Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article BOULÈ

BOULÈ. Nom que les Grecs donnaient habituellement à l'assemblée composée de l'élite de la nation, par opposition à l'assemblée générale de tous les hommes libres Dès les temps homériques, on constate l'existence simultanée de la (3ou),i1i ou conseil des chefs 1, et de l'Agora ou assemblée générale des hommes libres 2. Dans toutes les circonstances graves, le roi appelle autour de lui les leur demande des conseils. Sans doute les )-ipovTes n'ont pas une très-grande autorité ; leurs avis ne sont pas obligatoires pour le roi, et ils ne peuvent pas s'opposer d'une façon absolue à des résolutions qu'ils trouvent mauvaises. Mais ils délibèrent, ils discutent, et exercent ainsi une légitime influence. Nestor caractérise assez bien leur rôle, lorsqu'il dit à Agamemnon : . Nous allons t'indiquer ce qu'il y a de mieux à faire ; tu décideras ensuite si notre avis doit prévaloir '. „ Ordinairement, les'spov-nç se réunissaient sur la convocation et sous la présidence du roi; mais quelquefois cependant, dans les temps de crise, ils se rassemblaient spontanément et allaient soumettre au roi les propositions qui leur semblaient imposées par les circonstances °. Les séances de la (3ou»j yepévTO,v étaient bien différentes de celles de nos assemblées modernes. C'était autour d'une table copieusement servie que les [3o1)),euTat d'Homère délibéraient. Nestor veut qu'Agamemnon réunisse le conseil : a Offre, dit-il, un repas aux y€povTeç 3. » Quand le sénat des Phéaciens siége, ses membres, les 'F,yr',TOpeç, ne cessent pas de boire ni de manger 3. Dans d'autres cas, la convocation est accompagnée de l'annonce d'un sacrifice, et il était bien rare qu'il y eût sacrifice sans festin'. Avait-on cru, comme le dit M. Schoemann, que Ies discussions seraient plus amicales, lorsque tous ceux qui y prendraient part seraient assis à la même table 3? A l'époque historique, on trouve dans presque tous les États grecs, monarchiques ou autres, un conseil ou sénat. A Sparte, il porte le titre de GEROUSIA; à Thèbes, chef-lieu de la fédération béotienne [BOEOTICUM FoEnus], il se subdi à Mégare, à Argos, à Delphes, etc., partout les inscriptions nous montrent un corps délibérant appelé pou),-ii. Mais la (3ouarj par excellence, c'est le sénat probouleutique d'Athènes, celui que l'on appelait le sénat d'en bas, tee«) (3ouaoj, lorsqu'on voulait éviter qu'il ne fût confondu avec l'illustre sénat de l'Aréopage, le sénat d'en haut, En traitant de l'Aréopage, nous avons dit que ce sénat existait avant Solon [AREOPAGUS]. En était-il de même du sénat probouleutique ? S'il existait antérieurement au vie siècle, comment était-il composé, quelles étaient ses attributions? Ce sont là des questions sur lesquelles plane encore une grande obscurité et auxquelles on ne peut répondre que par des conjectures. Nous allons nous borner à exposer, sans les discuter, quelques-unes des opinions qui ont été récemment produites. D'après M. Lange', il y avait, avant Solon, à côté du sénat de l'Aréopage, un autre sénat, ,, (3ouar 'rào Tptaxocho,v, composé de trois cents Eupatrides, pris dans les quatre tribus d'Athènes à raison de soixante-quinze par tribu et de vingt-cinq par phratrie. Ce sénat ne se réunissait que dans des cas exceptionnels, notamment pour nommer les Aréopagites 16 ; ce fut lui qui jugea les Alcméonides, meurtriers des complices de Cylon 11. Solon, pour donner aux non-Eupatrides un rôle plus actif dans l'administration de la République, tout en laissant la prépondérance aux Eupatrides, adjoignit aux trois cents anciens sénateurs cent nouveaux sénateurs non-Eupatrides, fournis en nombre égal par les quatre tribus. Chaque tribu fut dès lors représentée par cent sénateurs, soixante-quinze Eupatrides et vingt-cinq non-Eupatrides. M. Lange invoque à l'appui de son opinion ce fait que Cléomène et Isagoras, lorsqu'ils tentèrent de rétablir dans sa pureté l'ancienne constitution aristocratique, résolurent de supprimer le sénat des cinq cents, institué par Clisthène, et de remettre à a place, non pas le sénat des quatre cents, sénat solonien, déjà suspect à l'aristocratie, mais un sénat de trois cents membres 12, c'est-à-dire un sénat tout à fait identique à celui qui existait avant les réformes de Solon. D'autres pensent que le sénat des quatre cents était le continuateur et le représentant d'un ancien sénat formé par l'assemblée des naucrares : $ (3ou),,h Twv vauxpépo,v. On fait remarquer en ce sens 1° que, à la tête des vauxpapot, comme plus tard à la tête des ou),euTal, étaient des 7rpuévus; 2° que ces npsTévstç Tbrv vauxpépnu étaient, comme les 7puTâvetç T~ç (3ou).~ç, des magistrats d'un ordre fort élevé; Hérodote 13 va jusqu'à dire qu'ils gouvernaient Athènes au moment de la tentative révolutionnaire de Cylon; 3° enfin que les vauxpapot, comme les ouaeuTtd, avaient dans leurs attributions la surveillance des armées de terre et de mer et des finances de la république, etc. De toutes ces similitudes, on conclut à l'identité en principe des deux institutions. Il est certain que, puisque la constitution de Solon nous montre deux sénats juxtaposés, on peut sans invraisemblance admettre une dualité de sénats pour la période antérieure au vie siècle. Il est même facile de citer d'autres exemples empruntés à des constitutions étrangères à l'Attique. Ainsi la ligue Achéenne avait une pou/l, composée des délégués envoyés par les différentes cités et une yapoueta formant le conseil permanent des stratéges 1°. Beaucoup d'inscriptions mentionnent tout à la fois BOU 739 .y BOU une Qou1.ti et une yspouatu, à Aphrodisias notamment, à Philadelphie, à Tralles, à Téos, à Smyrne i5, à .Enos 16, etc. Lors même que, dans layspoueta, on ne voudrait voir qu'une commission du sénat, commission formée des membres les plus âgés et les plus expérimentés, il serait toujours vrai de dire qu'il y avait deux conseils, dont l'un serait comparable à la (3ouf-ti d'Athènes et l'autre à l'Aréopage ". Mais l'opinion générale est que le sénat des quatre cents est une institution de Solon, et qu'il est inutile de lui chercher une origine dans les siècles antérieurs 1B. Au moment où il augmentait les droits de l'assemblée du peuple, l'illustre législateur athénien aurait senti la nécessité de ne pas la laisser sans