Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article CHRYSOCOLLA

CHRYSOCOLLA (Xeusoza)\a), Chrysocolle. Les anciens donnaient ce none à une substance minérale verte dont ils se servaient pour souder l'or et pour préparer diverses nuances de vert 1. Cette substance, qui devait son CHR 1134 CHR nom au premier des usages que nous venons de signaler (fpusé;, zoaaav) 5, est très probablement le carbonate de cuivre bibasique monohydraté, autrement dit la rnalachzte3 Il en fut de ce corps comme de beaucoup d'autres dans l'antiquité; on ne se rendit nullement compte de sa composition, et ses caractères physiques, ou les formes accidentelles sous lesquelles il se présentait, le firent confondre avec d'autres sels de cuivre, notamment avec l'aeruio, nom sous lequel on comprenait à la fois l'hydrocarbonate de cuivre et le vert-de-gris (acétate bibasique) `. Grâce à sa couleur, à son aspect brillant, il fut assimilé à l'émeraude (ap.«payôaç), avec laquelle il n'a aucun rapport de composition. L'émeraude de quatre coudées de longueur, sur trois de largeur, qui, si nous en croyons des traditions rapportées par Théophraste, avait été envoyée en présent à un roi d'Égypte par un roi de Babylone, était très probablement un beau fragment de malachite; on peut en dire autant des quatre émeraudes dont se composait l'obélisque haut de quarante coudées, qui ornait un temple de Zeus. Telle paraît avoir été l'opinion de Théophraste lui-mémo ; car il n'a pas voulu assumer la responsabilité des assertions qu'il rapportait; il a même élevé des doutes au sujet d'une stèle d'émeraude qui se trouvait, paraît-il, dans le temple d'Héraclès à Tyr'. Du reste, au temps d'Aristote et de Théophraste, les morceaux de malachite un peu considérables, trouvés, assez rarement d'ailleurs, dans les mines de Chypre et de Demonesos (He de la Propontide, possession des Chalcédoniens), étaient considérés comme des pierres précieuses, et estimés presque autant que l'or-. On les appelait fausses émeraudes et l'on en faisait des cachets 7. Quelques personnes avaient à peu près reconnu l'identité de la fausse émeraude avec la chrysocolle, en partant de cette observation que les plus petits fragments de fausse émeraude étaient utilisés pour la soudure de For, usage auquel l'émeraude véritable est absolument impropre$. Les anciens ont décrit deux espèces de chrysocolle, celle qui était fabriquée artificiellement, et celle que Pon trouvait dans la nature Cette dernière se tirait des mines d'or, d'argent et de plomb; mais c'était des'rnines de cuivre ou de leur voisinage que provenait la chrysocolle la plus estimée On donnait la préférence à celle d'Arménie, qui était de couleur vert-poireau foncée ; eu second rang venait celle de Macédoine, enfin celle de Chypre". Alors, comme de nos jours, cette substance se rencontrait tantôt pure, et sous l'aspect d'un sable (otov «;zutou), tantôt associée à l'azurite (nuavéç), ce qui est très fréquent t2. Préparation. La chrysocolle native ne pouvait servir à l'état brut. Il était nécessaire de la pulvériser si elle était pure, et, si elle ne l'était pas, il fallait la séparer des éléments auxquels elle était unie. Pour arriver à ce résultat, après l'avoir broyée, on la mettait avec de l'eau dans un mortier, contre les parois duquel on la frottait avec la main pour la laver; il se formait alors au fond du mortier un dépôt que l'on tamisait. Cette opération se recommençait autant de fois qu'il était nécessaire pour obtenir la chrysocolle à l'état de pureté ; ensuite la poudre qui résultait de cette préparation était séchée au soleil. On soumettait encore la chrysocolle au grillage 13 Chrysocolle artificielle. Il y avait quatre sortes de chrysocolle artificielle. La première se produisait dans les mines mêmes, en introduisant dans les filons une faible quantité d'eau, qui y passait l'hiver et finissait par disparaître aux mois de juin et de juillet, en laissant sur toutes les parties du minerai