Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article AREOPAGUS

AREOPAGUS (6 Apeloç 7C9iyoç). Nous donnons aujour d'hui le nom d'Aréopage au conseil ou tribunal le plus illustre et le plus ancien que nous offre l'histoire d'Athènes. Hésychius nous dit, en effet, que l'aréopage est un tribunal pour la plupart des auteurs anciens, l'aréopage était, non pas le tribunal, mais la colline, située en face de l'Acropole', ARE_ -39~ARE sur laquelle ce tribunal tenait habituellement ses séances, et les textes classiques qui mentionnent la compagnie des aréopagites disent toujours, non pas t °Apnoç 7câyos, mais Il serait sans utilité pour nous de discuter les opinions qui se sont produites sur l'origine de ce nom 8 Apstoc aâyoç. Faut-il croire que la colline athénienne dut son nom à Mars (°Aprç), soit parce que les Amazones, lorsqu'elles s'emparèrent d'Athènes, sous le règne de Thésée, offrirent snr cette colline un sacrifice à leur père Arès 7; soit parce que ce fut là que Mars, poursuivi comme meurtrier du fils de Neptune, comparut devant le tribunal des douze Dieux 3? Vaut-il mieux admettre que le nom d'aréopage est venu de ce que cette colline était affectée au jugement des homicides : âpetoç, id est cpovtxôç 7ct4yoç 9? L'aréopage était-il la colline maudite, dévouée aux Dieux infernaux, t âpaîoç c yoç t0? Nous nous bornons à poser ces questions, sans essayer de les résoudre. Les origines du sénat de l'aréopage se perdent dans la nuit des temps. D'après Eschyle, il aurait été établi par Minerve, sous le règne de Démophon, douzième roi d'Athènes, pour le jugement d'Oreste 71, et la déesse l'aurait composé de jurés pris parmi les citoyens d'Athènes f2, en souvenir probablement des douze dieux qui avaient siégé pour le jugement de Mars 13. D'autres prétendaient même qu'il avait jugé Céphale, meurtrier de Procris, fille d'Érechthée II, sixième roi d'Athènes, et Dédale, meurtrier de Talos; ils reportaient donc l'institution de l'aréopage aux siècles qui précédèrent le règne de Thésée'`. Il est vrai que, au début de l'ère actuelle, cette haute antiquité n'était plus admise. Cicéron prétend que l'aréopage fut établi par Solon : « Primum constituit areopagitas "» C'est aussi l'avis de Plutarque et de la plupart des historiens qu'il a pu consulter i6. L'argument principal que l'on invoquait en ce sens était le silence absolu gardé par les lois de Dracon sur les aréopagites : « Dracon ne les nomme jamais ; toutes les fois même qu'il s'occupe des crimes capitaux, il parle des Éphètes. » Nous croyons, avec M. Grote et presque tous les modernes, que l'aréopage existait longtemps avant Solon. « C'est une institution primitive, d'une antiquité immémoriale, bien que sa constitution et ses fonctions aient pu éprouver bien des changements 17. » Les preuves abondent dans les auteurs classiques pour démontrer, comme l'a dit Aristote, que Solon se borna à maintenir le conseil de l'aréopage 18 « L'aréopage, dit Démosthène, est le tribunal le plus national et le plus auguste de tous ; il existe sur lui une masse de traditions, dont quelques-unes remontent aux temps fabuleux, et que nous pouvons attester i8. » « Lycurgue, dit Socrate, imita de son mieux la constitution de nos ancêtres ; il voulut notamment que les membres de son sénat fussent choisis avec le même soin que nos pères apportaient à la nomination des aréopagites, et il leur donna des pouvoirs identiques à ceux qu'il savait résider dans l'aréopage 20. » En 743, un conflit s'était élevé entre Sparte et Messène ; les Messéniens offrirent de soumettre le différend à l'aréopage d'Athènes, qui, depuis longtemps, jugeait les causes de meurtre 21. Enfin, dans une loi de Solon, que Plutarque a textuellement reproduite comme hostile à son opinion et qu'il essaie vainement de concilier avec elle, il est parlé de citoyens d'Athènes condamnés pour meurtre par l'aréopage avant l'archontat de Solon'''. Nous allons exposer rapidement l'histoire de l'aréopage et indiquer ses principales attributions, en distinguant plusieurs périodes dans son histoire et en rapportant aussi exactement que possible à chacune d'elles les témoignages qui nous sont parvenus 23. 1. L'ARÉOPAGE AVANT SOLON. Les historiens, qui ont voulu décrire avec détails l'organisation et les attributions de l'aréopage avant Solon, ont été réduits à proposer de simples conjectures. Ce qui paraît le plus vraisemblable, c'est que l'aréopage était un sénat exclusivement composé d'Eupatrides, représentant l'ancien conseil des vieillards, qui fonctionnait encore au temps d'Homère. Il éclaira de ses avis, dans les circonstances graves, les rois d'abord et plus tard les archontes. Quand les pouvoirs de l'archontat furent réduits et que les archontes devinrent responsables, ce fut sans doute l'aréopage qui leur demanda des comptes. Depuis un temps immémorial, il jugeait les homicides en dehors de l'Acropole, la ville primitive, pour ne pas souiller la cité par la présence maudite du meurtrier. Il se réunissait sur la colline de Mars, et, dans ses jugements, il n'admettait ni excuse ni justification. Pour soustraire les homicides à des décisions impitoyables, pour mitiger la condamnation par l'admission de circonstances atténuantes, il fallut créer de nouveaux tribunaux, le Palladium, le Delphinium, le Prytanéium. Il y avait, en effet, sur la colline de l'Aréopage un autel élevé à l'«v«tôetx, à l'implacabilité. On admet généralement que Dracon dépouilla l'aréopage du droit de juger les homicides et le transporta à de nouveaux magistrats, les Éphètes Y4. L'aréopage aurait donc été réduit par Dracon à ses attributions politiques. Mais cette opinion, malgré l'appui qu'elle peut trouver dans un texte de Pollux 2a, ne nous parait pas exacte. Il est impossible que Dracon ait enlevé au sénat une prérogative qui se rattachait à d'anciennes traditions religieuses. Eschyle, dans ses Euménides, répète plusieurs fois que l'aréopage exerce sa juridiction sur les meurtriers en vertu d'un droit divin incontesté. Vainement dit-on, avec Plutarque m, que Dracon, l'auteur des lois sur l'homicide, n'a jamais prononcé le nom de l'aréopage, qu'il a toujours parlé des Ephètes. On peut répondre d'abord que Dracon ne s'est pas occupé du meurtre volontaire, qu'il l'a laissé sous l'empire de la législation antérieure, qu'il s'est borné à régler la juridiction des meurtres involontaires et à la confier aux nouveaux magistrats 27. Nous ajouterons que, à l'époque de Dracon, la haute compagnie dont nous parlons ne s'appelait pas encore le sénat de l'aréopage : fi iv Apetw 7ynl f3ouavj ; elle s'appelait simplement le sénat, ' (3au17j. Ce