Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

ATHLETA

ATIILETA (AO) rs ç), athlète. Ce nom est commun à tous ceux qui, dans les jeux publics, prenaient part aux concours musicaux, gymnastiques, équestres ou autres. Dans une acception plus restreinte et plus ordinaire, il désignait seulement ceux qui disputaient les prix des concours de gymnastiqueDans ces deux cas, athlète est synonyme d'agoniste (nywvtvvîs). Nous avons donc à considérer l'athlétique ou agonistique application de la gymnastique [GYMNASTICA]. Le mot gymnastique, dans un sens plus spécial, est opposé quelquefois aux mots athlétique et agonistique pour signifier seulement l'une des directions données à l'art des exercices corporels, celle que nous appellerions gymnastique hygiénique, médicale ou pédagogique. Le nom d'athlétique ou d'agonistique désignera alors l'ensemble des exercices que pratiquaient ceux qui se préparaient à concourir dans les jeux publics [CERTAMINA, LODI]. Dans un sens plus restreint encore, les athlètes sont ceux-là seuls dont l'unique profession fut, dans un temps plus récent, de concourir dans ces mêmes jeux. A l'époque où les grands jeux furent établis ou restaurés [OLYMPIA, PYTuIA, NEMEA, ISTuttIIA], ces athlètes de métier n'existaient point encore. Les vainqueurs, tout fiers qu'ils fussent de leurs prix, ne consacraient pas à les mériter tout leur temps et toute leur activité. C'étaient souvent des hommes appartenant aux familles les plus distinguées de la Grèce; plusieurs remplirent avec éclat dans leur patrie les fonctions les plus élevées comme on peut le constater en parcourant les listes des vainqueurs aux grands jeux. On y rencontre aussi des gens de basse extraction : Alcibiade, pour cette raison, dédaignait les concours de gymnastique 4. Aristote cite 5 un distique de Simonide de Céos, composé en l'honneur d'un vainqueur d'Olympie qui était marchand de poisson. D'après Athénée 6, Coroebus, qui remporta le prix de la course à la première Olympiade, était cuisinier. S'il fallait s'en rapporter à Galien la période des athlètes de métier aurait commencé un peu avant le temps de Platon; peut-être n'en a-t-il pas assez reculé l'origine 8. Les honneurs excessifs accordés aux vainqueurs furent cause de ce changement. On verra aux articles qui concernent les jeux publics, les honneurs qu'on leur rendait au lieu même de leur victoire; ils en étaient encore comblés à leur retour dans leur pays. Monté sur un char attelé de quatre chevaux blancs, vêtu d'un manteau de pourpre 9, l'athlète entouré de parents et d'amis, suivi d'un grand concours de peuple, faisait son entrée par une immense brèche pratiquée à la muraille : on voulait indiquer par là qu'une cité qui comptait dans son sein de tels hommes pouvait se passer de remparts Cet honneur, longtemps réservé aux victoires dans les grands jeux de la Grèce dont les noms ont été indiqués plus haut, et pour cette raison appelés isélastiques (iselastici agonesn), fut étendu par les empereurs romains à d'autres jeux publics, par exemple à Pouzzoles, à Sardes, à Tralles 93. Le nombre des fêtes isélastiques était assez grand ; car on connaît une inscription en l'honneur d'un athlète qui avait remporté quarante-trois victoires dans des fêtes de cette classe 14. Le vainqueur, avec son cortége, s'acheminait vers le temple de la divinité protectrice de la cité et, de là, vers le lieu du festin 16 ou des choeurs chantaient des hymnes en son honneur 15 composés par les plus célèbres poètes. Il n'était pas rare que le festin fût renouvelé aux olympiades suivantes. On lui érigeait des colonnes et des statues 17; on l'exemptait de la plupart des prestations ; parfois on lui accordait les honneurs de la proédrie [PnoECRIA]; il présidait aux fêtes et aux jeux publics, et ce privilége passait quelquefois à ses enfants ; souvent il avait sa place aux repas du Prytanée [sITGSls] 19 A Athènes, Solon , diminuant la gratification des vainqueurs, fixa à 300 drachmes la récompense des athlètes couronnés aux jeux Olympiques, et à 100 drachmes celle des vainqueurs dans les trois autres grands jeux 19 A Sparte, les vainqueurs avaient le privilége de combattre dans l'entourage immédiat du roi E6. A Rome, ils reçurent des dons de la main de l'empereur; le dernier décret confirmant, renouvelant et augmentant ces récompenses fut probablement celui de Dioclétien et de Maximien V1, Les athlètes, après leur mort, 'furent quelquefois honorés d'un culte, comme