Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

ZONA

ZONA (Zév'z). Il u été traité à CINGtILUM des divers types de ceintures. Ce terme, en effet, est le plus compréhensif cL Isidore de Séville cite, comme variétés decinqula, le BALTEUS, le srnoruiuu, IacALTIIUaA, et le bracliilis, ces deux derniers peu reconnaissables sous des noms dont le sens a dévié. Quant aux gloses, elle donnent p, zona pour des équivalents de cingulum. Ces formes grecques, qui sont les expressions propres à la langue homérique, nous fournissent l'occasion d'apporter, en ce qui concerne les temps le plus anciens de la Grèce, de brefs renseignements complémentaires, que nous devons aux fouilles récentes et à une étude plus approfondie de l'épopée. Les découvertes de Crète montrent que, durant la longue période (lite minoenne , le vêtement très primitif de la plupart des hommes consiste en une sorte de pagne, parfois assez collant', mais plus généralement lâche et flottant, surtout par derrière, où il a d'ordinaire plus de longueur que par devant'. Ce rudiment de costurne parait commun à toutes le peuplades égéennes de la préhistoire, et son origine africaine est très probable'. Le pagne ne s'appliquant pas au corps, il était tout indiqué de le soutenir par une ceinture. Mais une autre raison la rendait nécessaire : tant chez les hommes que chez les femmes, par une mode que font ressortir les monuments, « la taille mince devint une marque d'élégance et, les artistes exagérant cette tendance, nombre de personnages peints ou sculptés donnent l'impression d'être disloqués . » Aussi la ceinture se voit-elle même en l'absence de tout vêlement; par exemple, sur des gemmes qui représentent des acrobates ou un marinier 7, et, malgré la petitesse de l'objet, il n'y a pas à présumer une négligence, car sur d'autres pierres gravées le pagne est nettement indiqué. Elle ne permet pas de distinguer cependant comment cette ceinture était faite; on la figure en général par un simple bourrelet à la taille; en quelques cas, elle semble avoir une certaine hauteur : celle d'un acrobate , bordée en haut et en bas par un gros cordon renflé, est vraiment la ceinture pour exercièes gymniques. Sur l'un des vases de stéatite d'llaghia Triada9, le jeune chef, appuyé sur son sceptre, a une ceinture beaucoup plus liante et, semblet-il, plus ornée que le subordonné « au port d'armes » en face de lui. Une figurine en bronze de Tortose (Syrie) est aussi pourvue d'une large ceinture, visiblement agrafée par devant". La statuette de Tylissos (Crète), depuis peu découverte (fig. 7601)11, mérite une attention toute spéciale ce personnage, dans l'attitude de l'adoration et sans armes, est vêtu d'une pièce (l'étoffe serrée à la taille à l'aide d'une ceinture, par-dessus laquelle la pièce retombe en deux pans, devant et derrière, laissant au-dessus des hanches un intervalle où la ceinture apparaît. Elle ne devait pas être en métal et semble avoir fait deux fois au moins le tour du corps. Près de la fourche le pan accuse un gonflenient, qui peut-être recouvre un étui ou une gaine renfermant les parties viriles, comme celui qu'on a cru voir 12 au basventre de chaque personnage, sur le vase dit « des moissonneurs n ou u des vanneurs» 13. En ce cas, la gaine aùra été sans doute suspendue à la ceinture. Tout ceci nous ramène aux usages égypto-libyens. C'est par contre un rapprochement avec les modes assyriennes que suggèrent les ceintures placées sur longues robes talaires ou sur tuniques, comme on cri observe sur d'autres monuments de Crête ' ou de Chypre Pour les feinrres aussi la ceinture est une pièce ordinaire du costume ; elle est marquée même sur une silhouette do déesse nue 10 et sur une idole informe de terre cuite a7. On hésite cependant à la reconnaître dans certaines