ACROPOLIS ('Azpdaoatç). A l'origine des civilisations, les villes furent généralement fondées sur des hauteurs plus ou moins escarpées ; elles étaient ainsi plus faciles à défendre. Quand la sécurité devint plus grande et que la population, en s'agglomérant et se multipliant, se fut étendue hors de l'enceinte qui couronnait originairement la hauteur, le nom de rré,ts, affecté d'abord à la ville primitive ', fit place à celui de «xpdo:o)it„ haute ville, c'est-àdire la partie la plus élevée de la ville, par opposition à celle qui se trouvait dans la plaine, au bord de la mer ou sur les flancs de la hauteur (5tdvo)ats). L'acropole, berceau de la ville, resta la citadelle, l'endroit fortifié, le refuge où l'on
devait se maintenir malgré les invasions, où se retiraient les prêtres et les magistrats au moment du danger; ce fut aussi l'enceinte qui devait protéger les temples des divinités tutélaires, le trésor 2 et tout ce qu'une ville avait de plus précieux et de plus sacré.
On voit, par cette définition, que le nombre des acropoles devait être très-grand, presque égal à celui des villes d'origine ancienne; on désigne pourtant plus particulièrement par ce nom l'acropole d'Athènes, la plus belle, la plus riche en monuments de toute sorte, celle à laquelle se rattachent le plus de souvenirs et de traditions, en un mot l'acropole par excellence Elle est aussi, heureusement, restée la plus complète.
Fortifiées naturellement, les acropoles n'avaient le plus souvent qu'un besoin partiel du secours de l'art; une muraille suivait le bord de l'éminence dans ses contours plus ou moins irréguliers, et la partie accessible, l'entrée, seule, était parfois protégée par des tours.
Dans un grand nombre d'acropoles, on constate encore aujourd'hui qu'une partie ou même l'ensemble des murs appartient aux constructions dites pélasgiques ; plusieurs offrent aussi des galeries d'une structure analogue. Les anciens attribuaient ces constructions aux Cyclopes ce qui montre de quelle époque reculée dataient déjà pour eux ces premiers centres de civilisation. Les acropoles de Mycènes et de Tirynthe, dont nous voyons encore les restes, étaient déjà détruites au ve siècle avant JésusChrist. A côté des ruines des temples, des autels et des ouvrages de fortification, on trouve, dans certaines acropoles, des abris, tels que les galeries dont il vient d'être parlé; des citernes et des silos, comme à Rhamnus, à Sunium, à Argos, à Ferenlino, etc.; des sépultures comme à Troie; des inscriptions, des monuments honorifiques, des objets d'art, des offrandes, peintures, statues ou bas-reliefs, comme à Athènes.
Avant de décrire l'acropole d'Athènes, qui présente le type le plus parfait, le plus complet et le mieux conservé, nous allons énumérer brièvement les principales acropoles de la Grèce, de la Sicile, de l'Asie Mineure et de la partie centrale de l'Italie, dont il reste encore des vestiges plus ou moins importants, en renvoyant aux ouvrages qui les font connaître en détail.
Les acropoles de la Grèce dont on a pu retrouver des vestiges sont nombreuses. Nous citerons d'abord Lycosure, en Arcadie ; suivant Pausanias a, elle passait pour la plus ancienne cité que le soleil eût vu construire et celle à l'exemple de laquelle les hommes ont appris à bath des villes. De son temps, les murs de Lycosure ne renfermaient déjà plus qu'un petit nombre d'habitants. Découverte par Dodwell sur le rnont Lycée dessinée par W. Gell 7, cette acropole a été mesurée par Blouet En Arcadie se trouvent aussi les acropoles de Mantinée e, de
Gortys 10, de Phigalie d'Aléa 1", de Stymphalus 13 et d'Orchomène 14. Au sujet de cette dernière, qui existait déjà du temps d'Homère, Pausanias écrivait au ne siècle après JésusChrist : n L'ancienne Orchomène était sur le sommet de la montagne où il reste encore des ruines des murs et de la place publique. La ville actuelle est au-dessous de l'ancienne enceinte. n
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On retrouve dans l'Argolide les acropoles de Tirynthe ", d'Argos 16, de Mycènes 17, et celle de Corinthe Ia, ou Acrocorinthe, dont le nom antique, AxpoxéptvOoq (haute Corinthe), confirme le sens que nous avons donné, en commençant cet article, au mot acropolis. Tirynthe et Mycènes, dont parle Homère, nous offrent encore aujourd'hui à peu près les mêmes ruines que Pausanias a décrites. Ces acropoles appartiennent, comme celle d'Argos, à l'état de civilisation primitif des Grecs. A Argos, la citadelle s'appelait Larissa, nom qui appartient à beaucoup de villes d'origine ancienne, et qui paraît avoir été le nom commun des acropoles pélasgiques n. Pausanias vit sur son sommet le temple de Jupiter Larisséen et un temple de Minerve. On n'y voit plus aujourd'hui que quatre belles citernes antiques, taillées dans le roc et revêtues de ciment. En montant à l'Acrocorinthe on rencontrait, d'après la description de Pausanias, plusieurs enceintes dédiées à Isis et à Sérapis, des autels au Soleil, à la Force et à la Nécessité, un temple des Parques, un autre de Junon; enfin on trouvait au sommet le temple de Vénus, derrière lequel était une fontaine. De tout cela il ne reste aujourd'hui que quelques blocs pélasgiques, quelques colonnes et la fontaine antique.