les héros et les dieux 29. On nommaithiéronique (iepovixi;1ç) l'athlète vainqueur dans une des quatre grandes fêtes, et il portait en outre le titre d'olympionique, pythionique, néméonique, isthrnionique, indiquant entre les grands jeux celui où il avait remporté la victoire. Celui qui successivement remportait le prix dans les quatre grands jeux s'appelait (lisp toSovio ç). Il semble que du temps des empereurs romains on ait abusé un peu de ce titre, en le donnant aux athlètes qui avaient remporté un grand nombre de victoires, même dans d'autres jeux, et celui de 7rapxSoov:x).'l; fut aussi accordé à l'athlète qui avait obtenu des succès extraordinaires 23, quoique, d'après Plutarque u, ce titre eût dû être réservé à celui qui, le même jour, avait obtenu le prix de la lutte et celui du pancrace. Il y avait, à l'époque des empereurs romains, d'autres désignations honorifiques rappelant d'autres jeux, telles que actionique, sébastonique, capitolionique u. L'appât de telles récompenses devait faire naître chez ceux qui désespéraient de vaincre des pensées de ruse : c'est pourquoi, quand les athlètes arrivaient à Olympie, on leur faisait prêter serment de loyauté près de l'image de Jupiter, ainsi qu'à leurs parents et à leurs gymnastes 26. Le premier fait de cette nature se place dans la 98e olympiade : le pugiliste Eupolus de Thessalie suborna Agétor d'Arcadie, Prytanis de Cyzique et Phormion d'Halicarnasse. Philostrate raconte 27 qu'aux jeux Isthmiques, un adolescent acheta moyennant 3,000 drachmes une victoire facile. Il semble ressortir de son récit qu'à Corinthe on ne prêtait pas de serment. Pausanias cite 28 aussi plusieurs athlètes punis pour avoir corrompu leurs adversaires à prix d'argent. On punissait celui qui acceptait le marché aussi bien que celui qui le proposait ; les amendes étaient considérables et servaient à ériger des statues : c'étaient à ce qu'il semble des images de Jupiter (Zâve;), qui restaient à Olympie comme un avertissement permanent. Mais si, au temps de Pausanias on comptait encore les actes semblables de déloyauté aux jeux Olympiques , cela prouve qu'ils n'avaient jamais été très-nombreux. Il ne faudrait pas croire cependant que de riches personnages fussent seuls en état d'acheter une couronne; en vue de tant d'avantages, des athlètes de profession pauvres empruntèrent parfois de l'argent à des gymnastes qui jouaient le rôle d'usurier [GYMNASTES]. On cite aussi des villes qui, désireuses de compter au nombre de leurs citoyens des athlètes renommés, les payèrent pour leur faire renier leur patrie en se faisant proclamer, s'ils étaient vainqueurs, comme habitants de la cité qui les avait achetés ; il paraît que les règlements ne s'opposaient point à ce trafic. Lorsque Astylus de Crotone se fit ainsi proclamer citoyen de Syracuse, ses anciens concitoyens renversèrent sa statue placée dans le temple de Junon et convertirent sa demeure en prison 29. Sotade de Crète s'étant déclaré citoyen d'Éphèse, les Crétois le bannirent 30 Il y avait encore d'autres raisons pour lesquelles on infligeait des amendes aux athlètes. Pausanias raconte 31 qu'un pugiliste d'Alexandrie , Apollonius Rhantis , qui s'était attardé à ramasser de l'argent dans les fêtes publiques de l'Ionie, où sans doute il rencontrait des adversaires moins redoutables, n'arriva pas à temps à Élée et fut rayé du concours ; il ne se prépara pas moins à combattre, et, quand les Hellanodiques eurent couronné son adversaire, il ne craignit pas de se précipiter sur celui-ci, les mains garnies des courroies en usage dans le pugilat : il fut mis à l'amende. Un pancratiaste, Sarapion d'Alexandrie, fut mis à l'amende pour cause de lâcheté, parce qu'il s'était enfui la veille du concours, en apprenant le nom de ses adversaires. Pausanias, qui rapporte ce fait 38, ajoute que ce fut le seul cas de cette nature qu'on eut à signaler à Olympie u. Les premiers athlètes que l'on vit à Rome, venus de Grèce ou d'Orient, n'y parurent que dans les deux derniers siècles de la république [CERTAMINA, GYMNASTICA]. C'est à peine si dans la suite on peut citer parmi eux quelques noms romains u. Quoique l'on eût pris, à Rome, le goût des spectacles où luttaient des athlètes, on y conserva longtemps, et jusque sous l'empire, un préjugé contre leurs exercices. A l'origine, ces luttes semblèrent frivoles ; la nudité qu'elles exigeaient choquait les vieux Romains, aussi bien que les moeurs des gymnases et des