atteintes par l'humidité des efflorescences vertes d'hydrocarbonate de cuivre que l'on recueillait. Une autre sorte se faisait en mélangeant la teinture jaune, fournie par le Reseda luteola, avec la chrysocolle naturelle réduite en poudre fine et criblée avec soin; les peintres appelaient celle-ci orobitis, la troisième n'était qu'un mélange de la teinture du Reseda luteola avec du bleu (caeruleum), probablement l'azurite 16. Ces deux espèces de chrysocolle étaient employées en peinture, [cou-Atm]. La quatrième sorte était la chrysocolle des orfèvres dont on trouve deux recettes dans les auteurs anciens. La première consistait à agiter de l'urine d'enfant dans un mortier de cuivre rouge avec un pilon de même métal. Cette préparation devait se faire en été ou au moins dans un milieu chaud 13 D'après la seconde recette il faut mêler avec l'urine d'enfant de la malachite ou chrysocolle, de Paerugo de chypre et du nitre ; Pline appelle ce mélange santernatt. Pour la soudure de l'or, voy. CAELATURA, p. 793. La chrysocolle naturelle et celle des orfèvres étaient employées en médecine; elles entraient dans la composition de collyres, d'emplâtres siccatifs ou émollients ; et il y a lieu de croire que les médecins ont employé la chrysocolle naturelle comme vomitif17. Enfin on a donné le nom de chrysocolle à une sorte de mets composé de graine de lin et de mielf6. ALFRED JACOB. CIIRYSOGRAPIiIA (Xpuaoypa lis). Dessin ou écriture en or. Dans l'antiquité on a écrit et dessiné en or (ou en argent) principalement sur métal, sur étoffe et sur parchemin. Les procédés ont dû nécessairement varier et être appropriés à chaque matière ; toutefois les mêmes expressions, par lesquelles on trouve désignés les figures, lettres ou ornements ainsi tracés, sur quelque fond qu'ils fussent appliqués (ypuaaypacpla, fpbata ypduµaia, X.Funoypatpeiç h.ééètç, scuta chrysogra fata, etc.» indiquent entre tous une CHR 1135 _CIIR ressemblance, qui consiste, croyons-nous, dans l'imitation des effets de la peinture sur une surface unie, opposés ainsi aux ornements qui se détachent sur le fond, en reliefs plus ou moins saillants, comme dans les ouvrages de la toreutique [CAELATCxn, p. 801 et s., 80G et s.]. 1. Le goût pour le mélange des tons différents des métaux s'est manifesté dès une très haute antiquité, et il semble qu'on ait recherché l'effet produit par leur contraste partout où l'on s'est occupé de les travailler. Les peuples de l'Orient, qui y furent de tous temps si habiles, en ont donné sans doute à l'Europe les premiers modèles. Nous pouvons le conjecturer à coup sûr, non seulement parce que c'est de là que des oeuvres de métal d'une exécution admirable sont venues en Grèce, comme on l'a dit ailleurs [CAELATURA, p. 781 et s.], aune époque où personne n'y était encore capable de les imiter, mais aussi parce que nous trouvons dans les descriptions homériques la preuve que l'on se plaisait dès lors au rapprochement des métaux diversement colorés. 11 y est dit fréquemment que l'or, l'argent, le cuivre, l'étain le fer qualifié tour à tour de gris ou de violet 3, l'acier d'un bleu foncé", ont été employés ensemble à la confection d'armes, de chars, de parures, ou à la décoration des palais. Nous n'insisterons pas sur ces passages, parce qu'on ne peut deviner, d'après les termes dont s'est servi le poète, si les procédés au moyen desquels les métaux se trouvaient unis étaient de ceux que nous considérons comme propres à la chrysographia ou comme pontant s'y rattacher. Dans les riches trésors découverts a Mycènes, il ne s'en est rencontré aucun exemple,bien que larocherche des colorations de métaux différents y soit manifeste : beaucoup d'objets sont partie d'or et partie d'argent unvase d'argent est orné d'une bande d'étoiles d'or exécutées au repoussée. C'est à peine si dans l'àge qui précède la période classique de l'art grec on peut citer quelques bronzes ornés de filets d'or incrustés 7. Mais les exemples qui manquent alors