Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

ACTIO

ACTIO. -On entend par ce mot, en droit romain, le fait ou bien la faculté de recourir à l'autorité publique pour faire valoir ses droits. Ce mot indique aussi une certaine forme de procédure. Dans un sens tout à fait restreint, il désigne l'action personnelle (in personam) par opposition à l'action réelle (in rem), et aux cas où le magistrat con naît lui-même d'une affaire sans renvoi devant un juge. Les Romains pratiquèrent successivement trois systèmes Le premier est celui des legis actiones : on entend par ces mots une certaine forme de procédure, ainsi appelée 1, soit parce qu'elle doit son origine aux lois anciennes de Home, soit parce que les parties devaient prononcer des paroles solennelles exactement calquées sur les termes de la loi. Ces formes étaient au nombre de cinq Trois d'entre elles, les actions per sacramentum, per judicis postulatio nenl et rea coNDICTIONEM étaient des formes de procédure judiciaire ; les deux autres, la MANUS INJECTIO et la rlGNOals cAPlo, de simples voies d'exécution. Ce qui distingue ce premier système de procédure, c'est l'obligation, imposée à ceux qui figuraient dans l'instance, d'accomplir certains gestes et d'employer certaines paroles dont l'omission ou la plus petite altération emportait nullité, et dont nous trouvons l'indication dans le commentaire Iv de Gains, toutefois avec beaucoup de lacunes. Dans l'action per sacramentum 3, la prétention de chacune des parties se présentait sous la forme d'une gageure qu'elle faisait avec son adversaire, et dont le montant, qui variait de 50 à 500 as, suivant la nature et l'importance du débat, était perdu par celui dont la prétention était reconnue mal fondée et acquis au trésor de l'État pour le service des sacrifices publics 4. L'action per judicis postulationem est une forme de procédure probablement plus simple et usitée dans les affaires qui exigeaient une certaine latitude d'appréciation de la part du juge. Malheureusement, le feuillet de Gaius qui contenait le formulaire de cette action, est perdu Les trois autres actions de la loi font l'objet d'articles spéciaux. Ce premier système de procédure fut abrogé en partie par une loi Aebutia 6, antérieure à Cicéron, et plus complétement par deux lois Julia, dont l'une est la loi De judiciis privatis d'Auguste. Toutefois Gaius nous apprend que, même après ces trois lois, on continua à employer les legis actiones dans le cas de DAMNUM INFECTUM et lorsque l'affaire devait être jugée par le tribunal des centumvirs. Le second système de procédure fut celui des formules 7. Les grands jurisconsultes de Rome ont écrit pendant qu'il était en vigueur, et s'y réfèrent dans leurs écrits. Les traits principaux de ce système sont les suivants : abolition des gestes et des paroles, rédaction d'un écrit variant pour chaque espèce d'action et dans lequel le magistrat traçait au juge sa mission. En rédigeant cet écrit, le magistrat donnait l'action (actio, formula,judicium), c'est-à-dire le droit d'aller plaider devant un juge. L'écrit ou formule contenait toujours une partie appelée inteatio B, dans laquelle la prétention du demandeur était formulée. L'intentio était ordinairement précédée d'une demonstratio 9, c'està-dire de l'exposé très-succinct des faits qui avaient donné lieu au litige, et presque toujours suivie d'une condemnatio 10, c'està-dire du pouvoir donné à un juge de condamner ou d'absoudre le défendeur. Les actions en partage ainsi que l'action FINIuM REGUNDORUM contenaient encore une adjudicatio c'est-à-dire le pouvoir pour le juge d'attribuer aux ACT no ACT plaideurs les choses qui faisaient l'objet de l'instance. Le pouvoir du juge était limité par la formule. En conséquence, si le défendeur voulait repousser la demande autrement que par une contradiction directe de l'intentio, il devait demander au magistrat d'autoriser le juge à tenir compte des faits qu'il voulait