palestres, qu'ils considéraient comme des écoles d'oisiveté et de corruption 3s Mais par la suite, surtout depuis Néron, le goût des luttes athlétiques devint à Rome, une mode, une passion : on recherchait ceux qui s'y distinguaient ; on fréquentait leurs lieux d'exercice; on payait fort cher leurs leçons 38; les riches en avaient à leur service ; des femmes mêmes se firent instruire par eux et les enrichirent u. Les athlètes étaient de condition libre, exempts de la note d'infamie dont étaient marqués la plupart des artisans des plaisirs de Rome ; ils formaient des associations (66volot) 39 régulièrement organisées, sous la direction d'un xystarque [xYSTARcnA] et qui se transportaient de ville en ville 39. Il se constitua au deuxième siècle une association d'athlètes , appelée Llerculani, qui rendaient un culte à Hercule ; elle possédait à Rome même son gymnase, sa curie ou chambre du conseil (curia atâletarum), son temple propre, avec ses archives ttabularium). Le xystarque, qui en était le prêtre, portait le nom d'«pxtapsu; ; il paraît avoir eu aussi la surveillance des bains de l'empereur 80. On divisait les athlètes en deux grandes classes : les athlètes lourds et les athlètes légers ([ apsï;, xou fol «6)sr'exO, divisibn qui est elle-même fondée sur la distinction analogue des exercices en lourds et légers (é. sotaµx'r2 ; ou «0ari,~xtix (3xpéx, xoû f«) L1. Les premiers comprenaient la lutte, le pugilat, le pancrace; les seconds réunissaient les exercices des deux sortes et ceux qui les pratiquaient passaient pour les plus beaux et les plus accomplis des athlètes 42. Le plus souvent, chaque athlète ne pratiquait qu'un seul de ces exercices. Il faut faire une exception pour le saut, qui n'avait pas de prix spécial. Philostrate décrit minutieusement la conformation du corps qui se prête le mieux à chaque exercice 43. Cependant il ajoute au sujet de la course : a On n'établit plus de différence entre les coureurs armés, ceux du stade et ceux du diaule, depuis que, quatre olympiades de suite, Léonidas de Rhodes remporta la victoire dans ce triple concours. » En effet, on trouve d'assez nombreux exemples d'athlètes qui remportèrent la couronne dans ces trois concours, ou dans deux au moins. Ceux qui, le même jour, étaient vainqueurs à la lutte et au pancrace étaient ton 56. Les nslpeç étaient les hommes ayant 20 ans accomplis; les 7cadésç, les garçons âgés de 12 à 16 ans; entre eux se plaçaient les l'émoi. On voit des luttes de très-jeunes garçons représentées dans les monuments [GYMNASTICA]. Nous en offrons ici (fig. 598) seulement un exemple, tiré d'une pierre gravée du musée de Florence. Dans plusieurs fêtes locales de la Grèce, les Panathénées par exemple, les classes étaient encore plus nombreuses n [PANATIIAENEA]. Aristote" blâmait l'institution des _-ATÜ 517 ATH considérés comme des imitateurs d'Hercule qui, d'après la tradition, avait remporté ces deux prix, lors de la fondation des jeux OlympiquesIl4. Pausanias cite sept athlètes de cette classe k5. Clitomaque gagna le même jour dans les jeux Isthmiques les trois couronnes des exercices lourds k6. Les coureurs du dolique s'en tenaient généralement à ce seul exercice. Pausanias raconte comme un événement extraordinaire que Politès triompha le même jour dans le stade, le diaule et le dolique n. Pindare parlant de Xénophon de Corinthe, qui le même jour gagna les couronnes du pentathle et du stade, dit qu'une pareille victoire n'avait été donnée à aucun mortel avant lui n. Eutélidès de Sparte est le seul que nous connaissions qui ait vaincu en même temps au pentathle et à la lutte, encore s'agissait-il de concours d'adolescents n. L'exemple de Théagène de Thasos est plus remarquable : il avait remporté un grand nombre de prix de pugilat et de pancrace, il gagna la couronne du dolique à Phthie en Thessalie 50. Aurelius Septimius remporta plusieurs fois, mais à des fêtes locales, des prix de course et de pugilat 51. Phorystas de Tanagre, dans lafête nommée PASILEIA à Léhadée, remporta le prix de la course et celui des hérauts 52. Exclusivement institués pour les hommes faits, les concours de gymnastique admirent plus tard les adolescents, d'abord aux exercices légers, puis successivement aussi aux exercices lourds. D'après Pausaniasils concoururent à Olympie pour la course et la lutte, dès la 37e olympiade ; pour le pentathle, une fois seulement, dans la 38e ; pour le pugilat, dans la 41e; pour le pancrace, seulement