Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article AS

AS. Nom de l'unité monétaire du bronze chez les Romains. Chez les Romains primitifs, comme chez les (arecs d'Homère et chez tous les peuples aryens à leur origine, où la vie pastorale a joué un si grand rôle, nonseulement la monnaie était inconnue, nais ce n'étaient même pas les métaux qui formaient la matière principale des échanges. La valeur des choses s'estimait et se paait en bétail (pecus), d'où vint le mot ii cmiis, conservé plus tard pour désigner le signe des échanges commorcia.ux Dans tous les fragments parvenus jusqu'à nous des lois Ies pins anciennes de la. république, le taux des amendes est fixé en boeufs ou en moutons, et ce n'est que relativement assez tard qu'on y voit apparaître une taxation en sommes monnayées ou même en poids de métal Mais quand le peuple romain eut étendu quelque peu ses relations extérieures, l'exemple de nations plus avancées dans la civilisation lui fit comprendre les avantages que les métaux présentaient sur le bétail comme instrument commun des échanges. L'or à ces époques était presque inconnu en Italie ; l'argent, surtout dans les contrées septentrionales et centrales, était extrêmement rare; le cuivre„ au contraire, se trouvait en grande abondance et était amis en œuvre pour beaucoup d'usages. Ce frit donc ce métal que Ies H.omains, ^tomme les autres Italiotes, choisirent pour titre le régulateur de la saleur des choses. Ce n'était point encore une monnaie ; le cuivre circulait en lingots informes, mais d'un poids assez régulier, pour sa valeur commerciale, et le poids s'en vérifiait à chaque transaction à l'aide de la. balance. Les traces de cet état de choses se sont. conservées dans la tangue latine, où le mot gesfilna,'e dérive certainement de ries, rc le bronze, r et dans le droit romain par la forme symbolique de la nancipation per des et libtram, laquelle n'était qu'une vente simulée où le monceau de bronze avec lequel on touchait la balance, raudus, ruudusculu,n, représentait l'ancien ces rude s. On a trouvé dans diverses parties de l'Italie centrale des masses assez considérables de cet aes rude primitif, qui donne à l'analyse un alliage supérieur à celui du bronze romain des évolues postérieures : '.1ï reste, dans certaines offrandes religieuses, comme plus anciens de hces Tingi î tient pour types le1unit dans les formules du droit traditionnel, il semble que l'emploi de Foies rude, par imitation des moeurs anciennes, se soit conservé longtemps après l'invention de la monnaie car les lingots informes de bronze, dont on trouva 1,200litres, il y a quelques années, dans la source sacrée des ,dguae flpollioares, aux environs de Rome 6, présentent dans leur alliage une certaine quantité de zinc, métal qui ne fut mis en oeuvre chez les Romains qu'aux premiers temps de l'empire. Il est à remarquer que les fragments de cet aes rude d'imitation n'ont pas un poids exactement régulier, tandis que les lingots du véritable aes rude primitif ont été coupés d'après des tailles exactes qui vont de 2 livres à 2 onces '. C'était en effet sur l'étalon de la litre romaine de 32à gr., 453 )r.tsRx], divisée en 12 onces. que se comptaient le poids et la valeur du cuivre circulant comme marchandise préférée pour les échange.. tous cas il est incontestable que le premier aes signPzutn ne fut pas à proprement parler une monnaie, c'est-à-dire une lentille métallique facile à transporter, mais consista dans des lingots aplatis de forme carrée longue, avec une figure sur chacune des faces, d'une forte dimension et d'un poids considérable. Un certain nombre de ces lire gots, que l'on pourrait appeler des tuiles de bronze, se sont conservés jusqu'à nous (fig. 546). Ils pèsent tous environ â livres romaines ' ; pour les poids inférieurs, on se servait d'ars rude, de morceaux taillés dans les grands lingots et portant une partie de leur empreinte (fig 547), ou de lingots réguliers de forme. cubique ou elliptique, sans Dans un semblable emploi du métal, ni garantie ni contrôle , les opérations privées. Cependant le besoin se fit sentir, pool transactions et éviter la pesée e,oiitin iellement 1' aes rude, de suivre l'exemple des Grecs, en mari', les lingots une empreinte déterminée q garantie officielle de l'exaciittide du. poids ri est i cap issible de déterminer positivement à c rlïe.,e a,, on commença à le faire. 