invoquer, en insérant une exceptio 12 dans la formule, c'est-à-dire une restriction à la condemnatio,le juge ne devant alors condamner qu'àla double condition d'avoir constaté que l'intentio était fondée, et l'exceptio mal fondée. Le demandeur qui voulait contredire l'exceptio, mais seulement d'une manière indirecte, devait faire insérer dans la formule une replicatio 1s. Cette dernière pouvait donner lieu de la part du défendeur à une duplicatio i4, puis celle-ci à une triplicatio. Une formule pouvait encore contenir une praescriptio 15, placée en tête, comme le mot l'indique, et rédigée dans l'intérêt soit du demandeur, soit du défendeur. Les prescriptions insérées dans l'intérêt du demandeur avaient pour but de limiter sa demande ; celles qui étaient dans l'intérêt du défendeur constituaient des espèces de fins de non-recevoir contre l'action. Les deux premiers systèmes de procédure nous offrent la séparation du magistrat et du juge, du vus et du Junrclml, en d'autres termes l'ORDO JUDICIORuM. Ce n'était que par exception que le magistrat tranchait lui-même le procès (cognitio extraordinaria). Les exceptions s'élargirent peu à peu et devinrent la règle. Ainsi fut enfanté le troisième système de procédure, celui de la procédure extraordinaire, qui fut pour la première fois consacré législativement par une constitution de Dioclétien 16. Classification des actions. Les Romains divisaient les actions en plusieurs classes, suivant les divers points de vue auxquels on peut les envisager. Plusieurs de ces catégories doivent leur origine, ou tout au moins leur dénomination, à la pratique du système formulaire. Voici les plus importantes 17 : 1° Actions in rem et in personam, suivant que la question principale posée au juge était celle de savoir s'il existait au profit du demandeur un droit réel ou un droit de créance. Dans le premier cas, la prétention pouvait être énoncée dans l'intentio sans mentionner le défendeur, par conséquent d'une manière générale (in rem), tandis que l'énonciation d'un droit de créance exigeait toujours l'indication du débiteur. 2° Actions bonae fidei et stricti juris f8. Une action était bonae fidei lorsque la formule donnait au juge le droit de statuer en tenant compte de ce qu'exige la bonne foi, droit qui lui était conféré par l'insertion dans l'intentio des mots ex fide bon a, ou d'autres analogues. Dans l'action stricti juris, au contraire, le juge devait résoudre la question qui lui était posée d'après la rigueur du droit civil. Il résultait de là que, dans l'action bonae fidei, le juge pouvait tenir compte de l'usage et avoir égard au dol commis soit par le demandeur, soit par le défendeur [DOLus MALus]. De même, les pactes qui étaient intervenus au moment ou à la suite d'un contrat, produisaient plus d'effets lorsque ce contrat était de bonne foi que lorsqu'il était de droit strict. Dans l'action stricti juris, le juge ne pouvait avoir égard au dol commis par le demandeur que lorsque le magistrat l'y avait spécialement autorisé en insérant dans la formule l'exceptio doli mali, laquelle était au contraire sous-entendue dans l'action de bonne foi. Cette exception pouvait être rédigée en termes généraux : Nisi aliquid dolo malo Auli Agerii factum sit neque flat, ou bien in factum, par exemple en ces termes, dans le cas où le créancier agissait contre son débiteur malgré un pacte de remise : nisi pactum sit ne pet atur. A l'inverse, le créancier se prémunissait contre le dol du débiteur en stipulant de ce dernier qu'il ne commettait et ne commettrait aucun dol. Cette stipulation était la cautio de dolo. Cette cautio resta encore utile après que l'on eut imaginé l'action de dol, parce que l'action ex stipulatu résultant de la caution de dolo avait sur l'action de dol l'avantage d'être perpétuelle et transmissible contre les héritiers du débiteur. Les actions de bonne foi étaient en général celles qui résultaient de contrats synallagmatiques ou dans lesquels la nature de l'affaire exigeait que l'on donnat au juge un plus grand pouvoir d'appréciation. Cicéron, et après lui Gaius, nous ont transmis une liste reproduite avec quelques modifications par le § 28 du titre De actionibus des Institutes de Justinien.