guide, ni sans direction, et il aurait établi le sénat probouleutique, identifié dans une certaine mesure à l'assemblée, mais plus responsable, chargé de préparer ses discussions, de les diriger et de veiller à l'exécution des décrets. Quoi qu'il en soit, Solon fixa le nombre des sénateurs à quatre cents, pris par proportions égales dans chacune des quatre tribus d'Athènes L9. Les Quatre cents étaient-ils désignés par le sort ou élus par les suffrages de leurs concitoyens? C'est encore là un point obscur et les opinions sont partagées. Les uns, comme Wachsmuth 20, pensent qu'il y avait tirage au sort; mais d'autres, qui sont en majorité, Schoemann n, Grote 22, etc., enseignent que la nomination avait lieu par les suffrages. Cette dernière opinion nous paraît plus vraisemblable que la première. Aristote nous apprend que Solon maintint 'cliv v o âpytav aipsety 23, et, si l'élection lui parut le meilleur mode de recrutement des magistatures, il dut l'employer aussi pour le recrutement de son sénat. Presque tous les auteurs sont d'accord pour reconnaître que, jusqu'au temps d'Aristide, pour faire partie du sénat, il fallait appartenir aux trois premières classes de citoyens, pentacosiomédimnes, chevaliers et zeugites 2'. Les thètes ne purent prétendre à cet honneur que lorsque Aristide eut rendu les magistratures accessibles à tous les Athéniens ; il est même probable que, à partir de cette époque jusqu'au jour où le traitement des sénateurs fut établi, la candidature des thètes ne se produisit que trèsexceptionnellement os Les Pisistratides respectèrent, en apparence au moins, les formes de la constitution de Solon28, et ils ne changèrent rien à l'organisation ni aux attributions du sénat. Il est vrai non-seulement que les sénateurs ne résistèrent pas à leurs entreprises, mais même qu'ils s'y montrèrent favorables 27. Cette soumission à la tyrannie ne disposa pas l'opinion publique à défendre le sénat contre ceux qui tentèrent de le réformer, et elle contribua sans doute au succès de Clisthène. Cet homme d'État porta à dix le nombre des tribus ; le sénat probouleutique, au lieu d'être, comme précédemment, composé de quatre cents membres, fut désormais composé de cinq cents membres, pris en nombre égal, à raison de cinquante par tribu, dans les dix nouvelles tribus. On se tromperait toutefois en jugeant superficiellement cette modification, et en n'y voyant, avec Hérodote 2a, que la substitution d'un chiffre à un autre 29. La composition des tribus de Clisthène était toute différente de celle des tribus de Solon. Ces dernières, reposant exclusivement sur l'organisation des gentes (' vq) et des phratries, ne renfermaient pas la totalité des habitants de l'Attique; beaucoup d'Athéniens restaient donc en dehors de la vie politique. Clisthène, au contraire, en formant ses tribus d'un certain nombre de dèmes ou circonscriptions territoriales, admit à la vie publique tous les habitants du territoire. Il y eut alors une sorte de transition du suffrage restreint au suffrage universel. L'esprit qui animait le sénat dut subir l'influence du changement qui venait de se produire dans le corps électoral, et ce pouvoir modérateur fut rendu plus favorable à la démocratie 90. Aussi, lorsque Isagoras, avec l'appui de Cléomène et des Lacédémoniens, s'empara du pouvoir, son premier soin fut d'ordonner la dissolution du sénat des cinq cents et de mettre tout le gouvernement dans les mains de trois cents membres du parti aristocratique. Mais le sénat résista et devint le point d'appui des partisans de la démocratie. Les citoyens se groupèrent autour de lui et leur attitude fut si énergique que les révolutionnaires durent abandonner leurs projets. Clisthène rentra à Athènes et sa constitution parut confirmée par le succès qu'elle venait d'obtenir. En 411, lorsque l'oligarchie eut été établie par l'assemblée irrégulière de Colone, les Quatre cents décidèrent qu'ils chasseraient les sénateurs et qu'ils s'installeraient dans le Bouleutèrion. Cachant des poignards sous leurs vêtements et suivis d'une troupe armée, ils entrèrent dans le palais où les sénateurs étaient réunis et leur enjoignirent de se séparer. Ils ajoutaient, il est vrai, qu'ils avaient apporté avec eux une forte somme d'argent et qu'ils allaient remettre aux sénateurs tout le traitement auquel ceux-ci auraient eu droit s'ils fussent restés en fonctions jusqu'à la fin de l'année, c'est-à-dire pendant quatre mois environ 91. Les sénateurs obéirent; ils se retirèrent sans résister, sans même protester, et reçurent, en sortant, le salaire qui leur avait été promis 32. Après le renversement des Quatre cents, le sénat des Cinq cents fut rétabli. Sept ans plus tard, en 404, les Trente ne supprimèrent pas le sénat ; mais ils l'épurèrent et y firent entrer des citoyens, ayant précédemment donné des gages à l'oligarchie et sur lesquels ils pouvaient compter. Ce fut ce sénat qui fut chargé de juger les citoyens connus pour leur attachement à la démocratie, et Lysias nous apprend que pas un seul des accusés ne trouva grâce devant lui 33. Les Trente ne voulurent pas laisser aux sénateurs même l'apparence de la liberté et ils exigèrent la publicité des suffrages 94. Malgré cette servilité, les tyrans se dispen -7410BOU sèrent quelquefois de recourir au sénat et mirent à mort leurs adversaires sans aucun jugement. Le sénat fut, l'année suivante, reconstitué sur ses anciennes bases, tel qu'il existait avant la conquête d'Athènes par Lysandre, et, pendant un siècle, il paraît n'avoir subi aucun changement notable. C'est sur cette période de son histoire que nous avons le plus de renseignements, et nous allons rapidement exposer quelles étaient à cette époque sa composition, son organisation et ses attributions. Aucune condition de cens n'étant plus exigée depuis Aristide, tous les citoyens âgés de trente anses, ayant la jouissance des droits civils et politiques (iitcT(µcu), même les citoyens simplement naturalisés 96, purent entrer au sénat par la voie du sort; mais il est vraisemblable que, tant que les fonctions de sénateur demeurèrent gratuites, les thètes demandèrent rarement que leur nom fût mis dans l'urne. Chacune des dix tribus était représentée par cinquante sénateurs. Par mesure de prudence, au moment de la désignation des sénateurs, on tirait au sort le