1,. tradition romaine pi Servius Tullius était le premier qui eiàt empreinte sur le bronze (pria-ms signa itt e lui attribuait l'établissement =les poids et r s '; mais cette tradition est sans autorité, c,omrt: tt les qui mentionnent des monnaies x l'époque t La substi tution de rues sïgnatum à Vars rlyde fu-t rleit i longtemps postérieure ,. ti?olutio gain._. lingot (réduit au quai)types, arec de simples signes de saleurs dont let s'échelonnaient depuis une lis re tusqu`à unie once mouton on le porc (fig.518, ", images qui rappelaient l'ancien mode d'échanges et l'origine du mot pecunia. 11 n'en existe qu'un très-petit nombre de style vraiment archaïque, et ceux-là portent la figure dri boeuf La pltpai t, ire ceux que renferment nos collections et dont les types son( extrêmement s ariés ", n'ont pu être exécutés qu'à, une AS 456 AS époque florissante de l'art. On n'est pas seulement amené à cette conclusion parce que la forme et le mouvement des animaux v sont accentués dans le sentiment de la nature : les mêmes qualités se retrouvent dans les productions des arts de l'Orient, dont le développement n'a jamais été complet. Mais c'est la liberté de la main, le sentiment des raccourcis, l'intelligence du relief, qui excluent dans ces pièces énormes l'idée d'une manière primitive. D'ailleurs il en est dont les types font d'une manière évidente allusion à. la victoire de L. Papirius Cursor sur les Samnites en 295 avant notre ère n, et même à la défaite de Pyrrhus en 275 V. (fig. 548). Il est donc certain que tant que la monnaie de bronze romaine conserva un poids correspondant à sa valeur nominale, même après que l'on eut commencé à couler de véritables monnaies de forme lenticulaire, on fabriqua, dans certaines circonstances, de ces grands lingots quadrilatères, qui avaient, dans l'aerarium, l'avantage de permettre l'entassement d'une plus grande quantité de métal dans un espace restreint. L'adoption légale et officielle du signe métallique des échanges et de l'aes signatum, apparaît pour la première fois dans la loi Aternia-Tarpeïa, rendue en 454 av. J.-C., qui fixait un taux de valeur en cuivre, au moyen duquel on pouvait remplacer les bestiaux qui servaient auparavant à payer les amendes 18. Cette première tentative réussit médiocrement, car deux ans après il fallut renouveler la même disposition par la loi Menenia-Sestia 14. Ce ne fut enfin que la loi Julia Papiria, rendue en 430 av. J.-C., qui remplaça définitivement les payements en têtes de bétail par des payements en cuivre 1k. Il est probable que l'influence des Décemvirs eut une part considérable dans cette révolution. Les auteurs de la loi des Douze Tables imitaient, autant qu'ils le pouvaient, la conduite et la législation de Solon ; comme ce grand homme avait définitivement établi le monnayage à Athènes, en fixant l'équivalent en argent des amendes que Dracon avait établies en bestiaux 19, ils durent vouloir en faire autant à Borne". Au temps des Décemvirs et des lois Aternia-Tarpeïa et Menenia-Sestia, c'était évidemment encore (le lingots quadrilatères qu'on se servait dans le commerce et dans le payement des amendes. La loi Julia Papiria marque peut-être le début d'une véritable monnaie chez les Romains. En effet, les plus anciennes pièces de forme lenticulaire fondues dans la cité de Romulus ne sauraient être antérieures à cette époque °. Elles ont été certainement imitées des monnaies grecques, mais non des monnaies primitives ayant au revers le carré creux ou bien un type ineus ]MONETA, 4° section]. Les modèles copiés par les plus vieux monétaires romains ont été des pièces frappées sur un flan régulier et décorées des deux côtés de figures en haut relief. Qu'on examine avec attention les as en apparence les plus grossiers, on y trouvera toutes les qualités qui appartiennent essentiellement aux monnaies de la grande époque et à l'art le plus avancé. La lentille en est d'une belle forme, renflée vers le centre, s'amincissant vers les bords ; le relief des figures est ferme, savant, et les raccourcis conformes aux lois de la perspective. La couronne de Jupiter sur le semis, le casque de Minerve sur le triens et celui de Rome sur l'once, la peau de lion qui recouvre la tête d'Hercule sur le yuatlrans, le pétase ailé de Mercure sur le sextans, sont ajustés avec la noblesse délicate, la grâce facile qui n'appartiennent qu'aux beaux temps de l'art. Ces pièces, il est vrai, et surtout les as, présentent une apparence de rudesse (fig. 5491, mais cette rudesse même n'est point le résultat de l'inexpérience; celui qui a modelé les cheveux et la barbe des têtes de Janus les plus grossières, aurait été certainement capable d'exécuter un travail plus complet et plus soigné : le procédé qu'il a mis en pratique et qui consistait à masser les ondulations de la chevelure et même la convexité des yeux, au moyen de boulettes de cire ou d'argile posées sur le relief de la tète, dénote une main qui se joue des difficultés de l'art. Un tel développement n'a jamais appartenu et n'a jamais pu appartenir qu'à l'art grec, et cela par suite de l'influence des écoles rivales de Phidias et de Polyclète. Ce n'est donc pas avant les dernières années de la vie de Périclès, mort en 429 av. J.