-3° Actions arbitraires ou non 19. Dans le système formulaire, toute condamnation était pécuniaire. Par suite, le demandeur qui voulait obtenir la restitution ou l'exhibition d'une chose, n'aurait pu atteindre ce but, si le juge, après avoir constaté le fondement de sa prétention, avait prononcé immédiatement la condamnation. Pour éviter ce résultat, le juge donnait d'abord au défendeur l'ordre de fournir au demandeur, en nature, les satisfactions que ce dernier était en droit de réclamer. Cet ordre, appelé arbitrium ou ussus, pouvait, au moins dans le dernier état du droit, être exécuté par la force (manu militari). La formule d'une action arbitraire contenait les mots : nisi restituat, vel exhibeat, vel solvat, pour indiquer que le juge ne devait prononcer la condamnation que dans le cas d'inexécution ou d'exécution incomplète de son jussus. La liste des actions arbitraires comprenait les actions in rem et plusieurs actions personnelles. -4° Actions in jus et in factum 20L'action in jus posait au juge une question de droit civil, et lorsqu'elle avait une demonstratio, celle-ci était parfaitement distincte de l'intentio. Dans l'action in factum, au contraire, la question posée n'était pas une question de droit civil, et la demonstratio se confondait avec l'intentio. Les actions in factum devaient en général leur origine au droit prétorien et avaient servi à étendre les principes du droit primitif. Un fils de famille ne pouvait agir que par une action in factum. Sous ce rapport, on avait intérêt à donner cette forme aux actions civiles ellesmêmes n. 5° Actions civiles et actions prétoriennes 39, Les actions prétoriennes étaient celles qui étaient concédées en vertu des principes du droit prétorien, les actions civiles celles qui étaient fondées sur les autres sources du droit (lois, sénatus-consultes, etc.). 6° Actions directes et utiles. L'action directa ou vulgaris était celle qui était limitée aux cas de son application primitive; l'action utilis était une ancienne action étendue, utilitatis causa, à des cas nouveaux. Cette extension s'opérait par une rédaction in factum ou à l'aide d'une fiction. 7° Actions quae rem persequuntur, quae poenam persequuntur, et mixtes 2II. C'étaient des actions données à la victime d'un délit. Par l'action quae rem persequitur, elle obtenait la réparation du préjudice, par celle quae poenam persequitur, un enrichissement; enfin, par l'action mixte, les deux choses à la fois. 8° Enfin les actions étaient perpétuelles ou temporaires '-A suivant qu'elles pouvaient être intentées toujours ou pendant un délai déterminé. Théodose II, par une constitution célèbre rendue l'an 424, limita ACT à trente années la durée des actions auparavant perpétuelles E5 L'esclave et le fils de famille ne pouvaient engager ceux sous la puissance desquels ils étaient 26. Néanmoins le droit prétorien donnait action contre ces derniers quand l'esclave ou le fils avait contracté par leur ordre [Quon Josso AcTIO] 27, ou lorsqu'ils lui avaient laissé l'administration d'un pécule. Dans ce dernier cas, la condamnation ne pouvait excéder le pécule, et l'action prenait le nom d'action de peculio28. Les délits des esclaves donnaient lieu à des actions appelées noxales 29 et qui pouvaient être intentées contre tout possesseur. Seulement celui-ci, au lieu de réparer le dommage, pouvait ahandonner l'esclave. L'abandon noxal des fils de famille était aussi adouci dans l'ancien droit, mais les idées chrétiennes le firent tomber en désuétude 30 [NoxA, NOxALis ACTIO]. Les exceptions étaient, comme les actions, divisées en plusieurs catégories 31. On appelait exceptions perpétuelles ou péremptoires, celles que le défendeur pouvait opposer à toute époque par opposition aux exceptions temporaires ou dilatoires qui ne pouvaient être opposées que pendant un certain temps. On distinguait encore des exceptions reposant sur l'équité, comme l'exception de dol, et d'autres ayant pour fondement des considérations d'intérêt général, comme l'exception de la chose jugée. Les premières seules, suivant nous, étaient sous-entendues dans les actions de bonne foi. Enfin nous avons déjà dit qu'une exception de dol pouvait être, ou non, rédigée in factum. 