Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article CASEUS

CASEUS, Caseum Tupot, fromage. -ll est certain que le mot français fromage (anciennement formag( ), dérive de forma par foimaticum, qui veut dire fait dans une sorte de moule appelé déjà forma, forme, par Columelle 2, Par analogie on peut croire que cossus vient de é.Ar6A, boîte ronde : les moules dont parle Columelle, sont des boîtes de buis. De même le mot grec eupég, dont la racine exprime l'idée d'une figure ronde, s'explique assez bien par la forme arrondie qui de tout temps e été le plus ordinairement celle des fromages 3. L'art de faire le fromage remonte à la plus haute antiquité, au temps même de la vie pastorale. Dans les habitations lacustres de la Suisse on e trouvé des vases qui oint dû servir à cette fabrication; en les reconnaît aux trous dont ils sont percés et qui servaient à égoutter le lait 4. Il était naturel qu'on cherchât le moyen de cotiserver, comme une provision utile, le lait qu'on ne pouvait pas consommer. Dans l'Iliade non-seulement se trouve mentionné le fromage de chèvre (a(yotoç eupôs), CO qui prouve bien qu'on en connaissait d'autres, celui de brebis par exemple, partie notable de la richesse du berger libyens ; mais il paraît qu'il était depuis longtemps inventé, puisqu'on l'employait déjà à différents usages. Ou voit aussi par divers passages de l'Odyssée qu'il entrait des lors pour une part considérable dans l'aliment 111+ n de l'homme, et que les procédés sommaires de fabrication étaient ceux qui ont été usités depuis. La caverne du Cyclope est une véritable bergerie, atiec sa fromagerie (espsxouoiov, cassate, casear'ia tat enta », et tout l'aménagement qu'elle comporte'. Il est vraisemblable que la gâta âuo'tya(ri (pain de lait) d'Hésiode n'est autre chose que le fromage, et le fromage de chèvre 10. Il n'avait pas échappé aux anciens quo le lait de tous les animaux n'est pas également propre à faire du fromage; ils avaient observé que celui des animaux qui ont lies dents aux deux rnâehoires ne se coagule pas, nue celui des femelles qui ont plus de quatre mamelles vaut rien non plus pour cet usage, que le lait de s donne plus de fromage que celui de Marris, à me égale, presque le double °`. Cependant le fromage vache ne devint commun que dans les deux derniers siècles avant J.-C. Les procédés généraux de ia fabrication du fromage, (ecpmoatç, 2upiia 12), pratiqués dès les tempo homériques, ne changèrent guère depuis, et l'on en peut suivre la tradition pour ainsi dire de siècle en siècle. La saison propice à la confection des fromages est le temps oil les Pléiades (Vergiliae) paraissent sur notre horizon, c'est-à-dire depuis CAS 932 CAS l'équinoxe du printemps jusqu'à l'équinoxe d'automne ". Le fromager (TUp07t6tdç, TupeuTrp, casearius) choisit d'abord un lait bien épais, c'est celui qui fournit le plus de fromage; car le lait se compose d'un liquide aqueux, dp'Sç, sel um, et d'un élément plus solide, qui est proprement le (rupôs, caseum n. Si le lait employé est trop clair, le fromage n'est pas de garde, et il le faut vendre pendant qu'il est frais et mou''. Le lait doit être pur et frais tiré ; mêlé et reposé, il s'aigrit promptement ; il faut le maintenir dans un état de tiédeur modérée, mais éviter de le faire chauffer "On fait d'abord cailler le lait dans une terrine ou un baquet appelé yao),ciç, mulctra, mulet tale 17 ; c'est ce qu'on appelle a nourrir » le lait ou le fromage (TpéDEtV), c'est-àdire le faire épaissir 18, et le lait ainsi coagulé se nomme Tpocaaiç Tupou, fromage mou m. A cet effet, on emploie des moyens artificiels de bonne heure connus, le suc laiteux (drtdç, (3«xpuov), tiré par incision de l'écorce du figuier ou mieux du figuier sauvage (caprificus), qui a la propriété de faire aigrir le lait 90. On se servit aussi de la fleur du chardon, du foin d'artichaut, de la graine de cnécus (cartamus tinctorius, Linn.), de lait aigri, de vinaigre, de