Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article BACCHUS

BACCHUS. -Le nom le plus ancien et le plus habituel de ce dieu chez les Grecs était Atôvuaoç (exceptionnellement Ottwua0g), nom purement hellénique, qui le désigne comme le dieu de Nysa' ou plus exactement encore le Zeus de Nysa', localité de la géographie mythique dans laquelle on plaçait le théâtre de sa naissance ou de son éducation et sa résidence fa\orite3. Les Romains, en adoptant son culte, a dmiren t de préférence l'appella tion de Bacchus, c'est-à dire Béx;z]oç, appellation usitée aussi chez les Grecs, mais plus tardivement introduite parmi eux, car Hérodote l'emploie le premier et elle ne devient d'un usage fréquent que chez les tragiques 4. Ce nom de Bn'a oç paraît en Grèce d'importation thraco-phrygienne 3 [SABAZIIIS], et l'origine doit en être cherchée dans le plus vieux fonds des idiomes aryens. On en a donné diverses étymologies e; le plus BAC 592 BAC simple est d'y voir' la forme qui, dans la langue thrace, étroitement apparentée à celle de la Phrygie', correspondait au Bayaios phrygien l'une des appellations de Sabazius, le dieu assimilé à Dionysos dans la religion de ce dernier pays ; le sens en aurait donc été d'abord « le Dieu, » pris d'une manière absolue, comme celui de Bayaios 70. Les Grecs, à cause de la nature même du culte dionysiaque et de ses fêtes, attachèrent ensuite au nom de B«xyoç une idée d'inspiration divine et de fureur orgiastique 71, ainsi que de purification 72, qui a donné naissance au verbe parytéety, synonyme de gaivc6eat 73, et à l'emploi du mot «x.Loç dans le sens « d'inspiré, saisi de transport bachique. » De là la substitution à B«ryoç, pour le nom du dieu, des formes BcxyEtoç'''` et Baxysûç qui ont revêtu l'aspect de dérivés de axytétn. 1. Hérodote "représente Dionysos comme le plus récent des dieux de la Grèce. Dans Homère " comme dans toute la poésie épique achéenne 13, il n'apparaît qu'à l'état d'un dieu tout à fait secondaire, et presque spécialement propre à la Crète 19, plus tard même il resta quelque chose de cette situation que lui donnait l'épopée car il arrive encore qu'on le qualifie de démon 21 ou de héros '~. Dionysos n'est pas non plus un dieu pélasgique =', excepté dans la Crète, où son culte remonte aux plus anciennes époques ", mais où le dieu avait une physionomie très à part et une histoire mythologique différente de celle du Dionysos hellénique [zAeREus]. Mais s'il était ainsi négligé d'une partie des populations primitives de la Grèce et relégué par d'autres, par celles dont les idées et le génie prévalaient durant la période épique, dans un rang secondaire, si la propagation de son culte dans la généralité du monde hellénique fut relativement tardive, Dionysos n'en est pas moins un dieu dont il faut chercher le point de départ en Asie, au berceau même des races pélasgiques et helléniques. En effet, tout en lui et dans son histoire mythologique offre une si étroite connexité avec le dieu védique Soma qu'il est impossible de ne pas considérer Dionysos comme la forme grecque de ce dieu, l'un des plus anciens objets de l'adoration des populations aryennes 47. Sous ce rapport, et sans le savoir, les Grecs postérieurs à Alexandre étaient dans le vrai quand ils disaient que le Bacchus indien, c'est-à-dire le dieu de l'Inde qu'ils assimilèrent à leur Bacchus, Soma, transporté dans ce pays par d'autres Aryas, était le plus antique Dionysos E6. Celles des tribus thraco-pélasgiques qui conservèrent l'adoration de ce vieux dieu de la race aryenne, en le transformant en Dionysos, étaient plus fidèles à la tradition de leurs premiers pères que celles qui l'abandonnèrent et en laissèrent le souvenir s'oblitérer. Ce furent ces tribus qui la propagèrent ensuite parmi les autres populations de la Grèce après l'avoir longtemps gardé comme un patrimoine particulier, et c'est ainsi que Dionysos, qui conserve tous les traits d'un des premiers dieux adorés par la race aryenne avant sa dispersion, devint le plus nouveau des dieux helléniques. La donnée essentielle de Dionysos et du Soma védique est en effet la même. Dionysos est avant tout, en Grèce, le dieu du vin, dont il personnifie la vertu et les effets. Chez les Aryas plus antiques, le soma, jus de la plante acide appelée Asclepias aciela ou Sa1'costemma viminalis, qui servait à faire des libations aux dieux, se personnifie en un dieu médiateur. En pénétrant dans l'Asie Mineure et la Grèce, leurs descendants transportèrent au jus de raisin les idées qu'ils attachaient d'abord à la liqueur du soma 27. M. Maury complète, du reste, ce rapprochement par celui des principaux traits de la légende grecque et de la légende védique. « Une tradition indienne dit que le Soma a été reçu dans la cuisse d'lndra u; et la même fable était racontée par les Grecs sur leur Dionysos. Le dieu védique est surnommé Gil'i-schthdh, c'est-à-dire « celui qui se tient dans les montagnes 2" », et ce surnom répond tout à fait à celui d'"Opu nç donné à Dionysos. La génération miraculeuse du dieu de Nysa, arraché par son divin père au sein de sa mère foudroyée, est aussi une idée puisée à la source indienne. Le soma, autrement dit la libation personnifiée, naît du manthananz, c'est-à-dire de la production du feu divin. 11 est tiré de la flamme du sacrifice, et ensuite transporté dans les cieux par les invocations des prêtres 30. Cette double naissance a valu à la divinité védique le surnom de Dwidja.nlnan 31, « né deux fois » ou « né sous deux formes », qui correspond exactement à ceux de AtOGpagéoç, Atg4co,o, que sa double naissance avait valus à Dionysus. » Le dieu védique et le dieu grec reçoivent également le nom de « taureau 32 », qualification symbolique de force et de puissance. Enfin le caractère de divinité infernale, que présente dès l'origine le Dionysos crétois [LAaccus] et qui se développa surtout dans les mystères (voy. la sect. xv), a également sa racine dans les traditions védiques. Agni-Soma finit par s'y confondre avec Varouna, le soleil de nuit. qui préside aux vapeurs et à l'humidité, et à ce titre il se transforme, comme le dieu grec, en une divinité des morts et de la nuit 33. Soma, dans les Vêdas, est d'ailleurs un dieu qui meurt et ressuscite plus puissant, qui subit une passion, car c'est en broyant la plante du soma, qu'on en extrait le jus sacré et vivificateur". Nous verrons même dans le Dionysos thébain des traces de cette donnée, qui s'était plus particulièrement conservée dans les fables du Zagreus crétois, en s'y combinant avec des éléments empruntés aux religions sémitiques. II. Le berceau du culte de Dionysos dans les contrées grecques a été la Thrace mythique, qui s'étendait de la Thessalie aux frontières de l'Attique u, et spécialement dans cette région la partie méridionale, les cantons voisins de l'Hélicon et du Parnasse, ainsi que la Béotie 3B. Euripide n célèbre encore la Piérie, l'antre Corycien, au sommet du Parnasse, les vallons ombreux de l'Olympe, comme sa résidence favorite. C'est là qu'est située, dans un repli de l'Ilélicon39, la plus ancienne Nysa doit il soit BAC 593 BAC fait mention, celle que connaissent les poésies homériques39, car ce nom de la géographie mythique, transporté avec le culte de Dionysos, fut encore localisé dans une foule de contrées différentes 60, dans la Thrace hellespontique 41, en Eubée 49, à Naxos ", en Carie "n, en Pisidie n, en Cappadoce ", en Arabie 47, en Palestine", et enfin, reculant toujours vers l'Orient, dans l'Inded9. C'est là que, depuis les temps les plus anciens, nous voyons le dieu adoré par les Myniens à Orchomène 50, où son culte garda toujours un caractère particulièrement sauvage et l'empreinte de la barbarie primitive, avec ses sacrifices humains, rappelés jusqu'aux temps les plus brillants de la Grèce par la fête des AGB1oNIAn, célébrée aussi à Thèbes sa transportée à Argos" et originairement pareille aux immolations sanglantes qui marquaient le culte du dieu à Chios, à Ténédos 64 et à Lesbos" [oSIOPHAGIA], valant à Dionysos les surnoms significatifs d" f as 'fils a6, 'i2ilcio; et La Béotie demeura toujours, d'ailleurs, le théâtre par excellence des aventures de Dionysosa° ; c'est là que la légende le plus en crédit le faisait naître, bien que la prétention des pays où son culte s'était le plus solidement établi ait désigné ensuite d'autres lieux pour sa naissance, dans la Crète, à Samos, à Naxos, à Élis, à EIeuthères, àTéos, et même dans la Libye ou l'Inde, de telle façon que dans un des hymnes de la collection homérique il est déjà le (lieu né dans cent lieux ditersa9. C'est en Béotie qu'il s'était élevé de la simple condition de demi-dieu, de héros, à celle de divinité olympienne. Par sa mère Sémélé, Dionysos est rattaché à l'un des héros éponymes de Thèbes, CADi8IUS, et cette association remonte certainement à une époque très-ancienne, puisque Hérodote admet que ce fut à sou commerce avec les descendants de Cadmus de Tyr que Mélampus, l'introducteur mythique du culte de ce dieu dans le Péloponèse, en dut la connaissance60. Le mythe de la naissance de Dionysos est totalement thébain dans sa rédaction habituelle. Les Triete•ica du Cithéron [D1oNVSIA] sont célèbres comme les plus antiques fêtes de Dionysos 61. C'est au milieu de ces orgies qu'est placée la scène de l'histoire de Penthée, de même que, dans sa plus ancienne version, la lutte de Dionysos avec le roi thrace Lycurgue a aussi la Béotie pour théâtre. Thèbes et ses environs sont remplis de sanctuaires du dieu. Dans l'acropole de la Cadmée il en a un sous le nous de K aS as 0' ç 9', sous la ville un autre où il est qualifié de AGato, 81, « libérateur 1) , surnom que la légende locale mettait en rapport avec le souvenir d'une lutte des Thébains contre les Thraces, qui n'est pas sans L analogie avec celle du dieu lui-même contre Lycurgue. C'est de ce sanctuaire qu'on faisait porter le culte de Dionysos à Corinthe et à Sicyone 64 Nous rencontrons encore un temple antique du dieu à Potuire, avec la tradition de sacrifices humains primitivement célébrés fis, un autre à Acriephium sur le mont Ptoon 66 et une fête périodique sur le mont Laphystion 67. Cette dernière localité nous amène près de la région du Parnasse, où le culte de Dionysos paraît aussi antique que dans la Béotie proprement dite. Les orgies nocturnes. et triétériques fêtées par les Thyades sur le Parnasse, où les femmes se rendaient de toutes les contrées voisines, et même de l'Attique, ne sont pas moins primitives ni moins fameuses que celles du Cithéron 63 [D1oNvSIA]. A Delphes même une tradition locale disait que Dionysos avait été enseveli dans le temple, sous le trépied mantique ou sous l'omphalos99, et cette tradition, quoi qu'on ait essayé d'en dire 70, remontait à une époque très-ancienne71. Les frontons du même temple réunissaient les images d'Apollon et de Dionysos avec celles de leurs principaux acolytes", et la rencontre amicale des deux dieux à Delphes où ils vont se partager les adorations est retracée sur un beau vase peint découvert à Panticapée'9. En effet, Dionysos et Apollon étaient associés clans la plupart des fêtes de Delphes, comme dans les orgies nocturnes du Parnasse74; dans cette association, Dionysos représentait la religion des plus anciens habitants thraces, Apollon celle des Doriens établis postérieurement; toutes deux avaient fini par s'unir, malgré la répugnance que les Doriens montrèrent longtemps pour le culte de Dionysos", et cette combinaison était peut-être historiquement l'eeuvre de la colonie crétoise à laquelle on rattachait l'origine du sacerdoce delphique 16. Dans la Phocide nous rencontrons encore le culte de Dionysos à Amphiclée n, et c'est de cette contrée qu'il avait passé dès une époque ancienne, antérieurement à Hésiode, chez les Locriens Ozoles 78. Dans les parties de la Thrace mythique qui furent sur le continent grec le berceau de la religion dionysiaque, il faut encore mentionner la Phthiotide, avec l'antique Bacchus de Pagasae 79. et les anciennes orgies du mont Drios, interrompues de bonne heure eo La tradition historique fait passer les Ahantes thraces de la Phocide dans 1 île d'Eubée"t; ils y portèrent avec eux Dionysos 62, dont le culte prit un développement assez considérable dans cette île pour que le nom de Nysa s'y soit localisé et que la légende du pays ait revendiqué pour l'Eubée même la gloire d'avoir été le théâtre de l'é 73 BAC 594 BAC ducation du jeune dieu 63. Dans les temps postérieurs nous l'y voyons adoré à Anthédon 6' ', à Érétrie u et à Hieliaea 6". Weicker n est disposé à attribuer également à une colonie d'Abantes l'introduction du culte de Bacchus à Mégare, à cause de la présence du nom d'Abas dans la généalogie de Polyïdns, l'auteur mythique de cette introduction dans les légendes mégariennes 88. Il y a sans doute un rapprochement à établir '° entre le premier nom de Mégare, Nisa90, conservé dans celui de son port, Nisæa 91, et celui de la Nysa de Bacchus, d'autant plus que l'origine de ce nom est reliée au roi mythique Nisus, fils de Pandion, qui rappelle aussitôt le roi thébain Nisus ou Nysus, mis en rapport avec Dionysos 9i et l'extraction attribuée par Cicéron 93 au Bacchus des triétériques béotiennes, fils, suivant lui, de Nisus et de Thyoné. L'île de Naxos est signalée comme ayant reçu une colonie des Thraces de la Béotie qui y implantèrent beaucoup des légendes religieuses propres à cette contrée, entre autres celle des Ar.oÀHAE94. Il n'est donc pas extraordinaire de trouver à Naxos un des centres principaux et les plus antiques du culte de Dionysos 96, qui de là rayonna dans tout l'Archipel. Là encore nous rencontrons une Nysa , là encore on prétendait que le dieu était né" et l'on montrait la grotte sacrée qui avait été le théâtre de son éducation 97. Cette île, que Pline 98 appelle Dionysias, était bien par excellence la terre de Dionysos ; elle lui appartenait tout entière dès avant l'époque de la composition des poésies homériquesB9, et elle était devenue un nouveau foyer de légendes qui enrichirent le cycle des mythes dionysiaques et y tinrent désormais une très-grande place. Les îles de l'Archipel ont été dès l'antiquité célèbres par leur production abondante de vins exquis. Aussi dans presque toutes trouvons-nous répandu dès une époque _fort ancienne le culte de Dionysos, propagé de Naxos ou de la Crète et constamment lié au souvenir de l'introduction de la vigne. La religion dionysiaque est générale dans les Cyclades; à Andros la renommée publique planait le le siége d'un miracle permanent du dieu, une fontaine qui versait du vin à intervalles périodiques lors de ses fêtes 100; il n'est pas jusqu'à Délos dont les légendes locales associent dans une certaine mesure Dionysos et Apollon. Anios, le premier prophète de cette île sacrée, est fils d'Apollon et de la nymphe Rhoeo, la grenade (,dot), fille elle-même de Staphylos,la grappe, né de Dionysos; c'est de son père qu'il reçoit le don de prophétie,mais c'est comme descendant de Dionysos qu'il a pour filles Oeno, Spermo et Elais, qui sont douées par ce dernier dieu du pouvoir de changer tout ce qu'elles veulent en vin, en grain ou en huile 101 Diodore de Sicile 192 fait porter de la Crète la vigne et la connaissance de Dionysos dans les Cyclades méridionales103 où nous le voyons en effetadoré à Paros, à Sicinos, à Céos et à Amorgos t0". En constatant les rites féroces par lesquels on honorait originairement ce dieu à Chios, à Ténédos et à Lesbos [0SIOPIAGIA], il n'est guère possible de douter que son culte n'y soit venu de la Crète, car ces rites avaient une large place dans les fêtes en l'honneur du ZAGncus crétois, et si nous avons vu tout à l'heure des traces nombreuses de leur existence primitive en Béotie [_vcRioNln], rien ne donne à penser qu'ils se soient jamais naturalisés à Naxos. Au reste, à Chios, île fameuse par ses vins10', il s'était formé au sujet de la vigne et des phénomènes de sa maturation, une légende religieuse exclusivement locale et toute particulière, originairement étrangère au cycle de Dionysos et sans doute antérieure à l'introduction de ce dieu venant de la Crète, la fable d'OTnopion et du géant ORloN 106, qui fut ensuite rattachée artificiellement au groupe des légendes bachiques. A Lesbos, au contraire, on ne connaissait que le Dieu luimême, qu'on appelait, par une forme dialectique spéciale, Zévvuao; ou Zévvu;oç, et dont le culte avait pris un très-grand développement dans toute l'île, aussi bien à Mitvlène 107 qu'à Methymna105, rattachant par une étymologie factice le nom de cette dernière ville, comme on faisait aussi de celui de Méthone 100 au mot néOu, employé pour désigner le vin comme enivrantllo Après Naxos, le plus ancien centre du culte dionysiaque dans les îles fut certainement Samos', qui prétendait également avoir vu la naissance du dieu12. On l'y adorait sous le nom de Keyvà, u à la gueule ouverte », avec une tête de lion13, et sous ceux de Gorgyieus 14, Elygens " et Enorc.hès 716. Un des promontoires de l'île était désigné par l'appellation d'Ampélos, e la vigne u , et un îlot voisin de Samos rappelait par son nom de Narthécis une des plantes consacrées à Dionysos, la férule (vépOr;rç), qui forme son thyrse 17. C'étaient les Samiens qui avaient colonisé l'île d'Icaria ou Icaros, dont une des villes portait le nom d'OEnoé 118, la ville du vin, et ils y avaient implanté avec eux l'adoration de Dionysos ; le promontoire Dracanon à Icaria fut un des lieux où l'on plaça la naissance du dieu', et cette tradition est assez ancienne pour figurer dans un des hymnes de la collection homérique i21. C'est entre Icaria et Naxos qu'on faisait se passer l'aventure de Dionysos avec les pirates Tyrrhéniens qui l'avaient enlevé [voy. sect. vi]. A Rhodes, nous trouvons Bacchus très-honoré 11. Enfin nous constatons la propagation de la religion dionysiaque dès une époque reculée jusqu'en Cypre où elle donnait, à Salamis, naissance à des rites d'un caractère très-original'''. Si nous tournons enfin vers les îles les plus septentriomiles, nous y voyons Lemnos, riche en vins 16 avec un Dionysos Brisaios, associé aux Cabires et à I'léphnstos et au roi Thoas, donné comme le fils du dieu'26, puis Tha BAC sos, où le même Dionysos était adoré, et qui sur ses monnaies'" atteste son culte pour le dieu qui présidait à ses vignes fameuses 18. A Thasos le Dionysos hellénique fut bien évidemment apporté par les colons Pariens, mais il est probable qu'il y avait été précédé par le dieu analogue des populations de la Thrace hellespontique, SABAZIUS. Il nous faut revenir maintenant sur le continent grec pour y suivre la marche de la religion dionysiaque clans deux pays où son établissement est encore fort antique, bien que postérieur à la fondation du centre de Naxos, et même, paraît-il, de ceux de Samos et d'Icaria, et où cette religion prit un développement considérable en se rattachant aux traditions héroïques locales. En Étolie règne 01l', lieus, l'homme du vin, chez qui Dionysos reçoit l'hospitalité, devenant l'amant de sa femme Al;Ii ea18; certains récits font rnème naître Déjanire de ces amours, et c'est ainsi que les Ptolémées, qui prétendaient descendre d'H',llus, fils d'Hercule et de Déjanire, se disaient issus à la fois d'Hercule et de Bacchus. H est évident que c'est de la Phocide, par l'intermédiaire des Locriens, que la connaissance du dieu dut parvenir en Étolie. Dans l'Attique, la tradition de la visite de Dionysos et de l'établissement de son culte est étroitement liée à l'introduction de la vigne. Tous ces souvenirs ont pour théâtre un canton assez restreint, la partie septentrionale et montueuse du pays, voisine de la frontière de Béotie130. Là sont situés les dêmes, rapprochés les uns des autres, d'OEnoé, la vineuse, des Sémachides et d'Icaria. C'est par les héros éponymes de ces deux derniers dêmes, Sémachos 73t et Icarios 132 que la légende fait recevoir le dieu, et même à son séjour chez Icarios se rattache un mythe très-important, tout attique d'origine, celui de ses amours avec Épigone, sur lequel nous reviendrons plus loin [sert. y]. Le nom d'Icarios et d'Icaria semblent prouver 736 que le culte de Dionysos ne pénétra en Attique et que les légendes qui représentaient son introduction comme une visite dont il aurait honoré la contrée, ne s'y formèrent que postérieurement à la propagation du même culte dans les îles et à la création d'un foyer dionysiaque important dans celle dl-caria ; car le nom de l'île paraît bien avoir été l'origine de celui du dème attique, et par suite de son héros éponyme. Une tradition d'une physionomie un peu plus historique, à Athènes, était celle qui faisait venir de la ville béotienne d'Éleuthères, disputée à certaines époques entre l'Attique et la Béotie le héros Pegasos apportant le culte de Dionysos Eleutheros 1s4, lequel fut favorablement accueilli par le roi Amphictyon 135; le nom de Pégasos est certainement en rapport avec7cmi., «source »las d'autant plus qu'une autre légende parallèle représentait Amphictyon comme ayant appris de Dionysos lui-même le secret du mélange de l'eau et du vin 137. Au reste, ce n'est pas à cet apostolat parti d'Éleuthères, mais à la fable d'Icarios que les Athéniens reliaient l'origine de leurs Dionysies des champs (3tové(na xx'r'âypois ), la plus ancienne fête du dieu chez eux, la seule que pendant longtemps ils célébrèrent'38 ; car primitivement le culte dionysiaque en Attique fut exclusivement agraire et champêtre, fêté uniquement et dans les dêmes. Les Lénées et les Anthestéries furent d'introduction postérieure 139 ; enfin les grandes Dionysies ou Dionysies de la ville, (.àtoeénta Tâ €v «ccet), qui remplacèrent une plus antique fête d'Apollon1A0, sont de date tout à l'ait tardive'4t, postérieure à SoIon 142, et doivent appartenir à la réforme que fit Pisistrate du culte attique de Dionysos 143 en lui donnant un caractère civil et politique et en le mettant en rapport avec les cultes de Thèbes et de Naxos 131 [DIoNYSIA]. C'est donc de l'extérieur, de la Béotie, que l'Attique re• eut la connaissance de Dionysos, qui n'est pas un de ses dieux primitifs. Mais son culte y prit un très-grand développementt"s, et l'Attique devint à son tour un des principaux foyers de la religion dionysiaque, qui y prit une nouvelle physionomie et y opéra une de ses évolutions capitales. C'est là, en effet, principalement à la suite de la réforme religieuse d'Épiménide 146, que se produisit l'association intime des deux cultes, absolument séparés dans leurs origines, de Dionysos et de Déméter, dans les Antesthéries comme dans les petits mystères d'Agrœ et dans les Éleusinies [ELEusINIA], et l'identification de Dionysos à l'Inccnus d'Éleusis, par suite, la création définitive du Dionysos mystique [voy. sect. xv], fort différent de l'ancien Dionysos de Thèbes et de Naxos. Il dut beaucoup des traits de sa physionomie du ZACBEL'S crétois, avec lequel il se confondit, et au SABAZIUS thrace ; c'est sous l'influence de la secte orphique qu'il acheva de se former, vers le temps des Pisistratides [(munira] ; mais l'Attique resta toujours son berceau, son foyer et le centre de son rayonnement. Grâce à son lien étroit avec les divinités éleusiniennes, on vit alors naître en Attique une légende nouvelle, qui faisait d'Eumolpe, le fondateur mythique des mystères d'Éleusis, un prêtre de Dionysos en même temps que de Déméter, lequel aurait apporté le secret de la culture de la vigne et le culte du dieu du vin aussi bien que celui de la déesse des récoltes 147. Et même, quand l'influence des Orphiques fut devenue absolument prépondérante dans la religion mystique de Dionysos, on en vint, à Athènes même, jusqu'à représenter Orphée comme ayant fondé l'adoration et les mystères, tout à la fois de Dionysos et de Déméter948. Dans le Péloponèse, en général, l'introduction de Bacchus paraît assez tardive ; son culte s'y présente presque exclusivement sous la forme mystique et dans une certaine opposition avec les cultes proprement achéens et doriens149. Un héros spécial, prophète des âges mythiques, Mélampus, est représenté dans la plupart des localités du Péloponèse comme l'introducteur de la religion dionysiaque, dont il personnifie l'établissement. Le point de cette région où l'adoration de Dionysos semble la plus ancienne est Argos, où on la fait apporter par Mélampus et où on en lie l'introduction à la fable des PHOETIDES f50 ; CO qui en atteste la date reculée, c'est la célébration d'AGRIONIA à Argos 1", sur le modèle de celles BAC 5J6 BAC de la Béotie. Une des images du dieu honorées dans les temples de cette ville était considérée comme apportée de l'Eubée, que nous avons vue être l'un des centres primitifs du culte dionysiaque, par les guerriers argiens revenant de Troie 152. On distingue, du reste, plusieurs couches successives d'importations étrangères dans les différentes formes de Dionysos qui avaient des autels ou des temples àArgos 153. Si l'on ne cite aucune tradition précise sur l'origine de la fête dionysiaque appelée T yrbé qui se célébrait sur les bords de l'Érasinus 154, le Dionysos Grésios des Argiens 153 porte dans son nom même, aussi bien que dans les légendes qui se rapportaient à son sanctuaire, la marque incontestable de son origine crétoise. Quant au Dionysos des mystères de Lerne156 c'est le Dionysos mystique, identifié à lacchus et associé aux grandes Déesses d'Éleusis, qui avait pris naissance en Attique, et il est d'origine directement éleusinienne comme les mystères où on l'honorait [ELEUSINIA, sect. Ix]. Le culte mystique des grandes Déesses, établi à Argos, s'était de là propagé à Hermione157 [ELEUSINIA, sect. Ix] ; le Dionysos Melanoigis, adoré dans cette dernière ville 158, doit donc être rattaché à la même source que celui des mystères de Lerne. Il en est de même du Dionysos Saotès de Trézène1a9, à cause du caractère mystique et funèbre que son nom exprime euphémiquement [voy. sect. xv]. A Sicyone encore nous rencontrons Mélampus et la fable des Proétides en rapport avec l'introduction du culte de Dionysos 160 On y adorait principalement ce dieu sous le nom de Lysios, dans un temple fondé, disait-on, par un certain Phanès qui en avait importé l'adoration de Thèbes sur l'ordre de la Pythie 161; outre la statue chryséléphantine exécutée dans les beaux siècles de l'art, ce temple possédait une antique idole que l'on faisait sortir une fois par an de sa cachette mystérieuse pour la porter de nuit, dans une procession aux flambeaux que précédait une autre idole de Dionysos Baccheios apportée à Sicyone par Androdamas de Phlionte. Certaines traditions prétendaient que c'était en effet de Phlionte que la connaissance du dieu était venue pour la première fois à Sicyone 162 ; elles reportent, par conséquent, pour origine au foyer d'un des plus anciens parmi les cultes mystiques issus de celui d'Éleusis [ELEUSINIA, sect.ix]. Au reste, le nom d'iâxza que l'on donnait à Sicyone aux couronnes bachiques 163 prouve que c'est l'lacchus éleusinien qui y avait pénétré 164 Le dualisme de Dionysos Lysios et Baccheios, que nous venons de constater dans cette ville, existait aussi dans un des temples de Corinthe /fis C'est de nouveau Mélampus qui est donné pour l'instituteur du culte dionysiaque en Arcadie 168. Nous y observons ce culte à Tégée, où le dieu recevait le surnom significatif de Mystes 167 ; à Alée, où sa fête s'appelait Scierie 168 ; à Mantinée, où l'on célébrait des orgies en son honneur près de la fontaine des Méliastes169 ; à Hérna 170, à Phigalie 171, enfin à Cyniethé, où l'on célébrait une fête annuelle en son honneur 172 Dans la Laconie, l'adoration de Dionysos, bien qu'assez récente", se montre à nous avec un certain développement. Nous y avons les bacchanales du Taygète, célébrées par les femmes lacédémoniennes 174, et la fable des amours du dieu avec Carya, fille du roi Dion17J ; à Sparte diverses formes de Dionysos objets d'un calte, qui est toujours en relation avec celui d'Artémis, le dieu de la colline , Kcs ,v l raç 176, et celui des marais , iv ? oveas1 i7, ainsi que le protecteur de la culture du figuier, Euxi'n ç 176 ; puis le Dionysos d'Amycles 178 , celui de Brysées f80, celui du mont Larysion auprès de Gythium, avec une fête secrète célébrée au printemps1', et celui d'Alagonia, associé dans le même temple avec Artémis 183 A Brasées, chez les Éleuthéro-Lacones, il y avait une tradition locale toute particulière sur l'enfance du dieu, qui en plaçait l'éducation dans le pays même 1A3. En Messénie, Cyparissia nous offre une source de Dionysos 184 et le mont Evan'63 se révèle, par son nom tiré du cri eûoi, comme un siége de fêtes bachiques. Le temple du dieu à Élis est célèbre 186, ainsi que la fête des Thyia où les femmes de la ville l'invoquaient en le qualifiant à la fois de héros et de taureau 187. A Olympie on racontait que son culte avait été introduit par son propre fils Nao°kaios1H8. Sur les bords de l'Alphée on adorait Dionysos Leucyanitos169. A Patrie c'était le Dionysos mystique que l'on honorait sous le nom d'Alsymnetes, le chef, le directeur 193. On racontait que son idole, fabriquée par Héphiestos, avait été donnée par Zeus lui-même à Dardanus et enlevée, à