fut seulement après les réformes de Solon, lorsqu'il y eut dans la république deux sénats, le sénat composé des anciens -ARE 397 ARE archontes et le sénat des Quatre cents, qu'il devint nécessaire de compléter la désignation primitive par l'addition du lieu où l'antique sénat tenait ses séances. Ce qui prouve bien que l'aréopage continua de juger les homicides, c'est que, d'après une loi que Plutarque nous a conservée et que nous avons déjà citée plus haut, Solon excepta de la réhabilitation générale les citoyens condamnés pour meurtre par l'aréopage et par les Ephètes 23. Les condamnations visées par le législateur devaient être des condamnations plus ou moins récentes, et non pas exclusivement des condamnations antérieures à Dracon, c'est-à-dire ayant plus de trente ans de date. Outre ses attributions politiques et judiciaires, l'aréopage avait aussi des attributions religieuses. Le culte des Euménides, les rsep.vai Osait, était notamment placé sous sa protection particulière 49, et ces redoutables déesses avaient leur temple sur la colline même de l'aréopage. corps vraiment aristocratique, en prenant ce mot dans son acception la plus noble et la plus élevée. En effet, il se recrutait exclusivement parmi les meilleurs des anciens archontes 30 ; or, à cette époque, l'archontat n'était ouvert qu'aux hommes dont la fortune garantissait l'indépendance et qui avaient par conséquent toute liberté de se consacrer aux affaires publiques 51 ; il était déféré par l'élection, et on pouvait espérer que le choix des électeurs porterait ordinairement sur les citoyens les plus vertueux et les plus instruits ; on avait, en outre, la garantie des épreuves rigoureuses auxquelles les archontes étaient soumis avant d'entrer en charge, et des redditions de comptes qui leur étaient imposées par la loi à l'expiration de leurs fonctions. Celui qui se présentait devant l'aréopage avec de pareils antécédents ne pouvait pas être un mauvais citoyen. Il est permis de croire que l'aréopage ne se contentait pas de toutes ces vérifications faites en dehors de lui, et que, même en face d'anciens archontes jugés irréprochables, il examinait encore si tous méritaient de devenir aréopagites 32. Athénée, citant comme autorité l'orateur Hypéride, rapporte que l'entrée de l'aréopage fut interdite à un citoyen qui avait été vu dînant dans une auberge 33 grief que l'on n'aurait pas osé formuler contre un magistrat, mais qui pouvait être élevé contre un candidat à l'aréopage; car les auberges athéniennes ne se différenciaient guère des lieux de prostitution, et tout homme soucieux de sa dignité s'en tenait soigneusement à l'écart 34. Ceux qui réclamaient l'honneur de siéger dans l'aréopage devaient observer plus scrupuleusement encore que tous autres les convenances morales. Voilà pourquoi une loi, que nous a conservée Plutarque 35, défendait aux aréopagites d'écrire des comédies ; la licence habituelle des compositions de ce genre avait paru indigne de la gravité des membres d'un sénat renommé pour son austérité 3fi, et devant lequel le simple rire était déplacé". Si, par extraordinaire, un citoyen moins digne avait réussi à pénétrer dans l'aréopage, l'influence et l'exemple de ses collègues suffisaient sans doute, comme le dit Isocrate 33, pour lui apprendre à modérer ses passions, à abandonner ses mauvaises habitudes. Refusait-il d'adopter un nouveau mode de vie, l'aréopage usait du droit qui lui appartenait d'exclure de son sein les membres qui déshonoraient la compagnie 39. Pour que le sénat exerçât ce droit, il suffisait d'une faute légère 40; Helladius raconte qu'un aréopagite fut chassé de l'aréopage pour avoir, pendant une séance, étouffé un petit oiseau qui était venu chercher sur ses genoux un abri contre les serres d'un épervier 4f. M. Schoemann croit que les décisions de l'aréopage, excluant de la compagnie un membre indigne, n'étaient pas souveraines et pouvaient être réformées par le tribunal des Héliastes 42. Le texte de Dinarque, sur lequel il s'appuie 43, ne renferme pas cette solution; l'orateur dit bien que les Héliastes ont quelquefois acquitté des personnes que l'aréopage avait déclarées coupables; mais il n'ajoute pas que ces personnes purent se prévaloir de cet acquittement pour rentrer dans le sénat. Ce que nous venons de dire de l'organisation de l'aréopage de Solon est la meilleure explication du respect que les Athéniens témoignaient pour toutes ses décisions. Les membres qui le composaient étaient nécessairement des citoyens d'un âge mûr; beaucoup touchaient à la vieillesse; leur moralité éprouvée, la dignité de leur vie, leur soumission devant le droit, leur piété envers les dieux imposaient à tous. Les aréopagites se transmettaient les uns aux autres des règles d'honneur et de vertu auxquelles les nouveaux venus s'empressaient de se conformer. Aussi Eschyle n'exagérait pas lorsqu'il parlait de cet auguste sénat, « envié des Scythes et des Pélopides, véritable boulevard du pays qu'il protége contre l'anarchie et le despotisme, collége d'hommes désintéressés et sévères, graves et honorés, institués pour être, lorsque tous dorment dans la cité, des sentinelles actives et vigilantes, craintes et respectées 44. „ Solon maintint l'aréopage dans le droit de juger les homicides commis avec préméditation et laissa aux tribunaux des Éphètes le soin de statuer sur les autres espèces d'homicide "5. On assimila au meurtre volontaire les blessures faites avec préméditation, l'empoisonnement et l'incendie, lorsqu'une mort d'homme était la conséquence de ces crimes. La compétence de l'aréopage se trouve nettement résumée dans le texte suivant que Démosthène 46 et Pollux 4" nous ont conservé : Otx«ety v €v Apefcl 7câY(1 tpdvou xai xTsh aoéç. L'aréopage semble, il est vrai, avoir été quelquefois appelé à juger d'autres crimes, l'impiété 45, par exemple, et la haute trahison 49 ; mais il agit alors exceptionnellement, en vertu d'un renvoi spécial de l'assemblée du peuple, ou parce que, dans des circonstances critiques, il crut devoir étendre sa juridiction. Il ne serait même pas impossible que des écrivains peu exacts nous eussent présenté comme jugées par l'aréopage des affaires que ce sénat s'était borné à instruire, et que, l'instruction terminée, il avait renvoyées aux tribunaux ordinaires [APOPHASls]. La procédure suivie pour le jugement des affaires portées devant l'aréopage remontait certainement à une haute antiquité et ne pouvait s'expliquer que par les considérations religieuses que l'on retrouve toujours dans l'organisation des povtxal aixat. Elle était sans doute réglée par de ARE 398 vieilles lois, dont