Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article AUGURES

chargés de conserver les règles traditionnelles relatives à l'observation et à l'interprétation des signes naturels qui constituaient les auspices [AUSPICIA]. Il faut maintenir cette définition dans toute sa rigueur si l'on veut se faire une idée nette de la science augurale, qui n'occupe dans le champ illimité de la divination [nlvlNATIO] qu'un domaine bien restreint. Tous les signes extraordinaires, considérés comme contraires aux lois de la nature, constituaient des prodigia et échappaient à la PONTIFICES]. Loin de s'étendre, cette compétence, resserrée de jour en jour par le développement de l'haruspicine [HARUSPICES] et l'invasion d'une foule de superstitions exotiques, tendit au contraire à se limiter, et nous la trouverons en effet bornée, dans la période la mieux connue de l'histoire romaine, à l'appréciation de cinq espèces de phénomènes énumérés plus loin. Comme le vol des oiseaux avait fourni le premier et le principal sujet d'observation, ii est naturel de chercher de ce côté l'étymologie du nom d'augures. Quiconque obser vait les oiseaux pour connaître la volonté de Jupiter, pouvait être dit auspex6 (de avern specere7), et il est possible que les théologiens dont nous parlons aient été simplement désignés à l'origine par le titre d'auspices ; mais ce titre était insuffisant, puisque tout citoyen romain 9 avait le droit de consulter de cette manière Jupiter, protecteur de la cité. Seuls, au contraire, les dépositaires de la tradition étaient capables de déterminer les dimensions et l'orientation de l'espace céleste à observer, et de décider au besoin, par une interprétation raisonnée, de la valeur des signes recueillis. On pouvait donc dire d'eux qu'ils conduisaient, qu'ils menaient en quelque sorte les oiseaux, et former avec les mots avis et gerere des composés nouveaux, augurium et augur, qui se distinguent des termes parallèles auspicium et auspex par une extension moins grande. Un auspicium expliqué devient un augurium'é ; un augur est un auspex capable de fonder ses observations sur les règles traditionnelles. Il ne faut pas s'attendre, on le comprend, à retrouver partout ces distinctions précises entre des termes trop voisins les uns des autres pour ne pas être perpétuellement confondus dans l'usage ordinaire. Cependant, telle était la force de l'habitude que, dans maint passage des auteurs, auspicia et auguria, bien que synonymes, se juxtaposent sans se remplacer ". Cette étymologie, déjà indiquée, bien que souvent mal interprétée par les anciens 1n, confirmée d'ailleurs par une forme archaïque (auger-augeratus) que donne Priscient3, et généralement acceptée aujourd'hui u, paraît plus régulière que les dérivations proposées de divers côtés 1°. Il n'est pas question ici de rechercher les origines du mode de divination [nivINATlo] qui a produit l'art augural, ni de comparer cet art à la mantique raffinée des Hellènes [MANTIKÉ] ou à la science des Étrusques [HARusriens]. La coutume de prendre les auspices, familière à tous les peuples du Latium et de l'Italie centrale, était certainement plus ancienne que Rome elle-même; ce que la tradition exprime en disant que la ville fut fondée avec auspices, par un roi augurequi avait fait son éducation religieuse à Gabies q7. L'État, qui n'avait pas inventé ce mode de divination, ne s'en réserva pas l'usage exclusif. Rien n'empêche de supposer que, comme l'État avait ses augures pour juger de 1a valeur des auspices publics, il y avait aussi des augures privés pour éclairer la religion des particuliers. Cette induction est confirmée par des textes qui ne permettent aucun doute. Le fameux Attus Navius, était un augure libre ou privé, avant que Tarquin fît de lui un augure royal ou public18. L'usage d'appeler des hommes de l'art AUG AUG pour inaugurer les épousailles auspices necptiarum 10) était si bien entré dans les moeurs, qu'il survécut même à l'abandon de l'inauguration matrimoniale. Les augures privés n'ont pas d'histoire et on ne peut guère leur en composer une avec les allusions malveillantes et les railleries des poètes 20. Le traité que Nigidius Figulus avait; écrit sur leur art" est perdu. Nous ne nous occuperons désormais que des augures proprement dits, les augures publics (augures publici 13, augures populi romani") dont le titre complet est augures publici populi Romani Quii'itaunz fondation à la loi Ogulnia (300). L'art augural et les coutumes qui lui ont donné naissance ne sont pas l'oeuvre du collége des Augures. La fondation de ce collége n'ajouta rien à la théorie religieuse des auspices : toute l'innovation consista à transformer des augures privés en augures officiels chargés, à l'exclusion de tous autres, de garantir la légalité et la bonne interprétation des auspices publics. Ceci posé, il devient plus facile d'éliminer les contradictions qui embrouillent la question des origines du collége (collegiùm augurum=°). Relativement à l'époque de la fondation, il y a deux systèmes en présence : celui de Cicéron "6 et celui de TiteLire '. Denys d'Halicarnasse, qui les adopte tous les deux à la fois s8, n'entre pas en ligne de compte. D'après Cicéron, Romulus, qui était augure ainsi que son frère Rémus'°, aurait choisi pour l'assister dans l'observation des auspices, trois augures, un de chaque tribu, et le collége ainsi fondé aurait été augmenté de deux membres par Numa. Tite-Live, lui, n'ignore pas que Rome a été fondée auqurato 30; il fait inaugurer Numa par un augure de profession 31; mais il affirme qu'il n'y eut pas d'augures (publics) à Rome avant que Numa eût fondé un collége spécial'dans lequel chaque tribu était également représentée3R. La tradition que Cicéron, augure de fraîche date et enclin à faire valoir la vénérable antiquité du collége, accrédite un peu à la légère, offre des invraisemblances qui ne se rencontrent point dans les indications plus précises et plus réfléchies de Tite-Live. Il n'y a donc nulle difficulté à admettre que la fondation du collége des Augures date de l'époque désignée dans l'histoire par le nom plus ou moins légendaire de Numa 31. Les mêmes divergences d'opinion se reproduisent dès qu'on essaie de déterminer le nombre des augures qui composaient à l'origine le collége. Le seul point sur lequel tout le monde soit d'accord, c'est que ce nombre a été augmenté une première fois entre l'époque de la fondation et l'an 300 av. J.