nom d'un suppléant pour chacun d'eux (i7rtXux(:)v), afin que, dans le cas où la mort ou quelque incapacité mettrait le titulaire dans l'impossibilité d'occuper son poste, le suppléant pût venir prendre sa place°'. Les fonctions de sénateur n'étaient conférées que pour une année seulement. Toutefois, le même citoyen pouvait être appelé plusieurs fois à les remplir 38, à la condition qu'ily eût un certain intervalle entre les divers exercices 39. Avant d'entrer en charge, les sénateurs étaient soumis à une sorte d'épreuve (Soxcµats(a), destinée à. constater qu'ils remplissaient bien les conditions requises par la loi de ceux qui voulaient faire partie du sénat 46. Ces conditions étaient sans doute les mêmes que celles que nous avons vu exiger des ARCHONTES. Si l'épreuve leur était favorable, ils prêtaient un serment dont la formule ne nous a pas été intégralement conservée b1. Le sénat avait été constitué gardien de sa propre dignité. Lorsqu'un membre se rendait coupable de quelque faute grave, il était chassé de l'assemblée et remplacé par son suppléant. Cette expulsion avait lieu à la suite d'un vote à l'aide de feuilles d'olivier. De là le nom d'éxtpu),).opop(a ". L'ixpu),aopop(a paraît n'avoir été toutefois qu'une mesure provisoire pendant la durée de l'instruction de l'affaire. Lorsque l'instruction était terminée, une décision définitive intervenait : l'expulsion était maintenue, ou bien le sénateur reprenait son siége 43. L'année de leurs fonctions expirée, les sénateurs pouvaient être obligés de rendre compte de la manière dont ils avaient rempli leur mission ". Si le peuple était satisfait de leur conduite, il leur accordait comme récompense une couronne d'or qui était déposée dans un temple". L'usage s'était même introduit que les sénateurs sollicitassent eux-mêmes cette distinction honori 35 Arg. orat. Demosth. C. Androt. R. 587; cf. Xenoph. Memor. I, 2, § 35.-36 Dom. C. Neaer. § 3, R. 1346. 37 Harpocratiou, s. v. im).a-iov. 39 Timarque fut sénateur en 361 et en 345 (?), Aeschin. C. Timareh. §§ 109 et 80 ; Démosthène, en 354 et en 347 ; Dem. C. Midiam, § 114,R. 552 ; Aeschin. De male gesta (ego § 17, D. 67 et C. Ctesiph. § 62, D. 108. a9 Schumann, Griech. Alterth. 2e édit. p. 386. 40 Voir les discours de Lysias C. Philonem, D. 223, Pro Mantitheo, D. 171, etc. 41 Nous en trouvons § 444, H. 745); xa6,6eicOaa iv x4i ypiµµaxi t 8v xrsywm (Sehol. Aristoph. Plut. v. 972, figue 46. Dans certains cas prévus par la loi, la couronne devait être refusée. C'est ce qui avait lieu lorsque le sénat sortait de charge sans avoir fait construire de nouveaux navires "7. Les cinq cents membres du sénat devaient régulièrement se réunir tous les jours48; il n'y avait d'exception que pour les jours fériés "y. Dans l'intervalle des réunions générales, le sénat était toujours représenté par une fraction notable de ses membres. Pour cela, on avait imaginé une sorte de roulement entre les dix tribus ; chacune d'elles, d'après un ordre annuellement déterminé par le sort, était appelée à siéger en permanence pendant une période de temps égale à la dixième partie de l'année. De la tribu dont les sénateurs étaient ainsi en exercice, on disait yu)a 7tpwrave11ovoa ; le temps pendant lequel ils remplissaient leurs fonctions, et qui variait de 35 à 36 jours dans les années ordinaires, de 38 à 39 dans les années intercalaires, s'appelait une prytanie ; les cinquante sénateurs faisant partie de la tribu dirigeante étaient les prytanes (7cpuTüvEtç). D'après une opinion, qui compte encore de nombreux partisans, et qui se fonde sur plusieurs passages des grammairiens 'e, les cinquante prytanes se divisaient en cinq groupes, de dix membres chacun, qui étaient successivement appelés à diriger les autres pendant un cinquième de la prytanie, c'est-à-dire sept ou huit jours. Ces dix prytanes en exercice étaient les 7rpdESpot. Chaque jour l'un des dix proèdres, désigné par le sort, était investi d'une supériorité sur ses collègues et prenait le titre d i7cesvi rlç St Il avait la garde des sceaux, celle des clefs des principaux édifices et présidait les assemblées S3. Ces proèdres, membres de la tribu dirigeante, sont quelquefois appelés par les commentateurs proèdres tribules ou contribules, par opposition à neuf autres sénateurs proèdres non contribules, que, chaque jour d'assemblée, l'épistate des proèdres tribules tirait au sort parmi les sénateurs des neuf autres tribus. Les neuf proèdres non contribules avaient, comme les premiers, leur E7ttaT«T91ç. Mais cette organisation compliquée est bien peu vraisemblable. S'il y avait eu simultanément à Athènes deux espèces de proèdres, les uns membres de la tribu dirigeante, les autres pris en dehors de cette tribu, il serait bien surprenant que, jamais, dans les textes de l'époque classique, une épithète n'ait été ajoutée au titre de 7tpdsSpoç, pour indiquer à quelle catégorie appartenait le sénateur que l'orateur avait en vue. Aussi, quelques historiens, touchés par cette objection, ont soutenu, ou bien que l'existence simultanée de deux espèces de proèdres avait été très-passagère, ou bien que les deux catégories de proèdres se sont succédé l'une à l'autre, qu'il y eut d'abord des 7tp6Epot tribules, et que ceux-ci furent remplacés, peut-être vers 344, par des proèdres non tribules. La vérité est qu'aucun des textes qui ont été invoqués pour prouver l'existence de 7tpdESpot tribules n'est déci D. p. 375). 49 Rarpocrat. s. v. éxçu7).ogo§4,ra;; Aeschin. C. Timareh. § Ill-112, Didot, p. 49 ; Lexies. Segoier. p. 248. 49 Schumann, De Comitiis, p. 230, et Gr. Alterth. 2e édit. I, p. 387; Meier, De bonis damnatorum, p. 85. 44 Aeschin. C. Ctesiph. § 20, Didot, p. 101. 45 Arg. Or. Dem. C. Androt. R. 590-591. 46 Eod. loc. R. 587 et 592. 47 Aeseh. C. Timareh. § 111-112, Didot, p. 49; Arg. Or. Dem. C. Androt. § 4, R. 589-590. 48 Pollux, VIII, 95. 49 Lveurg. C. Leocrat. § 126, Didot, p. 24; Dem. C. Timocr. § 26, R. 708 ; Aristoph. Thesm. 79-80 ; Athen. IV, 71, p. 171. 56 V. notamment Arg. Or. Dem. C. Androt. § 3, R. 590. 51 Schol. Aeschin. édit. Didot, p. 511, § 4. 