Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article VULCANUS

VULCANUS ("Hx;'roç). I. GRÈCE. Personnification du feu terrestre, dieu forgeron boiteux de la.; mythologie grecque traditionnelle. 1. Le nom. Les récits épiques donnent à son nom, la forme °Htrto;, qui se retrouve dans toute la série, des monnaies d'Asie et entre en composition dans les noms théophores°. Les variantes sont rares 2, si l'on excepte les transformations dialectales . Déjà les anciens avaient cherché l'étymologie de ce mot, qui, dès le premier aspect, se révèle peu grec : Platon, dans le Cratyle , rapproche pao; ïrwp, 53w1'ri;. Certains stoïciens proposaient d'autres explications, tirées de la nature du feu °. Les étymologies modernes qui procèdent du même principe n'ont pas atteint plus de certitude 6 Le rapprochement avec la ville crétoise de Phaistos semble impossible'. C'est l'étude des origines préhelléniques du dieu qui, seule, pourra guider utilement des recherches dont le temps ne semble pas encore venu . II. La vie légendaire. La mythologie grecquer adoptant llépliaistos, le présenta comme fils de Zeus et d'Héra [JUPITER, p. 706], mais plus précisément, dès les origines, d'lléra [uso, p. 676]'. L'intervention du jeune dieu en faveur de sa mère 10, qu'il cherche à protéger.contre la colère de Zeus, est déjà, dans l'Italie même, une tradition significativett. Tl n'est pas impossible qu'il faille chercher, sous cette particularité d'une légende toute constituée au moins à l'époque d'Ilésiode, sinon comme on l'a dit, une transposition des usages du culte de F et de la Mère des dieux °, du moins un souvenir lointain de la constitution de la famille, dans les régions asiatiques d'où venait, on le verra, Héphaistos . C'est, en effet, la forme dite plus spécialement hésiodique de la tradition qui s'est imposée Héphaistos est considéré VUL 979 VUL 'comme fils de la seule Héra par les récits des Argonautiques d'Apollonios de Ithodes'; divers autres textes -récents le représentent aussi comme 7d-rup 2 ; c'est seulement à une époque de décadence qu'on chercha à expliquer ce cas exceptionnel en inventant -des rapports illicites de Zeus et d'Ilèra, antérieurs à i'hiérogamie 3; Héra aurait caché sa faute, en prétendant Héphaistos né iu eoç. Les anciens ne se sont point accordés sur la parenté du dieu les diverses traditions relatives à sa famille la plus directe avaient même amené une dissociation de sa personnalité'. A l'occasion on n'a pas manqué non plus de représenter Héphaistos comme « autochthone n ou né de la terre , -fiction qui, du moins, reporte encore l'esprit vers les 'patries les plus primitives du dieu; en Lycie et à Lem-nos, personnifiant le feu souterrain, il était considéré comme habitant sous le sol ; il se manifestait sous la forme d'émanations enflammées, comme ailleurs par les sources chaudes des geyzers 6 Quelles que fussent les contradictions des récits mythiques à propos de sa naissance, le dieu ne tarda pas à devenir le héros de multiples aventures. C'est vraisemblablement un hymne homérique, comme on la --reconnu , qui, le premier, avait pris pour sujet la chute d'Héphaistos, précipité du haut du ciel, sa réception chez Thétis, les légendes d'Héra enchaînée et du retour sur l'Olympe. L'histoire de la chute vient la première en date dans la vie du dieu. Les traditions de 1' Iliade ne s'accordent pas sur cette aventure et présentent deux versions principales. Suivant la première , Ilépliaistos, déjà grand, étant intervenu dans une scène de ménage entre Zeus et Héra, Zeus le saisit par le pied et le lance du seuil de l'Olympe. Il tombe tout le jour. A l'heure du couchant, il va choir à Lemnos, où les Sintiens le recueillent. On a remarqué justement que cette forme de la légende devait être dérivée et comme symbolique Lemnos a été une des premières patries d'élection du dieu non-veau en terre hellénique ; c'est de là, a-t-on pu dire en interprétant géographiquement la tradition, qu'il était « apparu à l'horizon de la Grèce n Le second récit de l'Iliade 1 attribue à Héra même le geste fatal le dieu nouveau-né; pour cacher aux regards des Olympiens la laideur de son fils infirme, Héra jette au loin l'estropié. Il tombe dans la mer, où Eurynomè et Thétis le recueillent, au fond d'une grotte sous-marine; il reste là neuf ans près des déesses et apprend à forger des armes précieuses tO• Cet épisode de la grotte magique, où l'exilé mène longtemps une vie ignorée des hommes et des dieux, est un élément de légende qui se retrouve dans le folk-lore des peuples les plus divers L'intervention des déesses marines, d'autre part, reporte encore une fois l'esprit vers l'idée transposée des sources chaudes, manifestation apparente du feu caché '. Quant à la durée de la réclusion, il se peut qu'elle soit un détail ajouté pour expliquer certains rites du culte d'Ïléphaistos àLemnos'°. Au thème dola chute se rattache naturellement celui du retour dans l'Olympe, justifié par l'aventure de l'enchaînement p. 610]. Cette suite de légendes semble bien aussi remonter aux mêmes origines littéraires, c'est-à-dire à la poésie lyrique post-homérique. Connu de Platon, le mythe de l'enchaînement d'Héra a été raconté pour la première fois par Pausanias, en explication d'une pein ture du temple de Dionysos, à Athènes Pour se venger d'avoir été précipité du haut du ciel par sa mère ou, disent quelques traditions, pour apprendre d'elle le secret dosa naissance, Héphaistos lui aurait envoyé, comme présent, un trône d'or garni de liens invisibles; elle y aurait été fixée dès qu'elle yfut assise. D'où un conseil des dieux, dont diverses traditions relatent les péripéties13. Seul Y U L 980 Y U L Dionysos put réussir à ramener sur l'Olympe lléphaistos dont il avait gagné la confiance, et qu'il enivra; un aile ou un mulet aurait été la monture du dieu disgracié, qui, sitôt revenu, consentit à délivrer sa mère . L'antiquité de cette partie de la tradition est prouvée par la date des premiers témoignages littéraires et par di-verses oeuvres (l'art; elle remontait au moins fila seconde moitié du y1C siècle2. L'intervention heureuse de Dionysos avait retenu l'attention des mythographes, plus que l'échec d'Arès ; la pièce d'lpicharme, Iwexrrnl traite un sujet qu'a repris fort souvent la peinture céramique, depuis le vase François (fig. 73U3) . Exceptionnellement dévelop pée, la peinture du vase Francoisreprésente Iléphaistos en route pour l'Olympe, monté sur un mulet, et accompagné de Dionysos et des Silènes. Les dieux attendent Héra est encore en chainée ; en face d'elle Zens ;parder rière, Irès, q «ALlié. _- na seinltie railler 1 pour sa tentative manquée; on recon naît aussi Aphro dite, future épouse du forgeron infirme, fiancée offerte pour payer son intervention magique. La peinture (les vases fi figures rouges devait reprendre assez souxenit, avec de ch:veloppements plus ou moins étendus, ce sujet, (lui, sans doute, fut traité aussi pal' le grand art (fig. 70) . Dans la scène de l'Olympe, la délivrance proprement dite n'a pas inspiré moins anciennement les artistes on la voyait sculptée de la main de Gitiadas dans le temple d'Athéna Clialkioiloos à Sparte et elle est mentionnée parmi les reliefs du trône d'Amyclées, oeuvre de Batliyelès de Magnésie'. La tradition qui donne Aphrodite [vuNes] comme épouse à Iléphaistos après son exploit n'a pas été unanimement suivie. Une version d'Hygin, qui semble. résulter de la contamination avec certaines autres parties de la légende, attribue le même rôle à Athéna Mais en faveur d'Aphrodite témoignent les récits littéraires les plus anciens, notamment le poème de Démodokos inclus dans un des chants de l'Odys.çées Toute cette partie de la vie du dieu forgeron cesse d'ailleurs à peu près d'être illustrée par la poésie et par l'art vers la fin du Ve siècle . C'est un mythe spécialement hésiodique que la participation d'Ilépliaistos à la création de la femme. Déjà reconnu comme magicien, il est convié par Zeus à pétrir dans l'argile le corps de la première femme °o De là naît la légende de la création de Pandora [PH0SIE TIIET.S légende sou vent interprétéepar la plastique et la peinture . Les deux traditions littéraires, celle de la Théogonie et celle des Œuvres et jours, sont un peu différentes. Selon les Œuvres, Zeus aurait voulu châtier le genrehumain ficause duraptdu feu; il enjoignit àhiéploaisLos de créer, avec l'eau et l'argile mélangées, une jeune femme semblable aux Olympiennes, mais animée de passions humaines; les dieux la dotèrent de pouvoirs surnaturels et ainsi elle fut appelée Pandora; mais elle devait ouvrir le réceptacle des maux qui ravagent la race mortelle. La tradition de la Théogonie attribue la création de cette entité symbolique plus spécialement àlléphaistos et Athéna (fig. 7314). Le dieu orne la jeune créature d'une stéphiané d'or, qu'il a lui-même artistiquement ciselée; mère d'une race, funeste, cette première femme cause VUL -981VUL aussi la perle du sexe masculin; mais, dans cette version, il n'est plus question de l'ouverture de la boîte des maux'. Dans l'un et l'autre récit, il est notable qu'Héphaistos n'est présenté que comme l'exécuteur de la volonté de Zens; on aurait donc tort de le considérer comme ayant eu le rôle de créateur du genre humain, au même'titre que Prométhée'. Il n'y a pas lieu non plus sans doute de supposer, comme on l'a fait, une forme de légende plus ancienne, d'après laquelle Héphaistos aurait modelé lui-même dans l'argile la première femme, la déesse de la terre [TELLUS1. Il n'intervient là, un peu comme dans l'anecdote de l'enchaînement d'Héra, que comme ouvrier, comme magicien. Ce mythe assez secondaire de la vie légendaire du dieu a d'ailleurs des analogies dans l'invention spontanée d'autres peuples primitifs". Il est permis enfin de penser qu'il a pu se développer dans la pensée grecque spécialement attique, par une sorte de confusion avec la tradition relative à Prométhée. Sur un vase d'Oxford, on voit Pandora sortir5du sol sous le coup de marteau d'1pimétheus Cette représentation appelle la comparaion avec le mythe de la naissance d'Athéna [MINERVA], autre aventure ofi Héphaistos n'apparaît qu'en place secondaire. Là son rôle est même ignoré d'I-Iésiode'. Les plus anciennes mentions de cette aide secourable sont celles de la poésie pindarique', et la légende apparaît comme la plus récente dans toute l'histoire du dieu. L'art, plus spécialement la peinture des vases, avait représenté quelquefois cette o délivrance n de Zeus, qui, souffrant d'un violent mal de tête, a recours à la bipenne du forgeron pour faire jaillir, hors de son crâne fendu, une Pallas Athéna tout en armes (fig. 77O)'. Mais on ne s'accorde point à reconnaître, dans les diverses scènes, le même « accoucheur à la hache n. C'est que, pour le mythe de la naissance d'Athéna, comme pour celui de la naissance de Pandora les traditions s'étaient confondues; en particulier sous l'influence attique, Prométhée a remplacé parfois Héphaistos . Peut-être la légende avait-elle été faite originairement pour le héros, non pour le dieu, et peut-être Héphaistos n'at-il dû d'y intervenir qu'à son ordinaire supériorité de ro(;. Les deux mythes de u naissances miraculeuses n, Athéna-Pandora, ne sont ainsi point essentiels, tant s'en faut, à la biographie dit dieu forgeron et. magicien ; il serait imprudent d'y chercher tel ou tel symbolisme Du moins l'histoire de la naissance d'Athéna, à laquelle les traditions littéraires récentes relièrent toute la suite des rapports entre Héphais tos et la fille de Zens tt, introduit-elle ce qu'il y a de plus particulier dans cette vie légendaire. Si l'on en croit en effet divers récits 12, l'amour malheureux et violent du dieu pour Athéna aurait commencé dès la miraculeuse naissance. Mais ce n'est là véritablement que l'arrangement romanesque de relations qui s'étaient établies dès les origines, et sans aucun rapport cultuel ou mythique. Comme patrons des divers arts, llépliaistos et Athéna sont déjà associés dans l'épopée 53. Cette communauté d'occupations fut bientôt mise en oeuvre par la légende, à vrai dire assez grossière, dont Apollodore" a donné le récit le plus VUL -982VUL détaillé: venue près d'Héphaios pour lui commander des armes, la déesse vierge se voit assaillie par le fougueux forgeron; elle se dégage à grand'peine de ses bras et de la semence de vie tombée sur le sol naît Érichthonios, monstre anguipède parce qu'il est fils de Gala mière représentation figurée de cette aventure, d'un réalisme très primitif, avait figuré sur le trône sculpté par Bathyclès de Magnésie, qui peut-être interprétait là une tradition ionienne bien que plusieurs mythographes rattachent directement à l'Attique et avec raison, ce semble l'invention de l'épisode . De toutes les régions de la Grèce propre, c'est assurément l'Attique qui a donné le développement le plus étendu à cette partie de la vie légendaire d'Héphaistos. C'est ce qu'expliquent des raisons symboliques. Le dieu n'était guère connu à Athènes que comme dieu forgeron, patron des artisans, dans le quartier desquels il habitait avec la protectrice de la cité' ; cette installation donnait satisfaction aux habitants de la basse ville, tandis qu'Athéria Polias, seule, régnait plus aristocratiquement sur l'Acropole 4; 1'Athéna des artisans avait un nom spécial, apparu probablement à la fin du Ve siècle ; elle était l'Athéna IHiéphaistia Du reste, ce n'est pas à cette époque, niais bien antérieurement, qu'on connaît en Attique les relations d'Héphaistos avec la déesse et la fable de la naissance dlirichthonios ; les traditions littéraires 6, les peintures de vases nous en avertissent, pour une date qui va jusqu'à la première moitié du vie siècle; même, si Bathyclès de Magnésie a puisé, comme on le croit souvent, aux sources attiques, il faudrait remonter jusqu'au temps des Pisistratides8. L'aventure de la naissance d'Jirichthonios était-elle, en Attique, l'écho d'une ancienne tradition de mariage divin entre llépliaistos et Athéna, ou le témoin d'un essai malheureux de rapprochement entre les deuxdivinités? On s'arrête plus volontiers à la deuxième hypothèse. Sur les représentations des vases, c'est t3è, la Terre [TELLUS], qui apparaît comme la véritable mère drich thonios, tandis que la déesse de la sagesse n'a