Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article ZOPHOROS

ZOPIIOROS, ZOI9LIORUS. I. En Grèce, sous les formes dfiog xéx)0, dpo, synonyme de Il. Eiimatière d'art, ce mot s'applique à toute disposition décorative qui, sur une surface formant un bandeau continu, présente une suite de personnages ou d'animaux. Dans l'art monumental de l'antiquité classique, cette disposition constitue la frise (voir infra III). Dans l'art industriel, l'usage de cette bande historiée n'est pas moins ancien ni moins répandu. Dès l'époque archaïque il s'est imposé aux peintres de vases, qui groupent sur une bande unique ou répartissent sur plusieurs zones les figurations empruntées soit au motif animal (fig. 203, 204, 2041, 2784, 2792, 392-1, 4261, 4262, 5380, 7275, 7276, 7281, 7283, 7284, 7288, 7291, 7299, 7300, 730v), soit au motif humain (fig. 1039, 1040, 2039, 3921-3923, 4559, 538-1, 7259, 7260, 7266, 7274, 7277-7280, 7306, 7308, 7315. 7362). On retrouve le même principe de décoration dans la céramique à reliefs de la Grèce (fig. 7332, 7335), de l'Italie méridionale (fig. 3924, 7334), de 1'itrurie (fig. 2829, 2830, 2832), d'Arezzo (fig. 7337) et de la Gaule (fig. 3044, 3183, 6496, 7338), sur les plus anciennes situles et cistes en bronze comme sur celles de l'époque impériale (fig. 1544, 6476, 6480), sur les coupes chypriotes en argent (fig. 927) et les vases mycéniens en or (fig. 5928) comme sur les belles pièces d'argenterie et d'orfèvrerie de l'art hellénistique et romain (fig. 972, 974-978, 981, 4356, 7095, 7096). L'art industriel utilise la bande historiée pour l'ornementation d'innombrables objets. Sans entrer dans' des détails fastidieux et nécessairement incomplets d'énumération, il suffit de renvoyer aux figures du Dictionnaire pour faire comprendre son rôle dans l'ornementation des armures (fig. 58, 59, 1638, 7220, 7242), des parures (fig. 933 Athènes, 964 Étrurie, 1004 Crimée), des coffrets (fig. 458-460, 926, 4672), des sièges (2841 Étrurie, 6917 Crête), des trépieds (fig. 7080, 7081, 7083), des stèles étrusques (fig. 28-14, 2815), des sarcophages peints (fig 6104 Clazomènes, 6474 et 6475 Crète) ou sculptés (fig. 6113-6115), enfin des étoffes de luxe (fig. 5638) c'est peut-être aux bandes brodées sur les étoffes phrygiennes que la frise doit son nom [i'nRYcrusl oPus] 1 III. Terme d'architecture. On désignait ainsi la frise, membre de l'entablement qui prend place entre l'architrave (epistiliuén) 'et la corniche ('eaov, corona).'rai dire, ce mot devrait s'appliquer à tout élément architectural « qui porte des figures n, puisque tel est le sens étymologique (cf. les colonnes zoophores d'1phèse, fig. 4953). Mais, dans l'architecture classique, c'est précisément à la frise qu'est réservée la décoration historiée. zop 1061 zop GRÈCE. Plusieurs mots servent à désigner la frise dVT , fi9[LŒ2, xooo;3, opdpoç'. Les deux pre miers font image; les deux autres spécifieht le type de décoration. La frise est dite eosmoplzore quand elle ne comporte qu'un décor purement ornemental, une suite de motifs courants tels que rinceaux et palmettes; zoopliore quand elle s'anime de figures vivantes, dieux, hommes ou animaux. C'est Vitruve qui nous fait connaître ce dernier terme, sous les formes latinisées de zophorus et zophorum . Mais les architectes romains l'avaient emprunté à leurs maîtres hellénistiques; et déjà dans les comptes de construction de l'Jrechtheion, au ive siècle, l'expression r iïtz désigne les reliefs de la frise'. D'autre part, en lisant Vitruve, on se rend compte de certaines variations qu'a subies au cours des temps le sens du mot zopitoros ; on n'en trouve aucune application aux métopes sculptées de la frise dorique 8; il est exclusivement réservé à la frise ionique; telle était sans doute la tradition alexandrine. Puis, par extension du sens primitif, il avait fini par désigner d'une façon générale toute frise d'entablement ionique, même dépourvue de sculptures . Frise dorique et frise ionique. Caractère inorganique du zophoros. Deux caractères distinguent la frise ionique de la frise dorique. 1 Taudis quo la frise dorique reste assujettie au rythme alterné de saillies et de retraits, qui sont les triglyphes et les métopes [METOPAE], la frise ionique forme une bande continue, sur laquelle des suites de figures peuvent se développer sans interruption. 20 Tandis que l'on ne connaît pas d'exemple d'un ordre purement dorique sans frise, la frise ne constitue pas un membre essentiel et primordial de l'entablement ionique. Seuls deux éléments, l'architrave et la corniche, sont communs à tous les profils de cet entablement. Aussi bien, si tout s'explique ici, comme dans l'ordre dorique, par une imitation des anciennes constructions en bois et par l'interprétation directe d'un système de charpenterie, l'élément correspondant au triglyphe est le denticule, supprimé par l'architecture attique; celui-ci remplace, en effet, les têtes de solives équarries qui reposaient sur l'architrave et le débordaient. Ce serait donc la zone des denticules, immédiatement sous la corniche, qu'il faudrait considérer comme le type primitif de la frise ionique Ce qui est certain, c'est que le zop/loros fait défaut dans IX. l'ionique primitif d'Asie Mineure, pays où cet ordre a pris naissance". A l'Artémision archaïque d'Ephèse, on n'a pas retrouvé de traces d'un zophoros dans l'entablement de la colonnade 12; et les tombeaux rupestres de Lycie, qui conservent au ye siècle les formes archaïques de l'ordre, ne présentent pas de frise (fig. 1762, 2494, 6317, 6318, 6762). La tradition de l'entablement architravé, c'est-à-dire sans frise, survit, à l'époque classique, dans quelques monuments d'Athènes (fig. 1203), d'Olympie, de Pergame, de Priène 18, peut-être aussi dans le Mausolée d'Halicarnasse ; mais à partir du Ve siècle, lu type normal de l'ionique comporte un entablement complet, avec 2ophoros. Origine du zophor os. Puisque la frise n'est pas un élément organique de l'ordre, quelle peut être l'origine de cette bande purement décorative ? On serait tenté de la rechercher encore dans les pratiques de l'architecture en bois et de voir dans le zophoros un souvenir des revêtements en métal ou en terre cuite, ornés de motifs et de figures en relief, que l'on appliquait sur les poutres de l'entablement pour en assurer la conservation ; mais cette hypothèse, plaifsible en particulier pour l'architrave historiée du temple d'Asses , ne saurait expliquer le rôle complexe du zophoros avant la fixation de sa place canonique. Remonter à l'architecture mSrcénienne et aux frises coloriées qui couraient à la partie supérieure des murs du mégaron 17, c'est seulement reculer la solution du problème; quant aux frises d'albâtre découvertes à Tirynthe, elles jouaient plutôt le rôle de métopes et intéressent surtout les origines de la frise dorique 18 En tant que bande continue et historiée, le zophoros dérive d'un autre principe d'ornementation, que l'ionisme paraît avoir emprunté simultanément à l'Égypte et à l'Asie antérieure . Il semble procéder, en effet, d'un type de décoration murale familier aux Égyptiens, qui se plaisaient à développer sur le granit de leurs temples et de leurs tombeaux d'étroites et longues bandes horizontales, illustrées tantôt de peintures, tantôt de gravures au champlevé, tantôt de basreliefs, et manifestement inspirées des rouleaux de papyrus 20. Les rapports très anciens de l'Anatolie occidentale avec l'Égypte, la présence de nombreux Ioniens et Éoliens sur les bords du Nil dès le vii' siècle, avant tous autres Grecs, enfin les divers témoignages d'une influence de l'art égyptien sur l'ionisme ' zop 1066 ZO P rendent très vraisemblable l'hypothèse de cet emprunt. Mais il n'y a pas eu