à peu près entièrement sur le sol même de la Grèce, nous les trouvons déjà dans des productions extrêmement anciennes des arts de l'Égypte et de l'Asie, dont quelques-unes nous ont été conservées. Les portes du Memnonium étaient garnies de bas-reliefs de « cuivre d'Asie n avec des incrustations d'or 3. Tout le monde a pu voir à l'Exposition universelle de 1867 des gonds des portes du temple de Tanis, en bronze orné de fines incrustations d'argent, et surtout le magnifique poignard trouvé dans le tombeau de la reine Aah Hotep, mère d'Ahmès (Amosis), le fondateur de la xvlne dynastie égyptienne (1703 av. 3.-C.) : le tranchant de l'arme en est d'or entourant une lame centrale, faite d'un bronze noirâtre, sur lequel se détachent des inscriptions et des figures incrustées Dans l'Assyrie, dans l'Inde, et on peut dire dans tout l'Orient, les diverses sortes d'incrustation paraissent avoir été pratiquées dès la plus haute antiquité, aussi bien que le procédé qui consiste à remplir des traits ou des interstices creusés dans le métal d'une substance noire ou colorée Philostrate rapporte dans la Vie d'Apolloniusu que le philosophe, après avoir traversé l'Indus, arrivant à Taxila, capitale de l'ancien royaume de Porus, visita, aux portes de la ville, un temple dans l'intérieur duquel étaient des tables de bronze où « les hauts faits de Porus et d'Alexandre étaient représentés en orichalque, en argent, en or, en bronze noir; on y voyait des éléphants, des chevaux, des soldats avec leurs casques, leurs lances, leurs javelots, leurs épées touten fer : telle une peinture célèbre où la main d'un Zeuxis, d'un Polygnote ou d'un Euphranor se serait plu à rendre les effets de l'ombre et de la lumière, l'air, les plans saillants et rentrants, tant les matières ici mises en oeuvre avaient la transparence et le fondu des couleurs, » Ces tableaux avaient été exécutés postérieurement à la mort du conquérant macédonien; mais ce qui est dit de leur perfection atteste une expérience consommée dans un art depuis longtemps pratiqué. Il n'est donc guère douteux que la Grèce ait connu dès un temps fort ancien, au moins par des modèles étrangers, l'art de tracer des ornements sur des ouvrages de métal par quelques-uns des procédés que nous faisons rentrer sous le titre de cet article; mais on ne sauraitpréciserl'époque à laquelle elle commença à les pratiquer, ni même affirmer qu'ils lui aient été jamais également familiers. Quand Pline fait la remarque 13 qu'en Égypte on e donné une teinture à l'argent, qu'on l'a peint au lieu de le ciseler, il sem ble indiquer à la fois un goût différent de celui des Grecs et des Romains et une méthode qui n'était pas en usage chez eux de son temps. Toutefois, ce qu'il dit s'ap plique très bien à des ouvrages que nous possédons encore, qui se rattachent à l'art égyptien par le choix des figures dont ils sont ornés, mais ne peuvent avoir été fabriqués que dans la période de l'art gréco-romain où ces types étaient devenus un objet d'imitation, La figure 1431 donne le dessin d'un vase trouvé en Hongrie en 1831 , actuelle ment conservé au musée de Pesth 93: Il est en cuivre CHR 1136 CHR plaqué d'argent; sur l'argent a été uniformément étendue une couverte d'un brun rouge sombre qui sert de fond aux figures et aux ornements dessinés au moyen de fils d'or et de petites feuilles d'argent plaquées sur les traits gravés dans le métal avant qu'iI ne reçût la couverte : c'est donc là un travail de damasquinure. Le pied du vase et son col, dont les ornements sont du style grec le plus élégant, ont été trouvés dans le même endroit, mais séparément et adaptés au corps du vase auquel ils paraissaient se rapporter. Le monument célèbre du Musée de Turin, connu sous le nom de table Isiaque, qui fut retrouvé chez un serrurier après le sac de Rome en 1527, est un ouvrage du même genre 14. Il doit son nom aux figures d'Isis et d'autres divinités égyptiennes qui y sont représentées. C'est une plaque de cuivre