le texte était gravé sur une stèle dressée dans l'enceinte où siégeait le sénat 50 L'action était introduite devant l'archonte-roi par l'un des parents de la victime, qui seuls, d'après la loi 51, pouvaient se plaindre du meurtre de leur parent. La plainte reçue, l'accusé était soumis à une détention préventive, à moins qu'il ne fournit trois cautions payant un cens égal au sien '2; même dans ce cas, il devait cesser de paraître dans les lieux déterminés par la loi 53 L'archonte procédait alors à trois instructions successives séparées les unes des autres par un mois d'intervalle n. C'était seulement au cours du quatrième mois que l'affaire était soumise au sénat de l'aréopage, et le jugement avait lieu l'un des trois derniers jours de ce quatrième mois 'S. Comme le même archonte devait nécessairement diriger l'instruction tout entière et porter l'affaire devant l'aréopage, il en résultait que les crimes commis pendant les derniers mois de l'année n'étaient pas l'objet d'une instruction immédiate ; la procédure était renvoyée à Tannée suivante et ne commençait que lorsqu'un nouvel archonte-roi était entré en charge Ss Les aréopagites siégeaient à ciel ouvert, usa(Optot ii(•rasov57. «11 ne fau t pas, nous dit Antiphon, que l'on voie réunis sous le même toit les juges et l'accusateur, dont les mains sont pures, et l'accusé qui s'est souillé du sang de son prochain '6. » Seize marches taillées dans le rocher, à l'angle sud-est de la colline de Mars, conduisent encore aujourd'hui à une plate-forme ; sur cette plate-forme est un banc, également taillé dans la pierre, formant les trois côtés d'un quadraugle et tourné vers le sud t`0. C'est probablement un des siéger qu'occupait l'aréopage. Si nous devions ajouter foi au témoignage de Lucien, les séances auraient eu lieu pendant la nuit, au milieu des ténèbres, afin de soustraire les juges à toute influence extérieure et de fixer uniquement leur attention sur les discours qui seraient prononcés 60. Mais aucun passage des auteurs classiques ne permet d'adopter l'opinion de Lucien; et certaines parties de la tragédie d'Eschyle consacrée à L'aréopage, les Euménides, sont inconciliables avec l'idée d'une séance de nuit 61. Lorsque l'aréopage était rassemblé, les deux parties, accusateur et accusé, prenaient l'engagement de ne rien dire qui fût contraire à la vérité u; l'accusateur affirmait que l'accusé était réellement l'auteur du meurtre; l'accusé de son côté affirmait son innocence 63. Ces promesses et ces affirmations étaient accompagnées de serments solennels, prêtés sur les entrailles d'un sanglier, d'un bélier et d'un taureau, immolés suivant des rites prescrits par la loi; en face des autels des Euménides, des vénérables déesses (0d:p.val 9eaO, les plaideurs appelaient sur eux et sur toute leur famille les malédictions les plus terribles pour le cas où ils se parjureraient u. Ni l'accusateur ni l'accusé ne pouvaient se faire assister par un avocat ; ils devaient faire valoir personnellement leurs moyens. La loi leur prescrivait de ne pas s'écarter de l'objet du procès 63 et d'éviter par conséquent les digressions oratoires 66; elle défendait même les exordes insinuants et les appels à la sentimentalité des juges 67. On voit encore, sur la plate-forme de l'aréopage, deux blocs de pierre brute, l'un à l'orient, l'autre à l'occident e3; ce sont là, sans doute, les restes des «pyol )élot, qui servaient de tribunes aux parties et sur lesquelles elles se plaçaient pour prononcer leurs discours. L'une d'elles, celle qui était réservée à l'accusateur, était appelée ),i0os «vaté6(aç, la pierre de l'implacabilité (et non pas, comme l'a dit Cicéron, la pierre de l'impudence 8°) ; l'autre, celle de l'accusé, était la àiOoç ltpemç, la pierre de l'injure. C'est cette ),iOos iddpcwç que nous voyons, à droite de Minerve, dans le camée 10 reproduit (fig. 491); Oreste appuie sur elle son pied droit. Nous serions également tenté de la reconnaître, malgré les objections de M. Michaëlis , dans le bloc de pierre sur lequel le vase Corsini nous montre Oreste, la tête appuyée sur sa main, dans l'attente du jugement (fig. 493). Chacune des parties avait le droit de parler deux fois. Après un premier discours, l'accusé, qui jugeait sa condamnation imminente, pouvait encore la prévenir en s'exilant volontairement ; ses biens étaient confisqués et vendus par le ministère des Polètes; mais il échappait à toute peine corporelle. Il n'y avait qu'un seul cas où cette ressource lui fit défaut : lorsque le crime qu'on lui reprochait était un parricide, l'accusé devait attendre la fin du procès et se résigner à subir sa peine T Quand les parties avaient cessé de parler, les aréopagites faisaient connaître leur opinion. Ils se laissaient guider, nous disent les anciens auteurs, moins par les considérations purement juridiques que par les considérations morales. Les antécédents de l'accusé, les mobiles qui l'avaient fait agir, avaient plus de prise sur eux que l'existence ou l'absence de preuves matérielles du crime. « Devant Faréopage, écrit Eschine, j'ai souvent vu des gens, qui avaient bien plaidé et qui avaient produit des témoins, perdre leur procès, tandis que d'autres, qui avaient mal parlé et qui ne fournissaient aucun témoignage, sortaient victorieux des débats 72. » Aristote raconte que l'aréopage acquitta une femme convaincue d'avoir empoisonné un homme en lui versant un philtre ; elle avait cru par là inspirer de l'amour à sa victime et n'avait pas eu l'intention de lui donner la mort 73. Les aréopagites jugèrent qu'il y aurait excès de sévérité à lui infliger une peine capitale. Dans les tribunaux ordinaires, il y avait deux urnes destinées à recevoir les pierres que le héraut distribuait aux juges. La première, celle dans laquelle chaque héliaste déposait la pierre qui exprimait son opinion, favorable ou défavorable, était en métal et s'appelait l'urne-maîtresse (xGptot5 i xoç); la seconde n'était qu'une urne de contrôle (xrupos xaexoç), en bois, et le juge y jetait la pierre qu'il n'avait pas utilisée pour le vote. En était-il de même pour l'aréopage? Dans un bas-relief de la galerie Giustiniani, que nous reproduisons ( fig. 492), on voit bien deux urnes ; mais l'une est dressée sur la table, tandis que l'autre est renversée sur le sol, ce qui est déjà de nature à surprendre.Ajoutons que tous les autres monuments ne présentent qu'une seule urne (fig. 491 et 493). Pollux dit, en elfe t,quel'emploi de deux vases pour recevoir les suffrages est de date ré cente et qu'originairement il n'y en avait qu'un seul. Les monuments nous autorisent à croire que l'aréopage