En Messénie existent encore les acropoles d'Ira n, de Cyparissia 21, de Pylos 92, de Messène 23. Celle-ci était sur le mont Ithome, au pied duquel s'étaient développées la ville et son immense enceinte, que Pausanias admire, en la cornparant aux enceintes de Babylone et de Suze et en la déclarant plus forte que les murailles d'Ambryssa en Phocide, de Byzance et de Rhodes qui passaient pour les villes les mieux fortifiées.
La Laconie conserve quelques restes de l'acropole de Sparte G4. Pausanias nous dit que « la citadelle de Lacédémone n'était pas une colline remarquable par sa hauteur, comme la Cadmée des Thébains et la Larisse des Argiens. Mais il y a dans la ville, ajoute-t-il, plusieurs collines, et la plus élevée porte le nom d'acropoles. On y voit, dit-il, le temple de Minerve, un autre temple de Minerve Ergané, un portique, le temple de Jupiter Cosmètus, un temple dédié aux Muses, etc. » Il est difficile aujourd'hui de trouver les traces de tous ces édifices et même de reconnaître positivement la place qu'occupait l'acropole.
En Triphylie, nous pouvons citer l'acropole de Samieum 2', dont les fortifications offrent une grande analogie avec celles de Tirynthe, et l'acropole de Lépreurn n.
Si nous sortons du Péloponèse, nous trouvons dans l'Attique les acropoles de Sunium u, que couronne encore le temple de Minerve Suniade ; de Rhamnus 23, dont les murailles de marbre renferment plusieurs puits taillés dans le roc et de nombreuses ruines d'édifices, et celle d'Éleu
tbères 29, sur les confins de la Béotie. L'acropole d'Athènes comme nous avons dit, mérite une description toute spéciale. La Béotie possède l'acropole de Thèbes ", appelée la Cadmée, du nom de Cadmos son fondateur, celle de Lébadée 31, celle d'Orchomène des Myniens 32, ruinée au Ive siècle avant Jésus-Christ et celle de Chéronée 33. Au temps de Pausanias, le nom de Thèbes était déjà restreint à la citadelle seule et à un petit nombre d'habitants. La Phocide nous montre aussi deux acropoles, celle d'Élatée 34 et celle d'Ambryssa 35. Enfin, si nous remontons jusqu'à l'extrémité occidentale de la Grèce propre, nous pourrons citer encore les acropoles de Limnaea 3a et de Palaeros n. La première offre un exemple curieux et bien conservé de longs murs (axé'àr;) reliant une acropole au rivage de la mer et à une ville maritime.
Parmi les acropoles remontant aux âges antéhistoriques nous indiquerons celles de la partie centrale de l'Italie, où dut séjourner un peuple d'origine pélasgique, auquel ont succédé les Èques, les Herniques, les Volsques, etc. Ce sont les acropoles de Norba n, de Cora 39, d'Atina 40, d'Arpinurn 01, de Signia 42 de Ferentinumd'Alatri 4' ', de Tusculum "i5 et de Pratneste 46. La plupart de ces villes ont conservé leurs murailles pélasgiques presque entières. Dans les unes l'acropole est seulement reliée à ces murailles, qu'elle domine; dans les autres, elle forme une seconde enceinte, une citadelle intérieure. Nous citerons encore, en Italie, quelques acropoles étrusques, celle de Veïes n qui tint en échec pendant dix ans Camille et les Romains; il n'en reste plus guère aujourd'hui que l'emplacement sur la colline de l'Isola Farnèse ; et celle de Fiesole u, aux portes de Florence, qui a conservé ses anciens murs; les restes de l'acropole subsistent sons un couvent de Franciscains.
La Sicile, où pénétrèrent également les Pélasges et où se fixèrent plus tard de nombreuses colonies grecques, avait aussi un sol montueux propre à la construction des acropoles. Nous y trouvons les acropoles d 'Agrigente 49, de Sélinonte 50, où subsistent les restes de trois temples, de Tauromenium 51 et de Cephalaedis 5 qui montre encore des restes importants de constructions pélasgiques.
Nous indiquerons en Afrique une seule acropole, celle de Carthage. Elle forma la ville primitive fondée par les Phéniciens, on l'appelait Byrsa ; autour d'elle l'immense ville se développa, les quartiers s'élevèrent et les ports furent creusés. Depuis longtemps les ruines mêmes de la rivale de Rome avaient disparu, les études et les fouilles de M. Beulé, faites en 1859 et 1860, nous les ont fait connaître et nous en ont montré la topographie, appuyée sur les textes des auteurs anciens ".
L'Asie Mineure contient un grand nombre d'acropoles
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appartenant à différents âges et à différentes civilisations. Nous citerons en Bithynie l'acropole de Nicomédie u, dont on peut encore admirer les belles murailles helléniques, celle de Prusa (adOlynspum)65, et celle de Cius 68, dont les murailles, de construction polygonale ou pélasgique, sont remarquables. La Mysie nous offre l'acropole de Cyzique 67 et celle d'Assos 88, une des plus intéressantes par sa disposition, par la construction de ses murs, partie en appareil polygonal, partie à assises régulières, remarquable aussi par son état de conservation et par le curieux temple dorique dont les bas-reliefs ont été transportés au Musée du Louvre. L'acropole de Pergame 69, également en Mysie, mérite aussi d'être signalée particulièrement. La capitale de l'antique Maeonie, Tantalis 80, détruite très-anciennement par un tremblement de terre, nous offre encore sur le mont Sipyle une acropole très-intéressante. L'Ionie possède l'acropole de Smyrne 61, sur le mont Pagus, et celle de Priène n. La Lydie n'a conservé que les restes de l'acropole de Sardes 6g. Dans la Carie nous pouvons indiquer les acropoles de Cnide 64 et d'Halicarnasse 6J. La Lycie nous montre celles de Telmissus 66 et d'Antiphellus 67, et la Pamphylie celle de Perga u. Si nous quittons le littoral pour l'intérieur de la grande presqu'île, nous signalerons en Phrygie l'acropole de Kotiaïon u; en Galatie, celle de Pessinunte 70, et en Cappadoce celle de Ptérium u, l'ancienne capitale de la Ptérie, détruite par Crésus. On voit en effet, dans l'enceinte de cette dernière ville, plusieurs acropoles établies sur des rochers isolés : leurs murailles, comme celles qui forment l'enceinte, sont presque entièrement d'appareil polygonal ou pélasgique, et l'on y remarque plusieurs galeries souterraines, très-longues, tout à fait semblables à celles de Tirynthe et de Délos. Le royaume de Pont nous montre aussi, à Amasia 72, une acropole dont les restes, de construction hellénique, sont d'une admirable exécution.