59 Dugit, Étude sur BOU 741 BOU sif53. Aussi, l'ancienne opinion perd chaque jour du terrain, et les écrivains les plus compétents, qui l'avaient autrefois enseignée, l'ont maintenant abandonnée 5a. Voici comment en réalité les choses se passaient. Chaque jour, un des cinquante prytanes de la tribu dirigeante était désigné par le sort pour remplir les fonctions d'épistate ; il était vraiment pendant vingt-quatre heures le chef du Gouvernement. Mais, à la suite d'une modification de la constitution, que Meier n place entre l'année 378 et l'année 369, tandis que d'autres la font remonter jusqu'à Euclide, il perdit ses plus belles prérogatives. Pour tempérer l'influence de la tribu dirigeante, on plaça près d'elle un corps de neuf proèdres, désignés, chaque jour d'assemblée, par la voie du sort, dans les neuf tribus non dirigeantes, à raison d'un par tribu, et ce fut parmi ces neuf proèdres non prytanes que l'on choisit l'épistate des proèdres. A partir de cette époque, il y eut deux épistates : l'épistate des prytanes, n'ayant plus que des attributions subalternes, comme la garde des sceaux de l'État et des clefs de la citadelle, et l'épistate des proèdres, appelé à présider les assemblées générales du sénat ou du peuple 56 La loi n'avait pas permis que le même sénateur remplit plusieurs fois pendant la prytanie les fonctions d'épistate07. Dans un discours prononcé en 345, Eschine parle d'une autre innovation, de date très-récente. Pour mieux prévenir les désordres, chaque jour d'assemblée, une tribu tout entière était désignée par le sort comme tribu présidente (Ttç 7tpoEptt at) 58. Cette tribu avait sa place marquée près de la tribune (titl'riS (3Ÿilxn7:t). Beaucoup de personnes prétendaient que cette mesure était inutile et on discutait si elle serait mise en pratique. Mais un discours du même orateur, prononcé plus tard n, nous montre la ''.e) 7tpoeôpEtioua3 siégeant dans l'assemblée à côté des Tant que la constitution de Solon fut en pleine vigueur, le sénat se réunit dans le Prytaneion ; c'était aussi dans cet édifice que les prytanes du sénat, pendant la durée de leur prytanie, prenaient en commun leurs repas 61 Mais, lors des réformes de Clisthène, pour mieux accentuer le caractère de la nouvelle constitution, le sénat des Cinq cents, au lieu de s'assembler dans l'ancien édifice, tint ses séances dans le Bouleutèrion, qui fut construit pour lui au sud du portique de l'Agora n, et dans lequel on déposa une copie de quelques-unes des lois de Solon". Quant aux prytanes, ils se tenaient dans un local voisin, que les auteurs désignent quelquefois sous le nom de prytaneion, mais qui, à proprement parler, était le Tholos 64. C'était dans le Tholos qu'ils vivaient en commun aux frais du trésor public 60, et non plus dans l'ancien Prytanée, dont la table resta affectée aux personnes gratifiées, à titre honorifique, de la Srµoa(a ott-ynç 66. Si le lieu ordinaire des séances du sénat était le Bouleutèrion, rien ne faisait pourtant obstacle à ce que, dans des cas particuliers, les sénateurs choisissent un autre lieu pour leurs séances. Ainsi nous les voyons siéger exceptionnellement dans l'Éleusinion d'Athènes67, dans le Pirée et, sur l'Acropole 69, etc. Dans le ou),EUTit,ptov, les places étaient numérotées; et chaque sénateur s'engageait par serment à ne pas occuper une place autre que la sienne : xa6ESE[eOnt Ev' ,i ypâlcgccTt 4I âv ) ytu t70. Cette obligation, d'après Philochorus, fut imposée sous l'archontat de Glaucippe (01.92-3, 410 av. J.-C.). Pendant longtemps, aucun traitement ne fut attaché aux fonctions de sénateur. Mais, à l'époque où Périclès introduisit le traitement des juges, pour que tous pussent occuper les emplois publics, comme le voulait le principe démocratique de la constitution, les sénateurs reçurent une indemnité. Osenbruggen 71 reporte l'institution du (iee cvvtxi; 1.hta06ç jusqu'à Aristide ; mais cette opinion n'est pas admissible. L'indemnité était d'une drachme par jour (Spa-/u.-;y Ta''I'ç ~µspaç )outEiv) 72. Les sénateurs recevaient sans doute à leur entrée dans le Bouleutèrion un jeton de présence (o„µ60),ov) qu'ils échangeaient plus tard chez le trésorier contre de l'argent. On a retrouvé et on conserve dans les musées un certain nombre de ces jetons de présence. Ce sont de petites médailles de plomb, portant des empreintes très-diverses, qui ont été décrites par MM. Dumont 73 et Benndorff 7r. L'une (fig. 871) a sur chacune de ses faces une tête de femme, et près de l'une d'elles est la légende BOAH ; sur d'autres on voit seulement les lettres B-jls-, a(tev, etc... Il est vraisemblable que les membres qui arrivaient en retard, après l'abaissement du arlgtiov, ne pouvaient pas réclamer le aûµfo),ov. Boeckh n évalue à vingt-cinq talents environ la dépense annuelle que cette rémunération des sénateurs pouvait occasionner à la république. Ses calculs sont basés sur l'hypothèse que le sénat tenait chaque année trois cents séances. Supprimé par l'oligarchie 70, le (3ou)AEUTtxôç M.taOd; fut rétabli plus tard 77. D'autres avantages étaient encore attachés à la qualité de sénateur : les membres du sénat étaient exempts du service militaire 78 Des places d'honneur leur étaient réservées au théâtre 79. Lorsqu'ils étaient dans l'exercice de leurs fonctions, ils portaient une couronne de myrte 80. Les jours où devait avoir lieu une réunion du sénat, une bannière ou un drapeau (art cciov) était arboré sur le Bouleutèrion. A l'heure fixée pour I'ouverture de la séance, un héraut invitait les sénateurs à venir occuper leurs places et abaissait le ar,N.Eiov e1 Les délibérations ne commençaient que lorsqu'une ITOU 742 IBO Ut prière avait été adressée aux dieux du sénat (0E01 (3ou),siot) e'. Les sujets qui devaient être mis en délibération étaient indiqués à l'avance dans un ordre du jour (rpdyp eg sa), rédigé par les prytanes S3, et dont il n'était pas permis de s'écarter, si ce n'est pour quelques affaires urgentes e'°. Les simples particuliers (si iùu rat) qui auraient eu des communications à faire au sénat devaient solliciter par écrit l'honneur d'être entendus$'. Les délibérations étaient généralement publiques ss Mais lorsque la publicité pouvait avoir des inconvénients, le sénat décidait que les étrangers (al ittôlratl seraient exclus n. C'est surtout dans ce dernier cas qu'il était utile de placer des barrières autour du sénat pour écarter les indiscrets 88. Les discussions closes, le vote avait lieu par mains levées. Toutefois, lorsque le sénat remplissait les fonctions de cour de justice 99, le