que l'Égypte pour donner cette leçon à l'lonie.L'art chaldéo-assyrien avait amplement tiré parti de cette disposition décorative : bandes sculptées à plusieurs registres sur les dalles qui protègent la partie inférieure des massifs de brique, bandes peintes sur l'enduit qui revêt la partie haute des murailles, briques émaillées de Nimroud, faisant une large place à la figure de l'homme et de l'animal . Enfin l'origine de la frise architecturale est également dominée par la tradition de la frise ornementale, tradition fort ancienne en Asie, si l'on en juge par les cylindres gravés de la Chaldée, tradition très répandue, dont témoignent quantité d'objets usuels et à laquelle semblent obéir avant tout les sculpteurs d'Assos. Toutes ces raisons permettent d'expliquer : 10 l'importance exceptionnelle que prend le décor par bandes imagées dans l'architecture archaïque de ces mêmes' régions (temples, autels, murs d'enclos sacrés, tombeaux, sarcophages2; ° la variété des emplacements tout d'abord assignés au iophoros , qui n'est encore qu'une transposition plastique de la décoration peinte ',mais ne constitue pas un membre distinct; 30 la superposition de plusieurs zones historiées sur un même monument (tombeau d'Iloiran , hérôon de Trysa6, monument des Néréides à Xanthos , sarcophages lyciens ). La richesse de ce décor convenait à l'exubérance naturelle de l'Ionie et à son goût pour l'ornementation prolixe ; l'lonie en tira le plus grand parti possible. Au temple archaïque d'Assos, en Troade, la sévérité du dorique dut s'accommoder d'une architrave historiée, véritable zophoros sous la frise de l'ordre, dont les métopes ont également reçu des sculptures. A l'hérôon de Trysa (Lycie, fin du ve siècle), 108 mètres de reliefs ioniens se déroulaient stir deux registres superposés, le long des assises supérieures du mur d'enceinte (fig. 6331 et 7603) °. Au monument des Néréides, tombeau-temple d'un chef lycien, vers l'an .iOO, et prototype du Mausolée d'Halicarnasse, la frise sculptée de la colonnade ionique occupait tout le champ de l'épistyle ; une autre frise courait sur la face extérieure du mur de la cella ; deux frises paraient d'une double ceinture historiée le soubas sement rectangulaire. Quant au Mausolée, on y a restitué les fragments de trois frises sculptées. Enfin, au grand autel de Pergame (fig. 3564), la frise du soubassement finit par envahir le champ todi entier, sur une hauteur de mètres 30. Constitution d'un type canonique. Dès le VI5 siècle, avec l'influence de l'ionisme, la frise ionique passe sur le continent grec. Delphes en a fourni un remarquable exemple dans le trésor des Siphniens, construit vers 530. Cet édicule in antis, où tout l'effet se concentre sur la sculpture, s'orne à son pourtour du ne frise présentant une suite ininterrompue de reliefs 16. Ici, le roplioros constitue dans l'ordre un membre distinct, dressé au-dessus de l'architrave, dont une large bande d'oves le sépare. On en voyait un autre exemple dans le trésor de Cnide, qui a servi de modèle au trésor de Siphuos". Mais ce sont là oeuvres d'ioniens. La Grèce proprement dite, avant d'adopter pour ses temples un nouvel ordre d'architecture, commence par incorporer le zophoros (l'importation ionienne dans son architecture nationale. A Olympie, dans cette seconde moitié du vie siècle, le trésor des Négariens offrait une combinaison de la frise à triglyphes et métopes et de la frise continue ; la première décorait la principale façade, sous le fronton, etia seconde formait un étroit bandeau cosrnophore sur les faces latérales '. C'est surtout dans les grands temples d'Athènes, alors toute pénétrée d'influences ioniennes, que se manifeste la préoccupation de corriger l'austérité dorique par un ingénieux emploi du zop/moros. Quand les Pisistratides transforment l'ancien liécatoinpédon, temple d'Athéna Polias sur l'Acropole, et le font agrandir en périptère par l'adjonction d'un péristyle extérieur (pe'ristasis), l'ordre périptère comporte une frise dorique ; mais l'ordre intérieur reçoit une frise continue sur le mur du sécos. Ainsi, la pe'J'istasis dorique enveloppait un sécos ionisant". Les architectes du Parthénon, sous Périclès, ne firent que reprendre ce dispositif. ils maintinrent à la colonnade de lapéristasis l'entablement normal, avec sa frise de triglyphes et de métopes sculptées; mais une véritable frise ionique encercle le se'cos amphiprostyle" : c'est la frise des Panathénées. Notre figure 760, qui représente une coupe sur le péristyle et ZOP 1067 Zop sur le portique intérieur de la façade orientale, montre la disposition restaurée de ces deux frises '. Au Théseion, un peu plus récent que le Parthénon, la frise de type ionique est limitée aux deux façades principales; elle se déroule sur l'épistyle qui surmonte les colonnes du pronaos et de l'opisthodome0. Au temple de Phi galle, attribué par Pausanias à l'un des architectes du Parthénon, nous constatons un original essai d'adaptation de la colonnade et de la frise ioniques à l'ordonnance intérieure du se'cos . Mais ces monuments doriques ne pouvaient réserver à a frise continue qu'un rôle secondaire. Vers le même temps, Athènes construit selon le mode ionique son temple ainphiprostyle d'Atbèna Nikè (Victoire Aptère)5 et I'1rechtheiori , où cette frise reprend la place que nous lui voyons assignée depuis un siècle dans le trésor des Siphniens. Désormais la frise devient un élément à peu près constant de l'entablement ionique, entre l'architrave et la corniche De l'édicule in antis de Delphes à l'amphiprostyle de l'Acropole athénienne, qui nous achemine vers les périptères à zopitoros, le progrès consistait à déterminer les justes rapports de proportion entre la frise et les autres membres de l'entablement. Le Ioniens subordonnaient volontiers l'architecture à l'effet sculptural. Dans le trésor de Siphnos, elle s'effaçait en quelque sorte pour laisser à la décoration sculptée toute sa valeur; et le zophoros y exagère quelque peu son importance. Néanmoins l'ordonnance y témoigne déjà d'une disci pline conforme à l'un des principes dominateurs de l'architecture classique. Ce principe, d'où sortira la formule canonique du zopltoros, assigne aux membres actifs d la construction des formes strictement appropriées à leur rôle et n'admet pas que l'on ait recours h des figures pour les décorer; il réserve les reliefs aux espaces où leur présence ne peut cacher ou compliquer aucun organe 7; une architrave historiée, comme celle d'Assos, serait une faute C'est pourquoi, dans l'entablement dorique, toute la sculpture est disposée sur les métopes qui font office de remplissage 8; c'est aussi pourquoi, dans l'entablement ionique, on créa pour la décoration sculpturale le zophoro.6, dont l'inutilité architectonique se manifeste par l'absence de tout modelé de l'ordre monumental . L'adjonction du zophoros avait en même temps pour résultat de donner à l'entablement plus de hauteur et des proportions plus heureuses, analogues à celles du mode dorique. Or cette analogie nous fournit précisément l'explication dernière. Si l'architecture dorique subit l'influence de l'ionisme, elle exerce à son tour une influence décisive sur le type d'architecture importé d'lonie : c'est la tradition dorique, toute-puissante dans la Grèce continentale, qui parait avoir imposé la frise àl'entablement ionique Variétés, structure et proportions du zoplioros. L'ionique admet quatre variétés de Irises: 1 le zophore proprement dit ou frise historiée; o le cosmophore, à motifs d'ornementation courante; 3° la frise lisse en forme de plate-bande; 40 la frise en forme de moulure. La première est normale à la grande époque (temple d'Athéna Niké, lrechthcion, ordre intérieur du temple