la prise de Troie, par le Thessalien Eurypylos. Saisi de maladie pour avoir imprudemment contemplé cette image d'origine divine qu'une ciste cachait aux regards mortels, Eurypylos alla consulter l'oracle de Delphes qui lui commanda de fixer sa demeure et de consacrer la ciste et l'idole là où il rencontrerait un sacrifice célébré suivant des rites étrangers. Arrivé à Aroé en Achaïe, il se considéra comme parvenu au terme indiqué par l'oracle quand il vit le sacrifice humain qu'on y offrait annuellement à Artémis Triclaria. C'est donc là qu'il s'établit et fonda le culte de Dionysos Aisymnétès, abolissant, sur l'ordre de la Pythie, les immolations humaines et recevant sa guérison d'Artémis Sotira. Un temple de Dionysos Aisymnétès fut fondé à Aroé et un autre à Patrie, et chaque année une fête associait les cultes des deux sanctuaires en rappelant l'abolition des anciens sacrifices 191. Telle était la fable locale que recueillit Pausanias ; on voit qu'elle liait l'adoration de ce Dionysosà celle de l'Artémis Sotira achéenne 192, étroitement apparentée à la Coré éleusinienne [n'ANA]. Il en était de même à Pellène, siége d'un culte mystique de Déméter 193 qui se rattachait à la branche de propagation des initiations d'Éleusis en Argolide [ELEUSINIA, sect. ix] ; là, dans le bois sacré d'Artémis Sotira, on célébrait en l'honneur de Dionysos Lampter une fête nocturne aux flambeaux appelée Lamptehia794. Enfin dans un temple de Patrie il y avait trois idoles de Dionysos, Afesadeus, Antheus BAC 597 BAC et Accus, que lors de la fête on apportait au sanctuaire d'Ai.cymnetes 19', et le même dieu était encore adoré à Bara 190 Les colons corinthiens portèrent à Corcyre le Dionysos de leur mère-patrie187. En Sicile le culte de ce dieu ne se généralisa que très-tardivement, et il y fut d'abord exclusivement restreint aux colonies de Chalcis et de Mégare '9'. Les monnaies de la Naxos sicilienne189 colonie de Chalcis d'Eubée, montrent cette ville entièrement consacrée à Bacchus, comme l'île de Naxos, à l'imitation de laquelle elle avait reçu son nom. On voyait à Olympie une image du dieu dédiée par les Sélinontins200; en effet, les monnaies de cette colonie de Mégare attestent qu'elle adorait Dionysos ; mais elles prouvent aussi que la légende du ZAGBEUS crétois y avait pénétré de très-bonne heure et y avait été adoptée comme le fond du mythe dionysiaque, car c'est cette légende dont les types de certaines monnaies de Sélinonte°0 représentent un épisode essentiel, les circonstances particulières de la naissance du dieu dans le récit de la Crète. Je réserve pour une section spéciale à la fin de cet article [sect. xvi], tout ce qui est de la propagation et du développement de la religion dionysiaque dans les colonies grecques de l'Italie méridionale. C'est par cette voie que le culte de Bacchus parvint à Rome. III. De très-bonne heure, les Grecs entretinrent des relations avec la Thrace hellespontique, la Thrace proprement dite des âges de la pleine histoire, et y fondèrent des établissements 202. Tout indique que c'est eux qui y introduisirent la culture de la vigne et le secret de la fabrication du vin 203, que les Thraces accueillirent avidement, car leur penchant à l'ivrognerie était proverbial 20°. Avec la vigne, les Grecs portèrent dans ces contrées le culte de son dieu, que bien avant Hérodote ils avaient propagé jusque dans la Scythie, aux bords du Borysthène 20'. Ainsi que l'a remarqué M. Maury 206, c'est dans les cités helléniques de la côte de Thrace dont le vin avait acquis de la réputation que nous voyons le culte de Dionysos le plus ancien et le plus développé, en particulier à Maronée 207. On disait le nom de cette ville, dont le vin était fameux 202, connu déjà dès le temps des poésies homériques 2°9, on disait ce nom emprunté à celui de son fondateur Maron 310, petit-fils de Dionysos et d'Ariadne, par Evanthès 21, le héros spécial du vin doux 212, d'après lequel les Grecs prétendirent aussi plus tard qu'était nommée Maréa en Égypte 213, à cause de la réputation du vin Maréotique. Or, le grand dieu des populations indigènes 214 était SABAZIUS, originaire de la Phrygie 215, mais ayant pris en Thrace un caractère assez original. Le Sabazius thrace était avant tout un dieu solaire 216, et les Grecs lui trouvèrent des rapports à la fois avec Dionysos, avec Zeus, avec Hélios et avec Hadès 217. Son culte était accompagné de véritables mystères, où il était représenté comme le dieu de la mort et de la régénération 218. II se célébrait dans des fêtes orgiastiques, tout à fait analogues à celles de Dionysos, où les femmes désignées par les noms de Mimailones 919 et de Clodones 2'-0 jouaient le même rôle que les tre, dieu de l'inspiration prophétique 221, dont le délire a tant d'analogie avec l'ivresse, et à ce titre présidant à plusieurs oracles 222, le Sabazius thrace était aussi le dieu de l'exaltation que communiquent les boissons fermentées. A ce titre lui appartenait celle de ces boissons dont les Thraces faisaient usage avant de connaître la vigne, c'est-à-dire la bière ou cervoise, qui continua fort tard à s'appeler d'après lui Sabaia ou Sabaium dans l'Illyrie, la Dalmatie et la Pannonie 223 ; il devait donc naturellement devenir le dieu du vin, une fois que celui-ci était connu. Grâce à ces circonstances, la fusion de l'ancien culte des indigènes et de celui qu'apportaient ces colons grecs fut absolue, complète ; les Grecs ne regardèrent, pas un seul instant le Sabazius thrace comme un dieu étranger, mais comme Dionysos lui-même 22''. Une circonstance favorisa d'ailleurs ce rapprochement. Les Grecs savaient, par une tradition constante, que leur Dionysos venait de la Thrace des anciens aèdes ; mais de très-bonne heure ils perdirent la notion du site exact de ce pays et tendirent à le confondre avec la Thrace hellespontique. Aussi bientôt y eutil une nouvelle Nysa entre l'Axius et le Strymon, dans le foyer même du culte de Sabazius. La lutte de Dionysos avec le roi thrace Lycurgue, qui avait d'abord la Béotie pour théâtre 13, fut transportée dans la Thrace hellespontique, sur le Pangée ou même sur le Rhodope [voy. sect. vt]. Les mystères que les populations de la Thrace célébraient en l'honneur de Sabazius furent regardés comme ayant été fondés par Orphée aussi bien que les mystères dionysiaques de la Grèce, même ceux qui avaient lieu dans l'intérieur du pays, chez les Cicones sur l'Hæmus et sur le Rhodope 227. Mais cette fusion même, qui alla toujours en se prononçant davantage à mesure que les Hellènes entrèrent en relations plus intimes avec les habitants de ces régions et y firent pénétrer leur langue et leurs croyances, cette fusion, dis-je, ne pouvait manquer d'avoir une action considérable sur le Dionysos hellénique, sur son culte et sur sa légende. « Comme on avait fini par croire, dit M. Maury 226, que la Thrace hellespontique était la patrie du dieu de Nysa, les dévots allaient de préférence l'adorer dans son berceau supposé ; et, de retour en Grèce, ils devaient attacher plus de respect et de confiance aux rites qu'ils y avaient vus adoptés. » L'association de Dionysos à Artémis, que nous avons constatée tout à l'heure comme générale en Laconie et qui ne se retrouve guère ailleurs en Grèce, provient de cette origine, combinée avec la donnée éleusinienne de l'identité d'Artémis et de Coré [MANA]. En effet, Hérodote229 nous apprend que le Dionysos thrace avait pour compagne Artémis, c'est-à-dire, en d'autres termes, que BAC 598 BAC Sabazius était uni dans ce pays à la déesse lunaire nationale m, qui s'appelait tantôt Cotys ou COTYTTO, tantôt Brvnms. Quant aux rites des orgies dionysiaques qui paraissent avoir été importés de la Thrace en Grèce et s'être ajoutés ainsi au fonds le plus antique des fêtes du Cithéron et du Parnasse, il faut compter dans ce nombre la présence du serpent enfermé comme un symbole et une image du dieu lui-mène dans la ciste mystique [LISTA], d'où on le voit quelquefois s'échapper 231, et des serpents que les Ménades tiennent dans leurs mains et laissent s'enrouler autour de leurs bras 27 comme aussi les Bacchants'-33, ou bien qu'elles portent mêlés à leur chevelure 23k [DIONYSIA, MAENADF.S]. En effet, c'est dans le culte de Sabazius que l'on comprend, bien mieux que dans celui du Dionysos hellénique, l'origine de ce symbole ; le serpent joue un rôle capital dans le mythe de la naissance de ce dieu, en Trace et en Macédoine aussi bien qu'en Phrygie 'd' En Asie Mineure, les colons Ioniens et Éoliens avaient emporté avec eux le culte de Dionysos qu'ils célébraient sous toutes ses formes. A Lébédos 237, à Smyrne et à Milet 238, à Éphèse 2M19, à Téos, où l'on prétendait que le dieu était né et avait fait couler une source de vin 240, nous voyons surtout prévaloir la forme bruyante et populaire de ce culte, accompagnée d'un grand développement de jeux scéniques auxquels se consacrèrent les corporations de DIONYSIAKOI TECIINITAI qui eurent tant d'importance en Asie Mineure sous les rois de Pergame et dans les premiers temps romains. Au contraire, à Cyzique le grand dieu de la cité était le Dionysos mystique associé à Coré Sotira [voy. sect. xv]. Sur ce nouveau terrain il s'opéra une fusion étroite contre le culte dionysiaque, importé par les colons grecs et les antiques religions indigènes 2". La religion phrygienne de la Mère des dieux avait dans ses fêtes et dans ses rites un caractère avant tout orgiastique (lui la rapprochait fort du culte dionysiaque212 [CYDELE]. La déesse y avait pour fils 213 et pour compagnon 244 aussi fidèle qu'Attis, SAnAZIUS 245, qui là comme en Thrace fut assimilé à Dionysos 26fi, de même qu'on tendit à rapprocher Cybèle de Déméter. De là vint la donnée du Dionysos qu'Euripide2" chantait accompagnant sur l'Ida la Mère des dieux, tandis que Pindare 24" employait pour décrire le même dieu se joignant au cortége de Déméter des expressions qui auraient convenu plus proprement à celui de Cybèle et de Sabazius 249. De là certaines légendes qui, mettant Dionysos exactement à la place de Sabazius, le font naître sur les bords du fleuve Sangarius 250. De là enfin le Dionysos Attis dont il est aussi question 251 et les monuments qui mettent le thyrse bachique aux mains du dieu MÊN 2'2, assimilé quelquefois à Sabazius 253. Quand l'influence, la langue et les moeurs grecques, aux temps ma. cédoniens, eurent hellénisé complétementle pays, sur les 1 monnaies impériales de la Phrygie, on ne voit pas apparaître un seul type de représentation qui caractérise en propre Sabazius ; il est toujours remplacé par un Bacchus purement grec 23'°. Alors des villes de l'intérieur des terres, commePergame25o et Nicée'', deviennent des centres con• sidérables du culte dionysiaque, lié aux corporations sacrées d'acteurs ou ti4yiti«l. La principale trace d'influence de l'ancienne religion nationale qu'on y aperçoive alors dans la plupart des villes de la province romaine d'Asie, consiste dans l'importance de premier ordre donnée au symbole du serpent 257. A Nicée on racontait que la ville avait été fondée par Dionysos lui-même d'après la nymphe Nicaen, fille de Sangarius et de Cybèle, tuée par le berger Hymnos son amoureux et ressuscitée par le dieu, qui eut pour enfant Té/été, l'initiation personnifiée 2'"; c'est évidemment la transformation hellénique d'une fable indigène du cycle de Sabazius et de la Mère des dieux. Cependant, la religion de la Phrygie ne fournit pas directement un contingent considérable au développement de la légende de Dionysos et aux modifications de ses orgies. Il n'en fut pas de même de la religion lydienne et du culte qu'on y rendait à un dieu fort étroitement apparenté au Sabazius phrygien. Le siége principal de l'adoration et des fêtes de ce dieu était dans le mont Tmolus. L'assimilation du dieu de la Lydie à Dionysos s'étant établie encore plus rapidement que celle du Sabazius, dès les premiers temps de l'établissement des Grecs en Asie, le Tmolus devint un des cantons le plus habituellement désigné comme ayant été le théâtre de sa jeunesse et de son éducation, comme restant sa résidence favorite 509, et cette idée était déjà solidement implantée en Grèce même à l'époque d'Euripide 260. Il y eut alors un véritable courant d'influences asiatiques qui succéda au courant thrace et pénétra profondément le culte et la légende de Dionysos, aussi bien dans la Grèce européenne que dans les cités helléniques de l'Asie Mineure. Aussi bientôt voit-on se multiplier les Nysa dans cette région, en Carie, en Pisidie et jusqu'en Cappadoce. C'est dans ces contrées 261 que le cycle dionysiaque s'enrichit de la fable d'AMPÉLOs202 qui doit avoir eu pour point de départ un conte populaire sur l'origine de la vigne, propre à la Lydie ou aux cantons voisins et lié aux aventures du dieu qu'on y identifia à Bacchus. Étendant même le cercle de ce syncrétisme, on établit un lien d'affection ou d'identité entre Adonis et Dionysos 283 ou bien on raconta la visiteque le dieu aurait faite dans le Liban à Aphrodite et à Adonis, et ses amours avec Béroé, leur fille 264 Le courant d'influence lydienne dans la religion dionysiaque, dont nous avons l'expression complète chez Euripide, amena un changement considérable dans le type des représentations du dieu. C'est à la Lydie 205 qu'est dû le Bacchus à l'aspect oriental, prodigieusement effé BAC 99 BAC miné malgré sa longue barbe, à la tête ceinte d'une MITRA féminine, que les antiquaires ont longtemps appelé a Bacchus indien» [voy. sect. xitl], mais auquel il faut restituer son vrai nom de Bassareus 259. Il le devait à. la longue robe appelée BASSARA ou bassaris, dont il était revêtu et qui était celle des Ménades de la Lydie et de la Thrace, Bassarae ou Bassarides '87, car ce costume et son nom avaient passé de l'Asie Mineure dans ce dernier pays. Mais le titre de Bassareus appartenait spécialement à la Lydie 268, où il semble avoir été l'appellation nationale du dieu rapproché de Dionysos. Ce nom dérivait originairement de celui de renard dans la langue du pays 2b9 car le renard était un des symboles les plus importants de ce dieu 270, ce qui indique une nature avant tout solaire. L'introduction des fables lydiennes dans la légende de Dionysos ouvrit à celle-ci un nouveau champ de développements ; ]e Bassareus lydien était un vainqueur et un conquérant qui avait parcouru les contrées orientales, les pays du soleil par excellence. La grande fête qui chaque printemps se célébrait en son honneur sur le Tmolus était une commémoration de son retour victorieux 271. A l'exemple du dieu lydien, les cités grecques de l'Ionie firent de leur Dionysos un héros vainqueur qui avait repoussé les Amazones venues pour attaquer Éphèse [voy. sect. viii]. Elles adoptèrent aussi tout le cycle épique des exploits lointains de Bassareus et le firent passer dans les fables mythologiques de la Grèce. Le Dionysos d'Euripide, transformé déjà par l'influence lydienne, est le conquérant de la Phrygie, de la Médie et de la Bactriane 272, C'est ce point précis du développement de la légende des conquêtes du dieu que représente un précieux vase peint, du ive siècle environ par son style, où Dionysos se montre triomphant, non pas des Indiens comme dans les mono ments postérieurs, mais des Bactriens 273, monté sur un chameau à deux bosses, le chameau propre à la Bactriane, et entouré d'un cortége de Lydiens ou de Phrygiens, d'acrobates (xuêtaTrT'i.ip1(,-) et de Bassarides (fig. 676). C'est le triomphe tel qu'on le célébrait dans les fêtes du Tmolus. Mais le cercle des conquêtes attribuées à Dionysos s'étendit de plus en plus, au fur et à mesure de l'extension des rapports des Grecs avec les lointaines contrées de l'0rient. On identifia successivement à Bacchus un grand nombre de divinités étrangères, à cause d'une certaine communauté de symboles, de caractère des personnages ou de rites orgiastiques dans le culte : en Égypte, Osllus'7', qui avait parmi ses symboles la vigne 275, le thyrse et la nébride 37°, et qui en qualité de roi des enfers 277 pouvait être facilement rapproché du Dionysos mystique [voy. sect xv] ; en Libye, AMMOIS 278, non pas l'Ammon égyptien, mais le Baal-Khamoa implanté par les Phéniciens dans tout le nord de l'Afrique, dieu solaire et producteur qui comptait les raisins et les épis parmi ses symboles '19; chez les Arabes DUSARéS, muni des mêmes emblê mes, et Ourotal, dont Hérodote 280 fait un Dionysos arabe ; en Syrie, Moloch 291 et Melqarth 282, peut-être uniquement à cause de l'assonance de leur nom avec l'épithète de Met)(Ztoç que recevait Dionysos, le Baal 283 qui sur les monnaies de Tarse 284, de Nagidus 283, de Mallus et de Soli 289, ainsi que de Zaytha de Mésopotamie 287, tient des raisins et des épis, enfin le dieu compagnon de l'Atergatis de Bambyce ou Hiérapolis 288, dont le nom indigène était Iladad 289 et que les monuments numismatiques montrent avec les mêmes attributs 290; en Assyrie, Sardanapale 291; dans l'Inde enfin Soma, identification qui, nous l'avons vu, était très-exacte et ramenait Dionysos à son origine première. On était si porté à retrouver le fils de Sémélé dans les dieux des Orientaux qu'on alla jusqu'à prétendre que les Juifs adoraient Dionysos 222; à cause de BAC 600 BAC l'assonance que l'on croyait remarquer entre le nom de Jéhovah Sabaoth (Jéhovah le Dieu des armées) et celui de SABAZIUS 293 et à cause de la vigne d'or du temple de Jérusalem 294. De même, Strabon285 parle d'un culte celtique de Dionysos, en voyant des cérémonies orgiastiques célébrées dans une île de l'embouchure de la Loire. Le champ géographique de ces assimilations dans les contrées de l'Orient correspond précisément à celui où l'on étendit successivement les conquêtes de Dionysos. On le fit ainsi aller en Égypte 258, en Éthiopie 297 et en Libye, où il accomplissait aussi des exploits guerriers 296. En Syrie on plaça sa victoire sur le géant Asco.s, l'outre, qui dans des récits plus anciens était représenté comme un compagnon de Lycurgue, et l'on rattacha à cette fable la fondation de la ville de Damas 299 ; Lycurgue lui-même fut transporté en Arabie et devint un roi de cette contrée défait par Dionysos"; Nonnus, cherchant à systématiser toutes ces légendes, distingue Lycurgue l'Arabe de son homonyme thrace 091. Mais de tous les récits de ce nouveau cycle le plus fameux fut celui qui se forma à la suite des expéditions d'Alexandre et qui fit de l'Inde la plus lointaine conquête de Dionysos 3°2. Alexandre lui-même fut le premier à donner cours à cette fable qui le mettait personnellement en parallèle avec le dieu thébain 303 Mais s'il y eut là une idée politique de la part du conquérant macédonien et de ses successeurs, les Grecs étaient en même temps de très-bonne foi quand ils se laissaient aller à l'impression que produisaient sur eux certaines assonances de noms géographiques de l'Inde avec des noms figurant dans la légende dionysiaque. Ainsi dans le Paropamisus ou plus exactement Paropanisus (Paruparanisunna), le Caucase indien, ils voyaient une Nysa 3°4 et une autre encore au delà de l'Indus, qui devenaient pour leurs imaginations des colonies grecques laissées par le conquérant divin, comme Alexandre, à son tour, en établissait d'autres sur son passage. Ils entendaient les Indiens parler du mont Mérou, la montagne sacrée, demeure et berceau des dieux, et dès lors beaucoup d'entre eux étaient enclins à penser que c'était là le sgpèç qui jouait un rôle capital dans la naissance du dieu 3ox [voy. la section suivante]. En effet, il faut remarquer qu'à mesure que l'on étendait le cercle des conquêtes (le Dionysos, parallèlement il se formait des légendes nouvelles qui transportaient dans les mêmes contrées la naissance et l'éducation du dieu. C'est ainsi qu'on le fit nourrir en Libye, dans une île du lac Triton, par la nymphe Nysa 306. C'est ainsi que le lieu mythique de Nysa, que de bonne heure déjà l'on commençait à mettre vaguement dans l'Orient asiatique307, fut localisé plus tard en Éthiopie396, en Arabie et en Palestine aussi bien que dans l'Inde. IV. D'après Cicéron 0°9, il y a eu cinq Bacchus successifs : le premier, fils de Jupiter et de Proserpine, c'est le Zagreus crétois; le second, né en Égypte, fils de Nilus et meurtrier de sa nourrice Nysa, c'est l'Osiris égyptien, dont la fable subit ici un travestissement bizarre; le troisième, fils de Cabirus et roi de l'Asie Mineure sous le nom de Sabazius, c'est le dieu phrygien ; le quatrième thébain, fils de Jupiter et de la Lune, variante du mythe dont nous parlerons tout à l'heure ; enfin le cinquième, né de Nysus et de Thyoné, le dieu des Trieterica du Cithéron. Pour Diodore de Sicile 310 il y a seulement trois Dionysos distincts, l'Indien, qui est le plus ancien, le Crétois, fils de Zeus et de Perséphoné, c'est-à-dire Zagreus, puis le Thébain, le plus récent de tous, fils de Zeus et de Sémélé. Enfin, dans l'arrangement de toutes les légendes dionysiaques tenté très-tardivement par Nonnus de Panopolis, on fait se succéder Zagreus, le Dionysos thébain, le héros du poème, et enfin l'Iacchus d'Éleusis, donné pour son fils 311 Ces combinaisons, présentées sous une forme entachée d'evhémérisme, montrent quel besoin les anciens éprouvaient eux-mêmes d'établir des distinctions entre les dieux d'origines fort diverses qui versèrent successivement leurs fables dans la masse confuse de légendes constituant le cycle dionysiaque. Nous (levons faire de même, mais en procédant avec la méthode plus rigoureuse de la science moderne. Des articles spéciaux sont consacrés à SABAZIUS, à ZAGaEUS, à IACCHLS, ce qui permettra de nous concentrer ici sur le Dionysos proprement dit, sur le dieu de Thèbes et de Naxos. Ainsi que nous l'avons dit, la fable de la naissance de Dionysos, telle qu'elle a été universellement admise, se montre toute thébaine. Sa mère Sémélé est représentée comme fille de Cadmus et d'Harmonie313, et jamais la légende mythique ne l'élève au-dessus de la condition d'une héroïne. Pourtant le nom de Sémélé révèle en elle une personnification naturelle importante, celle du sol terrestre qui au printemps produit la végétation 313 C'est ce que savent parfaitement, du reste, Apollodore 317, Diodore de Sicile 315 et Macrobe'16; et en effet, comme l'ont déjà remarqué plusieurs anciens 317, _Ej.fi,rl est une forme dialectique béotienne pour ®q),71, nom donné à la Terre comme fondement de toutes choses 31s. D'autres 3t9 l'ont interprété par (rEg,),r'i, forme parallèle à aEµv' « l'auguste I ; mais c'est là une étymologie factice et secondaire, qui n'a en aucune façon la valeur de l'autre. Fils de Sémélé, le Dionysos thébain est donc en réalité fils de Gê, comme le disait Apollodore 320, par conséquent la tradition crétoise qui représentait Zagreus comme né de Déméter 321, et qui fournit la filiation adoptée plus tard pour le Dionysos mystique, était une variante de la même donnée originelle que la version béotienne ; on comprend aussi comment les égyptologues, partant de l'assimilation de Déméter à Isis, firent de Dionysos un fils d'Isis 333, et comment on avait trouvé identique à la sienne la généalogie du Sahazius phrygien,fils de Cybèle 323. Phérécyde substituait au nom de Sémélé celui d'Hyé 324 emprunté à un autre ordre d'idées, BAC l'y avoir ainsi nourri, le rendit au jour. De là les qualifications de Mrpo .pa ; celui qui a été nourri dans la cuisse, Thébains montraient dans leur ville le tombeau de Sémélé x43 D'après quelques récits 3'"9Zeus aurait placé dans l'Olympe aussitôt après sa mort la fille de Cadmus, mais d'ordinaire on ne l'y fait introduire que plus tard, par son fils. Tel est le mythe de la double naissance de Dionysos, à laquelle font allusion ses surnoms de Adü Tolp 352, aux deux mères, et AtaaTOZOç 355, deux fois né [voy. sect. 1]. Sémélé, la terre, est fécondée par le dieu du ciel, producteur des pluies du printemps [JUPITER], la manifestation de ce dieu est accompagnée du tonnerre le fruit que la terre produit sous l'action de son eau céleste naît imparfait, il faut qu'il grossisse et parvienne à maturité ; jusqu'à ce moment le dieu l'enveloppe dans ses brouillards qui le nourrissent et le développent 354. Quand les attributions du dieu se sont ensuite agrandies, quand il a représenté dans sa généralité le principe humide produisant la fertilité, le symbolisme de cette histoire ne s'est plus trouvé aussi rigoureusement précis, car alors on envisageait surtout la naissance de Dionysos comme représentant l'eau céleste qui tombe sur la terre au milieu du fracas des orages 355 Les amours de Zeus et de Sémélé sont retracés sur un miroir étrusque 356, la manifestation du dieu tenant la foudre sur plusieurs pierres gravées 357 et sur quelques vases peints 358. Welcker 309 remarque avec raison que les intailles lui donnent à plusieurs reprises dans ce cas les ailes caractéristiques du Jupiter Flavius [JUPITER]. Sur un bas-relief de beau style grec découvert à Chios 900 on voit Zeus tenant la foudre et Héra, assis sur leurs trônes, et auprès d'eux Sémélé foudroyée. Une peinture murale qui appartenait autrefois au prince Gagarine 361 (fig. 677) nous offre Jupiter assis sur un nuage et entouré de tout l'éclat de sa puissance, attirant à lui l'embryon du sein de Sémélé renversée morte sur un lit. C'était le sujet d'un des tableaux que décrit Philostrate 362 La seconde naissance du jeune dieu , sortant de la cuisse de Zeus, est celle que l'on a placée suc cessivement en une infinité de lieux différents. Elle est BAC 601 celui du principe humide. Cicéron 325 et Ulpien 336 font de la mère du Dionysos thébain la Lune, interprétation d'accord avec celle des récits qui le font naître de Zeus et ou, spécialement à Lyctus de Crète, de Zeus et d'Argé 333, la brillante, la blanche. Nous verrons plus loin [sect. vII] que Dionysos est habituellement en relations avec une divinité féminine lunaire, mais qu'on en fait plutôt son épouse que sa mère. Il est enfin un nom que l'on donne aussi fréquemment à l'héroïne de qui naît Dionysos et que la légende représente comme lui ayant été attribué par son fils quand il la fit monter dans l'Olympe 329 : c'est celui de Thyoné, Outés , dérivé du verbe Oéi;v, en rapport avec les surnoms de Oumvièç 33° et OutnviSa; 331 que le dieu recevait lui-même, avec le nom de ses fêtes appelées Ouix en Élide 332 et celui des Thyiades qui célébraient ses orgies sur le Parnasse 333 Ce nom faisait de Sémélé le type divin de la Ménade 334, la personnification de l'inspiration que répand son fils. C'est tout à fait artificiellement et à tort que Cicéron prétend distinguer le Dionysos fils de Thyoné du fils de Sémélé; ailleurs, dans quelques récits, Thyoné n'est plus la mère, mais la nourrice du dieu'. Quelques-uns ont rapproché ce nom de celui de la DIONÉ de Dodone et fait par conséquent Dionysos fils de Dioné 330 Il est à noter ici que sur un célèbre vase de Naples (voy. plus loin, p. 626, fig. 706) DInNH est le nom d'une des deux femmes qui disposent l'offrande auprès de l'image rustique de Dionysos Dendrites, tandis que l'autre s'appelle MAINAE, la Ménade par excellence. A la même manière d'envisager le personnage de Sémélé se rapportait aussi le surnom d''Eyztà qu'on lui donnait quelquefois 394 et qui fait allusion au thyrse brandi comme une lance, Eyyoç [voy. sect. vt et mi]. Sémélé fut aimée de Zeus 338; Héra jalouse se présenta à elle sous les traits de sa nourrice Béroé339, ou d'une amie, et lui persuada de demander à Zeus de se manifester à elle dans tout l'appareil de sa puissance. Cédant à ses prières, le dieu se montra environné de ses tonnerres, dont les flammes dévorèrent la fille de Cadmus, qui portait dans son sein le fruit de l'amour du roi des dieux. Zeus en retira cet enfant encore imparfaitement formé. Dans certaines variantes du récit, c'est Hermès qui le sauve 340, ou bien, échappé du sein maternel, il a été reçu dans le lierre que la terre a fait pousser spontanément, environnant les colonnes de la salle54t (ce qui vaut à Dionysos chez les Thébains le surnom de HEpnc dvtoç 342), et c'est là que Zeus le recueille. C'est d'après cet épisode essentiel que le fils de Sémélé est appelé Hupiycs ; 343, Ignigena344, celui qui est né au milieu du feu. Ayant ainsi sauvé l'enfant de Sémélé morte, Zeus l'enferma dans sa cuisse jusqu'à la fin du temps qui eût été celui de la grossesse naturelle et, après 1. 