-C., que les modèles de l'art perfectionné purent pénétrer dans l'Italie moyenne et être imités à Rome. Or cette date, que viennent de nous fournir d'une manière positive les indications de l'art, coïncide exactement avec celle de la loi Julia Papiria. La monnaie dont nous avons ainsi déterminé l'époqueinitiale, reçut le nom d'as, vieux mot des langues italiotes qui signifiait solidum, comme nous l'apprend Volusius Maecia AS nus ~, apparenté au sanscrit ayas,as ant le sens de ,, totalité», et par conséquent désignait la pièce complète, l'unité du système monétaire 23 Les auteurs anciens s'accordent pour dire qu'elle avait exactement le poids de la livre romaine de 12 onces ou 288 scrupules 21, et à cause de cela nomment cette première monnaie as li,'bralis ou librarius. Mais aucun des as romains, même les plus anciens, n'atteint ce taux ; ils pèsent de I1 à 9 onces pondérales, ou en moyenne 10 onces 2s. M. Mommsen a fort bien expliqué ce poids par une première réduction de la livre de bronze, dans son passage de l'état d'aes rude ou de gros lingots quadrilatères, circulant pour leur poids, à l'état de véritable monnaie 23. Il a de plus montré que cette réduction avait été opérée pour faire équivaloir l'as de bronze avec un poids exact d'argent, métal qui n'était pas encore officiellement frappé, mais dont une certaine quantité circulait déjà à Rome comme marchandise, à l'état (le monnaies étrangères 27 ou de lingots 28. En effet, avec le rapport de 250 à 1 qui régnait dans la Sicile et presque toute l'Italie entre la valeur de l'argent et la valeur réelle du bronze, 10 onces de ce métal correspondaient rigoureusement à ?es de livre ou un scrupule d'argent. Cette combinaison était établie sur le modèle du système mixte par lequel les Syracusains et les autres Grecs de Sicile avaient essayé de concilier le système monétaire grec, dont l'argent constituait la base, et l'antique usage italiote, d'après lequel le cuivre était l'étalon de la valeur des choses [LITRsj. Le système sicilien exerça une influence prépondérante à Rome sur les débuts du monnayage. C'est de là que vint le mot de vuMstus appliqué d'une manière générale à toute espèce de monnaie, et d'une manière spéciale au sesterce, qui correspondait au numnnis syracusain; c'est de là également que fut empruntée la division primitive du sesterce ou nuanrnus en 10 libellae, répondant aux litrae syracusaines. L'as originaire de Rome était donc une litra ou livre de bronze, taillée de manière à correspondre à un nummus d'argent, comme à Syracuse avant la réduction de Denys l'Ancien, avec la seule différence que le nummus n'était pas encore une monnaie officielle, mais une simple valeur commerciale. Il semble, du reste, que les Romains, pour la taille de leurs as, ne s'étaient pas bornés à adopter un poids conventionnel, mis en rapport comme valeur avec le scrupule d'argent, mais qu'ils avaient pris une livre équivalente aux ë de leur propre livre, laquelle était en usage, soit dans les cités latines, soit chez quelques autres peuples voisins, et se trouvait justement fournir le résultat qu'ils voulaient obtenir 29. Dans tous les cas, la division de l'as, comme la combinaison de cette monnaie, est d'origine sicilienne et calquée sur la division de la litra de Syracuse. Elle fournit en effet l'échelle suivante : 1 as comme celle de la litra : 1 Xérpa.. 