guère, dans l'aventure, que le rôle d'une sage-femme (fig. 178) 5; les primitives traditions littéraires n'y contredisent point". Celles de ces traditions qui sont postérieures à l'époque des Pisistrati des, ne nomment encore que Gè et Héphaistos, celui-ci, plus anciennement, n'apparaissant même pas Il se peut en vérité que ni Héphaistos, ni surtout Athéna, n'aient eu, dans cette légende, un rôle originellement important. Avec la même réserve, et. revenant ici aux plus anciennes traditions, Platon tait l'aventure et mentionne toujours comme symboliques les rapports d'Héphaistos et d'Athéna; Athéna est la srsyvog du dieu ; elle patronne avec lui les arts utiles, associant la pt)orop( à la )orm».i( . Les écrivains plus récents ont suivi cette même tendance : la plupart n'insistent que fort peu sur les relations du dieu forgeron avec Athéna, mêlant seulement le nom de celle-ci, à l'occasion, à quelques-unes des aventures de la vie particulière d'Iléphaistos. Tantôt il obtient Athéna en mariage pour prix de la délivrance d'Héra enchaînée 13, tantôt il la reçoit en récompense pour son aide bénévole lors de la naissance miraculeuse En somme, les complications de l'épisode laissées de côté", on voit clairement, encore une fois, reparaître le même caractère, constant, d'I-léphaislos. L'aventure d'lirichthonios ne fait qu'illustrer, en Attique, les rapports du dieu avec la protectrice féminine des métiers manuels. Là encore, comme partout, il reste surtout le dieu artisan et forgeron. Un dernier épisode le fait probablement encore reparaître sous le même aspect : c'est sa participation à la Gigantomachie [CIGAr6TES]. Le rôle d'Héphaistos dans la bataille des Titans et des dieux serait attesté dès le milieu du vu' siècle par la peinture de vases Il est moins sûr qu'on doive reconnaître le dieu forgeron dans le personnage de la frise du trésor de Siphnos, à Delphes, qui presse un soufflet de forge, activant la préparation des masses de fer enflammées, armes de Zeus; les lettres de l'inscription encore visibles ne concorderaient pas, en définitive, avec une explication qui a été VUL 983 VUL cependant presque unanimement acceptée'. En tous cas, d'autres monuments de la plastique , comme aussi une série de témoignages littéraires , mêlent Iléphaistos à la bataille des Olympiens et des fils de la Terre il est rare qu'il n'y fasse pas usage de ses armes spéciales de forgeron [GIGANTES, p. 1558] . C'est le même rôle que lui attribuent certains épisodes secondaires, soit qu'il attache Ixion à la roue , soit qu'il participe, en Étrurie, à la création de Pégase . Le cycle des traditions légendaires groupées autour de la vie d'Héphaistos étant ainsi à peu près épuisé, il convient de relater à. cette place les alliances et les parentés mythiques. On n'est pas surpris que les alliances soient nombreuses, pour un dieu dont les instincts génésiques ont été remarqués . L'association avec les Silènes du titiase dionysiaque, mise en évidence par la légende du retour dans l'Olympe (fig. 7569, 7571), est, à ce sujet, indicatrice8. Dans l'hymne homérique à Iléphaistos, Aphrodite est donnée en récompense au dieu après la délivrance d'Héra 9; de cet amour passionné, que ridiculisa l'adultère, Éros, d'après certaines traditions, aurait été le fruit'''. L'idée d'associer, pour des suites malencontreuses, le plus laid des dieux à la déesse de la beauté, avait dû naître dans la poésie homérique ; il est peu vraisemblable qu'elle soit d'origine lemnienne L5lliade donne d'ailleurs pour épouse à Héphaistos une Chante que certains textes nomment Aglaia, « la Brillante o. La seconde tradition s'est maintenue jusqu'à une époque assez tardive, certains auteurs, par esprit de conciliation, qccor dant au dieu le privilège de bigamie Dans l'île de Lemnos s'était constituée une tradition spéciale de l'union d'Héphaistos ave's Cabeiro, union dont seraient nés les Cabires [cAButI, p. 757 sq.) 13; il est douteux que ce soit là une légende primitive, si du moins l'apparition des Cabires, à Lemnos comme à Imbros, n'est pas elle-même très ancienne: on aurait tardivement établi une généalogie arbitraire, pour relier les uns aux autres les grands cultes de l'île R. Les rapports amoureux avec Athéna, relatés plus haut, tiennent dans la vie mythique d'lléphaistos une part non moins importante, quoique ce soit vraisemblablement une légende locale. On connaît diverses adaptations de cette traditiont5. Les fils du dieu sont assez nombreux : Périphétès à. Épidaure '°, Ardalos àTrézène t7, Palaemon Pylios'9, Olénos 21; Eschyle nomme aussi une fille, Thaleia, qui aurait enfanté, de Zeus, les Paliques siciliens En dehors du monde des dieux et des daiinones secondaires, des familles comme celle des 'Ercoou'rilt, à Athènes, se réclamaient d'Héphaistos comme d'un ancêtre 22 Le cercle s'étend, si l'on veut énumérer tous les dieux ou héros avec lesquels lléphaistos se serait trouvé en relations. C'est d'abord le nain Kédalion, que certaines traditions nomment comme père du dieu forgeron La légende naxienne en fait seulement le maître du fils d'Héra, mis en apprentissage à Naxos Le même Kédalion reparaît avec un rôle différent dans la légende d'Orion; donné comme guide par Iléphaistos au géant aveugle, il le conduit vers l'occident, où Orion doit recouvrer la vue25. Kédalion, comme son nom nous l'apprend, appartenait au groupe des daim unes phalliques de la suite de Dionysos2t. La rencontre entre Iléphaistos et lui s'est faite visiblement à Naos, où Dionysos était VUL -984--VTJL particulièrement en honneur; c'est de là que Kédalion est passé à Lemnos'; dans la version primitive de la fable d'Orion, il se peut que son rôle soit celui du nain subtil, sorte de lutin, dont le type reparaît dans quelques légendes asiatiques2 ; mais il reste toujours un frère (les Silènes et des Satyres, compagnons occasionnels du dieu forgeron'. Une telle association, dont maints récits témoignent, avait été naturellement préparée par l'intime rapprochement établi dans la légende entre Héphaistos et Dionysos. Ce rapprochement s'était fait, comme M. de Wilamowitz l'a justement pensé, dans le cycle des traditions religieuses de Samos et de Naxos les deux dieux passaient pour s'être disputé la possession du sol, contestation où Iléphaistos fut vaincu'; c'est à Naxos encore que l'on disait qu'Héphaistos avait fait son apprentissage de forgeron. La peinture de vases a souvent et joyeusement illustré ces relations, principalement dans l'aventure du retour dans l'Olympe 6• Un autre sujet fréquent des peintures est la rencontre des deux dieux amis ' ; ailleurs les décorateurs ont représenté leur séparation8. Les thiases de Dionysos et d'Héphaistos sympathisèrent si bien à la longue que la confusion vint à s'établir de l'un à l'autre ; sur un relief du Louvre, le dieu forgeron est représenté entouré de Satyres qui s'occupent à ciseler des armes (fig. 955)°. Ce relief est tardif, mais l'ancienneté de l'accord conclu entre Dionysos et le dieu forgeron nous est attestée par la date du vase François, oji est peint déjà, dans tout son développement, le thème du retour dans l'Olympe la. 'Viennent ensuite, dans l'ordre chronologique, un cratere attique de l'époque de Périclès (vers 440), où Héphaistos est représenté en grand appareil, conduit par un Silène et escorté par Dionysos" ; puis des vases un peu plus récents, comme la péliké attique de Géla à Munich 82, où les deux divinités figurent à pied, un Silène soutenant lléphaistos ivre Çfig. 7571) ; enfin l'œnocho attique 13 qui montre un seul due portant à la fois Dionysos et Iléphaistos, celui-ci représenté avec ses instruments de travail et la couronne de lierre attachée autour de son bonnet d'artisan. Toutes ces peintures ne sont encore en somme que de spirituels excerpta empruntés au sujet du retour dans l'Olympe ui Elles ont l'intérêt particulier de montrer l'influence exercée par le culte dionysiaque sur la légende d'Héphaistos, influence qui traduit vraisemblablement, nous l'avons dit, un syncrétisme établi dans les Cyclades, plus particulièrement à Naxos Dans le inonde des daimones secondaires, on a essayé de prouver une identité entre Héphaistos et Typhon hypothèse que Malien rejette avec raison fl; des relations plus attestées et plus intéressantes sont établies avec les Cyclopest8 [cYcT.oPEs]. L'étonnement causé par le phénomène du feu souterrain inspira, dans les régions occidentales surtout, la croyance à une forge cachée, où travaillaient des génies à forme humaine, compagnons d'Héphaistos. Cette création mythique ne pouvait naître qu'assez tard ; en fait, l'épopée primitive ne nomme encore que le dieu forgeron, travaillant isolé. Dans les peintures de la scène où Thétis vient commander les armes d'Achille, Héphaistos est représenté seul VUL ..(fig. 772)'. Le coffret de Kypsélos lui donne, le premier ..ù notre connaissance, un serviteur qui l'accompagne -en portant les tenailles, emblème du métier2. On suit au moins, par la tradition littéraire, les allusions qui préparent l'association d'Héphaistos aux Cyclopes cette réunion n'est explicite que dans la poésie hellénistique et romaine, au plus tôt'. Dans l'art l'apparition des Cyclopes auprès d'lléphaistos est encore plus -récente ; un des plus anciens documents est une Table iliaque, de la première moitié du er siècle avant J.-C. (fig. 3948) . Ce sont là des avertissements prouvant combien tardive a été la localisation d'lléphaistos et de son atelier dans les volcans de la Méditerranée occidentale (voir plus bas, sect. Il, p. 999'). Trois héros se trouvent principalement associés à la vie légendaire du dieu forgeron : Prométhée, Philoctète et Dédale. Mais pour les deux derniers, les rapports sont superficiels; pour Philoctète, ils ne semblent même répondre à aucun syncrétisme antique. Les relations avec Prométhée sont surtout locales et d'origine attique héros ravisseur du feu, chargé, suivant certaines traditions, de l'office spécial « d'accoucheur à la hache u lors de la naissance d'Àthéna, Prométhée se trouvait naturellement rapproché d'Héphaistos. Il est fort probable que la mythographie attique l'a considéré comme le plus ancien des deux et lui a attribué, autant comme promoteur (le la civilisation humaine que pour son rôle IX. VUL dans la naissance de la déesse poliade, le rôle principal Un épisode célèbre d'Eschyle donne à Iléphaistos mission d'enchaîner Prométhée puni . Peut-être faut-il mettre cette tradition en relation avec celle d'après laquelle le héros rebelle aurait volé à l'atelier même du dieu forgeron le feu révélateur . Là encore, dans l'apprêt du supplice, Héphaistos n'a que son rôle d'artisan ordinaire. C'est aux temps modernes qu'on a essayé d'établir, entre Philoctète et Héphalstos, une assimilation contre laquelle déjà de sérieuses objections ont été présentées9. Cette identification, qui ne trouverait à se justifier que par la comparaison entre deux boiteux, dont l'un d'ailleurs boitait à la suite d'une blessure accidentelle, n'est pas plus vraisemblable que l'équivalence Héphaistos-Typhon '°. Le principe du rapprochement tenté entre lui et Dédale [DAEnALUSJ est la curieuse représentation d'un vase à « phlyaque n, où l'on voit 1nyalios (Arès) et Daidalos combattre à la lance dèvant une Ilèra enchaînée", Par comparaison avec les versions légendaires (ci-dessus p. 980) où, dans la délivrance d'Hèra, une tentative inutile d'Arès est spécifiée, on a été amené à voir dans cette peinture de vase, d'intention cornique, l'expression d'une légende parallèle, substituant Dédale au diei forgeron. Entre les deux personnages, pourtant, les analogies ne sont guère que locales ou superficielles : on trouve trace, en Attique, des confusions qui préparèrent ce syncrétisme ' ; il est facile de comprendre aussi que le rôle commun d'Hôphaistos et du héros crétois, tous deux initiateurs des arts humains, préparait l'assimilation encore semble-t-il douteux qu'elle se fût jamais faite complètement. III. Le culte. On voit ainsi combien du faisceau des légendes il y a peu à tirer pour Iléphaistos. Les thèmes fantaisistes conçus par l'imagination grecque ne laissent soupçonner que par instants la nature primitive du dieu. Si l'on perçoit l'importance qui lui est donnée comme artisan et forgeron, et si l'on peut aussi fixer comme secondaires des syncrétismes qui sont la traduction d'influences lotalisées, principalement à Athènes et dans les îles, rien n'indique encore, après examen de toutes les sources poétiques, ce qu'était Iléphaistos ni d'où il apparut. Il faut interroger une seconde série de documents, moins littéraires qu'historiques et épigraphiques, en indiquant ici ce qui nous 124 VUL 986 VUL est connu de la diffusion du culte d'Héphaistos et des rites de ce culte. A. Diffusion du culte d'IIép/iaistos. Le culte n'est guère attesté en Grèce propre, puis dans les îles qui en dépendent, que pour les localités suivantes: 1) Athènes. Le temple d'Héphaistos était dans la ville inférieure, près du Céramique • Un prêtre d'Héphaistos est connu par diverses inscriptions J est fait mention du trésor du temple . Le dieu est nommé lui-même par quelques dédicaces'. Il partageait son naos avec Athéna, dont le nom figure en même temps dans diverses inscriptions d'offrandes du vesiècle ; c'est au iv6 siècle que la déesse, antérieurement associée à son parèdre, prend le nom d'Athéna Iiléphaistiat. Une inscription qui date de 421-40 est relative à l'organisation d'une fête eu l'honneur des divinités associées . A peu près du même temps (421/ 420 à417/416) datent les comptes où l'on s'occupe des dimensions du groupe des statues cultuelles, groupe dû sans doute au ciseau d'Alcamène . Tous ces textes prouvent que l'lléphaisteion devait être déjà construit à la date de 417. On discute encore sur son emplacement. Une hypothèse l'identifie avec le temple, bien conservé, qui se voit encore, au nord-ouest de l'Aréopage, et qui est désigné, pour des raisons peu valables, comme un Théseion °. Sur les frontons détruits, Sauer a supposé, à l'est, une naissance d'lrichthonios ; à l'ouest, le séjour d'lléphaistos dans la mer. Le dieu, porteur du marteau, devrait être reconnu sur la frise est, sans qu'il y ait là certitudet0. L'emplacement du temple mériterait d'être sondé. Reisch a supposé l'existence d'un temple