vote était secret et on employait de petits cailloux. Un corps d'archers était mis à la disposition du sénat pour faire exécuter ses décisions et pour maintenir l'ordre et le silence aux environs du Bouleutèrion 90 Ces notions générales données sur la composition du sénat athénien, nous devons indiquer maintenant ses principales attributions, en nous plaçant exclusivement à l'époque classique. Le rôle du sénat était fort important; il avait, nous dit Xénophon, « à délibérer sur la guerre, sur les finances, sur la confection des lois, sur les affaires permanentes de la république, sur les alliés ; et il devait, en outre, recevoir les tributs et s'occuper des arsenaux et des temples 91. » Ce ne sera donc pas exagérer que de dire, avec un ancien rhéteur : Il imprimait une direction générale à toutes les branches de l'administration °°. Attributions politiques. -Le sénat avait pour principale mission de préparer les délibérations de l'assemblée du peuple. « Solon, dit Plutarque n, en instituant le sénat, avait essayé de prévenir les agitations tumultueuses de l'assemblée ; il voulait, en effet, que le peuple ne connût d'aucune affaire sans qu'elle eût été préalablement examinée par le conseil des Quatre cents. ». Toutes les fois que, par une autorisation particulière, le sénat n'avait pas été investi du droit de décider luimême, cas dans lesquels on disait du sénat qu'il était xV roxpfin p 9" ou xÛptos °u, le pouvoir souverain résidait dans l'assemblée du peuple ; mais le sénat avait l'initiative. Aucun sujet ne pouvait être mis en délibération dans l'assemblée, sans que le sénat eût d'abord formulé son avis ; et, lorsqu'il avait absolument rejeté une proposition, elle ne pouvait pas être présentée au peuple par son auteur. C'était pour permettre l'exercice de ce contrôle que le sénat recevait directement les rapports des généraux B6 et des ambassadeurs de la république ; qu'il entendait le premier les ambassadeurs des républiques étrangères et recevait leurs lettres de créance 97, avant de les introduire dans l'assemblée du peuple 98. Les projets de décrets préparés par le sénat (apofouaEUp'.xra) n'étaient pas, naturellement, obligatoires pour la réunion des citoyens ; il arrivait fréquemment, M. Scbbmann en cite plusieurs exemples 90, que des propositions contraires se produisaient dans le cours de la discussion publique et étaient adoptées. Les 7rpoe'ouaeÛp.xra ne pouvaient être présentés au peuple que par le sénat même qui les avait préparés. Il s'ensuit que, si les pouvoirs du sénat expiraient avant que le peuple eût statué, le nouveau sénat devait procéder à un second examen de la proposition et rédiger à son tour un apobonEi u. Aristote fait remarquer L00 que « les pouvoirs du sénat ne doivent pas tarder à se détruire dans les démocraties où le peuple assemblé traite de toutes les affaires, et que, là où l'on a le moyen de salarier tout le monde, le peuple doit finir par anéantir le sénati01 » Avec le temps, la coutume s'introduisit à Athènes de saisir directement l'assemblée, sans tenir compte des prescriptions de la loi, et en se dispensant d'en référer au sénat (âtrpoeoüneura)101, Mais l'exception ne fit pas disparaître la règle, et l'on trouve à toutes Ies époques des décrets qui réproduisent la formule ancienne : Ééo;Ev Ti (,ou)s xxl rù Sjµgl... Attributions judiciaires. Le sénat pouvait d'office poursuivre certains délits, et, lorsque la peine méritée par le coupable ne dépassait pas les limites de son droit de condamnation, il jugeait définitivement l'affaire; si elle les dépassait, il renvoyait l'affaire aux tribunaux ordinaireslo3 Il pouvait aussi recevoir les dénonciations que lui adressaient de simples particuliers, au lieu de les soumettre aux juridictions régulières ; le sénat les instruisait, et, lorsqu'elles lui paraissaient devoir être rejetées ou n'exposer le coupable qu'à une peine légère, il statuait personnellement 1". Dans le cas contraire, il renvoyait la décision, soit à l'assemblée du peuple, soit même directement à un tribunal 10' Le maximum imposé aux condamnations prononcées par le sénat avait été fixé à cinq cents drachmes 109 Mais il fut beaucoup dépassé dans les époques de crise. Pendant la tyrannie des Trente, le sénat prononça des condamnations à mort 107. Plus tard, à l'époque des Dix, il prononça la confiscation 108 On peut à la rigueur rattacher à la juridiction du sénat la boxtp.aala des archontes, à laquelle il prenait part conjointement avec les tribunaux des héliastes 109 Attributions financières. Le sénat avait la direction et la haute surveillance de toute l'administration financière de la république. C'était lui qui, par l'intermédiaire des polètes, donnait à ferme les diverses taxes aux TE),wvet, chargés de les percevoir sous leur responsabilité personnelle 110. II avait le droit de faire incarcérer les débiteurs en retard dans le payement de leur redevance annuelle (SEîv EIÇ Tà u).ov) lit; il est vrai que, dans le serment que les sénateurs prêtaient à leur entrée en fonctions, ils s'engageaient à respecter la liberté des citoyens ; mais la formule contenait préci BOU -743 BOU sément une restriction relativement aux TEÂmvat 112. Toutefois, s'il faut en croire l'auteur anonyme de l'argument du discours contre Timocrate 113, pour que la contrainte par corps fût admissible, la loi exigeait que la dette fùt échue depuis plus d'une année. Ce que nous venons de dire de la vente des impôts s'applique également à la vente des biens confisqués. Le sénat exerçait aussi son contrôle sur la libération des débiteurs de l'État entre les mains des 7ipx-copsç, et sur la tenue des registres qui la constataient 11". C'était en sa présence que les trésoriers de la déesse recevaient de leurs prédécesseurs les objets confiés à leur garde, et les remettaient à ceux qui étaient appelés à occuper leur place 115 Les versements faits aux apodectes devaient être effectués dans le Bouleutèrion, les sénateurs réunis 116 En un mot, tous les agents financiers étaient placés sous le contrôle direct du sénat 117. C'était lui qui dressait la liste des invalides (xSvv«rot) auxquels des secours étaient accordés par l'État 11ft Attributions religieuses. Indépendamment des sacrifices solennels qui étaient offerts par le sénat au moment où il entrait en fonctions (aiarci4pta), et au