de Phigalie'); en Asie Mineure, on en retrouve de beaux exemples à l'Artémision de Magnésie du Méandre'', au temple de Dionysos de Téos , à la colonnade (lu grand autel de Pergame", au temple d'Héeate (le Lagina". Le cosmophore s'est propagé surtout à partir de l'époque macédonienne; on le réserva tout d'abord à des ordonnances secondaires (murs du sécos portique de pro pilon 16, porte monumentale tl, etc.'). La frise lisse ne se présente guère que pendant la même période"; c'est généralement elle que l'on emploie dans les ordonnances réalisées avec des proportions gigantesques, comme au temple de Milet. La frise moulurée appartient plutôt à l'ordre corinthien '; mais on la rencontre aussi dans l'ordre ionique, sur des monuments de petites dimensions50 ; elle peut comporter des ornements sculptés. ZOP 1068 zop Sons ces différents aspects, la frise ionique est constituée par un cours de blocs, au lieu d'être fragmentée comme la frise dorique. Il est rare qu'elle soit taillée d'une seule pièce avec l'architrave, comme il arrive au Philippeion d'Olympie'; aussi bien ce procédé ne paraît-il admissible qu'avec une frise lisse ou simplement moulurée. Les figurines du zophoros sont sculptées en relief sur le bloc même du parement qui leur sert de fond; toutefois, à l'lrechtheion, pour obtenir un effet de polychromie, elles avaient été travaillées à part, en marbre blanc de Paros, et fixées à l'aide de crampons sur l'appareil de frise, en marbre blets sombre d']1eusis. L'appareil que décorent des sculptures est en général de médiocre épaisseur; en ce cas, il laisse place à une seconde rangée de blocs appareillés, faisant contre-parement (vOi.ect)1. Notre figure 7602 donne un exemple de cette disposition au Parthénon. Pour alléger la charge qui pèse sur l'épistyle, un vide peut être réservé entre les deux assises parallèles. Quant à la hauteur canonique de la frise, elle est ainsi définie par Vitruve: e La frise, au-dessus de l'architrave, doit être d'un quart moindre que l'architrave ; toutefois, s'il y a lieu d'y figurer des statuettes, elle doit être faite d'un quart plus haute que l'architrave, afin que les sculptures aient de la dignité'. u Autrement dit, selon que la frise est lisse ou sculptée, elle comporte une hauteur égale aux 3/4 ou aux 5/4 de l'architrave5 ce qui donne pour la frise sculptée les 5/3 de la frise lisse. Toutefois, s'il est nécessaire de mettre en valeur les figures décoratives, une telle disproportion entre les deux variétés de frise semble exagérée et peu vraisemblable. M. Choisy conjecture que la notation originale était vii (septima), au lieu de iv (quarta) et propose de rectifier ainsi la règle t: hauteur de la frise lisse = 6/7 de celle de l'architrave ; hauteur de la frise sculptée = 8/7. A vrai dire, les règles indiquées par Vitruve d'après l'école d'Alexandrie sont purement théoriques. Nous constatons moins de rigueur dans l'application. A Phigalie, la frise zoophore est plus haute que l'architrave ; mais, au temple d'Athéna Nikè et à I'1reclitheion, elle est sensiblement plus petite, contrairement au canon vitruvien 6• D'une façon générale, l'élévation de la frise égale sensiblement celle de l'architrave ou bien est moindre; et la différence représente une fraction qui varie entre 1/12 et 1/4 . Au-dessus de la frise, Vitruve mentionne le cyinatiuni zop/iori , à la fois bordure supérieure du zophoros et première moulure d'un encorbellement constitué par des denticules, qui atténue le porte-à-faux de la corniche. D'après les manuscrits de Vitruve, le cuma1juin zopliori représenterait la septième partie de la frise . Decoration plastique. La frise cosmoph ore reproduit les principaux motifs du répertoire ornemental, tels qu'on les trouve déjà dans la décoration peinte des temples archaïques : ornements géométriques, auxquels il faut joindre les stries verticales ou canaux, rappelant la cannelure des fûts ° ; ornements végétaux, où dominent les palmettes, les roses et les fleurs de lotus (fig. 179) '. La o guirlandomanie » alexandrine développe sur la frise une opulente floraison de rinceaux et de lourdes guirlandes à l'imitation de celles dont on parait les temples aux jours de fêtes. Enfin, à la même époque se multiplient les ornements symboliques, appropriés au caractère etàla destination de chaque monument. Au théâtre de Pergame, les guirlandes sont soutenues par des masques (fig. 4080) Au bouleutérion de Muet, comme sur une balustrade de Pergame (fig. 7108), on accumule les trophées d'armes Pour les édifices sacrés, la fantaisie de l'art hellénistique sait tirer un heureux parti des attributs cultuels et des emblèmes divins (fig. 419). Les bucrânes, que l'on avait coutume de suspendre aux parois des temples et aux soubassements des autels (fig. 5997), fournissent l'un des principaux motifs de ce décor . Au temple d'Apollon Didyméen, sur les murs du se'cos, entre les chapiteaux des pilastres, c'est la lyre du dieu qui devient motif de frise". Au temple de l'Athéna Niképhoros de Pergame, sur la frise du propylon, des guirlandes de chêne et «olivier enferment dans leurs courbes rythmées la chouette de la déesse et l'aigle de Zeus, qui alternent avec la patère des sacrifices et avec des têtes de boeufs, parées de la bandelette des victimes '. Ici, comme à Didymes, où des griffons sont les gardiens des lyres, la présence du motif animal constitue un type intermédiaire entre le cosmophore et le zoopitore. Les frises d'animaux, si fréquentes dans l'art industriel et surtout dans la céramique du VIe siècle, sont très rares dans le décor sculptural (les monuments grecs 18. Ois n'y retrouve pas ces processions lentes et majestueuses de fauves, que l'architecture ninivite se complaisait à dérouler en frise sur les murailles des zop 11169 ZOP palais royaux, mais qui, dans la Grèce classique, n'auraient plus été que de l'exotisme. C'est en Asie Mineure qu'il faut chercher une survivance de cette tradition orientale ', à laquelle se rattachent les scènes de chasse, particulièrement chères à l'art ionien . La frise historiée emprunte généralement ses thèmes à la mythologie et aux légendes héroïques de la Grèce'. Sur l'épistyle zoophorique d'Assos, c'est Héraclès qui remplit de ses exploits toutle champ (fi g. 3766). Au Trésor delphique des Siphniens, la frise nord montrait une Gigantomachie, la frise sud l'enlèvement des Leukippides par ture et de la peinture décoratives , un certain nombre de sujets devenus classiques. Le thème traditionnel par excellence, dans la décoration du zophoros, est celui des combats corps à corps et de la furieuse mêlée ; il permet d'accumuler autant d'épisodes qu'en nécessite la longueur du bandeau (174 mètres à Magnésie du Méandre), et il peut se renouveler aisément par la diversité même des scènes, des attitudes, des contrastes dramatiques et des détails accessoires. 