antérieur au prétendu Théseion actuel, et qui aurait été dédié à Tléphaistos seul 1 Un passage d'Apollodore indique d'autre part, à l'entrée de l'Académie, l'existence d'une base archaïque, avec les effigies de Prométhée et d'Héphaistos en relief, et un autel sculpté, commun à tous les deux Héphaistos était représenté comme plus jeune, moins solennel que Prométhée, qui seul portait le sceptre. Un temple d'llépliaistos existait enfin, probablement dans un dôme de la tribu Akamantis, dit des 'Hnt-rtcilnt'3. Si l'hypothèse de l'identification du temple principal d'iléphaistos avec le pseudo-Théseion est fondée, il faudra considérer l'Héphaistos d'Athènes comme un dieu du commerce, installé au voisinage de l'Agora. Il n'avait pas, semble-t-il, de rapport, à l'origine, avec l'Acropole. Pausanias ' nomme, il est vrai, dans 1'rechtheion, trois autels, dont l'un consacré à Iléphais tos; mais les deux autres étaient ceux de Posejdon et. du héros Boutès. Or, les Jitéoboutadai, chargés du culte de Poseidon, auraient eu, d'après Plutarque, parmi leurs ancêtres, non seulement Boutès, mais Érechthée et iléphaistos 15; de là l'union des trois autels, qui n'auraient ainsi rien à voir avec les cultes attiques primitifs de l'Acropole. Le temple d'Iléphaistos et Athéna,, qu'on avoulu restituer là même, au côté sud, est problématique ". Au Parthénon, on ne sait si Iléphaistos figurait sur la base de la statue de culte, dans la scène de la naissance de Pandore '. On le reconnaît sur la frise est, tournant la fête vers Athéna. Mais, sur le fronton du même côté, il n'est pas sûr que ce soit lui qu'il faille identifier dans la scène de la naissance d'Athéna ; il se pourrait que, selon la tradition locale, il eût été remplacé par Prométhée ) Dans le Péloponnèse, les traces du culte d'Fléphaistos sont dispersées et peu importantes. A Épidaure ", patrie de Périphétès, héros à la massue, fils d'Héphaistoset représenté comme son père, par Apollodore, avec des pieds infirmes (7tdlcc ttvofç) 20, la restitution du recueil des Inscr. graec. IV, 93e, 34, qui créerait des. Héphaisteia, est tout à fait incertaine 21. Le dieu estreprésenté sur les monnaies de Corinthe avec des tenailles22. On voit sur les monnaies de Méthana sa tête coiffée du pilos 23 ; au moins n'est-on pas surpris de cette apparition dit culte dans une presqu'île dont la composition géologique est volcanique2'. Moins intéressants sont les indices relevés à Méthone, où Héphaistos est représenté sur les monnaies, courant avec une torche à la main cette figuration rend assez probable l'existence d'une lampadédromie en son honneur parmi les fêtes locales 25 A Olympie, un autel d'lléphaistos est mentionné par Pausanias Un fils d'Iléphaistos, Ardalos, passait pour avoir fondé, à Trézène, un sanctuaire et un autel consacrés aux Mozt 'Afz)d1ç et à Hypnos 3) Les traces ne sont pas plus nombreuses, relativement, en Thessalie, en Béotie2t, et dans les îles qui dépendent géographiquement de la côte grecque29. Le culte d'lléphaistos manque aussi, presque complètement, en Crète, malgré le l'o) rv6; local, qu'on a voulu comparer avec le Vulcanus latin (voir ci-dessous, section II). Ce i't )'no6, qui n'est pas autrement connu, semble avoir été un dieu de la végétation; aucune trace directe d'lléphaistos n'est à retrouver dans l'île Le passage de Pausanias, d'après lequel Ithadamanthys VUL 987 VU L nurait eu pour père Héphaistos, fils lui-même de Ta1o, paraît douteux, puisqu'une variante donne, beaucoup mieux, dJnîToç, nom de l'éponyme de Phaestos . Une légende qui classe parmi les 'Hpx uXTŒ le géant d'airain crétois Talos [AIIGONAUTAE] a pu amener la confusion, à moins d'une faute de transcription toute simple 2 4) Si lléphaistos est peu connu dans les îles dêpen-dant de la Grèce occidentale, on rencontre plus souvent les témoignages de son culte dans les îles plus orientales, qui sont tournées vers l'Asie. Aux mentions de noms théophores connus pour Ténos, Kos, Théra, Mélos , il faut ajouter quelques traces relevées à Délos '. Les indices deviennent plus fréquents, à mesure qu'on s'avance vers la presqu'île anatolienne. On en connaît à Rhodes l• A Lesbos, il existe un mois 'lirto;'; Alcée (de Lesbos) consacre un hymne au dieu; il existait peutêtre une ville d'Héphaistia dans l'île3. A Samos, le père d'ladmon s'appelle Héphaistopolis8; une monnaie représente Héphaistos forgeant des armes près d'Athéna °, et le dieu est mis en relations avec 1-lèra, la divinité principale de l'île En rassemblant les traditions sur la vie légendaire du dieu forgeron, il a fallu déjà mettre en relief l'importance du syncrétisme établi spécialement à Naxos entre Dionysos et Iléphaistos. Avec Samos, Naxos, patrie de Kédalion ", est l'île de l'archipel du sud où le culte héphaistien s'acclimata le mieux. Le dieu essaya de s'y constituer, après Lemnos, une seconde patrie il en avait disputé la possession à Dionysos [BACCIIUS, p. 610], qui d'ailleurs triompha (ci-dessus, p. 984)". A Chios, il y a moins de traces directes d'Héphaistos une légende rapportée ci-dessus (p, 983), montre Orion aveuglé se rendant par mer de Chios à Lemnos, pour y rencontrer Hciphaistos, qui le fera conduire vers le soleil. Mais peut-être cette légende prouve-t-elle seulement qu'on connaissait à Chios la tradition des forges du Mosychlos Jemnien 13 5) 11 faut mettre à part le groupe des îles de l'archi pel thrace, où les vestiges du culte d'Héphaistos sont nombreux et des plus importants. Sittig a signalé un nom théophore à Thasos"; il faut ajouter la même mention pour Samothrace". Mais c'est à Lemnos, comme il faut s'y attendre, que les indices relevés ont le plus d'intérêt. Le premier chant de l'Iliade raconte déjà la chute d'Iléphaistos tombé du ciel à Lemnos où les Sintiens le recueillent". Le poète savait donc qu'à une époque qui avoisine le ix° siècle, Iléphaistos recevait à Lemnos un culte de la part de peuplades non helléniques. Le chant de Démodokos, dans l'Odyssée, nomme l'île o la terre la plus aimée d'llépliaistos entre toutes» L'une des deux villes lemniennes, qui est plus ancienne que la conquête de Miltiade portait le nom d'Héphaistia, tiré de celui du dieu Une monnaie de cette ville montre un Héphaistos barbu, avec le pilos et la chlamys; au revers, une torche e. Un iereuiç 'rot iuvô ç 7t6)sioç 'I{c(a'rou est connu n• L'île tout entière est souvent citée dans les textes comme consacrée à Iléphaistos . C'est là que les Argonautes le fêtent à leur arrivée A quoi tenait cette installation toute spéciale dans Lemnos? Non loin de la ville d'lléphaistia brûlait, dans l'antiquité, sur le sommet d'une colline qui portait le nom non hellénique de Mosychlos30, un feu souterrain, dont la flamme, le ieaxa'rîç ri)ç, est appelée par Sophocle un produit d'lléphaistos (-47.1'r6_ 'rOux-70v)35. Un vers du poète épique Antimnachos (v'siècle) cite le feu d'Ilépliaistos, qu'un démon entretient au sommet du Mosychlos Le dieu était supposé avoir sa forge en haut, à l'endroit du feu ; en bas de la montagne se trouvait son temple27, où les prêtres guérissaient les morsures de serpents au moyen de cette u terre sigillée », qu'ils expédiaient bien cachetée à la manière d'une panacée universelle Les recherches des géologues ont prouvé que le feu du Mosychlos n'était pas de source volcanique, mais naturel ; il était entretenu par un culte religieux analogue à celui qui a existé longtemps à Bakou, sur la mer Caspienne, et vraisemblablement provoqué par V U L 988 VU L un dégagement de carbure d'hydrogène, qui aura disparu dans l'antiquité, avant l'époque de Galien'. Les témoignages locaux garantissent le rapport direct du culte avec la flamme souterraine; c'est Iléphaistos qui a fait jaillir le feu de la colline où il a à la fois son temple et sa forge (7cikxsv) 2 L'apparition du puissant flambeau )x) est contemporaine de la chute du dieu, attiré vers Lemnos3. Ainsi Lemnos apparaît comme un point central très ancien du culte d'lléphaislos, non pas peut-être le plus ancien, ni le seul, mais tout au moins comme le centre primitif pour la Grèce propre. Or, au sujet des Sintiens, que l'Iliade mentionne comme les premiers adorateurs du dieu-feu, des indices importants nous reportent vers la Thrace : aux tribus thraces appartenait cette peuplade 2. Mais l'ethnographie comparée fait pressentir aujourd'hui le rôle important de la Thrace dans la création de l'industrie métallurgique, appliquée à la culture de la terre ; inventeurs peut-être de la faucille de cuivre ou de bronze, les Thraces étaient les consanguins des Ligures, qui occupèrent partiellement la Gaule et qui sont les Sicules d'Italie. Ces peuples ont transmis en Italie et en Gaule les cultes primordiaux de Vulcain, Saturne et Cérès, symbolisant l'art (le la fonderie mis au service de l'agriculture °. On voit donc l'importance du centre lemnien. Les Thraces eux-mômes avaient-ils créé, avec l'industrie mètallurgiq oc, le culte du 77 'tel' tig o)ç d'Ilépliaistos ? Il convient d'observer que les Sintiens de Lemnos sont les successeurs (le tribus cariennes, établies plus primitivement è. Lemnos et Imbros, îles de noms cariens . De plus anciennes mentions d'Ilépliaistos que nous fournit l'épopée grecque placent le dieu en Asie ; au début du chant V de l'Iliade, c'est-à-dire dans une partie très primitive (lu poème, un prêtre 1' Ilépliaistos est nominé du côté des Troyens, sous le nom phrygien de Darès; som-, existence témoigne d'un culte d'Héphaistos sur le soi troyen ; c'est à la Phrygie encore que nous reportent,. par ailleurs, les traditions sur les Dactyles de l'Ida, premiers inventeurs, disent certains textes, de l'art héphaistien 8• Enfin l'abondance et l'importance des. témoignages sur la diffusion du culte en Asie confirment les hypothèses sur cette origine °. 6) C'est en Phrygie, en Carie, et en Lycie en Lycie surtout qu'il convient de chercher les premiers vestiges d'lléphaistOS, puisque ce que nous savons déjà du culte leinnien ramène l'esprit vers ces contrées. C'est l aussi que les traces vont se trouver le plus nombreuses, contrastant avec la rareté des indices recueillis en terre grecque, et prouvant l'existence préhellénique . d'un culte du feu, dont iléphaistos symbolisera plus tard la diffusion. En Lycie, terre qu'un lien de parenté ethnique rattache à la Carie 10, apparaissent les phénomènes les plus caractéristiques; on devine à cette place le centre du culte d'lléphaistos. De là il s'étend au loin, plus important dans le voisinage, plus oublié dans la périphérie, à l'est vers la Pamphylie, la Pisidie, en traces plus légères vers la Cilicie ; au nord, vers la Phrygie, ta Lydie, aux contins de la. Bithynie et du Pont; très fortement à l'ouest vers la Carie et toute la côte d'Asie Mineure jusqu'à la Troade, sur un sol originellement canon, d'où le symbolisme du nrx'(x3ig GÉXX;, à l'époque carienne encore, a pu passer vers Leinnos, pour s'y retrouver avec des formes qui rappellent le phénomène lycien. C'est à Olympos, sur la côte ouest de Lycie, qu'a été découvert en 1811 par les marins de l'amiral Beaufort un xprlç ou)x; Itéphaistien, présentant tous les caractères du feu du Mosychlos1t. Ce feu, qui a été men VUL -989VUL -tionné depuis par plusieurs voyageurs, était connu dans l-'antiquité :. Ctésias en parle comme « d'un feu immortel que l'eau n'éteint pas »; les mêmes informations se trouvent chez Antigonos de Caçystos dans le récit duquel est mêlé à tort le nom de la Chimère, qui appartient, vers l'ouest de la Lycie, à la région de Xanthos et Kragos, et n'a rien à voir avec le feu souterrain de Lycie . Le nom antique est donné par Pline, qui s'inspire de Ctésias et rapproche, lui aussi, arbitrairement « la Chimère o des I)ephaisti montes°, voisins d'Olympos. Un texte de Sénèque signale des particularités vérifiées, point par point, par les récits des voyageurs modernes . Un passage de Quintus de Smyrne, qui met en scène Ménélaos, chef de la Cilicie et de la Lycie Est, mentionne la iri ll -rolo 6, le rocher de serpentine des écrits récents, et prouve que le dieu avait sa résidence près du feu; le Périple du Pseudo-Scylax nomme enfin à cet endroit même le temple . A son tour, le sophiste Maximos de Tyr désigne la flamme elle-même comme résidence particulière de la divinité, opposant ainsi le feu lycien à celui de l'Etna°. Nous connaissons donc par ces textes, à Olympos, un culte actif et développé d'Hépliaistos ; c'est aussi dans la même région que le dieu a le rôle de protecteur des tombeaux, rôle qu'on voit donner, dans la Lycie occidentale, à Léto déessereine de la région, et, dans la plus grande partie de l'Asie-Mineure, aux dieux les plus vénérés en chaque endroit'. llépliaistos figure aussi sur les monnaies de la ville, avec un bonnet pointu, un court chiton, assis à droite devant une enclume, et forgeant un bouclier (fig. 7573)10. En aucun pays, pas même à Lemnos, ne se trouve un tel ensemble de documents caractéristiques et comme autochthones, attestant l'impor tance du dieu du feu. Il ne faut pas s'attendre, assurément, à rencontrer ailleurs, en Lycie même, une telle profusion. Au temple d'Apollon à Sura se trouvait, parmi les administrateurs des cultes, un 'I1sctr.-rox?