poivre, de sel brûlé (XEg ppuxToi), etc. 21. On faisait le mélange en tournant vivement 22. Le fromage ainsi obtenu s'appelait 87t(aç Tupdç, ou simplement dit(«ç m. Du reste, é téç désignait chez les Attiques toute espèce de présure, dans la langue vulgaire, ieuet% 24. Mais TrUT(a, de 7ttoç, indique qu'on se servait aussi du premier lait (colostrum) de certains animaux 2'. On employa au même usage le lait d'ânesse, parce qu'il est très-épais 26. Enfin on usait également de ce qui s'appelle aujourd'hui par excellence présure , c'est-à-dire du lait coagulé qui se trouve dans la caillette des veaux, des faons, des chevreaux, des agneaux et même des lièvres 27 et surtout des lapins 2", à l'àge où ils sont encore nourris de lait. Cette substance (Tcig.taoç, coagulum 2") est composée de sucs gastriques et de lait presque réduit en caseum. On attribuait au berger Aristée la découverte de ces moyens artificiels de faire cailler le lait", lequel ainsi préparé s'appelait Tay aiv,ç, conguln tus 31 On le mettait alors au plus tôt dans les éclisses, clayons g.ETov, fiscina, fiscella, calathus, forma, formula), sortes de petites corbeilles dont on voit ici un dessin 32 d'après une peinture d'Herculanum (fig. 1205). Elles étaient faites de roseau, de jonc, d'osier, ou même de jeunes branches de chêne 33 tressées de manière à laisser passer le petit-lait, (eç, vulg. Tupdy«)(«, serina). Là, le lait caillé prend ligure, s'égoutte, sèche plus ou moins et devient fromage "4. Le poète Prudence a décrit en vers élégants cette délicate opération 36. Le fromage se place ensuite dans un panier qu'on suspend en plein air et qui s'appelle xpen.«Apx, xpEp.«QTs(p, etc. 66. Tant que le fromage est dans les éclisses (Tupèç im Ta).«pmv) il est dit fromage vert (y).wp(l;, viridis, vulg. «c«),és), c'est-à-dire frais, blanc ou mou, ou vOs((vaç («vOE(v«ç, floridus 37). Dans cet état, on le trouvait délicieux, nourrissant et d'une digestion facile "II importe d'extraire au plus vite la liqueur séreuse : aussi soumet-on la matière coagulée à une pression plus ou moins forte afin de la bien égoutter. D n'est question, dans les auteurs m, que de poids dont on la charge à cet effet, mais il y eut certainement des moyens plus perfectionnés, une sorte de machine, de pressoir à fromage (1tU(DoTp(761.rç) 40. Quand le fromage a pris assez de consistance, on le place dans un endroit sombre et frais, sur une planche bien nette, et on le saupoudre de sel fin pour lui faire « suer » tout reste d'humidité. Devenu plus ferme, il est pressé de nouveau et avec plus de force, au moyen de poids. On le saupoudre de sel brûlé (tolridum), -le sel fossile est préférable au sel marin et on le soumet à une dernière pression. Neuf jours après on le lave à l'eau douce, puis on le dépose dans un endroit obscur. Les fromages rangés sur des claies faites pour cet usage, doivent ne pas se toucher, et sécher modérément. Enfin, pour les maintenir un peu tendres, on les place dans un lieu clos, à l'abri du vent, sur plusieurs rangs. On évite par ces précautions une porosité, une salure et une dureté excessives 41. Un moyen fort simple semble avoir été employé pour la conservation de toute espèce de fromages, c'est de les placer sur une couche de cicéroles ()(âOupoç) ou de pois (7s(aoç) et de les en recouvrir 62. Le fromage reste blanc si on le trempe dans l'eau salée (maria). Enfin est-il devenu, en vieillissant, dur ou amer, il faut le saupoudrer d'omélyse (farine d'orge non rôtie), le plonger dans l'eau et enlever tout ce qui revient à la surface 43. Celui qui doit être consommé tout de suite et sur place ne demande pas les mêmes soins : il suffit d'une manipulation des plus simples ; on l'appelait pour cette raison « fromage à la main, » (manu pressas) 44. Avec le premier lait des bêtes après qu'elles ont mis bas, on fabriquait en le faisant réduire sur un feu doux ou sur de la cendre chaude, une CAS aucun mélange, même de sel, trouve grâce