-690]'. A nome les empereurs établirent un vivarium ([itxotov) pour les besoins du Colisée, et probablement à la même époque ; il était situé à l'Est, dans laye région de la ville, contre le mur d'Aurélien qui le limitait du côté de l'extérieur'. On a cru quelquefois, d'après des indices douteux3, qu'il touchait au Camp des Prétoriens [PRAETORIAE COHORTES, fig. 5783]4; M. IIaisen 6 le place entre l'Amphitheatrum castrense et la porte Prénestine (auj. portaMaggiore), sur le bord de la Voie Labicane 6. La surveillance était confiée à des gardiens (custodes), pris sans doute parmi les venatores des cohortes prétoriennes et urbaines, ou au moins en rapport avec eux [VENATOR]7. Il est possible que l'administration appartînt au procurator du Ludus matutinus [VENATIO] ; mais il semble que la place de l'adjutor ad feras 6 fùt plutôt au Vivarium. Les herbivores formaient une section particulière, qui avait pour chef le praepositus herbariarum 9. Un historien nous a conservé l'inventaire des animaux que renfermait, sous Gordien III10 (238-244 ap. J.-C.), la ménagerie impériale de Rome ; il se décompose ainsi : Éléphants (dont 12 envoyés par Gordien lui même et 10 par Alexandre Sévère) 32 Élans 10 Tigres 10 Lions domptés 60 Léopards domptés 30 Hyènes 10 Hippopotames 6 Rhinocéros 1 Lions dits arcoleontes (?) 11 10 Girafes IO Onagres 20 Chevaux sauvages 40 Total 239 Mais l'historien assure que ce chiffre 239 est encore bien au-dessous de la réalité et qu'il faudrait ajouter d'autres espèces dont il ne parle pas. Philippe, successeur de Gordien, évidemment soucieux d'économiser sur l'entretien, donna tous ces animaux ou les fit tuer dans les Jeux séculaires de l'an 248. Il y a eu assurément d'autres ménageries à nome à diverses époques, par exemple dans l'arsenal du Champ de Mars [NAVALIA], où l'on devait débarquer les animaux au moment de leur arrivée par le Tibre 12. La ménagerie installée par Néron 1 Strab. XVI, p. 770. Sur les ménageries de l'Orient v. surtout Loisel, Hist. 5 En se fondant surtout sur Procope 1. c. 6 Jordan-nülsen, Topogr. d. inscr. lat., 1. e. (sur les Fonctions du custos)v. Colum. IX, 1). 8 Ibid. 10208. 9 Ibid. 10209. Affranchi impérial, comme le précédent. 10 Hist. Aug. £t Leçon et explication douteuses. Sans doute des lions non domptés par opposition à ceux qui précèdent. Scaliger a conjecturé agrioleontes. 12 C'est ainsi qu'il faut entendre Plin. Nat. hist. XXXVI, 40. Gilbert, Topogr. n. 45. Cf. YENAno, p. 706, co.. 2, où il faut corriger dans ce sens l'interprétation erronée du texte de Pline. 13 Suet. Nero, 31, 1. 14 D'après le nom médiéval dans sa fameuse Maison d'Or 13 ne lui survécut pas. Mais peut-être y a-t-il lieu de distinguer du vivarium de la porte Prénestine un autre vivarium qui aurait été contigu au Camp des Prétoriens ". Le nom de Vivaro, fréquent dans les environs de Rome, y perpétue le souvenir d'établissements semblables16; car beaucoup de particuliers, qui aimaient élever des bêtes (OriptoTposmty) 16 pour se donner le plaisir de grandes chasses, imitaient les installations luxueuses de l'empereur et c'était souvent dans les parcs eux-mêmes que les animaux étaient poursuivis et tués 1". Il ne faut pas oublier que ces troupeaux sauvages, rassemblés de tous côtés avec tant de peine, ont beaucoup contribué aux progrès de la zoologie à partir du temps d'Alexandre. D'après une tradition très vraisemblable, le conquérant, ayant confié à Aristote le soin d'organiser l'étude de cette science, mit à sa disposition, en Grèce et en Asie, plusieurs milliers d'hommes, pourvoyeurs -ou gardiens de ménageries ; c'est avec leur aide qu'Aristote réunit les matériaux de l'Histoire des animaux, continuée par ses disciples et résumée par Pline l'Ancien dans le livre VIli de son Histoire naturelle l3 II. Les viviers (ijluoTpouEta, piscinae, vivaria piscium) étaient encore peu connus des Athéniens au temps de Platon ; c'était alors en Égypte, sur les bords du Nil, que l'on pratiquait en grand la pisciculture (170ûwv T10xcE(x) ; les