-C., année où Tite-Live, tout en constatant la présence de quatre augures seulement, suppose que le chiffre normal était de six". Si l'on veut une solution plus précise, il faut nécessairement y faire entrer un peu d'arbitraire, car le problème, avec les textes dont nous disposons, est insoluble. Cicéron et Tite-Live affirment (et leur témoignage est corroboré par l'analogie) que les tribus ethnologiques composant la cité romaine étaient représentées au sein du collége. Partant de ce principe, Cicéron admet, qu'il y eut tout d'abord trois augures, représentant les Rampes, les Tities et les Luceres, ce qui est inacceptable, s'il est vrai que l'incorporation des Luceres à la cité ne date que du règne de Tarquin; et il fait ajouter deux places au sein du collége par Numa, ce qni, théoriquement, ne s'explique plus. Pourtant, Rubino s'en tient aux chiffres donnés par Cicéron, en se fondant sur la valeur que les Romains attachaient aux nombres impairs n. Mercklin " invoquant, après Niebuhr 38 et Ambrosch 3", l'infériorité bien constatée des Luceres vis-à-vis des deux autres tribus, doute que ceux-ci aient jamais été représentés dans le collége, qui aurait été composé primitivement de deux ou de quatre Ramnes Tities. Si l'on ajoute aux augures publics le roi, le chef religieux de la société et l'augure par excellence, on retrouve ainsi les chiffres trois et cinq donnés par Cicéron, et on s'explique pourquoi, en l'an 300, après la chute des rois, le collége ne comptait plus que quatre membres. Marquardt s'est rallié au système de Mercklin 10. L. Lange''', d'accord en cela avec Th. Mommsen, prend pour base les chiffres de Cicéron, et, en ajoutant le roi, il obtient les nombres quatre (au temps de Numa) et six (depuis Tarquin), ce qui se concilie très-bien avec ce que dit Tite-Live ; seulement il oublie d'expliquer pourquoi le nombre six aurait été maintenu après l'expulsion des rois. Au risque d'ajouter un système à tant d'autres, nous pourrions, ce semble, nous faire une idée plus nette de la constitution primitive du collége en rejetant 1 autorité déjà si ébranlée de Cicéron, et en éliminant le roi qui, dans un collége de prudents, de simples conseillers dépourvus du droit d'auspices, est une véritable superfétation. Il n'y a pas lieu de comparer sous ce rapport, les Augures aux Pontifes [PONTIFICES1. Le collége des Pontifes avait un président à vie, jouissant du droit d'auspices, et tout indique que cette présidence, dont les empereurs s'emparèrent plus tard, avait appartenu dans le principe aux rois; tandis que le collége des Augures n'eut jamais de président, soit annuel, soit à vie', et ne connaissait d'autre hiérarchie que le rang d'àge ou l'ordre d'ancienneté d3. Le principe de la représentation des tribus étant le seul dont il faille tenir compte, on est conduit à admettre qu'au temps de Numa le collége se composait de deux ou de quatre membres 1i, chacune des deux tribus (Ramnes-Tities) fournissant un ou deux augures, et que, plus tard, l'admission des Luceres dans la cité entraînant dans la composition du collége un remaniement en tout semblable à celui que subit alors le collége des Vestales [VESTALES, les trois tribus furent régulièrement représentées, chacune par deux augures. Le nombre normal des membres du collége aurait donc été de six entre le règne de Tarquin l'Ancien et l'an 300 av. J.-C. Quoi qu'il en soit, il est hors de doute que le collége AUG 552 AUG fut institué par les rois, et tout autorise à penser que, jusqu'à l'établissement du régime républicain, les rois ont gardé le droit de nommer les Augures. Les textes font défaut pour éclaircir ce point 45. Mais la chute de la royauté affranchit les colléges sacerdotaux de la tutelle du pouvoir et ces corporations se recrutèrent depuis lors par cooptation [COOPTATIO]. Le fait, vraisemblable en lui-même, est confirmé pour le collége des Augures à partir de 453 av. J.-C. u. Comme les autres colléges enfin, celui des Augures n'admettait dans son sein que les vrais citoyens, ceux que Jupiter avait investis à l'origine, dans la personne de Romulus, du droit héréditaire et incommunicable de le consulter par les auspices, c'est-à-dire les patriciens. Les plébéiens avaient été introduits dans la société civile par Servius Tullius ; mais la théologie, encore rebelle à toute concession, les tenait en dehors de la société religieuse. Cependant, à force de persévérance, les plébéiens parvinrent à triompher de ces théories qui, déjà ébranlées par le plébiscite de Canuleius (444), reçurent le coup de grâce des lois Liciniae Sextiae (367). Puisque les plébéiens pouvaient être consuls et prendre les auspices au nom de l'État, il n'y avait plus de raison pour les exclure du collége des Augures. Il y eut même une raison péremptoire de les y admettre depuis que la loi Publilia (339) eut soumis les comices plébéiens à la formalité préalable des auspices "'. A cette époque de foi, le collége des Augures ne pouvait rester, sans danger pour les libertés plébéiennes, aux mains trop habiles des patriciens. La loi Ogulnia 43 l'ouvrit à la plèbe en même temps que celui des Pontifes. II° période. De la loi Ogulnia à la loi Domitia (300-104). La loi Ogulnia renfermait deux dispositions bien distinctes : elle décidait premièrement, que le nombre des augures serait porté à neuf, et en second lieu, que cinq places seraient désormais réservées aux plébéiens, lesquels pouvaient prétendre encore, concurremment avec les patriciens, aux quatre autres siéges. Les plébéiens devenaient par le fait de véritables privilégiés. Cependant ils paraissent avoir laissé aux patriciens les quatre siéges non réservés. La loi Ogulnia ne toucha point à la cooptation, et à partir de cette époque, les textes nous permettent de suivre et de classer les actes nécessaires à l'admission d'un augure, c'est-à-dire, la nomination, la cooptation proprement dite, et l'inauguration 49. Le candidat était nommé ou présenté par un membre du collége qui garantissait par serment les aptitudes du récipiendaire 50, puis coopté par le collége 5t et finalement inauguré par un de ses collègues. Celui-ci devenait son père spirituel (parentis loeo "1 .Le caractère sacerdotal ainsi conféré était indélébile". Le banquet donné par le nouvel élu à ses collègues (cena auguralis a.ditialis 56), était le complément ordinaire de ces formalités, sans être lui-même, que nous sachions, une formalité indispensable. La liberté du collége n'était limitée en cette occasion que par la seconde disposition de la loi Ogulnia et la règle, applicable à tous les corps sacerdotaux institués par l'État, qui défendait d'y admettre deux membres de la même gens G5. On ne trouve point de loi ou de coutume fixant un minimum d'âge. Les préoccupations politiques, les abus qui avaient provoqué la loi Ogulnia, les succès remportés par les plébéiens sur des théories qui se proclamaient inflexibles, ne purent que diminuer le prestige des augures et la foi dans les auspices. Les augures n'étaient sans doute pas les moins sceptiques, mais ce scepticisme même, en leur enlevant tout scrupule, rendait plus irrésistible la tentation d'abuser de l'augurat et d'en faire un instrument de parti. Aussi le peuple songea-t-il à supprimer la cooptation dans les grands colléges sacerdotaux, ou plutôt à la faire dépendre d'une élection préalable par les comices. Un premier projet de loi, présenté par le tribun C. Licinius Crassus (145), fut abandonné sur les représentations de l'augure C. Lulius 56. Mais, en 104, le tribun Cn. Domitius Ahenobarbusfitpasser une loi portant a que le peuple créerait les prêtres auparavant choisis par leurs collègues n. » La loi Domitia était adroitement calculée pour concilier le droit sacré avec les exigences démocratiques. Elle ne fit qu'insérer l'élection populaire entre la nomination et la cooptation. Le collége présentait au peuples° plusieurs candidats recommandés (nommés) chacun par un ou deux membres au plust9, puis on convoquait les comices sacerdotaux (comitia sacerdotum80) qui étaient une réduction des comices par tribus, inventée depuis un siècle et demi environ pour l'élection du Pontifex ntaxlmus [PONTIFICES]. Pour qu'il fût bien entendu que l'autorité sacerdotale n'émanait pas du peuple, dix-sept tribus seulement sur trente-cinq, c'est-à-dire la minorité des citoyens, y prenaient part, et, comme pour laisser encore uneplace