-ç11 ; à. Kalynda, les noms théophore prouvent la diffusion du culte 12 En Pamphylie, si les traces sont moins profondes, elles ne .ont pas moins nombreuses. Les monnaies et les noms théophores parlent pour Aspendos 13, les mon naies surtout pour Attaleiat4, Pergé 15 et Sidé 16. En Pisidie, selon le relevé de Malten, on trouve les vestiges d'un culte d'Iléphaistos à Terrnessos 17, Séleucie Selgé 19, Sagalassos20. Le même relevé compte pour laCilicie seulement Colybrassos, dont les monnaies représentent Hépitaistos Vers le nord, les traces augmentent, de la Phrygie par la Lydie aux confins de la Bithynie et du Pont. Téménothyrai 22, lulia (Ipsos) 23, Aizanoi 24, Apa. mée 20 attestent la diffusion en Phrygie. En Lydie, le culte d'Héphaistos est connu pour Daldis 26, Sardes Tralles", Phfladelphie39, Thyatira 20; on a trouvé des documents intéressant le dieu dans le voisinage de Ményé, Ak-Tasch, Ghyeuldé3t. En Bithynie, Malien relève VU L 090 V U L des traces à Nicée' et Nicomédie2, dans le Pont à Kausa, près d'Amasée . C'est la Carie, avec toute la côte jusqu'au nord, primitivement canonne, qui se révèle comme la plus imprégnée par le culte du feu souterrain. Là encore il suffit de reprendre le relevé soigneusement établi par Malien ; le dénombrement d'ailleurs ne peut prétendre encore à être complet. Kaunos , Timéangéla (Halicarnasse) , Mvlasa sont les villes principales de Carie, où Iléphaistos est connu; on ajoutera la région de Moughla, siège du T nzvav7. Malten nomme encore, d'après les monnaies ou les noms théophores, Antioche', Nysa', Aphrodisias 10, la ville d'Aga-Tchiflik Milet'', Didyines13, Cuide15, Magnésie du Méandre 13. Dans cette ville, deux monnaies du temps de Gordien Iii prouvent pour l'époque romaine l'existence d'une corporation d'ouvriers habitant autour de l'Ilépliaisteion (fig. 7573) 16 Sur la côte, à Colophon 17, Smyrne 18, Myrina 19, puis au nord à Pergame à. Antandros à Assos , à Ilion 23, à Sidonia divers vestiges du culte ont été repérés Abydos et Cyzique paraissent jusqu'ici les stations les plus éloignées au nord (lu centre lycien. Ainsi peut être constitué un catalogue de plus de cinquante villes27. Les documents recueillis pour ces centres sont (le dates diverses; à côté de la mention de l'Iliade pour Darès, prêtre d'lléphaistos 28, on a des monnaies qui vont du 111e siècle av. J.-C. à l'époque impériale la plus tardive Mais cette dernière époque, si récente qu'elle soit, ne doiit point faire croire (o une diffusion tardive du culte du feu; en Asie, c'est une règle commune que les monnaies les plus récentes reprennent les types des idoles cultuelles les plus archaïques. On voit assez que nulle part ailleurs Ilépliaistos n'est chez lui comme en Anatolie 30• C'est la Lycie qui présente le mieux, avec les vestiges les plus abondants du culte, les mystérieux phénomènes propres à faire naître d'abord l'adoration du feu souterrain. De là la religion d'Iléphaistos se répand dans toute la presqu'île de l'Asie antérieure ; c'est, de la côte canonne à la Troade, comme une zone continue, dans laquelle se retrouvent les traces de l'adoration do feu. Puis de là encore le culte, connu déjà en Phrygie au temps d'Ilomère, émigre à l'époque ancienne à Lemnos, où la flamme du )\losyclilos évoquait la comparaison avec le feu des [Iepliaisti montes lyciens. Quelques traces sporadiques, en quelques-unes des îles de l'Archipel, suffisent aussi à attester une diffusion qui diminue vers l'ouest. Dans la Grèce continentale, au nord, et dans le Péloponnèse, Iléphaistos est presque un inconnu. On ne peut signaler que le feu souterrain de la colonie corinthienne Apollonie31, et ce qui est connu du culte pour Trapézonte, pour Mégalopolis d'Arcadie u Si, (lions l'Argolide, 1-léphaistoS incarne les forces volcaniques du sol, c'est déjà par une transposition de son caractère originel, transposition qui n'est pas de date ancienne : en ces lieux aussi les liens généalogiques se corrompent plus facilement; Ardalos, à Trézène, est devenu d'abord, semble-t-il, par un jeu de mots étymologique, « le Noir de fumée e, puis de là seulement, fils d'iléphaistos . A Épidaure, c'est tantôt Héphaistos, tantôt Poseidon, aïeul commun de toute la race de Thésée, qui est cité comme père de Périphétès, héros luimême de création tardive, figure très incertaine". Ce n'est guère qu'à Athènes qu'on trouve un culte développé. Mais le dieu n'avait sur l'Acropole aucun siège primitif; tardivement, artificiellement, on fit effort pour le mettre en rapport avec la déesse poliade, ou pour faire son fils de l'ancien dieu local Erechiheus-Ériclithonios3t. L'Iléphaistos d'Athènes n'est qu'un forgeron, habitant la ville basse, dans le quartier des artisans il n'a aucun rapport essentiel, ce semble, avec le dieu dli feu de Lemnos ou de Lycie. Est-ce de Lemnos qu'il était venu à Athènes, ou d'Asie directement? La question sera reprise plus loin. Solon est, en tout cas, le plus ancien témoin qui le mentionne36. Les légendes qui relient Athènes à Lemnos n'apparaissent qu'au temps des Pisistratides et n'autorisent aucune conclusion pour l'àge antérieur. Le rapport avec Prométhée, spécial à l'At VUL 991 -VUL tique, n'est pas, en définitive, beaucoup plus instructif, Prométhée n'étant pas non plus, croit-on aujourd'hui, un héros d'origine attique [PROMETHEUS] 1. Ce que du moins nous pouvons suivre, c'est le passage d'Héphaistos vers l'Occident. On notera d'abord, mieux qu'il n'a été fait traditionnellement, l'importance du centre de transition lemnien, patrie primitive des tribus de Sintiens, qui sont des tribus thraces. Le rôle de la Thrace dans la diffusion de la métallurgie agricole, la parenté avec les Ligures, civilisateurs de la Gaule, de l'Italie, et indirectement de la Sicile, sont des faits qui ont été indiqués plus haut 2. Mais quelque importante que soit cette transmission trop négligée, il ne faut pas passer sous silence une autre origine, qui n'est pas moins probable. En Occident, c'est aux îles Lipari que le culte d'Héphaistos semble le plus enraciné (fig. 7581). Il n'y était pas venu assurément par la Grèce propre. Malten indique raisonnablement que des Grecs asiatiques de Cnide avaient colonisé les îles Lipari : ils avaient amené, semble-t-il, le dieu avec eux, et ils le retrouvèrent dans le feu des volcans. Les histoires racontées à Lipara sur le forgeron mystérieux, qui façonnait la nuit le métal abandonné le soir à l'état brut, ne procèdent sans doute d'aucune poésie savante ; ce sont des légendes originales, qui se rencontrent chez d'autres peuples, sous la même forme `'. Les îles Lipari étaient appelées Héphaestiades 5. Trois surtout sont mises en relation avec Héphaistos : 10 Lipara d'abord, siège des légendes du forgeron nocturnes; ,20 Iliéra, où Thucydide mentionne déjà l'atelier du dieu', ancienne Ofpi.earx, semble-t-il, qui aurait troqué son nom primitif d'île chaude contre le nom d'île sacrée 6 ; 3° Strongylé enfin 9. Là, comme en Argolide, Héphaistos était en rapport avec le feu des volcans, phénomène auquel il était resté étranger dans les régions orientales ; pourtant cette relation ne fut jamais complètement acceptée, même en Occident : Iléphaistos incarnait surtout encore l'apparence ,extérieure de la flamme, tandis qu'un géant était supposé exciter de l'intérieur l'activité du cratère. Des volcans des Lipari Héphaistos fut amené enfin à l'Etna voisin le : mais, là encore, il ne devait qu'être substitué à un démon indigène, Adranos, divinité locale, dont plusieurs textes signalent le sanctuaire sur l'Etna. Le fait que ce sanctuaire était habité par des chiens sacrés, animaux étrangers au culte d'Héphaistostt, prouve assez qu'Adranos n'avait rien à voir, à l'origine, avec son substitut, dieu du « feu éternel ». La confusion ainsi établie fit rattacher d'ailleurs parla suite les Paliques siciliens, fils du démon de l'Etna, à Héphaistos, qui devint leur père à l'occasion i2. Dans la région de l'Etna, il est sûr qu'Héphaistos n'a jamais été considéré non plus comme le dieu qui provoquait les éruptions du volcan ; ce rôle était dévolu aux Géants, ensevelis sous le cratère, d'après la tradition courante 13 Héphaistos avait seulement son atelier dans la zone des flammes". Les Cyclopes, qui devaient devenir ses serviteurs (fig. 2258), furent d'abord Les traces du culte de l'Héphaistos grec en Italie (voir sect. II), ne sont pas nombreuses; le plus souvent, on l'identifie avec le Vulcanus latin (Volcanus) qui, comme Adranos de l'Etna, a des analogies avec Héphaistos sans pouvoir lui être assimilé. C'est en Étrurie que l'Iléphaistos gréco-oriental garde le mieux son originalité : peut-être la transmission s'était-elle faite par Lemnos 16. La forme étrusque du nom est Sethlans (fig. 7577)17, et le Sethlans étrusque est, comme Héphaistos, associé quelquefois à Dionysos-Bacchus. Dans le Samnium, des traces d'Héphaistos ont été constatées à Aesernia, d'après les monnaies18. En Campanie, la région de DicaearchiaPuteoli s'est appelée 'HpxirTou â.7opx, à cause de la nature volcanique des solfatares 19. A Rome et dans l'Ombrie, les indices relevés sont presque insignifiants 20 B. Rites etfêtes. -Ce qui est connu des rites du culte d'Héphaistos et de ses fêtes est encore important. En Asie, principalement, le silence des textes, des inscriptions, est particulièrement regrettable. On a déjà mentionné le rôle d'Héphaistos comme protecteur des tombes lyciennes (ci-dessus, p. 989). A Magnésie du Méandre, les monnaies révèlent des processions à la mode asiatique, où la statue était portée hors de son temple (fig. 7573). Sans doute les mêmes documents nous font connaître aussi l'existence des corporations d'ouvriers habitant autour de l'Héphaisteion, cela du moins pour l'époque impériale tardive. Ces corporations étaient chargées de porter la statue dans les processions, à certains jours de fêtes qui rappellent les 'IlpxlaTlx athéniennes. Il est probable que de telles cérémonies devaient être célébrées partout où divers indices nous révèlent l'adoration du feu héphaistien. Vraisemblablement aussi elles existaient dans les endroits où le nom d'un mois était tiré du nom d'Héphaistos; par exemple, semble-t-il, VUL 992 VUL .à Lesbos'. A Éphèse, une inscription mentionne pour l'époque d'Hadrien des mystères en l'honneur de Dionysos, Zeus Pauhellénios, lléphaistos 2 Le carac.tère de ces mystères est surtout bachique et témoignerait d'une pénétration, sur la côte, des idées principalement élaborées à Naxos et à Samos. Nous ne savons rien sur les cérémonies plus particulières de l'entretien du feu ; un xd.spo (sanglier) icpdouo 'rot-5 OcoC 'llcx((rou est mentionné par une inscription funéraire de Lycie3. Pour Lemnos, autre centre primordial du culte, les renseignements ne sont guère plus abondants. 11 convient toutefois de ne point passer sous silence le rôle d'Héphaistos comme dieu guérisseur . On t pensé qu'au Mosychios existait un culte géminé d'iléphaistos et de la Terre-mère, avec un emploi rituel de la terre lemnienne 5; mais l'hypothèse reste douteuse. Sur l'entretien même du xwrlç ?co; et les rites du feu, nous ne trouvons que peu d'indications dans les textes. 11 n'est pas sûr que la monnaie d'Héphaestia, qui montre au revers une torche, doive faire penser i des courses de flambeaux6. Qu'un feu fût entretenu en permanence dans Pile, c'est ce que montre du moins le passage de l'.Agaonemnon d'Eschyle, qui compte éomme premier signal, à partir de l'Ida, le feu de l''Epù )7r«, à Lemnos7. Le texte le plus important à retenir ici est un passage de Philostrate, auteur lemnien précisément , qui parle d'une purification annuelle de Lemnos, déterminée par le prétendu crime mythique des femmes lernniennes. Tout feu était éteint pendant neuf jours un navire sacré apportait alors le feu de Délos, attendant pour accoster, au milieu de prières aux dieux -1Oov(o et o?p'zjtol, la fin du délai d'expiation. u Lorsque le navire a abordé, dit Philostrate, et qu'on a distribué le feu non pas seulement pour l'usage de la vie, mais pour les foyers des métiers, on dit [à Lernnos] qu'une nouvelle vie recommence . o Cette cérémonie du feu rallumé, l'idée d'une sorte de communion par le moyen du feu qui était partagé à partir du foyer naturel et divin, est ce que nous connaissons encore de plus précis, de plus originel, sur les rites en l'honneur d'lléphaistos. La croyance au renouvellement de la vie par le feu héphais tien apparente d'ailleurs un tel usage aux sacrifices d printemps méditerranéens, dont l'importance a été souvent signalée10. Dans la Grèce continentale, ce que nous savons n'intéresse guère qu'Athènes. En certains centres, comme à Méthone, et d'une façon plus douteuse à Épidaure, on peut présumer l'existence de lampadédromies en l'honneur d'Iléphaistos h1 À Athènes [TIÉ1'nAIsTEIA, p. 75], on sait, d'aprèsl"AOs'vx(uv zo)tr(a d'Aristote 12, qu'en 39-38, au moins, j] existait des Héphaisteia pentétériques'3. Que ces fêles soient même plus anciennes, c'est ce qui résulte d'un passage d'une inscription datée de 41-420, et qui mentionne une lampadédromie aux Héphaisteia penlétériques Outre l'existence de cette lampadédromie a, nous connaissons par l'inscription de 421-420 l'institution de jeux musicaux". La commission était tirée au sort dans la ou2: et rémunérée pour son activité 17; à sa tête était un gymnasiarque 18; la date de la fête n'est pas connue". Les Prométbeia étaient célébrées semblablement". Sur la lampadédromie d'Héphais(os, nous avons quelques renseignements '2' Pausanias mentionne comme point de départ l'autel de Prométhée, à l'Académie 22; la course se faisait ensuite à travers le Céramique, jusqu'au temple d'Fléphaistos de la ville basse 27 elle symbolisait sans doute la joie du retour du feu, se reliant ainsi, comme les courses de flambeaux ailleurs connues, à la cérémonie mentionnée pour Lemnos par Philostrate Héplaistos avait part aussi aux Apaturies, célébrées dans le mois de Pyanepsion, à une date imprécise : ce jour-là une procession d'hommes en vêtements de fête venaient allumer des torches sur l'autel d'Héphaistos ; ils sacrifiaient et remerciaient le dieu polir le don du feu 13. Au dernier jour de Pyanepsion, étaient célébrées les Chai keia 56 [CHALKEIA, p. 1098]. C. Épithètes rituelles et figurations sacrées. Selon un classement bien établi par Malten, les épithètes ordinairement données à Héphaistos se répartissent en trois séries principales, selon qu'il est envisagé comme dieu du feu, comme dieu infirme, ou comme dieu forge VUL 993 phaistos dieu forgeron: x)a, c)u'rç, 4'trTO77Y6, o'ryv;, 7oûixsé;, ixoup'çç, xvct; . On joindra à. ce relevé diverses épithètes d'intérêt isolé, faisant allusion à quelques épisodes de la vie légendaire du dieu Ce que nous savons du type consacré d'Héphaistos nous est fourni surtout par les documents artistiques. Mais la Grèce, en adoptant le dieu exotique, ne s'est pas toujours souciée de lui chercher une réelle originalité plastique ; à partir du Ve siècle, Héphaistos est presque toujours représenté sous une forme plus noble qu'expressive. L'art archaïque, du moins, -ionien, corinthien, ou vieil attique avait montré d'abord pins de verve inventive : c'est le temps où le dieu est représenté comme un infirme aux pieds tordus (fig. 7576). Dès le Ve siècle, on renonce à cette spécialisation; on se contente alors de marquer par les détails du costume le caractère du dieu .artisan. Mais Héphaistos