Les îles de la mer Égée possèdent aussi plusieurs acropoles. Nous indiquerons celle de Mitylène 73, dans l'île de Lesbos ; celles de Samothrace 74, de Patmos "5, de Samos", et enfin celle de Délos 77, au sommet du mont Cynthus. Celle-ci contient une galerie couverte, disposée et construite comme les galeries de Tirynthe. Ses murs d'enceinte en granit, à assises régulières, renferment encore des vestiges d'édifices en marbre.
Il nous reste à parler de ce merveilleux rocher qui fut le berceau de la vieille Athènes et de sa religion, et qui devint le digne piédestal des plus nobles et des plus parfaits monuments que les hommes aient construits. Escarpé de toutes parts, sauf à l'occident, il offre un plateau de forme allongée, assez irrégulière, de 300 mètres environ sur 450. Sa hauteur au-dessus de la plaine est de 50 mètres environ.
C'est là qu'une colonie fut, dit-on, conduite par Cécrops, qui donna son nom à la ville naissante 78. Plus tard, Thésée réunit les bourgades qui s'étaient groupées autour de Cécropie (KExpoefa) et forme la cité 19, qui prend alors le nom de sa divinité protectrice, Athénè. Une colonie de Pélasges vient ensuite, environ un siècle après la guerre de Troie ; chassée de la Béotie, elle est accueillie dans l'Attique S0. Ces Pélasges qui fortifient l'acropole, jusqu'alors enclose seulement d'une palissade 31, l'entourent de murs formés de quartiers de roche et nivellent le plateau supérieur. Ils défendent le côté occidental, seul accessible, par une série de murailles percées de neuf portes (de là les
Expulsés peu après d'Athènes, leur souvenir s'y conserve, et Pausanias, douze siècles plus tard, nous parle d'un quartier qui porte encore leur nom sous le mur septentrional de la citadelle; il cite même les noms d'Agrolas et d'Hyperbius qui avaient dirigé leurs travaux u. Nous décrirons plus loin les vestiges de ces imposantes murailles qui ont subsisté jusqu'à nos jours.
Au y' siècle avant Jésus-Christ, Xerxès s'empare d'Athènes u, dévaste l'acropole et brûle les temples, pour la plupart élevés ou déjà reconstruits par Pisistrate et ses fils. Ainsi s'achève la première période historique de l'acropole.
Après sa victoire à Salamine, Thémistocle rebâtit en hâte le mur du nord, il y emploie les colonnes et l'entablement du vieux Parthénon, détruit par les Perses flI; ainsi exposés à tous les yeux, ils doivent raviver sans cesse la haine des Athéniens contre les Barbares. Cimon, avec plus de soin et de temps, réédifie le mur du sud, dont nous pouvons encore apprécier le bel appareil et la parfaite exécution, en même temps que le bastion carré qui le fortifie à l'ouest et que les Athéniens appelaient b 7c4yoq 86. Le temple de la VictoireAptère, placé au-dessus de ce bastion et qui domine encore aujourd'hui, sorti de ses ruines, l'entrée de l'acropole, est du même temps ou un peu postérieur 87. Périclès enfin, aidé d'Ictinus, de Callicrates et de Phidias, reconstruit un Parthénon plus plu', plus grand, plus beau que celui qu'avait renversé Xerxès; avec Mnésiclès il substitue à l'Ennéapyle ces magnifiques Propylées et ce majestueux escalier, digne entrée d'un pareil sanctuaire, dont les débris seront toujours un objet d'étude et d'admiration. Il dut élever aussi des tours en pierre qui, semblables à celles de Mycènes, défendaient l'entrée principale, et dont M. Beulé, par ses heureuses fouilles, nous a rendu les restes 88
Les siècles suivants continuent d'enrichir à l'envi l'acropole, devenue une citadelle intérieure depuis que des murailles ont entouré la ville nouvelle et l'ont reliée au port du Pirée par les longs murs (cx€),A, yaxpà TEf/YI). C'est le temple d'Éreehthée où l'ornementation et l'élégance de l'ordre
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ionique atteignent le suprême degré; ce sont des statues, des groupes, des inscriptions, des offrandes de toute sorte et en nombre infini, qui viennent orner et enrichir encore cette enceinte déjà si riche et si belle.