11 va sans dire que le magistrat ne délivrait d'action ou d'exception que lorsque le procès présentait un point douteux à éclaircir. A quoi bon renvoyer les parties devant un juge, lorsque, par exemple, un débiteur poursuivi par son créancier avouait devant le magistrat l'existence de la dette? On disait en ce sens : Confessus in jure pro judicato est 32. Une des particularités de la procédure formulaire consistait dans l'effet rigoureux attaché à la plus-pétition 33. Lorsque, dans son intentio, le demandeur prétendait avoir plus de droits qu'il n'en avait en réalité, il perdait complétement son procès sans pouvoir le recommencer ensuite. Dans les actions de bonne foi et plusieurs autres, l'intentio était incerta, c'est-à-dire qu'elle commençait ainsi : Quidquid paret dare, facere oportere. Il est clair qu'en pareil cas, la plus-pétition n'était pas possible. Elle ne pouvait exister que dans une formula certa, par exemple ainsi conçue : Siparet... X date oportere 3`'. Du reste, les effets rigoureux attachés à la plus-pétition cessèrent sous l'empire de la procédure extraordinaire et furent remplacés par des sanctions moins rigoureuses 36 Quelquefois, le défendeur n'était condamné que dans la limite de ses facultés. Ce bénéfice, appelé par les interprètes beneficium competentiae, était fondé sur des relations de parenté, de patronage ou quelques autres encore qui existaient entre les deux plaideurs ss De la compétence.-En général, un procès devait être porté devant le tribunal du défendeur (actor sequitur forum rei), c'est-à-dire devant le tribunal du lieu où il était domicilié 3r [DOMICILIUM],OU bien de la ville dont il était citoyen, soit par son origine, soit par adoption ou affranchissement. La juridiction du préteur de Rome[PRAETOR] s'étendait sur tous les citoyens, parce que Rorne était considérée comme leur patrie commune ". Les envoyés [LEGATUS] des municipes, venus à Rome pour les affaires de leurs cités, pouvaient cependant, par exception, décliner sa compétence (jus revocandi domum) n. On admet aussi que l'action pouvait être intentée dans l'endroit où l'extinction réclamée devait avoir lieu, d'après le consentement tacite ou exprès des parties, par conséquent dans le lieu où l'obligation avait pris naissance (forum contractas) 40. Le tribunal du lieu ofi se trouvait la chose réclamée n'était pas compétent dans l'origine. Il ne l'est devenu que depuis une constitution de Valentinien 41 Dans l'origine, les parties ne pouvaient plaider par procureurs, à moins que ceux-ci n'eussent acquis la qualité de créanciers en se portant adstipulatores 42 [OBLIGATIONES], et sauf quelques exceptions que la nécessité avait fait introduire 43 Sous la procédure des formules, on admit au contraire que toute personne pourrait agir par procureur, du moins en général. Ce principe, beaucoup plus commode, était peut-être moins favorable à la découverte de la vérité. Aussi le préteur défendait-il à certaines personnes, notamment aux infâmes, de se faire représenter en justice, ne voulant pas qu'ils pussent ainsi échapper à la position défavorable où les mettait leur infamie [INFAmrA]. A l'inverse, sous l'Empire, il fut ordonné à certains hauts fonctionnaires de plaider toujours par procureur, afin que le juge ne fût pas influencé par leur présence. On distinguait plusieurs espèces de procureurs. Le cognitor était constitué en présence de l'adversaire et avec certaines