resta toujours fidèle à la méthode primitive. Lorsqu'il y avait égalité de suffrages pour l'acquittement et pour la condamnation, l'accusé était renvoyé de la poursuite 7". Ce fait s'explique, non-seulement par la bienveillance qui veut que, dans le doute, on se prononce en faveur de l'accusé, mais encore par un souvenir de la légende du procès d'Oreste. Les voix des juges ayant été également partagées, Athéné se prononça en faveur de l'accusé, ce qui entraîna l'acquittement u. Ce fait est représenté sur un grand nombre de monuments (fig. 491-493. Nous citerons notamment le célèbre vase d'argent du musée Corsini (fig. 493). La déesse, sans égide, sans bouclier, mais la tête couverte d'un casque, dépose son vote dans une urne placée sur une table. En face d'elle est un personnage, dans lequel, contrairement à l'opinion commune qui y voit l'une des Eriunyes, M. Michaëlis croit reconnaître le héraut qui lisait les pièces du procès, distribuait les cailloux aux juges et proclamait la décision ; à droite de la déesse, Oreste, assis sur la pierre de l'injure, attend, en proie à une tristesse évidente, le résultat du scrutin; séparés de lui par un piédestal qui supporte un cadran solaire, Pylade et Électre observent attentivement le vote de la déesse, pendant qu'un dernier personnage, peut-être l'accusateur, appuyé contre un second piédestal. exprime par son attitude le chagrin que lui cause le dénouement du procès. C'est en souvenir de ce fait mémorable de l'histoire religieuse d'Athènes, que plus tard on ajoutait par la pensée, aux suffrages exprimés dans un sens favorable, le epoç ?tOrv«;, le calculus Minei'vae. La peine que l'aréopage prononçait le plus habituellement était la peine de mort, et l'exécution avait lieu dans un très-bref délai. Quelquefois cependant, le sénat se bornait à condamner à l'exil i6 Les décisions de l'aréopage jouissaient, dans la Grèce entière, d'une grande réputation de sagesse. « Jamais, dit Démosthène, un accusateur qui succomba, un accusé qui fut condamné, n'ont pu convaincre l'aréopage d'injustice". rr Il est malaisé de dire si des voies de recours étaient possibles contre les jugements de l'aréopage, et, dans le cas où l'on répond affirmativement, quelles étaient ces voies de recours. Le texte que nous venons de citer a conduit quelques auteurs 78 à penser qu'il était permis de soumettre à une autre juridiction les affaires déjà présentées à l'aréopage ; Démosthène et Lycurgue, en affirmant que les sentences de l'aréopage ont toujours été trouvées conformes à la, justice, feraient allusion, non pas aux appréciations de l'opinion publique, mais à celles de contrôleurs officiels autorisés par les lois. Un autre texte porte que les aréopa gîtes ne sont pas souverains lorsqu'ils prononcent des peines contre un citoyen : uè y «p aèTOxp«TOpéç ai iv, wg «v possibilité de l'appel, admettent contre les jugements de l'aréopage une action en nullité, lorsque les témoins qui avaient déposé devant le sénat avaient été condamnés pour faux témoignage ; ils invoquent en ce sens un texte de Pol D'autres enfin u se refusent même à autoriser l'action en nullité et déclarent toute voie de recours impossible. Nous n'hésitons pas à rejeter l'opinion qui croit à une juridiction supérieure, chargée de statuer en appel sur les causes soumises à l'aréopage. Antiphon dit très-nettement que les procès de meurtre ne sont jugés qu'une seule fois : thène constate que les aréopagites ne sont pas souverains (aûroxpâTopeç), il fait allusion à leur droit de punir comme censeurs, et non pas à leur droit de punir comme juges de l'homicide.Quant à l'action en nullité, nous sommes plus indécis. L'âv«Sixog r.pietç, quand les témoins ont été convaincus de faux témoignage, « n'a pas lieu, d'après Théophraste, dans toutes sortes de procès ; elle n'est donnée que dans ARE 400 -se ARE les affaires de nationalité, de faux témoignage, ou de succession 84. » Dans les autres cas, la partie qui a succombé doit se contenter d'une action en dommages et intérêts, la xaxorexvtmv S(x«l. Si, dans les trois cas indiqués par Théophraste, la loi accorde un nouveau jugement («v«Stx(a), c'est que la condamnation amenée par de faux témoignages a porté atteinte à l'état civil, à l'honneur, au droit de famille ou de parenté. Mais, si l'honneur d'une personne est compromis par une tdEUSogapruet("v ypacpe, ne l'est-il pas bien davantage par une v,ovtxt S(x,l, et a fortiori 1 «vaùx(a ne devrait-elle pas être possible dans les procès de meurtre? Et cependant Antiphon semble dire que la peine prononcée par l'aréopage devra être subie, lors môme que l'innocence du condamné serait certaine 83. L'opinion qui admet l'action en nullité contre une condamnation, lorsqu'il est démontré que cette condamnation est due uniquement à de faux témoignages, a donc pour elle la logique et l'équité. Mais, en présence du texte restrictif de Théophraste, les arguments d'analogie ne sont guère possibles. L'ensemble de toutes les dispositions que nous avons recueillies sur la juridiction de l'aréopage nous porte à croire que les jugements rendus par ce sénat étaient inattaquables, même après la condamnation des témoins qui avaient comparu devant lui. La précipitation avec laquelle la sentence était exécutée est exclusive de toute possibilité de recours. Le rôle politique que l'aréopage avait à remplir dans la constitution de Solon est assez vague et assez indéterminé. « Solon, dit Plutarque, établit l'aréopage surveillant de tous les citoyens et gardien des lois, » i loxo7,oV azvrou xai 91(),«x« Tôty vdgow 88. Mais quelle était l'étendue de ce droit de contrôle supérieur, c'est ce qu'il est assez difficile de dire. L'aréopage avait, sans doute, le droit d'opposer son veto aux décisions de l'assemblée du peuple lorsqu'elles lui paraissaient contraires à l'intérêt général de la république. Les nomophylaques, qui furent institués plus tard pour combler une lacune constitutionnelle résultant de la suppression par Ephialte des prérogatives politiques de l'aréopage, jouissaient précisément de ce droit de véto, xto ôovreç 8', et il est permis d'en conclure que les aréopagites l'exercèrent avant eux. N'est-ce pas aller un peu loin toutefois que de dire, comme M. Dugit 88, que l'aréopage tout entier, ou au moins une commission nommée par lui, assistait aux délibérations de l'éxx)as ia et veillait à ce que, dans le cours des débats, rien ne se passât contrairement aux lois? Les grammairiens nous disent bien que les nomophylaques siégeaient dans l'assemblée à côté des proèdres fl9; mais il y a une grande différence entre une magistrature composée de