dans la 145e 3Y; un concours de pancrace est mentionné, clans la 61s pythiade, aux jeux Pythiens. où l'on trouve aussi le dolique et le diaule établis pour les jeunes garçons 6". Dans les jeux Pythiens, Isthmiques et Néméens, les lut teurs étaient divisés en trois classes, d'après les âges (i)acx(ac), sous les noms trouve la distinction de ces trois classes pour la première fois dans Pla athlètes adolescents, parce que les exercices violents, dans un âge trop peu avancé, nuisent au développement des forces. Il a fait remarquer que l'on ne connaissait que deux ou trois jeunes gens olympioniques, qui, hommes faits, eussent encore été vainqueurs, mais il y en eut quelques-uns postérieurement 59. On ne connaît qu'un exemple d'athlète adolescent qui soit devenu périodonique, co fut le pugiliste Moschus de Colophon Philostrate 61 établit une autre classification des athlètes, d'après leur complexion, qui leur faisait donner les noms significatifs de athlète-lion , athlète-aigle, athlète ours, athlète-planche, athlète-courroie, répondant à des caractères dans lesquels les gymnastes reconnaissaient d'un coup d'oeil les aptitudes de ceux qui se présentaient devant eux. Les athlètes, le plus souvent sans doute, ne firent que suivre leur goût en prenant cette profession. Quelquesuns y furent engagés par un oracle, par un songe ou par suite d'une circonstance révélant chez eux une force ou une aptitude extraordinaires. On en peut citer pour qui la gymnastique ne fut d'abord qu'un traitement médical et qui suivirent ensuite la carrière athlétique 63. Ceux qui y étaient entrés ne l'abandonnaient guère, d'après Macrobe n, avant trente-cinq ans, époque de la plus grande vigueur chez les hommes n. Un athlète qui à cet âge n'avait point encore gagné de couronne, renonçait généralement à ce métier; dans le cas contraire, il le continuait aussi longtemps que ses forces le lui permettaient ". Plutarque parle, comme d'une chose habituelle, d'un athlète cassé par la vieillesse, qui était nourri aux frais de l'État, mais il ne dit pas s'il était hiéronique 97. Souvent aussi, les athlètes se faisaient gymnastes, aliptes ou pédotribes 6e. Pour résister aux fatigues corporelles énormes qu'exigeait Ieur profession, les athlètes étaient obligés de se soumettre à un régime spécial, dont l'élément principal était Galien fi9 résume ainsi le régime des athlètes : o Manger, boire, dormir, se décharger le ventre, se vautrer dans la poussière et dans la boue. n I1 dit ailleurs 70, que les athlètes se levaient à l'heure où ceux qui vivent suivant la nature reviennent de leur travail et ont besoin de manger. Ils consacraient probablement une partie du temps compris entre le lever et le déjeuner à la fonction que Galien, dans le premier passage cité, nomme la quatrième. Sénèque 71 appelle les athlètes des jejuni voinitores; et d'après le médecin Redus, ils recouraient souvent aux lavements 7-. Nous supposons qu'ils consacraient aux exercices le reste de la journée. Le déjeuner des athlètes qui suivaient les règles de l'art (oi voti.fuas izOXouv7eç) consistait, suivant Galien 73, en pain seulement ; or, le pain, pour convenir aux athlètes, et plus spécialement aux athlètes lourds, doit être peu fermenté et peu cuit" ; c'est probablement celui qu'on appelait coliphia 7J. Après le déjeuner, qui durait longtemps, les athlètes retournaient aux exercices. Philostrate 76 compte parmi les innovations pernicieuses, « leur habitude de rester assis avant les exercices, tout remplis d'aliments comme des ballots de Libye ou d'Égypte. » Il résulte d'un passage du même auteur et d'un autre de Galien, que les exercices entre le déjeuner et le dîner n'étaient interrompus que par quelques promenades ''. Comme le déjeuner, le dîner des athlètes durait longtemps, souvent même jusqu'à minuit ; car, dit Galien, ils étaient obligés de manger beaucoup et lentement 78. On sait aussi par Philon le Juif, que les aliptes ordonnaient aux athlètes de broyer les aliments tout à leur aise, afin d'en retirer plus de force i9. Les aliptes et les pédotribes leur défendaient de discuter, pendant le dîner, des sujets trop subtils (ptao),oïdiv), parce que cela trouble la digestion et fait mal à la tête 60. C'est bien peu que deux mines de viande pour un athlète, dit GalienS1. Athénée raconte 83 que Milon de Crotone, couché devant l'autel de Jupiter, dévora un taureau tout entier. Théagène de Thasos en fit autant. Théocrite 83 rapporte que le