moment où il remettait le pouvoir à ses successeurs gtr4pta), les prytanes devaient, à certaines époques, adresser des prières, pour le salut de la république, à Jupiter Sauveur, à Minerve, à la Victoire, à la Persuasion, à la Mère des Dieux, à Apollon, etc. "9. L'inscription n° 112 du Corpus contient une relation de ces sacrifices et le décret qui récompense les prytanes. Pour faire face à cette dépense, le sénat avait une caisse particulière sous la direction du rag.tuç Tr,; (3ou),î~ç. Attributions militaires. Le sénat paraît avoir joué un rôle dans les levées d'hommes pour l'infanterie. Les fou)aurai sont, en effet, dans un texte de Démosthène, joints aux démarques pour la confection des tableaux de recrutement 140. Quant à la cavalerie, comme il faut que les chevaux et les cavaliers soient exercés longtemps à l'avance, si l'on veut qu'ils rendent service à l'occasion, elle était permanente et placée sous l'autorité des Cinq cents 141; c'étaient eux qui présidaient à 1'i7«Ewv SoxtN.xaia1l2, et qui, à certaines époques, passaient en revue les troupes 143. C'était également le sénat qui prescrivait le payement des sommes nécessaires à la nourriture et à l'entretien des animaux (aï^.oç iicaotç 121), dépense qui, en temps de paix, montait à environ quarante talents 125 ; il dirigeait aussi le payement de la xa-a'raat;, indemnité d'équipement pour les cavaliers 136 La marine d'Athènes était, comme sa cavalerie, placée sous la surveillance spéciale du sénat, qui devait faire construire chaque année un certain nombre de vaisseaux de guerre. Une loi, citée par Diodore 127, et dont Thémistocle avait pris l'initiative, ordonnait d'augmenter annuellement la flotte de vingt trirèmes. Cette loi, dont Diodore fixe la date à l'année 477, mais qui, suivant la remarque de Bbckh 126 remonte probablement à une époque antérieure, fut-elle toujours observée? Nous ne salirions le dire; mais il est permis de croire que l'importance des constructions était assez grande. Car, d'une part, les navires étaient rapidement mis hors de service, et d'autre part Athènes pouvait aisément envoyer en mer des flottes de trois à quatre cents voiles1". Le sénat qui avait manqué à. son obligation °° ne pouvait pas prétendre à la couronne d'or que le peuple décernait habituellement au sénat sortant de charge. 131 Une commission particulière, nommée habituellement par le sénat 132, les tipelpo7t0toi, veillait aux détails de la construction 133. L'inspection des arsenaux rentrait évidemment dans les attributions du sénat, qui devait s'assurer que les ma-. gasins étaient abondamment pourvus de voiles, de cordages, de rames et d'autres agrès, afin. que, en cas de besoin, l'armement des navires n'éprouve aucun retard. Enfin, lorsque la guerre était déclarée, le sénat avait à prendre des mesures pour la prompte expédition des flottes ; il décernait habituellement des couronnes aux triérarques qui s'étaient signalés par leur zèle et par leur diligence 131. Telle était à l'époque classique l'organisation du sénat, En 306 (01. 118, 3) le nombre des tribus ayant été porté à douze, le sénat se composa de six cents membres répartis en douze prytanies. Cette nouvelle période de l'histoire du sénat fut assez longue ; car les inscriptions du règne de Claude parlent encore du sénat des six cents 135 Plus tard, on revint au chiffre de cinq cents, probablement à partir du jour où, sous le règne d'Hadrien, le nombre des tribus s'éleva de douze à treize. Pausanias, qui écrivait vers l'an 174. de notre ère, parle du sénat des cinq cents 136. Bôckh pense toutefois f37 que le chiffre de cinq cents est seulement approximatif, le contenu des inscriptions amenant à des chiffres qui varient de cinq cent trente-huit à cinq cent quarante et un. L'inscription n° 380, qui semble se placer aux environs de l'an 270 après J.-C. mentionne le sénat des sept cent cinquante; tandis qu'une inscription du Ive siècle indique ,-, I le sénat des trois cents 139. Disons, en terminant, qu'on trouve sur plusieurs monuments d'Athènes une personnification du sénat. Un bas-relief du musée de la Société archéologique d'Athènes montre, à. la suite de Minerve, une personne cou verte de vêtements féminins, au-dessus de laquelle le sculpteur a inscrit le BOU 7441. BO-U mot BoAH '39. Il est permis de reconnaître également l'image du sénat sur un autre bas-relief qui orne une stèle honorifique et qui doit représenter le couronnement d'un citoyen par le Si~uoç et par la jiou),ij l'r0. E. CAILLEMEH. publique, qui, d'après les lois d'Athènes, pouvait être intentée dans deux cas très-distincts. I. Le premier cas d'application de la (3ouaetIcE ypaPf, était celui où elle était intentée contre une personne qui avait donné ou tenté de donner la mort à une autre personne, non pas directement et de sa propre main, mais rnédiatement et par la main d'autrui. D'après lsée et Aristote', le tribunal compétent était le tribunal des Èphètes, qui siégeait au Palladion; d'après Dinarque, c'était l'Aréopage. M. Schoemann' a cru trouver dans Harpocration le germe d'une distinction qui permettrait de concilier ces témoignages contradictoires. Lorsqu'il y avait eu homicide, la compétence appartenait à l'Aréopage. Lorsqu'il n'y avait pas eu homicide, parce que la personne victime de la [3oéàeaatç avait survécu, l'action était portée devant le Palladion. On pourrait être tenté d'argumenter en faveur de cette opinion d'un passage du discours de Démosthène contre Cononet de faire le raisonnement suivant : Conon avait excité ses fils à maltraiter Aristoi3 et ils avaient suivi.ses conseils. Ariston survécut et il intenta seulement une aixiaç Sbeti; s'il fût mort, les aréopagites auraient été compétents. Mais le discours d'Antiphon sur la mort d'un choreute fournit une grave objection contre l'opinion de M. Schoemann. Un enfant, qui faisait partie d'un choeur, avait pris chez le chorége un breuvage mortel. L'accusateur ne prétendait pas que le chorége eût lui-même versé ce breuvage ; il soutenait seulement qu'il l'avait fait verser. Il n'y avait donc pas pdvoç proprement dit, il y avait poéàsunç. L'enfant ayant succombé, l'action, d'après la distinction de M. Schoemann, aurait dû être jugée par le sénat de l'Aréopage, et cependant on ne trouve nulle part dans le discours d'Antiphon la formule habituelle w (iouà7 ; l'orateur se sert toujours de la formule w xvèpeg. Le ou),EuTnç n'était donc pas alors justiciable des aréopagites; il était jugé par les éphètes, et les expressions finales du discours, consacrées à vanter la piété et la droiture des magistrats auxquels s'adresse le plaideur, conviennent très-bien au tribunal du Palladion 4. On ne s'expliquerait pas d'ailleurs pourquoi la compétence aurait varié suivant l'événement. Qu'importe, au point de vue de la criminalité, que la victime de la (3oûAeuatg ait ou non survécu? Enfin, il serait singulier que le [3ouAeu'r-4, lorsqu'il avait agi sans préméditation et avait cependant donné la mort, fût jugé par l'Aréopage, c'est-à-dire assimilé aux meurtriers volontaires, tandis qu'on assimilait aux meurtriers involontaires, en l'envoyant devant le Palladion, un accusé beaucoup plus coupable, le (3ouàeuThg, qui avait agi avec préméditation, mais qui n'était pas arrivé à son but, la victime ayant survécu. Quant au texte de Démosthène, il est évident, pour quiconque y réfléchit, que l'orateur exagère beaucoup la gravité des attaques dont il a été victime et les conséquences qu'elles auraient pu avoir. Conon d'ailleurs n'était pas un simple ooàus u ç, il avait pris sa part du délit, et, s'il eût été justiciable de l'Aréopage pour meurtre volontaire, ydvog Ex 7rpovolag, il eût été également justiciable de l'Aréopage pour blessures préméditées, Tpüû em ixapovolaç. Pour échapper à ces objections, M. Sauppe a proposé une autre distinction. Lorsque le (3oUAEUT7jg avait agi avec préméditation, l'Aréopage était compétent, sans qu'il y eût à rechercher s'il y avait ou non homicide. Quand il n'y avait pas eu de préméditation, de deux choses l'une : ou bien il y avait eu homicide, et la compétence était au Palladion ; ou bien il n'y avait pas eu homicide, et alors la [3nDAEuatç était probablement jugée par les héliastes. On serait enclin, tout d'abord, à dire que les expressions dont se sert Harpocration pour définir la (ioéaEuatç prouvent que ce délit supposait toujours la prémédita cependant, on peut très-bien avoir causé la mort d'une personne par (3o5Aeuatç sans avoir eu l'intention de la tuer. Tel est le cas où une personne charge un tiers de frapper, de blesser même son ennemi, en lui recommandant de ménager sa vie, et où le tiers, dans la vivacité de l'action, dépasse le but qui lui a été assigné. Nous ne sommes donc pas surpris de lire dans Antiphon que le délit de 3otlAEUatç peut très-bien exister sans 7tpo'votu. Harpocration, en faisant entrer la préméditation dans sa définition, a eu en vue l'hypothèse la plus ordinaire. Il y a une autre objection plus sérieuse. Le premier discours d'Antiphon est dirigé contre une femme qui avait fait empoisonner son mari 6; qui, par conséquent, était coupable, non pas d'empoisonnement, mais de (ioé),EUatg, et qui avait agi avec préméditation 7. On trouve dans cette affaire toutes les circonstances aggravantes du délit : ~ouàEUatç préméditée et suivie de mort. D'après la doctrine de M. Sauppe,le procès aurait dû être jugé par l'Aréopage, et cependant l'orateur n'emploie jamais la formule tw [iou)ci ; il se sert toujours des mots w âvlpEç. Il ne s'adresse pas aux aréopagites. Nous devons donc nous arrêter à l'opinion d'après la quelle tous les cas de poiaEUatç étaient en dehors de la compétence de l'Aréopage et appartenaient, comme l'ont écrit, sans distinction, Isée etArïstote, aux éphètes siégeant dans le Palladion. Nous avons le texte de la loi qui détermine les attributions judiciaires des aréopagites, et la (3ollXEU6tç n'y figure pas. Il est permis, au contraire, de la retrouver dans la loi qui fixe les attributions des éphètes'. Dans le passage où il s'occupe du Palladion, Harpocration, se fondant sur l'autorité d'Aristote, dit expressément que les éphètes y jugent les accusés de meurtre involontaire et de [3oéàssatç 9; il ne fait plus allusion à une dissidence de Dinarque. Peut-être cette prétendue dissidence, qui a beaucoup préoccupé les interprètes, n'existe pas réellement ; il n'est pas impossible que, dans un discours prononcé devant l'Aréopage, Dinarque ait parlé des manoeuvres de son adversaire (3ou),uûaetç), et Harpocration en aura conclu à tort que Dinarque avait plaidé devant l'Aréopage un procès de (3oDmuatç 10: BOU 745 Bf)U La loi athénienne avait formulé très-nettement ce principe que le ovaEÛaaç doit subir la même peine que l'auteur réel du délit : Tôv (0u)`o,lvovTa iv Tô) Œè7w svÉ/Ea0011 Xvi Tôv Ti? zntpl êprazer; VOV ". Par conséquent, lorsqu'il y avait homicide, le oul,EÛaaç était traité comme poveûç 1'. Si donc le meurtre avait été prémédité, on appliquait au (3ouàEÛaaç la peine du v voç x apovodaç, c'est-à-dire la mort 13. Quand la préméditation faisait défaut, la peine était l'exil 14 ; c'est à tort que plusieurs auteurs, notamment M. Schoemann 19, ajoutent à l'exil la confiscation 16. Platon, dans son Livre des lois u, traitait le (3ou),EÛaaç un peu moins rigoureusement que le meurtrier ; il l'exemptait de la détention préventive et permettait d'ensevelir son cadavre dans l'Attique; mais, à part ces légères différences, il leur infligeait le même châtiment. Lorsqu'il n'y avait pas eu homicide, mais seulement blessures faites avec l'intention de donner la mort, le (3ouÀeuaa encourait les peines édictées pour le délit de Tpaûl,.a Ex 7tpovofaç 18, c'est-à-dire l'exil19. Platon faisait bien remarquer que les coupables, ayant alors accompli, autant qu'il était en leur pouvoir, tous les actes nécessaires pour arriver à leurs fins, devaient être traités comme des meurtriers. Le crime est manqué, disait-il ; mais, entre le crime manqué et le crime consommé, il n'y a pas de différence morale. « Cependant, par égard pour la destinée du coupable et pour le bon génie qui a empêché la consommation du mal, la peine sera mitigée; on fera grâce au coupable de la mort; on lui laissera même sa fortune; on le condamnera seulement au bannissement 20. » II, La ouàaaas0)ç ypctei avait une seconde application très-distincte de la première, bien qu'il soit difficile de déterminer avec précision le cas dans lequel elle était alors accordée. D'après Harpocration, cette action était donnée à une personne, dont le nom figurait sur les registres des débiteurs du trésor public, contre celle qu'elle accusait de l'avoir injustement inscrite sur ces registres ". Mais alors cette action se confondait avec la t,EUSEyypatp.