Avec la conquête romaine commence la troisième période de l'acropole, celle de la décadence et de la destruction, période qui s'est continuée presque, jusqu'à nos jours. Sylla fait démanteler la ville et l'entrée de la citadelle; cependant il arrête le pillage, « voulant, dit-il, accorder aux morts la gràce des vivants 89. » Athènes, où les Romains venaient dans leur jeunesse étudier les arts et les lettres, fut longtemps épargnée par eux. Sous Auguste l'acropole voit s'élever un de ces temples, si nombreux alors, dédiés à la déesse Rome et à César-Auguste 90; celui-ci était circulaire. Devant les Propylées un piédestal colossal, disproportionné, est érigé pour recevoir la statue d'Agrippa 91. Néron, le premier, fit dépouiller l'acropole d'une partie de ses statues, après avoir enlevé celles de Delphes et d'Olympie, pour orner son vaste palais, la Maison Dorée. Il ne parvient pas cependant à l'appauvrir, car, plus tard, Strabon et Pausanias y retrouvent encore, comme nous le verrons plus loin, les statues les plus belles et les plus célèbres et renoncent à décrire, tant elles sont nombreuses, toutes les merveilles de l'acropole. Ce qu'elles devinrent, nous l'ignorons; transportées à Constantinople, elles furent probablement détruites par les Barbares ou par les chrétiens. Sous Valérien, la terreur causée par les premières invasions fit relever à la hâte les murs de l'acropole. Alaric, à la tête de ses Goths, franchissant les Propylées pour piller les trésors de l'enceinte sacrée, fut arrêté, dit-on, par l'effroi que lui causa la Minerve colossale, dite Athénè Promachos, oeuvre de Phidias 99.
Au vna siècle, le Parthénon, l'Érechthéion sont transformés en églises byzantines et plus ou moins défigurés. Au temps des croisades, les ducs d'Athènes établissent leur demeure dans les Propylées et font élever sur l'aile droite la tour féodale qui subsiste encore(fig. 73). Sous les Turcs, arrivés en vainqueurs, un aga succède dans les Propylées aux ducs d'Athènes, le Parthénon devient une mosquée, l'Érechthéion un harem, le temple de la Victoire-Aptère est renversé pour faire place à une batterie de canons et l'acropole reprend l'aspect d'une petite ville en se couvrant de masures turques. Son entrée disparaît sous un énorme bastion qui ensevelit les tours et les murailles antiques 93. En 1656, malheur irréparable ! un dépôt de poudre fait explosion par accident et détruit une partie des Propylées. Peu après, en 1674, arrivent d'Occident les premiers voyageurs qui nous laissent sur l'acropole des documents sérieux. C'est le rnarquis de Nointel, ambassadeur de France à Constantinople, accompagné du peintre Jacques Carrey, élève de Lebrun; ils s'arrêtent à Athènes, et Carrey dessine pendant deux mois toutes les sculptures du Parthénon : dessins précieux aujourd'hui, malgré leur imperfection de style, puisqu'ils reproduisent des chefsd'oeuvre en partie disparus B4. Notre ambassadeur est suivi, en 1676, par Spon et Wheeler, l'un Anglais, l'autre Français, qui nous ont laissé une relation du plus grand intérêt, car ils ont pu voir encore les Propylées surmontés de frontons et le Parthénon presque intact. En 1687, les Vénitiens, maîtres de lia Morée, viennent assiéger Athènes
et l'acropole; ils s'en emparent, et une de leurs bombes fait éclater une poudrière contenue dans le Parthénon. Ce
lui-ci est éventré, coupé en deux et les condottieri s'en partagent les plus beaux fragments. Des morceaux de sculpture provenant des frontons sont emportés jusqu'en Danemark. Ainsi, en peu d'années, tous ces monuments, ces oeuvres parfaites des plus grands artistes grecs, debout encore après tant de siècles et auxquels était réservé un long avenir, sont défigurés et mutilés.
Nous renvoyons aux ouvrages indiqués à la bibliographie pour toute l'histoire de l'acropole au moyen âge et dans les temps modernes, aussi bien que pour les études et les restaurations entreprises depuis l'ouvrage de Stuart et Revett, les Antiquités d'Athènes, publié de 1750 à 1755, source unique pendant longtemps des études sur l'architecture grecque, jusqu'aux travaux plus sérieux et plus complets des architectes pensionnaires de l'Académie de France, qui se sont succédé à l'acropole depuis 1846, et en ont dessiné les monuments avec un soin religieux. Ces travaux sont conservés dans la bibliothèque de l'École des Beaux-Arts.
Nous allons maintenant réunir les renseignements que fournissent sur les monuments de l'acropole les auteurs anciens, et à l'aide de la Description de la Grèce par Pausanias, écrite au II` siècle après Jésus-Christ, essayer de nous la représenter telle qu'elle était au temps de sa splendeur, C'est l'itinéraire même indiqué par le voyageur que nous allons suivre.
Après avoir visité la ville presque entière, Pausanias 95 quitte le théâtre de Bacchus, situé sous l'acropole, au sudest (A, voyez le plan fig. 74), et arrive à la citadelle en longeant le pied des rochers, au bas de la muraille du sud. Il aperçoit sur cette muraille l'Égide d'or, avec la tête de Méduse, offrande d'Antiochus 99. Au-dessus du théâtre, dans les rochers qui forment la base du mur (B), s'ouvre une
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grotte que décore le monument choragique de Thrasyllus97, et des colonnes s'élèvent portant aussi des trépieds choragiques. Ces colonnes existent encore.