étangs royaux (13xat),Ixzi a(!.t,v«t) qui y étaient affectés peilvent être considérés comme ayant servi de modèles aux âges postérieurs 19. On commença en Grèce par les réservoirs (lo rN.Evx(, l7/E),EwvEç) dans lesquels les éleveurs d'anguilles (i'(7EXuoTp(lyot) favorisaient la multiplication de ces animaux très recherchés [MARIA, p. 1163, col. 2] ; ils étaient sans doute établis sur les bords du lac Copaïs, en Béotie, et du Strymon, en Thrace 20. Mais déjà on avait fait beaucoup mieux en Sicile dès le commencement du ve siècle: les Agrigentins avaient construit une piscine (xoXup.MOpx) qui mesurait sept stades (1295 mètres) de tour et vingt coudées (9 m. 24) de profondeur; ils y conduisirent les eaux des rivières voisines et y rassemblèrent une grande quantité de poissons pour alimenter le luxe de leurs tables; ce bel ouvrage, faute d'entretien, disparut par la suite". Les Romains n'eurent qu'à suivre ces exemples de l'étranger": à une époque qu'on peut supposer être le ne siècle av. J.-C., on eut l'idée d'établir des parcs d'élevage dans les lacs de l'Ombrie et de la Toscane, lacs de Rieti, de Bracciano, de Bolsène et de Vico, et on essaya même d'y multiplier certaines espèces marines 23. Mais au temps de Cicéron on commenta à dédaigner les méthodes primitives; on ne voulut plus entendre parler que de poissons de mer et 27 ; Tertull. Ad mart.; Chrysost. Homil. in Matth. 60. -17 Amen. Marcell. XXVIII, inscr. lat. X, 441, 1. 24-25. Vivarium près de l'amphithéâtre de Cologne : Corp. inscr. lat. XIII, 8174, avec une clôture élevée par un centurion de la légion VI; continuateurs d'Aristote v. Susemihl, Gesch. de gr. Litt. in d. Ale.xandrinerzeit, Vivier en bois et en plomb à bord du fameux navire de Hiéron Il : Allen. V, p. 208 a. VIV 960 VIV on ne s'intéressa plus qu'aux viviers d'eau salée (piscinae salsae, amarae) ; tandis que les poissons d'eau douce (aqua dulcis) étaient abandonnés aux petites gens', les plus riches personnages de Rome rivalisaient de prodigalité et d'industrie pour créer en mer, notamment sur la côte de la Campanie, des parcs spacieux dans lesquels leur gourmandise trouvât à toute heure de quoi se satisfaire ; ce fut une véritable passion. Le premier qui en donna l'exemple, vers l'an 90 av. J.-C., fut Licinius surnommé Murena du nom d'un poisson dont il était friande; puis vinrent Sergius Orata (aurata, dorade), les fameux avocats Marcius Philippus et Hortensius, Ilirrius, Lucullus, etc. Ils formaient la pléiade de ceux que Cicéron appelait par dérision les piscinarii 3. Aux yeux des gens sages et des spéculateurs, ces établissements avaient le grand tort de coûter beaucoup plus qu'ils ne rapportaient', et en effet les frais d'exploitation étaient énormes. Lucullus avait fait percer une montagne près de Baïes, pour amener dans ses parcs l'eau de la mer par un canal souterrain. Ces amateurs qui s'imposaient de si lourds sacrifices n'étaient même pas toujours des gourmets; il y avait aussi parmi eux des curieux et des dilettantes à qui rien ne coûtait pour s'instruire, pour satisfaire un caprice ou se signaler par une originalité ; Hortensius ne touchait point aux poissons enfermés dans ses viviers de Baules; il envoyait acheter à Pouzzoles ceux qu'on servait sur sa table. Cet engouement ne cessa point sous l'Empire; Védius Pollion, ami d'Auguste, jetait à ses lamproies les esclaves coupables qu'il avait condamnés à mort Antonia, femme de Drusus, fit mettre des anneaux aux ouïes d'une lamproie favorite Au premier siècle, les viviers bien pourvus étaient devenus communs partout' ; on en exploitait sur la côte de la Narbonnaise aussi bien qu'en Phénicie 6. Ceux des empereurs (vivaria Caesaris) comptaient au nombre des plus importants' ; Martial a chanté les « poissons sacrés » qu'on entretenait dans la villa de Domitien, à Baïes ; le maître leur avait donné des noms et ils accouraient, quand il les appelait, pour prendre leur nourriture de sa main ; naturellement la pêche était interdite sous les peines les plus