Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article ATLAS

ATLAS ('ATXxç) 1. Atlas, un des Titans, fils, selon les uns, de Japet et de Clymène ou d'Asia 2 ; selon d'autres, d'Aether et de Gé 3 ou d'Héméra 4; ou encore d'Uranus 5 ou de Neptune et de Clito ; frère de Mencetius, de Prométhée et d'Épiméthée 5 ; père des Pléiades 7 et des Hyades 6, d'OEnomaüs et de Maia s. On lui donne aussi pour fille Calypso 10 ; Hyas et Hesperus pour fils Le prudent Atlas, dit Homère '5, connaît tous les abîmes de la mer ; il soutient les hautes colonnes qui séparent la terre du ciel (xi gxTâv Te xx1 oûpvbv ânpig l'cualv). Ces mots ont été diversement interprétés : on a essayé de traduire par une image exacte les termes employés par Homère et les auteurs venus après lui. Un savant antiquaire a proposé de voir ici deux colonnes, dont les bases s'appuieraient sur la terre et dont les chapiteaux porteraient la voûte céleste, et de supposer Atlas entre ces colonnes, les soutenant de son dos de bronze ou de fer 13. Dans la Théogonie d'Hésiode, qui ne parle plus de colonne, Atlas, pour avoir pris part à la guerre des Titans contre les dieux, a été condamné par Jupiter à soutenir le ciel avec sa tête et ses bras infatigables 14. Eschyle, Euripide reproduisent la même image '5; c'est celle qui a été adoptée par les artistes, comme on le verra plus loin. L'idée d'une montagne qui, le pied dans la mer, le somrnet dans les nues, supporte la voûte céleste, est plus moderne ; on en trouve la trace dans Hérodote16, qui raconte qu'Atlas ATL est, au nord de l'Afrique, une montagne que les indigènes appellent le pilier du ciel. Cette donnée a été complétée. Ovide raconte qu'Atlas fut changé en montagne par Persée auquel il avait refusé l'hospitalité. Pour opérer cette métamorphose, Persée n'eut qu'à présenter à Atlas la tête de Méduse 17. Cet Atlas n'était point le Titan audacieux d'Hésiode, mais le paisible roi des contrées situées du côté du soleil couchant, aux extrémités de la terre 13, l'époux d'I-Iespéris (`Easrepfç, la femme occidentale) , fille d'Hespérus (l'étoile du couchant). Il régnait, disait-on, sur de vastes campagnes couvertes de troupeaux. Là, dans un terrain parfaitement clos, fleurissait l'arbre aux pommes d'or, l'arbre des hespérides, gardé par un dragon. Ces pommes furent cueillies par Hercule en dépit du monstre qui les protégeait'0 (nESPERIDES]. D'autres traditions font d'Atlas un roi d'Arcadie adonné à de savantes études, soit sur le mont Cercyus, soit sur le mont Thaumasius ou sur le mont Cyllène. Pleïone, fille de l'Océan et mère des sept Pléiades, est son épouse 50. Quand l'évhémérisme eut remanié de fond en comble la mythologie, le Titan d'Hésiode, ou le vieillard homérique qui sonde les abîmes marins, devint un astronome et un mathématicien africain, inventeur de la sphère 2t. Virgile le conçoit comme une sorte de philosophe et de professeur de cosmologie 22. Qu'Atlas, qui personnifie les montagnes, les colonnes de la terre , ait été placé successivement dans le voisinage de quelques grandes montagnes de l'ancien monde, voilà qui ne doit point surprendre; aussi le trouve-t-on au Caucase, en Mauritanie ou partout ailleurs, comme une borne qui marque la limite des connaissances géographiques. Pausanias signale cinq monuments se rapportant au mythe d'Atlas. Sur le coffret de Cypsélus, Atlas était représenté portant le ciel, et comme le disait l'inscription gravée sur ce coffret, prêt à abandonner les pommes des Hespérides 23. Une des peintures de Panoenus qui décoraient le mur d'appui du trône de Jupiter, dans le, temple d'Olympie, montrait Atlas soutenant le ciel et la terre, et près de lui Hercule se disposant à prendre son fardeau2°. Dans une métope du même temple, an voyait également Hercule prêt à se substituer à Atlas t3. Le même auteur parle 26 d'une série nombreuse de figures de ronde bosse (nous n'osons pas dire un groupe), dans le trésor des habitants d'Épidaure, à Olympie, qui représentaient Hercule au