76 BAC 602 BAC représentée sur un assez grand nombre de monuments de toute nature 363, dont le plus ancien est un vase de fabrique corinthienne 364. L'enfant y est reçu d'ordinaire par Ilithyie ailée S8', qu'assistent aussi Hermès, Thémis et Déméter 366, ou bien par Athéné 387. Nous plaçons ici (fig. 678) une célèbre variante étrusque de la même com position, figurée sur un miroir du musée de Naples 363 Tinia, le Zeus étrusque, est assisté par Thalna, la déesse de l'enfantement 368, qui retire le petit Dionysos de la cuisse, et derrière laquelle se tient Apulu, Apollon ; de l'autre côté du roi de l'Olympe est une divinité féminine ailée, que désigne le nom Mean 370. Enfin un curieux sarcophage de Venise 371 répartit en trois scènes les épisodes principaux du mythe de la double naissance de Dionysos (fig. 679) : la mort de Sémélé, frappée de la foudre; l'enfantement miraculeux de Zeus, assisté par Ilithyie; enfin, au centre, Hermès emportant le dieu nouveau-né pour le remettre aux Nymphes qui vont le nourrir et l'élever. C'est en effet toujours Hermès qui, dans les récits mythologiques, porte Dionysos enfant à ses nourrices, ou auparavant le présente au milieu de l'assemblée des dieux 372; deux seules variantes, et tardives, de la narration dérogent sur ce point à la donnée générale, faisant enlever le petit dieu par Perséphoné 373 ou par Rhéa 374 et cherchant ainsi à concilier dans une certaine mesure la légende thébaine avec celle du Zagreus crétois, fils de Perséphoné, et celle du Sabazius phrygien, fils de Cybèle 375 Une fameuse statue en bronze de Praxitèle représentait Hermès avec Dionysos nouveau-né dans ses bras 376 et nous en trouvons le type reproduit sur plusieurs monu ments 317. Le récit le plus développé des mythographes 373 montre le jeune dieu d'abord porté par Hermès à Orchomène et confié là aux soins d'Ino, soeur de Sémélé, et d'Athamas, son mari, auxquels il est recommandé de l'élever comme une fille. La colère d'Héra leur inspire la fureur qui amène Athamas à tuer son fils aîné Léarchos, en le prenant pour un cerf, et Ino à se précipiter avec son second fils Mélicerte dans la mer, où elle devient Leucothée 370 [LEUCOTHEA, ISTIIMIA]. Zeus, pour soustraire Dionysos aux entreprises de son épouse, le métamorphose en chevreau, et Hermès l'enlève de nouveau pour le porter aux Nymphes de Nysa, qui deviennent ses nourrices. Il y a là combinaison artificielle de deux traditions distinctes à l'origine. De la première, les Éleuthéro-Lacones de Brasiie racontaient une version qui leur était spéciale et rappelle de très-près la fable de l'enfance de Persée [PERSrus]. Suivant ce récit, Sémélé serait accouchée naturellement de Dionysos ; Cadmus l'aurait fait enfermer avec son enfant dans une caisse jetée à la mer et portée par les flots à Brasin. En l'ouvrant, on y trouva Sémélé morte, qui fut enterrée à cet endroit, et l'enfant toujours vivant qu'Ino prit et éleva dans une grotte voisine 380. Une célèbre statue du musée de Munich 381 est habituellement désignée comme représentant Ino-Leucothée portant dans ses bras le petit Dionysos ; cependant cette explication est sujette au doute, car on pourrait interpréter la même figure par toute déesse Koupozpdpos ou nourricière. La tradition qui fait nourrir et élever Bacchus par les Nymphes de Nysa est la plus habituellement admise 3"2. C'est toujours, du reste, le dieu puisant la source de sa croissance dans l'élément humide. Ino-Leucothée est une déesse marine [LEUCOTHEA] ; d'un autre côté le nom de la localité mythique de Nysa, le lieu de la naissance ou de l'éducation du dieu et aussi sa résidence favorite 383, d'après laquelle il est appelé Nyseios, Nysaeus, Nysios, Nysigena 33'` ce nom dérive de la même racine perdue, que NGgir , vésn °°, et désigne un lieu humide et verdoyant, arrosé de nom BAC 603 BAC breuses sources 386. Ainsi que l'a établi Welcker, Nyseios est donc le synonyme presque exact de Atuvayev 1ç 397, né dans les marais, Atuvaïoç 36s ou iv ),iµvxtç 399, dieu résidant au sein des marais, épithète que Dionysos porte en plusieurs endroits. Le même nom significatif devient quelquefois, dans d'autres variantes de la légende, celui de la nourrice du jeune dieu, représentée alors comme unique et appelée Nysa 390; sa figure était portée dans la grande pompe bachique d'Alexandrie 991. La signification attachée aux nourrices de Bacchus achève de s'éclaircir quand on voit désignées comme telles les pluvieuses Hyades 092, représentées par Phérécyde 393 comme des nymphes de Dodone à qui Ino avait confié l'enfant divin, ou quand on raconte que les nymphes de Nysa furent transportées dans le ciel et y devinrent les Hyades 394. On en compte deux, Bromie et Baeche 39', cinq, Pytho, Synecfto, Baccho, Cardie, Nyseis 39G ou bien Phoesyle, Coronis, C'leia, Phceo, Enclora 397, ou bien encore Arsinoe, Ambrosia, Bromie, Cisseis, Coronis39a six, Cisseis, Nysa, Erato, Eriltltia, Bromie, Polyhymno399, enfin sept, Ambrosia, Enclora, Pedile, Coronis, Polyxo, Phtho, l'hydne 400. Dans la tradition spéciale de Naxos on comptait trois nourrices et on les nommait Philia, Coronis et Cleis 701. Sur un vase peint d'Agrigente 402, la nymphe de Nysa à qui Hermès remit le petit Dionysos est appelée APIAINE, Ariagne, nom qui, nous le montrerons plus loin [sect. vn], est identique à celui d'Ariadne. Un autre vase sicilien, de la collection de Luynes 40J, montre ZErx, remettant lui-même son fils, otoNrxos, aux Hyades, désignées par leur nom, TAOE1 (fig. 680). Sur une monnaie de Laodicée de Phrygie 404 le maître de l'Olympe porte dans ses bras le petit Dionysos et a auprès de lui une chèvre, qui rappelle la métamorphose de l'enfant en chevreau. On voit même le jeune dieu allaité par la chèvre Amalthée 405, comme Zeus enfant [AMALTHEA, JUPITER], ce qui remémore les récits exceptionnels où les Hyades sont données pour les nourrices de Zeus aussi bien que de Dionysos 496 et où le roi des dieux est, lui aussi, élevé à Naxos 407. Dans la fable locale propre aux Grecs de la Cyrénaïque, Dionysos était fils d'Ammon et d'Amalthée; son père le remettait à la nymphe Nysa, fille d'Aristée, qui l'élevait sous la garde d'Athéné, dans une île du fleuve Triton 403 La remise du jeune Bacchus par Hermès aux nymphes de Nysa est encore représentée sur plusieurs vases 409. Un monument de la même nature 41° montre Silène assis sur le rocher de la grotte de Nysa et accompagné de deux nymphes ; Hermès lui confie l'enfant emmaillotté ; au revers sont trois Muses. Ceci nous amène à la troisième forme de la tradition béotienne, celle qui faisait nourrir Dionysos par les Muses b1. Les Muses remplacent naturellement ici les nymphes de Nysa, car elles aussi, dans leur conception première, étaient étroitement liées aux fontaines [MUSAS]. Un culte très-ancien les unissait à Orphée ou même à Dionysos dans le Libethron de l'Olympe de Piérie et dans celui de l'Hélicon 412, localités dont le nom significatif dérive de XoC6oty, a répandre, arroser »1'19, d'où sortent aussi les surnoms de notre dieu, Leibënos, Loibésios, Loebasius, source du LIBER latin. La tradition de Naxos était exactement conforme à celle de la Béotie, sauf qu'elle plaçait Nysa dans l'île. En revanche, en Eubée le récit était différent et se rapprochait de celui de la Cyrénaïque. On y disait que le petit Dionysos avait été confié par Hermès à Marrie, fille d'Aristée, qui l'avait nourri de miel au fond d'une grotte, et qui, poursuivie par la colère d'Héra, s'était enfuie avec l'enfant à Schéria, chez les Phéaciens 414. C'est la légende propre au Dionysos Brisaios 415, adoré dans une partie des îles de l'Archipel, le Bacchus inventeur du miel M116, dont le nom, apparenté à celui des Nymphes Brisce 417, les nymphes du miel dans la fable d'Aristée [AR1STAEUS], dérive de l'ancien mot pt-Lç, « doux » 419. On racontait aussi en Eubée que pendant son enfance il avait été gardé et nourri par les Curètes et les Corybantes 419, emprunt fait aux traditions relatives au Zagreus crétois, qui a inspiré l'auteur d'un bas-relief du 'Vatican 420. En Lydie, Dionysos passait pour avoir été nourri par Bippa sur le mont Tmolus 421; mais la tradition favorite de l'Asie Mineure et de la Thrace hellespontique lui faisait passer son enfance au milieu des soins des Ménades de ces contrées, les Lydiennes, les Bassarides, les Macètes ou Macédoniennes et les Mimallones7r29. Cette donnée du dieu enfant remis par Hermès aux Ménades et aux Satyres destinés à former son thiase, a été adoptée plusieurs fois par les artistes antiques'''. Enfin, quand le côté mystique prédomina définitivement dans le culte dionysiaque [voy. sect. xv], on raconta qu'il avait été élevé par Mystis 424 l'initiation personnifiée. Ces derniers récits ont été combinés avec l'ancienne tradition par Salpion l'Athé BAC 604 BAC nien, l'auteur du cratère de marbre transporté de la cathédrale de Gaète au Musée de Naples "' (fig. 681). Hermès y remet l'enfant à Nysa, assise sur le rocher de la grotte mystique; d'un côté de cette scène se déploie l'orgie bruyante représentée par deux Satyres et une Ménade, dansant et jouant des instruments ; de l'autre, la gravité des mystères s'exprime par l'attitude des personnages en contraste avec la bacchanale; ce sont Silène portant le thyrse, Mystis "" ou Télété 437, c'est-à-dire dans tous les cas une personnification de l'initiation, tenant également le thyrse, enfin OEnanthé 4", la vigne en fleurs, qui s'appuie au tronc d'un arbre. Un sarcophage romain, actuellement conservé à Munich"", répartit en trois scènes juxtaposées les principaux épisodes (le l'enfance de Bacchus; au centre, il est lavé par les nymphes de Nysa ; à gauche, monté sur un bélier, il joue au milieu des Satyres et des Ménades ; à droite enfin, debout sur les genoux d'un Satyre et s'appuyant à un cep de vigne, il reçoit les leçons de Silène. C'est là en effet le précepteur que lui attribuent d'ordinaire les écrivains "9 et les monuments de l'art 431 [SILENUS]. Une belle statue du Louvre 139 montre Bacchus enfant aux bras de Silène : comme l'a remarqué Welcher 433, c'est la reproduction de l'oeuvre d'un maître inconnu que l'on admirait à Rome, dans le Portique d'Octavie L34. Sur les monnaies de Zacynthe 456, ce n'est plus Silène, mais Pan qui porte le jeune dieu dans ses bras et semble avoir le soin de son éducation ; ceci est d'accord avec la tradition locale de Patras, indiquée par Pausanias 43°. En Eubée 13" et en Cyrénaïque 438, c'est d'Aristée qu'on faisait le précepteur de Dionysos ; on l'admettait aussi à Syracuse 439. L'enfance et l'éducation de Dionysos ont d'ailleurs fourni à l'art grec et romain une mine de sujets presque inépuisable. Tantôt on représente l'enfant porté dans le van mystique par un Satyre et une Ménade dansants 440 pour la cérémonie de l'AMPuIDROMIA, que l'on pratiquait pour tous les nouveau-nés (voy. plus haut, p. 239, fig. 267). On racontait, en effet, que le dieu avait eu pour berceau un van441, ),ixvov, d'où son surnom de AlxviT-ils a celui au van ». Ailleurs Dionysos enfant est assis dans la grotte symbolique de Nysa 4"; ou bien, accroupi à terre, il tient une grappe de raisin 444, ou bien encore il est posé sur les pampres qui sortent d'une grande corne d'abondance 44'. Les statues de Dionysos dans son enfance ne sont pas précisément rares 446. Les bas-reliefs qui retracent son éducation et ses jeux sont multipliés 4". Accompagné de Silène, de Satyres et de Ménades, il chevauche gaiement une chèvre 448 ou une panthère 449. Sur une pierre gravée 450 la scène se passe à Dodone, localité nettement caractérisée par le chêne prophétique, la chapelle voisine et la source; deux Hyades conduisent un lion sur lequel est monté le petit Dionysos ; Dioné, comme mère du dieu, surveille la scène et tient le van sur ses genoux. Sur une autre 431 Pan, jouant de la double flûte, apprend à danser à l'enfant divin. Je ne cite que quelques-uns des types de repré sentations les plus caractéristiques. V. Devenu grand, Dionysos plante la vigne et lui fait produire son nouveau nectar terrestre 433. L'inimitié d'Héra le poursuit encore; elle le frappe de folie furieuse 463. Pour s'en guérir, il va consulter l'oracle de Dodone, mais un lac formé subitement lui barre le passage. Il le traverse, monté sur un âne, et en reconnaissance place cet animal au ciel, parmi les astres'". C'est pendant le cours de cette fureur que les combinaisons factices des mythographes de profession 45' le font aller en Syrie, où il visite Aphrodite et Adonis ou bien enlève celui-ci 466' et en Egyp te chez Protée 457. Enfin il se rend enPhrygie, où Cybèle l'initie à ses mystères et en le purifiant le rend à la santé 468. L'existence habituelle de Dionysos est le sujet d'un cycle immense de descriptions poétiques et de représen BAC 605 BAC tations figurées. Les orgies que l'on célèbre en son honneur, et qu'il a instituées lui-même à Thèbes 459 et à ArgosL60, sont la reproduction de la fête bruyante et orgiastique au milieu de laquelle il passe éternellement sa vie. Entouré des Nymphes ses nourrices, des Ménades de toute espèce, des Satyres, des Silènes, des Pans et des Centaures, en un mot de tous les êtres à la nature à demi animale qui composent son cortége ou thiase, il mène sur les sommets boisés des montagnes la bacchanale 461, à laquelle se joignent quelquefois les Naïades 469, les Nymphes Oréades 463, Éros et Aphrodite 474, Déméter466 ou Cybèle 466 toutes les divinités de la fécondité ou de la production terrestre. Partout les fleurs et les fruits naissent sur son passage. Avec son thyrse il fait jaillir du sol et des rochers des sources de vin et d'eau, dans les fleuves il fait couler le lait et le miel 467; à Naxos, au moment de son union avec Ariadne, les rochers ruissellent de nectar 465 ; à Téos une fontaine de vin jaillit au moment de sa naissance ; on raconte des miracles semblables à Andros 469 et à Élis F2p. C'est sur les montagnes qu'il se plaît particulièrement; c'est là qu'il se manifeste aux femmes qui vont célébrer ses fêtes ; c'est là qu'il apparaît souvent 471 aux pâtres et aux vignerons. De là toute une série Oêpa epoi,rm 479, qui tous le caractérisent comme le dieu qui fréquente les montagnes. Une autre série d'épithètes, encore plus riche, a trait à la fête perpétuelle dans laquelle s'écoule son existence, Kt,3µâa'c ç 473, au fracas de joyeux que l'on y poussait 677 'Eptedaç 478 'Iu'yir,ç 479 enfin Bccxxaèaxxoç 486 de l'invocation répétée de son nom. Le même dieu est aussi Xope o; 451, Xopo('roato; 488, d'après les rondes de la bacchanale, qu'il mène lui-même, Xopce' ç 659, et les choeurs alternés de chant et de danse auxquels les bergers viennent quelquefois prendre part X90. Le moment que Dionysos préfère pour l'éclat des réjouissances auxquelles il se complaît est la nuit 491, l'heure même où les femmes de la Béotie et de la Phocide vont célébrer ses orgies triétériques sur le Cithéron et le Parnasse [DIONYSIAl. C'est pour cela qu'il est le dieu nocturne, Nux,rtoç 492, et qu'à cause des flambeaux qui éclairent ses réjouissances on l'appelle Aap.7sr4 493 ou HagniAoç 496 Dans l'article THIASUS il sera parlé de la nature des différents personnages qui font le cortége habituel de LENUS], ainsi que des noms qu'on leur donne quelquefois individuellement. On y traitera des représentations qui mettent en scène tous ces personnages ou montrent le dieu au milieu de son thiase. Peintres et sculpteurs, dans la Grèce et à Rome, ont cherché dans ces données, bien des fois chantées par les poëtes, une des sources favorites de leurs inspirations et une mine inépuisable de sujets. Ici nous nous bornerons à placer sous les yeux du lecteur comme spécimen la composition (fig. 682) tracée sur un vase du cabinet de Vienne 496 eloNTEol est assis sur un rocher dans les montagnes ; IMEPOE, le Désir, lui présente en volant une couronne ; deux femmes, S1rsNY,?, et on.O.PA, la Saison d'automne, lui apportent des scaphées pleines de fruits; auprès se tiennent, en se faisant pendant, deux Satyres, l'un appelé KSSMOX, personnification de la joie bruyante de la fête, l'autre sans nom, jouant de la lyre. Dans le fond, sur les pentes de la montagne, sont deux groupes qui occupent les deux extrémités de la représentation ; d'un côté AINoxoH, l'Ivresse qui fait tourner la tête, de qui s'approche un Satyre, de l'autre EIPANH, la Paix, qu'Euripide 498 joint au thiase de Bacchus; elle a près d'elle le Satyre HAYOINos, le vin doux, qui reparaît assez fréquemment sur les monuments 497. Nous rappellerons encore un célèbre cratère de marbre du Musée du Louvre connu sous le nom de vase Borghèse 458; Bacchus jeune, debout, tenant le thyrse, s'appuie sur une MuseG99 qui joue de la lyre; autour d'eux se déroule la danse orgiastique de la bacchanale, au milieu de laquelle Silène, tombant d'ivresse, est soutenu par un Satyre. Les Muses, dont nous avons vu un récit faire les nourrices de Dionysos, lui sont quelquefois associées no et les Ménades musiciennes portent sur les monuments des noms de Muses, comme Terpsichore ou 7'haleia sol [MACNADES]. Notons, pour terminer ce qui se rapporte à ce sujet, que dans les scènes de bacchanales, Dionysos est toujours à pied; on ne le voit monté sur un char quelorsqueAriadne l'accompagne 502. Pourtant un curieux vase d'ancien style 507 (fig. 683) le montre dans un quadrige d'un genre tout particulier, que traînent deux Satyres et deux Ménades. Dionysos promène ses orgies et son cortége par toute la Grèce et l'Asie Mineure. A ses courses errantes se rattachent aussi les nombreuses légendes relatives aux fruits de ses amours avec des Nymphes ou des mortelles, comme 1Varhaios, fils de Physcoa dans l'Élide504, Phlius 505, ou Phlius J06, héros éponyme de Phlionte en Argolide, fils de Chthonophylé, Carmon, fils d'Alexircea 50', Tèlétè, fille de Nicha 508, Medos, l'ancêtre des Mèdes, fils d'Alphesibceasoo Phanos, un des Argonautes 510, dont on ne désigne pas la mère. Dionysos est en effet par excellence le dieu I'uv«t N.«vr,ç J71, qui a la fureur des femmes 512 et aussi qui inspire la fureur orgiastique aux femmes, par lesquelles ses fêtes nocturnes de la Béotie et de la Phocide étaient célébrées, à l'exclusion des hommes [DIONYSIA]. Sous ce dernier aspect il est 'Opniïtlv,iii 513, celui qui excite les femmes ; sous le premier, il est Xotpoto«ars OIS ; nous parlerons plus loin de Dionysos comme dieu phallique [sect. Ix]. Dans son thiase même, on lui donne encore pour maîtresses Méthè, l'ivresse 51J, Charis 518 et Irénè 517, la Paix. Parmi ses visites aux mortels quelques-unes sont célèbres. En Phrygie, il se rend chez MIDAS pour obtenir la liberté de Silène, capturé par ce roi, et lui donne en échange la faculté de changer en or tout ce qu'il touchera 518. En Laconie il reçoit l'hospitalité de Dion, aime sa fille Carya et la change en noyer après sa mort 519. En Étolie il est accueilli par OEneus auquel il fait don de la vigne, et prenant sa femme Althæa pour maîtresse, il la rend mère de Déjanire, suivant les uns, de Méléagre, suivant les autres520. Mais la plus fameuse des visites de ce genre est celle qu'il fait en Attique chez Icarios. C'est sous le règne de Pandion que cet événement est placé. Icarios, le type héroïque du cultivateur athénien, a pour épouse Phanothéa, à laquelle on attribue l'invention du vers hexamètre 521, et pour fille Érigone. Il reçoit Dionysos dans sa demeure, et l'entrée du dieu, escorté de Silène, de Satyres et de Ménades, dans la salle du festin où l'attendent Icarios et Phanotbéa, est représentée par un basrelief dont il existe plusieurs répétitions 522 (fig. 684). En récompense de son hospitalité, le dieu gratifie Icarios du vin, mais lui recommande de tenir ce trésor caché sous terre, de peur des malheurs qui pourraient en survenir. Mais cette précaution est négligée, des bergers trouvent le vin mal caché, s'en enivrent, tuent Icarios et jettent son cadavre dans la source Anygros, qu'ils comblent de pierres. Erigone désespérée devient l'errante («)e7jTts), et cherche partout le corps de son père, avec sa chienne Alrera. Elle trouve enfin le tombeau d'Icarios dans l'Hymette et se pend à l'arbre au pied duquel il a été enseveli. Dionysos, ou suivant d'autres Zeus, à sa prière, transporte dans le ciel, au rang des constellations, tous les personnages de cette histoire de deuil, Icarios comme Bootès ou Arcturus, Érigone comme la Vierge, et la chienne Mlera comme l'étoile de Sirius 523. La mémoire d'Érigone était fêtée par la cérémonie de l'AIOBA, et l'on disait que le jeu de l'ASxoLIA avait été inventé par Icarios 524. On prétendait montrer dans le dême d'Icaria la première vigne, plantée par le héros éponyme sur les indications de Dionysus 525. 'Hpt (lvr , celle qui naît au printemps, est la vigne elle-même qui s'attache et se suspend aux arbres; sa mort est pareille à celle du jeune et beau Medos, la pomme, qui dans les fables de Cypre donnait son nom à BAC l'arbre auquel il se pendait526. La chienne Maera est le chien céleste, Sirius, qui se montre au moment où mûrit le raisin 527 ; aussi le chien joue-t-il également un rôle dans la légende locrienne du roi Orestheus. , ,,e , .) Celui-ci enfouit ~s ■ en terre un mor ceau de bois qu'une de ses chiennes a mis bas, et au printemps, il en voit sortir une vi grie 523 VI. Celle des fables relatives aux ennemis que rencontre et combat Dionysos, qui apparaît la première, est celle de sa lutte avec Lycurgue. La plus antique version de ce récit se trouve dans l'Iliade 529 ; elle place l'histoire pendant l'enfance du dieu. Lycurgue, fils de Dryas, poursuit avec sa hache à deux tranchants 530 les nourrices de Dionysos sur le mont Nysion et les fait fuir dispersées; le jeune dieu se précipite dans la mer, où Thétis le recueille et le sauve. Zeus frappe de cécité le roi thrace, et les dieux le font bientôt périr. C'est cette version qu'a suivie l'auteur d'une pierre gravée 531 qui représente Dionysos enfant, tenant le thyrse, porté sur les flots par un hippocampe. La fable se développe ensuite considérablement, et ces nouvelles variantes placent toutes l'histoire à une époque postérieure à l'enfance du dieu. Chez Hygin'', Lycurgue se déclara l'ennemi de Dionysos et dans son ivresse veut souiller la couche de sa propre mère et arracher la vigne dans son pays. Dionysos le frappe d'une folie furieuse dans laquelle le roi tue sa femme et son fils et se coupe à lui-même un pied"' avec sa hache, le prenant pour un cep de vigne. Le dieu le précipite ensuite des sommets du Rhodope et le fait déchirer par ses panthères, ou bien Lycurgue se tue lui-même 034. Suivant Apollodore535 c'est au retour de l'Inde que Dionysos vient en Thrace avec son cortége et est attaqué par Lycurgue. Le dieu se jette à la mer et trouve un refuge près de Thétis ; ses Satyres et ses Ménades sont réduits à l'état de captifs. Pour châtier Lycurgue, Dionysos lui envoie la fureur pendant laquelle il tue d'un coup de hache son fils Dryas, croyant couper une vigne. Le roi thrace revient ensuite à la raison ; mais son pays est frappé d'une incurable stérilité. L'oracle consulté répond que BAC la terre ne donnera de nouveau ses fruits que lorsque Lycurgue aura été mis à mort. Alors les Édoniens le saisissent et l'abandonnent, chargé de liens, dans le Pangée, où Dionysos le fait mettre en pièces par des chevaux. Enfin, dans le récit de Diodore no le dieu du vin,reve nant en Europe après des ex péditions victo rieuses en Asie, fait une alliance avec Lycurgue, roi de Thrace, et, laissant son armée de l'autre côté de l'Helles pont, vient chez lui, entouré des seules Ménades. Lycurgue com plote de l'égorger dans la nuit, mais ses embûches sont révélées par Tharops à Dionysos. Celui-ci, en s'échappant seul, gagne son armée, tandis que les Ménades se cachent dans le mont Nysion. Revenant ensuite avec toutes ses troupes, Dionysus défait les Thraces, prend Lycurgue vivant et le fait torturer, aveugler, enfin mettre en croix. La fureur de Lycurgue, telle qu'on la racontait avant ce dernier travestissement evhémériste, a été chantée par Sophocle 537; Eschyle en avait fait le sujet d'une de ses trilogies 539. Les artistes l'ont souvent retracée 539. On la voyait dans les peintures d'un des temples situés à Athènes dans le téménos de Dionysos Eleuthereus Une pierre gravée 511 représente le roi thrace arrachant la vigne dans sa fureur; un vase peint 56g le montre tuant avec la bipenne son fils Dryas. Des compositions plus étendues, où Lycurgue tue sa femme et son fils et où Bacchus, entouré de personnages de son thiase, assiste aux effets de la folie dont il a frappé son ennemi, nous sont offertes par des bas-reliefs J4' et surtout par des vases peints'''. Sur un sarcophage de la villa Albani 545 (fig. 685), ce n'est pas sa femme que tue Lycurgue. L'artiste a suivi les données particulières de la forme du récit adoptée aussi par Nonnus545 et le roi thrace frappe la nymphe Ambrosia, qui se change en vigne'"; deux Erinnyes, placées de chaque côté du groupe, excitent sa fureur, et l'une d'elles est accompagnée de la panthère qui déchirera Lycurgue ; Bacchus leur commande, soutenu par Silène et escorté d'un Satyre, d'un Pan et d'Opora ou Po BAC 608 -BAC MOKA. La fable de Lycurgue est encore le sujet d'une mosaïque de Naples548 Toute cette légende est une personnification des phénomènes de l'hi ver, qui porte pour un temps dans la nature le ravage et la désolation 50. L'hiver, avec ses tempêtes , est figuré d'une manière saisissante par le sauvage roi de Thrace , apparenté à Borée 550 fils ou père de Dryas, c'est-à-dire sortant des grandes forêts des montagnes où habitent les loups (AuxoûpYoç). Dans l'Iliade, il at taque les nourrices de Dionysos enfant, car c'est précisément en hiver que l'on fêtait la naissance éternellement renouvelée de ce dieu, d'abord caché dans l'antre de Nysa, qui apparaîtra dans toute sa gloire au printemps. De là l'époque où on célébrait les Trieterica de la Béotie et de la Phocide, les Dionysies des champs et les Lénées en Attique, c'est-à-dire ses plus anciennes fêtes [nIONYSIA]. Plutarque 551 parle des gelées qui venaient souvent troubler les orgies du Parnasse. C'est ainsi que dans les versions postérieures Lycurgue s'attaque au dieu au milieu de sa fête et sévit contre ses Ménades. Mais Lycurgue, comme l'hiver qu'il personnifie, meurt bientôt sous le poids de ses propres fureurs, et c'est seulement après sa mort que la terre redevient fertile. Naxos avait son récit spécial pour l'expression de la même donnée. Butés, fils de Borée, frère et successeur de Lycurgue, y était représenté comme arrivant dans l'île avec une colonie de Thraces. Manquant de femmes, ii allait avec ses compagnons en enlever sur la côte de Thessalie, tombait au milieu de la fête de Bacchus et sans respect pour la sainteté s'emparait des Ménades qui la célébraient ; celle qu'il enlevait pour lui-même était appelée Coronis. Alors le dieu le frappait de fureur et finissait par le changer en fontaine 553 A mesure que le siége de la fable de Lycurgue était reporté vers le Nord, une autre légende, qui exprimait le même symbolisme en le mêlant au souvenir des immolations humaines des AGItIONIA primitives, se développait comme la légende spécialement béotienne. Penthée, IlEvOEÛÇ, l'homme du deuil, fils d'Echion, l'un des Spartes nés des dents du serpent de Thèbes 553, et d'Agavé, fille de Cadmus, homme sauvage, féroce et à la taille gigantesque 555y est l'antagoniste du dieu. Roi de Thèbes, Penthée veut s'opposer à la fondation des fêtes orgiastiques auxquelles Dionysos, à son retour d'Asie, convoque les femmes sur les montagnes. Résolu à disperser la troupe des Ménades, il se rend sur le Cithéron 555, et là se cache dans un buisson pour épier les rites dont la contemplation est interdite aux hommes. Il y est aperçu par sa propre mère, qui dans l'ivresse du vin et de la bacchanale le prend pour un animal sauvage, un sanglier 050, un lion 557 , ou un chevreau 558. Les Ménades lui donnent alors la chasse, le saisissent et le mettent en pièces ; les plus acharnées sont sa mère Agavé et ses tantes, Ino et Autonoé 559. Les gens de Corinthe ajoutaient que la Pythie avait ordonné aux femmes béotiennes de rechercher le buisson sous lequel s'était caché Penthée et de lui rendre des honneurs divins, et ils montraient dans un temple de leur ville deux xoana faits avec son bois 56o Eschyle le premier mit à la scène cette fable de Penthée et Euripide en a fait le sujet de sa tragédie des Bacchantes. Elle était retracée dans les peintures d'un des sanctuaires du dieu à Athènes 561 et dans un des tableaux que décrit Philostrate 553 C'est aussi cette fable que nous retrouvons sur un certain nombre de monuments de l'art parvenus jusqu'à nous 565, et dont le plus célèbre est un bas-relief existant à Rome dans le palais Giustiniani 564. Sur quelques pierres gravées on voit Agavé en Ménade, tenant la tête de Penthée 555 C'est toujours par la folie furieuse que Bacchus punit les contempteurs de son culte ; nous en avons un autre exemple dans l'histoire des filles de Minyas, Alcitboé, Leucippé et Arsippé 555, avec laquelle on mettait en rapport l'institution des AGRIONIA d'Orchomène. Refusant de se joindre aux autres femmes qui vont célébrer la fête du dieu, elles restent à leurs travaux; Dionysos lui-même prend la figure d'une jeune fille pour les dissuader de cette impiété. Elles ne l'écoutent pas ; alors il les épouvante par ses miracles, se changeant successivement en taureau, en lion et en panthère ; enfin il les frappe de fureur. Leucippé déchire dans cet accès son propre fils Hippasos. Hermès enfin les transforme en chauve-souris, en chouette et en chat-huant 567 Les filles de Proetus dédaignent aussi le culte de Dionysos et refusent de s'y associer 565, c'est du moins une des causes que l'on attribue 558 à leur fureur [PROETIYES]. Saisies de folie, elles se croient devenues des vaches et se mettent à errer dans la campagne en mugissant 570 ; bientôt la même fureur gagne toutes les femmes