paroles 44 qui étaient solennelles, mais pas tellement qu'elles ne pussent être prononcées en grec 4J, Il était mis ainsi, loto domini; c'était au mandant et contre lui qu'était donnée l'action judicati. Il en était autrement du simple procurator 4fi constitué en l'absence de l'adversaire et sans termes solennels. Aussi était-il forcé, s'il se portait demandeur, de promettre que celui pour le compte duquel il agissait ratifierait le résultat du procès, et de fournir en conséquence la caution ratam rem haberi ou de rato 47. Les magistrats rendaient la justice sur leur tribunal, situé dans le comitium, les juges, dans le forum proprement dit comma ,FoRum].Danslesactes dejuridiction gracieuse [mnNUmIssto, rN JURE cessio], et dans quelques autres d'une importance secondaire, les magistrats pouvaient exercer leurs fonctions en dehors du tribunal. Les audiences étaient d'abord publiques, mais il n'en fut plus de même au Bas-Empire. La procédure in jure devait avoir lieu dans les dies fasti, et pendant la partie faste des dies intercisi. Elle pouvait être accomplie pendant les dies comitiales (consacrés aux assemblées du peuple), et très-probablement pendant les dies festi. Les juges (judices) pouvaient au contraire statuer un jour néfaste [DIES]. Formes de la procédure. Les formes mêmes de la procédure ont varié beaucoup aux différentes époques. Sous le système des actions de la loi, le défendeur était d'abord appelé devant le magistrat (in jus vocatio). S'il refusait de s'y rendre, le demandeur recourait à une attestation de témoins (antestatio) et procédait à une mainmise extrajudiciaire, au moyen de laquelle il pouvait entraîner son adversaire de force (in jus rapere obtorto colla). Celuici ne pouvait se dispenser d'obéir qu'en fournissant une ACT 57 ACT personne (vindex) qui prenait sa cause et se chargeait de l'affaire. Quelques personnes, à cause du respect qui leur était dfi, ne pouvaient être appelées in jus qu'avec l'autorisation préalable du magistrat68. Devant le magistrat, les parties, après un exposé libre de l'affaire, accomplissaient les formalités des actions de la loi ; après quoi, s'il y avait lieu, le magistrat leur donnait un juge, ou bien les renvoyait devant le tribunal des centumvirs. Aux termes d'une loi Pinaria, ce juge n'était donné qu'au bout d'un délai de trente jours49. Les plaideurs se faisaient alors une sommation (comperendinatio) de comparaître devant ce juge le troisième jour (comperendinus ou perendinus dies et se donnaient réciproquement à cet égard une garantie appelée vadimonium et consistant dans des répondants (cades). Ces répondants étaient aussi donnés pour garantir la comparution des parties in jure, lorsque l'affaire n'avait pu se terminer le même jour devant le magistrat". La LITIS CONTESTATIO était le dernier acte de la procédure in jure. Arrivées devant le juge, les parties commençaient par une indication brève de l'affaire (causae conjectio ou collectio). Puis intervenaient les divers moyens de preuve, les plaidoiries et la sentence du juge. Sous la procédure formulaire51, la résistance du défendeur qui ne voulait pas comparaître in jure était réprimée par des remèdes prétoriens (prise de gages et peine pécuniaire). Le vindex, qui autrefois prenait l'affaire à sa charge, était remplacé par un simple fidéjusseur [INTEacESSIO]. La cause ne pouvait être entamée par défaut. Si celui que l'on voulait citer en justice était absent, il y avait lieu à un envoi en possession de ses biens, au profit du demandeur [MIssIO IN POSSESSIONEM]. Les deux parties étant arrivées in jure, le demandeur indiquait oralement ou par écrit (per libellum) l'action qu'il désirait obtenir (editio actionis)ae. Le vadimonium garantissait encore la représentation des parties in jure quand l'affaire n'avait pu être terminée le même jour53. Le magistrat, après avoir entendu les parties, accordait ou refusait l'action et quelquefois statuait lui-même sans renvoi