représentations peintes ; car la bande de couleur qu'on remarque à la taille, de même que sur d'autres parties du vêtement, pourrait être aussi bien le vestige d'un simple galon. Néanmoins le costume des femmes égéennes doit avoir étéà l'origine une sorte de jupon ou panier à ceinture, qui pins tard se sera développé en robe à volants". Sur les gémmes, la ceinture est nettement soulignée par lin ou plusieurs renflements 2°. La majorité des monuments ici considérés sont antérieurs à la période de civilisation que dépeint l'épopée homérique ; de là certaines différences. Le poète ne mentionne la ceinture pour les hommes que lorsqu'ils vont entreprendre un travail pénible 22, s'exercer à la lutte ou au pugilat 23, ou quand ils endossent l'équipement de guerre. Son nom habituel est alors 24; citée avec la è('r, elle soulève des ZON 106! ZOP difficultés sérieuses ;pour la reconstitution de la cuirasse homérique 1 [LQIUCA, p. -1303]. Cette ceinture de cuir, garnie de plaques de métal [vEsTIs MILITARIS, p. 772], est parfois de couleur rouge 2 et décorée peut-être de broderies bigarrées vo)oç) , ou garnie d'argent . La Vnrli est au contraire très souvent nommée, notamment dans toute description un peu détaillée d'une toilette féminines. Quant aux épithètes eéovoç6 et xxXcovç , on se demande si elles se rapportent à la beauté de la ceinture elle-même, ou de la taille qu'elle enveloppe; Ogcovo; , en effet, ne peut guère désigner que la dépression produite par la ceinture t la hauteur des reins, par opposition à la cambrure inférieure. Le goût pour les tailles fines, survivance crétoise ou non, persiste pendant la période archaïque; sans doute,dansl'artdu Dipylon,l'étranglementdes silhouettes à l'hypogastre ne procède que d'une gaucherie d'exécution; mais le vocabulaire d'Hésiode est significatif La matière de la ceinture féminine dans Homère reste discutée. La ceinture « d'or n de Calypso et de Circé 1 était peut-être en cuir garni de lames d'or " ; on a également supposé une longue bande de tissu enroulée plusieurs fois autour du buste, parce que telles apparaissent les ceintures sur les monuments assyriens", parfois avec les extrémités flottantes. Or la ceinture homérique d'lléra était garnie de o cent c'est-à-dire de nombreuses franges (Qtrvo;)houpettes pendantes en fil d'or, ou bien en bractées [BRATTEA] ou lamelles minces de ce métal, luxe essentiellement mésopotamien. On a pu citer à ce propos les fragments d'une ceinture chypriote, qui témoigne d'un art indigène assez influencé par les modèles grecs " : c'est une série de plaques à décor estampé, reliées entre elles par des charnières; chacune est percée dans le bas de vingt trous où passent des anneaux, qui, par l'intermédiaire de fils d'argent, supportent de petites clochettes creuses du même métal, dont la forme et la disposition sont évidemment copiées sur les garnitures de glands dont parlent nos textes. Assemblage riche, mais un peu lourd, auquel l'art classique ne pouvait se complaire. Un échantillon plus récent, moins somptueux, de ceinture féminine a été depuis peu retrouvé au Kouban, dans le sud de la Russie : elle était dorée, avec incrustations d'ambre ; de petits bâtonnets s'y achèvent en têtes de lions et (le béliers. Rappelons qu'au jour des noces l'épouse portait une ceinture que déliait le marié lui-même [Noms, p. 88] elle affectait sur le devant un noeud spécial et rituel, le noeud d'Hercule, qu'on voit en place sur une statue d'Athèna'8 A Byzance, la splendeur des ceintures était telle qu'on appelait ,rccf les suivantes dites ornatrices dans le monde latin; la femme de Bélisaire, Antonia, fut toa'r de l'impératrice Théodora ". Au temps de Lihanins °, les anaxyrides [BRACAE] et le (i87T5( comptaient parmi les insignes de tabellarii impériaux. VICTOR CRAPOT.