de Tirynthe. Preetus est obligé d'accepter les dures conditions que lui impose Mélampus, le prophète de Dionysos, pour se charger de leur guérison 571. Mélampus les suit alors avec des chants et des danses mystiques jusqu'à Sicyone, et dans cette sorte de chasse Iphinoé, Iune des Proetides meurt de lassitude 572. Mélampus atteint enfin les deux autres, et les guérit par des rites purificatoires. Cette expiation des filles de Proetus, dont la scène est placée à Sicyone 579 ou près de Sicyone ST', à Clitor 5 ', à Lusi d'Arcadie 576, ou à la source Anygros en Triphylie 577, est représentée sur un vase peint 57S et sur un camée 579. Dans la fable de Lycurgue nous avons vu l'ennemi de Dionysos triompher un moment du dieu, pour succomber à son tour sous le châtiment. Certains autres récits, d'un caractère toujours mystérieux, plaçaient à l'hiver une mort passagère de Bacchus, suivie de sa résurrection Sao La notion d'un dieu qui meurt et ressuscite est essentielle dans le personnage du Soma védique [voy. sect. I]: en Grèce elle a pris un autre sens dans les légendes du Dionysos thébain et dans celle du ZAGItEUS crétois. A Delphes, dans le temple même on montrait le tombeau de Dionysos, sous l'oMpnALos ou près du trépied mantique 531 Plutarque 582 nous apprend que chaque année, au moment des jours les plus courts, on offrait à cette tombe divine un sacrifice secret, qui coïncidait précisément avec l'instant où les Thyades, sur le Parnasse, réveillaient Dionysos Lienitès, c'est-à-dire le dieu nouveau-né porté dans le van. La coïncidence voulue des deux cérémonies de mort et de renaissance, en rend la signification parfaitement claire. On indique aussi un autre tombeau de Dionysos à Thèbes même 663. Parmi les auteurs qui parlent de sa sépulture à Delphes, les uns disent qu'il avait été tué par Lycurgue 584, les autres par Persée 565. C'était en effet une tradition très-répandue que celle d'une lutte entre Dionysos et Persée 586, dans laquelle le fils de Sémélé avait été vaincu et avait trouvé la mort 687. A Lerne, cette légende était combinée avec la donnée mystique qui identifiait Dionysos à Hadès et en faisait le roi des enfers, aussi tenait-elle une place importante dans les mystères locaux [voy. sect. xv, et ELEUSINIA, sect. Ix]. Les traditions argiennes racontaient que Bacchus, venu des îles avec une armée de femmes, avait été vaincu par Persée 586. puis les représentaient réconciliés et recevant en même temps les adorations 589. Dans celles de Lerne.même, Dionysos, tué par Persée, avait été jeté dans le lac Alcyonien 590, où, lors de la célébration des mystères, on l'évoquait du fond des régions infernales 691. Mais cette cérémonie d'évocation nocturne au lac Alcyonien 593, qui constituait proprement le rite des NYCTELIA, était rapportée dans les mystères de Lerne à une autre fable, celle de la descente de Dionysos aux enfers pour y chercher sa mère Sémélé, que la tradition mystique de l'Argolide liait à l'histoire immonde de Prosymnus 593 I. Cette descente aux enfers n'est, du reste, qu'une forme adoucie et euphémique de la mort. La tradition en existait aussi à Delphes, où les Thyades la commémoraient tous les neuf ans dans la fête appelée 1tEHOls S9lr. Elle avait une célébrité universelle 595, et l'un des grands titres de gloire de Bacchus était d'être ressorti vainqueur des régions infernales, ramenant sa mère Sémélé qu'il en avait arrachée, et l'introduisait ensuite au milieu des dieux dans l'Olympe 596, en lui donnant désormais le nom de Thyoné. Un beau miroir étrusque 597, dont nous reproduisons le dessin (fig. 686), représente la réunion de Sémélé et de son fils divin 596 ; Apollon assiste à leurs transports. Un vase peint de style ancien montre Dionysos et Sémélé qui remontent ensemble à la lumière 599. Divers monuments associent Sémélé divinisée à son fils fi00. Ces légendes montrent comment le Bacchus Thébain se présentait déjà sous l'aspect d'un dieu guerrier 60t vainqueur de ses ennemis et même de la mort. C'est ainsi que sur l'ancien cycle de ses fables put se greffer facilement la donnée lydienne des conquêtes de Bassareus [sect. vin]. Même avant l'introduction de ces données étrangères, Dionysos, envisagé comme héros, était le précurseur et le pendant d'Hercule [sect. xtv]. Aussi l'appelait-on Enyalios HoyuuoxsasSoç 603, qui se plaît au bruit 77 BAC -610BAC de la guerre. Une pierre gravée 60` le montre en héros vainqueur, tenant le thyrse et la foudre 606, couronné par Athéné 606 Une représentation analogue s'observe sur un denier romain de la famille Cornelia 807. A Sparte une statue figurait le dieu tenant la lance au lieu de thyrse 696 de là son surnom de AopmTO'dpoç 609. Sur les monnaies de Maronée, Dionysos porte une grappe de raisin et deux javelots 810. Son thyrse même est une arme avec laquelle il combat, et on y voit une lance déguisée611 (sect. xll). Dans une procession des dieux il figure avec ce thyrse et une cuirasse de peau de panthère 612. Un beau vase peint 613 le représente s'armant au milieu des Ménades, qui lui apportent son casque et son bouclier, dont 1'épisème est un Satyre614 Aussi prend-il part avec les autres dieux à la Gigantomachie, où il tue d'un coup de son thyrse Eurytus 615 ou Rhoetus 616 ; il y vient accompagné de ses Silènes et de ses Satyres 617. Sur un vase peint 618, on les voit accourir à son secours dans le combat; un autre 619 au revers de la lutte du dieu contre Eurytus, nous montre un Satyre s'armant pour le combat. Dans d'autres récits il s'y change en lion pour déchirer les Géants 670, ou bien il est monté sur un âne dont le braiement épouvante les ennemis des dieux 611 L'oracle promettant la victoire aux Olympiens s'ils étaient assistés d'un héros est quelquefois appliqué à Dionysos 622 au Iieu de l'être, comme d'ordinaire, à Hercule [HERCULES]. L'intervention de ce dieu dans la guerre contre les Géants est plusieurs fois représentée sur les vases peints 623 La peinture que nous reproduisons (fig. 687) le montre combattant Eurytus, à côté d'Athéné qui terrasse Encé lade 634 ; Dionysos a pour auxiliaires dans cette lutte les animaux qui sont ses symboles, la panthère, le lion et le serpent 6'-6. Dans d'autres récits, c'est le même dieu qui tue Campé 636, le monstre à cinquante têtes qui gardait dans le Tartare les Cyclopes et les Hécatonchires, et que plus ordinairement on fait périr sous les coups de Zeus 627. Dans les îles de la mer Égée, Dionysos avait surtout pour adversaires les représentants des puissances volcaniques et marines. A Naxos, Bacchus disputait la possession de l'île à Héphæstos et sortait vainqueur de cette querelle 626. Par contre, Stésichore 629 racontait l'alliance amicale que ces dieux avaient faite et dont le gage avait été une coupe d'or donnée par Iléphaestos à Dionysos, laquelle avait passé ensuite à Thétis et d'elle à Achille. A Lemnos aussi les traditions locales parlaient de l'amitié et de l'union de Dionysos avec Héphæstos et les Cahires 630 [CASllu]. Le sujet d'un vase peint 631 paraît emprunté à ces fables lemniennes 632 et représente Hermès amenant à Dionysos les deux Cabires Alcon et Eurymedon, fils d'Héphtestos 638. Plus célèbre et plus généralement répandue était la légende qui représentait Dionysos comme parvenant à ramener dans l'Olympe, après l'avoir enivré, Héphoestos, lorsque celui-ci, irrité contre sa mère Héra, ne voulait plus reparaître au milieu des dieux 634 [vuLCANus]. Cette scène était retracée sur le trône de l'Apollon Amycléen 635 et dans les peintures d'un des sanctuaires de Dionysos à Athènes 696; Épicharme en avait fait le sujet de sa fameuse comédie intitulée Héphæstos ou les buveurs 607, et il semble que ce fut la pièce du poète dorien qui mit ce récit mythique particulièrement à la mode chez les céramistes 638. Un miroir étrusque représente Héphæstos et Dionysos s'embrassant 63s Les légendes béotiennes racontaient que Bacchus avait vaincu Triton, qui enlevait les troupeaux sur les côtes 640 A Naxos il triomphait du dieu marin Glaucus, qui lui disputait l'amour d'Ariadne 641. Dans cette même île son culte avait été précédé par celui de Poseidon, qu'il avait supplanté 642. Aussi disait-on qu'il avait fait sentir sa puissance belliqueuse sur mer aussi bien que sur terre 643 Le plus éclatant de ceux de ses triomphes qui avaient la mer pour théâtre était celui qu'il remportait sur les pirates tyrrhéniens. C'est déjà le thème du septième hymne de la collection homérique. Le dieu, prêt à quitter l'île d'Icaria pour se rendre à Naxos, se montre sur la côte sous les traits d'un beau jeune homme. Les Tyrrhéniens l'em BAC 6H --BAC mènent captif sur leur vaisseau. Mais ses liens se détachent d'eux-mêmes, toutes les parties du navire sont subitement enveloppées de pampres et de lierre; enfin Dionysos prend la forme d'un lion et les pirates épouvantés se précipitent dans la mer, où ils sont changés en dauphins. Dans les versions postérieures , le récit va toujours en se surchageant de nouveaux prodiges 644. C'est le sujet de la belle frise du monument choragique de Lysicrate à Athènes "«fig. 688) ; le dieu est assis au centre de la composition, ayant un lion près de lui et entouré de Satyres ; d'autres chargent des chaînes les pirates et les torturent avec des torches ; quelques-uns de ces pira tes se jettent dans la mer et opèrent leur transformation. Sur un autre monument 646, le dieu, qui va combattre les Tyrrhéniens, est représenté presque enfant, tenant lui-même les torches et s'avançant sur les flots de la mer. Un vase peint à figures noires 647 est plus conforme aux données de l'hymne homérique (fig. 689); Dionysos y est resté seul dans le vaisseau, dont le mât est enveloppé d'une vigne ; autour nagent les Tyrrhéniens changés en dauphins. La même fable était le sujet d'un des tableaux décrits par Philostrate 848 Sur certaines pierres gra BAC 612BAC vées 646 on voit un dauphin avec un thyrse. Les poëtes qualifient quelquefois le dauphin de tyrrhenus piseis 650 C'est encore une allusion à cette victoire sur les Tyrrhéniens qu'il faut reconnaître dans le vase d'ancien style 6u où l'on voit Dionysos accompagné de deux Satyres jouant de la double flûte, dans un char en forme d'une galère portée sur des roues. Tout à fait analogue devait être la trirème que l'on promenait à Smyrne dans la fête de Bacchus, comme commémoration d'une victoire navale sur les gens de Chios, gagnée avec son secours 657. Dans cette cérémonie encore, il avait essentiellement le caractère d'un dieu vainqueur sur mer et qui y fait vaincre. VII. La principale fable que le culte spécial aux îles de l'Archipel introduisit dans le cycle de Dionysos fut celle de ses amours ou de son union conjugale 653 avec ALIAANE. Cette fable fut universellement admise, mais le culte d'Ariadne, solennisé par des fêtes publiques, resta presque exclusivement concentré dans les îles, en particulier à Naxos, où il paraît avoir pris naissance 600, et en Crète 655, la patrie de la famille de Minos, à laquelle la légende rattachait l'héroïne dès le temps d'Homère 656 Aussi le peintre d'un vase célèbre 657 (fig. 690) a-t-il accompagné de l'inscription NAEI0N les figures de Dionysos et d'Ariadne assis sous un berceau de lierre, vers lesquels vole Éros, tenant une bandelette. Le nom même d"Apt«Sv7l détermine dans cette région le point de départ de la conception ; c'est une forme des dialectes propres aux îles 858 pour 'Apt«yvIl « la trèssainte 656. » On en trouve aussi les formes 'Apa«Sv7l et 'Apt1Svrl 860, sur un vase peint de la Sicile 'Apis ma B61 et sur un miroir étrusque Areatha 662. En Cypre Ariadne était identifiée à Aphrodite 663, et de même à Argos, à côté du temple de Dionysos où l'on montrait le tombeau d'Ariadne, était celui d'Aphrodite Uranie 666 C'était bien évidemment à l'origine une déesse lunaire 665. De là le nom d'Ap(S7l),a, celle qui se manifeste avec éclat, que lui donnaient les Crétois 666, et la blonde chevelure qui lui est attribuée comme une particularité caractéristique 667. De là aussi son occultation 668, pareille à celle de l'astre nocturne, occultation que les légendes locales de Chypre 666 de Naxos B10 et d'Argos 871 transformaient en une mort, déjà mentionnée par l'auteur de l'Odyssée 67s. Cette association de Dionysos à une divinité lunaire rentre dans les données de la conception du Soma vêdique 673. Mais un autre côté se développe ensuite dans le personnage d'Ariadne ; elle préside à la fertilité de la terre 676, et la fable de son abandon par Thésée, puis de son hymen avec Dionysos rentre dans le cycle de ces mythes gréco-asiatiques qui symbolisaient les périodes de stérilité et de fécondité de la terre, l'hiver et l'été 6i6. C'est à leurs alternatives que se rapportaient les deux genres de fêtes, les unes gaies, les autres tristes, qui firent supposer par les mythologues des temps postérieurs l'existence de deux Ariadnes 676 La fête joyeuse s'appelait TIIEODAISIA et se célébrait au printemps 677, dans le mois nommé d'après elle ©eoîa(atoe, en Crète 618, à Naxos 676, à Andros 660, à Cos et à Rhodes 661 et même dans la Libye 684, C'était, comme le nom l'indique 683 la commémoration des noces du dieu, où Pan avait conduit la danse au son de sa syrinx 684 Quelques auteurs rattachaient l'origine du dithyrambe à ces fêtes 685, où ce genre de poésie aurait imité les chants des noces divines, dans lesquels Hyménée perdit sa voix 686 Dionysos lui-même recevait l'épithète de € soâa(atoç 661. La fête de deuil est principalement signalée à Naxos et en Cypre, où on la célébrait à Amathonte avec des rites particuliers 688 ; elle avait lieu en hiver. BAC -613 BAC En dehors des îles, Ariadne était honorée avec Dionysos en Attique, à la fête des OSCIOPHORIA 689, et dans la mème contrée on signale aussi des pantomimes représentant l'union du dieu et de l'héroïne 690. On célébrait à Alexandrie une cérémonie en leur honneur 891, à Tarse de Cilicie l'importance du personnage d'Ariadne dans la religion locale est attestée par la multiplication des figurines de terre cuite qui la représentent en déesse reine, avec un voile et une stéphané garnie à ses extrémités de feuilles de lierre 692. Ailleurs Ariadne, bien que fameuse dans la légende et fréquemment représentée sur les monuments, ne tenait aucune place importante dans le culte. En Italie, quelques-uns l'identifièrent à la LIMERA indigène °93 [voy. sect. xvi]. De l'union de Dionysos et d'Ariadne on faisait naître trois fils 69°, Gl'nopion 696, celui qui boit le vin, Evanthès 696 le fleurissant, et Staphylos 697, la grappe, ou dans d'autres récits Icaros 698, le héros éponyme de l'île Icaria, ou bien encore Maron "9, qu'on donne plus habituellement pour l'enfant d'Evanthès, d'OEnopion ou de Silène. Dans la tradition spécialement attique, Cérames, l'éponyme du Céramique, était fils de Dionysos et d'Ariadne 701; il était naturel de rattacher au dieu du vin la personnification de la poterie de terre (xépaµog) où l'on conservait cette liqueur. C'est la même idée qui inspirait la généalogie comique qui donnait Stamnios pour père du dieu 781 Ailleurs, nous voyons Pithos, le grand vase à garder le vin, nommé comme un de ses serviteurs 705 [STA➢iNOS, PITHOS]. Thoas 703, roi de Lemnos 10i, Latran-lys et nitropolis 705 sont aussi indiqués comme fils de Dionysos et d'Ariadne. La naissance d'un de ces enfants du dieu est retracée dans un bas-relief 706 VIII. Nous avons indiqué comment la donnée fut empruntée aux fables lydiennes sur Bassareus première des conquêtes de Dionysos. Un premier groupe de traditions embrasse celles qui représentent Dionysos comme le défenseur des cités helléniques de l'Asie Mineure. C'est ainsi qu'il protège Smyrne contre l'attaque navale des gens de Chies 707, et qu'il repousse devant Éphèse les Amazones qui venaient, avec l'appui des Carions et des Lélèges, attaquer la ville 70A. Ce dernier exploit est retracé sur un sarcophage de Cortone T09 dont nous plaçons ici le dessin (fig. 691). Les Amazones vaincues passent ensuite dans l'armée du dieu 710 Le second groupe comprend les fables relatives aux expéditions victorieuses dans lesquelles Dionysos soumit toute l'Asie 711, à la tête d'une armée de Pans, de Satyres et de Ménades 73. Divers vases peints montrent en effet les suivants du dieu dans le rôle de soldats de cette armée; sur l'un un Satyre s'arme d'un casque et de cnémides pour la bataille713; sur un autre, un Silène souffle dans la trompette 714. Les combats de Dionysos en Arabie, sa victoire sur Lycurgue, transformé en un roi arabe, et sur le géant Ascos, liée à la fondation de Damas, ont été indiqués plus haut [sect. ni]. Mais la plus fameuse des expéditions du dieu fut celle qui le conduisit dans l'Est jusqu'aux dernières limites des connaissances géographiques des Grecs. A la tête de son armée, il franchit l'Euphrate à Zeugma, sur un pont soutenu par des càbles de pampres et de lierres entrelacés 715. Arrivé au bord du Tigre, Zeus lui envoya un tigre qui le lui fit passer à la nage 718. Dans l'Ibérie du Caucase il installa Pan comme régent 717. Au temps d'Euripide, qui en parle longuement dans sa tragédie des Bacchantes, le terme extrême de cette expédition était encore placé en Bactriane. Ce fut seulement après les victoires d'Alexandre qu'on fit aller Bacchus jusque dans l'Inde. Lucien, dans son Dionysus, décrit d'après les poètes le mépris des Indiens pour le dieu et son armée la première fois qu'ils les virent, puis leur dé faite, l'incendie 718 et la dévastation de leur pays. Les deux rois de l'Inde qu'il vainquit sont appelés Myrrhanos ou Morieus 719 et Dériadès 740, ce dernier accompagné de ses trois généraux Blémys, Orontès et Oruandès731. La guerre dura selon les uns trois ans, suivant d'autres vingt-cinq 73'. Conquérant de l'Inde, Dionysos y introduisit la civilisation, enseignant aux habitants la fabrication du vin et la culture de la terre, leur apprenant à honorer les dieux, leur donnant des lois, bâtissant des villes et élevant des BAC' 614 --BAC stèles commémoratives de son passage 720. Avant de retourner en Grèce, il laissa dans l'Inde ces colonies grecques qu'Alexandre et ses compagnons courent ensuite y retrouver72°. La fable nouvelle, ainsi formée, eut un succès immense. De nombreuses fêtes la célébrèrent en Grèce 725 ; la plus importante était celle des danses de pyrrhique qu'exécutaient les jeunes garçons de Sparte, mimant le combat de Dionysos contre les Indiens et la fable de Penthée 7"fi, Les poètes en firent le sujet de grandes compositions, à commencer par Euphorion de Chalcis, à la cour des Ptolémées, pour continuer par le Dionysius dont les Bassarica sont souvent cités, et finir par Nonnus de Panopolis, écrivain des bas temps, dont les Dionysiaca sont une mine si vaste et si précieuse de traditions locales curieusement recueillies, qu'on chercherait vainement ail leurs 7". L'art n'a pas tiré de cette fable moins de profit que la poésie. La figure 69A est tirée d'un sarcophage dudu Vatican 728 dont la s-„ double composition repré sente la défaite de Dériadès et la soumission des Indiens demandant grâce à. Dionysos. Ce dernier sujet est plusieurs fois répété , soit isolément 729, soit avec l'enlèvement du butin de la victoire 730. Pan y figure toujours à. côté du dieu comme son Dans la description que Longus 732 donne d'un temple de Bacchus, il y place des peintures dont l'une représente la victoire du dieu sur les Indiens et l'autre le châtiment des Tyrrhéniens. Un sujet bien plus multiplié, et presque exclusivement propre aux sarcophages, est celui de la pompe triomphale de Dionysos revenant de l'Inde 733; le char du dieu y est très-souvent traîné par des éléphants, comme dans l'exemple que nous en avons fait graver (fig. 693). On disait en effet que Bacchus était le seul dieu avec Jupiter qui eût mené un triomphe u' , qu'il avait porté le premier la couronne des triomphateurs 70,, la magna corona [costoNa]. Lui-même était surnommé Opiceu60; 70°. Alexandre le premier imita ce triomphe de Dionysos au fond de l'Asie 737 ; les rois grecs de la Bactriane, les Séleucides, les Ptolémées, les généraux et les empereurs romains suivirent maintes fois son exemple 750. La plus splendide pompe de ce genre fut celle que célébra à Alexandrie Ptolémée Philadelphe, et où l'on vit le dieu porté sur un éléphant, entouré de son thiase, des animaux étranges et de tous les plus riches produits de l'Inde 739. Une pierre gravée 740 réprésente Dionysos armé du thyrse, monté dans un quadrige triomphal que conduit la Victoire. La tradition particulière des Grecs de la Cyrénaïque ajouta à ce cycle un nouveau groupe de fables. On racontait qu'il était venu en Libye rétablir sur son trône Ammon, chassé par Cronos et les Titans 741, et que pour cette expédition il avait emmené dans son armée les Amazones. Dans d'autres récits on disait qu'Ammon avait sauvé l'armée de Dionysos au milieu des déserts d'Afrique, en se transformant en bélier et en indiquant une source 742, ou bien en nourrissant les troupes avec ses innombrables troupeaux de moutons 743. Ces derniers épi sodes se rattachaient bien évidemment à la guerre qu'on lui faisait poursuivre contre Gigon, roi d'Éthiopie 7" Plus tard, on prêta aussi à Dionysos des expéditions et des triomphes en Occident. On le fit aller en Italie. Il y recevait l'hospitalité de Falernus 745, l'éponyme de Fa lernes, célèbre par son vin, et il y vainquait, dans le pays des Tyrrhéniens, le géant Alpos, fils de la Terre 748. On lui attribua aussi la conquête de la péninsule hispanique 7". Varron prétendait que le nom de Lusitanie venait des jeux (lusus) de Bacchus et celui de l'Hispanie de Pan, qu'il BAC 615 BAC en avait fait gouverneur 763, appliquant à l'Ibérie espagnole la fable qui s'était rapportée d'abord à l'Ibérie du Caucase. IX. Dionysos est avant tout le dieu du vin. A l'origine, comme le Soma védique dont il dérive, il a personnifié la boisson même qui fortifie l'homme, qui cause l'ivresse et qui constitue la libation. « Plus d'un passage des Bacchantes d'Euripide, remarque avec raison M. Maury 7", rappellent clairement cette origine matérielle de la divinité, et le ponte finit même souvent par ne plus la voir que dans la liqueur''0. B Un de ses noms les plus anciens est celui de Oéotvoç'"1le dieu vin, d'où les Dionysies des champs, en Attique, étaient quelquefois qualifiées de Osolvta "h It garde encore complétement ce caractère quand il est lui-même appelé Acrales, le vin pur". Mais en général sa personnalité divine se dégage d'une manière plus marquée de cette confusion; il n'est plus le vin lui-même, mais cette liqueur est le présent qu'il a faitaux hommes'''', le raisin son fruit, OlovGcou xap7A;755. Le dieu est alors qualifié de celui qui donne le vin pur, Acratophoros 7a6, l'inventeur du vin, otvou sûpérgç7", celui qui produit la vendange, Prolryges iJB, celui qui plante la vigne, 'AN.71e),oféTolp 1a9, le dieu aux grappes, Eustaphylos780, Stauhylites 7s1. Bacemi fer "4 celui qui préside aux pressoirs Lenaios 7" La majeure partie des noms des personnages que la légende et les monuments de l'art groupent autour du dieu, sont des allégories tout à fait transparentes de cet ordre d'idées. Tels sont ceux des héros, OEneus, GL'nopion, Staphylos, AMPELOS. Staphylos, la grappe, parait avoir joui d'une popularité particulière; nous l'avons vu donné comme fils de Dionysos et d'Ariadne, ailleurs il est l'enfant du dieu et d'Érigone; à Chios nous le voyons lié à la légende d'OEnopion, en Étolie il figure comme un berger d'OEneus 764 et il tient aussi une place importante dans les fables locales de la Carie 76'. Acratos, le vin pur, devient quelquefois un personnage distinct, que l'on croit reconnaître sur divers monuments 766. Les noms des Satyres qui composent le thiase du dieu, particulièrement sur les vases peints, en font aussi fréquemment des personnifications de la même nature ; nous reviendrons sur ce sujet à l'article THIASUS, mais il est impossible de ne pas signaler ici quelques-uns des plus significatifs, tels qu'Oines 767, le vin, Hedyoinos, le vin doux, Oinopton, etc. De même, parmi les Ménades, à côté de Méthé, l'ivresse, et de Dinonoé, celle qui fait tourner l'esprit, nous rencontrons Oinanthé, la vigne en fleurs. Mais ce n'est pas seulement à la vigne que Bacchus préside ; il auncaractère plus général de dieu de la production et de la végétation, ■bu'rAoog 163 et il préside spécialement à tous les arbres fruitiers 769. A ce titre il est qualifié de Dendrites 77° et on le fête dans les DENDBOPHOBIAE 771 pl. xnv, p. 133. 767 Sur le personnage d'Oinos et son type plastique, coy. Panofka, Il est aussi le dieu qui préside aux figuiers, 2'uxiT71; "4, ou qui donne la pomme "1; parmi les femmes que l'on met en rapport amoureux avec lui, plusieurs portent des noms de plantes et d'arbres, comme Altha'a, Carya. Le surnom de Dasyllios "«de éaaèç et i er,) se rattache à la même idée. En revanche, le dieu n'est presque jamais mis en rapport direct avec la production proprement agraire, et l'on ne peut citer que le Dionysus Areus de Patrie 777 qui soit dans ce cas. Dans l'opposition établie sur quelques monuments d'ancien style 770 entre Bacchus et Triptolème, le premier représente la culture des vergers et des vignes, le second celle des champs labourés. Dionysos est aussi le dieu de la floraison des végétaux, Antheus, Anthios777, Evanthes778, le dieu honoré dans la fête des Anthestéries [DloNY'SIA], comme celui qui fait pousser les fruits, L''ucar,os 779 Chloocar'pos 790, I'eveetourfoç Tmv xaF productrice qui s'attache au personnage de Dionysos, le dieu vivificateur de la nature, tIuci oloç 181, est exprimée d'une manière encore plus générale par ses surnoms Phlotas 784, Phlyus Phleus 786 Pfdeon 787, tirés de p)séol, )éw, aussi bien que les noms de Phlias 738 et de Phlaâses 789 représentés comme des fils du dieu, par celui de Brisaios, qui dérive de ppéol ou de l'ancien mot ptT18ç «doux» [BRITOMARTIS], enfin par ceux de Aetôr,voç 190 ou Aotér,atoç 19t, ce dernier source du LIBER italique dont la forme primitive était Lcebesus ou Lcebasius 799. Tirés de Xt e't,, les deux derniers surnoms que nous venons de ci ter expriment une idée de flux en même temps que d'abondance 793 Bacchus est en effet le dieu de l'humidité chaude qui développe la vie et la végétation àla surface de la terre 794 C'est ce qu'expriment les Hyades données pour ses nourrices et le nom d'Hye appliqué à sa mère Sémélé. Luimême est qualifié de Hyes 195 et Hyeus7g6. Il est aussi le dieu dont on place volontiers les temples dans les marais, iv ),ig.vatç, qui y réside, Llmnaios, et qui y naît, Limnagenes. C'est ainsi que dans plusieurs endroits on voit des sources consacrées à Bacchus, sans qu'il soit nécessaire qu'on y attribue des miracles de flux périodique de vin comme à Téos et à Andros ; et qu'également Nais est comptée sur certains vases au nombre des suivantes du dieu797, comme les Naïades en général chez les écrivains. Silène, son précepteur et son plus inséparable compagnon,a été à l'origine un demi-dieu des fontaines[SiLENus]. De là l'association de Dionysos à Poseidon sur quelques monuments 798, comme les deux rois du principe humide 199. La fête des 1ROTRVGAEA, qui précédait la vendange, était consacrée à tous deux ensemble 800 On unissait clans les invocations Dionysos Dendritès et Poseidon Phytalmios [NEPTUNL'SI, en tant que les auteurs de la production végétative par l'humidité 801 776 Gerhard, Auserl. Vas. pl. xrl; Ch. Lenormant et de Witte, Él. des mon. édit. Buhle.795 Hesy ch. et Suid. s. v. 798 Hesyeh. s. v.11 est aussi appelé 'r5064 BAC 616 BAC La symbolique de tous les peuples de l'antiquité établit une connexité étroite entre le principe humide et le principe féminin dans la nature ; l'eau est femelle, comme le feu est mâle. C'est donc en sa qualité de représentant de l'humidité chaude que Bacchus est essentiellement le dieu à l'aspect et au sexe indécis, à demi-homme R°', Wou ob)p 803, efféminé, à la fois masculin et féminin, 'ApaE grecs se sont plu à exprimer dans ses images à partir de l'époque de Praxitèle et qui en fait, comme on l'a trèsbien défini, « la personnification mâle du principe féminin B07. n Cette effémination est poussée jusqu'aux dernières conséquences qu'en admettaient les moeurs grecques 808 et conduit au récit des rapports du dieu et de Prosymnus 309. La notion de ce caractère ambigu n'a jamais été complétement étrangère au Dionysos grec; mais elle s'est surtout prononcée chez lui par suite de son assimilation au Bassareus lydien 50car c'est une conception essentiellement propre aux religions de l'Asie que celle des dieux androgynes, qui sont en même temps guerriers et conquérants 511. Le mot Stovvûç, tiré du nom du dieu, était employé par les Grecs pour désigner un personnage efféminé 819. Le costume de Dionysos est toujours en partie féminin [voy. sect x111]. On le dépeint aussi prenant comme déguisement les habits d'une des Ménades de son thiase 813. Quelques monuments de la sculpture représentent Bacchus jeune en costume de femme 814, ou donnent même ces vêtements au Bacchus barbu 815. Une curieuse statuette de bronze du Musée d'Angers 816 montre un Bacchus barbu