11 se présente sous plusieurs aspects lutte des Dieux et des Géants , lutte des Centaures et des Lapithes , lutte des Grecs et des Amazones °, lutte des Grecs et des Troyens 10, lutte des les Dioscures, les frises est et ouest des scènes de l'Iliade «luttes autour du corps d'Euphorbe ou de Patrocle, devant les dieux assemblés, et vengeance d'Achille). Cette variété de scènes disparates sur un même édifice n'est pas rare ; on en retrouve d'autres exemples au Théseion, aux temples de Phigalie et de Lagina, au Mausolée d'Halicarnasse, à l'hérôon de Trysa. Ce dernier (fig. 7603) nous offre une vaste compilation, où se succèdent des Centauromachies, des combats d'Amazones, des épisodes de la guerre des Sept contre Thèbes et de la guerre de Troie, le massacre des Prétendants, les exploits de Thésée, l'enlèvement des Leukippides et la chasse de Méléagre, sans compter les scènes de chasses, de sacrifices et (le banquets; nous y saisissons sur le vif la pratique d'un répertoire, où figuraient en esquisses, d'après les grandes compositions de la sculp Grecs et des Perses Dans les derniers cas, un thème connexe est celui de l'assemblée des Dieux, venus pour assister au combat et aussi pour assurer le triomphe de la Grèce . Leur intervention ajoute àla scène guerrière un caractère de solennité religieuse, qui convient à la décoration d'un édifice sacré. Mais des liens plus puissants encore, créés tantôt par la légende et tantôt par l'histoire, souvent par l'une et l'autre, peuvent rattacher la composition sculpturale au temple et à la cité. Au Théseion, sur la frise ouest, les Athéniens prêtent assistance aux Lapithes dans leur lutte contre les Centaures; on croit reconnaître Thésée lui-même dans le groupe de droite '. Ce combat n'est donc ici qu'un épisode de la Théséide et nous reporte aux origines de la cité athénienne. Sur la frise du pronaos, quelle que soit l'inter prétation qu'on en donne ce sont des Athéniens qui ZOP 1070 ZOP luttent contre des adversaires ; peut-être s'agit-il d'Érichthonios livrant combat sous l'oeil des dieux pour la possèssion d'Athènes '. Car les légendes des héros poliades comptent parmi les principaux thèmes d'inspiration locale ; nous en retrouvons un autre exemple à Pergame, où toute la frise d'un portique voisin du grand autel est consacrée à Télèphe, légendaire fondateur de la cité des Attalides2. Au temple d'Athèna Nikè (Victoire Aptère), les souvenirs contemporains se dissimulent à peine sous l'idéalisme généralisateur du ve siècle. Nous y voyons les Athéniens aux prises avec des cavaliers asiatiques (face nord et sud) et avec d'autres Grecs (face ouest), probablement les Béotiens alliés des Perses à la bataille de Platées . Ce zophoros, postérieur seulement d'une vingtaine d'années à la fin des guerres médiques, nous apparaît ainsi comme une glorification des victoires athéniennes ; il rend en même temps un pieux hommage à la déesse poliade, en lui réservant la place d'honneur dans le groupe des Olympiens, sur la façade principale5. A Pergame, la Gigantomachie du grand autel de Zens est une allusion au triomphe d'Attale sur les Galates (fig. 3564). A Xanthos, pour décorer le temple-tombeau dit des Néréides, un artiste ionien adapte un thème classique à des événements locaux: le combat entre Grecs et Amazones devient un combat de Lyciens et d'ennemis; le siège et la prise de Troie se transposent en épisodes de l'histoire lycienne ; des défilés de tributaires, des sacrifices et des banquets après la victoire complètent cette illustration des liants faits d'un chef. Certaines frises de l'époque hellénistique, comme celle du monument de Paul-Émile à Delphes, nous préparent aux bas-reliefs historiques de l'Empire romain. Sur les quatre faces de ce monument, une frise continue raconte les péripéties de la bataille de Pydna et de la défaite du roi Persée (467 avant J.-C.) ; il n'y manque ni le bouclier rond des Macédoniens, ni les auxiliaires thraces ou gaulois, ni l'épisode du cheval échappé, prélude du combat de cavalerie qui décida la victoire . Enfin un dernier thème à signaler, et qui relie étroitement la décoration du zophoros à la destination du monument, est celui des scènes rituelles : cortèges , sacrifices , banquets, danses , jeux °. Nous en avons déjà constaté l'emploi sur une frise de Xanthos et à l'hérôon de Trysa. On en a surtout tiré parti dans la sculpture funéraire. Mais l'art attique du Ve siècle sut aussi s'en inspirer sur l'Acropole; et c'est en raffinant sur ce thème qu'il a produit l'une de ses plus nobles et l'une de ses plus gracieuses créations. Sur la frise continue du Parthénon, le motif du cortège se localise et en même temps s'amplifie pour devenir la procession athénienne des Grandes Panathénées (fig. 726, 2719, 4162, 4841, 5022, 5496-5500) o sur la balustrade du temple d'Athèna Nikè, véritable zophoros où semble s'achever la scène qui occupe la frise de l'ordre, c'est le motif du sacrifice que reprend le choeur des victoires ailées ". Ainsi donc le zopfioros représente en Grèce une part très considérable de la sculpture monumentale. De la frise archaïque du trésor des Siphniens aux frises hellénistiques de Cos et de Téos, où se déroulent des scènes dionysiaques, et à la frise de Lagina, imitation (le Pergame qui n'est pas antérieure au 11r siècle avant notre ère, on peut suivre à travers l'histoire du zop/toros ionique toute l'histoire du bas-relief grec. Toutefois il importe de tenir compte non seulement de l'évolution de la plastique, qui tend de plus en plus à exagérer la saillie du relief et à s'encombrer d'éléments pittoresques mais aussi des conditions spéciales d'éclairage et de visibilité. Au Parthénon, où il s'agit d'une ordonnance intérieure, les ressources du bas-relief s'accommodent aux effets d'une lumière de reflet. Au temple d'Athèna Nikè, la faible hauteur (0 m. 448) de la frise imposait le parti de projeter vigoureusement les ombres, en faisant saillir les figures ; mais au monument choragique de Lysicrate, qui n'est qu'un gracieux ex-voto, le relief de la frise circulaire reste léger et délicat, comme il convient àune « vignetté de marbre» '. Au Mausolée d'Halicarnasse, une course de chars, qui paraît avoir appartenu à la frise du soubassement, est d'un relief assez plat; mais le combat des Amazones, qui constituait la frise de l'ordre, accentue ses reliefs et détache ses figures sur le fond pour s'accommoder aux exigences de l'éloignement. D'autre part, issue de la décoration peinte, la frise sculptée reçut longtemps une polychromie dont il subsiste encore des traces. Celle du trésor des Siphniens était toute peinte, sur fond bleu On y retrouve des traces de couleur rouge sut les chevelures, sur le cimier des casques, sur la caisse des Chars, sur la tunique d'Héraclès 1' Celle du Tliéseion conserve des restes de peintures bleues, vertes et rouges. A l'lrechtheion, nous avons vu que les figures blanches s'enlevaient sur un fond en marbre bleu d'lleusis. Au Mausolée, la polychromie soulignait aussi les effets. Les couleurs dominantes furent toujours le rouge et le bleu. Enfin on rehaussait les sculptures d'ornements en métal doré, comme en témoignent le trésor des Siphniens, le Théseion et le Parthénon. Zop/toros corinthien. De l'ordre ionique la frise passa dans l'ordre corinthien, qui en est une variété. Au monument choragique de Lysicrate, dédié en 335-334, un des rares exemples du corinthien en Grèce avant l'Empire et le plus ancien comme application régulière de cet ordre à l'extérieur, nous retrouvons l'entablement. ionique à son état d'entier épanouissement, avec la frise ZOP 1071 ZOP historiée (fi g. 688, 1765, 2703, 6868). Toutefois il n'y avait pas de règle bien définie pour l'ordonnance corinthienne, puisque Vitruve admet indifféremment une disposition ionique à frise continue, ou dorique à triglyphes '. D'autre part, la bande historiée est tout à fait exceptionnelle; on ne rencontre guère que 3a frise lisse ou cosmophore 2 La frise moulurée devient de plus en pins fréquente sous l'Empire, surtout en Orient; mais elle existe déjà dans l'ordre intérieur de la tholos d'Épidaure (2° moitié du jyC siècle), oà elle se profile suivant une courbe en doucine . Dans un temple d'lphèse et à l'Incantada de Salonique le renflement de la doucine semble s'aplatir comme sous le poids de la corniche '; ce profil, qui se rapproche de celui de certains chapiteaux corinthiens, manque à la fois d'élégance et. de fermeté. Le plus souvent la moulure n'est qu'un large tore, dont la convexité produit des effets puissants et simples de lumière et d'ombre (temple de Zeus è