Il laisse à sa gauche le théâtre construit par Hérode Atticus (C). Diverses sépultures se succèdent ensuite, puis il rencontre les temples d'Esculape et d'Apollon, celui de la Terre nourricière (l" xoupozptpo);), et celui de Cérès ver
doyante (d)oo( p -AMI.)). On a voulu voir ces deux derniers sanctuaires dans les niches qui se trouvent sous la terrasse du temple de la Victoire (D); mais cette opinion a été justement combattue °8. Ces deux temples, d'après les termes employés par Pausanias, devaient être en dehors de l'enceinte. Dès qu'il l'a franchie, sans nous parler du magnifique escalier qu'il dut gravir pour arriver aux Propylées,
notre guide est frappé de la grandeur et de la beauté de cet édifice, supérieur, dit-il, à tout autre du même genre. Ici se présentent des statues de cavaliers qu'il croit représenter les fils de Xénophon 99, puis à droite s'élève le temple de la Victoire-Aptère (D), et auprès une statue d'Hécate, oeuvre d'Alcamène 100. Pénétrant dans le majestueux vestibule, il nous indique, à gauche des Propylées, une salle contenant des peintures, en partie déjà détruites par le temps et qu'il décrit; il attribue deux d'entre elles à Polygnote. Le vestibule dépassé, un groupe des Grâces et un Mercure, surnommé Propylée, s'offrent à sa vue; ils sont, lui dit-on, de Socrate le philosophe"' ; plus loin, c'est la lionne en bronze érigée par les Athéniens pour rappeler le nom et l'héroïsme de la courtisane Lesnna 'ot, et plusieurs statues, qu'il décrit, laissant de côté, comme il a soin de nous en avertir, les moins importantes. Cependant il convient de nommer, d'après d'autres témoignages 103, la Minerve porte-clef, de Phidias. Voici ensuite la pierre sur laquelle Silène s'assit quand
1.
Bacchus vint dans l'Attique, et la statue de Minerve Hygiée 10`, dont le piédestal au moins nous est resté. A l'entrée du péribole de Diane Brauronia (K), une statue d'enfant, en bronze, tenant le vase d'eau lustrale 1l1, et une statue de Persée i06, oeuvres de Myron, frappent d'abord les yeux. La statue de la déesse, placée dans le temple, est de Praxitèle. Entre autres oeuvres remarquables il faut citer ici le cheval Darien d'où sortent les Grecs qui vont saccager Troie, ouvrage en bronze de Strongylion 1°7 plus loin, vers l'enceinte de Minerve Ergané (L), se trouvent Minerve et Marsyas 108, le combat de Thésée et du Minotaure, et en avançant vers le Parthénon, la Terre implorant Jupiter pour qu'il lui envoie la pluie, d'autres groupes et statues, parmi lesquels Minerve faisant paraître l'olivier et Neptune un flot de la mer, et enfin l'image que Léocharès avait faite de Jupiter protecteur de l'acropole (ZEÛç ao)tEUç)103
Le Parthénon (M) tto occupe peu de place dans la description de Pausanias. Il parle du fronton principal, représentant la naissance de Minerve, du fronton postérieur où est figu
C
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rée la dispute de Minerve et de Neptune ; il décrit dans l'intérieur de la cella la fameuse statue chryséléphantine, chef-d'oeuvre de Phidias, et son piédestal 111 Mais c'est là tout, et, en tournant la tête, il ne trouve guère plus à contempler que le portrait de l'empereur Adrien et celui d'Iphicrates 112. A sa sortie, il cite une statue en bronze d'Apollon Parnopius, attribuée à Phidias, et d'autres statues;
puis il arrive près du mur du Midi (N),où se dressent une série de statues, plus petites que nature, représentant la guerre des Géants, le combat des Amazones, la bataille de Marathon et la défaite des Gaulois en Mysie. Toutes ces sculptures, dominant le théâtre de Bacchus, furent données et dédiées par Attale, roi de Pergame 118
L'Érechthéion (P) attire enfin notre voyageur. Il nous si
gnale au-devant de l'entrée l'autel de Jupiter Très-haut 114 (Zeirç éltatioc); dans l'intérieur, plusieurs autels, celui de Neptune, sur lequel on sacrifie à Érechthée 116, celui du héros Butès, premier prêtre de Minerve et de Neptune, et celui de Vulcain. Sur les parois sont des peintures représentant des membres de la famille de Butès, où le sacerdoce était devenu héréditaire "°. Il voit ensuite à l'un des angles intérieurs du portique précédant l'entrée du Pandrosion, le puits d'eau marine, et les trous dans lesquels on reconnaissait l'empreinte du trident de Neptune 117. Dans le temple de Minerve Poliade reposait le PALLADIUM, statue de Minerve, en bois d'olivier, tombée du ciel Ef8; au milieu de la cella brûle nuit et jour la lampe d'or, oeuvre de Callimaque, dont il suffit de renouveler l'huile une fois par an 919. Là encore se voyaient un Mercure en bois, don de Cécrops, le siége pliant attribué à Dédale, les dépouilles des Mèdes, recueillies à Platée i20 l'olivier sacré, planté par Minerve, et qui, brûlé par les Perses, repoussa le jour même de deux pieds "1 11 était dans l'enceinte consacrée à Pandrose. Pausanias ajoute que ce sanctuaire était contigu à celui de Minerve, sans autre explication sur la disposition de ce groupe d'édifices dont le plan savant et compliqué a tant occupé la critique moderne 122
En parcourant le péribole on remarquait parmi d'autres objets la statue de Démétrius, le portrait de Lysimachè, prêtresse de Minerve no, de grandes statues de bronze qui représentaient le combat d'Eu molpe et d'Ereehthée, plusieurs statues très-anciennes de Minerve, en bronze, retrouvées après l'incendie de Xerxès, encore noircies par la fumée et deve
nues fragiles; enfin le groupe de Thésée sacrifiant le taureau de Marathon.