dans laquelle ont été gravés les contours des figures, ensuite incrustées en argent; mais le cuivre n'a pas été argenté préalablement et on n'y aperçoit aucune trace d'un vernis semblableà celui qui colore le fond du vase du musée dePesth. Il semble bien que cette teinture ou cette peinture de l'argent, ainsi que Pline l'appelle, n'ait guère été effectivement en usage en dehors de l'Égypte ; peut-être faut-il dire plus exactement, de l'Orient, car il est permis de croire que les méthodes analogues qu'on y trouve encore pratiquées de nos jours y furent connues dès l'antiquité : les merveilles qu'on raconte des portes du temple de Taxila en laissent supposer l'emploi. Rien de semblable en Occident. La prédilection, si marquée dans les poèmes d'Homère, pour l'association des métaux de couleurs différentes ne se retrouve pas en Grèce dans les œuvres des temps postérieurs. Il est vrai que dans celles de la statuaire chryséléphantine [5CULPTURA], où se conservèrent longtemps, en se transformant, le goût et les traditions primitives, non seulement l'or et l'ivoire, mais d'autres matières encore combinaient leurs nuances. Mais quelle part y avaient les procédés de la chrysographia ? Est-ce à l'incrustation's ou, comme l'admettent aujourd'hui plusieurs savants u, est-ce à l'émaillerie que Phidias avait eu recours pour couvrir de fleurs et de figures animées le manteau d'or du Jupiter d'Olympie, pour colorer la couronne d'olivier dont sa tête était ceinte et son sceptre diapré, dit Pausanias, des couleurs de tous les métaux'-'? Les Grecs, moins enclins que les Orientaux à chercher la beauté dans la richesse et l'éclat des couleurs, et sensibles avant tout à la pureté de la forme, ont usé avec plus de réserve, mais non quelquefois sans hardiesse, dans leur statuaire, des effets qui résultent de pareils contrastes. On possède des statues et des bustes en bronze dont certaines parties se détachent en un métal plus brillant : ce sont les yeux, le plus souvent, qui sont en ar gent incrusté 18; dans quelques-unes même les ongles des pieds et des mains 19; une tête de jeune homme, au Musée deMunich,a les lèvres dorées20; une statue d'Apollon, au Louvre 21, a les lèvres, les sourcils, le bout des seins de cuivre rouge. Ces exemples ne sont pas les seuls. Plus ordinairement ce sont les vêtements ou les accessoires qui ont été rehaussés et agrémentés par l'incrustation dans le bronze de dessins d'un métal différent. C'est à ces dessins que convient plus exactement le nom de chrysographia. Ainsi la tunique et la chaussure du Camille du Capitole (Yoy. p. 859, fig. 1051) conservent la trace de légères broderies d'argent 22. Le Musée britannique possède une petite statue en bronze, d'un Romain, dont la cuirasse est couverte d'ornements en argent incrusté. Une autre figure semblable, trouvée à Pompéi, a une cuirasse pareillement décorée d'incrustations d'or 43. Nous n'essayerons pas d'énumérerici les objets mobiliers encore conservés dans les collections 24, vases, coffrets, candélabres, bases de statuettes, armes, ustensiles et instruments de toute espèce décorés de dessins ainsi tracés en or, en argent et quelquefois au moyen des deux métaux réunis; mais nous en donnerons au moins un exemple. C'est un siège à deux places [BISELLIUSI], qui a pu être reconstruit à l'aide des fragments retrouvés, il y a peu d'années, dans les Abruzzes, et qui est aujourd'hui à Rome, au musée du Capitole15. Tout le devant du siège aussi bien que des appuis latéraux est couvert d'ornements et de sujets bachiques, tracés au moyen de filets et de lamelles d'argent incrustés dans le bronze. La figure 1432, qui en reproduit un morceau , donnera l'idée de ce genre d'ornementation, qui paraît avoir été en faveur dans l'Italie méridionale vers la fin de la Ré publique et le com-.