Labranda, petit temple à Palmyre, temple à Baalbeek) Généralement lisse, cette variété de frise comporte parfois une ornementation végétale, palmettes, fleurs ou rinceaux (théâtre d'Aizanoi) ; à Salonique, la doucine est striée de cannelures verticales. Une bordure (cymatiuén opIiori), également moului'ée et qui petit s'ornementer d'oves ou de rais de coeur, même si la frise reste lisse, sépare celle-ci de la zone des denticules. La hauteur du zophoros corinthien, quel qu'en soit le type, est toujours moindre que celle de l'architrave. liostu. La variété toscane de l'ordre dorique est dépourvue de frise ; mais, dans les temples étrusques, l'architrave en bois recevait un revêtement de plaques en terre cuite, ornées de reliefs et coloriées, qui constituaiLun zophoros d'applique6. L'ionique romain admet soit la frise lisse et plate (temples du Forum /iolitoriumn à Rome, portique du Forum triangulaire à Pompéi, ordre du théâtre de Marcellus = fig. 1776, Colisée, etc.)7, soit la frise ornementée (temple dit (le la Fortune Virile fig. 7604, et temple du Ponte rotto àRome) °, soit enfin la frise bombée, mais à une époque tardive (thermes de Dioclétien) '1. Ces frises sont en général un peu moins hautes que l'architrave. Mais l'ordre romain par excellence est le corinthien, dont la somptuosité répond aux goûts fastueux de la Rome impériale et qu'elle associe presque partout aux grandioses conceptions de son architecture. La frise corinthienne à triglyphes, adritise par Vitruve, ne se rencontre guère que dans quelques monuments provinciaux, contemporains d'Auguste (arc d'Aoste, temple à Philae), ou de basse époque (tom 1 Vitruv. IV, 1, 5; cf. Choisy, Vitruve, J, p. 119. 2 Cf. au Didv,neion, tètes de Méduse entre des volutes; aux propylées des gymnases d'Olympie (époque romaine), bucrânes et cilice; au temple d'Antonin à Sagalassoo, au mur de scène du théâtre d'Aopcndos, à la porte d'Hadrien à. Adalia, aux propylées de Damas, rinceaux; aux temples corinthiens de Termessos, feuilles d'acanthe dressées (Lauckoronski, op. rit. 11, fig. 38, 42, 43). 3 Defrasse.Lechat, Épidaure, 1895, ph vii. Le couronnement aurait-il été refait? 4 Oum, Jlaukonat d. Cc. 2° éd p. 294, fig. 245; ce temple d'Ephése était dédié à Claudius César. Mime type de frise à un tombeau de Mylasa: Le Bas, Voyage archdejl. ilinér. pi. rxiv, éd. S. tleinacl,, 1888, p. 47_i Durmn, op. rit. fig. 516, et Baukunst d. Etrus ber plaques d'après la collection Campana, ibid. fig. 85-85, et S. Reinach, [lépert. reliefs, Il, p.516 5g. ; frise ionisante d'un temple reloque de Velletri, Notiz. ocatn, soutenant des guirlandes. 9 Dune', loc. cit. 10 Cf. supra, n. 1; Durm, beaux à Pétra) Le type ordinaire de la frise continue est la plate-bande lisse (fig. 483, arc de Itimini; 48$, arc de Constantin; 1780, 2704, temple de Jupiter Stator) t1 Comme variétés de ce type, il convient de citer: P la frise qui sert de champ à une inscription dédicatoire, soit gravée dans la pierre (portique du Panthéon, temples de Vespasien, d'Antonin et Faustine, à Rome, capitoles de Fig. 7604. Frise de temple romain. Lambèse, et de Dougga, etc.), soit en lettres de bronze fixées par des crampons (temple d'Assise) ; 20 la frise modillonnéc de l'ordre supérieur du Colisée, qui est interrompue par une série de consoles". Les profils bombés, ou plus rarement contournés en doucine, s'introduisent vers la 6mo du ne siècle, sous l'influence de l'Orient ; à Rome, on en voit à la basilique de Neptune, construction d'Antonin le Pieux 13, sur l'arc dédié par les orfèvres à Septime Sévère, et à l'intérieur de la rotonde qui est devenue l'église de Sainte-Constance Vi .l'arc des orfèvres, le tore est décoré de rinceaux; à Spalato, sur la colonnade intérieure du mausolée de Dioclétien, il est couvert de feuillages imbriqués, qui lui donnent l'aspect d'une longue guirlande 1t Quand la frise de l'ordre comporte un décoration sculptée, elle reste en général cosmophore autrement dit, l'ornement se réduit à un motif courant (fig. 6759). La guirlande, sculptée à plein relief, est une heureuse survivance de la tradition alexandrine (fig. 1774, 2666, 6908, temple de Vesta à Tivoli; 7154, temple rond dans une peinture de Pompéi); mais on lui préfère les enroulements de rinceaux, dont on retrouve des spécimens dans tout l'Empire et dont quelques morceaux comptent parmi les plus belles productions de l'art décoratif 16. Nous voyons reparaître, combinés ou non avec des motifs végétaux, les candélabres et turibules, les patères de sacrifice 07, les têtes de vie op. cit. fig. 435, 689, 857. Quant aux triglyphes dans l'ionique, on eu a des exemples en Sicile grecque (temple dit d'Empé'docle à Sélinonte, tombeau de Théron à Agrigente, cf. notre fig. 01771), en Étrurie (Durna, p. 70 et fig. 72) et à Pompéi (temple d'Apollon, maison du Faune, cf. Mati, op. cil, p. 8 et 287); I, P. 383. Il Un exemple classique est celui du Panthéon. 12 Durm, fig. 742 Siettiner, Borna nei suai monumenti, 1911, fig. 332; cf. l'arc do Zana (Diaima CLXXXLV. 00 I)arm, p. 421-428. Voir les rinceaux de l'Ara Paris, cens du Forum de Trajan au Musée du Latran, la frise du temple du Soleil aux jardins Colonna, celles do la Maison Carrée à Nîmes, du théâtre d'Arles, du temple d'Auguste à Pola (Durci, fig. 66i et Noaek, op. cit. pl. lotir). 17 A Préneste, patères entre lesquelles sont gravées les grandes lettres d'uns inscription. 1072 ZOP times et en particulier les bucrânes . Un riche motif d'inspiration hellénistique est celui des griffons affrontés, associés à des cratères et à des candélabres issant de pieds d'acanthe, sur la frise du temple d'Antonin et F'austine 2• Au temple de Vespasien, au petit temple rond de Vesta, restauré par Septime Sévère, ce sont des insignes sacerdotaux et des instruments du culte romain qui fournissent le thème . Aux thermes d'Agrippa, une frise est composée de motifs marins : dauphins, conques et tridents , décoration bien appropriée à un palais des eaux. Quant à la frise historiée, elle reste une exception dans l'entablement corinthien, comme en Grèce (voir le tombeau du boulanger Eurysacès à Rome, avec reliefs relatifs à son métier, et le tombeau de Scaurus à Pompéi avec deux frises superposées, représentant des jeux de gladiateurs fig. 6346) . Rome cri a cependant tiré un beau parti au pseudo-portique du Forum de Nerva, dont les reliefs se rapportent à Minerve protectrice des arts et de l'industrie 6 Les arcs de César à Orange, d'Auguste à Suse, de Titus à Rome (fig. 486, 1783, 4079), de Trajan à Bénévent, ont aussi leur entablement orné d'une frise historiée, où reparaissent les scènes de combat, les scènes de sacrifice, les cortèges rituels, transformés en pompes triomphales . Mais, sauf à Suse, la frise n'est ici qu'un élément, et le moindre, d'une décoration sculpturale (lui envahit toutes les parois du monument. La conception vraiment romaine du op/topos, il faut la chercher dans les grands bas-reliefs historiques des arcs de triomphe et dans les frises qui se déroulent en spirale sur les colonnes de Trajan et de Marc Aurèle (fig. 1788). Quant à la disposition même de la frise sur ces deux colonnes, les artistes qui l'ont imaginée se sont peutêtre bornés à interpréter ingénieusement une tradition de l'art grec ; elle semble, en effet, reproduire à grande échelle un long rouleau d'images, développé et fixé autour (l'un fût, de même qu'en Grèce la frise historiée parait s'inspirer souvent de dessins ou de peintures sur rouleaux [VOLTJMEN, p. 968]. A la meilleure époque de l'architecture romaine, il existe une mesure dans les expressions de cette richesse sculpturale. Le principe suivant domine la répartition des sculptures sur les divers membres de l'entablement: quand l'architrave