En commençant son :i8' chapitre Pausanias semble sortir de l'enceinte de Minerve Poliade; il nous montre la statue en bronze de Cylon et la statue colossale, également en bronze, de Minerve Promachos, oeuvre de Phidias, dîme du butin conquis à Marathon offerte à la déesse par les Athéniens Szc. Du cap Sunium les navigateurs apercevaient la pointe de sa lance et le cimier de son casque. Cette statue est représentée dominant le Parthénon (fig. '76 et 77)
sur des bronzes d'Athènes, de l'époque impériale. Il reste encore des vestiges de son piédestal (Q). Près de là était le quadrige en bronze, provenant de la rançon des Chalcidiens et des Béotiens, offert à Minerve par les Athéniens victorieux. Hérodote 125 nous dit aussi qu'on voyait ce quadrige à gauche, après avoir franchi les Propylées.
Périclès devait avoir sa place dans l'acropole; sa statue s'y trouvait, voisine de celle de la Minerve Lemnienne, offrande des habitants de Lemnos, l'oeuvre de Phidias la plus digne d'être vue 136. Là s'arrête l'exploration de Pausanias : il descend de la citadelle, non jusqu'à la ville basse,
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mais après avoir traversé les Propylées il se détourne du côté des Longs Rochers (Moixpcd), vers le nord, et descend par un escalier jusqu'à la fontaine Clepsydre (G') 187 auprès de laquelle il rencontre une grotte consacrée à Apollon 128 et à Pan129 (H), également représentée sur les bronzes d'Athènes, dont on voit ici le dessin (fig. 76 et 77). On y remarque même le dieu Pan, assis dans la grotte et jouant de la flûte. Puis il quitte l'acropole et se dirige vers la colline de l'Aréopage. Entré par le sud, à l'extrémité occidentale de l'acropole, Pausanias sort donc sur la face nord de cette même extrémité, par l'escalier de Pan.
11 ne nous reste plus maintenant qu'à décrire ce qui subsiste aujourd'hui de tant d'admirables édifices ; c'est ce que nous allons faire en reprenant le chemin que nous avons suivi avec Pausanias. Nous verrons ainsi divers points négligés par le périégète et que le temps et les hommes ont épargnés, nous en verrons d'autres que les fouilles nous ont rendus et qu'il a lui-même ignorés.
En effet, en pénétrant dans l'enceinte(fig. 73) nous retrouvons au pied de la terrasse qui porte le temple de la Victoire Aptère, sur le roc mis à nu, le sentier qui pendant des siècles conduisit les populations primitives jusqu'à l'antique Cécropie ; les pas des animaux ont creusé leur trace dans le dur rocher, comme dans les chemins de montagne. Tout cela, au temps de Périclès, était recouvert de marbre, comme le palier, encore existant en partie, qui divisait en deux le grand escalier montant aux Propylées. En descendant de ce point vers la partie inférieure, voici, dans l'axe même, les restes d'un mur pélasgique, dérasé suivant la pente de l'escalier et qui sans doute a fait partie de l'Ennéapyle. Au bas de la pente se retrouve, sur le rocher, la trace des marches de ce grand escalier qui occupait toute la largeur des Propylées; des degrés en marbre sont encore en place. Deux tours, de belle construction grecque, contemporaines très-probablement de Périclès, sont là, parfaitement rattachées à l'axe et au parallélisme des Propylées ; l'entrée qu'elles protégeaient fut détruite par les soldats de Sylla ; nous la voyons telle qu'elle fut rétablie, avec des fragments d'autres édifices, sous la menace des invasions barbares, à l'époque de Valérien. Toute cette partie si intéressante de l'acropole est due aux heureuses fouilles exécutées sous la direction de M. Beulé en 4853.
Si nous revenons au large palier qui divisait le grand escalier, nous retrouvons à notre gauche la fontaine Clepsydre, aujourd'hui souterraine, et les traces de l'escalier qui conduisait à la grotte de Pan. Le gigantesque piédestal qui portait la statue d'A grippa (G) est là aussi, légèrement soulevé et dévié de sa verticale par l'explosion de la mine et par le choc des boulets. Devant nous, dans le milieu de la partie supérieure de l'escalier, se trouvent les restes en marbre du chemin en pente douce, strié, qui permettait aux animaux destinés aux sacrifices de gravir jusqu'au plateau de l'acropole. Sur la gauche serpente le sentier pélasgique, taillé dans le rocher et qui va se perdre à droite sous la terrasse où se dresse le petit temple de la Victoire Aptère relevé de ses ruines.
A l'ouest de cette terrasse se trouve un mur de construction pélasgique, dirigé obliquement, et dont les blocs, d'assez grand appareil, furent tirés du rocher même de l'a
cropole. A ce mur se rattachent des constructions postérieures, sans doute contemporaines des Pisistrates et que Mnésiclès a laissées subsister, en tant qu'elles ne gênaient point l'établissement de ses Propylées.
Si nous entrons sous le vestibule, nous voyons les colonnes ioniques intérieures en grande partie ruinées, il ne reste en place que la base et une partie des fûts; plusieurs colonnes doriques sur les façades sont encore entières et couronnées de leurs chapiteaux. Ce vaste portique, aujourd'hui transformé en musée découvert, se relie à celui de l'aile gauche, de proportion moindre, et qui sert de vestibule à une salle éclairée par deux petites fenêtres et qu'on a appelée la Pinacothèque. Les chapiteaux d'ante de ces fenêtres ont conservé presque intacts leurs ornements peints. L'aile droite, non tout à fait symétrique de la précédente, a été englobée en grande partie, au moyen âge, dans la construction de la tour féodale. Cette haute tour, construite tout entière en blocs de marbre provenant des édifices, doit recéler dans ses murailles de nombreux fragments d'architecture, de sculpture, et probablement aussi des inscriptions.