berger £gon qui, d'après les conseils de Milon, se livra à la gymnastique, mangea en une seule fois quatre-vingts portions de maza. D'après Galien, les athlètes ne mangeaient guère d'autre viande que du porc 84 ; ils faiblissaient si plusieurs jours de suite ils s'écartaient de ce régime. Platon 85 et Diogène de Laërte 86 mentionnent aussi le boeuf comme un aliment d'athlète; et dans Athénée S4, il est question d'un athlète thébain qui mangeait habituellement de la chèvre et qui surpassa tous ses contemporains en vigueur. Jamais ils ne mangeaient de viande bouillie 89. Il faut ranger parmi les innovations d'époque récente, l'aneth dont on saupoudrait les aliments, d'après un auteur ancien89. Philostrate 90 blâme surtout l'introduction du poisson dans le régime des athlètes. Pausanias 91 cite comme l'inventeur du régime de la viande bromée de Stymphale. Pline n et Rufus n disent que la viande avait remplacé les figues sèches, le fromage frais et le froment, mais ces assertions sont incompatibles avec ce que Philostrate 94 rapporte du régime des anciens athlètes; nous sommes donc portés à croire que la viande a été de tout temps leur principal aliment. Galien dit que les athlètes ne buvaient pas de vin immédiatement après leurs exercices 95, mais qu'ils commençaient par boire de l'eau. D'après Épictète, l'usage des boissons froides leur aurait été interdit, aussi bien que celui des gâteaux frits 99 Il paraît résulter du texte cité que les athlètes lourds seuls suivaient rigoureusement ce régime, et qu'ils ne s'y astreignaient que lorsqu'il devait servir de préparation à un concours, mais on ne sait si cette préparation (xat«axEU4) est celle qui avait lieu à Élée même et qui durait un mois, ou celle qui durait dix mois, et à laquelle devaient se soumettre, dans la ville qu'ils habitaient, les athlètes qui concouraient à Olympie 97. On modifiait parfois ce régime : Théon le gymnaste faisait prendre un bain très-chaud (5ea2o),ouc a) le lendemain des exercices complets98 et diminuait la quantité alimentaire. Aristote, d'autre part, nous apprend que l'on ne donnait pas tout d'abord la même quantité 99 Il y avait en dehors de la xa'cusxeu3 , des exercices supplémentaires: 1° ce que Galien appelle la 7tapuexeur~, qui consistait en mouvements assez longs, intenses et rapides, et en frictions de peu de durée, dont la rudesse soigneusement ménagée, allait en progressant; 2° l'c'dzoOeFeecsiu, traitement qui consistait à faire exécuter des mouvements assez lents et peu prolongés, alternant avec des frictions molles et rapides, faites avec beaucoup d'huile, par un grand nombre de mains étrangères, et contre lesquelles l'athlète devait se roidir 10°. Il y avait encore la rétention du souffle, qui se pratiquait de plusieurs manières 101 ; le bain et les frictions avec les bandes dont on entourait le corps. Philostrate 10' mentionne encore, tout en la réprouvant, une autre manière d'exercer, pendant quatre jours, les athlètes, et qu'il nomme tétrade : « Le premier jour, dit-il, prépare l'athlète, le second l'excite, le troisième le relâche, et le quatrième le laisse dans un état moyen. » Nous croyons que Galien fait allusion à la tétrade ',lorsqu'il dit:tt Théon et Typhon, qui ont écrit sur l'art détestable des athlètes, appellent un certain exercice préparation, (7:C4,564 'xeo7 ), un autre mérisme, un troisième exercice complet, et un quatrième apothérapie. Le régime variait suivant l'âge 104, il n'était pas pour les athlètes légers le même que pour les athlètes lourds : ainsi, l'on s'efforçait de développer l'embonpoint chez les athlètes lourds, et surtout chez les lutteurs, tandis qu'on faisait maigrir les coureurs 1"; cependant on n'a pas de renseignements détaillés sur ces différences. Socrate disait que la danse, qui développe également toutes les parties du corps, est préférable à la course du dolique et au pugilat 706, qui épaississent, la première les jambes et le second les épaules. Personne ne s'est élevé avec plus de force qu'Aristote 107 contre la disproportion des membres des athlètes ; il remarquait, d'autre part, que les pentathles étaient les mieux proportionnés des athlètes 108. Les athlètes observaient une continence absolue tant que duraient les exercices 109 ; même il y en eut qui l'observèrent toute leur vie 110. Pour se la rendre plus facile, ils se faisaient faire des affusions froides 111, et s'appliquaient sur les reins des plaques de plomb pendant leur sommeil 