en général devant la médecine antique 63. Nous n'avons pas à énumérer ici les remèdes dans la composition desquels il entrait. Il n'y avait guère de contrée qui ne produisît un ou plusieurs fromages plus ou moins renommés. L'Asie Mineure avait les siens : le salonite, du pays de Salon, en Bithynie, où il y avait de bons pâturages ; c'était un fromage de vache 64 ; il était généralement estimé entre tous les fromages d'outre-mer 65; le phrygien, mentionné par Aristote 66 et par Hégésippe de Tarente 67 ; le pergaménien si prisé de Galien 6a Nous avons vu que l'Attique avait son fromage frais, et Strabon 69 nous apprend qu'il n'était pas permis à la prêtresse de Minerve Poliade d'en manger. II y avait un fromage dit des lies (v3 atwTtxôç), lequel, selon Carystios de Pergame 70, faisait, avec des olives de toutes espèces, l'ordinaire de Démétrios de Phalère, avant sa prodigieuse fortune. C'était le même sans doute que le petit fromage blanc ('epote«atov) de Cythnos, dont un cuisinier, dans une comédie d'Alexis, compose un mets qu'il se glorifie d'avoir inventé 71 .rschylide, cité par Élien ", attribuait ce fromage à l'île de Céos, où il y avait des brebis qui donnaient d'excellent lait; mais il est vraisemblable qu'il se fabriqua primitivement dans l'île de Cythnos, et qu'on l'imita ensuite dans l'île de Céos, en lui laissant son nom originel. D'après le passage de Strabon indiqué plus haut, on peut croire que toutes les îles de la Grèce en produisirent de pareil. C'est même ce qui résulte d'un passage de Pline 73 Il y avait dans l'île de Cythnos beaucoup de cityses. Nul fourrage ne fournit plus et de meilleur lait. Les brebis en sont très-friandes. De là l'abondance et la bonne qualité des fromages de cette île ; de là aussi l'idée de propager le précieux arbuste dans toutes les Cyclades et bientôt dans tous les pays de la Grèce; de là enfin un grand accroissement dans la production du fromage dit de Cythnos, qui se maintint pourtant à un prix assez élevé (190 drachmes le talent, c'est-à-dire 182 fr. 40 e. les 19k1,440, soit 0,98 c. le kilogramme, dans le premier siècle avant l'ère chrétienne 74). Si le Cythridien (xuîpGtoç) dont Épicure, au dire de Diogène Laërce, se contentait en ses jours d'abstinence, n'est pas le même que le Cythnien, dont le nom aurait été altéré par les copistes, il faudrait y voir une sorte de fromage en pot (àurp(ùoç), ou un fro mage de Cythère (xuO-11pGtoç), dème athénien de la tribu Pandionide 76. La Crète donnait aussi une espèce de fromage, large et mince, appelé thêleia ou mieux thoieia, dont on faisait des offrandes dans certaines solennités religieuses 70, Athènes recevait de la Chersonnèse un fromage qu'on faisait frire en tranches, et dont on se régalait aux Amphidromies 77. On trouve mentionnés quelques fromages de la Grèce continentale : outre celui de l'Attique, dont il a été parlé, CAS --9 33 sorte de fromage appelé 7tup(ecpOoç, 7 optéTr,ç 45, qui n'est peut-être toutefois qu'une sorte de laitage comme l'd;f xàx I'«,tp6Yxaa ou la melca 46. On donnait au fromage différentes saveurs en faisant tremper dans le lait ou en employant comme présure divers ingrédients, des amandes de pin pignon vertes, du thym, de la sarriette, du poivre, de l'ail, etc. 67. On trouvait un goût agréable à celui qui avait été fortement imprégné de saumure 48, ou fait avec du lait d'animaux à la nourriture desquels on avait mêlé du sel 49, ou encore qui avait été exposé à une légère fumée de chaume ou de bois 50: il devient ainsi plus dur, plus piquant et se conserve mieux 51. Cette dernière opération était même assez fréquente, puisqu'elle donna lieu à une prescription légale : celui qui avait établi une fromagerie dans un rez-dechaussée ou un sous-sol ne pouvait y enfumer ses fromages qu'à la condition de ne pas incommoder les habitants des maisons ou des étages supérieurs 62. Tous les anciens ont vanté le fromage gras, 7t(wv Tupeç, pinguis caseus : Galien