et la corniche restent lisses, la frise est sculptée ; quand l'architrave et la corniche sont sculptées, la frise reste lisse et forme un intervalle de repos (fig. 1780) . Ses proportions sont très variables, ZOP surtout dans l'art provincial. Elle est en général un peu moins élevée que l'architrave, conformément à la règle de Vitruve, qui fixe la hauteur de la frise non historiée aux 3/4 de l'élévation de l'épistylc °. Mais elle n'atteint pas toujours cette dimension et parfois semble écrasée entre les deux masses de l'architrave et de la corniche D'autres fois sa hauteur dépasse celle de l'architrave" etpeut même exiger deux assises superposées de blocs '2. Le type classique de l'appareillage se trouve réalisé au temple de Jupiter Stator, où la frise est appareillée en décharge sur l'architrave monolithe: chaque travée de frise comprend deux sommiers, retenus par des scellements, et un claveau intermédiaire, qui n'est pas en contact avec l'architrave 3. Dans certains cas il y a deux cours de blocs, l'un faisant parement et l'autre contreparement ". Pour réduire la charge au-dessus des vides de l'entrecolonnement, on se contente parfois d'un simple placage entre des dés placés sur l'architrave au droit des colonnes u. Mais très souvent les Romains taillent l'architrave et la frise dans un seul et même bloc A Pompéi, nous constatons une tendance à confondre ces deux membres de l'entablement et à les remplacer par un bandeau unique, dont la hauteur équivaut à peu près à celle des deux éléments réunis, architrave par ses fonctions organiques et frise par sa décoration; ce large bandeau s'agrémente en effet de reliefs stuqués et coloriés, généralement sur un fond blanc, pour donner ZOT 1073 Z O'l' l'apparence da marbre '. On retrouve une disposition analogue dans un temple de Tébessa (Algérie}, avec suite de panneaux sculptés', et, à iloine même, sur certaines façades où l'architrave et la frise constituent un champ unique pour de grandes inscriptions (portique d'Octavie, temple de Vespasien, arc des orfèvres) . Enfin il convient de signaler certaines dispositions architecturales qui, au-dessus de l'entrecolonnement central, incurvent l'entablement pour former un cintre ['CYMPÂNUItI, p. 566 et fig. 4083, 6589, 76051 : l'archivolte, à laquelle aboutit la plate-bande, continue le décor courant de la frise rectiligne. Notre figure 7005 donne deux exemples do frise courbe,empruntés à un édifice de Palrnyreel àl'arc d'Orange, l'un avec suite de rosaces, l'autre avec une riche guirlande de fruits et de feuillages . ZOTHECA, ZOTLIECULI. Ce vocable d'origine grec que, mais connu seulement sous sa forme latinisée, désigne en principe toute espèce de niche destinée à abriter une image ou un groupe d'images. Tel est, en effet, le sens étymologique du mot ot/teca (wOx'), qui a conservé cette signification àl'époque impériale. Dans une inscription (le Cirta il est question d'un portique et de rot Iiecae, qui sont évidemment des niches faites pour recevoir des statues et décorantiamuraille du portique : on retrouve une disposition analogue dans un portique à double étage de Pergame et dans certains péristyles de Pompéi'. A Tibur, en l'an 79, un riche affranchi, qui fait restaurer à ses frais le temple d'Uercule Saxanus, mentionne également dans la dédicace une rotlteca3 selon toute vraisemblance, il s'agit d'une niche abritant une statue de divinité, comme on en voit au Panthéon (fig. 132), au temple de Vénus et de Home , au lararium publicum de Pompéi' et dans beaucoup d'autres temples. Une inscription de Gabies semble ne laiser à cet égard aucun doute : en l'an 169, un marchand de soie consacre à Vénus Gabina un temple avec ente statue de la déesse et quatre autres statues en bronze, disposées dans des roi Iiecae. Il y a donc toute une catégorie de rot hecae qui font office de tabernacles sacrés. Dans les temples, on les réserve généralement aux dieux qui sont les hôtes de la divinité principale (voir cependant à Pompéi le temple de la Fortune Auguste, et à Home celui de Vénus et Home, oit la niche centrale devient une véritable abside, fig. -4); dans les scliolae de confréries Ix. (fig. 6183), on y place l'image du dieu vénéré comme patron ou des images d'empereurs A cette catégorie appartiennent également les niches qui, dans la maison grecque9 et clans la maison romaine, renferment les dieux du foyer [rIoslus, .LAHES et fig. 408]; les niches du laraire se trouvaient le plus souvent dans l'atrium, selon l'antique usage, parfois dans le péristyle ou même 'dans la cuisine (fig 2098) 5°. Parmi les niches destinées simplement à protéger des statues ou des bustes d'hommes H, il convient de signaler surtout les zotloecae funéraires, qui contenaient le portrait du mort" (fig. 6344), et les édicules portatifs en bois, désignés plutôt sous le nom d'arrnaria, où les familles romaines conservaient les portraits des ancêtres HIt gifles '2najoru?n et fig. 3979]. Enfin il y a des nieues qui font partie d'un ensemble décoratif, comme celles oit s'encadrent cer•taines statues de fontaines [h'oNs, fig. 3150] celles qui s'étagent sut' les murs de scène des grands théâtres'" et celles qui allègent la masse de nombreux arcs de triomphe (fig. 372, 4142) 12, :otlmecae jadis garnies de bustes ou de statues, surtout de portraits impériaux. Le type de ces niches varie selon l'époque et selon l'importance du lieu. Sur un monument archaïque de Thasos, une niche affecte l'aspect d'une porte de sanctuaire (fig. 290). Au théâtre de Taormine, on trouve des niches à deux rampants, en forme (le mitre (fig. 3231). Les niches terminées en cintre sont fréquentes à l'époque romaine (fig. 7187). A Pompéi, il en subsiste qui sont de simples trous, creusés dans la paroi d'une chambre ou d'une galerie, au-dessus de l'autel domestique (fig. 408, 587 et 7606)10. Mais beaucoup de rot/mecae, dans les monuments (le l'époque impériale, ont l'aspect d'édicules plus ou moins ornés, avec colonnettes, entablement et fronton rectangulaire ou cintré (fig. 132,3156) Les 135 iitj ZOT 1074 .ZYT constructeurs romains utilisent volontiers la niche en cul-de-four, appareillée soit en briques, soit en maçonnerie, plus rarement en pierres de taille'. En général, ces absidioles étaient revêtues de stucages peints; on y appliquait aussi des stucs en relief (ruche à I'Isaeum de Pompéi, renfermant une statue de Bacchus), ou des mosaïques en verre, surtout dans les jardins, ou encore des coquillages et des rocailles, quand elles abritaient des fontaines [FoNs, fig. 3156] . Une décoration fréquente du cul-de-four, sûrtout à partir du 81e siècle, consiste en moulures dont l'ensemble imite une coquille . Notre figure 2525 représente une des 'dfj»IeP'''' III nombreuses niches peintes en trompe-l'oeil dans les maisons de Pompéi. Par extension, le mot s'est appliqué à de petites chambres formant alcôves et destinées au repos ou à l'étude '. Tantôt, particulièrement dans les logis plus étroits des villes, l'alcôve est comprise tout entière à l'intérieur d'un cubiculum, au centre ou à une extrémité d'un côté long de cette chambre à coucher (fig. 3898, chambre en hémicyle) ; on utilise alors l'un des recoins, ou l'unique recoin vacant entre l'angle du cubiculuin et la paroi latérale de la .rolheca, pour y aménager un lavabo . Tantôt, et c'est le cas le plus fréquent, la zotheca prolonge extérieurement le cubi culum, comme une véritable annexe. Quand elle est réservée au sommeil, elle no comprend guôre que l'espace nécessaire à un lit, quelquefois à deux lits, et elle ne reçoit de lumière que par la baie qui la met en communication avec la chambre 6 Quand il s'agit d'un cabinet de travail, ou d'une sorte de boudoir réservé à la méditation solitaire, à la