1. quadran,s t .seg tans une/a. a4 setnuncia. Les tailles du , du luincunx et de la senzuncia n'ont jamais été monnayées à Rome, mais on les rencontre dans plusieurs des cités italiotes qui avaient adopté le système de l'as 30. Les signes qui marquaient ces valeurs sur les monnaies étaient : ou rarement 1/ (au temps du poids libral exclusivement). S'entis.. . S. Quincunr Triées ... Quadrans. Sexfans.. LJ'ncia... . Semuncia. Il y avait aussi une autre division de l'as en un beaucoup plus grand nombre de parties, mais celle-là purement théorique et servant seulement au calcul des intérêts centésimaux, ou de 1 p. 100 par mois, 12 p. 100 par an 31 La voici, avec les sigles qui y correspondent. Celles-ci s'employaient dans les comptes, et ne se marquaient pas sur les monnaies. Deunx Dextans Dodrans a3 Bes3:" s Septunx S Semis . S Q uincuux Triens Quadrans .. Sextans Semuncia 3J Uncia Semuncia Tertiula Siciliens Sextula .. Diinidia sextula 2~s Scriptulum 3 58 n laissa tomber en désuétude les divisions -enté-haires enr la serxz n.cia et le ,es ptulurn, et toutes qu'on voulait exprimer une somme inférieure e u, deuu-once, on l optait en scriptules ou sc'u-. rron, lui, L ',mit pas voulu employer de di ureài'.e viens rte dire que, le système de cc fractions de l'as t ,a.sm.ais eu d ea.:.tence monétaire réelle. Ceci est ,ens"i° 'vrai, sauf quelques bien rares exceptions. ire C. Cassius, dans la première moitié du nase, fait, on ne sait dans quelle intention, 'nnh,, xs et le 'e ,s, en les marquant des signes é ."" et S : °Q. Dans la. colonie de Raestum, on a fr4alp ` une fuis la 3èsri pela, marquée ss. On donnait des noms particuliers aux différents rnulti pl dis 1'l . e quelques uns ont été frappés en une seule postérieure, et dont les autres simples monnaies de compte. Deux 's'a. 3 freesia, LI s1îiadr sssss,s, si quine et ainsi de suite ,jusqu'à 100, centus-l'as se marquaient dans les comptes ,onétaires par la série des chiffres ordinaires alors en usage à Rome, c'est-à-dire jusqu'à. quatre parla répétition du signe , et au delà par l'emploi des chiffres x, ,ÿ, C, combinés entre eux et avec le signe de s de 10 onces ou a.sses lihr°ales, et leurs divisions, étaient coin car l'outillage des anciens ne permettait -_ d'ans f _'s pièces i?SONFT,3, sectionl. des exemplaires des deux plus .as mono du sextans et de fonce, qui, attenant 1. Brie, ont été frappés au mare pue l'usage es.u nt des Grecs, qui avaient servi {iél aux Romains "1. Ise métal en est, on.me r,mposition, déjà. inférieur à rude primitif dont nous avons donné plus haut l'anaoffre des proportions d'alliage qui se maintiendront variation sérier se Tà, l'époque d'Auguste une prcie .t 'e 5 à 3 p. 100 d'é100 de pl.,n'b .`l de brr;_Ic:; romaines, aussi bien dans les âges postérieurs, sde le',e -leur' j'ai donné ces quatre éléments, d pour l'as, nc,e ur' globule autant de fois far la. plie' comprend d'onces entre 1 et 6, enfin air a in«tt 'ia., e type du. ri ver est constamment une proue de navire appelée .,'e' , d.'où tenait e ces monnaies le nom de ratites". Quant au droit, la tête: qui y était figurée variait suivant la nature des pièces s. L'as portait celle de Janus de Jupiter, d après le dicton proverbial, Averti somma '1; sur le Biens on ives nombres ; sur le quadrars fortunes: su .r le sex'ans Mercure, paLron du commerce ;enfin sur l'once la déesse Rome be, fortune tutélaire de la ville de ce nom. L'as lr'b'alis circulant encore pour sa valeur réelle, dans toutes les transactions importantes, on le pesait, bien qu'il portât une marque qui garantissait l'exactitude de son poids °7. De là et de sa grande pesanteur lui venait l'appellation d'aes grave". C'était une monnaie fort incommode dès qu'il s'agissait de payements un peu considérables, et Tite-Live décrit les agents du trésor, a es ,rr'.se plaustr'is ad ae'arïurn conve,henfes °9. Cependant, ce système incommode de l'aes grave, en l'absence d'une masse d'argent suffisante dans la circulation, ne fut pas limité à. home, mais se répandit dans toute l'Italie moyenne, dans le Latium, l'Étrurie, l'Ombrie et le Picenum. Les as d'aucune de ces contrées ne paraissent antérieurs à ceux de Rome, qui aurait par cor séquent donné le premier exemple du système. On peut, du reste., indiquer avec une certitude presque complète l'époque d'émission du plus grand nombre des séries d'as italiques. Les as du Latium se divisent en deux groupes bien distincts, ceux où les artistes se sont attachés à reproduire la tête de la déesse Rome, avec d'autres emblèmes propres à rappeler la puissance des Romains 50, et ceux où se remarque l'introduction de types entièrement nouveaux, qui semblent protester contre la tyrannie des conquérants de l'Italie °r. Les monnaies du premier groupe ont dû être frappées peu de temps avant la prise de Rome par les Gaulois, quand la confédération Latine était paisiblement soumise au peuple des Quirites. Celles du second groupe se rattachent aux deux révoltes successives des Latins, dont l'une, commencée à la première nouvelle du succès des Gaulois ', ne fut terminée qu'en 359 av. 3.