Au fond du vestibule des Propylées s'ouvrent cinq portes, encore intactes et de grandeurs différentes. Sous la grande porte principale passe le chemin que suivaient les victimes destinées aux sacrifices; par les autres portes, après avoir franchi cinq degrés, on arrive sous le portique intérieur : on est dans l'acropole. Les colonnes sont debout, mais les colossales architraves gisent sur le sol.
Entre le mur nord du grand vestibule et le mur ouest de la Pinacothèque (H') une grande salle exista, ou au moins fut projetée, car les Propylées ne furent pas complétement terminés. En effet, on retrouve sur ces deux murs, mais à une plus grande hauteur, un bandeau dont le profil est semblable à celui qui, dans la Pinacothèque, a dû soutenir le plafond ; de plus, sur le mur Nord la pente du toit de cette salle est indiquée 170. C'est sur cet emplacement que fut démolie, il y a peu d'années, la chapelle byzantine des ducs d'Athènes. Dans cette salle dont nous parlons étaient peutêtre les peintures de Polygnote décrites par Pausanias, et placées suivant lui dans une salle située à gauche des Propylées. Il semble que ces peintures auraient été très-mal éclairées dans celle qu'on appelle aujourd'hui la Pinacothèque; celle-ci (F) conviendrait mieux pour y placer la Chalcothèque, dont une inscription récemment retrouvée a fait connaître l'existence, et qui paraît avoir servi de dépôt pour les objets divers employés aux pompes des Panathénées 1"1.
Les Propylées étant franchis, voici sur la droite les piédestaux de plusieurs des statues citées par Pausanias, les traces des stèles nombreuses, jadis incrustées ou scellées au rocher; voici le mur de soutènement (I) du péribole (K) de Diane Brauronia. Ce péribole est littéralement couvert de blocs et de débris de marbre dont la plupart appartiennent aux Propylées. Vient ensuite une autre enceinte (L) que l'on attribue à Minerve Ergané et qui confine par des degrés taillés dans le roc à celle du Parthénon 1"2.
Sur la route qui nous conduit à ce dernier sanctuaire (M) devaient s'élever des pyramides sur lesquelles étaient gravés les noms des peuples tributaires d'Athènes, et dont on a retrouvé de très-nombreux fragments.
Du temple de Minerve, coupé en deux par l'explosion, les
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frontons ont à peu près disparu ; des colonnes de l'opisthodome et de la cella il ne reste que les traces retrouvées par M. Paccard. Malgré ces ravages, un volume suffirait à peine à l'étude dés perfections encore appréciables dans ce qui subsiste aujourd'hui du Parthénon d'Ictinus et de Phidias.
Le sol qui l'environne, surtout vers le sud, est couvert de grands blocs projetés, entassés par l'explosion. Au-dessous d'eux le sol est formé par d'énormes tambours, à l'état brut, destinés aux colonnes de l'édifice et mis au rebut pour quelque défaut; au-dessous encore vient une couche d'éclats de marbre, résultant du travail des ouvriers pendant la construction de l'édifice. Enfin, les fouilles ont fait retrouver une troisième couche formée des débris de l'ancien Parthénon et d'autres édifices brûlés et détruits par les Perses. Ce sont des fragments de chéneaux en terre cuite peinte, des cendres, des charbons, mêlés à des débris de vases, de statuettes, et à des morceaux de plomb, de bronze, etc. Tous ces objets sont conservés dans les casemates de l'acropole et dans des baraques en bois, qui seront prochainement remplacées, nous l'espérons, par un musée plus digne de cos précieux fragments.
Des sculptures offertes par Attale, il ne reste pas trace, non plus que des stylobates qui ont dû les porter.
En nous dirigeant versl'Érechthéion nous ne rencontrerons guère que les fragments hors-oeuvre du temple circulaire de Rome et d'Auguste (0). Du temple d'Erechthée et de Minerve Poliade (P), chef-d'ceeuvre de gràce, d'élégance et de richesse, il ne reste guère que les murs et les portiques. Sa transformation en église, en harem, les ravages de lord Elgin et ceux des tremblements de terre ont fait disparaître les distributions intérieures et même une partie des points d'appui extérieurs. On reconnaît encore une partie du péribole et dans cette enceinte s'ouvre la fissure du rocher, communiquant à la grotte d'Agraule, par laquelle les Perses s'introduisirent dans l'acropole Ici ont été retrouvés, en partie, les bas-reliefs qui se détachaient sur la frise en marbre noir d'Eleusis, du portique nord, et des stèles précieuses qui nous ont fait connaître les comptes des dépenses faites pour l'achèvement du temple, les sommes consacrées à la sculpture, à la peinture et à la dorure de ses différentes parties.
Enfin, si nous revenons vers les Propylées, nous observerons les vestiges du piédestal de la Minerve Promachos (Q) et sur le rocher en pente, les stries transversales qui démontrent que le roc ne fut jamais, sur le plateau, recouvert d'un dallae. Nous pourrons ensuite, comme Pausanias, quitter l'acropole, n'ayant, comme lui aussi, qu'esquissé le long et difficile travail qu'exigerait une description complète d'un tel lieu, unique au monde.
Nous avons été puissamment aidé dans cette étude par l'ouvrage si complet publié par M. Boulé en 1854. Nous renvoyons à ces consciencieuses recherches et aux autres ouvrages mentionnés dans la bibliographie de cet article les personnes qui désireraient plus de détails sur l'acropole
ACROTERIUM(Axpm'r'iptov), acrotère.Ce mot, dans son acception la plus générale, signifie l'extrémité ou le sommet d'un corps ou d'un objet quelconque 1 : ainsi les extrémités du corps humain, les ailes d'une statue, la proue d'un navire ou l'éperon dont il est armé, la cime d'une montagne, un cap ou promontoire, les créneaux d'une muraille, le faîte et les amortissements d'un édifice.