causerie intime, au repos après la promenade, les trois faces extérieures sont percées de larges baies, qui s'ouvrent autant que possible sur des jardins [nonTus, p. 2891 . Au moyen de vitrages (specularia) et de rideaux (vela)°, on de simples paravents , on peut séparer complètement de la chambre ce réduit, où il y ii place pour un lit et plusieurs sièges. Il subsiste à Pompéi de nombreux exemples de ces alcôves. Un des plus caractéristiques est celui qu'offre l'atrium de la maison dite du Centaure ; ici la zotiieca, au sol surélevé, à la voûte cintrée et plus basse que celle du cubiculuin, ressemble bien à une véritable niche (fig. 7607) ; è. côté de cette alcôve, un obscur réduit servait peut-être de garde-robe toute la décoration de ces locaux est du plus ancien style de Pompéi "°. Dans la maison de Méléagre, un cubiculum comporte une alcôve à deux lits ; dans celle d'Apollon, au fond du jardin, un petit pavillon ne renferme qu'une chambre à deux alcôves 11. Dans la villa de Diomède, une zotiteca occupe en partie le mur de fond d'une chambre à coucher demi-circulaire, dont les larges fenêtres donnaient sur un jardin, avec exposition au midi (fig. 3898) 0. Pline le Jeune décrit complaisamment les cabinets de repos qu'il avait aménagés dans ses villas. Ainsi, dans sa villa de Toscane, à l'extrémité d'une allée en forme d'hippodrome qui était l'une de ses promenades favorites, se dressait un pavillon tout de marbre et pourvu d'une zotiiecula; en été, la frondaison ne laissait pénétrer à travers les trois fenêtres qu'une lumière tamisée et discrète 13 Dans sa villa Laurentine, c'est à l'une des extrémités d'un cryptoportique, séparant le xystus de I'hortus, que s'élève semblablement un « amour si de petit pavillon. Plus importante, la zotheca renferme un lit et deux sièges ; quand Pline vient s'y reposer, il peut de son lit contempler à la fois la mer, des villas et des bois [VILLA] " Les rot/ueculae dont parle Sidoine Apollinaire sont de petits réduits qui servaient de bibliothèques ". HENRI GRAILLOT. zY'l'IIUM (ZOoç 1). Bière, et généralement toute boisson fermentée faite avec des grains. À propos d'une variété, la cERvIsIA, il a été parlé brièvement des autres ; nous devons y revenir, pour en traiter' d'une façon moins sommaire et qui tienne compte des informations récentes Si ce n'est pas en Égypte que cette boisson fut d'abord inventée et ce point reste mal établi, c'est de ce pays du moins que nous viennent les plus anciens témoignages à son sujet. Le zythum est même proprement la bière égyptienne ; mais le nom s'étend, chez les auteurs, à celles des autres contrées. Un papyrus du Musée du Caire nous a conservé un tabteau du budget de la cour pharaonique à Thèbes, à la fin du Moyen-Empire, vers 1800 av. J.-C.: il y est reçu chaque jour130 cruches de bière ; la reine personnellement en a cinq. Les cas d'ivresse tenant à une consommation exagérée de bière étaient très fréquents dans le Delta ', et les inscriptions des pyramides de Sakkarah antérieures ZYT 1075 ZYT à l'époque des Lagides expriment l'idée que les morts ont besoin du même breuvage pour étancher leur soif'. Nous reviendrons plus loin sur les périodes ptolémaïque et romaine. Ce n'est pas que le vin manquât en Égypte 2 ; il y avait des vignes dans certains districts, mais trop peu pour fournir à toute la population ; le vin, à cause de son prix, n'était sans doute accessible qu'aux familles aisées ; les autres se contentaient de la boisson dont Osiris, disait-on dans son voyage en Europe, avait enseigné aux hommes la fabrication par la mouture de l'orge ', qui entrait ensuite en fermentation Et, bien qu'on en vantât souvent la saveur et le montant, le peuple] seul l'appréciait ; le fait est attesté en tout cas à partir de l'époque grecque 5 ; on ne parlait alors du vin d'orge qu'avec dédain Diodore de Sicile', il est vrai, dit que le .rythos n'est pas très inférieur au vin ; il faut entendre probablement : pas très inférieur en force, car on mêlait de l'eau au vin, tandis qu'en général on buvait la bière telle quelle, sans la diluer 9. Pour s'exciter à en boire, on absorbait d'abord des lupins, ou du raifort 10, comme] esAllemands aujourd'hui. Il nous est parvenu plusieurs recettes pour la confection de la bière égyptienne : une juive une syriaque 12 ; les ingrédients qu'elles indiquent, le carthame ou safran bâtard, plante tinctoriale, la rue, plante pharmaceutique, sont étranges, et leurs proportions (1/3 de sel) sont suspectes ; pourtant Pline " aussi mentionne le mulsum rutatum. Une troisième recette nous a été conservée en plusieurs manuscrits, dont l'un 14 attribue le texte à un des plus anciens alchimistes grecs, Zosirne de Panopolis, médecin en Thébaïde au me siècle avant notre ère. Ce texte recommande de faire choix d'une orge de belle qualité, de. la tenir mouillée pendant un jour, afin qu'elle gonfle, à l'abri du vent pour éviter les variations de température ; de la placer ensuite, arrosée encore, dans un vase profond et poreux ; puis de la faire sécher jusqu'à ce qu'il se produise une sorte de bourre ou de matière floconneuse, qui achèvera au soleil de se développer et prendra un goùt amer. L'orge germée, ou malt, ainsi obtenue, le moment est venu de la moudre, et on en fait une sorte de pain en y ajoutant du levain comme au pain ordinaire ; on le soumet d'abord à un grillage superficiel au feu ; on le mêle à de l'eau, qu'on filtre ensuite à travers une passoire ou un tamis fin. Suivant un autre procédé, le malt est précipité dans une cuve avec de l'eau et soumis un moment à l'ébullition " Il y a doute sur le sens exact de certains termes ; on reconnaît cependant quelque analogie avec nos méthodes de germination et de maltage ; notre « touraillage » est remplacé par l'exposition au soleil ; le criblage tient lieu du « poissage » moderne, servant à éloigner les poussières qui altéreraient le moût. Le brassage parait extrêmement simplifié ; néanmoins l'on entrevoit qu'il y en avait déjà de deux sortes comme aujourd'hui, par infusion ou par décoction. Il n'est pas question du « dégermage », destiné à éliminer les radicelles. Somme toute, on a l'impression d'une technique assez primitive ; l'emploi du houblon, pour aromatiser la bière et lui donner de l'amertume, procède d'une invention slave, qui ne pénétra que tardivement dans les autres pays 15. Depuis les temps qui nous occupent, d'énormes progrès ont dû être réalisés, beaucoup plus sensibles que ceux de la vinification. On comprendrait ainsi que la bière ait toujours passé, dans l'antiquité, pour une boisson d'ordre inférieur, à bon marché, et qui rendait des services là où le vin faisait défaut. On est étonné d'apprendre qu'elle était très commune dans des pays méridionaux, où sa consommation se réduit à rien actuellement : ainsi en Lusitanie (Portugal)" ; chez les Numantins, qui fabriquaient au temps de Scipion1e une boisson dite caelia10 on cerea 20, et en général chez les Ibères, qui avaient inventé un moyen de la conserver par l'addition d'un mollis sucus énigmatique 21. Un roi de ces contrées, pour imiter le luxe du prince homérique des Phéaciens, aurait fait disposer au milieu de son palais des vases d'or et d'argent remplis de vin d'orge 22. La boisson fermentée signalée chez les Scythes septentrionaux est évidemment le même breuvage, auquel on ajoutait des sorbes 23 L'orge, en effet, n'était pas seule employée: on se servait aussi du froment 24, par exemple pour brasser la sabaia 25, boisson des pauvres en Illyrie et Pannonie. Le nom peut être rapproché de celui du dieu phrygien Sabazios, qui en dérive peut-être [sABAzius, p. 929]. Maintenant encore on remplace quelquefois une partie du malt par d'autres céréales (riz ou maïs) ; on