enveloppé d'un manteau que décorent à la hauteur de la poitrine trois rangs de mamelles féminines. Mais ce dieu à demi-femme est en même temps un dieu phallique par excellence ; les deux notions ne s'excluaient pas pour la symbolique des anciens 817. Le dieu de la production végétative devait être envisagé aussi comme celui de toute génération (1 ovdotç 813) et par suite avoir au premier rang de ses symboles celui qui en exprime l'idée de la manière la plus brutale 819. Aussi l'adoration du phallus est-elle toujours liée en Grèce au culte de Dionysos ou à celui de l'antique Hermès pélasgique [MERcuRlus]. On portait le phallus en triomphe dans les Dionysies des champs attiques 820 [nmoNYSIA], et c'était là un rite essentiel de la plus ancienne forme agraire du culte du dieu 831. Aux grandes Dionysies, les colonies d'Athènes envoyaient à la métropole comme offrande un phallus On célébrait encore des phallagogies en l'honneur de Bacchus dans beaucoup de lieux, entre autres à Argos 325 et à Rhodes 834. Plusieurs surnoms du dieu se rapportent à ce caractère, flétri par les Pères de l'Église 820, Phallen 5ze, Priapos 537, Orthos 825, Enorchès 839 J'ai rappelé plus haut [sect. v], les épithètes qui le montrent animé de la passion des femmes ; la plus en rapport avec celles qui figurent ici est Xotpos,«),rç 830, qui rappelle le nom de Choiros donné avec intention à une des Ménades de son thiase sur quelques vases peints 831 Les êtres à demi-animaux qui font cortége à Dionysos, Satyres et Pans, sont souvent représentés ithyphalliques [PAN, SATYRI, TIIIASUS]. Priape est aussi son compagnon 833 et même, dans la plupart des récits, le fils de Dionysos et d'Aphrodite 833, ou bien de Dionysos et de Naïs ou Chioné 834 [PRIAPUS] ; dans d'autres versions, l'enfant ithyphallique de Dionysos et d'Aphrodite est appelé Bacchus comme son père 835, ou bien on le remplace par Hymé On donnait quelquefois de ces récits une explication tirée des effets du vin sur l'organisme de l'homme 337. La même idée n'était peut-être pas étrangère à l'association d'Aphrodite à Dionysos dans le culte de nombreuses localités 838, dans des sacrifices communs 839, et sur des sculptures 850, mais elle avait surtout pour but de réunir les deux divinités de la production et de la fécondité. Antoine et Cléopâtre présentèrent leur couple comme celui de Dionysos et d'Aphrodite 861. Éros est aussi quelquefois placé dans la suite du dieu 86x, et les monuments de l'art connaissent fréquemment un Eros bachique 563, qui tient une grappe de raisin à la main 8"6 ou bien monté sur un lion, boit le vin dans un canthare 8i5, ou bien encore s'élance sur le dos d'un Centaure 865. Dans une statue célèbre 847, Dionysos jeune s'appuie sur Eros adolescent. Il est aussi associé aux Charites 368, et comme dieu de la production végétative aux Heures B49, principalement à Iréné et Ù. Opora. Dans les monuments qui rappellent l'association de Dionysos avec les Charites 8a0, diverses circonstances rappellent le caractère solaire 851 qu'il revêtit par suite de son association avec Sabazius et Bassareus, et qui lui Xpuaeuarjç 553. Mais ce caractère se développa surtout dans le culte mystique 854 et l'assimilation de Bacchus au soleil, tout à fait étrangère à sa physionomie primitive, ne fut « BAC 617 BAC complète que chez les Orphiques 8J. Quand le Dionysos thébain est appelé IlupctpEyyilç , Hup7rdaoç , (Faliero ptoç , Hupiirvooç 856, ce n'est pas comme un dieu solaire, mais comme un dieu armé de la flamme 867. Cette flamme est celle des flambeaux qui éclairent ses fêtes nocturnes 8u8 et qui lui valent aussi la qualification de Aau7rttip. Déjà le Soma védique tendait à se confondre avec Agni, le feu personnifié, le dieu de la libation avec celui de la flamme du sacrifice. D'ailleurs Dionysos était le dieu né au milieu des flammes, Huptyev-'liç, en même temps que le dieu de l'humidité chaude. X. Les principaux traits de ce que l'on peut appeler les attributs moraux de Dionysos découlent avant tout de sa qualité de dieu du vin. « Dionysos est le dieu des plaisirs, dit un choeur des Bacchantes d'Euripide ; il règne au milieu des festins, parmi les couronnes de fleurs ; il anime les danses joyeuses au son du chalumeau, il fait naître les ris folâtres et dissipe les noirs soucis ; « son nectar, en coulant sur la table des dieux, augmente leur félicité, et les mortels puisent dans sa coupe « riante le sommeil et l'oubli des maux 009. n J'ai déjà cité plus haut [sect. v] les épithètes qui se rapportent aux fêtes, au bruit joyeux, aux chants 860 et aux danses qu'il mène partout avec lui. Couros, la personnification de la joie et du plaisir bruyant, représenté sous les traits d'un Satyre, est un de ses compagnons habituels 861; il a aussi, dans les Satyres de son thiase, Gelas, le rire, et Scops, la plaisanterie, avec Choos, Chorocomos, C'r otos et Sicinnos 862. Il est Hoastiyr,îs ç 863. Les poésies homériques le qualifient déjà de Matvduevoç 864, c'est-à-dire partageant l'ivresse que répand sa liqueur, et en effet les monuments le représentent souvent ivre lui-même et accablé par le vin 868. Comme le dieu qui dissipe toute tristesse dans l'âme de l'homme par l'effet du vin, dans la nature par son action fécondante et sa manifestation au printemps, il Fig. 694. Masques de Dionysos Psilax. est AÛ6toç 866, Auatoç 867, 'E)Euîcpeû; 868, 'EÂauQiptoç 869, 'Entl..itopo;, 'E7r1aeudépto; 470, Ilaue auno;, zspdpoç ati7elç 871, Aadcxr 856 Macrob. Sat. 1, 18; cf. Lobeck, Aglaopham. p. 497 et s. 856 Orph Hymn. LII, 3. 857 De Witte, Gazette arch, 1875,, p. 6 et 11. 858 C'est aussi comme dieu des fêtes nocturnes, et non comme soleil, qu'il est Xo1u765 êssg n; Soph. Antig. 1146. Aierpopus t : Eumolp. ap. Diod. Sic. I, 2. 859 Cf. Bacehylid. ap. Athen. II, p. 40 ; Pind. (rages. 5.866 D311up5oç Euripid. Ion. 1074.861 O. Müller, Handb. d. Ardt. § 385, 7; Welcker, Nachtr. p. 220 et s.; Philostr. p. 203 et s.; Ch. Lenormant et de Witte, Él. des mon. cérame. t. I, p. 116. 865 Gerhard, Gr. Myth. § 466, 2. 865 Pind. Fragm. 125. 864 Riad. Z, 130. Hérodote (IX, 19), le qualifie de Bn.ycuwv, dans le même sens. 865 Cf. Athen. X, p. 428. -866 Pans. IX, 16, 4; cf. Welcker, Gr. Gdtterl. t. II, p. Fr. 129; Eustath. Ad Odyss. p. 1910 ; Plut. Symp. 1, 1, 2; 5, 6; De cohib. ira, 13, 578. Auosê7 Orph .Hymn. LII, 2. 867 Anacr. VI, 13; VIII, 3, passim. Athen. VIII, p. 363; cf. Aristid. t. I, p. 49, édit. Dindorf. 868 Palis. 1, 20, 2 ; Hygin. Fab. 225 ; Plut. t)uaest. rom. 110; Diod. Sic. IV, 2. 869 Hesych. s. v. 879 Welcker, Gr. Gdtterl. 1. e. 871 Eurip. Bacch. 772. 872 Welcker, Syllog. epigr. graec. ne 183. 875 Plut. Antan. 24; cl'. Welcker, Griech. Gdtterl. t. II, p. 606. 876 Pans. III, 19, O. -875 Kunstvorstelluagen ô~ç 972, eu bien celui qui donne la joie, XaptidTr,; 873. La même idée était exprimée d'une manière très-originale par les ailes (4iaa) données au Dionysos 1Viaaç d'Amyclsc 674_ E. Braun a reconnu très-ingénieusement le type de représentations de ce Dionysos Psilax 873, dans des bustes qui offrent la tête du dieu barbue 876 ou juvénile 977, mais toujours avec des ailes attachées à son diadème. Nous reproduisons ici (fig. 694) un bas-relief de la galerie de Florence 878 où l'on voit réunis, avec un calathus rempli de raisins, deux masques du Dionysos au front ailé, l'un barbu, l'autre imberbe avec un troisième masque, d'un jeune Satyre. On appelait aussi le dieu X«a , 979, au même sens, de zaa«v. Une allégorie analogue est encore celle qui fait naître Bacchus de Léthé, l'oubli, et venir dans le monde en même temps qu'Llybr•is 980 l'outrage, qui apparaît quelquefois dans l'ivresse et en personnifie le côté mauvais. flybris est le nom d'un des Satyres du thiase sur certains vases 881. Plutarque 883 parle du Dionysos bienfaisant et joyeux, Auaioç xai Xopeioç, qui se transforme quelquefois en cruel et furieux , 'slµgatitllç cal Matvé),r,ç. Nous avons vu que c'est en les frappant de folie furieuse qu'il punit ses ennemis. Mais pour ceux qui ne lui résistent pas, il ne manifeste son action que par le bien, et à ce titre il est MEta(xcoç B83, plein de douceur et de miséricorde. Il apprivoise les animaux les plus sauvages; les panthères et les lions se laissent placidement atteler à son char 88a. Il attire à sa suite tous les démons à demi animaux des forêts et des solitudes sauvages. Il enchaîne d'une main légère les rois barbares et les nations les plus guerrières 88'. S'il brille dans le tumulte des combats, il y fait succéder la paix la plus fortunée 886 Partout où il entre il répand la joie et le calme, il ranime les coeurs abattus 887. Aussi est-il essentiellement le dieu bienfaiteur, EèEpyéTr,ç 888 comme le dieu de bon conseil, Etdouyotiç 888. Il est aussi le civilisateur, le législateur, OEcp.otpdpo;A90, celui qui établit les règles des sociétés, enseigne aux hommes les relations réciproques, les échanges commerciaux 891, et par là aussi bien que par les fruits qu'il fait pousser sur la terre, ii est le distributeur des richesses, lD,ouroîér ç, 892. Directeur et maître, Aieupv4/1Trç, Dionysos est aussi le conducteur des hommes, r1lyr ulav, Ka07 yrl;at;ly 893, et leur roi, BaecsEll; 8S°. Il préside à l'organisation sociale de la cité , lloaiTrç 890 , Ar(p.dctoç 996 , IlXTpwoç 897, spécialement de la cité démocratique 898. A Athènes le grand développement de ses fêtes et leur importance de premier ordre dans la religion de l'État coïncide avec l'établissement de la démocratie. A Érétrie, dans la fête qui commémorait la fondation de cette forme de gouvernement, les citoyens se paraient de couronnes en l'honneur de Dionysos B99. Aussi ses surnoms 876 Visconti, Mus. Pio-Clercn t. VI, pl. xi ; Braun pl. 2v; Miillee-Wiesclcr, t. Il, pl. xxxni, no 388. 877 Braun, pl. a1 et su; Müller-Wicscler, t. II, pl. venus, no 387. 878 Braun, p1.1; Müller-Wieseler, t. II, pl. xxxm, n' 388.-879 Hesych. s. v.; East. ad Od. p. 1471 et 1936. 880 Plut. Symp. VII, 5, 3 ; Athen. II, 3. 881 Gerhard, Gr. Myth. § 466, 2. 882 De cohib. ira, 13. 883 Athen, III, 14. 885 Dionysos a enseigné à traire les bons Aristid. I, p. 49, Dindorf. 885 Preller, Gr. Myth. t. I, p. 557.886 Plut. Demetr. 2; Horat. Od. II, 19, 16. 887 Eurip. Bacch. 280 et s. 888 Hesych. s. v. 889 Plut. Sy,np. Vll, 9, 7 ; Macrob. Sut. I, 18 ; Orph. Hynen. XXX, 6; LXXI, 3. 11:i66vAoç : Orph. Hymn. XXX, 8. E999av : Orph. Hymn. XLVI 2; L, 6. 890 Orph. Hymn. XLII, 1. 891 Plin. Hist. ont. VII, 56, 57. 893 Schol. Aristoph. Ban. 479; Brunek, Analect. t. 11, p. 517. 696 Welcker, 1. c. 895 Pans. VIII, 26, 2. 896 Welcker, Gr. Gdtterl. t. II, p. 573. 897 Pans. 1, 43, 5. 898 Welcker, Gr. Gdtterl. t. II, p. 572, 575 et 577. 889 Welcker, Gr. Gdtterl. t. II, p. 578. '78 BAC 618 BAC d'Eleutlzereus, Eleutlierios, sont-ils souvent entendus dans l'antiquité comme s'appliquant à la liberté civile et politique. Dionysos est le défenseur des petits contre les grands, des faibles contre les forts; c'est surtout parmi Ies rois qu'il compte ses ennemis 900. Quand il élève un roi sur le trône à Athènes, Mélanthus, il le prend parmi les bergers °°1 ; c'est à cette occasion qu'il reçoit le surnom de l'étant/ridés , et cette légende est mise en rapport avec l'institution de la fête essentiellement civique des ApAruRIA 903. Ses temples servent fréquemment de lieu d'asile 90', et il étend sa protection sur les esclaves °04. Le développement de ce côté politique de Dionysos provient en grande partie de son caractère agraire. Habitant de préférence les montagnes [sect. v], il était le dieu des pâtres 9oe qui les fréquentaient et qui étaient assez nombreux pour avoir donné leur nom à une des tribus attiques primitives, celle des Aigicoreis908. C'est à eux particulièrement qu'il aimait à se montrer, vêtu comme l'un d'eux d'une peau de chèvre noie, 2llelanaiyis 907. Parmi ses surnoms il en est qui se rapportent à la conduite des troupeaux et qui semblent en faire un berger lui-même, comme '1:: ttrwp et Dû 'p.gw,v 909. Sauvage comme eux, °A-çp:os 909, c'est lui qui leur a enseigné à recueillir le miel dans les bois H10, et à élever les abeilles dans des ruches, rôle auquel se rapporte spécialement son surnom de lla•isaios et celui de lltatBeupéTxç 911. Dieu de la vie végétative, Dionysos était le dieu des paysans. Les plus anciennes fêtes de son culte, surtout en Attique, avaient un caractère essentiellement agraire et populaire [D1oacsiA]. De là son association très-ancienne à Déméter, dans quelques-unes (le ces fêtes rurales, comme les IIALOA 912 et les TDALYSLI i1', association qui devint une des données fondamentales du Dionysos mystique, mais qui avait eu lien d'abord pour rassembler dans une même adoration les deux divinités des fruits et des céréales, de ce que les Grecs appelaient û(pâ Tpotp'n, et Sspà TcoLli 914. Gerhard D7n a reconnu que cette association se présentait sur plusieurs monuments de l'art sans intention mystique. Aussi Dionysos finit-il par être considéré, non plus seulement comme l'instituteur de la culture de la vigne et des arbres fruitiers, mais aussi comme celui de toute culture, comme l'inventeur de la charrue 918, le premier qui y eût attelé les boeufs 91'. Dieu de l'agriculture, il était celui de la civilisation même, celui qui adoucissait les moeurs des hommes en leur faisant quitter la vie du sauvage pour celle du laboureur H19. Sur les vases d'ancien style où il fait pendant à Triptolème, il est aussi monté sur un char merveilleux sans attelage, et il semble qu'il soit prêt à commencer de même un voyage civilisateur autour de la terre (voy, p. 628, fig. i09). L'ivresse a plus d'un point de contact avec l'inspiration prophétique et poétique. En même temps le dieu des plaisirs joyeux était naturellement celui de la musique. La bacchanale que Dionysos mène éternellement et les fêtes où on l'imite, sont accompagnées de chants et de danses au bruit des instruments. Aussi une grande partie des formes principales de la poésie hellénique, le dithyrambe 919, la tragédie, la comédie, le drame satyrique, et en général tout ce qui est des représentations scéniques 990, découlent à l'origine du culte dionysiaque [DIriIYRAMBUS, COMOLDIA, TRAGOEDIA]. C'est dans les grandes Dionysies qu'avaient lien à Athènes les concours choragiques. Dans les noms que les vases peints donnent aux personnages du thiase de Bacchus, beaucoup ont trait à ce côté musical et poétique du culte du dieu, Hédynélès 931, Molpos 922, Ditl yrambos 923, Gloires 924 , parmi les Satyres ; Tragodia °", Conzodia 928, Molpé 927, parmi les femmes. Les monuments représentent souvent Dionysos comme dieu de la scène et assisté des Muses 9z9, Musagétès 829. L'instrument de musique qui appartient en propre à son culte est la flûte 81e, mais lui-même 931 ou ses suivants se servent aussi souvent de la lyre. Aussi est-il Aupo=iyp.oiv 939, et à Athènes dlelpoinenos 93. Il y avait ainsi une grande analogie de conception, par tout ce côté de leur figure, entre Dionysos et Apollon, dont les deux cultes semblent avoir été d'abord en antagonisme dans beaucoup de parties de la Grèce. Nous avons montré plus haut [sect. n], comment leur association s'était ensuite opérée à Delphes et à Délos 934. Elle finit par être générale en Grèce 935 comme dans les sacrifices publics institués à Thèbes par Épaminondas 938, à Olympie 917, à Élis 933, à Égine 939, à Chips 910. Dans l'Attique, à Phlya, l'on adorait un Apollon Dionysodotos 9". Sur un admirable vase d'Agrigente 952 on voit d'un côté Dionysos entouré des Heures et de Ménades, assis dans la grotte sacrée de Naxos; de l'autre, Apollon sous le palmier de Délos avec Artémis et Latone. Les deux dieux arrivèrent même à se confondre compté[ment, comme dans ce vers d'Euripide : Aussi remarque-t-on entre eux un échange très-fréquent d'épithètes et d'attributs : Apollon devient Ktaaaûç 9'r+, Bqx Les hymnes homériques donnent le laurier au dieu du vin 9'9 ; mais, par contre, quelques auteurs ornent de BAC -619BAC lierre Apollon et les Muses 9i0. Gerhard 951 a remarqué que sur les vases peints le fils de Latone est souvent accompagné de deux femmes, Muses ou Nymphes, qui portent des brandies de lierre. Déjà, dans Homère, Maron, le fils ou le petit fils de Dionysos, est prêtre d'Apollon 992. Nous avons dit qu'on attachait spécialement l'idée d'inspiration au nom de Bacchus, Baccheios, Bacclaeus. Mais celte inspiration est essentiellement prophétique 063, aussi Dionysos est-il, comme Apollon, un dieu divin, Mâtin, 951; comme Dryalos il possède aussi le même caractère 9t1G et l'on attache quelquefois une signification analogue à son surnom d'L'ubuleus 957. Il a été, dit-on, le premier possesseur de l'oracle de Delphes 9â8. Mais cette qualité prophétique appartient surtout au Sabazius thrace 9'9 qui avait son célèbre oracle dans le mont Pangée a Du dieu devin au dieu médecin il n'y a qu'un pas ; Dionysos réunit les deux attributions comme Apollon, aussi est-il lotronlantis 961, le médecin devin. L'oracle de Delphes recommanda son culte sous le nom de lstros 9G2, le médecin. On l'adore aussi comme Paionios 803, Acesios s6a le guérisseur, Bygiates 965, celui qui donne la santé, Alesicacos 966, celui qui repousse les maux, Soto' s67 ou Santés 996 le sauveur, surnoms dont une bonne partie lui est commune avec Apollon. A Anticlée en Phocide, les malades pratiquaient dans son temple le rite de l'incubation 969 [i'yCUBATio], comme on le faisait habituellement dans ceux d'Esculape [ASKLEP13loN]. Dans le culte d'Apollon, ce caractère de dieu de la guérison est intimement lié à celui de la purification. Il en est de même dans celui de Dionysos 9`0. Son prophète dans les traditions péloponésiennes, Melampus, est avant tout un purificateur, comme dans l'histoire des Preetides [sec t.vl]. Les purifications tenaien t une grande place dans les rites dionysiaques et on les y opérait de trois manières 97L, par l'eau 972, par le feu, taeda et sulplaure 973, et par l'air. Le symbole du van est en rapport avec la purification par l'air 97. C'est surtout dans les mystères que les pratiques de ce genre prirent un grand développement; mais elles existaient déjà antérieurement, dans les cérémonies en l'honneur du Dionysos agraire, ear on attachait une idée de purification par le moyen du vent à l'usage populaire attique de l'Alona et surtout à la pratique italique analogue des osCILLA81o, telle que la décrit Servius 976 Dionysos est aussi le dieu thaumaturge 977, magicien, l dz,ç 978. En beaucoup de lieux on cite des miracles qui ont accompagné sa naissance ou qui se renous client périodiquement dans ses fêtes. tels que le vin coulant des fontaines. Euripide exprime avec beaucoup de vie et d'éclat ce caractère du dieu dans sa tragédie des Bacchantes. C'est par une succession de prodiges que Dionysos terrifie ses ennemis, comme les Tyrrhéniens et Ies filles de Minyas. Le principal et le plus souvent répété consiste à prendre successivement toutes les formes qu'il veut579. Aussi Bacchus est-il qualifié de Ilo7•uetii;ç, Iloaé,zopffoç 900, Aio),éuop-po, 961. C'est aussi à ce tila'e qu'il est le dieu trompeur, `'s ht'rr; 98P; on donne quelquefois le mème sens à son surnom d'A pe'tarios 9°". il. Les symboles de Dionysos sont extrêmement variés. Parmi ceux que l'on emprunte au règne animal, le premier rang appartient au taureau 064, qui était son emblème au triple titre d'expression d'une idée de puissance et de force s85, d'animal générateur et de personnification du principe humide 980. Cette dernière signification est particulièrement caractérisée sur le vase à figures noires 9d' qui met en pendant Poseidon et Dionysos montés tous deux sur des taureaux (fie. 695). Mais le taureau n'est pas sen lement la monture du dieu, c'est une des formes sous lesquelles il aime à se manifester 986; c'est ainsi que Penthée l'aperçoit dans son délire 90°, c'est tel que les femmes d'Élis l'appellent à venir chaque année au printemps dans son temple"' et qu'on l'évoque à Lerne sur les bords du lac Alcyonien 99L. Aussi l'appelle-t-on 'fxûpoç992, Taupôuop750f 99', Bouyev,j; 99Y. Les images de Dionysos en forme de taureau étaient nombreuses en Grèce 995, et il y en avait une particulièrement célèbre à Cyzique 596. On en a trouvé un bel exemple àAthènes, surmontantla sépulture monumentale d'un personnage du nom de Dionysos 997. Le taureau divin y est représenté cornupète, comme sur la célèbre intaille du graveur llyllns s99 (fig. 696), un des joyaux du Cabinet de France. D'autres pierres gravées montrent encore ceBacchus taureau portant entre ses cornes les trois Charites q09 ; ceci BAC 620 BAC correspond exactement à la donnée de l'invocat on des femmes d'Élis. Le type du taureau cornupè te, qui se voit si souvent dans la numismatique grecque., doit y avoir dans la plupart des cas cette signification '''" Macrobe 1no1 dit que dans la Campanie on représentait Bacchus I(ébon avec un corps et des cornes de taureau et une face humain e harh ne. Ou a donc cru d'abord101L reconnaître ce dieu dans le taureau à visage humain qui est représenté sur le revers de tant de monnaies (le l'Italie méridionale et do la Sicile. Mais il est aujourd'hui prouvé par des exemples formels100° que cette figure y est presque toujours celle du fleuve local. Dans toute la numismatique de ces régions la seule représentation de l'Hébon décrit par Macrobe qui paraisse certaine, est celle que nous empruntons à une monnaie de Catane100'0 (fig. 697) le Satyre placé au-dessus du taureau à face humaine en détermine, en effet, le caractère dionysiaque. Sur uneintaille100° le même taureau à face humaine emporte au-dessus des flots une Ménade tenant le thyrse. Une identité si cornpiète de représentations entre Dionysos Hébon et les dieux fleuves [ACuELO0s, VLUMINA] doit tenir à une parenté de conception symbolique100a La victime offerte à un dieu est toujours de préférence l'animal qui lui est consacré. Aussi le boeuf ou le taureau est-il très-fréquemment sacrifié à Dionysos 1007 sacrifice qui prend un caractère tout particulier dans la cérémonie de l'oaloPHAGVA, liée au culte du ZACBleus crétois et plus tard orphique. De là la qualification de Tuu(001,oXyO.; donnée au dieu100S Dans les usages particuliers de Ténédos, c'est un veau nouveau-né que l'on immolait à Dionysos 1000 transformation d'un sacrifice d'enfant des âges primitifs 1010, comme le taureau à Chios représentant une victime humaine loll Mais l'animal le plus fréquemment sacrifié à Bacchus est le bouc 10L' ou la chèvre1013 (p. 349, fig. 417) aussi indiqués dans certains lieux comme tenant la place d'antiques immolations humaines 1010. Sur une pierre gravée la" nous voyons le sacrifice du houe par Silène, et sur un basrelief'07G celui du taureau par Pan". Dionysos est donc Al;jobolos'Ut8, celui qui frappe les chèvres, et nlelanaipis quand il se revêt de la peau de cette victime. Une légende postérieure, et qui paraît d'origine attique, prétendait qu'on lui sacrifiait le bouc ou la chèvre comme faisant des dégâts dans les vignes1019. En réalité, comme le prouvent beaucoup de monuments , le bouc était un des principaux animaux consacrés à Dionysos 102". Nous savons que dans son enfance il était changé en chevreau. Aussi était-il Eriphos en Laconie 10'1 Ecillhios à Métaponte 1°22 et l'on entendait quelquefois avec le même sens son surnom Dans la symbolique dionysiaque, le faon s'échange avec le chevreau. La nebrao dont Bacchus est souvent revêtu, que portent ses Satyres et ses Ménades, ainsi que les dévots qui célèbrent ses fêtes1003, est aussi souvent faite en peau de chèvre ou de bouc10=5 qu'en peau de faon, veepds, aussi l'appelle-t-on également aiyl; 1'6 et Tpayg10' et les Ménades qui en sont ornées Tpaygf,dpot 1028 Ces peaux de faons et de chevreaux sont celles des animaux que les Ménades ont déchirés tout pantelants, suivant le rite sauvage des Triétériques béotiennes1°°5, mis ensuite en rapport avec la passion de ZAGREUS déchiré par les Titans [oaromnAOiA]. C'est là ce qu'on appelait vadpta1.çf030 ; niais Eschyle employait le verbealyflctv1°31 au lieu de 1aee,sly 1022 La célèbre statue de Scopas 1033 représentant une Ménade portant dans ses mains un morceau de l'animal ainsi déchiré, qui paraît avoir été le modèle premier de toutes les figures analogues que l'on remarque souvent sur les monuments, 70;4 était appelée Xl;,.a(po~dvo;1010, la tueuse de chèvre. Sur un vase peint 1036 c'est Dionysos lui-même qui déchire en deux le faon auprès d'un autel, au milieu de sa fi) te. L'idée de ce rite sanglant s'attachait au dieu M1lelanaipis, et c'est pour cela que cette forme de Dionysos était considérée comme une des plus sombres 1037. En mémo temps, par les taches dont elle est parsemée 10'8, la peau de faon ou nébride prenait une signification symbolique particulière, qui la faisait préférer à la peau de chèvre ; on y voyait l'image du ciel étoilé 1079. Sur un vase peint, la biche accompagne Dionysos 10''0 ; sur d'autres elle est auprès d'un Satyre 1041 ou des Satyres la saisissent 1p1'"-. M. Stephani 10'" a établi, par une ingénieuse restitution d'un passage d'Hérodote 104r et par le témoignage de nombreux monuments , vases peints 10'" , pierres gravées 10'46, peintures murales 10,7, sculptures que le porc BAC 621 BAC était encore une des victimes habituelles du culte dionysiaque et un des animaux du dieu 10b9. Aussi le vase à boire appelé IIIIITON a-t-il souvent la forme d'une tète de porc ou de sanglier. L'âne était aussi spécialement consacré à Bacchus'''. Il apparaît plusieurs fois dans le cortège du dieu sur les vases peints1151, et Dionysos se montre porté par un âne dans des statues 1052, ainsi que sur les monnaies de Mendé de Macédoine1°33 (fig. 698) et de Nacona de Sicile10" Dans les légendes mythologiques nous avons déjà vu cet animal servir de monture au dieu dans plusieurs circonstances, entre autres dans la Gigantomachie. C'est aussi sur un âne que Dionysos ramène Héphtestos dans l'Olympe après l'avoir enivré 1075, et la plupart des monuments qui en retracent la scène n'oublient pas cette circonstance. L'âne est encore la monture habituelle de Silène 70°0 comme on le voit sur une foule de bas-reliefs de l'époque romaine; il est si bien associé à ce dieu que, suivant la remarque de Creuzer 10'7, il est dans beaucoup de cas Silène lui-même. On racontait que c'était la vue d'un âne broutant la vigne qui avait donné la première idée de la tailler tore Mais c'est avant tout à titre d'animaux phalliquesio59 que l'âne et le mulet, que cette symbolique ne distingue pas, sont consacrés à Bacchus et rangés parmi ses emblèmes. Aussi raconte-t-on la dispute de vanité personnelle qu'eurent ensemble l'âne et Priape en présence de Dionysos et à la suite de laquelle le dieu de Lampsaque tua l'animal1060. Une circonstance exceptionnelle dans la représentation de l'âne de Bacchus sur certains vases 1051 précise encore cette signification. Le cheval appartient aussi quelquefois à la série des symboles de Dionysos, peut-être au même titre qu'il est l'animal de Poseidon [NEPTUNCS], comme lié au principe humide et à l'idée des sources 1063 L'exemple le plus caractéristique sous ce rapport est fourni par les monnaies de Maronée de Thrace1663 qui portent d'un côté un cheval ou la partie antérieure de cet animal, de l'autre un cep de vigne (fig. 699). C'est par des chevaux que dans la même région le dieu fait déchirer Lycurgue, suivant une des versions du mythe [sect. vi]. En Lydie il a pour nourrice flippa [sect. Iv]. Il semblerait donc probable que cc symbole serait venu du dieu thrace ou lydien. Pourtant les suivants les plus habituels du Dionysos hellénique, Silènes 1005, Satyres 10f5 et Centaures participent aussi dans une large mesure de la nature chevaline. Ilillpos 7086 et Hippaios 1067 sont des noms de Satyres sur les vases. Nonnus 1058 fait du chien un compagnon de Dionysos. On le voit aussi près du dieu sur un vase 1069 et sur les as d'Hadria du Picenum io'6 un chien couché est au revers de la tête de Bacchus Pogonitès (plus haut, p. 461, fig. 551). Nous avons indiqué plus haut [sect. v], le rôle que joue cet animal dans la légende d'Érigone et dans celle d'Orestheus. C'était quelquefois des chiens, au lieu de faons et de chevreaux, que l'on mettait en pièces dans les orgies bachiques 1071. Les rhytons se terminent souvent en tête de chien. Le lièvre est mis en rapport avec Dionysos dans une variante de l'histoire de Penthée 1U74, Sur plusieurs vases peints, il est présenté par une Ménade au dieu 1013 ou tenu à la main par Ttagoudia 1074 Le dauphin fait également partie des emblèmes de Dionysos 1075 mais plus rarement. Il y fait allusion de la façon la plus claire. à la métamorphose des Tyrrhéniens, et on peut l'y prendre aussi pour un symbole de l'élément humide 1076 Quant à l'explication qu'en donnait Varron 1077, elle est absolument ridicule. Enfin l'abeille appartient naturellement à Dionysos Bpisaios, comme dieu du miel. Aussi est-ce une représentation particulière de cette forme de Bacchus que nous reconnaissons sur les pierres gravées 1078 où l'on voit une tête de face, couronnée de pampres, avec les quatre ailes d'une abeille disposées de manière à figurer la barbe. Ce sont là les symboles empruntés au règne animal et propres au Dionysos hellénique. D'autres y ont été joints postérieurement, qui appartenaient d'abord aux dieux orientaux assimilés à lui. Tel est le lion, dont l'application à Dionysos se montre pour la première fois à Samos, sous l'influence des cultes de l'Asie Mineure. Le Dionysos Keevtis qu'on y adorait, était en forme de lion, et l'on racontait une légende pour expliquer ce type de représentation 1°79; la tête de lion qui fait le type de la plupart des monnaies de Samos 7080, est celle de ce Bacchus. On considère généralement ce symbole comme un emprunt au culte phrygien de Cybèle 1081; en réalité il avait été pris -BAC 622 BAC au Bassareus lydien, auquel il appartenait autant qu'à la Mère des dieux 1o''. Aussi le lion est-il le type principal des monnaies des rois de Lydie 1°B'etjoue-t-ilunrôle considérable clans les traditions de ce pays10'''.Il se naturalisa complétement dans le cycle de Dionysos. Un vase nous montre le lion près du dieu108°. La forme de cet animal est une de celles que Dionysos se plaît à revêtir 1580; il la prend pour combattre les Géants et pour effrayer les filles de Minyas. Une pierre gravée le représente comme un lion à face humaine Le char qui porte Dionysos et Ariadne est quelquefois traîné par des lions 10as C'est aussi de l'Asie Mineure quo sont venues dans le cortége du dieu les panthères, les tigres, les lynx, et en général toutes les espèces félines à peau tachetée ou vergetée 103N, qui n'apparaissent qu'assez tard sur les monuments toso La plus habituelle est la panthère, qui appartient, dit-on, à Dionysos en tant qu'animal ardent et bondissant comme une Ménade '091 Quelquefois le dieu chevauche sur ce fauve plus souvent des panthères traînent son char comme sur des monnaies de Catane 1093 et sur beaucoup de sarcophages de l'époque romaine. Surtout la panthère accompagne très-habituellement le Bacchus aux traits juvéniles; quelquefois il lui présente une grappe de raisin ou bien en exprime le jus dans un vase 1001 pour le lui donner à boire, car cet animal est représenté comme aimant le vin '096 ; on dit que Dionysos se plaît à l'en abreuver et cille les panthères qui le suivent sont des Ménades métamorphosées 1097 Aussi sur une foule de monuments se mêlent-elles amicalemen t aux jeux des Bacchantes, auxquelles elles servent, de monture 1Ô9ft, qui môme quelquefois les allaitent 1099. Sur quelques monuments, la fantaisie de l'artiste, reliant cet animal au principe humide, compose la figure d'une panthère marine, portant sur son dos une Ménade qui lui verse du vin dans une pmALr. 