Vitruve s'en sert d'une manière plus spéciale 2 pour désigner les socles qui, disposés aux extrémités et au sommet d'un fronton, servaient de supports horizontaux à des vases, à des trépieds, à des sphinx, à des aigles ou à des tritons, à des statues, à des Victoires, à des groupes et même à des quadriges. Il prescrit les proportions qu'ils doivent avoir et donne aux acrotères des angles (acroteria angularia) la hauteur du milieu du tympan, et à celui du sommet (medianum) un huitième de cette hauteur en plus. La même dénomination fut souvent appliquée à l'ensemble du socle et de l'objet porté par lui. Plutarque nomme acrotère (âxpmtilptov) la surélévation décorative que le sénat fit placer, comme marque d'honneur, sur la maison de César 3. La nature de cette surélévation ne nous est pas autrement connue.
Les Grecs sont les inventeurs de l'acrotère; ce rappel heureux de la ligne horizontale, qui semble donner aux angles du fronton plus de stabilité, devait être inventé par eux. Cependant, beaucoup de temples grecs en sont dépourvus. Nous les trouvons au Parthénon au temple de la Victoire Aptère 5, au temple de Némésis à Rhamnus 3, au temple de Diane à Eleusis 7 et au portique de l'Agora d'Athènes, que nous reproduisons (fig. 78) t.
Au temple d'l gine on a retrouvé non-seulement les socles, mais encore des fragments des sphinx ou des griffons qui étaient placés aux angles et le fleuron flanqué de deux
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petites figures de femmes drapées, qui couronnaient la raissent en reproduire la disposition extérieure. Ces tom
pointe du fronton. La figure 79 montre ce fleuron et ces beaux sont surmontés de frontons accompagnés d'acrotères (fig. 81).
Les Romains ont employé les acrotères avec plus de profusion que les Grecs ; il n'est guère de médaille romaine
représentant des monuments où l'on ne voie le couronnement des édifices, le fronton des temples chargés de palmettes, de statues, de groupes, etc. Nous donnons ici comme exemples un grand bronze de Caligula (fig. 82) et un autre (fig. 83) de Faustine la jeune 11
deux statuettes, tels qu'ils furent dessinés au moment de Leur découverte 9. Le beau fleuron triangulaire qui couronne encore le monument choragique de Lysicrate, à Athènes, est aussi un acrotère (fig. 80); ce fleuron servait
de support à un trépied 10. 11 existait aussi des acrotères sur un grand nombre d édifices disparus, mais qui nous sont rappelés par les auteurs. Pausanias nous décrit un temple d'Esculape, à Titané, où l'on voyait la statue d'Hercule sur le fronton et des Victoires aux deux angles 11 ; il nous dit qu'au temple de Jupiter, à Olympie, il y avait un vase doré sur chacun des angles du fronton, et sur le sommet une Victoire, également dorée, au-dessous de laquelle était représentée, sur un bouclier d'or, la Gorgone Méduse 19.
Il n'existe plus de temples étrusques, mais on peut imaginer quelle était la décoration des frontons de ces temples, d'après des tombeaux qui subsistent à Norchia t8 et qui pa
Les textes aussi nous démontrent l'existence très-fréquente, sur les monuments romains, d'acrotères, indispensables pour faire porter sur les pentes des frontons des objets quelconques. Pline nous parle de statues placées sur le fronton (in fastigio) du temple d'Apollon 15; d'un char à quatre chevaux, avec Apollon Palatin et Diane, d'un seul bloc, placé dans un édicule orné de colonnes, sur un arc dédié par Auguste à son père Octave 10; du temple de Jupiter Capitolin dont le fronton était surmonté d'un quadrige 27; du Panthéon d'Agrippa enfin, décoré par le sculpteur Diogène, d'Athènes, dont les statues posées sur le faîte (sieut in fastigio posita signa), étaient moins appréciées, dit-il, à cause de la hauteur où elles étaient placées 13. Tite-Live nous raconte que la foudre frappa la statue de la Victoire, élevée au sommet du temple de la Concorde 19.
Dans les monuments romains qui existent encore nous trouvons des acrotères au Panthéon de Home 20. Un trèsbeau spécimen d'acrotère angulaire existe encore sur le Quirinal dans les jardins du palais Colonna, parmi les énormes débris du temple du Soleil 21. Celui-ci est décoré, à sa partie supérieure, de moulures qui se prolongent jusqu'à la rencontre de la pente du fronton.
Autant que nous en pouvons juger par les exemples subsistants, les Grecs donnaient aux acrotères des extrémités des frontons moins d'élévation que n'ont fait les Romains;
en revanche, ils les plaçaient plus près du bord de la corniche, à plomb du larmier. Quoique plus haut que ceux des monuments grecs, l'acrotère du jardin Colonna est loin de correspondre à la proportion recommandée par Vitruve. Il est beaucoup moins élevé que la moitié du tympan renfermé par le fronton dont il a fait partie.
Au petit temple situé près du stade de Messène on peut voir des acrotères d'angle d'une forme particulière, dans lesquels le plan horizontal supérieur n'est pas prolongé jusqu'au rampant du fronton et se trouve arrêté par un plan vertical 22. Les bas-reliefs et les peintures antiques fournissent aussi des indications nombreuses et très-variées d'a