Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article CHALCUS

CHALCI S (Xdaxaos, Xaaxoûs). Ce nom, qui signifie simplement une « pièce de bronze », était chez les Grecs celui de l'unité monétaire du cuivre 1. Le chalque se divisait généralement en sept lepta z, appelés à Athènes kollyba 3. Les multiples du chalque se nommaient dichalque, trichalque, tétrachalque et pentéchalque. On voit ici (fig. 1345) un spécimen de la première de ces dit'isi Au-dessus du quintuple de l'unité, les auteurs anciens ne fournissent plus d'appellations particulières des monnaies de bronze. II est probable qu'on les désignait parlenom de la valeur d'ar gent correspondante, et c'est ce que semblent prouver les pièces de bronze grecques qui portent, comme indication de leur valeur, les mot i,(etoéôatov, boaôç et itolol La relation de valeur du cuivre à l'argent dans le monde grec est bien plus difficile à déterminer que celle qui existait entre les deux métaux supérieurs [DBACHMA, MONETA]. Elle paraît avoir beaucoup varié suivant les pays Mais la drachme d'argent est de àsr,32 et le chalque d'environ 7 grammes ce qui révèle un rapport effectif où CIIA 1092 CFIA et les époques ; mais nous ne possédons à cet égard qu'un bien petit nombre de renseignements. Ce que l'on distingue seulement, c'est qu'il faut se défier du danger de confondre le rapport monétaire entre les unités des deux métaux avec le rapport réel de leur valeur respective. C'est l'erreur où est tombé Letronne'`, quand il a cru que le plus habituellement, chez les Grecs, le cuivre valait '~60 du même poids d'argent. La réalité est qu'après Alexandre le Grand la drachme d'argent était le plus habituellement divisée en 60 chalques ou unités de cuivre 5; mais le poids normal et régulier du chalque n'était pas celui de la drachme d'argent, et par suite le rapport de valeur :: 1 : 60 entre les deux métaux n'en résulte aucunement. A Athènes, dans les premiers temps où l'on monnaya le cuivre, vers le milieu du ve siècle av. J.-C. 6, on adopta pour ce métal un rapport monétaire :: 1 : 48 avec l'argent, lequel demeura toujours le même ; autrement dit, on décida que la drachme vaudrait 48 chalques 7. Ce qui donnait les équivalences suivantes de l'unité d'argent et de ses divisions avec la monnaie de bronze : Mais la drachme d'argent attique pesant 46T,325 [DBACUMA] et les plus anciens chalques entre 66r,50 et 5=',50, il faut en conclure que la relation de valeur des deux métaux était alors :: 1 : 72 1/38. Plus tard, le chalque athénien descendit entre 5$',50 et 46',90; c'est le plus faible écart qu'il soit possible de constater chez les Grecs dans la valeur réelle du cuivre et de l'argent; mais cette circonstance s'explique tout naturellement par l'abondance de l'argent que les mines du Laurion versaient sur le marché d'Athènes. Nous plaçons ici (fig. 1346 à 1348) la représentation des trois principales divisions mon nayées du cuivre athénien ; la plus forte est le chalque, dont on a frappé aussi des multiples, de 2, 3 et 4, la plus faible le kollybon; le dikollybon se distingue par son type, qui offre deux chouettes, au lieu d'une seule comme sur les autres pièces. Dans le monnayage d'Alexandre le Grand, l'écart de valeur des deux métaux est notablement plus fort que dans celui d'Athènes. La drachme d'argent y vaut 60 chalques, ce qui donne l'échelle d'équivalence entre les pièces d'argent et de cuivre : l'argent était au cuivre 1 96 environ. Dans l'Égypte des Lagides, le rapport monétaire est encore :: 1 : 6010 mais l'écart de valeur réelle des deux métaux est presque CHA 1093 -CHA triple. La drachme d'argQnt valait bien 60 drachmes de cuivre "; mais la première ne pesait que 30`,57 [DRACHMA], tandis que la seconde, de 90'',60 environ, n'est autre que l'ancien kite égyptien ou dixième de l'adieu des temps pharaoniques' 2. Les grosses pièces de bronze des Lagides, ayant au droit la tête de Zeus et au revers un aigle, lesquelles forment une série distincte et complète, nous offrent ainsi l'échelle de tailles' a : Nous plaçons ici (fig. 1349-1354) la représentation des six tailles composant cette série, depuis la grosse pièce, le décadrachme de cuivre équivalant à une obole d'argent, jusqu'à la plus petite, le diobole de cuivre dont il fallait 30 pour représenter la valeur d'une obole en argent et 130 pour faire une drachme de même métal. La figure 1354 représente cette dernière taille, qui constitue le diobole de cuivre. La relation de valeur des deux métaux sur laquelle ce monnayage a été organisé n'est pas :: 1 : 60, mais : 161 environ. Ici l'écart entre le cuivre et l'argent est très