devait s'en tenir à ce rôle, sans participer au développement des idées grecques sur le caractère des dieux : il est resté toujours le forgeron, le vuco. Son type idéal n'existe pas indépendamment liéphaistos emprunte, à l'occasion, des traits étrangers, ceux de Zeus par exemple, ou d'Asklépios. Quelques-unes des peintures de vases archaïques ont déjà été mentionnées à propos des légendes, de celle du retour dans l'Olympe, principalement. Pour les documents de céramique, il convient d'ajouter ici la représentation d'un vase de Berlin, où le dieu est assis dans un char ailé, revêtu d'un chiton, et portant dans la main gauche la double hache, dans la main droite le canthare (fig. 7574); l'interprétation a cependant été contestée . Pour la plupart, les documents fournis parles arts mineurs .ont été signalés ci-dessus . Les représentations plastiques sont les plus nombreuses, sinon les plus intéressantes; on n'en connaît pas encore qui remonte à l'époque archaïque, si du moins l'interprétation du pseudo-Éole de la frise du Trésor des Siphniens doit être revisée 6 Un des types les plus célèbres est l'Héphaistos de la frise du Parthénon ; le dieu est représenté assis, se retournant vers Athéna; quoique assis, il s'appuie de l'épaule sur son bâton, détail où l'on a voulu voir, peutêtre avec subtilité, comme un rappel et un souvenir de Ix. VUL l'infirmité primitive. Le torse du fronton de la naissance d'Athéna n'est pas sûrement, comme il a été dit, un torse d'Héphaistos . La statue de culte de l'Héphaisteion était plus récente que les sculptures du Parthénon : oeuvre d'Alcarnùne, elle avait été mise en place, semble-t-il, en 417/6. Le dieu, boiteux, était représenté groupé avec Athéna . L'lléphaistos d'upl1ranor, par contre, n'était plus infirme 18; le souvenir de cette disgrâce ne tarde d'ailleurs pas à s'effacer : il est peu croyable que le sculpteur du buste du Vatican ait voulu, comme on l'a dit, marquer par la dyssymétrie du visage, un souvenir de l'infirmité originelle : en prêtant à sa création, dans l'ensemble, la physionomie de Zeus, il a plutôt voulu, par une certaine irrégularité des traits, révéler le caractère de 3sivucc du divin artisan ". Le dieu n'est presque pas représenté à l'époque postérieure; du moins ne se distingue-t-il pas, sauf la présence d'attributs, des types similaires : on le reconnaît dans quelques réunions des Immortels Sur les attributs d'lléphaistos, ce sont encore les monuments figurés, surtout, qui nous renseignent. Le nombre de ces attributs n'est pas grand, et ce fait correspond à ce que nous savons de l'activité en somme restreinte du dieu. L'attribut le plus caractéristique, qui ne se trouve pas dans les représentations archaïques, est le pilos [PJLEUS, p. 480], insigne de l'Héphaistos vuoç (fig. 7575)1". Comme forgeron, il porte le marteau [MALLEUS, p. 1561] et les tenailles [FORCEPS, p. 1240] (fig. 7575) ; quelquefois à celles-ci s'attachent de petits morceaux de métal enflammé 06; il travaille sur l'enclume, xto [mus, p. 463]. Dans la Gigantomachie, il lance VUL 994 V UL des masses de fer en fusion, p.éot ; il n'est pas sr malheureusement qu'on puisse le reconnaître, activant une forge, sur la frise du trésor de Siphnos . Son costume varie; dans l'Iliade on voit qu'il revêt un chiton pour recevoir une visite . Les bronzes, les reliefs, les vases le représentent fréquemment nu . Comme artisan, il porte l'exomis ou la chlamyde, quelquefois une courte tunique sans manches (fig. 7575) °. C'est seulement dans la Gigantomachie, ou en quelques circonstances exceptionnelles de sa vie légendaire, qu'il est figuré en vêtements d'apparat'. Dans l'épopée, il est représenté comme un artisan vigoureux, velu . En conformité avec ce signalement, les anciennes représentations lui donnent une barbe pointue «fig. 7568 à 7574). Mais, bientôt, la peinture des vases attiques en fait un séduisant jeune homme imberbe, à la mode du temps d'Euphronios et de Pouris . Sur les monnaies Héphaistos, on l'a vu (fig. 7573), est représenté le plus souvent assis et forgeant ; plus rarement il est debout, plus rarement encore il figure en coureur de lampadédromie 0 Outre ces attributs ordinaires et spécifiques, il convient d'observer qu'Héphaistos a reçu le droit de porter quelques symboles qui se rapportent à des épisodes particuliers de la légende, ou au rôle de certaines associations cultuelles locales. Du premier type est la double hache (fig. 7574), qu'on voit reposer sur l'épaule du dieur. après la scène de la naissance d'Athéna (fig. 7570) ; elle caractérise le plus souvent Héphaistos comme oyo'ixo Dans la scène de la naissance de Pandora, il porte un ciseau d'orfèvre ou de sculpteur(fig. 7314)12. Sur quelques représentations archaïques du retour dans l'Olympe, on, voit à sa main un fouet, qui sert à ce dieu peu cavalier' pour guider sa monture (fig. 7568)13. C'est au syncrétisme.local de Samos-Naxos qu'Héphaistos doit la fréquence desdivers attributs bachiques qui lui sont donnés, à l'occasion: couronne de lierre (fig. 7574), rameau de pampre,. canthare (fig. 7574), coupe ou rhyton li; à cause de la même association avec Dionysos, Fléphaistos se trouves chevaucher quelquefois l'âne ou le mulet ithyphallique,. par qui il est ramené dans l'Olympe (fig. 7568, 7569) 11 En tant que cavalier, le dieu est caractérisé par sa, posture maladroite d'infirme (fig. 7576) : il n'est pas. rare qu'il chevauche comme un homme, mais il monte aussi à la manière dite u en amazone » IV. Le rôle et l'histoire du dieu. Après avoir rassemblé ce que peuvent nous apprendre les textes, les inscriptions, les monuments figurés, sur la vie légendaire d'Héphaistos et sur son culte, on doit essayer de se représenter la nature de ce dieu, de conclure sur son origine et, s'il se peut, sur son histoire. Les théories. présentées pour l'explication de la nature d'Héphaistos ont participé naturellement des variations des grands systèmes d'exégèse mvthographique. Les anciens nous. cri font connaître plusieurs. Pour ne mentionner que les théories modernes, on trouvera dans les études antérieures les traces de l'interprétation védique de l'interprétation par les u mythes solaires» , mais surtout d'une, théorie naturaliste plus vraisemblable, qui fait d'Héphaistos à la fois l'éclair céleste et le feu souterrain" VUL 995 VUL Pour éviter les partis pris que de telles systématisations ,imposent, il convient mieux d'examiner successivement Héphaistos selon ses rôles les plus apparents. A. Iléphaistos feu terrestre. C'est en Lycie et à Lemnos que l'on peut constater les formes les plus -orignales et les plus développées du culte : en ces deux -endroits Héphaistos est en relation directe avec le feu terrestre. Ce sont 'deux indices précis et importants, qui engagent à chercher là les origines. Les textes n'y contredisent point. Sophocle comme Antimachos appellent « produit d'Héphaistos » le feu lemnien 1. Quand un dieu et un élément sont si proches l'un de l'autre, on doit être amené naturellement à penser que l'élément est le soutien substantiel de la divinité, en même temps que sa manifestation symbolique extérieure 2. La flamme du sol, allumée par un dégagement de gaz et changeante à la manière des feux follets que redoute encore la superstition campagnarde, donna, ce semble, naissance à la croyance en un démon vivant ; avide de merveilleux, l'esprit humain primitif fit ainsi du feu une puissance animée'. On a justement rapproché le culte moderne des adorateurs de la flamme sacrée, à Surakhani, près -de Bakou : ainsi qu'en Lycie, en cet endroit, le dégagement de gaz produit de petites fosses enflammées, çà et là, laissant aux entours l'herbe intacte ; ainsi qu'en Lycie, il y a, dans la péninsule d'Apscharon, un temple 'près du feu 4 ; une légende indique la présence d'un démon dans la fournaise mystérieuse 5; dans le temple même se manifeste le feu, le gaz souterrain étant amené par un tuyautage en roseaux jusqu'à l'autel, point central du cultes. Il est impossible de ne pas songer ici au texte du Lemnien Philostrate, décrivant la cérémonie du renouvellement du feu dans l'île d'Héphaistos. C'est seulement la forme la plus tardive de la légende, influencée par des changements politiques, qui fait venir le feu de Délos ; il est bien évident que, primitivement, la flamme purificatrice était prise sur le Mosychlos 7. A mesure que le démon de la flamme terrestre s'éloigna de son pays d'origine et fut plus célébré, en Asie comme -en Grèce, le rapport originel avec l'élément naturel dut se relâcher. On retrouvait simplement Iléphaistos dans toute flamme, sans qu'il y eût nécessairement émanation du sol $ : ainsi a pu se propager le culte, dans tant de villes anatoliennes, et il est probable que les Grecs n'ont guère connu Héphaistos sous son aspect le plus primitif. Encore la littérature identifie-t-elle le dieu, jusqu'à l'époque la plus tardive, avec l'élément enflammé ; ce n'est pas tant là un emploi métaphorique du nom, que le souvenir et comme la survivance du rapport originel'. La preuve des relations d'Héphaistos avec le feu terrestre doit avoir pour effet de faire renoncer aux hypothèses sur l'Iléphaistos éclair et feu céleste, hypothèses qui sont encore traditionnelles, et qui se trouvent assez souvent mélangées à des constatations partielles sur le rapport plus profond établi dès les origines entre le dieu et le feu souterrain. Les deux systèmes d'exégèse ne sont pas cohérents ; il semble bien que l'explication par le feu céleste, malgré l'avis de 111. de Wilamowitz, ne puisse plus aujourd'hui être considérée comme principale .ni suffisante10. C'est le rapport avec le feu terrestre d'abord, puis avec la flamme, qui devra fournir l'explication des diverses légendes, guider dans l'étude des origines du dieu. On ne s'arrêtera pas, en effet, à l'objection qui pourrait être tirée de quelques passages de la poésie épique, où Héphaistos est transporté avec sa forge sur le mont Olympe L1. Le cas est le même que pour Déméter, qui, elle aussi, déesse terrestre, monta au ciel. Encore convient-il de remarquer que ce qui était de caractère divin chez Iléphaistos se perdit un peu dans cette transmigration ; dans la troupe des Immortels, Héphaistos est le gav«uaoç, celui qui, dès sa naissance, excite par sa laideur un rire insultant; c'est l'artisan bouffon. Deux légendes caractéristiques, dans la poésie épique elle-même, témoignent d'ailleurs de ce caractère étranger d'Iléphaistos. Suivant la première, il est précipité du ciel à Lemnos 12 par Zeus, ou dans les flots par sa propre mère, après l'enfantement ". Suivant la seconde tradition, il apprend alors à travailler, au fond de l'océan, dans une grotte, où il est protégé par Thétis et Eurynomé 14. Or il n'est pas impossible, comme on l'a dit, qu'Eurynomé, la déesse « au pouvoir VUL -90GVUL étendu », fût la Terre mère elle-même ' dans son sein croit le forgeron estropié. Ainsi, dans les légendes allemandes, le nain, démon du feu, habite tantôt une caverne souterraine, tantôt une grotte sous-marine. On a noté aussi que la mythologie présente Héphaistos, à son retour dans l'Olympe, comme escorté du thiase joyeux et burlesque des Silènes, et ceux-ci sont les porteurs des présents de la terre; à cette terre Iléphaistos n'a cessé d'être attaché plus qu'au ciel2; ce n'est pas l'éclair qui descend des nuées d'orage, mais la flamme mystérieuse émanée des profondeurs du sol. B. Les formes de la personnification. 1. Héphaistos boiteux. Le symbole du feu ne devait pas suffire toujours, comme aux origines, à exprimer la nature du dieu lycien et lemnien; l'esprit grec, habile à personnifier, dégagea de plus en plus lléphaistos de l'élément physique et,awantde créer sa légende, se soucia de lui composer un type distinct. En même temps qu'il recevait la forme humaine, Héphaistos fut affecté d'un indice caractéristique il devint estropié. L'infirmité est congénitale, comme le montre l'anecdote de la colère d'Héra . Les plus anciens témoignages littéraires et plastiques constatent avec complaisance cette difformité des jambes et des pieds, qui était doublet. La première mention, celle de l'épopée homérique mentionne déjà la claudication des deux jambes '. L'épithète de l'hymne à Apollon est opposée dans l'Odyssée au mot 'r(teç qui caractérise Arès . L'i.ptyusotç est boiteux des deux côtés le xuoirousv souffre d'une enflure des pieds . Toutes ces particularités se fondent dans une caractéristique générale lç dieu est estropié des deux jambes, il a les membres raides et maladroits, des pieds enflés et tordus; à chaque pas que fait un tel infirme, fût-ce à l'aided. béquilles, comme dans la dispute des dieux ou dans la scène de l'échanson '0, le haut de son corps se déhanche produisant cet effet qui déride les Immortels Il est., bien évident qu'une telle difformité diffère de celle. d'un Thersite ou d'un Philoctète ; ceux-ci boitent accidentellement, et d'un seul pied. Les vases du début du vie siècle nous montrent sensiblement le caractère spécial de la claudication d'Iiépliaistos.'lJn des plus. intéressants par son réalisme es,t l'hydrie ionienne du musée de Vienne qui représen.t Iléphaistos allant la rencontre de Dionysos : l'infirme chevauche u mulet; mais on aperçoit toute' la difformité misérable de ses jambes et de ses pieds (fig. 7576) 12 On est frappé aussi de sa peti tesse, que n'ex ▪ pliquerait pas suffisamment la convention de l'isok'éphalie ce sont les pro portions d'un corps de nain. Une amphore corinthienne du vie siècle, au musée national d'Athènes, montre une représentation d'une force et d'une franchise comparables Héphaistos est assis sur sa monture, les deux pieds visibles d'un même côté, déformés et arqués". De moindre valeur documentaire sont les deux représentations du vase François : l'une figure Héphaistos à la fin du cortège des dieux, dans les noces de Thétis et Pélée; assissur une couverture épaisse, il tient les rênes et le fouet ses pieds, peints en blanc pour attirer l'attention sur sa. difformité, ont les pointes tournées en dehors. Dans, l'autre, où il paraît avec le thiase dionysiaque, un seul des pieds est retourné, si bien que la pointe et le talon ont changé leur direction naturelle ; fantaisie, qui prouve assez la diminution du sens du réalisme dans la peinture ionienne '. Cette tendance s'accentuera, dans. VUL 997 V UL la peinture attique principalement' : au ve siècle, les pieds du dieu sont généralement normaux, le goût de l'idéalisation, propre à l'époque, s'accommodant mal de la difformité d'un dieu 2 ; notons pourtant la persistance de la tradition archaïque sur une hydrie à figures rouges du Louvre, où le dieu est encore assis comme une femme sur son mulet et ramène sous lui ses pieds nus et tortus'. Pour expliquer cette difformité, la spéculation antique, suivie souvent encore par la mythographie moderne', alléguait la nature du feu, comparant le boiteux à l'aspect vacillant de la flamme; mais c'est là une hypothèse fragile, qui ne tient pas compte du véritable caractère de la claudication du dieu. L'épopée tardive n'était ni plus ni moins près de la réalité, quand elle expliquait la difformité par la chute du haut du ciel 5. On a pu penser, ce qui parait plus satisfaisant, que l'infirmité d'lléphaistos était une conséquence directe de son métier manuel ; c'est aux infirmes que revenait dans la vie antique le travail humiliant, tel celui de la forge, travail dédaigné des héros '. Ainsi la claudication serait un accident, une caractéristique sans signification mythique; l'élément du feu, en se transformant humainement, aurait reçu les jambes torses qu'ont souvent les artisans forgerons. Il se peut pourtant que cette explication ne soit pas définitive, ni même satisfaisante. M. de W'ilamowitz, suivi aujourd'hui par M. Malien, a vu dans la claudication d'Iéphaistos une indication sur sa nature primitive Le dieu originel aurait été un nain, parent des Pygmées, des Telchines et de ces Dactyles de l'Ida, qui passaient pour avoir inventé l'art de la métallurgie 8. L'hypothèse est au moins tentante; sans doute, le seul fait de la difformité ne suffirait pas à la démontrer; il convient du moins d'observer que deux peintures de vases archaïques 9 montrent Héphaistos avec des proportions naines. On retiendra aussi qu'Ilérodote identifiait avec l'Iléphaistos grec le Ptah égyptien, représenté sous la forme d'un foetus 10. Enfin il faut donner une certaine importance à la légende de l,ipara, d'après laquelle, lorsqu'on déposait le soir, près du cratère d'Héphaistos, du fer brut, on le retrouvait forgé au matin ". C'est là une légende populaire, pour laquelle on retrouverait de nombreux parallèles chez les différents peuples, et ces légendes sont toujours caractéristiques des petits nains des cavernes, démons malicieux et adroits, aussi habiles à tourmenter qu'à secourir les hommesi2. Cette espèce d'aide mystérieuse revient sous toutes ses formes dans le vaste domaine des fables de lutins 12. Dès lors, la claudication du dieu, la forme de griffes d'animal donnée à ses pieds sur certaines peintures de vases trouvent une explication directe : ce seraient des caractéristiques du nain 14. Quand l'élément dieu prit la forme humaine, quand le feu souterrain devint forgeron, on peut penser qu'lléphaistos fut imaginé sous la forme d'un lutin estropié, qui, résidant sous le sol, dans la flamme, prêtait aux hommes l'aide de son marteau de forgeron 16, 2. Le dieu forgeron. A côté du dieu feu, contenu dans l'élément enflammé, et à côté du seigneur du feu, maître de l'élément bientôt séparé, l'épopée homérique connaît déjà une troisième formule : IIéphaistos forgeron 16. Cette personnification, avec laquelle le processus d'anthropomorphisme a atteint sa dernière phase, se comprend mieux, si l'on remonte à la forme originelle, au feu terrestre. Quoi d'étrange à supposer, là où des flammes s'élevaient du sol sans cause apparente, la présence cachée d'un forgeron divin, travaillant dans un atelier, à la manière commune des artisans mortels? C'est sur le Mosychlos qu'a été installée la première forge d'Héphaistos, celle où Prométhée déroba la flamme vivifiante. Le feu du Mosychlos est appelé par Sophocle 421aT~TE9it'r OV rEnaç Mosuy),ou 17. De là la tradition se transporta vers les volcans occidentaux, à la fois par la Thrace, semble-t-il, et par la colonisation enidienne des îles Lipari. Du centre nouveau du culte ainsi créé en Occident lléphaistos devait progresser vers l'Ouest, où quelques-unes de ses installations nous sont connues1°. Mais le point principal vers l'Ouest est ce groupe des îles Lipari, où s'est surtout développée la légende du forgeron (voir plus ldin, Section M. D'après les fables locales, on a rappelé justement le parallélisme des rapports entre le feu terrestre et le forgeron magicien, tel qu'il est connu par ailleurs dans l'Asie orientale, près de la petite ville de Hama, en Birmanie : là des gaz s'échappent d'une crevasse du sol et brûlent durant la saison sèche; on croit qu'ils viennent de la forge d'un forgeron fantôme, qui continue de travailler après sa mort ; une fois par an, tous les feux sont éteints dans lesmaisons : on les allume à la flamme magique; il est facile de reconnaître là le syncrétisme des légendes lipariennes et du culte lemnien19, C'est donc à Lemnos, VUL -998-VUL 'semble-t-il, en définitive,que 'se serait faite la transformation du feu élément en Iléphaistos forgeron. Si les monnaies d'Asie Mineure présentent le plus souvent le dieu sous cette forme, ce peut être l'effet d'une régression mythique vers le premier pays d'origine. Précisément la poésie grecque épique parle volontiers d'Iléphaistos le forgeron : l'Iliade décrit les armes d'Achille 1; l'hymne à Iléphaistos, créé dans la légion samo-naxienne, signale le trône magique d'lléra 2; l'Odyssée, le filet habilement tressé où le mari trompé enferma les amants adultères'. L'antiquité connaissait une longue liste des chefsd'oeuvre du forgeron chefs-d'oeuvre dont l'armure d'Achille est le prototype [CAELATURA, p. 781, et fig. 9551. Dans M série des puxx , Homère compte encore le sceptre et l'égide de Zeus , les statues d'or vivantes de jeunes filles7, les trépieds animés8, les chiens d'or et d'argent d'Alcinoos °, les demeures des Olympiens 10• Hésiode signale les armes de Pélée, la cuirasse d'Hérakiès '; Eschyle et l\limrierme, le gobelet d'Hélios '2. Apollodore de Rhodes parle des taureaux de bronze, du char ailé d'Hélios, du palais deCyprist3; Nicandre, d'un chien de bronze animé . Virgile attribue à Vulcain les armes d'lnée a, Ovide le décor du palais d'Tlélios 1O• Il faudrait ajouter encore, d'après diverses traditions, le gobelet d'or donné par Zeus à Aphrodite', le vase offert cri présent par Dionysos à. Ariane 18, le diadème d'Ariane 19, la couronne d'Harmonia 20 pour Aphrodite°', des taureaux soufflant le feu, semblables à ceux d'Aiétés 22, l'attirail de chasse d'Adonis 23 ; selon d'autres sources, la maison d'Jlectre , un cratère pour Dionysos", le bouclier de Dionysos, des armes 36, etc. La tradition mythographique ne s'en tenait pas là : elle a cité encore l'hypogée d'Oenopion 27, le collier composé pour Cadmos 28, le géant de bronze Talos °, présent offert à Minus de Crète, le vêtement d'Harmonia 30, les flèches d'Apollon et d'Artémis31, la pr-i de Persée °, la faucille de Déméter , le gobelet de Dionysos4, le trépied des sept sages °. Certains particuliers ou certains temples passaient pour avoir reçu des présents d'lléphaistos, dont, aux temps récents de l'antiquité, la critique rationaliste a contesté l'origine36. Il semble, en bough, III, p. OSI. Dans la légende de Birmanie, comme peur le culte lemuien, la sainteté de la flamme, encore évidente à ce stade de la croyance, fait supposer un état plus ancien, où le feu lui-même était le siège de la puissance sacrée. I Riad. XVIII, 478 sq.; la scène est représentée sur une e amphore de Nota s, .9. Boston; cf. Journ. heU. et. 1913, p. 109, n' 12, pl. ai; pour les armes do Memnon, Gruppe, dIith. p. 1310, note 4. 2 iliad. XVIII, 389-394. 3 Odyso. VIII, 298-097. t Diodor. V, 74, 2 Cruppe, Griech. .Mythol. Il, p. 1309. Les textes relatifs à ta forge et au forgeron sont recueillis par ilalten, dans Pauly-Wissowa, Repli, p. 332: Iliad. XVIII, 389; XV 310; Luciau. De suer. 6, 8 Thueyd. 11I,88, 3; Cal limach. 111,46; IV, 141 sq.; fragment 119 (édit. Schneider) Eupliorion, Berlin. Kiassilcert. V, 58, 60; ApoIl. Rliod. 111,46 sq.; IV, 701; Virgil. Aeneid. VIII, 418, 440 ; Georg. 1,470; 1V, 170; Dias lat. 857 sq. (Brüning, Areh .Jahrb. IX, 1890, p. 141 sq. . Pour 11. forgeron, MalIen, ibid.; Aeschyl. Prometh. Il, LOI ; Pausanias, IX, 40; 11, 91, 8; XV, 309 sq. 1 Iliad. XVIII, 417. S lima1. XVIII, 373. 9 Odses. VII, 92. 10 Riad. I, 607 ; XIV, 338 XX, 12 ; XIV, 166; XVIII, 371 cf. Hclbig, llomer. EpoeC, p. 100)7 Les représen tations du coffre de Cypsélos dérivent do l'épopée homérique; cf. Pausanias, , 19, 8 ; Loeschcke, ijorp. Progr. 1880,0; Athen. M itt. XIX, p. 513, 0: Néréides remettant les armes forgées par Héphaistos. 11 flesiod. fragment 37 ; Pindar. Nem. 1V, 58; Schol. 88; Apollod. II, 93; III, 16; Philostr. Imagin. 418 K Diodor. 1V, 14, 3. _62 Aesehyl. éd. Nanek 2, 69; Slirnnerm. fr. 11, G. iSApot. bd. I, 128; III, 230; III, 231; III, 37. 18 Nmcaied. ap. Asin. Pollioim. V, 39. 19 Ibid. 1V, 386.-19 Epirnenid. ap. Diets, Fragmente der Vorsocrat. 2, 498, 25; ertull. De corona, V; Virgil. Georg. J, 120. 20 StaL. T/iebaie, 271 sq.; fait, que les anciens aient eu l'habitude d'attribuer au forgeron dieu les premiers produits, les plus surprenants, du travail des métaux et de l'industrie humaine. La personnification d'Iléphaistos sous l'aspect du forgeron devait avoir une influence importante sur les relations du dieu: il se trouva ainsi naturellement associé à. Athéna, protectrice elle-même de l'industrie humaine . Ce rapprochement se trouve réalisé au temps d'ilésiode, à propos de la fable de Pandora38 ; on le constate au Parthénon et au pseudo-Théseion. C'est en Attique qu'il devait devenir le plus étroit, au point de faire naître la légende d'un amour d'Héphaistos pour sa parèdre féminine39. C. L'histoire d'Iléphaistos. Ce n'est pas sans d'expresses réserves qu'on peut encore aujourd'hui essayer de fixer l'histoire d'Iléphaistos. De tous les documents ci-dessus réunis résultent cependant quelques conclusions vraisemblables. Le domaine d'Héphaistos est déterminé; ses centres principaux sont l'Olympos lycien, le Mosychlos lemnien, Athènes, les îles Lipari. Dans sa patrie lycienne, Iléphaistos est établi sur la côte Est, près de la ville d'Olympos : à l'Ouest, dans la vallée du Xanthe, dominait la déesse Léto, divinisation de la mère, sous la protection de qui les Lyciens ont placé leur sanctuaire d'alliance et, en beaucoup d'endroits, leurs tombeaux. L'Olympe grec, qui n'a jamais possédé d'unité nationale, a vraisemblablement adopté en Lycie Héphaistos comme Léto ; on voit d'abord le culte des deux divinités se répandre dans les régions voisines du centre d'origine, hors de Lycie et de Carie, sur toute la côte anatolienne, comme à l'Est et au Nord. La détermination d'lléphaistos en tant que divinité d'origine lycienne peut d'ailleurs être précisée; c'est à la race des Solymes indigènes, plutôt qu'aux Tramiles venus de Crète que serait due l'institution du culte du feu. Les Solymes occupaient presque seuls la région occidentale, le territoire d'Olympds et de Yarnartascht9. Ce fait concorde avec ce qu'on croit connaître de l'absence d'lléphaistos en Crète. Bien que la question soit encore à l'étude, il ne semble pas qu'on doive admettre en Crète l'existence d'un culte qui serait prouvé jusqu'ici par trop peu d'indices 41 Aucun témoignage 321. 21 ibid. III, 129. 24 Ibid. XIX, 121. 25 ibid. XXV, 304. 28 ibid. XLIII, 400 sq.; V, 580; XXV, 336, etc. 27 Apoll. Jdiblioth. 1, 27. 20 Ibid. 1H, 25. 29 Ibid. I, 140; .Schei. al Apollon. Rliod. Il, 1056. 30 Hygin. L'ab. 110 vestis sceleribns tineta (le présent est offert à la fois par Fi. et Athéna). 31 Eratosth. Catast. 23. 52 Sehol. al Apalt. Rhod. IV, 983. 33 Schol. ad Riad. XXIII, 91. 3'. Stesicher. (7); cf. %Vi!amowitz, lleph. 235, 43. 35 Voreoerat.2 5; sur il, cuisinier ana noces d'Éros et Psyché, cf. Apul. 3f etam. VI, 24. 36 Sur le cratère donné par Ménélas à Télémaque, Strab. p. 41 C ; Pausanias, iX, 41, 1 (cratère consacré par Téléfilm dans le temple d'Apollon à Patara) ; 34Fel d'Burypylos, à Patras, Id. X, 5, 13 ; cf. Proeles, dans Plat. Tins. III, 163 F ( Abel, Orphica, 195). 37 Cf. les ,ooimamcs d'Asie Mineure, ci-dessus, p. 989, fig. 7573 ; dans l'Odyse. VIII, 233, les dieux sont associés; de mémo dans l'hymne homérique pour II. 20 ; et, dans Selon, 12, 49. 38 Thcegon. 573 ; Opera et dies, 63, 72. 39 Pour les monuments, cf. ci-dessus, p. 985 et note I ; cf. aussi Plat. Proiager. 1. p. 464; Ilerodot. 1, 173 VII, 92 ; Kaliuka, Neec Jahrb. III, 1895, p. 680 XXXVIII, 1903, p. 583 ; E. Meyer, Geech. d. Aitert. 2, 1, 2, p. 624, 627, 703. En général, sur les races lyciennes, Treuber, Gceeh. d. Lykier, p. 19. Le tente le plus probant pour un culte d'Héphaistos en Crète est le passage de Diodore de Sicile, V, 74, qui parle du culte 0H. en Crète comme d'un culte primordial (non cité par MalIen). bi Dans le passage de Pausanias, VIII, 53, 5, qui donne, d'après Kinauthon, une suite généalogique Krès, Talos, lléphaistos, RhadaesanIliys, Cortys, comme eu l'a remarqué, Fiépliaistos reste isolé, et il suftii dune légère correction 'ba;eso; peur faire reparaître le nom, moins inattendu, de l'éponyme d'une des villes principales; cf. Plat. Cratyl. 407; Malten, Au-eh. Jahrb. 