-C, par un traité de paix ", et dont l'autre, débutant, en 340 5" et finissant en 338 par la soumission définitive du Latium s5, éclata au milieu des complications de la guerre des Samnites °s Le style des as du Latium est généralement très-pur, et le travail s'y distingue par autant de soin que d'élégance (fig. 55o). Sous ce rapport, les as latins offrent un contraste complet avec ceux de RomeOn peut, croyons-nous, rendre un compte satisfaisant de ce contraste. La rudesse des as romains était certainement affectée. Le talent et l'expérience des artistes qui en ont exécuté les matrices, percent, ainsi que nous l'avons dit plus haut, malgré l'affectation de négligence qui caractérise leur trayait, Rome n'était cependant, à l'époque où ces as furent fabriqués, ni assiégée, ni pressée par ses ennemis. Dans les années qui précédèrent l'expédition des Gaulois, et depuis cette expédition jusqu'à celle d'Annibal, elle n'a pu être réduite à fabriquer une monnaie imparfaite, comme sont les pièces obsidionales. Mais la rudesse des Romains entrait dans leur politique' ils repoussaient les arts qui énervent les courages et corrompent les moeurs ; ils ne devaient donc employer les artistes monétaires qu'en leur imposant de reproduire dans leur travail quelque chose de l'austérité nationale. Chez les Latins, au contraire, les moeurs éiaienf plus portées à la mollesse et aux plaisirs : l'histoire des joueurs de fltd te de Rome, réfugiés à Tibur en 341 avr. 1.-C. ir, qui précisément se rapporte à une période très-voisine de le 'roux nous sommes circonscrits, donne une idée ante oie ce contraste des moeurs latines et romaines. a #_n de leur lutte nationale, les Latins entretinrent des; r apport, in tr nes avec les Campaniens chez lesquels l'art Croc regna4 t alors dans toute sa puissance. Les as du Latium, malgré la grossièreté d.ii procédé de fusion, n'as fruit ,}as moins de correction et de pureté dans le, caractère ces têtes que les monnaies frappées peu après pour les P ,mains dans la Campanie [ni'1ÀHTLS]. Les as de l'Étrurie ne sont pas d'une attribution facile, à part ceux de Volaterrac, qui portent tout au long le nom étrusque tee cette ville" (fi . 549).1l estvrai que les as de Vo.. luterrae et leurs divisions sont d'un poids fort inférieur au 1 reste de lues grave de l'Étrurie, ce qui indique une époque plus récente de fabrication ; et, en effet, les autres morue ments qu'on découvre en grand nombre dans les tombeaux de Volterra paraissent appartenir à des temps oh l'Rtrurie approchait de sa dernière décadence. Quant aux autres as de la même contrée, ils sont anépigraphes, o,rnme c°eux der Latium, qui en cela s, ,enferment ~e l'usage romain, ou bien en n'y voit que des: lettres isolées, parmi. lesquelles on distingue les initiales de f, m," iriu l'a tien nom de Clusium "", de Telamon 62, etc. En les as étrusques étant; plus plats et décorés d'unis, plus simples, que ceux du Latium, on est.. porté à leur a tribuer une antiquité plus rec.llée mais e. poids, qui en est, assez faible, si on le compare aux plis anizens as roi mains, prouve que cette apparence de gia.r:c' illusoire; et d'ailleurs les ornetnent , érudit! sont traités avec, une pureté de goût qui belle époque de l'ut. Les termes de la bd dans le 'Latium doivent donc s'appliila le différence . f É'u'ii e. à éïes ne fut détruite qu'un petit nombre= d'a la conquête de home par les Gaulois ; ayant abandonné 1 ville tï, Vélos à son lutte sérieuse t le de ce peuple, conte ea _Ts ne commença o ie .'us tard, quand les Étrus, ragés d'ailleurs par le désastre que Rome lente _le subir, s'aperçurent des dangers sérieux que les progi i s la puissance romaine `irisaient courir à leur i ndé.penr_l?nt',e. Le triomphe des 19n-nains sur les habitants de Ililulsinium et de Valet, qui eut lieu 280 ans avant noire hie, fut le dernier événement mémorable de cette lutte d'un, siècle, pendant laquelle les Étrusques disputèrent pied ii ni 1_e sol national, et c'est àla même limite que l'on doit placer AS460 _AS (sauf en ce qui concerne Volaterræ) la tin de l'émission de la monnaie pesante dans cette contrée 8e. Pour ce qui est des as de l'Ombrie, ils forment deux séries distinctes et toutes deux indubitables, à cause de la reproduction intégrale du nom des villes qui les ont fait frapper. Ces deux séries offrent au premier aspect un contraste complet. Les as de Tuder fil sont exécutés avec une fermeté, une finesse, une correction extraordinaires, si l'on se rapporte à la position méditerranée, et distante de tout établissement grec connu, de la ville qui les a fait fabriquer (fig. 552). Ceux d'Iguvium 6t, au contraire, sont les plus sim pies