jardin des Hespérides ; parmi ces figures se trouvait celle _ATL _ -h7ATL d'Atlas soutenant le ciel (7eov). Enfin, Atlas était représenté (Pausanias 27 ne nous dit point de quelle manière) dans l'un des bas-reliefs sculptés sur le trône de l'Apollon d'Amyclées. Il semble, d'après ces indications, que le personnage d'Atlas fut souvent, dans l'antiquité grecque, figuré à cause d'Hercule et en quelque sorte pour le faire valoir 23. Cette induction, à laquelle les textes de Pausanias nous amènent, se trouve confirmée par la plupart des monuments, d'ailleurs en très-petit nombre, que les découvertes archéologiques nous ont fait connaître concernant Atlas. Nous voyons au revers du magnifique vase qui représente les funérailles d'Archemoros , au musée de Naples Y9, Hercule au jardin des Hespérides; auprès de lui, entre le char du Soleil et Lucifer à cheval, portant un flambeau, Atlas est représenté nu, à la réserve d'une légère chlamyde jetée sur ses deux bras. Sa barbe est bien fournie, sa chevelure abondante ; de ses deux mains, élevées à la hauteur de la tête, il soutient la sphère étoilée. Un autre vase, de la bibliothèque du Vatican 30, nous offre l'image d'Atlas débarrassé de son fardeau, que supporte Hercule (voy. p. 478, fig. 577). Sur un miroir étrusque de Voici (fig. 612), Atlas entièrement nu, barbu, maintient de ses deux mains sur ses épaules la sphère étoilée ; Hercule s'éloigne du Titan, il tient les pommes des Hespérides dans la main 31. Ils sont encore réunis sur des pierres gravées, comme on le voit dans la figure 613 ; mais sur d'autres pierres (fig. 614)", Hercule est seul, aussi bien que dans deux monuments de l'époque romaine; ceux-ci toutefois paraissent conçus dans un ordre d'idées tout différent. Le premier est la célèbre statue du musée de Naples désignée communément sous le nom d'Atlas Farnèse 34, le second est une petite figure en marbre de la villa Albani". L'Atlas Farnèse est courbé sous le faix; il s'appuie du genou gauche sur son rocher et tient des deux mains le globe céleste vers lequel il tourne son visage fatigué (fig.615). L'Atlas de la villa Albani n'a d'antique que la tête, la poitrine, les deux bras, et le bord du disque qu'il soutient; mais cette tête, empreinte de majesté, donne bien l'idée du caractère titanesque. « Je ne me rappelle rien, dit Zoega, qui puisse mieux exprimer que cette figure l'association de la noblesse et de la force. u On retrouve Atlas et Hercule au revers d'une médaille de Bithynie à l'effigie de Caracalla 36. Le Titan reprend le globe des mains d'Hercule. Enfin un médaillon contorniate, dont la face principale offre la tète de Trajan 34, présente au revers un Atlas barbu, la tête couverte d'une dépouille d'éléphant, assis et observant avec attention un zodiaque sculpté sur un disque ou un bouclier. Sur un vase archaïque, dont la peinture est reproduite ici (fig. 616), Atlas est figuré à côté de Prométhée , son frère, déchiré par un aigle 99. Une autre peinture, sur un vase de Ruvo 39, le représente (fig. 617) portant une sphère étoilée traversée par le zodiaque; il est debout en face d'un sphinx, qui doit symboliser sans doute les secrets de l'astronomie, dont la connaissance fut attribuée à celui qui était condamné à porter le ciel. ATf 528 ATR On voit aussi sur une pierre gravée "«fig. 618) un personnage nu, assis sur un rocher, devant un cadran solaire, tenant une étoile qu'il semble examiner; une seconde étoile est derrière lui ; sur sa tête un compas ouvert : d'éminents antiquaires y ont reconnu Atlas, dans le rôle d'astronome que lui donna l'évhémérisme. Enfin on a vu Atlas avec l'apparence et les attributs d'un roi dans la peinture d'un vase apulien 4t reproduite plus haut (fig. 611) ; il est assis sur un trône et tient un sceptre dans sa main ; son nom (ATAAE) est écrit au-dessus de sa tête ; devant lui est Hercule debout ; près de lui on voit encore Silène, Hermès, Maia, dont la réunion indique que c'est le roi arcadien qui est ici représenté. E. VINET.