1. L p. 364, note 7. VU L -999VUL d'historien, aucun nom théophore, aucun document épigraphique ou numismatique n'a encore manifesté une telle localisation. L'assimilation ['eÀ7covdç-Vulcanu est discutée (voir plus loin, p. 1000) '. Le centre lemnien, par contre, a une importance qui ne saurait être mise en doute, mais il n'est pas primitif; entre la Lycie et Lemnos s'étend la suite ininterrompue des traces d'Héphaistos en pays anatolien; c'est la Carie surtout qui a contribué à la diffusion du culte . L'existence de temples et de fêtes d'Héphaistos nous est attestée à partir de là, par exemple à Magnésie du Méandre, à Éphèse, et jusqu'en Troade. L'Iliade, qui mentionne un prêtre phrygien du dieu à Troie, est aussi la première qui fasse connaître la chute d'Héphaistos à Lemnos, en terre primitivement carienne. Que cette transmigration se soit faite à l'époque préhellénique, c'est d'ailleurs cc que prouve encore l'implantation des légendes héphaistiennes à Samos, à Naxos ; dans ces deux centres insulaires, Iléphaistos était associé aux grands dieux locaux, Héra, Dionysos ; du syncrétisme de Naxos paraissent nées particulièrement les joyeuses histoires bachiques qui, au vile siècle, trouvèrent dans les poèmes homériques une expression artistique. Or, en toutes ces régions, les Cariens ont pénétré à l'époque préhellénique . Si, à Lemnos, l'élément thrace primitif ne doit point être méconnu4, ce sont les Cariens qui ont donné toute son importance au itz pceràç ni)ç on a pu dire ainsi justement que le mythe de la chute à Lemnos symbolisai t l'apparition, sur l'horizon grec, d'un dieu étranger L'Attique reste isolée. Comment le dieu y avait-il pénétré ? Question peu claire. Héphaistos y est nommé pour la première fois par Solon . Mais était-il connu à Athènes avant 600? La date récente du temple, dont il vaudrait la peine de fouiller les soubassements, le rapport étroit du dieu avec la population de la basse ville, ne font pas supposer une apparition très ancienne : le vii' siècle au plus tôt. Cela suffit pour indiquer qu'il ne faut pas songer à une importation lemnienne 'l; on a supposé plus vraisemblablement là réapparition de vieilles traditions cancanes, conservées en Attique, puis renouvelées dans le composé HéphaistOSProméthée, le dieu, en Attique, ne s'étant jamais bien distingué du héros. En dehors d'Athènes, Héphaistos manque presque partout au catalogue des dieux; dans le Péloponnèse, comme au Nord, ce qu'on sait de lui est insignifiant . Entre l'Asie et les centres occidentaux la transition st presque plus claire. Il semble bien, malgré quelques indices, qu'elle se soit faite de deux côtés à la fois; par les Thraces et les Ligures au Nord; par la colonisation çnidienne, directement dans les îles Lipari °. Le centre sicilien est secondaire; en allant habiter le cratère des volcans, le dieu, d'ailleurs, ne changea pas de nature : il resta le symbole du feu terrestre, la croyance populaire attribuant plutôt les phénomènes d'éruptions à la colère des Titans ensevelis sous la montagne enflammée. 11. ROME ET ITALIE. fo Le nom. La question des origines. Le véritable nom du dieu qui correspond à Iléphaistos dans le panthéon romain est TTolcanus. Cette forme est attestée par la presque unanimité des inscriptions 10, avec les deux graphies Volkanus et Volcanus. On en a proposé diverses étymologies. Les anciens l'expliquaient par des rapprochements forcés avec tel ou tel mot exprimant un caractère du feu Il; Cicéron, plus sage que les autres, renonçait à toute explication °. Les modernes ont recherché l'étymologie de TTolcanus dans les racines des langues indoeuropéennes on a proposé le sanscrit varie (briller), l'indien ulkà (météore igné), d'autres encore 13 ; ces étymologies ont une vraisemblance égale, ce qui les rend toutes également incertaines. La racine étrusque vel7 doit nous retenir plus longtemps. La correspondance : étr. vely = lat. vole est très régulière . Il est sûr, d'autre part, que Velyanu et ses dérivés étaient courants dans l'onomastique étrusque Mais on n'a guère qu'un témoignage concernant 1000 VUL VUL l'existence d'un dieu étrusque Velzdns : c'est le templum (foie en bronze) de Plaisance '. Il convient toutefois d'ajouter que ce témoignage est corroboré par un texte de Martianus Capella : cet auteur, qui a puisé, pour sa description des seize régions du ciel, à des sources étrusques 2, place dans la Vo région, à côté de Ceres, Tellurus, Terme pater Volcanus Si l'on s'en rapporte à cette dénomination, le 1-olea7tus étrusque serait un dieu de la terre, de la chaleur fécon-, dante. Un autre passage du même auteur semble le présenter comme un dieu lanceur de la foudre 1.; on sait d'ailleurs, par un commentaire de Servius, que les Étrusques attribuaient à Vulcain le pouvoir de lancer la foudre 5. L'un et l'autre de ces caractères sont étrangers à ('IIéphaistos grec. Et, de fait, ce n'est point Vely,ans, mais un autre dieu, Setlbldns6, qui correspond, chez les Étrusques, à IIéphaistos. Set/délits est constamment représenté, sur les miroirs (fig. 7580) sur les monnaies sur les gemmes «fig. 75771, dans les fonctions ou avec les attributs du dieu forgeron. Depuis longtemps, on a rapproché le Volcanus romain du dieu crétois hany«v, 10. Peut-être le Velydns étrusque correspond-il à Ps)zav; : celui-ci présente, en effet, les deux caractères d'un dieu de l'éclair et d'un dieu de la végétation. Il nous est connu : 10 par une glose d'Ilésychius, qui le définit : ô Zsiuç, licTl6!v 11 (dieu de l'éclair) ; 2° par un assez grand nombre de tuiles, trouvées aux environs de Phaestos, portant la mention : l'su»zvo; ; 3° par trois monnaies de Phaestos, représentant un jeune homme nu assis dans un arbre, la droite posée sur un coq, avec la légende Fo),yavdç 13 (dieu de la végétation) (fig. 7578). L'origine crétoise du dieu romain Volcanus, par l'intermédiaire des Étrusques, impliquerait l'hypothèse générale de la provenance méditerranéenne et orientale des 1trusques. Nous n'avons pas à discuter ici cette hypothèse. Nous nous bornons à constater une parenté de nom et de fonctions entre le dieu crétois et le dieu étrusque d'une part, une parenté de nom entre le dieu étrusque et le dieu romain d'autre part. Quant aux fonctions du Volcanus latin, si elles sont plus complexes que celles du Velydns étrusque, nous verrons néanmoins que parmi elles figurent celles du dieu étrusque, étrangères au dieu grec. Mais avant d'analyser les fonctions de Volcanus, il convient de dire quelques mots du nom de Illulciber, qui remplace souvent, dans la poésie latine, le nom ordinaire du dieu. L'étymologie de Illulciber " reste incertaine. Les anciens le dérivaient soit de mulcare (endommager), à cause de la chute qui rendit IIéphaistos infirme, soit, plus souvent, de mulcere (amollir), parce que le feu amollit tout 16. Festus, adoptant la dernière explication, la précise d'une façon qui a fait fortune chez les modernes : il commente : molliendo scilicet ferro 16. Toutefois il nous parait difficile de considérer Illulciber, selon l'opinion traditionnelle 17, comme un surnom appliqué à Vulcain forgeron. D'une part, en effet, on ne trouve pas, dans toute la poésie latine, un exemple où les deux noms soient associés : on emploie l'un ou l'autre, jamais les deux ensemble ; .llulciber est un nom-substitut de Vulcain. D'autre part, il est substitué à Volcanus en toute occasion, et non point seulement quand il s'agit du dieu forgeron. Illulciber n'est mentionné que deux fois dans les inscriptions 1â : les dédisants ont fait figurer ce nom à côté de celui de Volcanus, pour que l'invocation fîlt complète. On a tiré argument de l'une de ces inscriptions 19, qui porte : Vollc(ano) mili sire Mulcibero, pour prétendre que lilulciber désigne Vulcain éteignant les incendies 20; mais dans cette hypothèse on donne à mulcere un sens forcé, auquel les commentaires anciens contredisent 2'. D'autre part, le nom de Volcanus est remplacé par celui de olluieiber aussi bien quand il s'agit du dieu qui déchaîne l'incendie que quand il s'agit de celui qui l'apaise 22 ;, et les poètes qualifient llulciber de /lamm,eus 23, ardens20, ferox26 Il est possible que 171ulciber ait été d'abord un dieu distinct de Vulcain, avec qui il s'est par la suite absolument confondu : Martianus Capella le place dans la Ive région du ciel, alors que Vulcain est dans la ve 46 Nous avons vu que cet auteur s'est inspiré de traditions étrusques ; d'autre part, une des deux inscriptions qui mentionnent Illulciber provient d'Étrurie 2i. Peut-être l'origine de llulciber est-elle étrusque. 2° Le rôle de Vulcain. A. Le dieu de la foudre. Alors qu'Iléphaistos est essentiellement le feu terrestre, Volcanus est essentiellement le feu issu du ciel. Rien ne permet de supposer que Vulcain ait été considéré comme l'habitant des volcans avant l'importation du culte d'fléphaistos, par l'intermédiaire des îles de l'Italie méridionale. Au contraire, plusieurs indices le montrent commandant, chez les populations primitives du Latium, à l'éclair et à la foudre. L'area consacrée à Vulcain sur le Forum romain et appelée, de son nom, Volcahlal, VUL -1001VUL .était ornée de la statue d'un acteur foudroyé dans le cirque 1, et de celle d'Iloratius Cocles, d'abord placée .au Comitium, transportée ensuite au Volcanal, après qu'elle eut été frappée du feu céleste 2. Sur la margelle du puteal Libonis, construit pour protéger un lieu frappé par la foudre étaient figurés les emblèmes de Vulcain [FORUM] 4. B. Le dieu des incendies. Ce sont les effets incendiaires de la foudre qui expliquent le culte de Vulcain comme maître des incendies, qu'il déchaîne et qu'il -peut, pareillement, éteindre. Le temple du dieu était placé hors des murs des villes, pour écarter d'elles le danger d'incendie 5. Il arriva au moins deux fois, à Rome, qu'il fut frappé de la foudre ; accident considéré comme un prodige menaçant'. On a cherché récemment à faire de cette fonction de maître des incendies la fonction essentielle du Volcanus latin 7 ; c'est là une opinion beaucoup trop absolue 8. Vulcain apparaît sous cet aspect, comme nous le verrons, surtout .à Ostie; à [tome, le culte du dieu des incendies paraît n'avoir pris une importance particulière qu'à partir d'Auguste ; dans les provinces de l'Empire on rencontre rarement Vulcain dans ce rôle D'autre part, nous constaterons bientôt que l'association du culte de Vulcain avec certains autres cultes se concilie mal avec une conception aussi exclusive de son rôle. Quant à l'argument tiré du nom de 13lulciber, nous l'avons discuté plus haut. C. Le dieu de la chaleur fécondante. Il est certain que Vulcain a eu de bonne heure et a gardé très tard le rôle d'un dieu favorable à la végétation. La fête des Volcanalia n'est jamais omise dans les calendriers agricoles ; son nom sert souvent à désigner la date de certains travaux des champs" ; enfin -elle fut célébrée jusqu'au vile siècle de notre ère par les paysans d'Espagne 12. Les rapports de Vulcain avec '3laia et Ops, déesses des moissons, ne peuvent s'expliquer si on ne lui reconnaît pas ce caractère. ?llaia, vieille divinité latine, déesse de la terre [MATA] était invoquée dans les prières sous le nom de Maia Volcani ; c'était le /lamen Volcanalis qui, le Zef mai, lui offrait un sacrifice14. Au même titre, on associait au culte de Vulcain celui d'Ops Opifera [ors], à qui on offrait un sacrifice le 23 août, le jour même des Volcanalia 15. On a prétendu que Vulcain et Ops Opifera étaient invoqués ensemble pour conjurer le danger d'incendie qui menaçait les greniers nouvellement remplis 16 ; mais il faudrait faire d'Ops Opifera la déesse des moissons engrangées, alors que la tradition en fait une déesse de la terre, associée à Saturne17. On a remarqué que la fête des Volcanalia (23 août) était précédée des c01NSUALIA(21août) et suivie des OPICONSIVA (2h août) : il y a là un véritable cycle cultuel, consacré à. des divinités agricoles 18. D. Le dieu du foyer. Les antiques légendes du La Ix. tium présentent Vulcain sous cet aspect. Caeculus, fondateur de Préneste, fils du dieu, fut trouvé devant le foyer i9. Servius Tullius naquit du dieu et d'Ocrisia, servante de Tarquin l'Ancien : l'époux merveilleux s'étant manifesté à la jeune fille dans la flamme du foyer, elle s'assit en habits de noces près du feu, et le futur roi fut conçu 20. On notera que la civilisation de l'antique Préneste est à demi étrusque et que les Tarquins étaient originaires d'Étrurie ; peut-être y avait-il chez les Étrusques un dieu du foyer qui fut assimilé à Vulcain. Ce rôle du dieu explique son association avec VESTA. Leur union paraît ancienne : on ne peut prétendre avec Wissowa 21 qu'elle soit due à l'influence grecque. D'une part, en effet, il n'y a dans la religion grecque aucune trace de rapports entre Ilestia et Fléphaistos ; d'autre part, comme nous venons de le voir, les légendes qui montrent dans Vulcain un dieu du foyer appartiennent aux origines mêmes de Rome. L'influence de la religion grecque eut pour résultat de fixer Vesta et Vulcain dans des rôles déterminés, et, en ce sens, bien loin de les unir, elle contribua à les séparer: Vulcain fut le dieu du feu violent; Vesta, la déesse du feu doux et utile, auxiliaire de la vie domestique". Mais, en même temps, les habitudes anthropomorphiques apportées par les Grecs tendaient à établir entre les deux divinités ainsi distinguées un rapport précis : Vulcain devint l'époux de Vesta; c'est à ce titre que le premier LECTISTERNIUM des douze grands dieux, pendant la deuxième guerre punique (217 av. J.-C.), associe Vesta et Vulcain sur le même pulvinar 23. Le couple Vesta-Vulcain entre ainsi dans la religion romaine officielle ; on les trouve réunis dans une fresque de Pompéi"; une double dédicace les associe sur l'autel de home et d'Auguste, élevé au confluent du Rhône et de la Saône u; on les retrouve également, à côté de Mars, dans une inscription de Sens28 C'est probablement à titre de dieu du foyer que Vulcain fut invoqué par Romulus et Tatius comme garant de leur union 2T, et honoré, soit par l'un, soit par l'autre, d'un autel nommé Volcanal [FORUM, p. 1286]. Le Volcanal, autel primitif du dieu, passait, de ce chef, pour un symbole de la concorde publique : c'est à côté de cet autel que le dictateur Camille éleva, en 367 av. J.-C., le premier temple de la Concorde [coNCORDIA]. En 304, l'édile Cn. Flavius élevait à la Concorde, sur l'area même du Volcanal, une chapelle d'airain ~28; aussi, au siècle suivant, cette place est-elle appelée indifféremment area Concordiae ou area Volcani et Concordiae 29. Les deniers de Scribonius Libo portent à l'avers l'effigie de la Concorde et au revers le puteal Libonis orné des attributs de Vulcain 3C. Une ornementation pareille à celle du puteal se retrouve sur un autel de Véies consacré à la déesse PIETAS 31. E. Le dieu forgeron. -C'est dans ce rôle que Vulcain est constamment représenté par les monuments 126 VUL -1002 VUL figurés' ; mais tous sont inspirés de représentations grecques. Cette fonction n'est pas essentielle au dieu romain : elle est un apport grec, opéré du reste antérieurement à l'époque de l'influence hellénique, par l'intermédiaire des.