112 ou recouraient à l'infibulation. Les athlètes se soumettaient parfois à la flagellation 113 pour s'endurcir ainsi contre les coups et les douleurs. On se servait surtout à cet effet de laurier-rose'. Hippocrate représente la santé des athlètes, comme continuellement menacée 115 Aristote diffère un peu d'opinion 116: s'ils sont rarement malades, dit-il, leurs maladies sont souvent mortelles. Suivant Galien, ils étaient sujets à mourir subitement 1i7; et, en effet, les auteurs anciens nous ont conservé plus d'un exemple d'athlètes qui succombèrent ainsi tout d'un coup au milieu de leurs ATH 519 ATH II. -Des jugements très-opposés entre eux ont été portés, dans l'antiquité même, sur le mérite des athlètes, et cette contradiction vient sans doute de la différence des temps que considéraient ceux dont nous recueillons les témoignages, et des points de vue divers où ils se plaçaient. Pour certains auteurs 75 les vainqueurs des jeux sont restés les types de la vigueur et de la beauté du corps développées par la gymnastique, et ils le furent en réalité tant que les exercices servirent à développer les forces en équilibre, et que l'athlétique ne devint pas un métier. La foule garda son admiration même pour les athlètes des temps postérieurs ; mais beaucoup d'esprits élevés et cultivés n'avaient que du dédain pour cette profession, dans laquelle la force du corps était accrue au détriment de l'intelligence. Les politiques et les capitaines lui reprochaient de ne rien ajouter à la valeur des hommes à la guerre 19p ; les penseurs, les philosophes, les médecins's'accordaient à blâmer un régime ou, comme on dirait aujourd'hui, un entraînement qui donnait à certains membres une force disproportionnée et, en exagérant la masse du corps tout entier, accablait l'esprit, le plongeait dans la torpeur, au point de le rendre incapable d'aucune affaire121. On a vu ce qu'en pensaient Socrate, Platon, Aristote. « Croyez-vous, disait plus tard Galien, que je loue la course et les autres exercices qui amaigrissent le corps? Il n'en est rien, je blâme le défaut de mesure partout où je le trouve'''. „ Philostrate lui-même, qui d'ailleurs est un défenseur des exercices des athlètes, donne raison à ceux qui les condamnent, quand il dit que, parmi les statues d'Hercule, celles qui ont le cou libre et dégagé des épaules sont plus belles et plus divines que les autres 123. Les figures d'athlètes, qui fournissaient à l'art des motifs si heureux, se rencontrent dans un grand nombre de monuments de tout genre, et on y peut observer le contraste qui vient d'être signalé entre les athlètes des beaux temps de la Grèce et ceux des âges qui suivirent. II devient sensible, surtout si l'on oppose une oeuvre du temps de l'empire romain, comme la mosaïque des thermes de Caracalla, dont nous parlerons tout à l'heure, à celles de la statuaire du Ive et du ve siècle avant J.-C., ou aux peintures de vases qui sont du même temps et dont l'exécution correspond à la plus belle période de la gymnastique. Nous ne possédons malheureusement pour les temps qui précèdent aucune des statues, faites d'abord en bois, puis en bronze, à l'image des vainqueurs des jeux (statllae ieonicae) 1" ; à leur défaut, ce sont les vases à figures noires qui nous montrent le mieux quels modèles se proposaient alors ceux qui s'exercaient dans les palestres. Nous reproduisons (fig. 599) la figure d'un vainqueur au pentathle, d'après un lécythus al.hénien d'ancien style 126: le type, qui rappelle d'ailleurs les ouvrages de la statuaire des premiers siècles de l'art, est celui que vante Aristophane, quand il dépeint" le jeune homme élevé ïr. l'ancienne mode, aux larges épaules, aux larges cuisses, à la poitrine bien ouverte ; la taille est élancée, les organes digestifs n'ont pas pris une prédominance nuisible à l'équilibre du corps et au développement de l'esprit 124. Les figures même des pugilistes et des pancratiastes, dont le corps devait par sa masse présenter, dans la défense, une grande résistance et, dans l'attaque, un poids redoutable à l'adversaire, ne diffèrent de celle qu'on vient de voir et de celles des athlètes légers en général, que par plus d'épaisseur donnée aux mêmes membres dont la vigueur est déjà chez ceux-ci particulièrement marquée : les mus cles sont plus saillants, le cou plus court et plus enfoncé dans les puissantes épaules 128 [PUGILATUS, PANCIATIUS I. On peut grouper en deux classes les constitutions athlétiques