devant un juge (extra ordinem)". La cause était ensuite plaidée devant le juge qui rendait une sentence d'absolution ou de condamnation, et qui pouvait aussi déclarer que l'affaire ne paraissait pas assez claire pour prononcer (sibi non liquere), cas auquel il y avait lieu à un autre judicium55. La sentence du juge devait porter sur une somme d'argent déterminée; elle était rendue publiquement et de vive voix (pronuntiare). Sous la procédure extraordinaire disparaît la distinction entre le Jus et le JUDICIUM, entre le magistrat et le juge. Les magistrats pouvaient sans doute renvoyerles causes les moins importantes à un juge inférieur [icuax PEDANEUS]; mais dans ce cas il n'y avait pas organisation préalable de l'instance devant le magistrat, c'était toute l'affaire ab initio qui était renvoyée à ce juge. Déjà, à partir de Marc-Aurèle, figurait, à côté de la in jus vocatio, la denuntiatio, comme mode introductif d'une instance". Elle consistait dans une dénonciation du procès au défendeur, dénonciation faite devant témoins et constatée par un acte souscrit par ces derniers. C'était, sous Coustantin, le mode ordinaire d'introduire un procès. Sous Justi nien, les choses se passaient autrement. Le demandeur remettait au tribunal un écrit (libellas conventionis)5' contenant une indication sommaire du procès futur, et sur le vu duquel ce juge pouvait ordonner la citation du défendeur. Cette citation accompagnée de la communication du libellas était faite par un serviteur du tribunal, viator ou executor. Celui-ci pouvait exiger du défendeur la caution judicio sisti, ou à défaut, le retenir sous sa garde, au besoin dans une prison publique. Dans les causes peu importantes, la citation se faisait sans écritures. La contumace du défendeur qui voulait se soustraire à l'introduction ou à la continuation du procès, était réprimée de plusieurs manières, amendes, commise de la stipulation judicio sisti, emploi de la force, et notamment par l'organisation d'une procédure par défaut. Quant à la sentence, elle pouvait porter sur autre chose qu'une somme d'argent. La partie qui succombait était condamnée aux frais. Les juges, lorsqu'ils étaient embarrassés, s'adressaient souvent à l'empereur (consultatio ante sentcntiam). Justinien supprima cet usage. Mode d'exécution des jugements. La manière d'exécuter Ies jugements a aussi varié avec les époques. Une règle générale était que l'on ne pouvait se rendre justice à soi-même. L'action PER PIGNOMS CAPIONEM n'était pas admise comme mode d'exécution des jugements. Il fallait, pour obtenir cette exécution, s'adresser de nouveau au magistrat. Dans l'origine, l'exécution avait lieu non sur les biens, mais sur la personne du débiteurG8, procédé très-naturel chez un peuple grossier, et que quelques écrivains ont voulu à tort expliquer par des raisons philosophiques59. D'après les XII Tables, trente jours étaient donnés au condamné pour l'exécution de la sentence, puis le créancier procédait à la MANUS INJECTIO, et si le débiteur ne pouvait ni payer ni fournir de vindex, il l'emmenait chez lui et le retenait emprisonné. La loi réglait le poids des chaînes dont le débiteur pouvait être chargé et la nourriture à lui fournir. Puis il s'écoulait un nouveau délai de soixante jours, dans la dernière moitié duquel le créancier conduisait le débiteur à trois marchés (nundinae) successifs, devant le préteur, en proclamant la somme due, dans l'espoir que quelqu'un interviendrait pour lui. Après ce dernier délai, le créancier pouvait tuer son débiteur ou le vendre comme esclave au delà duTibre®o S'il y avait plusieurs créanciers, ils pouvaient se partager le cadavre, droit atroce, dont probablement on n'usa jamais rigoureusement. On a prétendu à tort qu'il ne s'agissait que d'un partage des biens. Nous n'avons aucun document qui autorise à dire qu'après la mort ou la vente du débiteur, le créancier pouvait s'emparer des biens. Savigny a soutenu que le mode d'exécution qui vient d'être indiqué ne s'appliquait qu'aux créances fondées sur un prêt d'argent ou sur le NEXUM, et que dans les autres cas les anciens Romains avaient recours à l'exécution sur les biens". Cette opinion n'est pas suffisamment fondée sur Ies textes et est rejetée avec raison par M. Puchta69. Cet ancien mode d'exécution fut adouci. On admit qu'après les soixante jours le débiteur ne serait plus vendu ni tué, mais resterait dans la même position qu'auparavant. Une loi Pietelia, en 327 ou 326 avant J.