îlç S6ri1, que le même grammairien définit ainsi « L'action que ceux qui sont inscrits comme débiteurs du trésor public introduisent contre celui qui les a inscrits sur la tablette déposée dans le temple de Minerve, en soutenant qu'il les a calomniés et qu'ils ont été injustement inscrits comme débiteurs du trésor". » Cette confusion trouve un appui, 1° dans un texte de Démosthène, qui parle d'une (iou)al nt»ç ypvv fondée sur une inscription injuste E3; 2° dans un texte de Pollux, qui déclare que la 4,EUSE' papiI'ç ypal,7j et l'iingou),EtiaEO)ç ypaor'i s'appliquent au même délit ". En sens contraire, Suidas fait remarquer que Lycurgue établissait une différence entre ces deux actions. Elles se distinguaient l'une de l'autre en ce que, dans la , 2sl yypatp,liç eixr„ le demandeur soutenait qu'il avait été injustement inscrit et qu'il n'avait jamais été débiteur du trésor, tandis que, dans la (ou),EéaEO0ç ypator'i, le demandeur reconnaissait qu'il avait été débiteur du trésor, mais ajoutait qu'il s'était libéré, et que, malgré sa libération, il avait été de nouveau frauduleusement inscrit pour une dette éteinte 25. 1 Les dissidences sont plus grandes encore entre les commentateurs du droit attique. Müller 2° pense que le même fait, une inscription inoxacte sur la liste des débiteurs du trésor, pouvait donner ouverture aux deux actions. La seule différence était que la (3oo)mlvotoç yparps supposait chez l'inscrivant une intention mauvaise (dolus malus), tandis que la 4EUâeyypapiiç ypaoti était ouverte même lorsqu'il n'y avait pas fraude. Bmckh2' avait, en 1816, proposé cette autre distinction : La 44nulvy. pvp'l1ç ypRCfl1 était donnée dans le cas où le demandeur soutenait qu'il avait été inscrit à tort ou qu'il avait été inscrit pour une somme trop forte ; la (3ouaEUaeo)ç ypvpoj, lorsque le demandeur était un ancien débiteur du trésor, qui soutenait que, malgré le paiement par lui fait, il avait été inscrit de nouveau ou qu'on avait négligé de l'effacer. Plus récemment, Beeckh a modifié cette distinction en restreignant la (3ou)aa6av«)ç ?pari au cas où le magistrat, chargé de la radiation des noms des débiteurs libérés, laissait subsister sur le registre le nom d'un débiteur qui avait payé sa dette 23. C'est cette dernière opinion qui paraît aujourd'hui rencontrer le plus de faveur 29. Qui pouvait agir? Pollux dit formellement que les deux actions E7tPou)Eliaeoeç et'iEUSEyyparpi~ç étaient des actions publiques (ypapaO 30. Elles pouvaient donc être intentées par tous les citoyens capables d'agir en justice. Nous devons cependant faire remarquer que tous les textes supposent que le demandeur était celui qui se prétendait injustement inscrit. Lui seul, en effet, paraît avoir été intéressé, puisqu'il importait peu à l'État d'avoir pour débiteur le demandeur ou le défendeur. C'était donc uniquement pour mieux assurer la régularité des registres des débiteurs du trésor que la loi avait rangé parmi les ypatpai nos deux actions. Il est aussi notable que l'intéressé fût autorisé à agir par voie de ypatpv. Car, en vertu de la foi qui était due provisoirement aux registres jusqu'au jugement de l'action, le débiteur était âTtgoç. Mais Démosthène lui-même reconnaît que cette âTtd.fa n'était pas un obstacle à la recevabilité de la (iouaeûaea)ç ypatpr, ou Contre qui ces actions étaient-elles données? Sur ce point les divergences sont nombreuses. D'après Heffter 32, la odouSayypvpjç ypalp2° était donnée contre le trésorier public qui avait fait l'inscription inexacte; la oo)EéosO; ypccpn', contre le simple particulier qui, par des manoeuvres frauduleuses, avait décidé le fonctionnaire public à commettre cette irrégularité. D'après Meier", les simples particuliers seuls étaient exposés à ces deux actions. Contre les magistrats infidèles ou incapables, la ressource des accusations publiques, soit à la fin de l'année, au moment de la reddition des comptes, soit dans les assembléés régulières du peuple, était bien suffisante. Il nous parait plus vraisemblable que, dans les deux actions, le défendeur était toujours le trésorier public. Lorsque ce fonctionnaire mentionnait sur ses registres le nom d'un débiteur, qu'il agît de son autorité privée ou 94 obéirent à leur tour à la nécessité qui avait forcé ceux-ci à se couvrir les jambes. Dans les bas-reliefs de la colonne de Trajan, où sont représentées les campagnes de cet empereur dans les contrées voisines du Danube au commencement du ne siècle, on voit un trèsgrand nombre de Romains, soldats et officiers, portant des chausses étroites qui descendent un peu plus bas que le genou. La figure 873, détachée d'un de ces bas-reliefs', permet d'examiner cette partie du costume, en quelque sorte séparément ; car le soldat qui la porte a le reste du corps nu. On voit que la culotte était serrée autour de la taille, probablement à l'aide d'une ceinture (7cipiùu,µa) 3 pareille à celle des braies gauloises. Dans les figures voisines, et dans celles qu'on qu'il suivit la foi d'un tiers, dans l'un comme dans l'autre cals, il engageais; sa responsabilité personnelle. Sans doute, si le tiers l'avait induit en erreur, le trésorier pouvait se retourner contre lui et lui demander la réparation du préjudice causé par sa faute ou son imprudence ; il avait alors à sa disposition la picICr1ç S(xr, ou la 4euloaapruptouv iixrl. Mais c'était toujours lui, trésorier, qui était chargé de la tenue des registres et il devait répondre seul de leur régularité 34. Platner u, tout en admettant en principe la solution que nous venons de donner, pense que la tlteuSeyypawrlç ypxpfs aurait pu être également introduite contre un simple particulier, qui, usurpant les pouvoirs du trésorier public, aurait à tort inscrit un débiteur sur les registres du trésor. La juridiction, pour la gEUSEyy fs ' comme pour la (3oûneuetç, appartenait aux thesmothètes u. reconnues bien fondées, le nom du prétendu débiteur inscrit à tort sur les registres était radié, et l'on inscrivait à sa place le nom du défendeur condamné. Cette pénalité est attestée pour la (ioûinauTtç par Démosthène 37 et pour la! EVSayypat rj par les )é utç (iriropxzC u, Bocckh u croit que le défendeur était en outre condamné à une amende. E. CAILLEMER.