Étrusques, comme nous l'avons dit àpropos de Sethlâns. Au contact d'Héphaistos, Volcanus cesse d'être un dieu lanceur de la foudre : il en devient le simple fabricateur, opifex fulminis2 : il l'apprête dans ses forges de l'Etna et des îles Lipari 4. Comme Athénè est associée à Héphaistos, Minerve est naturellement associée à Vulcain forgeron A titre de dieu de la forge et d'artisan du métal, Vulcain est considéré chez les Romains comme présidant à la frappe des monnaies. On trouve en effet représentés, sur les deniers de T. Carisius, les attributs du dieu, enclume, marteau, tenailles et pileus (fig. 4041=5107) 6. Dans une fresque de Pompéi, figurant un atelier où des Amours battent monnaie, un des fourneaux est surmonté d'un buste de Vulcain '. F. Le dieu guerrier. Le rôle de Volcanus dans la guerre doit être mis en rapport non pas avec son rôle de fabricant d'armes, mais avec l'action dévastatrice du feu, moyen puissant de nuire à l'ennemi. L'habitude d'honorer le dieu du feu, après le combat, en brûlant une partie du butin, et en particulier les armes prises à l'ennemi, remonte aux premiers temps de Rome : elle fut inaugurée, si l'on en croit Servius, par Tarquin l'Ancien 6. Avant lui déjà, Romulus, vainqueur des Camerini, avait consacré sur le Volcanal un quadrige en bronze°. Le sacrifice du butin [SPOLIA, TROPAEU3I] fut pratiqué pen dant toutes les guerres de la République10. Cette coutume était en honneur chez d'autres peuples guerriers, en particulier chez les Gaulois". Sous l'Empire, au temps de Galba, on frappa deux types monétaires semblables, dont l'un portait Mars Vltor, l'autre Volkanus Vltor 12. Plusieurs calendriers de Rome et d'Italie signalent, à la date du 23 mai, un tubilustriurn célébré sous l'invocation de Vulcain i3 ; deux mois auparavant, jour pour jour, semblable purification des trompettes de guerre avait lieu sous l'invocation de Mars l4. C'est le rôle de Vulcain comme dieu guerrier qui explique ses rapports avec Quirinus, le Mars sabin. Le jour des Volcanalia, on offrait un sacrifice à Quirinus sur le Quirinal 16. Sur cette colline, près du temple de Quirinus, Domitien consacra un autel à Vulcain 16. 30 Le culte. A. A Rome. Le plus ancien monument du culte de Vulcain à Rome est l'area du Volcanal. On trouvera les renseignements concernant le Volcanal à l'article FORUM. 1l faut seulement ajouter qu'on a découvert en 1.902, entre l'arc de Septime Sévère et les Rostres, un autel creusé dans le tuf même du Capitole, portant des traces d'embellissement postérieur, et en particulier d'un enduit rouge vif''. La couleur de cet enduit signifiaitpeutêtre celle de la flamme ; pareil symbolisme était commun : nous verrons tout à l'heure que certain sacrificeà Vulcain comportait l'immolation d'un veau « rouge ».. Du temple de Vulcain à Rome, il ne reste pas de trace. Il était en dehors dè l'enceinte de Servius f3, dans la partie méridionale du Champ de Mars, appelée CampusFlaminius ou, du nom du cirque qui s'y trouvait, CircusFlaminius. Les Fasti Vallenses nous apprennent, enta effet, qu'on sacrifiait à Vulcain, le jour des Volcanalia, in Circo Flambait) 1'. Il est possible que ce temple. ait été bâti en 221 av. J.-C., en même temps que lecirque, par le censeur C. Flaminius Nepos. Nous savons. en effet par Tite-Live que dès 214 il existait un temple de Vulcain in Campo 20 ; et le nom de famille du personnage (Flaminius, /lamen) est de nature à justifier sa dévotion à Vulcain. Verrès, le trop fameux gouverneur de la Sicile, se fit élever près de ce temple des statues équestres 21. On ne sait rien de son architec-, ture : signalons cependant qu'une monnaie de Valérien, et Gallien, portant la légende Deo Volkano, offre, avecl'image du dieu, celle d'un temple tétrastyle (fig. 7579) 22. A partir d'Auguste, les différents quartiers de la villeélevèrent, pour conjurer le danger d'incendie, des autels.. dédiés à Volcanus Quietus et à Stata Mater : les dédicaces qui nous sont parvenues les montrent tantôt séparés, tantôt réunis ". Domitien, pour accomplir un voeu fait à la suite de l'incendie de Néron et trop longtemps négligé, consacra à Vulcain, en plusieurs endroits de Rome, des areae et des autels. On ne sait s'il en construisit dans les XIV régions de Rome, ou seulement. dans celles que l'incendie avait éprouvées. Ce qui est. sûr, c'est qu'il en existait au moins trois, dont les dédicaces, toutes pareilles, ont été retrouvées2Æ. L'emplacement du premier de ces autels expiatoires est incertain ; le deuxième était sur le Quirinal : on en a découvert des vestiges en 1888 : il était entouré d'une arec pavée et reposait sur un soubassement à deux degrés; construit en blocs de travertin, il était autrefois orné d'une doublecorniche" de marbre ; ]e troisième était sur l'Aventin, à l'endroit où avait éclaté l'incendie de 6426. Il était défendu de bâtir, commercer, planter dans les limites deces areae ; on devait chaque année, aux Volcanalia,.. sacrifier sur l'autel un vitulus robeus et un verrat. La fête de Vulcain (Volcanalia), se célébrait le 23 août27. Outre les sacrifices de quartier, il y avait ce VUL 1003 VUL ajour-là des sacrifices solennels au Volcanal et dans le temple du Circus Flaminius' . Sans doute ces sacrifices étaient offerts par le /lamen Volcanalis, dont nous ne connaissons, du reste, que l'existence et le rôle -dans la fête de Maia 2. C'est, selon toute vraisemblance, dans le Circus Flaminius que l'on donnait, le 23 août, -des jeux en l'honneur du dieu. On ne peut dire par qui ils furent institués ; on a cru longtemps qu'ils l'avaient Été par Auguste, en même temps que les ludi Martiales, -en 20 av. J.-C., à l'occasion du retour des étendards romains pris par les Parthes ; mais les fastes de l'é5poque d'Auguste sont muets sur ces jeux ; les monnaies inscrites Mars Ultor et Volcanus Ultor, sur lesquelles on se fondait, ont été frappées par Galba 4. Les ludi circenses du 23 août existaient, en tout cas, avant 217 de notre ère ; nous savons en effet qu'à celte date Macrin les supprima ; mais la colère du dieu se manifesta par un incendie qui ravagea l'amphithéâtre Flavien le jour même des Volcanalia ; on dut les rétablir 5. Ils se célébraient encore au milieu du ve siècle 6. Les Volcanalia, par leur date (fin de la moisson), par la nature des divinités associées à Vulcain ce jour-là, par d'autres indices encore', ont nettement le caractère d'une fête agricole. C'était, par conséquent, une fête populaire. Les .auteurs anciens signalent, pour ce jour-là, certains usages populaires dont le rapport avec le culte de Vulcain est encore mal éclairci. On jetait dans le feu des poissons du Tibre, d'espèce vulgaire, appelés maenae 8, afin d'apaiser les âmes des morts ; tel est en effet le sens qu'il faut donner aux mots de Festus : pro animis humanis9. D'autre part, le jour des Volcanalia, on suspendait les vêtements au soleil ; on n'a de cette pratique aucune explication valable 10. B. En Italie. Le culte de Vulcain paraît avoir eu en Italie, hors de Rome, trois centres principaux : l'Étrurie, les îles méridionales (Lipari, Sicile), Ostie. En Étrurie, si l'on discerne, comme nous l'avons vu, les traces d'une divinité du feu à attributions vastes, proche parente du Volcanus romain, les traditions qui nous sont parvenues sur son culte se rapportent presque toutes à Sethldns, dieu forgeron, équivalent de l'IIéphaistos grec (fig. 7577, 7580) 11. Ce culte se continua à l'époque romaine : la substitution du nom latin au nom étrusque se fit assez tôt, si l'on en juge par l'inscription archaïque qui se lit sur une coupe de Tarquinii 12. Vulcain avait un temple à Pérouse ; il fut miraculeusement épargné par un incendie qui ravagea la ville lors du siège de 40 av. J.-C. ; les habitants, frappés de ce prodige, consacrèrent leur ville à Vulcain 13. Dans les îles Lipari et en Sicile, autour de l'Etna, c'est l'IIéphaistos grec qui est adoré. La domination romaine ne fit que substituer le nom de Volcanus à celui d'Iléphaistos et le nom de Volcaniae insulae à celui d'Ilephaistiades 14. Par contre, la fable grecque, adaptée aux légendes locales, fit fortune dans la littérature latine, qui représente constamment Vulcain comme un dieu boiteux, occupé à forger sous l'Etna ou sous les volcans des îles Lipari, avec l'aide des Cyclopes, les foudres de Jupiter 15 ; en outre, ce sont les monnaies de Lipara (fig. 7581) 16, en même temps que les monnaies et miroirs étrusques, qui ont fourni aux Romains la représentation figurée du dieu, avec ses attributs et sa coiffure caractéristiques. A Ostie, au contraire, le culte de Vulcain a un caractère proprement romain. C'est le dieu des incendies que l'on adorait dans ce port, où s'entassaient les approvisionnements de blé destinés à nourrir Rome. Son culte était, dès les premiers temps, et resta toujours le culte principal d'Ostie 17. Il semble bien que ce soit à lui qu'une inscription donne le titre de deus patrius1e. Le temple de Vulcain se dressait au centre de la colonie, qu'il dominait de sa masse : on voit encore aujourd'hui les restes imposants de ses murs, bâtis en brique ; il fut restauré par Lucilius Gamala dans la première moitié du 1" siècle de notre ère t9. Il y avait à Ostie, pour célébrer le culte de Vulcain, des magistrats spéciaux qu'on ne retrouve nulle part ailleurs : c'étaient des préteurs et des édiles sacris Volkani faciundis 20. L'opinion la plus plausible est celle qui les considère comme les successeurs de magistrats véritables qui auraient gouverné la colonie à l'origine ; quand elle eut des duumvirs, comme les autres colonies romaines, les préteurs et édiles ne conservèrent plus que leurs attributions religieuses. Il se serait produit quelque chose de comparable à ce qui advint à Rome, à la chute des rois, laissant derrière eux un rex sacri ficulus 2t. Outre les préteurs et les édiles, les inscriptions nous révèlent l'existence d'un pontifex Volkani et aedium sacrarum" : il y avait, semble-t-il, un pontife unique, et non pas un collège de pontifes. En dehors de ces trois centres, on rencontre assez rarement Vulcain en Italie23. Il faut faire une exception `cependant pour la Transpadane : le dieu était adoré à Aquilée24, sur les bords du lac Majeur, où une inscription l'associe à Hercule 25, et surtout à Brescia20. Mais, plutôt qu'à l'Italie, ces inscriptions doivent être rattachées à la Gaule. C. Dans les provinces. C'est en Gaule qu'on a VUL 1OO4 -VTJL recueilli le plus grand nombre de dédicaces à Vulcain. On suppose, non sans raison, que les Gaulois adoraient un dieu du feu, qu'ils assimilèrent au Volcanus romain'. Nous l'avons déjà vu associé à Vesta dans une inscription de Lyon2, à Vesta et à Mars dans une inscription de Sens3. A Nîmes, il est représenté avec les attributs classiques du dieu forgeron, sur un autel dédié à Vulcain et aux Vents . Un des autels de Paris le représente en compagnie de Jupiter et de deux divinités indigènes (fig. 758)2. Partout ailleurs, en Narbonnaise6, en Lugdunaise7, en Belgique , il est adoré seul. On doit signaler l'importance particulière du culte de Vulcain à Nantes, où il était adoré par les habitants du port, t,icani Portenses, unis aux bateliers do la Loire, nautae Ligerici ; ji est probable que ces fidèles lui demandaient, comme ceux d'Ostie, de protéger leurs marchandises contre l'incendie. On trouve une dédicace à Vulcain en Germanie Supérieure : elle a été gravée au nom des habitants d'un vicus, probablement en reconnaissance d'une protection contre l'incendie'''. La Colonne historiée de Mayence et autres reliefs attestent la diffusion de son culte dans la région rhénane '°. En Bretagne, le dieu paraît avoir été volontiers associé à Jupiter et à Mars En Rhétie et en Pannonie, le culte de Vulcain était pratiqué surtout par les soldats romains qui y étaient établis". A Poetovio, colonie de Trajan, à la limite de la Pannonie et du Norique, il avait une importance particulière : un vz°cus y avait dressé au dieu un autel ou une statue à proximité de greniers à blé"; près de là s'élevait un temple consacré à Vulcain et à Vénus". A Carnuntum (Pannonie Supre), le dieu du feu est invoqué par deux administrateurs debainspublics, curatorestherniarumt6. A Celeia, dans le Norique, un groupe de cultores, recru tés parmi de petites gens, s'était formé pour l'adorer ". On ne trouve pas trace de Vulcain dans l'épigraphie des autres provinces do l'Empire. Toutefois il n'était pas complètement ignoré en Afrique la nécropole punico-rornaine d'Hadrurnète a livré une statuette de Vulcain en terre-cuite 18 ; Dougga, une mosaïque, trouvée en 190i1, représente Vulcain dans l'antre des Cyclopes" : il est vrai que cette oeuvre d'art paraît être due à un souvenir littéraire plus qu'à une pensée religieuse". 40 Représentations figurées. Relativement à celles des autres dieux romains, les représentations de Volcanus sont rares. Elles sont empruntées à l'art grec, par l'intermédiaire de l'ltrurie et de l'Italie méridionale. L'art étrusque hésite encore entre le type barbu et le type imberbe (fig. 7577 et 7580) 21 Mais le type de Vulcain barbu règne sans partage dans l'art romain c'est par exception qu'on trouve Vulcain sous les traits d'un jeune homme imberbe sur une fresque de Pompéi (fig. 7583) . La plus belle image classique du dieu est fourniepar le buste en hermès du Vatican 23 : on y remarqueune singulière dyssymétrie du visage, qui symbolisait peut-être, dans la pensée de l'artiste, l'infirmité du dieu. Soir les bas-reliefs, en province comme à Rome, le• type reste sensiblement le même (fig. 758e) . Partout se retrouvent les attributs caractéristiques de Vulcain : 1e marteau [MALLEUS] et les tenailles [FORCEPS], auxquels. est souvent jointe l'enclume [iscus]. Presque toujoursVulcain est coiffé du pileus [PILEus1, bonnet des ouvriers et des artisans; il y a peu de cas à faire de l'explication de Porphyre20, d'après laquelle le pileus serait le symbole de la voûte céleste. Le vêtement ordinaire du dieu est la tunique courte, ou exoinis, laissant libres le bras droit et l'épaule. Ce vêtement, la coiffure et la barbe rendent le typo classique deVulcain très semblable à celui d'Ulysse; il est souvent malaisé de les distinguer (fig. 7575)26. La sculpture,. la peinture, la mosaïque romaines représentent volontiers Vulcain dans sa forge, en compagnie des Cyclopes(fig. 967). VUL 1005 VUL