à l'intervention divine, le sort désignait les tribus votantes 6l Le candidat, élu à la majorité absolue, était ensuite coopté et inauguré dans la forme ordinaire, III° période. De la loi Domitia à la fin de la RepuNique. La loi Domitia, oeuvre du parti démocratique, fut abrogée par Sylla. Le tout-puissant dictateur lui substitua une loi (tex Cornelia de sacerdotiis) qui rendait aux grands colléges sacerdotaux leur autonomie 63, en même temps qu'elle augmentait le nombre de leurs membres. Cette dernière mesure, conséquence de l'agrandissement de la cité, où venaient d'entrer tous les Italiens, porta le nombre des augures de neuf à quinze ". Mais bientôt, la contre-réaction démocratique, dirigée par César, rétablit les élections sacerdotales par la loi Atia (63), due à l'initiative du tribun T. Atius Labiénus 64. Cette loi dépassa même les dispositions de la loi Domitia en assimilant presque complétement les comices sacerdotaux aux comices ordinaires. Il n'est pas probable qu'elle y ait fait entrer les trente-cinq tribus, comme on pourrait l'inférer d'un passage de Suétone u, mais, tandis que jusque-là ils étaient sans doute réunis toutes les fois qu'une vacance se produisait et présidés par le Pontifex maxime, elle leur assigna un rang fixe, entre les élections consulaires et les élections prétoriennes, et les fit présider par les consuls 86. La loi Julia de sacerdotiis 67 promulguée par César AUG 353 -AUG dictateur (46), loi d'ailleurs assez mal connue, compléta la loi Atia. Elle éleva le nombre des membres des grands colléges de quinze à seize, non compris la place que César, revêtu d'un sacerdoce universel, y occupait ou se réservait d'y occuper s", permit aux absents de poser leur candidature", et paraît avoir aboli la restriction qui défendait aux candidats de se faire proposer par plus de deux membres 70. Une fois dictateur perpétuel, César se mit au-dessus de ses propres lois, en nommant parfois directement aux sacerdoces". Telle était déjà la part de l'arbitraire lorsqu'Octave fonda définitivement la monarchie. IV° période. Le collége des Augures sous l'empire. Auguste, en réunissant pour toujours le souverain pontificat au principat (13 av. J.-C.), reconstitua l'ancienne royauté théocratique. Le collége des Augures, le premier en dignité après celui des Pontifes, ne dépendait guère que pour la forme de l'autorité pontificale, mais le prince n'avait pas attendu qu'on lui conférât le titre de Ponti/ëx Maximus pour toucher aux statuts des colléges. Dès l'an 36, il avait nommé Valerius Messala augure surnuméraire "°. En l'an 29, il reçut du peuple le droit de nommer des prêtres ordinaires (adlecti ad numerum) ou surnuméraires (supré numerum) en aussi grand nombre qu'il lui plairait n, et il fut admis que l'empereur, possédant la plénitude du sacerdoce, pouvait le déléguer à son gré''. Les colléges n'eurent donc plus d'autre règlement que la volonté du prince, et on y entrait de plusieurs manières, sauf par la voie usitée jusque-là, l'élection populaire, qui cessa probablement de fonctionner avant la suppression à peu près générale des comices par Tibère. Les candidats aux sacerdoces pouvaient être ou nommés par l'empereur, ou nommés par sénatus-consulte, ou choisis par les colléges eux-mêmes. Ces trois modes de promotion furent employés concurremment. Le prince nommait ses amis, ceux auquels il voulait faire honneur ou épargner toute autre démarche"; le sénat nommait d'ordinaire les membres de la famille impériale ou ceux que lui désignait le prince"; les colléges pourvoyaient plus ou moins librement aux autres places". Lorsque les empereurs devenus chrétiens se désintéressèrent de ces questions, les colléges, à la veille de leur dissolution, recouvrèrent à peu près toute leur liberté. Du reste, le collége des Augures, ayant perdu toute influence politique par la suppression des comices, put conserver plus d'indépendance que les colléges des Pontifes et des Quindécemvirs. Alexandre Sévère décida que les nominations sacerdotales faites par l'empereur seraient notifiées au sénat, qui conférerait une sorte de diplôme aux récipiendaires ". Dans tous les cas, les candidats nommés d'une manière quelconque étaient sans doute cooptés dans la forme ordinaire par leurs colléges respectifs. On comprend que, sous ce régime d'arbitraire, le nombre des siéges dut varier souvent dans chaque collége. Plutarque prétend que le collége des Augures bornait, encore de son temps, le nombre de ses membres au chiffre traditionnel i9, mais 1. il ne compte probablement pas les surnuméraires, car nous savons d'autre part qu'il y eut au moins vingt-huit décuries d'Augures eo A partir du temps de Dioclétien, l'histoire perd la trace des Augures. Arnobe, qui leur reproche d'assister aux jeux"', est le dernier écrivain qui parle d'eux; mais on trouve encore çà et là des noms d'Augures dans les inscriptions. A partir de Constantin, le collége put prévoir sa dissolution définitive. Une loi de 357 ordonna a à la science menteuse des augures et devins de se taire " ». Cette disposition visait uniquement les augures et devins privés, mais n'annonçait pas une grande bienveillance à l'égard des Augures publics. Le collége disparut en même temps que les autres corporations sacerdotales, avec la génération des Symmaque et des Prétextat, sous les fils de Théodose. Adnzlnistration du collége. Il n'a pas été question jusqu'ici de l'administration temporelle du collége des Augures. Ce que nous en savons se réduit à peu de chose. Les Augures n'avaient pas besoin d'un local spécial pour leurs conférences secrètes qui, dans le principe, avaient lieu régulièrement aux nones de chaque mois "3 ; car Cicéron semble indiquer que ces réunions se tenaient dans un temple (vraisemblablement au Capitole) ; mais il leur fallait au moins des scribes et des gardiens pour leurs archives. Aussi avaient-ils, comme les autres colléges. des publici (servi)" : on trouve aussi un monitor augurum "°, un viator augurum " et des calatores S7. Les pullarii avaient dû être les serviteurs des Augures avant de devenir en quelque sorte leurs suppléants ou leurs rivaux [PULLARII). Le collége pourvoyait à l'entretien de ce personnel avec le revenu de biens-fonds situés près du Capitole et à Véies ". Il avait ainsi une dotation analogue à celle des Pontifes, des Décemvirs, des Vestales et des Flamines. Immunités personnelles des Augures.Les Augures jouissaient, comme les autres prêtres, de quelques immunités insignifiantes "9 : à la fin de la République, une loi exempta leurs filles du sacerdoce, alors trèsredouté, de Vesta 90. L'indépendance des Augures, garantie par leur inamovibilité, était très-grande. Cependant, ils ne pouvaient refuser leur ministère soit aux magistrats, soit au Ponti fex maxintus pour les inaugurations sacerdotales. Le cas n'était même pas prévu et il fallut, pour qu'il se produisît, les rancunes mesquines des partis à la fin de la république. C'est du moins ce qu'on peut conjecturer d'un passage mutilé de Festus"t. L'Augure formaliste (App.) Claudius (Pulcher) aurait refusé d'inaugurer (le pontife?) P. Sulpicius (Galba) (vers '71 av. J.