et les plus rudes que nous possédions. Cependant le résultat de la pesée vient ici, comme pour les as étrusques, détruire les apparences ; les as d'Iguvium sont, en effet, moins pesants que les plus anciens de Tuder ; les chances d'antiquité comparative sont donc en faveur de la monnaie la plus élégante et la plus pure. Au reste, si l'on s'explique difficilement, dans le silence des historiens, comment l'art, sous sa plus belle forme, a pu régner à Tuder, on comprend sans peine qu'un pays tel qu'Iguvium, reculé bien plus avant dans les gorges de l'Apennin, n'ait pour ainsi dire aucunement participé au développement qui initiait l'Italie centrale aux secrets de l'élégance hellénique. Quant à l'époque qu'il faut assigner à l'émission des as de l'Ombrie, aucune raison plausible n'empêche de s'en tenir aux termes assignés à la fabrication de la même monnaie en Étrurie et dans le Latium. On possède peu de renseignements sur l'histoire de l'ancienne Ombrie ; mais il suffit de savoir que cette contrée s'associa à la lutte de l'Étrurie contre les Romains, pour reconnaître que chez les Ombriens, comme chez les Étrusques, les mêmes causes durent amener les mêmes effets. La grande révolte et la défaite des Ombriens eurent lieu dans l'année 321 av. J.-C. ; ils reprirent les armes, sans plus de succès, vingt-six ans plus tard. C'est vers une de ces époques que l'aes grave a dû apparaître dans cette partie de la Péninsule. Peut-être même, parmi les as de Tuder, devrait-on penser que les plus pesants et les plus anciens sont contemporains des événements de 321, les plus légers et les plus récents de ceux de 295 fis Au delà de la chaîne des Apennins on rencontre, d'un côté, les as d'Ariminum fie, sans inscription, mais dont le type et la provenance rendent l'attribution indubitable, et de l'autre, les séries d'Hadria et des Vestini 87, reconnaissables aux légendes dont elles portent l'empreinte. Sur l'as d'Ariminum et sur toutes ses divisions on voit la tête d'un guerrier gaulois, caractérisée par sa moustache et par le torques dont son col est orné6S(fig.553). Les Gaulois Sénonais chassèrent les Étrusques d'Ariminum et s'y établirent en 376 avant notre ère. L'as qui rappelle leur domination doit donc avoir paru postérieurement à cette date. D'autre part, les Romains envoyèrent, 106 ans plus tard, une eu AS 461-se -AS Ionie dans la même ville °9. C'est donc entre ces deux époques que l'on doit chercher l'occasion qui put donner lieu à l'adoption par les Gaulois d'Ariminum d'un usage que, seuls parmi leurs compatriotes, ils paraissent avoir connu. MM. Ch. Lenormant et de Witte 10 ont établi qu'une telle coïncidence n'avait pu avoir lieu que lors de la grande ligue qui réunit dans un effort commun contre les progrès de Rome les Gaulois, les Étrusques, les Samnites et les Ombriens 71. Cette formidable confédération fut détruite à la bataille de Sentinum, l'an 295 avant notre ère; et dans les détails que Tite-Live nous fournit sur cette campagne, nous trouvons les Gaulois Senones au premier rang. A quelle époque pourrait-on placer plus convenablement l'émission des as d'Ariminum qu'à celle de cette union momentanée entre les Étrusques et les Gaulois ? Les as d'Hadria du Picenum peuvent, à leur tour, donner alît lieu à des observations d'une assez grande importance, pour lesquelles nous suivrons aussi ce que disent MM. Ch. Lenormant et de Witte73. Ces as sont les plus pesants que nous connaissions ; ils surpassent, à cet égard, les plus anciens as romains. La tête de face de Bacchus Pogon, dont le droit de ces pièces est orné (fig. 554), se distingue par une certaine gravité qui rappelle le style archaïque; cette dernière observation s'applique plus directement encore au type du triens de la même série. A voir le profil de la tète de femme empreinte sur cette pièce, on croirait que l'artiste qui l'a exécutée s'est inspiré d'un vase peint à figures noires iVASA DICTA]. Par quel miracle le Picenum, province éloignée, qui n'entra que fort tardivement en rapport avec le monde romain, aurait-il seul conservé des monuments capables de rappeler un âge d'emploi de l'aes signalant antérieur à celui où nous en trouvons des traces et des monuments à Rome et dans les pays voisins? Mais une étude plus attentive fait disparaître ces apparences d'extrême antiquité. Les as d'Hadria, comme ceux des Vestini, portent l'empreinte de lettres latines d'une belle forme, et qui s'éloignent complétement des alphabets primitifs dont les différents peuples italiotes conservèrent si religieusement la