sept membres seulement et une compagnie aussi nombreuse que celle de l'aréopage. Ce qui est certain au moins, c'est que l'aréopage exerçait une surveillance sur la moralité publique et privée 90; il est probable qu'il avait, à ce point de vue, toutes les attributions de police dont les textes postérieurs à l'expulsion des Trente nous le montreront investi .Les citoyens devaient justifier devant lui de leurs moyens d'existence u ; les étrangers n'étaient admis à fixer leur domicile à Athènes et à devenir métèques qu'après un rapport favorable de l'aréopage sur leur conduite, etc. ; mais, s'il faut ajouter foi au témoignage d'Isocrate, ce qui attirait surtout l'attention de l'aréopage, c'était l'éducation de la jeunesse : C'est peut-être dans ce droit de censure de l'aréopage qu'il faut chercher l'explication d'un texte à première vue embarrassant. Androtion et Philochorus 93 disent que l'aréopage était compétent pour tous les délits, pour toutes les transgressions des lois. Si l'on prenait à la lettre cette déclaration, les tribunaux des Héliastes auraient été inoccupés. M. Schoemann 94 a proposé une explication vraisemblable. Lorsqu'un délit avait été commis, la répression pouvait être demandée au tribunal des Héliastes par tous ceux que la loi autorisait à agir. Mais le tribunal ne pouvait pas se saisir directement de l'affaire ; il était obligé d'attendre qu'une plainte eût été déposée entre les mains du magistrat compétent. Quand personne ne se plaignait, l'aréopage, en sa qualité de censeur, appelait spontanément le délinquant à comparaître devant lui et lui infligeait une peine. Dans l'ordre religieux, le rôle de l'aréopage ne nous paraît guère mieux défini que dans l'ordre politique : le sénat devait veiller au maintien des cultes établis, faire entretenir avec soin les sanctuaires qui étaient spécialement placés sous sa garde, et offrir certains sacrifices en observant fidèlement les traditions 95. S'il faut en croire les grammairiens, il pouvait introduire dans la religion de l'État des fêtes empruntées aux peuples étrangers, è7IttTOUç éoprâç96; d'où l'on a conclu qu'aucun rite nouveau ne pouvait être admis à Athènes sans l'autorisation de l'aréopage 97; mais nous croyons avoir démontré ailleurs l'inexactitude de cette proposition 98. L'aréopage était aussi, nous dit l'orateur Dinarque, le gardien des testaments secrets (â7topM.7ouç tmFrjxaç) sur lesquels reposait le salut de la ville 99. Ces testaments secrets étaient sans doute quelque légende destinée à être transmise oralement par les chefs de la république athénienne à leurs successeurs, peut-être les confidences d'OEdipe à Thésée sur le lieu de sa sépulture 10°. Cette supposition trouverait sa confirmation dans l'OL+'dipe â Colone de Sophocle : le roi seul doit voir mourir OEdipe et connaître, pour le transmettre à ses successeurs, le secret, qui importe tant au salut d'Athènes, de la place où le vieillard trouvera un tombeau 101 PHIALTE (461 av. J.-C.). -L'aréopage n'eut pas à souffrir de la tyrannie des Pisistratides, mais il ressentit peut-être le contre-coup des réformes de Clisthène. Si l'on admet en effet, avec Grote 10' et beaucoup d'autres historiens 103 que Clisthène se proposa comme but d'affaiblir l'aristocratie et de fonder le gouvernement démocratique, si l'on accorde surtout qu'il rendit accessible aux citoyens des trois premières classes l'archontat, qui jusque-là avait été exclusivement affecté aux pentacosiomédimnes, l'influence de l'aréopage dut être sensiblement diminuée. Nous devons dire cependant que, tout récemment, M. Elia Lattes s'est efforcé d'établir qu'on a beaucoup exagéré l'importance de l'oeuvre de Clisthène 104, et que, si la constitution athénienne fit alors un pas vers la démocratie, ce pas fut en réalité ARE _401 ARE assez court t0i; il soutient également, sur la foi de Plutarque que Clisthène n'abaissa pas les conditions de cens requises pour l'admission à l'archontat et qu'il maintint éloignés de cette magistrature les citoyens des trois dernières classes 104. Si l'on adopte cette opinion, il n'y eut rien de changé dans la condition de l'aréopage. A l'époque des guerres médiques, le sénat donna l'exemple du patriotisme et du dévouement. II appuya le plan de campagne de Thémistocle et contribua par là à la victoire de Salamine 108. Un citoyen ayant parlé de se rendre et d'accepter les propositions de Xerxès, les aréopagites le mirent à mort de leurs propres mains. Puis, comme le trésor public était vide, chacun d'eux fit don à l'État d'une partie de sa fortune ; ce qui permit de compléter l'armement des trirèmes et de donner une somme individuelle de huit drachmes aux soldats trop pauvres pour s'entretenir sur leur fortune personnelle 100 Lorsque Aristide eut effacé toute différence entre les classes pour l'admission aux magistratures, les citoyens les moins riches représentant la démocratie eurent le droit d'entrer dans l'aréopage. Mais, en fait, les candidats de l'aristocratie continuèrent d'être nommés par le peuple, tant que l'élection fut maintenue. Ce fut seulement à partir de l'époque où le tirage au sort désigna les archontes que la démocratie pénétra réellement dans le sénat. Mais nous avons dit que cette innovation ne se produisit guère avant les réformes d'Éphialte, si même elle leur est antérieure La majorité de l'aréopage sortait donc toujours de l'aristocratie, et les oligarques, dans leurs luttes contre le peuple, tout entier dévoué aux principes démocratiques, s'appuyaient sur le sénat. Le peuple trouva, nous dit Aristote, que l'aréopage, exerçait l'autorité avec trop de rigueur 10; cette compagnie devint odieuse à la foule, et ceux qui l'attaquèrent furent assurés de la faveur du peuple 11. Elle perdait d'ailleurs de son prestige : l'extension de la ville avait motivé la création de nouvelles magistratures qui avaient réduit le cercle d'action des archontes ; ceux-ci étaient successivement dépouillés de leurs plus belles prérogatives, et, n'ayant plus qu'une part minime dans la direction de la république, ils entraient dans l'aréopage avec moins de considération personnelle. Toutes les mesures tentées par l'aristocratie pour arrêter le mouvement populaire furent impuissantes. Le jour vint bientôt où le parti démocratique, dirigé par Périclès et Éphialte, se sentant le plus fort, se décida à porter la main sur le corps qui l'entravait dans sa marche. « Éphialte, dit Aristote, abaissa le sénat de l'aréopage 112. » Cet ami de Périclès proposa, en effet, au peuple un décret qui dépouillait l'aréopage de toutes ses attributions politiques et censoriales et réduisait sa compétence