sévères dans les eaux impériales 1''Ni Varron ni Columelle n'ont traité du vivier d'eau douce, qui n'offrait point d'attrait à la haute société et sur lequel du reste ils n'avaient pas grand'chose à dire. Les anciens en effet n'ont jamais eu, comme nous, le besoin ni le souci de peupler les rivières dans un intérêt public, par la multiplication artificielle ; cette branche de la pisciculture, si florissante aujourd'hui, est, même chez nous, d'origine toute récente. Les gens du bel air, au temps de Cicéron, disaient avec dédain : «Autant vaudrait élever des grenouilles que des poissons d'eau douce ". » Au contraire les agronomes nous ont laissé des renseignements précis sur la construction des viviers maritimes te. Varron compare le vivier, dans l'ensemble, à une boîte de couleurs ; chacune des cases (loculi) où le peintre enferme une de ses couleurs représente un des compartiments dans lesquels on parque les poissons suivant leur espèce ; c'est la piseina Mutlaid. Columelle distingue deux cas : 1° On utilise, en l'adaptant à son dessein, une anse naturelle; alors il faut, pour lui donner une forme régulière, entailler le roc sur certains points, et la fermer par une digue (conseptum) ; sept pieds (2 mètres) de profondeur sont nécessaires au minimum. 20 On creuse sur la côte un bassin artificiel, que l'on garnit d'une mosaïque en opus signinum [3IUsivusm opus, p. 2093] ; ce bassin devra avoir une profondeur de neuf pieds (2 m. 60), dont deux audessus du niveau de la mer, et on en couvrira le fond avec des roches et des algues. Dans l'un et l'autre système, l'essentiel est d'établir un courant continu, rien n'étant plus funeste que des eaux stagnantes ; on ouvre donc, non seulement vers le large, mais sur les côtés, des canaux (Hui) fermés par des vannes de bronze percées de trous rCANCELLI]. Des loges (specus, recessus) sont préparées de distance en distance, où les poissons puissent trouver de l'ombre en été, les unes toutes droites, les autres sinueuses. Mais, avant même de mettre la main à l'oeuvre, il faut s'assurer de la nature du terrain; car tous les terrains ne conviennent pas à toutes les espèces ; d'où la nécessité de bien connaître les formes, l'anatomie et les moeurs de chaque espèce [cIBABIA, p. 1162]. Au point de vue de l'élevage on distingue trois catégories de terrains : 1° la vase (Dal;, licous) est favorable au poisson plat (7r),x'r3 , planas), sole, turbot, carrelet, etc , et à certains coquillages, peigne, moule, etc. 2° sur le sable (14..!itoç, arena) vit le poisson de haute mer (7re),sytoç, pelagius), dorade, ombre, etc. ; 3° sur la roche (7ri,Tpa, saxum), le poisson appelé pour cette raison 7rETpaioe,, saxatilis, et qui est le plus estimé de tous, tel que le scare, le tourd, l'oblade, etc. Enfin il faut savoir aussi que des espèces propres à certaines mers ne peuvent s'acclimater ailleurs 13. On nourrit les hôtes du vivier avec du pain, des figues, des arbouses, du fromage, et mieux encore avec tous les déchets du marché au poisson, têtes, intestins, etc. On a découvert dans les ruines romaines de Timgad (Algérie) un bassin à double fond qui semble bien avoir été fait pour contenir des poissons. La cuve inférieure, exactement égale à celle du dessus, communique avec elle par deux trous qu'on pouvait boucher à volonté ; dans les parois sont fixés horizontalement des vases en poterie qui mesurent à leur orifice 0 m. 15 de diamètre ; les poissons, descendant de la cuve supérieure, pouvaient trouver F,n ..e\Atte' ire VIV 961 VIV là un abri contre la chaleur trop ardente du soleil 1. Il y avait auprès de certains temples des bassins remplis de poissons auxquels nul ne touchait jamais, car ils étaient considérés comme sacrés ; près de Mylasa, en de les élever dans des parcs spéciaux (aet uv xacxo)oc ostrearia, vivaria ostrearum) 7, comme ils le firent pour les poissons 8. Le premier Romain qui s'occupa d'ostréiculture fut Sergius Orata 9 ; ses établissements Carie, les poissons de Jupiter Labrandeus portaient des colliers