Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article AUCTOR

AUCTOR. -• Ce mot, qui vient de augere', désigne en droit romain celui qui prend l'initiative d'un acte. 1. En droit public, c'est celui qui propose une mesure ou une loi (rogaton, lator ou auctor legis) ou du moins qui la recommande au peuple ou au sénat « maso?' legis) ; la décision du sénat, en vertu de laquelle une loi est présentée aux centuries, est expliquée par les mots patres auctores funt 3; mais cette locution désigne aussi le vote favorable des comices-curies ou des patriciens [AUCTORITAS PATRUM]. Celui qui proposait un vote au sénat, se nommait auctor sententiae''t ; la décision du sénat paralysée par l'intercession d'un tribun [INTERCESSIO] n'est plus indiquée que par l'expression senatus auctoritas'. Quelquefois l'avis des prudents a force de loi, et ils deviennent auctores jurés (auctoritas pruden.tium ou responsa prudentiuns). II. En droit privé, on appelle auctor celui de qui l'on tient ses droits, qui en a été la cause première : tel est ainsi, au point de vue de la famille, l'auctor generis, et à celui de la succession, 1' auctor heredis 6. Celui qui transmet à titre onéreux un droit entre-vifs .1 une personne ou ayant cause 7, est aussi l'auteur de celle-ci et lui doit garantie (auctoritas)' ; c'est le cas du vendeur à l'égard de l'acheteur. AUC 544 -es AUC Auctoritas est encore employé pour désigner l'action en garantie à raison d'une éviction (evictio) éprouvée par l'acheteur [EMPTIO v12NDITIO] 9. La possession pendant le temps voulu pour l'usucapion [usucAPto] est devenue la meilleure garantie et protége contre toute éviction; aussi Cicéron dit-il que la possession de deux ans vaut auctoritas pour lus immeubles italiques et dispense de recourir à son auctor 10, tandis que l'éviction est toujours possible contre un étranger [PEREGRINUS, autrefois aosais] 11, et la loi Atinia admet la même solution pour la chose volée ou res furtiva [ruRTUM] Une caution procurée par un vendeur est appelée auctor secundus, parce qu'il fournit à l'acheteur une seconde garantie u. On donne aussi le nom d'auctor à celui qui répond à une interrogation solennelle, tendant à créer une obligation, soit dans le cas d'adrogation 14 [ADOPTio, ADROGATIO], soit dans le cas de stipulatio 15. Enfin le tuteur qui donne solennellement in ipso negotio à un pupille [TUTELA], c'est-à-dire à un impubère sui juras 10, l'autorisation de faire un acte juridique, est auteur (auctor fit ou auctoritatem praestat 17, interponit). III. En droit criminel, auctor signifie parfois l'auteur principal d'une infraction à la loi pénale 78; il indique, au contraire, souvent et plus spécialement l'instigateur, celui que les criminalistes modernes nomment auteur intellectuel, qui détermine l'agent à commettre un délit, soit par luimême, soit avec l'aide de complices 19. On trouve le mot auctor souvent employé dans ce sens chez les écrivains latins classiques et chez les jurisconsultes 20. D'autres fois l'instigateur est désigné par une périphrase telle que qui concitavit, qui movit tumultum, etc. 21. On l'appelle encore concitatm, princeps delicti, mandater, hortator, suasoru, ou bien il est compris dans la formule générale, cujus dolo malo factum est; enfin, quelquefois la loi se borne à décrire et à préciser l'acte d'excitation qu'elle incrimine a3 On peut devenir auctor delicti de plusieurs manières, suivant le moyen qu'on emploie pour déterminer l'agent à commettre l'acte délictueux; les jurisconsultes avaient réglementé ces divers cas : 1° Lorsque l'agent se trouvait placé sous la dépendance immédiate de celui qui lui ordonnait un crime, par exemple d'un magistrat, ce dernier était seul responsable, pourvu que l'obéissance eût été pour l'agent une nécessité n résultant de l'ordre d'un supérieur légitime. Tite-Live nous présente une application de cette doctrine sous la république, à l'occasion des plaintes adressées au sénat par les Locriens contre Pleminius, lieutenant de Scipion 20 Quintilien, dans ses Déclamations, montre que c'était une thèse à l'usage des défenseurs des accusés 28. Néanmoins, à l'égard des esclaves et des fils de famille, les textes font une distinction appuyée sur la nature du délit commandé par le père ou le maître. S'agit-il de délits légers, l'agent est excusé pleinement, et la responsabilité retombe uniquement sur celui qui a commandé le méfait. Mais s'il s'agit d'un crime considérable, les jurisconsultes admettent que l'esclave ou l'enfant a dû avoir conscience de l'énormité de l'infraction et se refuser à l'accomplir 27. Cependant, en certains cas, par exemple lorsqu'il y a eu violation de sépulture, l'esclave est puni moins sévèrement que le maître qui lui a commandé le crime u. L'agent qui s'est conformé à un ordre donné par celui qui n'avait aucune autorité légitime, demeure pleinement responsable ss , sauf le cas de violence [vis]. Quant à 1' (luel'or, il peut rentrer dans la catégorie de ceux dont nous allons parler. 2° Lorsque quelqu'un charge un autre de commettre un délit, il n'y a pas mandat valable en droit civil; le contrat est nul comme contraire aux bonnes moeurs 30; mais le droit pénal s'attache au fait spécial du mandat pour punir l'instigateur du crime. C'est ce que faisaient les lois qui frappaient de la même peine l'auteur intellectuel et l'auteur matériel d'un homicide volontaire S1, d'une accusation calomnieuse, d'une injure, d'une violence, etc. Le jurisconsulte Ulpien semble, en matière de délit, assimiler au mandat l'approbation donnée après coup au délinquant par celui qui profite de l'acte délictueux. De là certains interprètes modernes ont conclu que la ratification, comme en matière civile, équivalait au mandat. Mais il faut se garder de généraliser cette règle qui n'est vraie que pour certains délits privés, comme l'indiquent le mot male ficium employé par Ulpien et l'ensemble même du texte Ba On range encore sous la dénomination d'auctor quiconque, par ses exhortations, ses prières ou ses discours, a déterminé l'agent principal à commettre un crime. L'expression consilio facere se prend en cette occasion dans un sens large qui embrasse souvent et l'instigateur et celui qui a donné des instructions ; mais ce deuxième cas rentre dans la complicité par assistance [socius DELICTI]. Quant au simple conseil, bien différent d'une action morale décisive et déterminante, d'abord s'iI a été de bonne foi et sans connaissance du caractère délictueux de l'acte, il n'entraîne pas de responsabilité 33; mais fût-il frauduleux, il ne paraît pas suffire pour constituer l'instigation, s'il n'a pas exercé une action déterminante u. Le mot suasor désigne celui qui, par une suite de manoeuvres ou de discours prolongés, entraîne à commettre un délit 38. Plusieurs lois spéciales le frappaient à l'égal de l'agent principal de l'infraction 36. G. HUMBERT.