considérable ; mais c'est le résultat des circonstances économiques particulières à l'Égypte, où l'argent fut toujours relativement le métal le plus rare" et où la circulation intérieure continuait sous les Lagides, comme sous les Pharaons, à se faire presque uniquement en cuivre. De même qu'à Athènes, nous nous trouvons en présence d'un rapport exceptionnel, mais en sens inverse. S'il fallait déterminer approximativement une moyenne générale pour la relation de valeur la plus habituelle entre les deux métaux dans le monde grec, ce serait aux chiffres :: 4 : 120 et :: 1 : 100 que nous nous arrêterions. Ce sont ceux qui sont le plus vraisemblables à la fois comme rapport commercial et comme rapport monétaire dans les pays qui, pendant la seconde moitié du ve siècle et le cours du iv°, taillaient leur cuivre sur le pied de leur drachme d'argent 25. Nous arrivons à constater d'une manière presque certaine le rapport approximatif, en chiffres ronds, :: 1. : 105 dans la numismatique d'Olbia ou Olbiopolis sur l'Hypanis, à l'époque qui vient d'être indiquée. La circulation monétaire des pays situés au fond du Pont-Euxin, sur la côte de Scythie et sur le Bosphore Cimmérien, était dans des conditions assez particulières, qui restèrent les mêmes jusqu'à la fin des temps romains [cvziezxt; DRAcxMA; MONETA]. L'or y était d'une abondance extraordinaire, et par suite à un cours plus bas que dans les autres pays grecs; on n'y monnayait guère, par suite, que l'or et le cuivre. Les cités de ces pays n'ont frappé que très peu de monnaie d'argent, et cela, paraît-il, seulement du milieu du 1v° au milieu du In° siècle av. J.-C. Mais comme les gens de la Grèce tiraient de ces pays, par un commerce très actif, les blés nécessaires à leur consommation pour compenser l'insuffisance de leurs récoltes, il y entrait, en échange des blés, beaucoup d'argent monnayé de Grèce. Il en résultait que, si l'argent importé sous forme d'espèces étrangères, avait un cours relativement élevé par rapport à l'or, principal élément du numéraire circulant dans la contrée, il n'y avait pas un écart anormal de valeur entre cet argent et le cuivre formant la monnaie divisionnaire indigène. Olbia, fondation des Milésiens et siège d'un commerce des plus florissants, frappa de bonne heure des monnaies d'électrum et d'or, comme le faisaient les cités grecques d'Asie Mineure à l'époque de sa fondation [CROESEI STATERES; ELECTRUM; MONETA]. A côté de ces pièces qu'elle fabriquait elle-même, pour représenter des valeurs moindres, elle admettait dans sa circulation intérieure certaines sortes de monnaies d'argent apportées de la Grèce, auxquelles elle donnait la préférence sur les autres à cause de leur bonne qualité de métal et du cours de faveur qu'elles trouvaient partout dans le commerce international. En outre, dans le cours du v° siècle, les habitants d'Olbia éprouvèrent le besoin de se créer une monnaie inférieure. C'est en cuivre qu'ils la fabriquèrent, en cuivre circulant pour sa valeur métallique intrinsèque. Et comme ils voulurent représenter avec cette monnaie des valeurs supérieures à celles à l'expression desquelles les Grecs employaient la monnaie de cuivre, ils en firent un véritable aes grave, tout à fait analogue à celui des peuples italiques [As]. Ils ne faisaient évidemment par là que donner la forme monétaire à une circulation de cuivre en lingots, usitée antérieurement chez eux pour représenter les valeurs minimes, à côté de la monnaie d'or indigène et de la monnaie d'argent importée de la Grèce. On peut même voir un premier essai de donner une forme à cette circulation de lingots de cuivre, essai tenté avant qu'on se fût décidé à adopter celle de la monnaie lenticulaire fondue à la mode italique, dans une singulière classe de monuments propre à Olbia. Ce sont de petits lingots de bronze, dont les poids se rapprochent de ceux des pièces de laes grave de la même ville. Ils ont la forme d'un poisson de l'espèce du sterlet; un des côtés est modelé en relief, montrant l'ceil et la nageoire branchiale ; l'autre est plat et porte en relief un nom de magistrat plus ou moins abrégé. On en a de trois magistrats, dont l'un, Arichos, est celui dont le nom se lit aussi sur les plus anciennes pièces d'aes grave proprement monétaires. Celles-ci ont pour type le masque de la Gorgone et la roue, copiés des anciens statères d'argent euboïques tisTATERES EUBOICI], puis on y voit apparaître le type de la mouette saisissant le poisson sterlet, type imité des drachmes de Sinope et qui, dans la période historique suivante, devint le plus habituel sur les monnaies de la ville d'Olbia. On