telles qu'on les trouve représentées, selon qu'elles se rapprochent du type d'Hercule ou de celui de Mercure, les deux divinités qui présidaient aux exercices et dont les figures se voyaient ordinairement dans les gymnases et dans les palestres "-5. Cette division correspond à celle qui a été faite plus haut des athlètes lourds et des athlètes légers. Le développement des deux types dans ce sens a suivi les progrès de la gymnastique et de l'athlétique. Mercure était l'image et devint le modèle de ces éphèbes au corps svelte , aux membres nerveux et souples dont les statues et les vases peints des meilleures époques de l'art nous offrent des modèles si nombreux100; Hercule, fondateur des jeux Olympiques et premier vainqueur au pancrace, fut l'idéal des lutteurs proprement dits 131, et ceux-ci fournirent à leur tour des exemples aux artistes qui voulurent faire des figures du dieu la dernière expression de la force éprouvée par les plus rudes travaux. On n'en peut citer un exemple plus frappant que la statue de l'Hercule Farnèse "«fig. 600), qui passe pour la reproduction fidèle d'une oeuvre de Lysippe ; toutefois la copie, empreinte d'une certaine exagération, stS ATH 1120 ATH paraît beaucoup plus récente et peut-être date-t-elle seulement du ti siècle après J.-C. Un autre ouvrage de Lysippe, qui nous est connu par une imitation très-voisine du modèle, offre un type achevé de l'athlète formé par l'art des gymnastes et des aliptes au temps d'Alexandre, c'està-dire à l'époque où cet art avait atteint sa perfection : nous voulons parler de cette figure admirable d'un jeune homme se frottant avec le strigile, l'Apoxyomenos, dont parle Pline, qui remplaça dans les thermes d'Agrippa l'oeuvre originale, que s'était appropriée Tibère 133. Elle est aujourd'hui un des ornements du musée du Vatican. Il faudrait citer beaucoup d'ouvrages célèbres, tels que le Discobole de Myron 134, le Diadumenos, ou vainqueur nouant une bandelette autour de sa tête, de Polyclète 13', le groupe des Lutteurs de la Tribune du Musée de Florence 19 et tant d'autres dont nous possédons des répétitions antiques qui comptent parmi les chefs-d'oeuvre de la statuaire : ces monuments nous montrent des athlètes dans les attitudes propres aux différentes luttes, d'autres s'y préparant ou venant de remporter le prix. Il y faudrait ajouter les exemples que fournissent en abondance les bas-reliefs, les vases peints, les pierres gravées '" : il est peu de sortes de monuments où l'on ne rencontre de semblables représentations. Voici encore la figure d'un lutteur au pentathle (fig. 601), telle qu'elle est gravée sur un disque de bronze trouvé à Égine133 : elle répond bien par ses proportions et son caractère à l'idée que nous pouvons nous faire de l'athlète tel qu'il sortait de la palestre pour concourir dans les grands jeux, au bel âge de la Grèce. Pour connaître l'athlète de métier, formé par un régime et des exercices qui avaient moins pour but le développement régulier et harmonieux du corps, ou l'accroissement des forces en général, que leur accumulation dans quelques parties, il faut examiner des monuments que n'a point ennoblis l'influence du goût hellénique par exemple, les représentations de jeux funèbres qui décorent certains tombeaux étrusques 138; mieux encore la mo saïque des thermes de Caracalla1k0, où sont représentés des athlètes. les uns en pied (fig. 602), les autres en buste (fig. 603). Les bustes, sinon toutes les figures, sont cer tainement des portraits (on avait coutume, sous l'empire, de placer dans les palestres ceux des vainqueurs fameux 10), où apparaissent avec une réalité saisissante l'excès de la force brutale et la pauvreté de l'intelligence. La coiffure qu'on voit dans les deux figures précédentes et dans la plupart de celles dont se compose la mosaïque des thermes de Caracalla, est propre aux athlètes de ce temps ; on la retrouve dans d'autres monuments de l'époque romaine : par exemple, dans le bas-relief d'où est tirée la figure 604, représentant deux pancratiastes 142 ; et elle n'est pas réservée , comme on l'a cru, seulement à ceux qui se mesuraient au pancrace ou au pugilat : d'autres athlètes, ou des génies personnifiant toutes les sortes de lutte, y ont également les cheveux courts ou ramassés en touffe ( cirrus ) nouée sur le sommet de la tète. Cette coiffure était caractéristique des athlètes de profession. C'est ce qui explique un passage de Suétone où est rapporté