tradition. Ces lettres romaines dénotent incontestablement une époque à laquelle les habitants du Picenum subissaient déjà l'influence des Romains. Or, les Romains pénétrèrent pour la première fois dans le Picenum au commencement du Ille siècle avant notre ère, dans un temps où la résistance acharnée des Samnites 7a, obligeait leurs adversaires à chercher des alliés parmi les peuples qui bornaient le Samniuni au delà des Apennins. L'alliance solennelle de Rome avec les Picentins eut lieu en l'an 299; Tarente et les Samnites ayant été abattus dix-huit ans après, les Romains cessèrent de traiter leurs alliés du Picenum avec les mêmes ménagements, et ceux-ci, s'étant révoltés, subirent en 268 le joug que leur imposait la victoire 74. Si nous appliquons aux as d'Hadria et des Vestini les règles établies ci-dessus, nous ne pourrons admettre l'existence d'aucune de ces pièces avant l'an 299 ; et dès lors il faudra voir si les arguments que nous tirions d'abord du poids et du style de ces pièces ont réellement toute la valeur qu'on serait tenté de leur attribuer. Quant au style, il faut observer que la tête de Bacchus Pogon sur les as d'Hadria est de face, entièrement méplate, et pourtant modelée avec cette intelligence qui dénote la pratique la plus avancée de l'art; on ne peut donc placer à une époque reculée l'exécution de cette tête. La remarque tirée de l'archaïsme du style n'aurait une valeur réelle dans la chronologie de l'art, que si l'on pouvait faire remonter l'émission des as d'Hadria jusqu'au milieu du va siècle avant notre ère ; autrement il importe peu que ces belles monnaies aient été exécutées dans le n° ou au commencement du nie siècle ; et si une donnée historique solide, comme celle que nous venons de déduire, nous fait descendre à une époque comparativement assez récente, nous devrons attribuer alors l'apparent archaïsme des tètes à cette tendance vers la roideur des formes que nous trouvons chez tous les peuples qui sortent de la barbarie, même alors qu'ils sont initiés à la pratique du dessin par des artistes d'un goût déjà affecté et amolli. L'argument tiré du style étant ainsi écarté, celui qui résulte du poids élevé des as d'Hadria ne conserve plus la même valeur. Les savants auteurs de l'1E+s grave del Museo Kircheriano 75 ont fait une remarque importante; ils ont fait voir que la division des as du Picenum n'était pas établie sur la même base que celle nie et aux as romains. Les auteurs du temps de l'em pire, assez peu au courant des questions relatives à la nule poids d'un As des as coulés de l'autre côté des Apennins; ceux-ci se cou1 mismeique paient en 12 onces monétaires, tandis que les premiers comprenaient 1.0 parties seulement. La livre du Picenum était donc différente de la livre des as mains, latins, ombriens et étrusques ; elle a pu être plus pesante,et par conséquent les Pieentins ont pu utre portés à émettre des monnaies plus fortes qu'â. Rome et dans 1'Étrurie. Cette observation a une grande importance pour confirmer ce que nous avons dit plus haut, d'accord avec M. tfultsch, sur le véritable caractère de la livre monétaire romairie, équivalente t 10 onces de la livre pondérale. Puisque les Picentins ont fabriqué leur ces grave d'aprèsunelitre àeux particulière, il est clair que le poids de fars libr'alis (le l'autre côté ci Apennins ne. dc pas être im puremnent (omni 1lionnel , mais le poids d'une livre réelle, usitée soit clans le Latium, soit dans 1'Étrurie, ce qui avait fait le succès celte deux contra'! dès que les Romains avaient commencé à en émettre. Revenons 1 Ro des époques anciennes, prétendent que du poids appelé literalis on passa subitement et sans intermédiaires à celui d'un sextans, pendant la durée de la première guerre punique i6. Mais les monuments sont en opposition complète avec ce rapport. Voici ce qui. résulte de leur té moignage. L'as ,:dis de 10 onces pondéralesvitavcc le temps son poids s'abaisser graduellement, jusqu'à n'être plus que. de 8 onces 1'2. Ar-. rivée à ce point, la diminution pro gressive s'arrêta subi 'nient, Sans d 'ut la masse 1 ie 1; rt que l'011 ne monnayait pas encore, mais qui circulait à l'état de lingots dans le commerce et qui avait ev:erré, corn-me nous l'avons déjà dit plus haut, une si grande influence sur la fixaOnu du poids des {.) 