Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article CARNIFEX

CARNIFEX. Bourreau.[Voy. pour les Grecs nEMOSIOS,] A Rome, d'après les règles de l'organisation de la justice criminelle , le bourreau était chargé de donner la question [QuAESTIO] aux esclaves considérés comme témoins, et même, sous l'empire , aux citoyens accu sés d'un crime. De plus, le carnifex avait pour mission de procéder à l'exécution des peines corporelles sur les esclaves et les étrangers. Primitivement cet office était rempli, pour les citoyens, sur la place publique, par le LICTOR du roi ou des consuls et parfois même par le tribun qui avait poursuivi le condamné 2 ; mais la juridiction de ces derniers ayant été limitée par les lois de PROVOCATIO, ce ne fut qu'au cas d'aveu ou de flagrant délit, ou en matière de délits militaires, hors du POMERIUM, que le général ou gouverneur put faire exécuter par son licteur la peine de mort prononcée contre des non-citoyens. A Rome, les esclaves publics de la prison du Capitole, placée sous la direction des TRIUMVIR' CAPITALES, étaient chargés de l'exécution dans le cachot (Tullianum ou rober, voy. cARCER), où l'on n'exécutait que les condamnés qui devaient, comme les complices de Catilina' et comme Jugurtha, périr immédiatement après la sentence ; après l'étranglement, on jetait les corps des suppliciés aux gémonies, c'est-à-dire sur les degrés qui descendaient du vestibule de la prison '. Dans les autres cas, l'exécution avait lieu hors de la ville, près de la porta Jletia, où était la maison du bourreau, louée d'après les règlements des censeurs (tex censoria)5. Ce carnifex était aussi d'ordinaire un esclave public [sERVUS PUBLICUS], chargé plus spécialement du supplice des esclaves, toujours subi en dehors de Rome, sur le terrain où étaient plantées les croix [CAUX], non loin de la porte Esquiline G. Plus tard, en province, on chargea de l'exécution des criminels un soldat nommé SPECULATOR 7. Les détails étaient réglés par un centurion envoyé par le praeses provtnciae, ou gouverneur de la provinces ; plus tard ce soin appartint au directeur des prisons ou COMMENTARIIONSIS 9. L'office du bourreau était regardé à Rome comme déshonorant i6. Il ne pouvait habiter dans l'enceinte de la ville 11; il demeurait hors de la porte Esquiline, dans le quartier appelé Suburra, au delà du mont Coelius et sans doute dans le voisinage du lieu d'exécution des esclaves12 Du temps de la république, jamais le bourreau n'était employé à l'exécution d'un citoyen romain, si ce n'est dans le cas de PERDUELLIO. Le condamné était alors réputé avoir perdu ce titre, en se déclarant ennemi de l'État; il pouvait être frappé de verges et précipité de la roche Tarpéienne ou, jadis, mis en croix an campo Martio On a cru, mais à tort, d'après un passage de Plaute 11, que le bourreau était chargé de la garde des prisons CARNYX (Képvul). Nom d'une sorte de trompette, que l'on a confondue souvent à tort avec le LITUUS des Romains. A la différence de celui-ci, qui était droit, avec CAR --926 -CAR un pavillon circulaire et évasé, le carnyx, instrument propre, à ce qu'il semble, aux peuples celtiques, avait la forme d'un canal recourbé se terminant par une tête d'animal'. C'est cet instrument que l'on voit figuré sur les monnaies gauloises 2 et sur celles de familles romaines dont quelque membre s'était illustré dans les guerres contre les Gaulois, les Espagnols, les Lusitaniens. Telles sont les familles Furia 3, Julia Fundania 5, Marcia Egnatuleia 7, Cloulia 8. On le trouve, deux fois répété (fig. 1192), sur un denier de Postumius Albinus, où il rappelle le triomphe de L. Postumius, vainqueur des Lusitaniens et des Vaccei 9. Sur d'autres, il figure, non comme un trophée , mais comme un emblème d'épouvante Y0, qui se rattache au souvenir des mêmes peuples. On le rencontre parmi les dépouilles des vaincus, dans les bas-reliefs de l'arc de triomphe d'Orange" Sur la cuirasse de la statue d'Auguste trouvée près de Rome, dans la villa de Livie, on voit deux figures personnifiant des nations vaincues, dont l'une , vêtue comme l'étaient les Gaulois, tient le carnyx; derrière la deuxième est un trophée auquel le même instrument est attaché 12. Dans une peinture de Pompéi (fig. 1193), où il est représenté entre les mains d'une Victoire, il a de très grandes dimensions et le tube est plus sinueux que dans les exemples précédents 13. E. SAGLIU.