-C.), et le Pontlfex ;naximus Q. Caecilius Metellus Nus lui aurait infligé une amende. L'Augure en appela au peuple, qui probablement, comme il arrivait toujours en ces sortes d'affaires a, fit respecter l'autorité du grand Pontife, tout en ordonnant remise de la peine. C'est le même pontife qui, préoccupé de questions politiques, empiéta sur l'autorité théologique des Augures en décidant qu'on rie pourrait prendre les auspices passé 70 AUG 554 AUG le mois d'août°°. Ce décret pontifical était plus inquiétant pour les Augures qu'une mesure disciplinaire, car ce n'est ni dans l'organisation du collége, ni dans ses immunités, qu'il faut chercher le secret de son influence, mais dans le droit exclusif de conserver et d'élaborer la science traditionnelle des auspices, le droit augural. runs55, jus augurions 96, jus augurale 97.Les grands colléges sacerdotaux avaient, en général, un caractère plus politique que religieux, et de tous les colléges, le moins sacerdotal était celui des Augures. Les Augures n'étaient pas, à vrai dire, des prêtres, c'est-à-dire des hommes voués au service de cultes déterminés,maissimplementdescasuistes(periti93 prudentes 99), des « interprètes de Jupiter 150 n chargés de sauvegarder les règles de l'auspication (disciplinam tenento 101). Ils sont augures de par leur science, comme leurs confrères les augures privés, beaucoup plus que par leur admission dans le collége. C'est même ce motif qu'invoque Plutarque pour expliquer leur inamovibilité 103 Le droit augural était des plus complexes. Pour conserver cet ensemble de prescriptions auxquelles l'expérience de chaque jour ajoutait encore, la tradition orale ne suffisait pas. Aussi le collége a-t-il eu de bonne heure ses livres, désignés par les titres peu précis de libri augurum 103, libri augurales te'r mais dans lesquels il faut distinguer : 1° les rituels ou livres auguraux proprement dits (libri reconditi?15a), renfermant l'indication précise du cérémonial à observer, avec les formules à réciter dans les cas prévus; 2° les commentaires (commentarü augurum 106 commentarü augurales 197) ou recueil des décisions officielles (decreta augurum fn, qui d'âge en âge avaient éclairci et fixé la science augurale. Ces archives contenaient aussi l'histoire du collége et par là même bien des souvenirs de l'histoire romaine. Pendant longtemps elles restèrent inaccessibles aux profanes : l'art augural devait rester un mystère et les Augures s'engageaient, dit-on, par serment, à ne pas le révéler 109. Le secret, en admettant qu'il ait été d'obligation aussi étroite, ne pouvait être indéfiniment gardé. Il fallut rédiger, à l'usage des Augures improvisés, des guides ou manuels qui durent tomber bientôt dans le domaine public. C'est un de ces livres que Tib. Sempronius Gracchus avait emporté en Sardaigne, car il s'était aperçu en le lisant qu'il s'était rendu coupable d'une irrégularité dans la prise des auspices l'année précédente 110. Enfin les contemporains de Cicéron, augures, grammairiens, érudits de toute espèce, puisèrent dans les archives augurales la matière de traités spéciaux qui furent publiés sans que le collége s'y opposât. Nous ne savons si Caton l'Ancien, qui était du collége, traita de questions théologiques dans son discours De auguribus 111 niais les plus doctes des Augures, App. Claudius Pulcher i10, C. Claudius Marcellus 113, L. Julius Caesar 114, P. Servilius 11s M. Valerius Messala 116; d'autres encore, parmi lesquels Antistius Labeo 117 et Veranius 113, écrivirent de gros volumes sur la théorie et la pratique des auspices. Cicéron lui-même, à peine frotté de théologie, écrivit un traité De augurüs 119, et Varron consacra au collége des Augures le deuxième livre de ses Antiquités divines 140. La théologie augurale tomba ainsi dans le domaine public. Nous possédons encore une foule de mots techniques, d'archaïsmes et de définitions que les grammairiens lui ont empruntés. C'est avec ces débris et quelques passages des historiens que l'érudition moderne a tenté de reconstituer une vague esquisse du droit augural. 1. Templum 121, Pour bien comprendre les principes de la science augurale, il faut se rappeler qu'elle a eu pour premier et pour principal objet d'étude le vol des oiseaux. Or, on ne pouvait regarder comme matière à auspices tous les signes de cette nature, mais seulement ceux qui apparaissaient en un laps de temps donné, dans un espace donné. Le laps de temps court à partir du moment où l'impétrant a désigné par une formule spéciale (legum dictât 742) les signes qu'il attend, et où l'Augure, en déclarant qu'il y a silence (silentium 123), a reconnu que rien ne s'oppose à l'observation. Dans ce laps de temps on distingue un moment critique ou suprême (tempestus 121), probablement celui où l'observation va finir. L'espace donné est le On entend par templum 135 ° une portion de la voûte céleste comprise entre des limites idéales tracées par le bâton augural [LITuus], qui était pour les Augures ce qu'est l'équerre pour les arpenteurs; 20 la portion de surface terrestre qui lui correspond, celle-ci de figure semblable et limitée par des points de repère, ordinairement des arbres 128. Le temple romain, beaucoup plus simple que le temple étrusque, est orienté par deux lignes perpendiculaires (cardo-decumanus) qui se coupent au centre (decussis), au point où se place l'observateur, et dont les extrémités correspondent aux quatre points cardinaux. La ligne principale, qui ne paraît pas avoir été orientée de la même manière à toutes les époques et pour tous les auspices 127, détermine la droite et la gauche, l'observateur dirigeant son regard dans le plan vertical qui passe par cette ligne. Toutes les limites et divisions du temple devaient être tracées à angles droits et en prononçant certaines paroles sacramentelles (concepta verba), différentes AUG J5 AUG suivant les lieux, parce qu'on y énonçait les bornes du tracé (l'ami inca). Varron nous a conservé la formule usitée pour le temple ou auguraculum du Capitole 123. Tous les lieux ainsi inaugurés, à titre transitoire ou définitif, sont des temples. La tente dressée pour l'observateur et d'où celui-ci par une ouverture disposée ad hoc pouvait embrasser tout le champ du templum s'appelait le petit temple (templum minus 139) ; à la guerre le général utilisait à cet effet sa tente, qui s'appelait pour ce motif augurale n C'est là qu'à une heure matinale (après minuit et avant midi 131), l'impétrant, assis 132 sur un siége massif 133 contemplait, attendant les signes demandés ou auspices. II. Auspicia. D'après le rituel , l'impétrant désignait lui-même les signes qu'il espérait obtenir de Jupiter. Ces signes parlants (auguria) sont dits pour cette raison impetrativa ou impetrita. Mais il pouvait arriver que des signes inattendus, ordinairement défavorables par cela seul qu'ils étaient inattendus, s'offrissent d'eux-mêmes. Ceux-là s'appelaient oblativa 434. La superstition tendait à accroître le nombre des phénomènes à observer, surtout celui des phénomènes fortuits; mais les Augures, pour mieux préciser le droit augural, en éliminèrent bon nombre, même de ceux qui avaient été acceptés à l'origine 135, et n'en admirent plus que cinq espèces 136. Les signes contenus dans les quatre premières catégories peuvent être ou demandés ou fortuits ; ceux qui figurent dans la cinquième sont toujours fortuits et n'ont qu'une valeur négative. 