en a trois tailles, d'environ 228 gr., '76 gr., 57 gr., et 38 gr. ". La plus forte porte quelquefois le chiffre 24, indiquant qu'elle se compose de 24 unités, dont les autres comprennent 8, 6 et 4. I1 est manifeste que ceci se rapporte au système athénien de division de la drachme en 48 chalques, d'où ces grosses pièces de cuivre sont destinées à remplacer les petites pièces d'are CHA 1091 CITA gent divisionnaires des autres villes grecques, triobole, obole, tritémorion et hémiobole (1/2f 1/6, '/8 et'/12 de la drachme), et à représenter les mêmes valeurs. A Carthage, nous rencontrons des pièces de cuivre de très grosse dimension pesant de 120 à 130 gr., au-dessous une taille de 26 à 18 gr., enfin une dernière taille, de 4 gr, 50 à 6 gr, 50 environ, marquée d'un globule qui semble la noter comme l'unité monétaire du cuivre ". La division de la drachme d'argent en 60 chalques était celle qui prédominait partout à l'époque où ces monnaies ont été fabriquées. Si on l'admet ici, la plus forte taille correspondra au diobole d'argent ou'/, de la drachme, et la seconde sera un tétrachalque ou'/,, de la drachme. Celle qui était usitée à Carthage était de 3 gr. 540; par conséquent, un chalque de 6 gr. 50 environ, représentant'/ 6o de cette drachme, donnerait la relation :: 1 : 107. Mais ceci n'est encore que très conjectural. Au reste, la monnai de cuivre n'a jamais été employée chez les Grecs que comme une monnaie d'appoint, dont l'usage ne s'introduisit que tardivement chez eux. Il en résulte qu'ils n'attachaient pour ainsi dire aucune importance à la coupe et au poids des pièces de ce métal. De là l'irrégularité du poids des monnaies de cuivre, et cela relativement de fort bonne heure 19. Par exemple, les chalques d'Alexandre le Grand, dont le poids normal et théorique paraît avoir été de 7 grammes environ, varient de 7gr,40 à 5'',60, dans les exemplaires bien conservés. De là aussi, comme chez la plupart des peuples modernes, l'habitude de faire des espèces de cuivre une monnaie dont la valeur réelle, légalement déterminée, ne correspondait pas à sa valeur nominale. Nulle part, après Alexandre, si ce n'est en Égypte et à Carthage, c'est-àdire dans deux pays où la circulation métallique se présentait avec des conditions toutes spéciales, autres que dans le monde proprement grec, les monnaies de cuivre n'ont un poids de métal équivalant au cours qui leur était donné par la loi;c'est un numéraire conventionnel et non plus représentatif. Nous en avons pour preuves certaines pièces qui, avec un faible poids de cuivre, portent l'indication d'une valeur divisionnaire de la monnaie d'argent attribuée à ces espèces d'une façon purement fiduciaire, celles, par exemple, où on lit (mollo' à Métaponte ", d'Achaïe22, oeoAoz xlnN à Chios26, AIAPAxMON à Rhodes n. Mais il ne faut pas confondre avec ces pièces la petite monnaie de cuivre de Byzance avec l'inscription APAxIA 25 (fig.1355). Celle-ci est antérieure à Alexandre, c'est-à-dire d'un temps oùle de cuivre de Bvsonce. numéraire de cuivre n'était pas encore devenu purement conventionnel, et elle pèse juste la moitié du sicle médique d'argent [SICLUs], laquelle moitié, dans ce dernier métal, était qualifiée de drachme. Cette monnaie se rattache donc à un système particulier où l'unité de cuivre était taillée sur le même pied que l'unité d'argent et portait de même le nom de drachme. La numismatique de Byzance montre que ce système y demeura toujours en vigueur, aussi bien après qu'avant Alexandre 26. Mais nous n'avons aucune donnée pour apprécier quel pouvait être le rapport de valeur légale et de circulation entre la drachme d'argent et la drachme de cuivre. Nous avons vu tout à l'heure que ce dernier terme, SpxxµA zu'ixoû, était en usage dans l'Égypte des Lagides pour désigner une pièce de bronze valant t/80 de la drachme d'argent, mais d'un poids tout à fait différent. Une monnaie de cuivre d'Abydos de Troade, de la fin du v' siècle, porte la marque de la valeur de trois chaiques, XAAK III 27. Elle pèse juste le même poids que trois oboles de la drachme d'argent contemporaine de la même ville. Ici donc le chalque se présente à nous, absolument différent de ce qu'il est dans les autres villes grecques, taillé sur le pied de l'obole d'argent et représentant une valeur qui se rapproche de ce qu'était ailleurs celle du lepton ou du kollybon, qui semble même y avoir été inférieure. Dans l'article LITRA nous exposerons le système particulier des monnaies des Grecs de la Sicile et de l'Italie méridionale, le rôle qui y était attribué aux espèces de cuivre et leurs dénominations. F. LENOBMANT.