1100 Sur quelques autres 1101 la Ménade tient la panthère comme un des animaux qu'elle déchire dans la fureur de son ivresse. Aussi voit-on plusieurs fois la peau de la panthère immolée, jetée sur les épaules de Dionysos 110'ou portée en guise de nébride par ses Ménades. On ne connaît pas jusqu'à présent d'exemple grec qui montre auprès de Bacchus le renard du Bassareus lydien 7101 représenté sur les anciennes monnaies des rois de cette contrée 110`. L'ours que dans l'hymne homérique le dieu fait apparaître avec le lion pour effrayer les Tyrrhéniens, ne se montre non plus avec lui sur aucun monument. Le serpent appartient surtout au culte du Dionysos mystique 100, comme le prouve sa relation habituelle avec la ciste, qui lui sert de demeure 1156 et d'où il s'échappe. Pourtant il joue aussi un rôle dans les orgies du Bacchus thébain "107, ainsi que dans la légende de la fondation de l'oracle d'Amphiclée en Phocide loft, et, chez Euripide 1109 une des formes que le dieu se plaît à revêtir est celle d'un serpent à plusieurs têtes. I.e même porte 1'0 décrit Dionysos avec des serpents noués autour de ses cheveux, comme les ont quelquefois les Ménades; mais ce type n'a pas encore été retrouvé sur les monuments. Il a été indiqué plus haut que le symbole du serpent était emprunté au SABAZIUS thraco-phrygien et au Bassareus lydien. Plus tard on l'attacha la consécration du serpent à Dionysos, à la nature froide et humide de cet animal 1111 C'est au règne végétal que Dionysos emprunte ses symboles les plus constamment répétés. Le premier et le plus essentiel de tous est naturellement la vigne 1113, dont les pampres forment la couronne la plus habituelle du dieu, et celle de tous les personnages de son thiase ; comme le remarque Philostrate 111, les artistes se sont plu à la représenter alternativement ou en même temps à tous les états de son développement, en feuilles, en fleurs et en fruits. Le grand sarment de vigne grimpante chargé de raisins, que Dionysos tient si souvent à la main sur les vases peints et qui se développe largement dans le fond de la composition, ou que portent des personnages de sa suite, s'appelait x1,rtun-(ç; il figurait clans la pompe rustique des Dionysies des champs Il"d On lui donnait aussi le nom d'ôaïo, , d'où l'appellation de la fête attique des oscnopHOHIAE. où vingt jeunes gens dayoaopot portaient des branches de ce genre 115. La vigne n'est pas, d'ailleurs, seulement un attribut de Dionysos, elle est le dieu lui-même, dont le BAC 623 BAC sang coule sous le pressoir et forme le vin 118. Une curieuse tête de Bacchus, découverte à Ostie 1117, représente le dieu avec une barbe formée de pampres 1t19 (fig. î01). Après la vigne, la plante favorite de Dionysos est le lierre 1719. Le lierre rappelle la vigne; c'est une plante grimpante comme elle, et ses lianes se mêlent parfois aux sarments. On prétendit ensuite, en raisonnant au point de vue des doctrines des physiciens sur la vieille symbolique, que l'attribution du lierre à Dionysos venait de ce que cette plante était d'une nature froide 1120 qui combattait l'ivresse 121 Quoi qu'il en soit, le lierre était un des symboles primitifs de Dionysos et ce dieu lui-même, adoré à Acharnm sous le nom de Iitccôs 1132, le lierre ; ailleurs ("issus est un compagnon de Dionysos 'n• Aussi le lierre formait-il sa couronne aussi souvent que la vigne, mière employée déjà dans les hymnes homériques t115 Chez les poëtes latins, Bacchus est appelé Corymbi/er aussi bien que flacenni/ér, par allusion aux fruits du lierre. II n'y avait pas de fête de Bacchus sans qu'on s'y couronnât de lierre ; c'est ce qu'on appelait xit•.olatç 1136. La fête dionysiaque de Phlionte était nommée xtaaoTégot 112'. Le convolvulus , auiaxç , est appelé par Dioscoride 1138 xnceâg.7ceaos; à cause de la ressemblance qu'exprime ie nom, il était attribué à Bacchus, comme la vigne et le lierre 1129 Parmi les arbres et les arbustes des bois, on trouve quelquefois attribués à Dionysos, mais rarement, le chêne 1130 et le lentisque, 7 ivos, sous lequel Penthée s'était caché 131; le myrte avait aussi sa place dans quelques cérémonies du culte dionysiaque i1"2. Le pin, Ea«Tri, est encore donné au même dieu 1183 ; il appartient plus souvent à Poseidon, et la communauté de cet attribut entre les deux dieux de l'humide est digne d'attention 1134. On portait des branches de pin dans les ib icterica béotiennes 1133. Mais c'est surtout la pomme de pin, aTpddtaos, xivos 1c36 qui tient une place importante parmi les attributs de Dionysos '127, et qui souvent termine son thyrse. Gerhard 1138 la croit empruntée au culte phrygien; Émile Braun y voit un symbole de fécondité et de reproduction, un fruit de l'hiver; peut-être son attribution à Bacchus est-elle venue simplement, comme l'ont pensé Chateau briand 119 et Weleker de l'usage conservé par les Grecs modernes, de faire infuser des pommes de pin dans les cuvées pour conserver le vin par le moyen de la résine. Dans les interprétations d'un mysticisme alambiqué, chères aux Orphiques, la pomme de pin fut envisagée comme une image du coeur de Zemiuscs, déchiré par les Titans 11'r1. Il a été parlé à la section précédente de l'attribution du laurier à Dionysos comme à Apollon. Le laurier est souvent associé au lierre 11''2. Sur un vase peint un des Centaures du thiase dionysiaque porte une grande branche d'un laurier sacré, d'où pendent des bandelettes, un petit tableau votif et un oiseau présenté en offrande. Un bel autel dionysiaque, encore inédit, du musée de Lyon, réunit le lierre, le pin, le chêne, le laurier et la grenade dans les mêmes festons de feuillages, que soutiennent des têtes de boeuf ; il est en outre décoré de trois têtes de bouc, de faon et de sanglier. Tous les arbres des vergers et leurs fruits appartiennent, comme nous l'avons dit, à Dionysos, mais la pomme '1", la noix 114', l'orange 11;6 et la grenade 7'47 sont plus particulièrement rangées parmi ses symboles. C'est surtout le figuier qui occupe un rang important dans la symbolique dionysiaque, comme dans celle du culte de Déméter 1'48 Nous avons vu qu'il y avait à Sparte un Dionysos Syllztès. En Attique, les figues étaient au nombre des offrandes indispensable des Dionysies rustiques 't49. La majorité des plus anciens xoatta de Dionysus que vit Pausanias étaient faits de bois de figuier et de vigne. C'est en bois de figuier que l'ors fabriquait le phallus porté processionnellem'ent dans les Dionysies 1150 et 1"on rattachait l'emploi rituel de ce bois à une circonstance de la légende de Prosymnus 11'1.On y attribuait, d'ailleurs, une vertu de purification toute spéciale 111' c'était sur un bucher en bois de figuier que l'on brûlait les monstres 11,3 et les livres impies 11 Parmi les objets renfermés dans la ciste mystique il y avait des verges de figuier xpélat il". La figue passait pour le premier fruit cultivé qu'eussent mangé les hommes 1759. Les fleurs sont aussi du domaine de Dionysos 1137, et en particulier la rose lui appartient autant qu'à Aphroditel'-58. Dans un des plus beaux fragments de ses dithyrambes, Pindare invite à se couronner de roses en son honneur, et sur une mosaïque du Vatican il respire le parfum de cette fleurit". Mais il semble que c'était surtout dans le culte du SABAZIL"S thrace que la rose était un symbole capital. Une des principales fêtes des thiases dionysiaques de la région voisine du Pangée, sous la domination romaine, s'appelait Ifosaliat60 Dans la même contrée la légende plaçait les fameux jardins de roses de MIDAS 1161, personnage en rapport étroit avec ceux du cycle de Bacchus, et la rose y est le type constant des monnaies de la ville de BAC -624 BAC Tragilus11e3 Le nom significatif d'Althaea, l'amante de Dionysos en Étolie, met les fleurs malvacées en relation avec ce dieu. Enfin on lui attribue aussi l'asphodèle 1187 la fleur des morts, qui semble plutôt se rattacher au caractère funèbre et infernal qu'il prit comme dieu des mystères [sect. xv]. Plus ancienne, plus générale et plus constante est l'attribution à Dionysos de la férule, vâpOr,. , entre les plantes des champs non ligneuses, au port d'herbes et de roseaux. C'est un attribut qui remonte à l'origine du culte du dieu. Il semble qu'il faille le rapporter aux primitives époques aryennes et aux liens qui rattachaient alors le dieu Soma aux rites du sacrificelB", car c'est aussi dans une férule que Prométhée dérobe au ciel le feu' [PxoMETHEUS], et dans ce dernier mythe la férule représente le morceau de bois dont le frottement sert au pontife arya à obtenir la flamme168. Pourtant ceux qui se sont occupés de la botanique des anciens croient pouvoir établir une différence entre la férule de Prométhée et celle de Dionysos 167. Quoi qu'il en soit, la férule est portée dans les mains de Dionysos, d'où son surnom de NapO'gxoWôpo, u69 ; elle est aussi brandie par ses Ménades et ses Satyres 189 et on y voit un symbole d'ivresse divine et d'inspiration1170, d'où le proverbe no)0oi vepO•Ixodpot, «xlrot Tu xûpot1171. La tige de cette férule est l'origine du thyrse, dont nous parlerons dans un instant, et en reste toujours le principal élément. Mais quelquefois la férule avec ses rameaux terminés en ombelles, caractérisée d'une manière très-exacte, se voit sur les monuments de l'art, tenue au lieu du thyrse par Dionysos fli2 ou par des personnages de sa suite 1153. Sur un vase qui est maintenant au Musée Britannique117" un jeune Pan et une Ménade dansent entre deux hautes plantes de férule. Parmi les gemmes, l'améthyste, à cause de sa couleur violette et vineuse, passait pour préserver de l'ivresse [AMULETUM] 1'u• Il semble qu'elle fùt consacrée à Bacchus, à voir la prédilection avec laquelle les graveurs antiques l'ont choisie pour y représenter l'image du dieu et en général les sujets dionysiaques. XII.A côté des symboles naturels que nous venons de passer en revue, il faut placer les attributs et les insignes de Dionysos façonnés par le travail et l'industrie humaine. Le premier est le thyrse (Oupabc) dont on étudiera les principales variétés de formes dans un article spécial [THYMUS]; il se compose essentiellement d'une longue haste, originairement une tige de férule, garnie au sommet d'une bandelette nouée et terminée par une pomme de pin ou par une sorte de faisceau de lierre ou de pampres, quelquefois des deux ensemble ; ce faisceau de lierre se combine aussi avec la pomme de pin qui le surmonte 1176. C'est le sceptre le plus ordinaire de Bac chus 117; (voir les fig. 703, 70à) c'estaussil'arme avec laquelle il combat. Tous les personnages de son thiase le portent comme lui et l'agitent dans leur ivresse ; ils s'en servent victorieusement à l'exemple du dieu dans ses guerres. A la place du thyrse, que les pâtres des montagnes et tous ceux qui fréquentaient les orgies nocturnes de Dionysos fabriquaient en un instant avec une branche d'arbre et des pampres ou des lierres enlacés 117', on portait aussi dans les fêtes dionysiaques des rameaux garnis de leurs feuillages et tressés avec des branches de vigne et de lierre ; c'est ce qu'on appelait axtâlt7119. Le DACCIIOS, qui avait dû d'abord appartenir au culte de Dionysos, était à l'origine quelque chose d'analogue. Les jeunes arbres déracinés en entier que portent quelquefois les Centaures peuvent donner une idée de ceux qui figuraient dans les dendrophoriae bachiques 180 Le thyrse est censé souvent cacher un fer de lance sous les feuillages 1181 [sect. vl]. Sur un basrelief du Vatican 162 la pointe de ce fer apparaît; c'est proprement ce qu'on appelait Oupadi,oyyoç 118.. Ailleurs le thyrse se termine, en souvenir de cette disposition, par une feuille lancéolée18'", au lieu d'une pomme de pin. En outre, Dionysos peut porter la lance elle-même, comme Dot atophoros ou Enyalios, et c'est ainsi, avec un petit paquet de feuilles au-dessous du fer de la lance, qu'il est figuré dans l'idole devant laquelle on voit les débris d'un sacrifice dans unepeinture dePompéi11t5 Une autre arme de Dionysos est la bipenne, oG7ta, 7tovTa. Sur les monnaies de Ténédos, dont cette hache est le type, par allusion au sacrifice qu'on y célébrait annuellement en l'honneur de Dionysos, elle figure d'ordinaire accompagnée de grappes de raisin 187 (fig. 702). A Pagasae, Dionysos était adoré sous le nom de rwuxuç 7188, c'est-à-dire sous la forme d'une hache, et la marque de l'atelier de Pagasae sur les monnaies d'Alexandre1189 ne permet pas de douter que cette hache ne fût une bipenne. La même arme s'appelait â;(o et il semble que le Dionysos Antes d'Heresa d'Arcadie 1190 était ainsi nommé d'après cet attribut. Les flambeaux des orgies nocturnes, qui valaient à Dionysos une riche série d'épithètes signalées plus haut sect. lx], sont portés à chaque instant près de lui par les différents personnages de son thiase et figurent parmi les attributs bachiques groupés sur d'assez nombreux monuments. Cependant le Dionysos de Thèbes et de Naxos ne porte pas lui-même le flambeau à la main sur les monuments comme l'IAccnus d'Éleusis, si ce n'est dans quelques représentations exceptionnelles1191, et encore dans BAC-625 _ BAC ce cas c'est presque toujours une arme avec laquelle il combat ou va combattre. Mais chez les poètes la flamme qui brille la nuit au sommet du Parnasse est celle des flambeaux que Dionysos tient dans ses deux niains quand il conduit la danse des Thyades 1°2. Chez Euripide "°' un feu divin couronne la férule qu'il brandit en guise (le thyrse. Le vase à boire est aussi naturellement et aussi nécessairement aux mains de Dionysos que le bouclier au bras d'Arès'194. Aussi, depuis le coffre de Cypsélus sur lequel cette circonstance est signalée"0', les représentations de toutes les époques et de tous les types 1196 lui font-elles tenir un CANTIIARUS ou un CARUHESIOY1, d'où il verse quelquefois le vin à terre117 (voy. fig. 695) ou bien une corne à boire, nuyTON t1°3 ou ICERAS, qui se transforme quelquefois en corne d'abondance'v°° [conNucol'IA], enfin un vaste et profond scvruus, comme celui d'Hercule [HERCULES]. Ces différents vases à boire, avec en plus le rnoclloos, sont trèsfréquemmen t aussi aux mains des suivants du dieu ou épars à terre à ses pieds. Ils figurent encore dans les réunions de symboles bachiques qu'offrent fréquemment certaines frises monumentales des peintures murales et les décorations de vases de marbre, de métal et de matières prérieuses069 Dans ces groupes de symboles ils sont réunis aux vases à contenir le vin, tels que l'amphore 001 et le cratère19°', qui ne manquaient à aucune des fêtes de Dionysos, et souvent aussi à l'outre en peau de chèvre. Des Satyres portent aussi fréquemment l'amphore et le cratère dans le cortége du dieu. Onvoit (fig. 703). dans une peinture qui décorait une maison de Pompéi 1P01, le canthare réuni au van et au thyrse, à côté un bouc et un tambourin. Les instruments de musique, au son desquels on exé 1. cute les danses orgiastiques, jonchent souvent le sol auprès des figures de Dionysos et tiennent surtout une grande place parmi les groupes d'attributs de son culte dont nous venons de parler 1''0" Ils y sont les symboles de ce fracas joyeux qui ne doit jamais cesser un seul instant autour du dieu '' et auquel on attachait l'idée du mouvement perpétuel de renouvellement et de rajeunissement qui ne s'arrête jamais dans la nature 106. Avant tout on remarque parmi ces instruments les flûtes de diverses espèces (voy. plus bas fig. 708), et la syrinx de Pan, puis les cymbales et le tambourin [TYlIrANUM] empruntés aux usages des religions de l'Asie Mineure ", enfin les clochettes que dans quelques représentations le dieu agite luimêmel'OHetqui garnissent aussi le vêtement de dessus de certains Bacchante "09 (fig. 704). La lyre ne ligure pas dans ces groupements d'attributs dionysiaques. En revanche, les masques tragiques, comiques et satyriques des types les plus variés y tiennent une large place, rappelant que Dionysos est le dieu de la scène "1°. On en voit un grand nombre sur la célèbre Coupe des Ptolénées (p. 3, fig. 6) ; la coupe d'argent de Bologne les montre reposant sur des autels; ils forment la décoration de plusieurs très-beaux cratères de marbre Les masques, à titre d'osciLLa, jouaient un rôle dans certains rites bachiques. Aux concours ehoragiques des grandes Dionysies d'Athènes, le prix était un trépied 11°' [cuotEGtA, DIONYSIA, Taurus] , attribut emprunté au culte d'Apol Ion. Un vase peint 1214 (fig. 705) montre ce trépied élevé sur un soubassement auprès duquel se tient assis Dionysos barbu, couronné de laurier, tenant un sceptre surmonté d'un groupe de feuilles et ayant derrière lui Ifora1"' debout, munie du thyrse. Une Victoire pare le trépied et une autre amène le taureau pour le sacrifier; derrière celle-ci se tient Ditkyratllbos nu, portant le thyrse. Sur 79 conservèrent l'usage de ces représentations grossières du dieu 1327 A Thèbes on adorait, sous le nom de Dionysos Cadaleros, un morceau de bois que l'on donnait comme étant tombé du ciel dans le lit de Sémélé et ayant été revêtu de de Cadmus 1 . rer comme le dieu lui-même le lentisque ou le pin sous lequel avait été frappé Penthée 72"e. A côté de ces idoles naturelles, la main de l'homme commençait à en façonner d'une rudesse primitive. C'était un simple pieu fiché en terre, un tronc d'arbre que l'on ne prenaitmême pas soin d'équarrir, et les gens de la campagne BAC 626 BAC quelques autres monuments, le trépied choragique est placé près de Dionysos SBu. Les cistes [cIsTAI °, corbeilles rondes à couvercle I,plenee huila forneidine 1"13) d'où l'on voit s'échapper le serpent, se rattachent au culte sabazien de l'Asie Mineure sur les monnaies d'argent de cette contrée appelées crsTOpnoRI. Sur les autres monuments grecs, et surtout romains, la présence de la ciste implique une signification mystique; aussi figure-t elle presque toujours dans les sujets dionysiaques des sarcophages de l'époque romaine. Nous avons parlé du van, )Lavov, de son rôle comme berceau de Dionysos enfant et du sens qu'on y attachait comme symbole de purification1 °. Ce sens se rattache aux idées mystiques; pourtant le van n'est pas nécessairement toujours en rapport avec les mystères. Il figure quelquefois parmi les attributs dionysiaques ordinaires. On le voit rempli» e fruits de toute espèce dans les représentations de sacrifices agrestes à Dionysos (voy. plus bas, fig. 714)Souvent le phallus se dresse au milieu des fruits, mais dans ce cas l'intention mystique de la scène paraît toujours marquée I"i. La scApLtl: remplie de fruits qu'Opora présente à Dionysos sur un certain nombre de monuments (voy. plus haut la figure 682), apparaît aussi comme un symbole de son culte 1". Enfin la lclinè du banquet ou le lit nuptial préparé pour recevoir Dionysos et Ariadne, se montre sur un vase peint 1223 comme un emblème auguste, que gardent deux Satyres, avec un prêtre et une prêtresse. XIILLes premières idoles de Dionysos étaient liées au culte fétichiste des arbres [ARBORES SACRAIS]. On adora d'abord ce dieu sous la forme d'un arbre dans lequel sa divinité même était censée résider. Tel était le Dionysos Endendro.s de laBéotie 122" ; sur un vase peint on voit le buste du dieu imberbe et juvénile sortir du milieu du feuillage d'un arbre bas, d'une sorte de buisson 1223 La vigne sacrée d'Icaria semble avoir été un fétiche du même genre, et la Pythie avait ordonné aux Corinthiens d'hono bronze par Polydorus, un des successeurs On avait aussi en Béotie un Dionysos Stylos ou pieu 1229 ; un autre, à Thèbes, s'appelait Pertlnonies 1290 [sect. lv] ; c'était un pieu semblable, mais enveloppé de lierre 1"31 Plus tard on perfectionna ces sortes d'images. Les vases peints nous offrent den ombreux exemples du Dionysos des champs paré pour sa fête. Le tronc d'arbre ou le pieu est toujours couronné de pampres et de lierres, mais en outre on y attache des vêtements simulant le costume du dieu, divers attributs et un masque exécuté d'après la tête de quelque image plus perfectionnée. Un autel ou une table destiné aux offrandes et aux libations est placé devant l'idole. On a donné (p. 361, fig. 449, une représentation de ce genre d'a près un vase du Louvre; nous plaçons ici une autre de ces images,tirée d'une coupe du Musée de Berlin (fig. 7011) et le sujet principal d'un célèbre vase du musée de Naples 1"32 (fig. 707). Le masque était d'ordinaire peint en rouge 1933, couleur symholique,qui était aussi appliquée aux chairs des anciens zoana du dieu. D'a près Pausanias, tout ce qu'on voyait du Dionysos Acratopkoros de Phigalie était enduit de cinnabre 1234, comme aussi le visage de ceux que l'on conservait à Corinthe, tandis que les draperies de ces derniers étaient dorées 1233 Dans un exemple, le masque et les vêtements qui caractérisent la représentation du dieu sont appendus à une véritable colonne, que surmonte un BAC 6-27--BAC chapiteau dorique 1236. C'est là proprement le dieu Stylos, tandis que l'épithète de Dendritès paraît devoir être appliquée aux cas où c'est un tronc d'arbre qui est le premier élément de l'idole. Comme une idée symbolique s'attachait à ce nom et à cette manière de représenter le dieu, celle du producteur de la vie végétative, on combina encore la tête barbue de Dionysos avec le tronc d'arbre dans des sculptures qui offrent un grand raffinement de composition et tous les caractères de l'art le plus avancé 1137 Un nouveau perfectionnement de l'image rustique consista à sculpter plus ou moins grossièrement une tête ait sommet du pieu et à y adapter des bras tenant des attributs, tels que le canthare ; les idoles de ce genre étaient encore habillées de vêtements d'étoffe. On voit surune lampe (fig.708) trois Satyres avec une Ménade qui en dressent une en la fichant en terre 1238. Les vieux xoana de Dionysos, que vit Pausanias, ne devaient pas beaucoup en différer. Quelquefois, on attachait au tronc d'arbre un phallus de forte dimension, en même temps que le masque, pour exprimer le caractère générateur du dieu 1239 De là découla la représentation du dieu sous la forme d'un hermès ithyphallique, autour duquel on faisait quelquefois s'enrouler un cep de vigne 1246 Le Dionysos Phallen de Lesbos 1"'-1t, fait de bois d'olivier 1242, est représenté sur les monnaies de Mitylène comme un hermès de ce genre 12'3 On en voit d'autres sur quelques monuments 12''", mais souvent aussi diverses circonstances amènent à donner à une figure toute semblable le nom de Priape "45 ou celui du démon Phalès 1240. On reprit plus tard la donnée de Dionysos en hermès, mais non plus ithyphallique, dans un assez grand nombre de sculptures d'une époque tardivel"-'i7 : ces hermès sont souvent à double face, réunissant par exemple Dionysos et Ariadne ou Libera [sect. xvi], Dionysos et Pan12d8, Dionysos Psilax et un jeune Satyref24P, etc. Le masque qui s'attachait au tronc d'arbre pouvait aussi être isolément une représentation de Dionysos 1210. Tel était l'Acratos d'Athènes 1251 et un autre masque dans la même ville 1330 ; tels à Naxos le masque de Bacclteus en bois de vigne et celui de Meilichios en bois de figuier 1'33. Sur un sarcophage 125'' nous voyons un masque de ce genre comme idole du dieu. A Sicyone, Dionysos, Déméter et Coré étaient représentés par trois masques 120°. C'était là originairement un type de figuration propre aux divinités chthoniennes, pour des raisons symboliques 1256. II se lia ensuite pour Dionysos d'une manière étroite avec son caractère de dieu de la scène et par suite du masque scénique. De là les bas-reliefs de l'époque du plus grand développement de l'art qui groupent (voy. p. 617, fig. 694) des séries de masques de Dionysos de types différents ; delà aussi ceux, principalement en terre cuite, qui offrent la représentation du dieu par son masque au milieu d'ornements et de figures symboliques 12u7. Parmi les masques de terre cuite que l'on rencontre souvent dans les tombeaux antiques, quelques-uns retracent la face de Dionysos; ils ont en réalité le caractère d'images votives autant que Les images complètes et entièrement anthropomorphiques du dieu, ses types consacrés dans les œuvres de l'art, se ramènent à deux grandes classes ; car il est o (gopy2oç 1258, il peut être envisagé sous deux aspects principaux 1259 D'un côté, c'est le Dionysos arrivé à la plénitude de l'âge viril (Teleios, 1260) barbu (Pogonites 1161 Catapogon, 1'-63), l'autre le dieu à l'éternelle jeunesse, à qui Ovide 1263 dit et que tant d'écrivains décrivent avec complaisance 116" Des têtes particulièrement belles du Bacchus barbu ou Pogonitès nous sont offertes par les monnaies de Naxos de Sicile 1285 où elles rappellent exactement les figures des vases peints à figures noires, avec la barbe pointue et en coin comme celle d'Hermès ctpnvo7d usv 1266 [IttERCORIUS], par celles de Thasos 1267 et de Thèbes 1161 celles-ci dans le style de l'époque postérieure à Phidias. C'est là le plus ancien type de Dionysos, car dans l'âge archaïque il était toujours représenté barbu, comme les autres dieux olympiens à l'exception d'Apollon 1269 [APOLLO]. C'est ainsi qu'il était représenté sur le coffre de Cypsélus 1210, couché dans une grotte, vêtu d'une tunique talaire, par-dessus laquelle il portait un ample manteau, le péplus de pourpre que les Charites avaient tissé pour lui à Naxos 1271 Ce type, où le dieu est toujours couronné de pampres ou de lierre, est BAC628-BAC celui que nous offrent invariablement les vases d'ancien style à figures noires ; nous en plaçons ici un exemple (fig. 709) emprunté à l'un des vases où, assis sur un char, il fait pendant à Triptolème. Il a dès lors la longue chevelure tombant sur les épaules, signe d'elfémination dans les idées des Grecs''2, qui lui vaut le surnom d'eûpDxut-rriS 1273. Tel était le Dionysos Lenaios d'Athènes12, dans la statue chryséléphantine exécutée par Alcamène 17J , qu'aux grandes Dionysies on amenait processionnellement dans le théâtre '"°, l'installant sur l'orchestre 177, et dont des monnaies athéniennes nous offrent la représentation '"«fi g. 710). La longue tunique descendant jusqu'aux pieds constitue l'accoutrement le plus habituel du Dionysos barbu,avec certaines modifications successives de forme.Cependant on voit aussi, sur des monuments de diverse nature et d'époques diverses, ce Dionysos grec barbu, conformément au type le plus ancien, le haut du corps nu et le bas enveloppé d'un vaste manteau "i", ou bien entièrement nu, avec une simple chlamyde jetée sur les épaules 1280 D'autres fois il est vêtu d'une tunique courte descendant àmi-jambe, avec ou sans une chlamyde sur les épaules, et presque toujours alors chaussé de hautes bottines ou endromides 181. Nous croyons que dans les représentations de ce genre il faut reconnaître spécialement le Brisaios ou Briseus des îles de l'Archipel 1'82, que Macrobe 183 range parmi les types barbus. Au reste, la tunique courte est aussi celle que Dionysos porte dans les Gigantomachies, où il est invariablement muni de la barbe. Vers l'époque des grands poètes tragiques, avant que Praxitèle introduisît le nouveau type du dieu jeune et imberbe, celui du Dionysos barbu subit une modification très-profonde, sous l'influence du Bassareus lydien. Il prend quelque chose de plus efféminé dans son allure et dans son vêtement' ; 1272 O. Müller, Handb. § 330, 3. 