1° Coelestia auspicia (azeguria). Les signes célestes, dans le sens propre du mot (servare coelum, de coelo, ex coelo, 137) sont l'éclair, le tonnerre, et sans doute aussi les autres phénomènes météorologiques 138. L'éclair par un ciel serein 135 est l'auspice par excellence (auspicium maximum"). I1 est favorable s'il est dirigé de gauche à droite, parce que la gauche de l'observateur répond à la droite de Jupiter, défavorable dans le sens contraire 141. Dans tous les cas, cet auspice spécial est valable pour toute la journée et pour tous les actes de la journée 1"2. L'éclair vu ou le tonnerre entendu pendant les comices est un signe fortuit défavorable, assimilé aux dirae (dont il est parlé ci-après), et suspend les comices pour toute la journée 16e. Le tonnerre, toujours moins favorable que l'éclair, parce qu'il ne se fait guère entendre par un ciel serein, est décidément défavorable pour les auspices demandés par un magistrat le jour de son entrée en charge 164. 2° Signa ex avibus. Les signes fournis par les oiseaux étaient primitivement, nous l'avons vu, l'objet propre de la science augurale ; mais l'extrême complication des règles qui les concernent, plus encore que la rareté des apparitions d'oiseaux dans les grandes villes, les a fait abandonner de bonne heure. Ils n'étaient plus guère interrogés au temps de Cicéron 14s Les Augures, par décisions insérées dans leurs commentaires, avaient dressé un catalogue des oiseaux observables (augurales aves 146) qui étaient peu nombreux relativement à la quantité de ceux qui étaient observés chez d'autres peuples1h7. Ceux-là étaient les seuls dont on demandât l'apparition ; mais tous les oiseaux indifféremment pouvaient donner des signes fortuits 148. Dans l'observation des oiseaux auguraux, il fallait tenir compte de l'espèce, et cela pour bien des raisons : 1° parce que de certains oiseaux, tels que le vautour, l'aigle, la buse, etc., on n'observait que le vol (alites): et de certains autres, tels que le corbeau, la corneille, le hibou, on n'observait que le cri (oscines) ; tandis qu'une troisième classe, où figurent le pivert et l'orfraie, donne des présages et par le vol et par le cri 1"; 2° parce que chaque espèce est consacrée à une divinité 150 aimée ou redoutée, et a par conséquent un caractère propice ou funeste à priori"' ; 3° parce que certains oiseaux n'ont de valeur que dans certains cas 152 ou pour certaines personnes aU3. S'agit-il d'alites? Il fallait prendre note de la direction de leur vol et du côté d'où ils viennent (aves sinistrae 154 alterne, adversae), de la hauteur à laquelle ils se tiennent (praepetes, inferae 155), de la façon dont ils volent 156, et de leur contenance 151. S'il s'agit d'oscines, outre les remarques sur la position et la contenance de l'oiseau, il fallait apprécier la fréquence, la force et surtout l'accent de son cri 158. Or, d'après Nigidius Figulus, une chouette, par exemple, n'a pas moins de neuf cris différents 169. Les casuistes avaient multiplié comme à plaisir les exceptions. Ainsi, le cri du corbeau était favorable venant de droite, tandis que c'était l'inverse pour le cri de la corneille ou du pivert iso C'est surtout, on le comprend, après ces observations ornithologiques qu'il était nécessaire de faire la récapitulation des présages observés, pour constater s'il y avait accord (consensio 161) Les augures romains ne paraissent pas avoir songé, comme les Étrusques [OIVINATIO, HARUSPICES], à lancer des oiseaux au lieu de les attendre. Ils ont aidé davantage la nature dans le mode suivant. 3° Auspicia ex tripudiis (pullaria). Les présages tirés de l'appétit des oiseaux, d'une espèce quelconque 1d2, ordinairement des poulets (auspicia pullaria tes), étaient au contraire des plus faciles à observer. Aussi étaient-ils à peu près les seuls auxquels on eût recours dans les camps '64 ; et à Rome même, bien qu'insuffisants pour les actes impor A UG 556 AUG tantsils devinrent d'un usage si général que les pullarii tendirent à remplacer les Augures auprès des magistrats, même lorsqu'au lieu d'observer les poulets, on observait le ciel 166 Le temple pouvait être tracé en un clin d'oeil sur le sol "7; les poulets, apportés dans des cages (fig. 631) te3 devant la tente où était assis l'observateur, étaient lâchés et 'on leur jetait à manger. On observait alors leurs allures et leur appétit. Le signe le plus favorable était le tripudium solistimum 188 qui se produisait lorsque le poulet laissait retomber de son bec, par trop de hâte, des bribes de la nourriture offerte : on arrivait facilement à ce résultat en faisant jeûner les poulets ou en leur donnant une pâtée très-friable 170. Il y avait une combinaison possible entre ces auspices et les précédents. Elle est indiquée par Virgile (aves pascentes volando 171), mais on ne peut affirmer qu'elle ait été prévue et interprétée par le droit augural. 4° Pedestria auspicia. L'observation des mouvements et attitudes des quadrupèdes et des reptiles 172, dans les limites d'un temple, était analogue à l'observation des oiseaux et sans doute aussi compliquée. Ces auspices, qui ne furent jamais très-employés, étaient tombés en désuétude au temps de Cicéron 173. Mais si on ne les demandait plus, ils pouvaient toujours se présenter à l'état de signes oblatifs 174. Tel était en particulier le juge auspicium, présage fâcheux qui se produisait lorsqu'une bête de somme fientait toute attelée et qu'on évitait en faisant dételer préalablement les animaux de trait 175. Mais lorsque les présages étaient, comme ce dernier, à la fois oblatifs et funestes, il devient bien difficile de les distinguer des signes négatifs dont il nous reste à parler. 5° Signa ex diris. Les signes appelés dirae jj8 (dei irae? 117) sont toujours fortuits et ont toujours un effet suspensif. S'ils surviennent pendant l'auspication, il faut suspendre l'acte avec lequel les Augures leur trouvent un rapport manifeste, ou s'en abstenir s'il n'est pas commencé. Au point de vue de la théorie théologique, il faut distinguer : 1° les signes qui se révèlent pendant l'auspication, et par conséquent dans le temple, et 2° les incidents plus irréguliers, plus voisins des prodiges, observés en dehors de l'auspication et du temple. 1° Tout ce qui empêche l'accomplissement rigoureux des formalités de l'auspication compte parmi les dirae. Ainsi la règle du silence est violée par : La chute d'un objet quelconque (caduca auspicia 1i8) dans le temple,par exemple d'un bâton qu'on laisse tomber. Un bruit quelconque (dirae obstrepentes 179); par exemple le craquement du siége de l'auspiciant 180, le cri ou le travail d'une souris 181 ; une incongruité bruyante de quelque assistant 183; peut-être, la nuit, le vent qui soufflerait la lampe de l'Augure 183, etc. L'efficacité intrinsèque des formules du rituel était annulée par : Le bégaiement de l'auspiciant ou une omission quel conque 186. 