judiciaire. Le peuple approuva la motion d'Éphialte, et les fonctions de l'aréopage furent limitées au jugement des vovtx«l ôlxxt. Ses autres pouvoirs passèrent en partie à une magistrature nouvelle ; la surveillance des autorités établies et de l'assemblée du peuple fut confiée à des nomophylaques, qui 1. eurent, comme les archontes, la perspective d'entrer dans l'aréopage à l'expiration de leurs fonctions. De plus, l'institution ou au moins le développement de la ypxtp%j 7r2pav~,a,mv et l'action des nomothètes contribuèrent à remplir le vide que la restriction des droits de l'aréopage faisait dans le gouvernement d'Athènes. Nous venons de dire qu'Éphialte laissa aux aréopagites la connaissance des ¢ovtxal ô(xu,. Quelques auteurs ont cependant soutenu que l'aréopage fut privé même du droit de juger les homicides 13. L'argument principal sur lequel ils s'appuient est un texte de Lysias. Après l'expulsion des Trente, dit l'orateur, « vous avez rendu à l'aréopage le jugement des affaires de meurtre, » Ttf1 StxaoTrp(w Tôl ÉS Pour qu'il pût y avoir restitution, on doit supposer un enlèvement qui doit être l'oeuvre de Périclès ou d'Éphialte. Si cette opinion était exacte, il faudrait admettre que, pendant plus d'un demi-siècle, depuis les réformes d'Éphialte en 461 jusqu'au renversement des Trente en 403, l'aréopage n'exerça aucune fonction. Une si longue inertie lui eût enlevé le respect des citoyens ; il serait devenu plus ridicule encore que le tribunal des Éphètes et il n'aurait pas tardé à disparaître, tandis que Lysias est le premier à déclarer que l'influence de l'aréopage était encore trèsgrande à la fin du ve siècle 115 Ce devait être à la même époque que Socrate disait au jeune Périclès : «L'aréopage, composé d'hommes choisis et éprouvés, n'est-il pas le tribunal le plus digne, le plus honorable, le plus équitable dans tous ses jugements, le plus estimable dans toute sa conduite 116?» Il faut donc se résigner à donner une autre interprétation au passage de Lysias que nous avons cité, et dont les termes prêtent d'ailleurs à la controverse 717. Démosthène déclare, en effet, qu'aucun gouvernement tyrannique, oligarchique ou démocratique, n'a osé enlever à l'aréopage les ?ovtxal S(x«t 18. Eschyle, qui fit représenter les Euménides quelque temps après les réformes d'Éphialte, présente l'aréopage comme un tribunal qui exerce sa juridiction sur les homicides en vertu d'une sorte de droit divin incontesté et qui la conservera toujours 119; singulier langage de la part du poète, si, au moment de la représentation, l'aréopage eût été dépouillé de cette prérogative. Le biographe anonyme de Thucydide rapporte que cet historien, peu de temps avant sa nomination comme stratége (423 av. J.-C.), défendit devant l'aréopage Pyrilampès, qui était, accusé d'un meurtre 10. Philochorus dit nettement qu'Ephialte laissa à l'aréopage 'râ 1374 Tou t7tÛU.L57COÇ 121, ce qui doit évi demment s'entendre des affaires d'homicide, Enfin Plutarque reconnaît que l'aréopage fut maintenu dans le droit de juger quelques procès 192, qui sont nécessairement les procès de meurtre. Voici l'explication du texte de Lysias : pendant l'oligarchie des Trente, toutes les lois étaient renversées ; il fut impossible à l'aréopage de tenir des séances et de juger des accusations de meurtre; le rétablissement de la démocratie lui rendit ses fonctions habituelles 123 Tout en arrivant aux mêmes conclusions que nous, M. Dugit pense que, à partir de l'année 461, les jugements de l'aréopage furent susceptibles d'appel 124; il trouve dans M ARE un vers des Euménides : « Qu'on laisse donc mes arrêts sans appel '"5 », une protestation du poëte contre l'injure qu'Ephialte fit au sénat en permettant de recourir à un tribunal supérieur. Mais ce que nous venons de dire prouve au contraire que la juridiction des aréopagites, quant aux cpovtxal haro, demeura ce qu'elle avait été jusqu'alors. «L'amoindrir eût été un sacrilége; car la procédure des yovtxai Uéxat était consacrée par la religion, et les dieux eux-mêmes avaient donné au sénat les lois qu'il était chargé d'appliquer. » Les homicides continuèrent donc d'être jugés en dernier ressort. Pour occuper les loisirs que la nouvelle constitution faisait à l'aréopage, on lui confia de temps à autre des missions plus ou moins délicates. Ainsi, vers 4,24 ou 423, cette compagnie fut chargée de dresser la liste des tributs si devaient être imposés aux alliés 128. Quelquefois aussi peuple lui renvoyait les enquêtes à faire sur certains 'mes d'une gravité exceptionnelle [APOPIIASIS]. Mais, dans divers cas, les aréopagites ne jouissaient plus de l'irres nsabilité qui les avait autrefois protégés; ils devaient, aime tous les autres magistrats, rendre compte de la arrière dont ils s'étaient acquittés de leur mandat 127. Malgré son abaissement, l'aréopage conserva quelquesnes de ses attributions religieuses. C'est, en effet, à cette poque de son histoire que se rapporte un fait cité par dicéron 1". Le poète Sophocle dénonça à l'aréopage un somme qui s'était rendu coupable d'un vol dans le temple d'Hercule et que le dieu lui-même avait désigné au petite pendant un songe ; l'aréopage fit saisir l'auteur du délit, le relit à la torture et obtint l'aveu de son crime. Plutarque nous dit aussi qu'Euripide fut quelquefois arrêté dans l'exposé de ses doctrines religieuses par la crainte de I'aréopage'"g. Enfin un Père de l'Église, saint Justin, rapporte que Platon jugeait imprudent, à cause de l'aréopage, d'invoquer le nom de Moise à l'appui du dogme du monothéisme. Pendant toute la période qui s'écoula entre les réformes d"Éphialte et le renversement des Trente, l'aréopage disparaît presque complétement de la scène politique. On ne le voit reparaître qu'au moment des grands désastres qui affligèrent la république athénienne à la fin de la guerre du Péloponèse. Lysias nous le montre alors occupé à chercher des moyens de sauver l'État ; 7pTtoto-Ac amTrp(av'30 ROMAINE (146 av. J.