dit que le bon fromage n'est ni glutineux, ni sec, il ne pèche ni par l'excès ni par le manque de sel 56. Remarquons enfin qu'ils ne semblent pas avoir connu le fromage à la crème, et que même la crème (7çov) n'était levée que pour faire du beurre ; ce qui avait lieu assez rarement, le beurre n'étant pas employé dans la Dès les temps les plus anciens, comme on l'a déjà pu voir, le fromage est un des aliments les plus usités. Il fait partie de la nourriture du soldat athénien ". Il figure, avec le lait et le miel, etc., parmi les provisions de toute maison de campagne où règne l'aisance 6J. Mais ce n'est pas seulement sur les tables rustiques qu'il paraît : il n'y a pas de repas bien servi, élégant et complet qui ne lui doive des mets agréables et variés n. On était friand à Rome de fromage frais, encore plein de lait, disposé en forme de cône ou de pyramide renversée, comme la borne dans le stade, d'où le nom de meta qu'on lui donnait u. Aux saturnales, entre pauvres on se donnait, ainsi que des légumes, des fruits, des gâteaux, etc., des fromages en présent 56. Le fromage entre de bonne heure dans la composition de certains mets et même de certains breuvages. Dans l'Iliade notamment, est décrite une boisson où figure du fromage dur qu'on réduit en poudre avec une râpe de cuivre, pour le mêler avec de la farine et du vin de Pramné (terroir voisin de Smyrne) ou du vin semblable à celui-là 69. Ce même mélange, avec du miel en plus, se retrouve dans l'Odyssée 60. Depuis, on voit le fromage entrer dans une foule de mets, dans des pâtisseries surtout 61 Les médecins anciens s'accordent à reconnaître les qualités nutritives du fromage 62, bien qu'ils soient peu favorables à ce genre d'aliment. Toutefois, malgré une certaine divergence d'opinions, le fromage frais, sans CAS --934 CAS il y avait .titi de Gythiurn en Laconie, confondu quel quefi .is trophalien de Cythnos; mais ce fromage soi s Ltol -: t ne semble pas avoir été fort prisé, car Il figure dans un dialogue de Lucien parmi une quantité de petits présents offerts à une femme qui évalue le tout à mari drachmes au plus (environ 4 francs) 78. Le fromage de chèvre de Tromile en Achaïe était au contraire trèsestimé 79. La Béotie faisait, au temps d'Aristophane, un grand commerce de fromage indigène 80. Mais le fromage le plus célèbre chez les Grecs était celui de Sicile. Dans cette île, abondante en excellents patinages, la vie pastorale, nous l'avons vu, s'était de bonne heure drveloppée avec toutes les industries qui s'y rattachent. Dès le aie siècle avant Jésus-Christ, les fromages siciliens se vendaient partout. C'étaient de grands Ti ephaliens, analogues à nos fromages de Brie et à ces fromages de Pergame tant vantés par Galien. D ne fallait pas plus les ans que les autres les laisser vieillir ; ils se couvraient alors d'une sorte de moisissure, formant une croûte plus ou moins dure, d'où suintait une liqueur huileuse st. Autrement, c'était une perfection, la gloire de la Sicile (Iixtàiaç ai n tza'spoya`niç 8"), Pollux le cite à côté du Cythnien "u. Antiphane le rapproche des meilleures productions des différents pays de la Grèce 84, et llermippe, poête de l'ancienne comédie, contemporain de Périclès, nous apprend que ce fromage sicilien venait surtout de Syracuse 86 Agrigente en fabriquait aussi avec du lait de chèvre, « et la fumée, dit Pline 88, ajoutait à leur mérite. » Un court fragment du Naccus de Nonius 87 prouve que dans le le"" siècle avant Jésus-Christ, on exportait un fromage de Sardaigne (S'ar•dis veniens caseum). L'Italie était riche en produits de cette nature. L'Apennin, dit Pline 88, en fournit plus que les Alpes. L'Ombrie donnait celui d'ILsina ; Luna, sur les confins de la Ligurie et de l'Étrurie, celui qui portait son nom et qui ne se vendait qu'avec sa marque d'origine, signatus imagine Luneie (un croissant lunaire peut-être). C'était un grand fromage, pesant mille livres (32,700 gr.), analogue sans