2° En dehors de l'auspication et du temple, les magistrats, au moment de procéder à quelque acte public, étaient exposés àrencontrer des contre-indications: ils pouvaient se heurter le pied contre un obstacle 185, ou voir des oiseaux de mauvais augure (dirae oves tes) Autant de signes prohibitifs, salutaires s'ils étaient écoutés, funestes s'ils étaient méprisés 187. Un cas d'épilepsie (morbus comitialis) survenant pendant les comices, les suspendait de droit '". L'analogie étendit et dénatura le sens propre du mot dirae employé comme épithète. Les mille riens qui pouvaient inquiéter des esprits superstitieux, en particulier les accidents qui compromettaient la valeur d'un sacrifice, accidents prévus et jugés par l'haruspicine et la théologie pontificale, purent être qualifiés de la sorte 189 et passer même pour des auspices 190, mais ces abus de langage qui, à partir du siècle d'Auguste, firent entrer dans la langue courante une foule d'expressions théologiques 18', ne doivent pas nous tromper sur les limites de la compétence augurale, limites qu'il faut maintenir sous peine de tomber dans une inextricable confusion. Cependant, même en éliminant les signes négatifs ignorés du droit augural, les dirae étaient encore en assez grand nombre pour qu'il fût difficile d'y échapper. Mais les Augures avaient prévu le danger. Ces signes n'avaient de valeur qu'autant que l'au spiciant déclarait les avoir personnellement remarqués 19°. Comme on le voit, même réduit à sa plus simple expression, le droit augural était une science des plus épineuses. Les décisions concernant la valeur absolue et relative des divers auspices aux mains des divers magistrats, leur usage, la durée de leur effet, n'étaient pas moins nombreuses; mais, comme elles touchent de plus près le domaine politique, il en sera parlé ailleurs [AUSPICIA]. Il nous reste maintenant à passer en revue les diverses fonctions que l'application régulière des principes du droit augural a dévolues au collége des Augures. FONCTIONS DES AUGURES. Les Augures, on l'a dit plus haut, n'étaient pas des prêtres dans le sens propre du mot, et les auteurs anciens ont déjà remarqué ce que leur situation avait, sous ce rapport, d'exceptionnel 183. Ils AUG 557 -AUG n'ont rien à voir avec les sACRA,qui sont placés sous la surveillance des Pontifes, et n'ont point de sacrifices à offrir pour le peuple romain. Le sacrifice mystérieux qu'ils célébraient dans l'auguraculum du Capitole f9' n'était pas public; c'était sans doute une cérémonie par laquelle ils ouvraient leurs conférences mensuelles , tenues également à huis clos (voyez plus haut). Ils restèrent donc les dépositaires de la divination nationale, qui ne se confondit jamais ni avec l'haruspieine étrusque, ni avec la mantique grecque, représentée à Rome par les livres Sibyllins. Aussi, tandis que les autres colléges ont pour insignes des instruments de sacrifice, le SIMPULUM (Pontifes), la PATERA (Épulons), le TRIPUS (Quindécemvirs), l'insigne distinctif des Augures est le bâton sans noeuds recourbé en forme de trompe [LlTuus] 19' avec lequel ils traçaient le temple. Cet instrument était en usage de temps immémorial, comme l'attestait le lituus de Romulus conservé dans la curie des Saliens 196. Les Augures portaient la PRAETEXTA sacerdotale 197 comme les autres prêtres ; c'est avec ces insignes qu'ils apparaissent sur les monuments figurés (fig. 632, 633) 198. Servius leur attribue la toge courte [TRABEA] avec bandes de pourpre et d'écarlate 29s. S'il ne se trompe pas, il faut admettre que les Augures portaient ce vêtement en campagne, comme assistants des généraux, ce qui ne leur arrivait guère [PuLLARII] , ou encore dans certaines occasions, en souve nirde Romulus, car Fig.633. Monnaie de Q. Cornufila toge longue ne eius. datait que de Tullus Hostilius 290. Les fonctions assez nombreuses des Augures dérivent toutes de leur mission première, le devoir d'assister les magistrats dans l'auspication. 1. Les Augures assistants des magistrats. Les rois, en instituant des Augures publics, n'avaient pas entendu se dessaisir d'une portion quelconque de leur autorité. L'assistance de ces auxiliaires n'était pas nécessaire à la validité des auspices. Les magistrats, héritiers des rois, étaient aussi indépendants en théorie; mais, comme ils n'avaient plus le caractère sacerdotal des rois et que la courte durée de leur charge ne leur permettait pas de se familiariser avec le maniement des auspices, comme d'autre part le collége des Augures était devenu plus influent et l'art augural plus difficile, ils se laissèrent imposer par 191 Paul. p. 46, s. v. amatit. 795 Cic. Divin. 1, 17 ; Gell. V, 8 ; Schol. ad Rot. Od. II, 1, 18; T. Liv. I, 18; Apul. Apolog. p. 442 Oudendorp; Serv. Aen. VI1, 787; Maur. VI, 8, 5, et les monuments figurés pour lesquels nous renvoyons au mot arrues. La trompette de cavalerie appelée lituus avait à peu près la même forme. Voy. A. Gell. 1. c., qui propose une étymologie arbitraire (1,iyyn, 2.'715). 99 Cie. Divin. I, 17.-197 Cic. Pro Sest. 69; Att. II, 9; cf. Ad faut. Il, 16.-098 Bas-relief du musée de Florence, n.236 du Catalogue (1877); Mongez et Wicar. Gal. de Fl. t. IV. La monnaie appartient à Quintus Cornuficius,et fut frappée lorsqu'il était gouverneur d'Afrique, après la mort de Jules César. Elle le représente en Augure, couronné par Junon Sospita ; Cohen, Néd. consul. pl. xv, Cornuficia 3; voy. sur les médailles ou est représenté le lituus, Mommsen, Hem. Afilnzw. p. 635, 641. 199 Serv. Aen. VII, 188, 190, 612. 209 Pliu. IX, 39, 63. 29, Cic. Divin. II, 34. 204 Cie. Leg. II, 12 ; Plat. II, 32. 203 Cie. Phil. II, 3:. en Cie. Leg.11, 8, 12; III, 4; Pltil. 11, 32. 202 Liv. X, 40. 4 ; Divin.11,35 ; Tib. Gracchus était encore magistrat en 163, puisqu'il avait l'imperium proconsulaire, et, du reste, une enquête avait déjà été ouverte pour le même fait la coutume l'assistance des théologiens. Le collége déléguait donc un de ses membres pour diriger l'auspication (in auspieio esse, in auspiciûm adhiberi) et veiller à ce qu'il ne se produisît point d'irrégularité. Voici les questions et réponses qui s'échangeaient entre l'auspiciant et l'Augure assistant. L'exemple est pris d'une auspication ex tripudiis, mais la formule devait se retrouver, convenablement modifiée, dans les autres modes. D. Q. Fabius (N"'), je veux que tu me sois en auspice,R. J'ai entendu. D. Avertis-moi, dès que tu trouveras qu'il y a silence. u. Je trouve qu'il y a silence. D. Diemoi s'ils (les poulets) mangent. R. Ils mangent 201 Lors des comices, l'Augure restait aux côtés du magistrat président, prêt à signaler les avertissements négatifs qui nécessiteraient la remise à un autre jour. Il avait le droit, le cas échéant, de prononcer la remise par la formule « aie die 102 » et le magistrat devait obéir à cette injonction (nuntiatio P03) sous peine d'encourir l'excommunication religieuse, la consécration do la tête (capital este E01). De son côté, l'Augure commettait un péché semblable s'il n'agissait pas selon sa conscience 40a. Lorsque, soit pendant l'auspication, soit pendant les comices, une contre-indication ou irrégularité quelconque a été négligée et que le magistrat, non averti ou désobéissant, a passé outre, les auspices sont viciés et les actes qu'ils ont garantis sont. entachés de nullité (irrita infectaque sunto Y06). Ce n'est plus à l'Augure assistant, mais au collége tout entier qu'il appartient de décider s'il y a vitium: et le collége ne peut délibérer que s'il a été régulièrement saisi de la question (rein referre, de ferre ad collegiumY07) par un magistrat ou par le sénat. Si le collége avait eu le droit d'initiative en pareille matière, comme on a voulu l'inférer de quelques exemples peu concluants 208, il eût été le maître de la république [AOSPICIA], parce que, à défaut de la loi, la foi d'abord, la coutume ensuite, imposaient le respect de ses décisions. On vit les citoyens refuser même le service militaire à un consul désobéissant (468) 209. II. Les Augures assistants du Pontifex Maximus dans les inaugurations et exaugurations personnelles. L'assistance des augures, facultative pour les magistrats, était obligatoire dans l'inauguration, c'est-à-dire la collation, ou plutôt la ratification par les auspices, d'un caractère religieux attribué soit aux personnes soit aux choses. Les rois n'étaient reconnus pour tels qu'après inauguration Y10. Après la chute de la royauté, il n'y eut plus d'autres inaugurations personnelles que celles des prêtres. Tous les prêtres "J devaient être inaugurés : cette cérémo nie est mentionnée notamment pour le Rex Sacrorum 412 les Flamines 413, les SaliensP15, les Vestales E15, les Pontifes s16, et les Augures eux-mêmes 417. L'inauguration avait lieu par le Sénat, et pouvait être considérée comme toujours pendante. Pour l'affaire de l'an 44, Cicéron (Ad Fam. X, 12) dit bien que le collége avait approuvé au préalable une objection des pullarii, mais ce n'étaitlà qu'une consultation extra-officielle dont le sénat se contente précisément parce qu'elle fait prévoir quel serait le décret du collége après une enquête officielle (V. contra., Th. Mommsen, Bdm. Staatsr. 