1273 Pind. Isthna, VII, 4. -1274 Diod. Sic. IV, 5. Paus. I, 20, 3. 1276 'r950. ày7. n°= 4097. 4098 et 4107; cf. A. Mommsen, Hcortoloyic, p. 335 et 392.-1277 Dio Cireys. XXXI, p. 386, édit. Dindorf.-t?79 Bouté, Montt. d'Athènes, p. 261 et 376. 1279 Statue: Clarae, Mus. de seulpt. p. 696 A, n° 1641 A. Le Dionysos Lenaios d'Alcamène, d'après la représentation que nous en donnons, avait ainsi le haut du corps ru.1280 Statue: Clame, pl. 675, n° 1600 A. sa longue tunique devient une véritable robe féminine, la BASSARA, qui était commune au dieu lydien et à ses Ménades, et i1 porte quelquefois par-dessus, pour compléter son vêtement à la manière de celui des femmes, la courte tunique supérieure sans manches appelée crocotos. En même temps ses cheveux sont ceints d'ornements féminins, qui remplacent les couronnes de lierres ou de pampres ou se combinent avec elles, le crédemnon, la nlitra, qui lui vaut l'épithète de atTMGpoç 186', la stéphané et même le cécryphale 1286, A ce type ainsi modifié correspond exactement la description qu'Aristophane 1B7 a empruntée à la Lycuryeia d'Eschyle et dans laquelle le dieu tient en outre le barbiton, instrument de musique d'origine lydienne. En même temps la nébride 1288 ou la pardaliile commence à se combiner avec les longs vêtements et le péplus de pourpre, comme dans la figure à laquelle est consacré un épigramme de Proclus 7289. Tel est le Dionysos barbu des vases peints à figures rouges, en particulier de ceux de Vulci qui n'en connaissent pas d'autre '290 ; tel est aussi celui d'un certain nombre de pierres gravées 1-91, où il est tout à fait conforme aux représentations qu'offrent les monnaies de villes asiatiques comrne Nagidus 1092. Ce Dionysos est dès lors quelquefois représenté pris de vin (olv(lp.évoÇ 1393), avec une démarche chancelante, obligé de se faire soutenir par un personnage de sa suite 139``, attitude à laquelle on opposait celle de Dionysos Oethos, entendu par certains auteurs, tels que Philochore, comme un Bacchus qui ne laisse pas troubler sa démarche parl'ivresser'9'. Bien souvent, du reste, il serait difficile de tracer une délimitation précise entre ce second type du Dionysos barbu, et le premier, plus ancien et purement grec. Il ne s'en distingue que par l'ornement de la tête, et même, dans une infinité d'exemples des vases de Vulci, que par un caractère plus efféminé dans l'ensemble de la figure, plus de mollesse dans les vêtements 10", sans que ceux-ci aient proprement changé de nature. C'est l'ancien Bogonitès ou Lenaios qui se continue avec un accent nouveau. Pour pouvoir y appliquer le nom de Dionysos Bassareus, rangé par Macrobe1297 dans les types barbus, il faut des figures plus caractérisées, dont la stola et le péplus soient tout à fait féminins, comme dans la description qu'Euripide 1298 donne de Bacchus arrivant de Lydie. Cette représentation se trouve avec des traits bien clairs , sur quelques monuments 1299; nous en empruntons un exemple (fig.711) au bas-relief d'un cratère Gdlterl. t. Il, p. 617. 1385 Diod. Sic. IV, 4; Orph. Hymn. 1.11, 4. 1286 Sur quelques pierres gravées, c'est un voile qui couvre la tète du Dionysos barbu : Stuart, Ant. of n° 11 ; Müller-W ieselcr, t. Il, pl. xxxn, n° 343. 1297 Thessnoplr. 134 et s. -1'2298 Dio_ 1290 Gerhard, Rapp/trio volceute, p. 146. 1291 Raspe, Catal. Tnssie, pl. xxxny BAC 629 BAC de marbre du Musée de Naples 1300 ; le dieu y a le front orné d'une stéphané, et ses vêtements, dans la représentation desquels on remarque une affectation d'archaïsme, sont exactement pareils à ceux de quelques-unes des Ménades qui l'accompagnent. Plus positivement caractérisé encore comme Bassareus est le Bacchus d'un vase peint de la collection de Luynes sur lequel on reviendra dans l'article BASSASA (fig. 712). Une dernière modification du type du Pogonitès1101, cellelà postérieure au temps d'Alexandre, est marquée par la statue du Vatican sur la draperie de laquelle a été gravée l'in (fig. 713), et par la représentation pareille d'un bas-relief reproduit plus haut (p.607, fig. 684). La figure y a pris plus d'ampleur majestueuse; c'est celle d'un des grands rois de l'Asie. A ce mode de représentations seul convient le nom de Bacchus indien, fourni par Diodore de Sicile 1303 et pendant longtemps appliqué indistinctement par les antiquaires à toutes les figures barbues de Dionysos. Les images de Dionysos que l'on voit dans les scènes du culte 1705, devant lesquelles on offre des sacrifices rustiques (fig. 714) 13e', entrent toutes, à bien peu d'exceptions près, dans la donnée du type barbu 1300 et souvent la présentent sous sa forme la plus ancienne. Il est donc évident qu'au moins en Grèce la grande majorité des idoles que l'on rencontrait, surtout dans les campagnes, continuaient à être faites conformément aux vieilles traditions, même après que les sculpteurs avaient adopté l'autre type pour les statues. C'est au temps de Praxitèle qu'apparaît ce nouveau type1307, le dieu imberbe et juvénile, qui devient bientôt le type favori de la statuaire, celui qui, à partir de son introduction, prédomine aussi sur les monnaies et les pierres gravées ; en revanche, il n'est admis parles peintres de vases que dans l'Italie méridionale et quelquefois aussi dans la Grèce propre, mais toujours dans des œuvres d'époque tardive, au plus tôt vers le temps d'Alexandre. Les Bomains et les Étrusques l'ont reçu des Grecs et l'ont presque exclusivement adopté; le Bacchus barbu ne se montre dans des sculptures des temps romains qu'exceptionnellement et dans des imitations archaïques ou bien pour représenter une forme particulière et déterminée du dieu, comme le Dionysos indien. Braunt308, Preller 109, Gerhard' "0 voient dans cette nouvelle conception plastique du personnage de Dionysos une donnée d'origine lydienne. Les modifications que l'influence des fables de l'Asie Mineure avaient fait subir au dieu, le caractère d'androgynisme dont elle tendait à l'empreindre, n'ont pas dû, en effet, être étrangères à la création et au succès de ce type. Malgré cela l'invention en est toute grecque; la figure du Dionysos imberbe ne vient pas de Lydie, puisque le type propre au dieu lydien est le Bassareus dont nous parlions tout à l'heure. C'est barbu que l'art asiatique concevait le dieu androgyne. Le vrai Bassareus hermaphrodite de la Lydie est le Bacchus barbu avec des seins de femme parfaitement sensibles sous sa robe, dont on voit l'idole dans quelques basreliefs 1311 D'ailleurs la première description du dieu sous cet aspect (ver;v(r; oiv41 iotxt;,ç Itpo)0-e( 1311) se trouve dans un des hymnes homériques 1313 L'àge attribué à Dionysos dans ce nouveau type est celui des éphèbes ou des melléphèbes [EPIIEBI]. Les ornements de sa tête sont les mêmes que dans les représentations précédentes, les pampres et le lierre, puis les parures de femme, le crédemnon et la mura, seules ou combinées avec les ornements végétaux. Sa chevelure, toujours abondante et de toute longueur, eupuy«(rrç, de couleur blonde, ;av0oxâprvoç, -puaoxuC-niç, -1puaox4-7)ç, prend une mollesse particulière, «Ppoxôµ114I31i, c'est celle d'une jeune fille ; ou bien elle est répandue sur ses épaules, ou bien il la relève à la manière des femmes, retenue par sa mitra, qui en laisse échapper des boucles gracieusement disposées. Cette chevelure de Bacchus est très caractéristique 1J11, c'est à ce dieu que les jeunes gens dédiaient leurs cheveux coupés pour la première fois '316. Tel est le Dionysos don t la tète se montre sur les derniers tétradrachmes d'argent de Thasos 1317. Les bustes en sont nombreux 1318. L'expression de ces bustes et du visage des statues analogues présente presque toujours un mélange d'inspiration BAC 630 BAC ardente, d'une sorte d'ivresse et en même temps de mélancolie, qu`Ottfried Müller a parfaitement défini '319. Quelquefois cette expression prend un caractère extraordinaire de grandeur, d'élévation et de puissance 132Ô; d'autres fois les traits deviennent absolument féminins, comme dans la fameuse tête du Musée du Capiiole, si longtemps désignée comme uneAriadne73"1, mais où les cornes naissantes marquées sous la chevelure forcent à reconnaître un Bacchus13"2; tiéi virgineum caputest, dit Ovidel323 C'est tout un peuple que la série des statues grecques ou romaines du Dionysos juvénile 132`, et l'on arriverait à un nombre incalculable si l'on voulait tenir registre des statuettes de bronze, des bas-reliefs, des peintures murales et des vases peints de la Grande-Grèce qui en offrent la figure avec beaucoup de variété dans l'attitude et dans les attributs. A l'inverse du Pogonitès, ce Dionysos imberbe est très-rarement vêtu. Cependant à Athènes, quand il est envisagé spécialement comme protecteur du théâtre, il porte la longue stola scénique, par exemple dans la statue du monument de Thrasyllus132J et sur le vase à reliefs de Cumes, où il a près de lui le trépied choragique. Dans d'autres cas exceptionnels, dont il a été déjà parlé, il porte des vêtements de femme"Ailleurs, comme sur un bas-relief de Thèbes 13'7 et dans deux statues où il s'appuie sur une image archaïque de VénusProserpine 13"8 [rxossnriNA], il a la tunique courte que nous avons vue à quelques Dionysos barbus, par-dessus la nébride, et un manteau court, (p.âTtov, jeté sur les épaules. Dans ce cas, il porte toujours les cothurnes en peau de faon13"19 ou de panthère, que les personnages tragiques lui (Mt empruntés, et où l'on voit un dos traits efféminés de son costume 1330 Le plus souvent aucun voile ne couvre les charmants contours du corps à demi féminin de Dionysos adolescent, dont les formes délicates, à la musculature peu prononcée, respirent une molle langueur et un gracieux laisser-aller. Ces formes ambiguës du corps de Bacchus sont célèbres chez les poètes7731; un admirable exemple du degré auquel elles s'approchent de celles d'une jeune fille est fourni par un marbre du Vatican 138"; on peut encore citer comme caractéristique des formes particulières au dieu, bien que moins féminin, le torse magistral du Musée de Naples1333. Tantôt il est absolument nu, comme dans la belle statue du Louvre provenant du château de Richelieu 1334, dans la statue de Naples découverte à Salerne 133a, dans un bronze d'Herculanum 1336 et dans un grand nombre d'autres figures dont nous devons nous borner à citer quelques types bien caractérisés. Tantôt la nébride, attachée sur son épaule gauche, est passée obliquement autour de ses flancs 1337, tantôt cette né-bride ou une chlamyde courte est attachée sur ses épaules. Nous en donnons pour exemples deux groupes du Musée britannique 1338 ( fig. 714 et 717). D'autres fois encore, un manteau, 1p-ttov , pend plus ou moins bas derrière son dos 1339, ou vient envelopper ses jambes en laissant le torse à découvert comme dans certaines figures d'Apotion IB;O. 1,es pieds sont nus, ou bien chaussés de cothurnes. Nous plaçons ici la reproduction d'une belle peinture de Pompéi qui représente ce Bacchus jeune, le seul dont les peintres des villes du Vésuve et de Rome aient tracé l'effigie, assis sur un trône (fig. 716) avec la nébride et le manteau qui laisse le corpspresque entièrement à découvert, tenant le thyrse et le canthare, une panthère auprès de lui et de l'autre côté un tympanum. Dans quelques statues il est couché 1342 comme sur la frise du monument de Lvsicrate (p. 611,fig. 688). Mais le plus souvent il est debout. Sur certaines pierres gravées 1343 on le voit marchant, ivre, oivor izévoq, la tête renversée dans le délire du vin, ~ , ou bien buvant encore. Au contraire, les statues ne le montrent jamais saisi de plus que d'une demi-ivresse. Son sceptre est le thyrse ; de l'autre main il tient souvent une grappe de raisin qu'il présente à la Bic 63f BAC panthère dont il est accompagné, ou bien un canthare dont il laisse échapper le vin à terre. Les principaux exemples de ces particularités ont été indiqués déjà, ainsi que ceux où il est monté sur un animal ou dans un char. Les bas-reliefs et les vases peints mettent le plus habituellement le Bacchus imberbe au milieu des personnages de son thiase ; dans les oeuvres de la statuaire il se groupe fréquemment avec un Satyre sur lequel il s'appuie 1343 ou qui marche à son côté 1356, avec un Pan Il , avec Ao1Ph.LOs, déjà à demi transformé en vigne 134$ (fig 717), avec Éros 1363 ou un Éros d'un caractère spécialement bachiq te 1330. Ailleurs, dans des peintures murales, il s'appuie sur Silène 73'51. Encore ici nous ne citons que quelques exemples. Sur un autel du Louvre, Métlté sert d'échanson au dieu133'. Signalons aussi l'étrange statuette de bronze de l'an"4_ .' tienne collection Fejervary 33x3 L _ ~I~~ _ ~luu!I `€ où il est amputé du bras gauche, avec la cicatrice très-soigneuse, ment et très-exactement expri mée; elle avait trait à quelque mythe dont on ne retrouve plus de trace chez les écrivains. Les vases peints de l'Italie méridionale mettent fréquemment des cornes naissantes de taureau au front de ce Dionysos imberbe, car le dieu est x: patiopu7?;li334 [iot1xe decorus1339, comme il est le dieu dont Horace dit 1360: En un mot l'attribut des cornes, mis en rapport avec la puissance du vin 1361 lui appartient tout spécialement 136' et cette manière de les mettre à son front quand il garde une forme autrement tout humaine est un adoucissement gracieux du type plus ancien du Dionysos taureau [sect. xi]. Aussi sur des monnaies impériales de Nicée 1303 voit-on Dionysos imberbe et cornu, assis avec Tyché13Gr dans un char que traînent des Centaures. Nous plaçons ici fig. 718) le dessin de la tête d'un remarquable hermès de Bacchus jeune avec des cornes de taureau, que possède le musée du Vatican 138'; elles sont moins accentuées et dissimulées sous les cheveux chez la prétendue Ariadne du Capitole. La tête du Dionysos barbu avec les cornes se voit sur des monnaies des Béotiens 1368 et sur une pierre gravée de Berlin 138'. Sur une monnaie d'argent de Thasos 136' les cornes de bélier se substituent aux cornes detaureau puni' armer le front du Dionysos ju vénile ; quelques autres 1111)111 t ments'36" nous offrent le buste d'un Dionysos barbu à cornes de bélier, entièrement semblable d'aspect à AM3ION. Il a été question des figures de Bacchus enfant [sect. 1v] et des représentations de ce dieu en taureau ou en lion fsect. lx 1, ainsi que de celles du Psilai' avec des ailes à la tête [sect, x). Quant aux figures d'un Dionysos enfant, ailé comme Éros, nous les renvoyons à l'article de l'IAccnus éleusinien, XIV. Nous avons aussi relevé les principales associations de Dionysos avec d'autres divinités; mais il est impossible de ne pas s'a;' l'ôter encore à deux faits du même ordre : à l'antagonisme qui existe entre ce dieu et Héra, et au lien d'alliance et d'amitié qui l'unit à Athéné. La légende mythologique donne une large place dans ses récits à l'inimitié d'Héra contre Dionysos. Cette donnée, où Héra paraît à Gerhard 1310 avoir été envisagée d'abord comme la déesse des nuées [3uxo], se traduisait aussi dans le culte. AAthènes, les prêtresses des deux divinités étaient placées officiellement dans une sorte d'opposition et il était interdit d'apporter du lierre dans le temple d'Héra. Plutarque 1371 à qui l'on doit ce renseignement, ajoute qu'on y rapportait l'antagonisme de Dionysos et de l'épouse de Zeus au rôle de cette dernière comme déesse du mariage légitime et à l'influence de l'ivresse, funeste à la procréation d'enfants vigoureux. Par contre, il y a une étroite amitié entre Bacchus et Pallas-Athéné, la déesse du ciel pur, de l'éther lumineux [auNEavA]. Cette association est en grande partie d'origine attique et tenait une place importante dans les fêtes dionysiaques d'Athènes [DIoNrsIA]. A Épidaure nous voyons Athéné Cfssaea 117f adorée avec Dionysos "Ti ; dans l'Élide, la fondation du culte d'Athéné Narc sec était attribuée àNarcrleus, fils de Bacchus 1X74, Les poètes parlent de l'affection particulière d'Athéné pour Sémélé 1'i33. Dans les bas-reliefs du trône d'Apollon Amycléen, elle présentait le petit Dionysos aux immortels réunis dans l'Olympe 1378, Nous l'avons vue l'auxiliaire spéciale du dieu clans la Gigantomachie et dans ses guerres. Plus fard, c'est à titre de Nouveau Bacchus que Mare-Antoine voulut épouser la vierge du Parthénon 1377, La réunion d'A BAC 632 BAC théné el, de Dionysos est fréquente sur les vases peints187,. Les monuments de cette classe y joignent fréquemment Iéraclès 1379, quelquefois avec Apollon 16fl0; ailleurs ils montrent seulement ensemble Bacchus et Hercule", ou bien encore Dionysos et Coré (par suite de l'association mystique dont il sera parlé dans la section suivante) avec Athéné et Héraclès178'. Ailleurs encore Hercule est assis sur le même lit de festin que Dionysos et Ariadne 1686. On voit aussi Hercule et Bacchus réunis sur certaines médailles, par exemple celles d'Héraclée de Lucanie1$8'3, ou bien portés ensemble sur le même char triomphal 1' S7. Ils avaient des autels dédiés en commun13,8 et Septime Sévère les associa dans la dédicace d'un temple 1687. Cette association tenait avant tout à un rapprochement trèspopulaire, d'une nature élevée et auquel se complurent les poètes" Dionysos était considéré comme ayant ouvert et frayé à Hercule la voie que celui-ci avait ensuite suivic789. Guerriers et vainqueurs tous deux, ils participaient à la fois à la nature divine et à la nature humaine; tous deux ils s'étaient élevés à force d'exploits de la condition de héros à celle d'Olympiens. Tous deux avaient introduit à leur suite dans le ciel leur mère mortelle, l'un Sémélé, l'autre Alcmène. Le caractère de ce rapprochement est très-nettement précisé par le vase où l'on voit Athéné conduisant Héraclès au ciel dans un quadrige, tandis qu'au bas est Dionysos couché", et par celui où Dionysos entre deux Satyres fait pendant à Hercule reçu dans l'Olympe1391. Il s'accentua encore, mais en prenant une signification différente et plus grossière, par suite du caractère que la comédie tendit à donner à Hercule en faisant de lui un dieu buveur et ivrogne, armé du scyphos comme Bacchus du Canthare, l'Epitrapezios de Lysippe, le Biba.c des Romains [tmacOLEs], le compagnon joyeux et souvent berné des Satyres 1'9'. De là les représentations, si chères aux artistes de l'époque romaine, du défi en tic Hercule et Bacchus à qui boira le plus 1195 ou d'Hercule vaincu par l'ivresse parant de sa défaite le cortége du dieu du vin 1S9'`, représentations sur lesquelles on reviendra à l'article ndncuLEs, et où l'on s'est plu à accentuer encore par la victoire de Bacchus le contraste qui existait dès lors entre son type plastique et celui d'Hercule, dans l'association de ces deuxpersonnages mythologiques illustrés pal' desexploits pareils. Avecunsens plus élevé, les attributs caractéristiques d'Héraclés et de Dionysos sont réunis dans les types des GISTOPliOliI de l'Asie Mineure "1'. L'épouse céleste d'Hercule, IIEHE, appartient au cycle dionysiaque. Nous verrons dans un instant quel était son rôle auprès de Dionysos dans le culte mystique de Phlionte. Les fêtes de cette ville appelées KuteoTéysi 1298 sont rappelées sur plusieurs vases peints par les branches de lierre que tient Hébé en compagnie d'Hercule 1797. Le fils d'Alcmène luimême est quelquefois couronné de lierre 1398. XV. Par sa nature même, Dionysos était appelé à devenir un des grands dieux des mystères [MYSTEnIA]. Ses fêtes les plus antiques, telles que les Triétériques du Cithéron et du Parnasse ou les Ais)sixt d'Orchomène 119, avaient un caractère secret par l'exclusion des hommes ; l'inspiration divine qui y était censée communiquée à ceux qui y prenaient part, les rites purificatoires qui les accompagnaient, tout tendait à en faire de véritables initiations. C'est ainsi que les représente Euripide dans ses Bacchantes, et il en fait des mystères cachés aux profanes, aussi complételnentsoumis à la loi du secret que ceuxd'Eleusis ou de Samothrace. Gerhard 14°9 a clone eu raison de voir dans ces fêtes nocturnes de la Béotie et de la Phocide, opposées aux fêtes purement agraires de l'Attique [moNvslA], le point de départ, le substratum du culte mystique de Dionysos et de la physionomie nouvelle qu'y prit ce dieu. Mais c'est dans l'Attique [sect. n], que se forma la conception du Dionysos proprement mystique, distinct de celui de Thèbes et de Naxos, qui rayonna ensuite sur toutes les parties de la Grèce et réagit partout dans une mesure plus ou moins forte sur le Bacchus de la mythologie ordinaire et poétique. Elle découla naturellement de l'association qui s'était produite entre Dionysos et Déméter, dont il était devenu le parèdre 7401 et même l'amant ou l'époux 9402. Cette association s'était d'abord produite dans une donnée toute agraire [sect. x], mais elle prit bientôt une nouvelle signification, en rapport avec le caractère même qu'avait reçu la déesse Le trait essentiel qui marqua la transformation du dieu, d'où sortit le nouveau Dionysos mystique, fut son assimilation à Hadès 1''°' ; il devint alors le dieu XOdvtoç 11r" par excellence, le monarque des morts 160'. Bien des côtés de sa physionomie primitive préparaient cette transformation, qui remonte à une date ancienne. Dieu mourant périodiquement pour ressusciter avec le printemps, ou qui, par une forme euphémique de la mente idée, descendait aux enfers pour en ressortir vainqueur, il était appelé à être envisagé comme un dieu des morts. Maître et auteur de la production végétative, il devait tendre à se confondre avec Hadès, le Zeus Chthonios que le laboureur d'Hésiode 1''0e invoque avec Déméter, le dieu souterrain qui reçoit, qui absorbe tout, IIoàoéxTrl3, IIoauèéyµwv 1507, mais aussi qui rend tout en faisant sortir les productions de son sein, le II),oé-rsu ou Hàousnirs, source de richesses 1408 qui a pour attributs la corne d'abondance 1409 et la fourche à deux dents, èixsaax, ()idem, de l'agriculteur 1410 qui donne enfin lui-même la vie, comme il la retire, ci.3pésE7oc C'est l'association à la Déméter chthonienne qui lit d'abord de Dionysos à son tour un dieu chthonien, et par suite infernal. Le caractère nouveau qui en résultait se prononça davantage ànlesure que se répandaient en Grèce les légendes du zAUREUS crétois, du sAHAZIUS thraco BAC -633BAC phrygien, chez qui le côté funèbre était plus accentué, ou celles de dieux d'origine étrangère dont nous ignorons la patrie et qui se présentent à nous avec un nom tout à fait hellénisé, comme ISODAETES. Le Dionysos crétois à la légende duquel les Orphiques donnèrent une si haute importance dans leur système particulier de théologie et de mythologie [oxpnlci, zAGREUS], est pour Eschyle 1412 le Zeus des morts, celui qui reçoit tous les hommes dans son empire, l'époux de Gê ; son nom de Zagreus, le grand chasseur, è p.eyû),otç «yp(Gwv, fut entendu comme s'appliquant à la chasse dans laquelle le dieu de la mort pousse devant lui et frappe ceux qu'il destine à son empire 1'`". Il fut donc quelquefois employé comme un simple surnom du Dionysos infernal 741•, et l'on donna le même caractère 141' aux épithètes de Bacchus qui se rapportaient originairement aux rites sanglants du culte béotien primitif, Laphystios 14'8, Agrionios 14", Omestès. Le nom d'lsodaetès, interprété comme celui qui donne par la mort une même issue à tous les hommes 1418 devint aussi une qualification du même Dionysos 1119. C'est également aux ténèbres du monde inférieur que l'on finit par rapporter l'épithète de 1Vyctelios 142° qui avait d'abord trait aux fêtes nocturnes, comme à celle deXopayèç «otpmv on attribua un sens cosmique élevé 1421, en rapport avec l'ivresse mystique que le dieu communique à l'univers et dont on retrouvait aussi l'expression dans ses qualifications de Malvégovoç, Baccheios et Baccheus 1.". Quant à ses titres de Basileus, Hegemon, Cathegemon, on les appliquait à la royauté des morts 1'+23, comme synonymes de ceux d'Agesilaos et Agesandros qui appartenaient à Pluton. Ce ne sont pas là, du reste, les seuls parmi les surnoms du Dionysos de la religion vulgaire qui revêtirent un caractère mystique et prirent un sens nouveau par suite de la transformation du dieu de Thèbes et de Naxos en dieu des enfers. Une idée funèbre exprimée sous une forme euphémique, celle du dieu qui délivre les âmes par la mort 1421, s'attacha aux appellations de Saotès ou Soter 11'0, Eleutherios, Eleuthereus 1r26, Lysias, qui dans beaucoup de localités devinrent étroitement liées au culte mystique. Il en fut de même de celle de Rleiitchios 1427. dont on fit un euphémisme pour désigner le dieu dont la puissance meurtrière s'exprimait ouvertement par des noms tels qu'Omestès, et de celle d'Euéules ou EuLuleus, qui appartenait aussi à Iladès 1.28 et que l'on en vint à interpréter mystiquement d'une manière analogue au nom des Eur,ILNIDES, comme désignant le dieu qui veut du bien aux hommes en leur donnant le repos de la mort 14-9. Tous ces noms prirent ainsi une double signification, funèbre et favorable, correspondant aux deux ordres de rites, les uns sombres et sanglants, les autres joyeux, des fêtes mystérieuses qui se célébraient dans la nuit en Béotie et en Phocide 1430 et à la double physionomie, que 1 recevait Dionysos (Divtmhhos, Diphyès, L)t:,sophyès), à la fois dieu de la lumière (Laanpter, Pyrpolos, Pyriphengès) et des ténèbres (.Ngctelios), de la vérité (illantis) et du mensonge (Sphaltès), de la passivité et de l'activité, de la guérison et de la mort 14". Ainsi la modification apportée à la conception de Dionysos ne se bornait pas à le confondre avec Hadès, à en faire par excellence le dieu chthonien etinfernal, elle pénétrait son essence de l'esprit de panthéisme cosmique, aux aspects ondoyants et divers, qui était propre à la religion mystique sous toutes ses formes [3TSTERIA]. Tel fut le Dionysos mystique, que sur la route de Tégée à Argos on adorai tauprès de Déméter sous le nom de ilJystes1433 C'est. celui qui, à partir des réformes religieuses d'Epiménide [r.Leus1NIA, sect. I], tint une place considérable dans le culte éleusinien,qu'il modifia profondément parl'introduction d'éléments nouveaux, celui que nous retrouvons aussi clans tous les mystères issus de ceux d'Éleusis, comme à Phlionte, à Lerne, etc. [Euus1NIA, sect. 1x]. Il est aussi le dieu de mystères dionysiaques spéciaux, les uns établis officiellement comme ceux du midi de l'Italie, les autres célébrés un peu partout au sein des associations libres telles que les thiases [TnIASUS] et les colléges d'ORGEONES 113.1 dans ces initiations auxquelles se rapportent bien des monuments 1404 qui les montrent s'accomplissant souvent dans les conditions les plus simples et les plus rustiques, sous des tentes dressées dans les champs 1133. La ciste mystique [CISTA], avec son serpent, était l'emblème essentiel de ces mystères dionysiaques 1436, où elle révèle l'influence des Sabazies thraco-phrygiennes [sABAZIUS], et c'est de là qu'elle passa dans les autres mystères 1437. Elle s'introduisit dans les Triétériques du Cithéron et du Parnasse 1438 où l'on ne saurait douter que le caractère nouveau donné au dieu n'ait fini par trouver sa place et qui tendirent à devenir de plus en plus de véritables mystères. Au reste, l'idée qui faisait de Bacchus un dieu funèbre et le substituait à Pluton comme roi des enfers, idée d'abord toute mystique, finit par passer dans le domaine de la religion poétique et des croyances ordinaires. C'est ce qui était, et c'est pour cela que la représentation de la pompe de Bacchus, de ses noces avec Ariadne, de son triomphe sur les Indiens et de beaucoup de scènes de la légende du dieu de Thèbes et de Naxos, fournit les sujets de la majorité des sarcophages de cette époque, exécutés pour la plupart sans aucune intention proprement mystique. Le vêtement pourpre, couleur de vin, de Dionysos fut donné à Pluton 1438 et l'on plaça la statue du dieu sur certains tombeaux 11'39. Au milieu de cette influence du Bacchus des mystères sur celui de la mythologie et de la religion publique, ce qui reste toujours le trait distinctif du dieu mystique, sa donnée essentielle et propre, c'est son association intime avec Déméter et sa fille. Du moment où ce dieu se confondait avec Hadès, on 80 Bac 634 BAC devait nécessairelnent être conduit à le lui substituer comme l'époux infernal de Perséphoné [P11osERPINA]. C'est ce rôle qu'Il avait en effet dans la fête attique des AnthestériesDIONVSLAl et clans les Petits Mystères d'Agria IELEustxiA, sect. Ili ; les monuments qui paraissent avoir trait à ces deux fêtes adoptent pour la figure de Dionysos le type viril et barbu, soit qu'il remonte à la lumière avec Coré5Fu, soit qu'il reçoive Hercule à l'initiation1L4' Nous retrouvons encore Dionysos avec le même rôle dans les mystères de Lerne 1444 [ELEUSINIA, sect. 1x], dans le culte mystique de Thelphusa en Arcadie 14", de Sicyone 744', etc. La même association existait à Cyzique, et une monnaie de cette ville 14" montre Coré tenant le flambeau, se ren dant au-devant de son époux Dionysos, au milieu d'une pompe toute bachique, dans un char que traînent des Centaures, comme celui d'Ariadne (voy. p. 421 fig. 514), et que précède Éros. C'est dans ce même char traîné par des Centaures que Coré se montre, tenant des épis et des pavots, à côté d'un Bacchus du type juvénile sur le célèbre camée dit du cardinal Carpegna, actuellement au Louvre 1448 (fig. 719). Au reste. Ottfried Millier v 9 a re Fig. 712 Bacchus et Proserpine. marqué que sur les monuments de l'art il est presque impossible de distinguer en pareil cas Coré d'Ariadne et de dire laquelle des deux accompagne Dionysos. Le Zeus Phlios, infernal et armé du thyrse, qui à Mégalopolis était associé à Déméter et à Coré 1450, et plus spécialement présenté comme l'époux de cette dernière, était comme une forme intermédiaire entre Hadès et Dionysos ; en revanche, dans un des sanctuaires mystiques de Lerne, Aphrodite remplaçait Perséphoné auprès de Dionysos 1.,51 à cause du rapport établi dans les mystères entre les deux déesses" iPROSEHPINA]. Il faut même noter que le type plastique de Vénus-Proserpine 1453 est celui de l'idole aux formes archaïques placée auprès de Dionysos dans certaines sta t. 1, pi. exrx, n' 1 ; M011erWieseler, t. II, pl. xxxrx, n° 453. 