-C.). Est-il vrai que, après la chute des Trente et le rétablissement de la démocratie, les restaurateurs de la liberté athénienne sentirent le besoin de prévenir de nouveaux excès de la démagogie en rendant à l'aréopage quelques-uns des droits dont Périclès l'avait dépouillé, notamment la garde des lois et la surveillance des magistrats? On le dit habituellement 131. Un décret proposé par Tisamène et dont le texte nous a été conservé, porte en effet que, lorsque les lois seront, votées, l'aréopage veillera à ce qu'elles soient fidèlement observées par les magistrats 13'. Mais une objection sérieuse peut être faite à l'opinion générale : est-il vraisemblable qu'une restauration démocratique ait eu pour conséquence une restitution de pouvoirs à un sénat que l'on regardait unani moment comme le plus fort soutien de l'aristocratie? Aussi les auteurs anciens, qui nous fournissent tant de renseignements sur l'histoire d'Athènes au Ive siècle, ne nous donnent aucun exemple de l'immixtion de l'aréopage dans la gestion des magistratures. Nous ne sommes donc pas surpris que l'authenticité du décret de Tisamène ait été fortement contestée 133 Ce qui est certain toutefois, c'est que l'aréopage paraît avoir joué, à partir du rétablissement de la démocratie, un rôle plus actif que pendant la période précédente. En matière de police au moins, ses attributions semblent avoir été étendues. Nous allons indiquer les cas principaux dans lesquels les textes nous montrent son action. Il exerçait un contrôle sur la conduite et sur Ies moeurs des citoyens. Quand un Athénien menait une vie notoirement déréglée, les aréopagites l'appelaient devant eux et lui enjoignaient de réformer ses habitudes (p',rtov ~év 134) C'était aussi l'aréopage qui vérifiait si tous les citoyens avaient des moyens d'existence et punissait ceux qui, n'ayant pas de fortune, vivaient dans l'oisiveté dpyoé;). Les anecdotes bien connues relatives aux philosophes Cléanthe 135 Ménédème et Asclépiade 138 appartiennent précisémentà la période qui nous occupe.Nous n'en conclurons pas, cependant, avec la plupart des auteurs contemporains, que l'dpy(aç ypapr, fût toujours et nécessairement de la compétence de l'aréopage 137. Un texte de Plutarque 13e nous porterait à croire qu'elle était jugée par les c:xaaT'pta. Il est probable que, quand le délit d'dpyia était peu grave, l'aréopage infligeait directement au délinquant une peine modérée ; mais, lorsque le coupable paraissait mériter une répression plus rigoureuse, les aréopagites le renvoyaient devant les tribunaux des Héliastes 1". Nous donnerions la même solution à la question de savoir quels étaient les droits de l'aréopage sur les prodigues qui avaient dissipé leur patrimoine et qui étaient exposés à la ypa11 Tot' T 7evrpôla xarEi éox€vat. L'aréopage veillait à ce qu'il n'y eût pas d'excès dans le luxe des parures féminines ou des festins, sans distinguer entre les repas privés et les banquets donnés à l'occasion d'un mariage ou d'une cérémonie religieuse. Les gynéconomes et des agents subalternes, telsque les oivo7Tat,assistaient les aréopagites dans l'accomplissement de cette mission 140 On a dit que l'aréopage s'occupait d'une façon toute spéciale de l'éducation de la jeunesse et que les KéagRTat et les Y.«Itppovtara( étaient soumis à sa direction supérieure 14' Mais, au Ive siècle, Isocrate présente cette attribution de l'aréopage comme tombée depuis longtemps en désuétude 14", et rien ne permet de croire qu'elle lui ait jamais été rendue 143. Aussi, malgré l'argument que l'on pourrait tirer d'un passage de l'Axiochus attribué à Platon "", il est probable que l'aréopage ne se mêlait de l'éducation des Éphèbes que dans la mesure de son droit général de vigilance sur les moeurs. L'aréopage aurait aussi, dit-on, joué le rôle de commission de salubrité et pris toutes les mesures que commandait l'hygiène publique 165. M. Dugit va même jusqu'à dire que « c'était l'aréopage qui donnait aux médecins et aux apothicaires l'autorisation d'exercer dans la ville. 'b6 » ARE _ 4113 ARE Nous concéderions tout au plus que l'aréopage désignait les médecins publics (Liiµo(ttolcv ç), qui soignaient gratuitement les malades et recevaient pour ce service un traitement sur les fonds de l'État, et encore sommes-nous porté à croire que la nomination émanait, non de l'aréopage, mais de l'assemblée du peuple 74. Schubert se serait plus rapproché de la vérité s'il se fût borné à dire que les médecins publics exerçaient leur mission sous le contrôle de l'aréopage 165 Mentionnons en passant certaines attributions de voirie relatives à l'abornement des rues 1'r9 et à l'établissement de canaux pour la conduite des eaux pluviales. Eschine nous montre en effet l'aréopage présentant à l'assemblée du peuple un rapport sur un projet de décret concernant des constructions à élever dans le Pnyx 105 Dans les affaires religieuses, l'intervention des aréopagites était assez fréquente. Ainsi, par exemple, la conservation des oliviers sacrés était placée sous leur sauvegarde spéciale 781, et ils inspectaient souvent les plantations par eux-mêmes ou par des agents (yv65uovee) 75a. Lorsqu'un citoyen était accusé d'avoir arraché un de ces arbres chers à Minerve, c'était devant l'aréopage qu'il était traduit, et le sénat avait alors plénitude de juridiction 163. Pour d'autres délits religieux, l'aréopage ne pouvait infliger que des peines modérées 15b; il punit d'une amende seulement un archonte-roi qui avait épousé une femme indigne de figurer dans les sacrifices auxquels la (iaa(atccx était associée 155. Lorsque le fait illicite appelait une répression plus énergique, les aréopagites devaient renvoyer l'accusé devant les Héliastes. L'«aogslaç ypaifdi n'était pas, en effet, de la compétence de l'aréopage ; tous les grands procès d'impiété dont la mémoire nous a été conservée, le procès de Socrate entre autres 156, celui de Diagoras de Mélos, furent jugés par les tribunaux populaires. Le peuple, qui ne pouvait s'empêcher de respecter le sénat de l'aréopage, étendit quelquefois ses attributions. Il lui confiait volontiers les instructions criminelles les plus importantes; c'était surtout lorsqu'il désirait que l'enquête fût faite avec discrétion qu'il faisait appel à l'aréopage, dont les délibérations n'étaient pas publiques, et qui siégeait alors, non plus sur la colline de Mars réservée aux toovtxal lixat, mais dans le Portique royal 107. Nous citerons, comme exemples d'instructions faites par les aréopagites, l'enquête sur la destination de trois cents talents que Darius avait envoyés à Athènes au moment où le parti antimacédonien s'agitait par suite de la in rt de Philippe (33à av. J.-C.) 158, et l'enquête, qui fut si fatale à Démosthène, sur les démarches du satrape Harpale et sur l'emploi de ses trésors (324 av. J.