1, p. 38). 209 Liv. XLV, 12. 410 Liv. 1, 18. M. Mommsen (Hem. Staatsreeht.Il, r, p. 8) sou tient, avec beaucoup de vraisemblance, que l'inauguration des rois n'était autre chose que leur première prise d'auspices. 411 Dion. II, 22 ; Cic. Leg. II, 8. Assertion ré voquée en doute par M. Mommsen (Op. cit. II, r, p. 301. 414 Liv. XXVII, 36 ; XL, 42 ; XLV, 15 ; Gains, I, 130 ; Ulp. Tit. X, 5. 411 Capitol. Ani. Phil. 4. Il est impossible d'admettre, comme le ferait croire le teste, que les Saliens s'inauguraient eux-mêmes. 215 M. Mommsen (Op. cil. p. 31) n'admet pour les Vestales d'autre inauguration que la . captio . par le Pontife; mais il est certain d'autre part que le caractère sacer dotal leur était enlevé par exauguration. Gell. VI, 7 ; Fest. p. 241, s. v. Probrum. AUG 558 AUG sur le Capitole 418, dans les comices calates, en présence du collége des Pontifes 219 dont le président, le Pontifex maximus, était, seul avec les magistrats, investi du droit d'auspices [PONTIFICrs].Le concours d'un Augure suffisait L'inauguration conférant un caractère permanent, il fallait exaugurer les prêtres qui déposaient leur sacerdoce. Le cas se présentait trèssouvent pour les Flammes, quelquefois pour les Vestales et pouvait se produire pour tous prêtres autres que le souverain Pontife, les Augures, le Rex et les Arvales, seuls inamovibles. L'analogie indique que l'assistance d'un Augure était aussi nécessaire pour cette cérémonie que pour l'inauguration. Aussi nous avons vu plus haut que le souverain Pontife pouvait récla mer d'autorité cette assistance. III. Rôle des Augures dans l'inauguration et l'exauguration des temples. L'inauguration des lieux et édifices publics, plus importante encore par ses conséquences que l'inauguration des personnes, exigeait à plus forte raison la présence des Augures. L'auspiciant était sans doute en pareil cas un magistrat, ordinaire ou extraordinaire. Les lieux inaugurés gardaient jusqu à exauguration le caractère de temples (templa, iota tesca). Une ville, au point de vue théologique, peut être assimilée à un grand temple. Son enceinte est la limite des auspicia urbana. Cette enceinte sacrée [t'osoealuâ ne pouvait être tracée ou déplacée sans l'intervention de l'art augural. Le pomoeriuoo romain avait été tracé par le grand roi-augure, et ceux qui le reculèrent, Servius Tullius, Sylla, Auguste, Claude, Néron, Trajan, Hadrien, Aurélien, réclamèrent le concours du collége des Augures 421. Nous possédons encore quelques débris de la precatio augurais prononcée dans cette circonstance 424. Dans l'intérieur de Rome étaient inaugurés tous les édifices portant le nom de temples (dans le sens restreint du mot), y compris la Curie et les Rostres : hors des murs, le Champ de Mars, pour la tenue des comices centuriates, et les lieux découverts (vinea, vineta, virgeta 423) où les généraux pouvaient aller prendre les auspices de guerre et qui servaient aussi peut-être aux Augures privés 244. Les temples deviennent ainsi des lieux libres et définis (libera et effata 22'), c'està-dire délivrés de toute servitude antérieure et indiqués pour les actes où les auspices sont en jeu. Les Augures conservaient le droit de surveiller ces lieux et de protester contre tout changement qui irait contre le but de l'inauguration 246. On les vit par exemple faire démolir une maison sur le Coelius, sous prétexte qu'elle nuisait à l'observation des auspices E27, et ils auraient pu traiter de la même manière même des édifices publics 828. Les effets de l'inauguration étaient, comme pour les personnes, annulés par l'exauguration 229 Les lieux publics seuls pouvaient être inaugurés, et le droit augural n'avait pas prévu tout d'abord qu'il fût question de tracer des temples hors de Rome, ou même hors de son territoire. Cependant, dès l'an 460, des consuls songent à faire inaugurer un lieu pour les comices, près du lac Régille, sur le territoire de Tusculum, et mandent à cet effet les Augures 239 : plus tard, les généraux trop éloignés de Rome eurent le droit de reprendre les auspices là où ils se trouvaient 231. Sans doute le sol étranger pouvait être considéré comme romain et public par cela seul qu'il était occupé effectivement, mais la conversion de ce sol en temple romain devait être d'autant plus laborieuse qu'il était plus éloigné d'être propriété romaine. Cette question était aussi délicate pour les Augures que celle de la consécration, dans les mêmes circonstances, pour les Pontifes 23z. Aussi croyons-nous qu'il faut rapporter aux études faites par les Augures pour la résoudre, la division des territoires mentionnée par Varron 233. « Il y a, dit-il, comme l'ensei« gnent nos Augures publics, cinq espèces de sols: le sol « romain, le sol de Gabies, le sol étranger (peregrinus), le « sol ennemi (hosticus), et le sol indéterminé (incertus). » Le cérémonial ordinaire de l'inauguration et de l'auspication devait être modifié partout ailleurs que sur le sol romain et gabien. La compétence des Augures en matière d'inauguration explique leur intervention dans la fondation des colonies. Les lois de l'orientation augurale qui présidaient au tracé des camps, étaient à plus forte raison applicables à ce camp perpétuel qu'on appelait une colonie. La tyrannie de l'angle droit réglait la division des lots limités par des lignes parallèles aux deux axes perpendiculaires du templum. Chaque lot devenait par là un petit temple privé, propre à l'observation des auspices privés. Les Augures furent ainsi les premiers arpenteurs, mais ils se hâtèrent d'abandonner ce métier aux ingénieurs de profession [AGRIMENSORES7, qui remplacèrent le lituus par la groma [GROMA] 13s IV. Partlelpation des Augures aux solennités religieuses. Les Augures ne prenaient qu'une part indirecte aux solennités religieuses. Leur rôle se bornait à déterminer un jour favorable pour certaines fêtes mobiles, telles que la prière annuelle à la déesse Salus [AUGURIUM SALUTIS](235) et le sacrifice des chiens roux à Robigo (augurium canar mm pour la conservation des moissons [ROBIGALIA]. Si les observations faites par les Augures étaient de véritables auspices, l'auspiciant était sans doute le grand Pontife. Cette induction est d'autant plus vraisemblable que la réglementation des fêtes mobiles en général appartenait aux Pontifes, et que, notamment pour 1'augurium canarium, ces derniers avaient fixé dans leurs commentaires les limites extrêmes du délai dans