d'or et des anneaux fixés à leurs ouïes '. Quelquefois on interprétait leurs mouvements comme des oracles inspirés par le dieu lui-même ; à Sura (Lycie), les poissons d'Apollon accouraient aux sons de la flûte; on leur jetait des morceaux de viande ; s'ils les avalaient, c'était un heureux présage ; s'ils les repoussaient de la queue, un présage funeste 3. On a aussi donné le nom de vivarium à un aquarium du lac Lucrin, qu'il avait fondés pour augmenter ses revenus, servirent de modèles, sur la même côte, à beaucoup d'autres dont la réputation dura plusieurs siècles. Après Sergius cependant, les huîtres de Brindes jouirent aussi de la faveur des gourmets ; puis on en transporta de Brindes dans le Lucrin. Dès le premier siècle on en faisait déjà venir de la Grande-Bretagne f0. A la même époque on cite comme des lieux de production renommés la côte d'Éphèse à l'embouchure du Caystre, les îles en verre, qui permettait aux gourmets d'apporter le poisson vivant jusque sur la table où il devait être mangé et d'assister à sa mort [c1BARIA, p. 1463]4. Des récipients du même genre semblent avoir servi aux naturalistes qui faisaient des observations sur les moeurs des poissons et des animaux aquatiques 6. Il serait bien étonnant que les Grecs, qui de très bonne heure apprécièrent les huîtres à leur juste valeur6, n'aient pas eu, avant l'époque romaine, l'idée IX. Chélidonies, l'île de Leucade, Actium, les golfes de Libye, Tarragone et Narbonne; on ne peut douter que des ostrearia y favorisaient, comme en Campanie, la multiplication du savoureux mollusque ". Au ve siècle il y en avait de fort bien achalandés près de Bordeaux, sur la côte du Médoc 12. On a trouvé sur divers points du littoral de la Gaule, au milieu de vestiges romains, de grandes agglomérations de coquilles d'huîtres encore fermées, qui proviennent manifestement de ces anciens 124 VOC 062 VO C parcs ; l'un d'eux a même été signalé près de Jarnac (Charente), sur le bord de la rivière, à une distance considérable de la mer, dans un lieu où il ne pouvait guère être alimenté qu'avec de l'eau douce ; ce système, paraît-il, ne serait pas impraticable, surtout s'il ne s'agit que de dépôts où les huîtres, apportées de la mer, ne doivent faire qu'un court séjour °. D'après Columelle 2, les parcs à fond de vase, où l'on élève le poisson plat, conviennent très bien pour les huîtres et pour toute espèce de coquillages, peignes, moules, etc. ; et, comme il ne donne point de règles spéciales, nous pouvons conclure que l'installation était identique de part et d'autre. Cependant nous savons par ailleurs que les « naissains », c'est-à-dire les embryons, étaient recueillis sur destuilesirnmergées aufond de l'eau, exactement comme aujourd'hui ; c'était ce qui s'appelait proseininare ostreas in tegulis ; des débris de tuiles romaines étaient mêlés en très grand nombre aux coquilles de Jarnac . On peut donc tenir pour certain que les méthodes actuellement en usage remontent à l'antiquité classique, et pour vraisemblable qu'elles remontent aux Grecs. Deux vases en verre gravé, trouvés en Italie, nous ont conservé une image sommaire des parcs à huîtres de la Campanie ' (fig. 7559 et 760). L'artiste y a réuni divers monuments, qui, suivant les uns, auraient appartenu à Haïes seule (Baiae) ; suivant les autres, à Haïes et à Pouzzoles : un phare (taros), deux étangs ou bassins artificiels, dont un dit stagnum IVeronis, un palais impérial (palatium), un quai (ripa) et un môle ornés d'une arche, deux colonnes (pilae) surmontées de statues et un arc de triomphe, que couronnent des chevaux marins. Au milieu, près d'un étang, sont figurés des parcs à huîtres (ostriaria), qui, suivant une hypothèse très plausible, seraient ceux du lac Lucrin; sur l'un des vases ils affectent la forme de la boîte à couleurs, de l'arca locula, dont parte Varron ; ce sont trois rangées parallèles de quatre cases (loculi) chacune, que recouvre l'eau de la mer 6; sur l'autre vase, une balustrade sépare les ostriaria de la terre.