croit voir, au contraire, que les anciens se servaient à l'occasion uniquement de blé 46. Différentes racines entraient aussi dans la composition du 3Eurov préparé par les ThracoPhrygiens adorateurs de Sabazios 27. Les Péoniens de Macédoine tiraient leur bière, sous le nom de aaFa6(T128, d'un mélange du millet avec l'astérée appelée conyza. Les Égyptiens, faisant cuire des gousses de souchets comestibles (v.aatva0z)C),rl), en obtenaient un produit très doux, qu'ils mêlaient à la bière d'orge 29. La bière, chez ces peuples, ne semble pas avoir été appréciée comme de notre temps pour son amertume; on y ajoutait parfois du miel 30 ; à Thulè (la plus septentrionale des Shetland ?) les indigènes, d'après Pythéas 31, préparaient avec du miel et des céréales leur boisson douce-amère, différente par conséquent de l'hydromel. En définitive, l'antiquité ne semble pas avoir réalisé la bière de luxe. Ainsi pourraient s'expliquer les préjugés des Grecs 32 contre cette boisson, par ZYT 10'ïG ZYT tagés par des auteurs sérieux. La bière est indigeste , engendre des flatuosités et des humeurs pernicieuses; ce diurétique est funeste aux reins et au système nerveux; il provoque l'éléphantiasis ; il est caustique et échauffant'. Ces griefs sont encore formulés, sauf exceptions, contre le oux byzantin . Aristote ne craignait pas de déclarer que l'ivresse des vins de raisin fait pencher les buveurs principalement en avant; celle du vin d'orge, qu'il appelle ,tïvov, les fait toujours tomber à la renverse. Tandis que, d'après Dioscoride 6 la bière a une fàcheuse action sur la peau du visage, les Gauloises et les Espagnoles en utilisaient l'écume pour entretenir la fraîcheur de leur teint . Les auteurs d'Occident sont plus favorables à ce breuvage : la variété dite carmi guérit la toux 8; on la préconise en cas de vers intestinaux; la levure est efficace contre l'enflure des glandes , etc. Le pain, en Gaule et, en Espagne, passait pour plus léger qu'ailleurs, parce que les boulangers remplaçaient le levain par de l'écume de bière Chose singulière , la boisson d'orge ou de blé n'est signalée en Germanie ni par César ni par Pline; Tacite ', le premier, en fait mention. Elle devait y être plus ancienne, car, d'après les Commentaires du dictateur, l'importation du vin était prohibée chez les Suèves, convaircus que celte liqueur énervait les tempéraments et affaiblissait les courages °. On a soupçonné avec raison qu'ils redoutaient plutôt l'invasion des marchands italiens, avantcoureurs des armées romaines. Aliment et remède, la bière avait encore, en raison de son acidité, un emploi industriel: on s'en servait pour amollir l'ivoire et le travailler à son gré 14. Il a dû exister1 pour cette boisson, des récipients spéciaux (fig. 1338) '°. A Gordion (Phrygie), on a exhumé des vases, imités de formes métalliques, qui peuvent bien avoir contenu de la bière (fig. 7608)16 : le déversoir, très allongé, est modelé en escalier; sur quelques exemplaires, il présente même un rebord saillant à l'extrémité, ayant, pour destination apparente de retenir les parties solides pendant que le liquide s'écoule au-dessus. Pour mieux l'éclaircir, on ménageait aussi parfois, à l'ouverture supérieure, une sorte de tamis. Non moins caractéristique est l'anse qui se prolonge au-dessus (lu vase; elle permettait de puiser dans le grand bassinréservoir sans tremper la main et en laissant le bec hors de la masse liquide. A chaque palier de celui-ci la bière se décantait et du même coup on remplissait les coupes sur la table. Ces vases sont d'assez petite taille ; sans doute n'absorbait-on qu'une faible quantité, ou bien l'on ajoutait de l'eau dans les vases à boire. On opérait autrement chez les Arméniens du Nord, où passèrent les Dix mille en retraite [CERVI5IA, p. 1087] : là, dans les cuves, l'orge elle-même flottait jusqu'au bord ; pour n'en rien avaler, on aspirait au moyen d'un grand chalumeau trempé dans la bière 7. Ce breuvage, comme toutes les autres productions, a jouidu patronage d'une divinité. Du moins, chez les Thraces il, Dionysos fut le dieu de la bière avant d'être le dieu du vin ; la mystica vannus lace/1i [VANNES], ou )ixvo'i, était à l'origine le van nécessaire au etlltivatçur de céréales ; elle devint une simple corbeille à fruits, quand le vin de raisin l'emporta Les pays celtiques paraissent avoir connut des cultes analogues, Dans une province de Bretagne est venue au jour une (lédicace 20 au dieu ;1[ars Jiraciaca, qui dut être le dieu du malt (bracis) 21 ou (Itt brassage. Slicellus, l'idole gauloise au maillet, employait cet instrument, nous dit-on 22, à fabriquer le chaudron du brasseur et le tonneau oit se conservait la bière. Plusieurs monuments le représentent avec un barillet à ses pieds ; ils proviennent, il est vrai, de régions à vignobles. Nantosvclta, parèdre de Sucellus, serait elle-même déesse de l'hydromel, et tous deux auraient présidé à des libations mystiques et rituelles procurant une ivresse sacrée. Sur un tonneau se lisait l'inscription: Cervesar(iis feliciter) 23 elle nous donne le nom (les fabricants de bière en Gaule. En Égypte, il est plus d'une fois question des UQ7t210( 21; on ne distingue pas nettement, dans la uctiia 22, le rôle du ououpydç ° ; peut-être se bornaitil à livrer au brasseur tin ferment. On trouve en outre des marchands de bière 27, distincts sans doute des fabricants. Mais ici se pose la question du régime fiscal (le cette denrée en Égypte Fut-elle l'objet d'un monopole d'État ? Plusieurs auteurs hésitent beaucoup à l'admettre ; d'autres 30 concluent, à un monopole de fabrication et de vente, car il est fait mention d'une vaal; des uTomto(. La matière est fort obscure. Sons les No lémées, ces industriels acquittaient un mensuel: on voit deux associés payant. àce titre pour un mois b talents de cuivre Le chiffre est bien élevé pour se rapporter à une patente ; il paraît plus probablement indiquer une redevance de fermier. Le droit de brasser la bière aurait été affermé exclusivement par e souverain, en vertu d'un monopole à rapprocher de ceux de l'huile et des tissus. Nombre de papyrus, d'autre part, portent la trace, à l'époque impériale, d'une u-ri ((iv), dont ZYT 107"i ZYT l'interprétation n'est pas facile et qui était percue en drachmes xxT'âvôpx 1, autre formule énigmatique. La quittance d'un receveur pour un arriéré de paiement atteste un tarif uniforme durant plusieurs années ; on a donc conjecturé que la taxe restait invariable 2. Le monopole supposé de la bière aurait-il persisté sous l'Empire? On s'étonnerait alors qu'une femme d'Alexandrie, en 9 av. J.-C., eût possédé un UT07re)AE10V 3. Les domaines sacrés semblent avoir joué un rôle dans le commerce de la bière : il existait à Arsinoé, en 113, un ur07r(D)EiOV ~xpx7reéou 4. D'après une inscription du Jersiè cle de notre ère °, un affranchi impérial attaché à un Aphrodision, dans le nome de liénélaïtès, y a annexé un magasin de bière, pour lequel il a obtenu d'un fonctionnaire local l.affranchissement de l'impôt. Ce n'est pas le permis de vente qu'il a sollicité, c'est l'immunité. Mais peut-être les temples seuls échappaient-ils au monopole. Les prêtres de Soknopaios notent dans leurs comptes 200 drachmes ü7clp uTr,pâ; 6 ; on ne voit pas s'ils les paient comme brasseurs, ou si c'est un impôt qu'ils ont d'abord perçu dans le village appartenant à leur dieu. Il faut attendre de nouveaux documents. Des livraisons de bière sont prévues dans certaines conventions; elles sont faites en jarres (xepx.(t.tn) Dubois, Les ligues étolienne et achéenne, lat. VI, Falsae inscr. n' 3453'). L'objet et Wissowa, Real-Encyclop. art. Bienen dans Roicher, Ausf. Lexikon der griech. und rom. Mythologie. 1, p. 472 (avec la lat. V, §5.