doute au parmesan d'aujourd'hui qui, dans le principe, venait à peu près des mêmes contrées 0". On en faisait déjà, au temps de Varron, un grand commerce fl°, Les Macri Carri ii entre Parme et Modène (:12util e), comme les rives de la Macra, entre Luna et Pise, étaient fameux par leurs troupeaux de moutons ". La Ligurie avait son fromage de Ceba (auj. Ceva), fait principalement de lait de brebis Mais les fromages fumés de Rome passaient pour supérieurs à tous les autres. Les fabriques étaient cens le Vélabre : là seulement on excellait à leur donner cet apprêt "3 , Galien seul 94 cite un fromage qui était en grande réputation à Rome chez les riches et qu'on appelait Baléç (qui a du fond, gras, substantiel?). On cite encore as gis éloge le Vestin, et en particulier celui qui se faisait dans la campagne eédicierlne ". La Sabine four nissait le Trébulan, excellent, soit légèrement cuit, soit macéré dans l'eau "". En dehors de l'Italie et dans son voisinage, les Alpes Dalmatiques envoyaient à Rome leur Docléate (de la ville de Docléa, auj. Drina), et les Centroniennes (les Bauges et la Tarantaise), leur Vatusique (de Vatusia) ~'. D'ailleurs, dans toutes les Alpes, alors comme aujourd'hui, on faisait des fromages. Strabon 98 parle de celui que les montagnards des Carniques venaient échanger dans la plaine, avec leur cire, leur poix, etc., contre les denrées dont ils avaient besoin. Trois fromages des Gaules étaient fort prisés à Rome : ceux de Nîmes, de la Lesura (Lozère) et des Gabali (le Gévaudan) ". Dom Bouquet 100 remarque que dans le pays de Nîmes il se fabrique encore des fromages de chèvre très-estimés, qu'on appelle fromages de Baux 10', et que ceux de la Lozère sont aussi l'objet d'un commerce considérable E09, Ceux de Tolosa (Toulouse) semblent avoir été peu estimés, car Martial les fait figurer sur la table d'un gueux qui veut se donner l'air d'un riche 1°8. En général on trouvait aux fromages des Gaules un goût fort qu'ils tenaient des ingrédients employés à leur préparation, et qui était cause qu'on leur préférait ceux de Rome 1Ô4 L'Espagne n'eut pas, à ce qu'il paraît, de fromages renommés : elle avait pourtant dans la petite île de Gadira (Cadix), de si bons pâturages et des troupeaux qui donnaient un lait si crémeux qu'on était obligé, pour en faire des fromages, d'y mêler beaucoup d'eau 104 IV, Sous le nom de rapoiroia, fromagerie, le fromage comptait pour une bonne part parmi les fruits de l'étable et de la bergerie 1°0. II devint donc de bonne heure et partout l'objet d'une industrie et d'un commerce considérables. Il y eut dans les villes des emplacements réservés à la vente de cette denrée, de véritables marchés au fromage (vupoir(»ot ov). Un passage de Lysias 1Ô1 fait voir qu'à Athènes chaque espèce de fromage, le fromage mou par exemple, avait, comme toutes les autres marchandises, son marché séparé. C'est aussi ce qu'on peut inférer de l'édit de Dioclétien qui classe le fromage sec parmi les salaisons, et le fromage frais parmi les fruits, à la suite du lait 108. Le fromage se vendait au poids 10". Ce commerce donnait lieu à toutes sortes de fraudes : de là l'emploi des mots qui signifient t; fabriquer du fromage » ('opôw, 'cupEtlW, cuvrupG(o, etc.), pour dire tromper, se livrer à des tripotages malhonnêtes 1i'. Comme tout ce qui pouvait donner lieu à un marché, cette denrée, presque de première nécessité, fut soumise par Dioclétien à la loi du maximum. Le prix du fromage sec y est fixé à 12 deniers la livre italique ou romaine (327gr,45, à Otr,74), et celui du fromage frais à 8 deniers (01',49)111, Le commentaire de Servius sur le vers 35 de la première églogue de Virgile ferait croire que de son temps la police des marchés était assez mal faite : car il voit dans les mots ingratae urbi un CAS 935 -CAS témoignage des avanies que les gens des villes faisaient endurer aux paysans qui y apportaient les produits de l'étable et de la bergerie. E. CouGNY.