Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

BONA VACANTIA

BONA VACANTIA. On nommait ainsi dans le trèsancien droit romain, les successions en déshérence, faute d'un successeur testamentaire ou ab intestat; chacun était admis à occuper et à acquérir par usucapio les objets corporels qui dépendaient de la masse 1. Pour les immeubles abandonnés, voyez DESERTI ABRI. Quant aux hérédités simplement jacentes, c'est-à-dire non appréhendées par les héritiers, il y avait lieu à une usucapio lucrativa pro herede, modifiée par Hadrien et Marc-Aurèle 2. Lorsque des objets certains étaient abandonnés par leur maître avec l'intention d'en abdiquer la propriété, ils prenaient le nom de res derelictae. Mais les jurisconsultes classiques n'étaient pas d'accord sur l'effet de l'abandon, derelictio. Suivant l'école Sabinienne 3, la chose cessait d'appartenir à son maître pour devenir res nullius, et le premier occupant en acquérait immédiatement la propriété romaine (dominium ex jure Quiritium). Suivant les Proculiens au contraire, l'ancien maître était réputé avoir fait tradition [TRADITIO] à la personne incertaine du premier qui en prendrait possession. Or, si la chose était du nombre des res mancipi, la tradition n'en conférait que la propriété prétorienne ou in bonis, jusqu'à l'accomplissement de l'usucapion [usucAPlo, DoMINIUM]. L'opinion Sabinienne prévalut avec raison. En ce qui concerne les successions vacantes, la loi Julia caducaria les déféra, comme les BONA CADUCA 4 et les biens enlevés aux indignes, ereptoria, au peuple, c'est-à-dire au trésor public, aerarium populi'. Il s'agit là sans doute de la fameuse loi Julia caducaria ou de maritandis ordinibus, et de la loi Papia Poppaea, rendues sous Auguste [CADUCARIAE LEGES]. L'acquisition s'opérait au profit de l'aerariuin pour les biens sans maître, et pour les successions en déshérence, au moins en Italie et dans les provinces du peuple romain, dont l'administration avait été réservée par Auguste au sénat [PRDVINCIA]. Si Tacite semble attribuer au fisc sans distinction, sous Tibère, les hérédités vacantes c'est qu'il parle le langage de son temps où la distinction du FISCUS et de l'AERARIUM n'avait plus d'importance pratique. Mais en principe au contraire, et jusqu'au ut' siècle, où le sénat perdit toute surveillance sur l'aerarium 7, les choses vacantes ou sans maître dans les provinces de César appartenaient au fisc e ; elles étaient recueillies par les procuratores Caesaris et leurs bureaux ou stationes 10 pourvus de nombreux agents 1l Les deux masses ayant été administrées par des agents nommés par l'empereur, notamment depuis Sévère, on donna indifféremment le nom de fiscus à l'un ou à l'autre BON 733 BON trésor, bien que dirigés par des administrations spéciales. C'est ainsi que les successions vacantes pour les parts caduques [BONA CADUCA] sont en général présentées comme attribuées au fisc 1s. Cependant le mot aerarium est encore employé dans le code Théodosien 13 En principe l'acquisition s'opérait au profit du fisc par la seule force de la loi 16. Cependant il fallait, à un certain point de vue, pour les successions, qu'elles eussent été dénoncées (nuntiationes fesco), par les agents préposés à cet effet. Si auparavant un tiers vendait à un acheteur de bonne foi des biens provenant de ces hérédités, celui-ci pouvait, aux termes des rescrits d'Antonin le Pieux, de Sévère et de Caracalla, acquérir par usucapio Is Comme les successions vacantes formaient une UNIVERSITAS, un ensemble comprenant des dettes [ms ALIENUm] 1", les agents du fisc devaient ouvrir une enquête tendant à rechercher s'il convenait ou non d'accepter la masse avec ses charges (agnoscere, admittere). L'édit perpétuel du préteur ordonnait la vente de la succession insolvable, au profit des créanciers. Dans le premier cas, il y avait doute sur le point de savoir si le fisc arrivait comme successeur in universum jus, ou comme occupant, pour l'actif net de la succession. Lorsque l'hérédité testamentaire renfermait des legs ou fidéicommis de liberté, Marc-Aurèle admit par rescrit une ADDICTIOBONORUM au profit de celui qui donnait caution d'exécuter ces dispositions, sauf préférence pour le fisc aux mêmes conditions 17 Certaines corporations avaient obtenu le privilége de passer avant le fisc pour les successions vacantes d'un de leurs membres; telles étaient les légions 48 et les autres corps de troupe organisés ultérieurement, qui leur furent assimilés sous ce rapport par Constantin 19, tels que les vexillationes, comitatenses seu cunei. Ce droit fut étendu également aux curiales des villes municipales 20 On voit encore les mêmes règles appliquées aux successions des coieortales n, aux membres des collegia de NAVICULARIITM, depuis Théodose le Jeune, aux clercs des églises et des couvents 23, et enfin aux ouvriers des fabriques