un trait satirique du peuple de Rome contre Néron : alors que la ville était désolée par la famine, un navire arriva d'Alexandrie, chargé, non de blé, mais de sable fin destiné aux lutteurs de l'empereur. On se répandit contre celui-ci en injures et l'on mit sur la tête de sa statue le cirrus, avec une inscription grecque à double sens, faisant allusion à la révolte de Vindex et de Galba, qu'on venait d'apprendre à Rome, et à l'issue qu'on en espérait743. Le cirrus ne se voit ja ATH 52i AT1 mais dans les monuments de l'art grec ancien. Les lutteurs y sont figurés souvent, mais non pas toujours, avec les cheveux courts; quelquefois ils les avaient tout à fait ras, et cette tonsure était appelée sxsSiov (littéralement « en écuelle a) par opposition à la coiffure nommée xraos, où les cheveux étaient assez longs pour être disposés autour du visage On voit l'une et l'autre dans la figure 605, représentant deux lutteurs, d'après un vase peint du musée de Naples '". II résulte d'une épigramme de Martial l" que les athlètes de son temps portaient quelquefois une sorte de perruque ou de serre-tête(galericulum) par-dessus leurs cheveux. On a cru reconnaître cette enveloppe dans quelques-unes des figures de la mosaïque dont nous venons de parler; mais, à vrai dire, elle n'y est pas clairement visible. Nous savons aussi que les athlètes grecs, et après eux les romains, pour protéger leurs oreilles, au moins quand ils s'exerçaient, contre les coups terribles qui les menaçaient dans les luttes du pugilat et du pancrace, se servirent d'enveloppes appelées «gi,5t,T(163 et Ë7cmti1oç, sans doute rembourrées de laine et couvertes d'une matière plus dure; un auteur dit qu'elles étaient en cuivre 1". On les voit, attachées par des brides qui passent sur la tête et sous le menton, dans un fragment destatue en marbre, qui appartenait au savant Fabretti et dont il a donné un dessin 159 (fig. 606). Mais il est certain que les lutteurs ne devaient pas recourir ordinairement dans les jeux publies à moyen de défense ; on reconnaissait même à leurs oreilles meurtries ceux qui avaient soutenu de nombreuses épreuves: beaucoup d'auteurs en font foi m Winckelmann le premier en a trouvé la trace dans les monuments: il a constaté que des statues, exécutées d'ailleurs avec un grand soin, avaient des oreilles déchirées et bouffies, qui ne pouvaient avoir été figurées ainsi sans dessein, et il a reconnu que ces statues étaient celles d'athlètes, ou qu'elles représentaient Hercule vainqueur au pancrace On parlera dans des articles spéciaux des cestes dont étaient armés les bras des pugilistes, des disques, des haltères et des divers attributs de chaque sorte de lutte. 1. Quant au costume, Ies athlètes portèrent d'abord dans les jeux un caleçon ou une ceinture autour des reins, appelé 7iEpt,mga ou lsa,mga 7M; aux jeux de la 15' olympiade, celle d'un des coureurs se dénoua, ce qui lui rendit la victoire plus facile. Les coureurs s'en passèrent à partir de ce moment, et bientôt elle fut aussi abandonnée dans les autres luttes. On s'expliquera d'après cela pourquoi, clans les couvres d'art, les athlètes sont entièrement nus. Pour nous figurer ce qu'était le aopi,o,ua porté antérieurement '"', nous devons nous rappeler que, en [out temps, les ouvriers de la dernière classe, ceux surtout qui travaillaient exposés à une grande chaleur, n'avaient pas d'autre vêtement qu'une pièce d'étoffe entourant les cuisses [sulr.rcAcuLOM[. Telle devait être la ceinture des plus anciens athlètes ; à moins qu'on ne préfère en chercher le modèle dans le caleçon court et collant que l'ma voit porté par Atalante luttant contre Pélée [ATALANtTA, p. 511, fig. 5901, par des artistes dionysiaques [nloarsraror Trcuxrrnr[, par des i'aiscnrs de tours [ci RYLLS), ou par des jeunes gens exécutant une danse aimée' [PSarum A]. Sur un vase peint on voit (fig. 607) des athlètes dont les reins sont entourés d'une ceinture étroite, avec une pièce de devant qui couvre les par ties naturelles : est-ce là une re présentation du 7cepi ssgx plus approchante de la vérité, ou n'est-ce que le souvenir d'une pratique qui est d'ailleurs attestée par d'autres monuments, où l'on voit des athlètes portant autour (les reins une simple cordelette à laquelle se rattache un fil léger servant de suspensoir. Nous ne pouvons qu'indiquer ici 156 co moyen (xuvo~éog , io/ibulatio) auquel recouraient quelquefois les athlètes pour mieux conserver leurs forces. F. SACLIo.