ADLECTIO. I. C'était, sous l'Empire, une faveur spéciale et importante du prince, qui concédait à un citoyen, en dehors des règles ordinaires', le droit de prendre place au sénat parmi les personnages qui avaient été investis du consulat, de l'édilité, de la préture, de la questure (adlecti inter consulares, inter aedilicios, praetorios, tribunicios, quaestorios). Jules César donna le premier l'exemple de cette attribution du titre indépendamment de l'exercice des fonctions de consul On sait d'ailleurs que le consulat fut singulièrement amoindri sous l'Empire; le prince s'attacha par système à diminuer l'importance des anciennes magistratures républicaines, soit en diminuant leur durée, soit en divisant leurs attributions ou leurs honneurs. C'était un moyen de satisfaire en outre un plus grand nombre d'ambitions 3 [coNsuL]. Quelquefois le sénat, de concert avec le prince, accordait seulement les ornamenta ou les insignia consularia, aedilicia, etc., ce qui n'entraînait pas nécessairement le droit de siéger au sénat De même que la composition normale du sénat par l'empereur s'appelait lectio senatus, legere senatum on nomma allegere ou adsciscere, cet autre mode de recrutement de l'assemblée au moyen de l'incorporation de divers citoyens. Les empereurs agissaient en leur qualité de directeurs des moeurs, succédant à l'ancien office des censeurs 6. Quelquefois ils conféraient l'entrée au sénat avec le rang de préteur, de tribun, d'édile ou de questeur, et ceux qui étaient l'objet de cette faveur étaient dits adlecti inter praetorios, tribunicios, aedilicios, quaestorios 7. Octave déjà avait été admis au sénat avec le rang de préteur, en vertu d'un sénatus-consulte spécial 6.
Au Bas-Empire, on voit des officiers du palais admis au
sénat inter consulares, mais ces adlecti sont exemptés des charges sénatoriales 9, en tout ou en partie, notamment de certains impôts.
II. L'expression adlectio s'appliquait également à l'introduction extraordinaire de nouveaux membres dans le sein du sénat des villes municipales ou des colonies, quelquefois moyennant certaines charges pécuniaires '0. D'après la loi Julia municipalis, nommée aussi Tabula Iteracleensis 11 la lectio ordinaria senatus devait être opérée tous les cinq ans par les premiers magistrats de la ville, c'est-à-dire par les quinquennales [MUNICIPIUM]. Suivant la forme fixée parla loi du municipe ou de la colonie, ces censeurs, qui étaient au nombre de deux, de trois ou de quatre, selon les lieux, complétaient le sénat. Marquardt a très-bien prouvé contre Walter que la lectio n'appartenait pas à la curie elle-même 12 [CURIA]. Toutefois il paraît en avoir été autrement sous la République, notamment dans certaines villes de Sicile, et même d'Italie, où l'admission au sénat, cooptatio, semble avoir dépendu de l'élection par les citoyens, puis par la curie elle-même f3. Quant à l'adlectio, il résulte d'une inscription relative à l'ALBUM des décurions de Canusium 14, que la curie pouvait, avec la permission de l'empereur, accorder à certaines personnes le rang de quinquennalis, ou celui de duumvir, ou d'édile ou de questeur (adlectus inter viros, aedilicios, quaestorios), par adlectio gratuite ou non, comme celui de décurion, en dehors du nombre légal des membres du sénat. C'était la récompense de services extraordinaires 16. Depuis les Antonins, et surtout après Constantin, le système de recrutement et d'organisation des municipes étant complétement transformé, le décurionat devint héréditaire, et les vides de l'ordre se remplirent au moyen d'un recrutement parmi les simples citoyens (municipes) de la ville, et même les incolae. Cette adlectio pouvait s'opérer fatalement dans certains cas désignés par la loi, tels que ceux d'adoption par un décurion, ou de mariage avec la fille de celui-ci 16, de non-affiliation à une corporation autorisée, ou au contraire d'affiliation à certaines corporations 17. On en vint même à infliger la cooptatio à titre de peine, en raison des charges excessives qu'entraînait le décurionat; mais cette loifut abrogée par Gratien, Valentinien et Théodose 18.
III. Le mot adlectio s'appliquait encore à l'admission d'un étranger à la cité parmi les bourgeois (municipes). Plusieurs textes ou inscriptions font mention de l'adlectio inter cives 19. Ainsi Tacite mentionne l'exemple de Rutilius, exilé de Rome et admis par les habitants de Smyrne à titre de concitoyen, fait suivi d'une affiliation semblable de Vulcatius Moschus à la cité de Marseille. Le nombre des municipes pouvait encore s'accroître par l'adoption d'un homme libre et même par l'affranchissement d'un esclave, opérés par un citoyen de la ville 20; mais, dans le cas d'adlectio proprement dite, le nouveau citoyen était en quelque sorte adopté par la corporation tout entière. Le texte ne nous dit pas dans quelle forme s'opérait cette adlectio; on peut
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conjecturer qu'elle résultait d'un décret de la curie 21. La qualité d'incola, en soumettant aux charges de la cité, n'en donnait pas en général les droits ". Cependant des inscriptions mentionnent un individu adlectus in curiam Lugdunensiuon nomine incolatus 23, et Justinien semble indiquer que telle est de son temps la règle générale ".