-C., décida même I. s ACT 58 --se ACT que, sauf quelques exceptions, il ne pourrait plus être enchaîné, et que le créancier pourrait seulement le fairetravailler pour se payer avec les produits de ce travail. Ce système fut transporté dans la procédure formulaire. Seulement le magistrat se contenta d'ordonner que le débiteur serait emmené (duei jubere) sans plus de solennités 63 L'exécution ne pouvait avoir lieu que pour une dette de somme d'argent. Sous le système des actions de la loi, lorsque la condamnation n'était pas pécuniaire, il fallait, par une seconde action (arbitriant liti aestiinandae), faire convertir la dette en somme d'argent. L'exécution sur les biens du débiteur existait dans l'ancien droit romain, mais au profit seulement de l'État. C'est ici que figurait la pignoris capio 6b. De même, en cas de condamnation pécuniaire à une peine criminelle, le préteur envoyait les questeurs en possession des biens du débiteur (bona possessa, pulilicata), biens qui étaient vendus au plus offrant 65 Le prix était versé dans l'AEnAnluM. L'acheteur était appelé sutor, probablement parce qu'il revendait ensuite en détail. Ce mode d'exécution fut transporté aux créances privées par le préteur Rutilius (vraisemblablement en 649 de Rome, 406 avant J.-C.), ou plutôt perfectionné par ce préteur, car il est déjà signalé dans la loi noria, de l'an 643 [RUTILIANA ACTro] 66. Le préteur envoyait les créanciers en possession des biens du débiteur (missio in blini rei servandue causa), biens pour l'administration desquels il était nommé au besoin un curateur (curator bonorum). Cette mesure était rendue publique au moyen d'affiches destinées à la faire connaître aux intéressés [i'irosciurTro]. Après un certain délai, et sur un second ordre du préteur, les créanciers choisissaient dans leur sein un magister e chargé de procéder à la vente des biens, et le débiteur devenait infàme [INFAXnA]. La sente était annoncée par une proscriptio 68, Les biens étaient vendus en masse. L'acheteur (emptor bonorum) s'engageait à donner tant pour cent aux créanciers, quelquefois le tout, et ainsi il était mis activement et passivement aux lieu et place du débiteur, à peu près comme un héritier 69. Les créanciers avaient le choix entre l'exécution sur la personne ou sur les biens. Mais une loi Julia (de César ou d'Auguste) 70, introduisit au profit du débiteur malheureux et de bonne foi la cessai bonorum, laquelle équivalait à la nissio in possessionem, et entraînait l'exécution sur les biens 71 Plus tard, la procédure de la missi() in boni parut trop longue et compliquée, lorsque le débiteur était solvable. On arriva à admettre que le magistrat pouvait faire saisir quelques biens seulement du débiteur la (pignoris capio), et les faire vendre pour désintéresser les créanciers. Ce fut une transformation de l'ancienne action per pignoris capionem. De plus, lorsque dans une action arbitraire, le juge ordonnait la restitution d'une chose, l'ordre était exécuté manu militari u. Il en était de même des condamnations prononcées sous l'empire de la procédure extraordinaire. La missio in bona subsista néanmoins, avec des formalités assez compliquées, en cas de contumace ou d'insolvabilité du débiteur, mais les biens étaient vendus non plus en masse, comme autrefois, à un emptor bonorum, mais en détail (distractio bonorum), par les soins d'un curateur, et le prix servait à désintéresser les créanciers. X.