-C.) 15H. L'instruction terminée, le sénat rédigeait un rapport (âoeé 'ealç) dans lequel il désignait les coupables qui devaient être traduits devant les tribunaux populaires. Les déclarations de l'aréopage n'impliquaient pas nécessairement la culpabilité des personnes désignées. Il n'est pas exact de dire, comme l'a fait M. Jules Girard, que, si l'aréopage prononçait qu'un acte était imputable à un citoyen, « la vérité était supposée connue et au-dessus de toute discussion; » que « la question débattue devant les tribunaux se réduisait à savoir s'il y aurait condamnation et quelle serait la peine infligée ; » que la convocation des Héliastes « avait pour objet, non pas d'environner de plus de garanties la découverte de la vérité, mais de rendre hommage à l'autorité des aréopagites et de donner solennellement à leur déclaration son efficacité 180. » Le rapport de l'aréopage n'était pas autre chose qu'un acte d'accusation, empruntant, il est vrai, une gravité exceptionnelle au corps qui l'avait rédigé 161 Quelquefois l'aréopage se chargeait d'office de faire une enquête sur un crime dont il avait connaissance et qui restait impuni 76s. Il désignait alors un de ses membres pour remplir le rôle d'accusateur et pour poursuivre devant les tribunaux celui qu'il jugeait coupable. Nous trouvons, enfin, plusieurs exemples de i'intervention de l'aréopage dans les affaires politiques; mais ce fut toujours dans des cas de nécessité absolue : 'fro(xa rAEyfe2:1 seé xI éyiyvE2o 186 Un accusé de hante trahison, Antiphon, avait été acquitté par le peuple. Au mépris de la chose jugée, le sénat s'empara de lui, le ramena devant le tribunal et le fit condamner à mort t6`. Eschine avait été désigné par l'assemblée du peuple pour une ambassade à Délos ; l'aréopage se plaignit du choix qui avait été fait et fit agréer ses doléances par le peuple qui lui délégua ses pouvoirs; le sénat annula la nomination d'Eschine et lui substitua Hypéride 1". Au lendemain de Chéronée, tandis que les révolutionnaires portaient au pouvoir Charidème, l'aréopage fit donner à Phocion le commandement en chef de la villei68 A la même époque, il ordonna de saisir et de mettre à mort les citoyens qui avaient eu la lâcheté de s'enfuir d'Athènes et de compromettre par là la défense de la s'étant volontairement soumise aux Romains et ayant reçu le titre d'alliée, feeders socia 188, ne fut pas dépouillée de ses institutions; elle garda notamment son aréopage, et, jusqu'au Ive siècle, il est fait mention des membres de ce sénat 16". Il est probable toutefois qu'un changement se produisit dans le mode de recrutement des aréopagites. Les anciens archontes ne paraissent plus avoir eu le droit d'en faire partie, et toutes les places furent vraisemblablement données par l'élection. Cicéron nous dit, en effet, qu'il a vu des citoyens romains qui siégeaient dans l'aréopage 170; dans une inscription, le proconsul romain Rufus Festus reçoit le titre d'aréopagite 171. Nous savons bien que, dans la liste des archontes, on trouve des citoyens romains, et il ne serait pas impossible à la rigueur de concilier la présence de ces Romains dans l'aréopage avec les règles de la constitution de Solon. Mais un fait plus décisif nous est fourni par Trebellius Pollio. L'empereur Gallien, qui avait été élu archonte 172, si l'ancienne législation eût toujours été en vigueur, aurait certainement fait partie de l'aréopage, sans avoir à exprimer le désir d'y entrer, et cependant l'historien nous dit : « Areopagitarum praeterea cupiebat ingeri numero 173 » La présidence de l'aréopage était exercée par un êrt -ARE 404 -.ARG rârrls 1"; les inscriptions mentionnent fréquemment un autre dignitaire, le x,7pu'i ri'iç i Apélou nâyou 5oual'n'ç ; l'importance attachée aux fonctions de ce héraut résulte de ce fait que son nom est cité immédiatement après ceux des archontes thesmothètes 175 ; aussi des hommes distingués, tels que le sophiste Julius Theodotus, nommé par Marc-Aurèle professeur de rhétorique à Athènes, ancien stratége et ancien archonte-roi 179, ne dédaignèrent pas de les remplir. L'aréopage jouait encore un grand rôle dans le gouvernement d'Athènes, et, toutes les fois que son nom figure dans une inscription conjointement avec celui du sénat ou celui de l'assemblée du peuple, il occupe toujours la première place 177; Cicéron va jusqu'à dire que, lorsqu'une personne parle du conseil qui régit la république d'Athènes, on doit supposer qu'elle a en vue l'aréopage 17e. Il avait conservé d'importantes attributions judiciaires 178 et sa réputation de sagesse était si grande que les Romains firent plusieurs fois appel à ses lumières. Tacite parle d'un certain Théophile, ami de Pison, que l'aréopage avait condamné pour faux'80. Dolabella, proconsul d'Asie, ayant eu à juger une femme de Smyrne, qui, pour venger la mort d'un fils d'un premier lit, assassiné par le second mari et par un fils du second lit, avait empoisonné les deux meurtriers, les jurisconsultes qui siégeaient à ses côtés et formaient son conseil n'osèrent pas se prononcer. Il renvoya l'affaire aux aréopagites, « ut ad judices graviores exercitatioresque. » L'aréopage, ne voulant ni absoudre une femme coupable d'empoisonnement, ni condamner une mère qui lui paraissait digne d'indulgence, ajourna les parties, accusateur et accusée, et leur enjoignit de ne revenir que dans cent ans 181. Les attributions religieuses de l'aréopage sont attestées par les Actes des apôtres ; pendant que saint Paul demeura à Athènes, controversant avec les Juifs, il fut obligé d'aller devant l'aréopage et d'y faire un exposé de ses doctrines 1e; Plusieurs de ses attributions de police sont indiquées dans les textes qui nous sont parvenus. L'aréopage doit veiller à ce que les voies publiques demeurent toujours viables ; voilà pourquoi il est appelé à autoriser les constructions nouvelles ou les démolitions qui se font dans la ville, et les arrêtés qu'il prend sur ce sujet s'appellent 57rouv1uartau.oi 181; voilà pourquoi son consentement est nécessaire pour l'érection des statues que les particuliers ou les corporations veulent consacrer à leurs bienfaiteurs, et l'inscription votive mentionne souvent cette autorisation : xarâ r É repwrrta ris érç Àpeiou adyou [iouMiç 13``. Le contrôle des poids et mesures est placé sous la direction de l'aréopage, chargé de punir les falsificateurs 16G L'aréopage s'occupait en outre de l'instruction de la jeunesse; car ce fut lui qui, sur la demande de Cicéron, insista auprès du péripatéticien Cratippe pour le décider à se fixer à Athènes et à y enseigner la philosophie 186 Quintilien nous parle d'une condamnation prononcée par les aréopagites contre un enfant qui s'était amusé à maltraiter des cailles : « Signum perniciosissimae mentis tel. 11 Enfin, les Recueils d'inscriptions sont remplis de décrets honorifiques rendus par l'aréopage, tantôt seul 185, tantôt de concert avec l'assemblée tee tantôt d'accord avec le peuple et le sénat 390 Les décrets de l'aréopage s'appelèrent non-seulement 4trlcpcuarce, mais encore Sdyta-x'91. E. CA1LLEalER.