lequel il devait être célébré. C'est là toute la part que les Augures prenaient au culte, car les textes qui parlent d'invocations faites par les Augures aux dieux Mânes, aux dieux supérieurs et inférieurs 437, font allusion non pas à des cérémonies particulières, mais aux formules du rituel augural. De même les prières où se trouvent les divers noms du Tibre et de ses affluents se rapportent sans doute à la pratique des euspicia peremnia [AUSPICIA]. Si imparfaitement que nous le connaissions, le collége des Augures nous montre bien les tendances et les lacunes AUG 559 AUG de l'esprit romain. Tandis que les Chaldéens et les Grecs étaient arrivés par la superstition à la science, les Augures ne cherchèrent jamais au ciel que des avertissements ou des prétextes et tracèrent des temples pendant des siècles sans devenir des géomètres. AUGURES MUNICIPALES 238. L'habitude d'observer les animaux pour trouver dans leurs allures des marques de la volonté divine était, nous l'avons dit, familière aux peuples italiques. On sait que l'art augural était pratiqué par les Ombriens, les Sabins, les Marses, les Latins, et on peut supposer qu'il en était de même chez les peuples de langue osque 239Gabies, colonie d'Albe, était un foyer de science théologique, et Rome paraît lui avoir emprunté bon nombre de coutumes, entre autres, la pratique de l'art augural. Les Hirpi Sorani, ou thaumaturges du mont Soracte, s'étaient fait dans cette branche de divination une réputation telle que leur nom (augur Soranus500) était passé en proverbe. Les Marses passaient pour une nation de sorciers issue de Circé 241, et le nom d'augure Marse devint, ou peut s'en faut, synonyme de charlatan 242. A Rome même, la confrérie sabine des Sodales Titii conservait encore l'auguralion sabine, 243 Nous ignorons ce qu'était l'auguration sabine, mais le temps a sauvé quelque chose de l'art augural ombrien, vanté par Cicéron 244. Les tables de bronze d'Iguvium 24s nous ont conservé des fragments du rituel augural en usage dans cette cité ombrienne entre le Ive siècle av. J.-C., date probable assignée à la première Table, et le Ire siècle av. J.-C., où la critique place la rédaction de la sixième Table, qui développe et complète les prescriptions de la première. Ces prescriptions sont relatives à une lustration officielle (comparable à l'AMBURBIUM romain) du territoire d'Iguvium, et en particulier de la colline Fisienne, observatoire augural de la cité, dont le temple paraît avoir été déterminé et tracé à nouveau dans chaque lustration. Après avoir pris les auspices sur le lieu même (dans l'ancien temple), le magistrat officiant purifie le sol et procède au tracé du nouveau temple. Les instructions du rituel s'adressent à l'augure qui assiste l'arsfertur ou auspiciant. «Commence la cérémonie par l'observation des oiseaux, « l'épervier et la corneille à droite, le pic et la pie à gau« che. Assis sur la borne, dis à l'auspiciant de stipuler « qu'il observe l'épervier à droite, la corneille à droite, le pic « à gauche, la pie à gauche, les oiseaux volants de gauche « et les oiseaux chantants de gauche étant favorables. « Que l'auspiciant stipule ainsi : Je les observe, l'éper« vier à droite, la corneille à droite, le pic à gauche, la « pie à gauche, les oiseaux volants de gauche et les oiseaux « chantants de gauche étant favorables pour moi, pour le « peuple Iguvien, dans ce temple déterminé. « Quand celui qui va observer les oiseaux chantants ((l'augure ?) aura pris position, qu'on ne fasse aucun bruit, que rien ne tombe, et que celui qui observe ne se « retourne pas. S'il se fait quelque bruit ou si quelque « chose tombe, le jour est défavorable. a Dès que l'auspiciant a récité la formule pour la purifi« cation de la colline (Fisienne), alors qu'il (l'augure) 1i« mite le temple depuis l'angle inférieur qui est près de « l'Autel-Divin jusqu'à l'angle supérieur qui est près des « Pierres-aux-Oisillons (?), et de l'angle supérieur, près « des Pierres-aux-Oisillons jusqu'à la borne urbaine (li« mite du territoire de la cité?) : de l'angle inférieur, près « de l'Autel-Divin jusqu'à (l'autre?) borne urbaine, et en« tre les bornes urbaines, qu'il observe. n Suit un passage inexpliqué, probablement l'énumération des lieux que traversent les lignes idéales du temple. « En deçà des limites ci-dessus spécifiées, qu'il (l'au« gare) observe l'épervier à droite, la corneille à droite ; « au delà de ces limites, le pic à gauche, la pie à gauche. « Lorsque les oiseaux auront favorablement chanté, que, « restant assis sur la borne, il constate. « Interpellant par son nom l'auspiciant : (N" dira-t-il), « je vois l'épervier à droite, la corneille à droite, le pic à gauche, la pie à gauche, les oiseaux volants de gauche, « les oiseaux chantants de gauche étant favorables pour toi, « pour le peuple Iguvien, dans ce temple déterminé 246 „ Le même mode d'auguration est prescrit derechef un peu plus loin 247 Entre ce rite et le rite romain les analogies sont frappantes, mais nous connaissons trop peu l'un et l'autre pour établir une comparaison raisonnée. A. travers les incertitudes de la traduction, on voit bien qu'ici, comme à Rome, l'augure qui n'est pas désigné par son titre joue auprès du magistrat le rôle d'auxiliaire. C'est le magistrat qui propose à la divinité la stipulation préalable (legum dictai), contenant l'indication des signes favorables (ceux de gauche) et, comme contre-épreuve, des oiseaux qui sont, par exception, favorables venant de droite. La distinction entre les alites et les oscines se retrouve également. La différence des deux rites paraît s'accuser surtout dans le tracé du temple ; car il semble qu'à Iguvium le temple soit orienté par des diagonales (d'un « angle » à l'autre), tandis que le rite romain, bien connu par l'application qui en était faite au tracé des camps et à la division du territoire des colonies, orientait le temple par des axes symétriques, parallèles aux côtés 2''$. Le mode d'observation « en deçà » et « au delà » des limites spécifiées ne peut encore être expliqué que par des hypothèses 249. La pratique de la divination augurale était donc un usage traditionnel en Italie, et les villes italiennes devenues colonies et municipes romains n'eurent pas à rompre avec leurs habitudes pour modeler leurs institutions religieuses sur celles de la métropole. Sans l'exemple de Rome, elles n'eussent peut-être pas eu de Pontifes, mais elles n'auraient pas manqué d'Augures, privés et publics. Les Romains, qui concédaient chez eux à une confrérie le rite sabin, durent à plus forte raison respecter les usages locaux dans les municipes. A Patavium, les augures AUG 560 AUG se mettaient une couronne sur la tête pour observer les oiseaux ; du moins, c'est dans cet appareil que Plutarque nous montre l'augure padouan C. Cornelius qui, consultant les auspices le jour de la bataille de Pharsale, an nonça à ses concitoyens incrédules la victoire de César'Les augures municipaux étaient, comme ceux de Rome, constitués en colléges et avaient leur part de la dotation en biens-fonds attribuée au culte lors de la fondation des colonies 251 Pour eux aussi, le mode de promotion dut éprouver les mêmes variations qu'à Rome, du moins sous l'empire, nous voyons qu'ils étaient nommés par les décurions 262. Il y avait aussi, comme à Rome, des places de faveur don nées à titre purement honorifique "33. A. BOUCAi;-LECLERCQ.