1494 Orelli, Jescr. 25, _. 1446 Id, Il, 11, 3. L'association de Déméter, Coré et Dionysos, comme dans ces cultes, se remarque avec le Dionysos barbu sur quelques vases peints : Aristid. p. 648, édit. Dindorf; Schoï, ad Alisteph. Ban. 324. 145'' Outre le vase cité dans la note 1442, dans la majorité des peintures céramiques qui retracent la mutée de Perséphone a la lumière sur tut char (Gerhard, fleber Amincit pl. n et ne), tues [sect. xln], par un groupement qui indique l'intention de marquer une relation intime entre les deux divinités. En même temps on avait identifié à Dionysos l'Iacchus d'Éleusis [ELEUSINIA, sect. I], dont la plus ancienne tradition faisait le fils de Déméter 1454 et que l'on représen tait toujours comme un enfant. Bacchus se trouvait ainsi apparaître deux fois dans le cycle éleusinien, d'àge viril comme époux de Coré, résidant avec elle l'hiver dans les demeures infernales et remontant avec elle à la surface de la terre au printemps dans la fête d'Agræ, comme l'enfant médiateur des mystères dans les Grandes Éleusinies. Suivant la tradition la plus vulgaire, le Dionysos crétois était aussi fils de Déméter 1455. Ainsi naquit 1 idée de faire de Dionysos le frère de Coré, en même temps que son époux. C'est le couple mystique de Coros et Cura, le fils et la fille, nés tous deux de Déméter, couple si bien mis en lumière par Creuzer tut, que Cicéron " appelle Liber et Liftera, mais en les distinguant soigneusement des divinités italiques de ce nom. Un sculpteur de l'école de Praxitèle et de Scopas avait adopté cette donnée dans des groupes célèbres qui furent transportés à Rome1456 et oh l'on voyait des satyres tenant dans leurs bras, l'un Dionysos [sect. 1v], l'autre Coré (Liber et Lamera, dit Pline), tous deux enfants et tous deux élevés ensemble. Dans cette éducation dionysiaque attribuée à coré, son caractère changeait sensiblement, et l'on est ainsi conduit par des degrés successifs du type de la fille de Déméter dans la mythologie habituelle à celui de la compagne de Dionvsos dans le culte mystique de Phlionte, de cette déesse que l'on appelait Dia, Hébé ou Ganyméda [IIEBE], véritable Bacchus féminin couronné de lierre 1459, en l'honneur de laquelle on célébrait la fête des Ktaao-rduot, et qui semble former l'intermédiaire entre Coré et Ariadne 11'0 L'influence des Orphiques, ainsi que des données asiatiques qu'ils avaient empruntées au mythe et au culte du SABAZIUS phrygien, modifia encore la conception du Dionysos mystique et donna lien à de nouvelles combinaisons de syncrétisme. L'IAGGHUs d'Éleusis fut identifié au ZAGBEUs que l'orphisme avait puisé en Crète [ELEUSINIA, sect. 1], et on lui attribua sa passion, sa mort sous les coups des Titans, assimilée également à la mort du Dionysos de Thèbes et d'Argos 1b81. En même temps, s'inspirant de l'idée orientale du dieu qui s'engendre luimême et reparaît dans une nouvelle génération après avoir traversé le sein d'une déesse, à la fois ainsi son épouse et sa mère, idée qui était la source de la légende phrygienne de la naissance de SABAZIOS, les Orphiques donnèrent la préférence à la tradition mystique de la Crète, qui faisait de Zagreus le fils de Coré 1463, et non plus de Déméter. On fit d'Iacchus le fils de Coré u'63 et d'Hadès 146'1, identifié déjà à Dionysos. De cette façon, dans Dionysos l'accompagne [rnosnnmva). Sur le célébre sarcophage de V,iitonhouse pl. x, n° 117), Dionysos est auprès de Déméter à qui Perséphoné fait ses adieux au moment de retourner dans les enfers. -1453 Diod. Sic. III, 63. 1436 Betig. de hard, Gr. Myth. § 456, 2. 1161 Ceci dut aussi, comme l'a très bien vu Weldeer Gôtlerl. t. lI, p. 634;, être favorisé par l'influence de l'école des égyptologues, qui, comme Hérodote (Il, 42, Si et 144), voyaient Dionysos et Déméter dans Osiris et Isis, souverains des enfers; le Dionysos infernal devait donc pour eux avoir la même Passion qu'Osiris, et précisément la légende de Zagreus la leur offrait. Is1/,,,, VII, 3 ; Schol. ad Aristoph. Dim. 324. 1464 Etym. Gud. s. v. Za7p,G1; cf. BAC = 63-5 BAC les mystères éleusiniens et dans tous les cultes qui s'y rattachaient, Dionysos apparut deux fois, avec deux rôles différents, d'abord époux de Coré dans les Petits Mystères comme dans les Anthestéries, puis son fils dans les Grands Mystères '465. De même que dans l'idée mystique Déméter et Coré se ramenaient à une même déesse, à la fois mère et fille [(ictus, CLEUSINIA, sect. 1], le Dionysos infernal se dédoubla en un père et un fils, au fond identiques l'un à l'autre 1460. Et ce double rôle correspondit à la double physionomie qui se développait chez ce dieu ; on le rapprocha aussi de sa double naissance, de sa qualité de Dirnetor ou Dithyrambos 146". C'est ainsi que prit naissance la légende, d'origine mystique, mais passée à une époque tardive dans la mythologie poétique, qui faisait naître Iacchus des amours de Dionysos et de la nymphe Aura 1463, laquelle n'est qu'une forme secondaire de Coré 1489. Cette légende se localisait spécialement à Cyzique, siége d'un culte important d'origine éleusinienne [ELEUSINIA, sect. 1x], objet d'une étude capitale de Panofka 1''10. Ce culte reposait sur l'adoration du couple de Dionysos Eleutherios et Coré Sotei~a ou Dionysos Soter et Coré Eleutheria, une Coré qui réunissait les attributs de cette déesse et de Déméter 1471 [PaosEIIPINA] ; le fruit mystérieux en était Iacchus, auquel on ne donnait dans la légende extérieure et populaire que l'origine héroïque qui le faisait naître d'Aura. Cette légende le représentait comme le seul survivant de deux jumeaux mis au monde par la nymphe mu, qui immolait l'autre. Cette idée mystique d'un Dionysos qui s'engendre luimême, d'un double Bacchus, dont les deux formes, extérieurement distinctes, se résolvent en une unité fondamentale, a exercé sur les monuments de l'art une influence considérable. On ne saurait méconnaître que dans la pensée qui a inspiré un certain nombre de représentations, le Dionysos barbu de l'ancien type n'ait été envisagé comme étant avec le Dionysos imberbe et juvénile dans une relation de père à fils 1173. De là les monuments où l'on voit simultanément les deux Bacchus, le barbu et l'imberbe, le second le plus souvent dans un des actes de sa vie, au milieu de sa bacchanale, le premier comme l'idole d'un dieu plus ancien 1474, ou bien ceux où les masques des deux types sont réunis l'un près de l'autre comme dans notre figure694. Ce n'est pas non plus sans une raison analogue que dans tant de localités de la Grèce on conservait dans le même temple deux images différentes de Dionysos, ou bien l'on adorait deux formes du dieu. Cette dualité était souvent celle du Dionysos ordinaire et du Dionysos mystique 1475, telle que Nonnus 1470 la marque en Attique en distinguant le Lirnnaios et l'F, leusinios, telle que nous l'observons dans les Grenouilles d'Aristophane, où Dionysos assiste à la procession mystique d'lacchus comme à une fête qui lui est étrangère. Nous la constatons enfin sur un marbre publié par E. Braun 1p77 où Iacchus, enfant et ailé, se voit couché ail pied de l'arbre d'où sort la tête barbue de Dionysos Dendrites entre celles de Déméter et de Coré. Il est de l'essence même des combinaisons raffinées et ondoyantes du mysticisme antique que tous les dieux sur lesquels elles s'exercent ne deviennent pas seulement doubles, mais triples 1478 Le Dionysos des mystères n'a pas échappé à cette règle 1419 et sa triplïcité s'est même traduite dans le culte de certaines cités où pour ce dieu prédominait le point de vue mystique, comme à Patru, où l'on portait simultanément dans une même procession trois images représentant trois formes différentes de Dionysos [sect. n]. C'est ainsi que dans le langage des hymnes orphiques il fut qualifié de 'l'pn uilç 1450 épithète mise également en rapport avec la façon dont il présidait aux trois saisons de l'année1481. On le dit aussi Tp(ynvoç1463 en ajoutant comme une troisième naissance, à celles de la légende mythologique, la production du vin sous le pressoir 1483 Enfin on retrouva ce même nombre, dans le cycle qui ramenait ses fêtes Triétériques, cycle rapporté désormais à la notion d'un sommeil de trois ans dans les enfers auprès de Perséphoné, autre forme de sa mort périodique 148'' Nous ne saurions insister davantage sur toutes ces combinaisons, qui ont tenu une place considérable dans les systèmes de la pensée religieuse et philosophique, qui se sont même reflétées dans le culte, mais dont le développement complet a été tardif. A l'article ()Brute{ l'on trouvera quelques détails sur le rôle que la secte orphique donna dans sa théologie et sa cosmogonie à Dionysos, dont elle fit le dieu universel qui anime le Inonde 148', qui est à la fois Zeus, Hadès, le Soleil et Dionysos 1486, expliquant dans cet ordre d'idées tous ses attributs, faisant par exemple de, la fabrication de son pépins par les Charites l'emblème de la création du monde 1`87, et de son cratère le vase où s'opère la mixture des éléments cosmiques 1488; ils voient aussi un emblème du même genre dans l'antre de Nayos 1489 où Dionysos était représenté couché, comme sur le coffre de Cypsélus, et comme le montrent les peintures de vases dont l'intention mystique est évidente 9490. Les Orphiques l'identifièrent donc avec leur Phanès 1491 et à ce titre lui donnèrent la qualification d'Antaugès 1492 c'est-à-dire le reflet, la manifestation de l'intelligence ou de la lumière première t',n ou bien celle de Protogonos 1494. Parmi les formes de Dionysos. outre le ZAGREUS d'origine crétoise, il en est surtout une qu'ils développèrent avec complaisance, en y attachant des notions spéciales et d'une nature très-subtile, ce fut l'Eubuleus 1494 BAC 636, BAC qu'ils représentèrent aussi quelquefois comme l'enfant mystique de Perséphoné'',90. Ces rêveries compliquées, qui n'appartiennent môme plus à la mystique proprement dite, mais à une secte spéciale, ne restèrent pourtant pas exclusivement renfermées dans ses assemblées et dans ses écrits. Elles eurent un écho dans certaines légendes locales. C'est ainsi que celle de Phlionte 15' donnait le nom bien significatif de Phones au prophète mythique du dieu qui aurait apporté dans cette ville le culte de Dionysos Lysios. Des monuments d'une date relativement basse ont été certainement inspirés par les hymnes orphiques relatifs à ce dieu. Telle est la peinture d'un vase de la dernière époque 1,98, empruntée certainement à l'hymne xvll, où l'on voit Dionysos Thesmophore armé du thyrse (Oer;yohdpoç... vapOr,xofdpoç Otovueoç), debout auprès de Déméter Thesmophore, tandis que dans le fond apparaît la tête du personnage énigmatique de Mesè(M(az, àppr,TOç èva(tcX) que l'hymne confond avec lui en un seul être androgyne [lACCnos]. XVI.Pour Sophocle 1499, Dionysos est le dieu qui règne sur l'Italie (xèvea Sç xu d7c_tç 'ITa).(av) ; en effet, les fondateurs des colonies helléniques de la Grande-Grèce avaient porté avec eux son culte, qui prit dans cette contrée une importance et un développement exceptionnels. Toute une série de légendes nouvelles se formèrent sur ce sol, et en firent le théâtre d'épisodes de l'existence du dieu et de ses courses terrestres. Bacchus, disait-on, avait disputé à Déméter la possession de la Campanie'' où les deux divinités avaient prodigué leurs bienfaits, il y avait reçu l'hospitalité de Falernus 7i01, accompli des exploits guerriers dans le pays des Tyrrhéniens (sect. vire), enfin, poussant encore plus loin ses conquêtes dans l'ouest, il avait laissé en Italie les vétérans de son armée, les Silènes fatigués par l'âge, qui s'y étaient livrés à la culture de la vigne et avaient rendu cette terre fertile en vins 15°w La majeure partie des cités grecques de l'Italie méridionale avaient dû leur origine à des colons du Péloponèse: par conséquent ceux-ci y avaient transporté le culte dionysiaque tel qu'il existait dans leur pays d'origine, c'est-à-dire sous sa forme mystique, la seule presque qu'ait connu le Péloponèse [sect. II]. C'est ainsi que l'Apulie, la Lucanie, la Calabre, la Campanie devinrent le siége de mystères bachiques qui rayonnèrent ensuite sur l'1trurie et sur Rome [BACCIANALIA]. De ces mystères de la Grande-Grèce, fameux parmi les archéologues modernes et qui ont donné lieu à tant de conjectures dénuées de base, nous ne savons rien historiquement et d'une manière positive que l'époque et les circonstances de leur interdiction par le sénat romain. Mais l'importance qu'ils avaient au Ille siècle avant l'ère chrétienne, la façon dont ils étaient alors devenus la première institution religieuse de ces contrées, celle à laquelle tous s'empressaient de participer, comme les citoyens d'Athènes aux mystères d'Éleusis, tous ces faits sont attestés par les vases peints de la dernière époque [vAsA PICTA], sortis des fabriques de l'Italie méridionale, dont les sujets sont directement en rapport avec ces Bacchanales''0', qu'ils appartiennent à l'une ou à l'autre des deux classes entre lesquelles on les répartit, celle des sujets bachiques et celle des sujets mystiques. Dans les premiers, dit M. de Witte1a0` « ce n'est plus le Bacchus barbu des anciens peintres; éternellement jeune, le dieu est accompagné de Satyres et de Ménades. En général, les compositions n'annoncent ni efforts de génie ni efforts d'invention : toujours des Satyres, ou isolés, ou groupés avec des Ménades, des enfants ailés ayant les formes efféminées de l'hermaphrodite. Souvent ces sujets bachiques se rapprochent tant des sujets mystiques, qu'on sent que ce sont les mêmes données, les mêmes idées qui les ont inspirées. Quant à ces derniers, les sujets mystiques, ils sont excessivement nombreux, et ces compositions énigmatiques ont jusqu'à ce jour fait le désespoir de ceux qui ont cherché à les interpréter. On ne peut nier, toutefois, le sens mystique de ces sortes de compositions ; mais jusqu'ici, à très-peu d'exceptions près, les tentatives faites pour leur trouver une application satisfaisante ont complètement échoué, et ressusciter les vaines conjectures de Boettiger et de Millin serait renouveler un système de rêveries sans fondements. s Une obscurité profonde règne donc encore sur ce sujet des mystères de la Grande-Grèce, et nous ne saurions avoir l'espoir ni la prétention de la dissiper. Ce que nous pouvons indiquer ici, d'après l'étude des peintures à sujets bachiques, plus intelligibles que les sujets proprement mystiques, et surtout d'après l'influence que la religion dionysiaque de l'Italie méridionale exerça de bonne heure sur celle de Rome [LIBER], c'est du moins le couple divin qui y servait de centre. Il se composait de Dionysos, le dieu auquel nous voyons une large part des terres de la cité consacrée dans les fameuses Tables d'Héraclée Isos et d'une déesse qui portait certainement le nom grec de Coré 'a06, appelée Osoû nat"ç, « l'enfant de la Déesse (de Déméter) n, dans une inscription de Posidonia 1a07 et 'Eptrfdva dans une autre de Pæstum 150'; mais les antiquaires, à l'exemple de Creuzer et de Gerhard, ont pris l'habitude de la désigner par le nom de Libera, que lui donnent les écrivains latins, et qui a l'avantage de caractériser sa physionomie particulière, nettement distincte de celle de la Coré éleusinienne. A ce couple le culte public associait généralement Déméter 1509; c'est l'association mystique habituelle en Grèce de Déméter, Dionysos et Coré [sect. xv], traduite en latin Ceres, Liber et Libera. Mais sur les vases mystiques de la Grande-Grèce, Déméter apparaît très-rarement auprès de Bacchus et de sa compagne divine 1515 ; il semble qu'elle eût presque entièrement disparu des mystères de cette contrée à leur dernière époque, au temps où l'Éros hermaphrodite représenté dans tant de peintures céramiques complétait une sorte de triade avec Dionysos et son épouse jouant le rôle de génie médiateur des mystères comme Iacchus à Éleusis [eaOS, IACCHUS]. Au reste, d'après le style même des monuments qui s'y rattachent et qui appartiennent tous à une époque bien déterminée, le grand développement de ces mystères a dû BAC 637 BAC être tardif et n'a pas dû commencer avant le milieu du ive siècle. C'est alors qu'ils ont pris leur physionomie originale, où ont pu se mêler un certain nombre d'éléments italiques. Les beaux vases de Nola, datant de la fin du ve siècle et du commencement du ive 1511 nous permettent de constater ce qu'était alors le culte dionysiaque chez les Grecs de Campanie, et nous y voyons la triade de Déméter, Coré et Dionysos barbu, sous des traits exactement pareils à ceux qu'elle avait en Grèce'. Macrobe 1513 nous apprend que dans la Campanie, et spécialement à Néapolis, Bacchus recevait le nom d'Hébon, et son témoignage est confirmé par les monuments épigraphiques1alk. Ce nom est une forme masculine correspondant à l'Hébé de Phlionte et de Sicyone 1515: il est difficile de croire qu'Hébon n'ait pas été associé à une Hébé '"° et par conséquent nous constatons ici chez les Grecs de l'Italie une influence positive des formes propres au culte mystique de Phlionte, où la déesse associée à Dionysos prenait, sous le nom de Dia-Hébé, une physionomie intermédiaire entre Coré et Ariadne [sect. xv]. C'est bien là le caractère qui ressort pour la Libera de l'Italie méridionale des renseignements fournis par les écrivains latins. Elle est formellement Coré, nous venons de le voir, mais elle n'est pas identifiée d'une manière moins positive à Ariadne'517. On en fait aussi une Vénus 15ts ce qui est d'accord avec la parenté établie entre Vénus et Proserpine [PROSERPINE] et ce qui semble coïncider assez exactement avec une partie des peintures des vases mystiques de la Grande-Grèce. D'autres la rapprochent même de Cérès 1519, circonstance en rapport avec la disparition presque complète de Déméter sur ces vases et qui ferait soupçonner une confusion de la mère et de la fille dans un même personnage, comme nous l'avons constatée à Cyzique ; d'autres enfin la confondent avec Sémélé, 170 introduisant ici la notion mystique de la déesse à la fois mère et épouse15-1, que nous avons vue apparaître en certains cas dans les rapports de Dionysos et de Coré [sect. xv]. Dans les représentations monumentales, la figure de cette Libera se rapproche surtout de celle d'AIIIADNE et se confond presque complétement avec elle 15'-x. Sur les vases peints de la dernière époque de l'Italie méridionale à sujets proprement bachiques, même sur beaucoup de ceux dont orne saurait contester l'intention mystique, la déesse compagne et épouse de Bacchus a tous les traits d'Ariadne et ne saurait en être distinguée par aucune particularité spéciale. L'hymen représenté sur un bon nombre de ces vases est celui de Dionysos et d'Ariadne (fig. 720)153j, tel qu'on le célébrait à Naxos. Les vases de l'Apulie nous offrent aussi le sujet de l'apothéose d'Ariadne, enlevée au ciel et placée parmi les astres1534. Si donc la Libera de la Grande-Grèce portait le nom de Coré dans les dédicaces de temples, sur les monuments figurés c'est presque constamment l'Ariadne de Naxos qui prend sa place. Ces données confuses et en apparence contradictoires sur la religion dionysiaque des Grecs de l'Italie méridionale, peuvent cependant se concilier et se résumer ainsi dans le culte public et officiel, le couple de Dionysos et de Coré, associé à Déméter, comme dans un très-grand nombre de localités du Péloponèse ; dans la légende poétique et populaire, reflétée par la majeure partie des vases peints du temps de la décadence, le mythe de Dionysos et Ariadne, avec l'apothéose de cette dernière, devenant l'épouse céleste du dieu, mythe qui avait pris en Italie une popularité qu'il n'eut jamais en Grèce en dehors des îles, et qui s'est continuée chez les poëtes latins ; enfin dans les mystères, identité établie entre Coré et Ariadne, peut-être avec un certain emploi du nom de Dia-Hébé, plus sûrement avec celui des noms de Coros et Cora [sect. xv] pour désigner le couple divin, ce qui conduit à la traduction latine en Liber et Libera15"-Set à l'assimilation avec les divinités italiques ainsi appelées. C'est là aussi que l'on faisait de cette Coré la personnification du printemps 7t111, comme l'admettentégalement certains hymnes orphiques 1537 Pour trouver dans les oeuvres de l'art un type propre de Coré-Libera, distinct de celui d'Ariadne et exprimant nettement la nature complexe de cette déesse, il faut recourir au célèbre sarcophage Casali 15x1, le plus précieux peut-être des monuments du culte mystique de Dionysos 15'9. Au milieu de son thiase, auquel est joint Hermès comme Psychopompe [MERCURIUS] , et sous des berceaux de vignes, Bacchus y célèbre son hymen mystérieux et funèbre avec la déesse, enveloppée de longs voiles et se rapprochant surtout du type de Proserpine m3°, mais tenant le tympanum et le canthare. Sur le couvercle est un autre bas-relief qui, opposant la donnée mythologique et poétique à la donnée mystique dans le rapprochement même que nous venons d'indiquer, représente Dionysos et Ariadne, entourés de Satyres et de Ménades, se reposant sur le sommet boisé d'une montagne. 11 n'y a pas non plus à hésiter sur le nom de Coré BAC -f38BAC Labem à donnera la déesse dont la tête est unie à celle de Bacchus dans le double hermès de style affectant l'archaïsme, que nous reproduisons 153f (fig. 721), le type grave et auguste de cette tête rappelle en effet Proserpine et même Cérès. Les hermès doubles du même genre se rencontrent assez fréquemment en Italie, mais le plus souvent la déesse qui y est jointe à Bacchus a tous les traits caractéristiques d'Ariadne'531 En 186 avant J.-C. le sénat de Rome supprima les mystères dionysiaques dans la GrandeGrèce comme dans toute l'Italie. Mais le culte public de Bacchus n'y fut aucunement proscrit, puisque des mesures avaient été prises dans le sénatus-consulte même pour assurer, en la réglant, la célébration des cérémonies secrètes en l'honneur du dieu, qui faisaient, dans les différentes cités, partie de, la religion officielle. Les inscriptions grecques et latines de ces contrées sont là pour attester l'importance qu'y gardait le culte. A Rhégium nous rencontrons une corporation de Bacchus n'a certainement pas été un des anciens dieux des Étrusques ; dans les fêtes agraires de ce peuple on n'aperçoit aucune trace de rites orgiastiques 15". Nous savons par le témoignage formel de Tite-Live 1535 que c'est tard seulement, sans doute à la fin du Ive siècle on au commencement du ne, que le culte dionysiaque y fut apporté de la Campanie par un prêtre grec, sous la forme de ces mystères dont nous avons indiqué le caractère et le développement à l'article BACCHANALIA. La meilleure preuve de cette introduction tardive du dieu est dans le fait que les monuments de l'art étrusque n'ont jamais connu que le type du Bacchus juvénile, créé par Praxitèle [sect. xil]. Ils lui donnèrent cependant un nom particulier dans leur langue, celui de Fufluns, qui accompagne sa figure sur un certain nombre de miroirs. Ce nom a donné lieu à beaucoup d'hypothèsesui5 ; l'explication la plus vraisemblable est celle de Gerhard'a37, qui compare Fu/tans à l'appellation de la ville de Fufluna Populonia et y voit, en conséquence, un dieu Populonius, analogue au Dionysos Demosios ou Patroos des Grecs [sect. xi; chez les Osques nous trouvons une Junon Populona 1518 [n;No], dont le nom serait aussi à y comparer. Un des anciens dieux italiques était celui que les Latins appelaient Liber, plus anciennement Loebesus ou Loibesos 1539, les Sabins Loebasius'S4o les Osques Lou fros 154', et qui avait pour épouse une déesse Lihera, la seule à laquelle appartienne légitimement ce nom, qui n'a été appliqué que par une sorte d'abus à la compagne du Dionysos de la Grande-Grèce. Liber et Litera étaient mentionnés dans les INDIGITAMENTA de Numa comme présidant à la procréation des enfants 114'. Liber, dont le nom dérive de l'ancienne racine lib, loeb, qui est celle du verbe huai e'5a3, était un dieu de la fécondité, dont le phallus était le symbole et dont le cuite offrait dans ses rites une grande analogie avec une partie de ceux du culte de Bacchus. Aussi dès les premières relations de Rome avec les cités grecques du midi de l'Italie fut-il assimilé au Dionysos hellénique, et cette assimilation devint bien vite si complè te que, à part les renseignements empruntés aux livres de Numa et quelques usages traditionnels conservés dans les cérémonies rustiques, le caractère propre et originaire de Liber, dans les documents où nous pouvons puiser des lumières sur la religion romaine, est effacé sous le vêtement emprunté au dieu grec. Cette transformation eut lieu àla même époque que l'introduction du culte d'Apollon à Rome et fut due également à l'influence des livres Sibyllins [AFOLLO]. Dès 493 avant J.-C., le dictateur Aulus Postumius, ayant consulté ces livres pour savoir les moyens de consulter la stérilité et la disette, en tira l'ordre d'élever un temple à Ceres, Liber et Lihera, c'est-à-dire à Déméter, à Dionysos et à Coré '544, et, à dater de ce moment, le couple de Liber et Libéra, entendu au sens de Dionysos et Coré, demeura étroitement lié à Cérès 1J45. En même temps, pour retrouver tous les personnages de la légende grecque dans les anciens dieux nationaux, on faisait une Sémélé de Stimula", déesse qui dans les indigitamenta était celle quae ad agendum ultra modem stintularet1J47. Nous renvoyons, du reste, à un article spécial l'étude de Liber et Lihera, des développements et des modifications de leur culte [LIBER]. Ce dieu recevait tout spécialement la qualification de père, Liber pater ; aussi les plus anciens monuments figurés de travail romain le représentent-ils d'après le type du Bacchus barbufi , déjà presque complétement abandonné dans les oeuvres helléniques à l'époque où ils furent exécutés. Mais l'exemple des habitudes devenues favorites à l'art grec entraîna bientôt les Romains et fit chez eux prédominer exclusivement le type du dieu juvénile, l'ancienne représentation barbue étant désormais réservée au Bacchus indien. C'est aussi du temps du triomphe décisif de l'influence grecque que s'introduisit à Home, avec le nouveau type plastique, le nom de Bacchus, emprunté au grec Bàx-eç, qui, malgré sa diffusion et l'emploi qu'en firent les écrivains, demeura toujours un nom littéraire et poétique. Le dieu continuait à s'appeler Liber ou Liber pater, et c'est ainsi qu'il est nommé dans toutes les dédicaces épigraphiques 1549, A dater de ce moment, il n'y a plus aucune distinction entre le dieu romain et le dieu grec, dont il prend tous les mythes et tous les surnoms. La tentative pour établir à Rome les mystères dionysiaques fut de courte durée taxenttNALIA] et conduisit le sénat à prendre des mesures sévères contre l'introduction d'une partie dés cérémonies qui constituaient en Grèce le culte du dieu. Mais sous la forme où le permettaient seulement les autorités publiques, il n'en allait pas moins en s'étendant et en se popularisant toujours davantage. Marius invoquait l'exemple du Bacchus indien pour justifier son ivrognerie'S59 Pompée imita le triomphe de ce dieu en triomphant dans un char traîné par des éléphants '5". C'est enfin César qui fit rentrer à Rome les fêtes orgiasti BAC 639 BAC ques en l'honneur de Bacchus ou Liber, si longtemps proscrites, en les rapportant d'Arménie avec des rites propres à ce pays F. LENORMA-ST.