1ers as, avait '-leu té p a . de la conquête du ^an■ ilium et de le Campanie, et sang, doute l'écart de valeur entre cc métal et le bronze avait légèrement diminué.En ouire, il semble que Fou avait trouvé plus tiOmmo e de donner à l'as une pesanteur moins grande que celle (Hill lui ii sIi 00d'abord et argent autre que scrupule, Un plébiscite dut intervenir pour AS changer l'organisation du système des monnaies. Le poids de l'as fut réduit à 4 onces pondérales et par conséquent les anciens asses librales, qui se trouvaient encore en grand nombre dans la circula Lion, valurent désormais 2 1/2 des nouveaux asses trientales. Quand la monnaie d'argent eut été introduite à Rome [oervxeius], au temps où l'as de 'r onces pondérales était encore en usage, le sesterce reçut fa valeur de 2 1/2 de ces as et se trouva, par conséquent, équivaloir à un ancien as librales. C'est pourquoi, dans les indications de sommes qui se rapportent aux temps immédiatement postérieurs à l'établissement de la monnaie d'argent, les écrivains antiques emploient indifféremment, pour désigner des valeurs identiques, les mots sestertius et ces raire Nos collections modernes possèdent un grand nombre de pièces de la série de l'as triental7s (fig. 556). Le poids n'y est pas très-régulier, et souvent excède le taux précis de !t onces pondérales, ou lui est inférieur dans une certaine limite de tolérance. C'est dans ces fluctuations que M. le baron d'Ailly ' a cru trouver les éléments d'une série semi-librale et d'une série quadrantale, dont l'existence distincte ne nous parait pas suffisamment justifiée 80. Les types de la série de t'as trien tal sont les mêmes que dans celle de l'as libral, et tels qu'ils demeurèrent invariablement fixés tant que dura la république. L'as et ses plus fortes divisions, jusqu'aux quadrans, sont toujours cordés, le sextans et l'once toujours frappés 8t, Outre les pièces que comprenait la série précédente, la série des ade 4 onces, dan les pre, miers temps où elle fut émise, avant l'introduction de l'argent, offre à notre étude des multiples de l'unité, les uns fondus en lingots quadrilatères, comme un quadrussis publié par M. Riccio 82, les autres en monnaies lenticulaires analogues aux asses librales et à leurs plus fortes divisions, comme les dupoodü, tresses et decusses , dont les valeurs sont indiquées par les marques ii, III et x désignant le nombre d'as auxquels correspondait chaque pièce 83. Ces dernières monnaies, fort rares du reste, et frappées évidemment dans un très-court espace de temps, ont pour types, au revers la proue du navire, et au droit la tête casquée de la déesse Rome (fig. 555), que remplace sur un decussis une victoire montée dans un bige C'est sous le régime du poids triental pour l'as, qu'en AS 269 av. J.-C., par la loi Fabia Ogulnia, ia tabricatio.1 de la monnaie d'argent fut introduite à Rome. Dès lors le bronze cessa d'être le régulateur de la valeur des choses et le fondement du système monétaire. Ce rMe passa à i'ar gent depuis le consulat de Q. Ogulnius et de Caïu Fabius jusqu'à la di'tature de César, et a lor depuis César jusqu'à 1a fin de l'empire, Pour plus de elarte nous avons préféré exposer l'ensemble de chacune des phases der système monétaire romain sous la rubrique de la monnaie qui servait d'unité et de régulateur dans chacune de ces phases Nous renverrons donc le lecteur à l'article nENs.nius pour l'organisation des formes du numéraire dans les derniers siècles de la république et à l'article sraius pa'rlr leur organisation sous l'empire. Bornons-nous à dire ici que l'as subit encore, jusqu'au règne de Dioclétien où il cessa d'être en usage, 7 réductions successives : 1° A 2 onces pondérales ou un sextans, vers la fan de la première guerre punique 8a; 2° A 1 once sous le consulat de Cn, Servitius et de C. Flaminius, l'année même de la bataille du lac Trasimène n ; AS€ 464 ASC 3° A ; once en 89 av. J.-C., par la loi Plan tia Papiria A d'once sous le triumvirat d'Octave, Marc-An toine et LépideAB, poids qui se maintint pendant toute la durée du Haut-Empire ; 5° A 5, d'once sous l'empereur Alexandre Sévère ; 6° A 1 d'once sous Trajan Dèce: 7° A A d'once sous Trébonien Galle ". La série de ligures par lesquelles nous terminons cet article (fig. 565, 566, 567, 568, 569) place sous les yeux du lecteur des échantillons de l'as sextantal, de l'as oncial, de l'as semoncial et de celui de l'époque d'Auguste ; en comparant ces représentations à celles de l'as libral romain et de l'as triental, qui sont également exécutées de la grandeur des originaux, on aura l'échelle de la diminution du diamètre des pièces , qui correspond aux affaiblissements successifs du poids de l'as, depuis la première fabrication de l'ans signatumn jusqu'à l'établissement de l'empire. F. LESORM,e-T.