Îi mencement de l'Empire : les découver tes de Pompéi en ont fourni plus d'un exemple. On y reconnaît les procédés qui, plus tard, employés dans les ouvrages de Damas, ont fait donner à ce travail le nom de damasquinure. L'argent ou l'or refoulé par le martelage ou par une forte pression dans le cuivre, où le dessin a été préalablement creusé, est plus fortement encore fixé dans l'intaille par le rabat de ce métal sur les contours au moment où il est poli, après 1 incrustation ; ou bien la feuille dont on a recouvert le cuivre est maintenue par de petits rivets dont on retrouve quelquefois des restes". Ce n'est pas au bronze seulement, mais aussi au fer, que l'or et l'argent ont été appliqués ainsi. Nous en donnons un exemple (fig. l't33) : c'est le plateau supérieur d'un petit vase découvert près de Mayence : les incrustations d'argent sont d'un travail délicat 27. Dans les ouvra CHR 19.37 CI1R nous restent il n'est pas toujours aisé de discerner si, pour obtenir l'adhérence parfaite sur un métal plus dur que le cuivre, les anciens gravaient le fond de l'intaille, à la manière des damasquineurs orientaux, ou s'ils couvraient toute la surface de l'objet qu'ils voulaient orner et la burinaient ensuite, de manière que le métal brillant ne demeurât que sur les parties épargnées par l'outil. Ce dernier procédé est surtout visible dans des objets de basse époque et appartenant à l'industrie des Barbares du nord qui envahirent l'empire au ve siècle 28. Le tenaient-ils des artistes romains, ou l'avaient-ils apporté eux-mêmes d'Orient, comme des études nouvelles sur les voies suivies par l'industrie du métal portent quelques personnes à le croire aujourd'hui? Cela reste encore incertain. Le fer lui-même a été quelquefois incrusté dans le bronze. Nous en trouvons des exemples, non seulement chez des populations placées en dehors du monde romain et à une époque où le fer pouvait être considéré par elles comme un métal précieux", mais chez les Romains euxmêmes au premier siècle de l'empire. C'est ainsi que Pétrone nous montre 30 Trimalchion ayant à son doigt un anneau d'or constellé d'étoiles de fer. Auguste possédait une figurine de bronze portant une inscription dont les lettres étaient de ce métal 31. Plus fréquemment nous voyons des inscriptions tracées sur le bronze en lettres d'argent et sur l'argent en lettres d'or. La statue en bronze d'Apollon, par Myron, que Verrès osa soustraire au temple d'Esculape, àAgrigente, portait sur la cuisse le nom de l'artiste en caractères d'argent 32. C'est aussi en lettres d'ar II. gent que sont tracées au pointillé sur des poids en bronze la marque de leur valeur. Un décret du Sénat conférant à César dictateur des honneurs extraordinaires fut gravé en lettres d'or sur des colonnes d'argent''.Des pièces d'argenterie sur lesquelles des noms ou des inscriptions, ou même des vers entiers étaient ainsi gravés, sont plusieurs fois citées et nous en possédons encore quelques-unes" Sur le bouclier que Démosthène jeta en se sauvant à la bataille de Chéronée, on lisait selon Pythias, cité par Plutarque, les mots Ayab?i 'FG y i~ en lettres d'or 26. Sur certaines enseignes du corps d'élite qu'Aurélien passa en revue, suivant le récit de Dexippe 37, au delà du Danube, après la défaite des Jutunghes, des catalogues des légions étaient écrits de la même manière. Dans l'histoire Augusteos, parmi les objets donnés en cadeau à Claude le Gothique par l'empereur Valérien, figurent deux boucliers a c/v•ysografuta as, ce qui ne peut signifier des boucliers dorés, car le mot qui veut dire doré (iuauratus) a été employé à plusieurs reprises dans la même phrase à propos d'autres objets, mais plus vraisemblablement des boucliers enrichis d'un travail d'incrustation semblable à celui que l'on vient de voir appliqué à beaucoup d'objets divers. Iln'est pas douteux qu'il l'ait été à d'autres armes. 11 y avait au bas empire, dans les ateliers impériaux, des ouvriers dont c'était la spécialité. On les appelait barbaiicarii a9. Ce nom indique assez quel était le caractère de leurs ouvrages, emprunté sans aucun doute au luxe des Asiatiques, que les Grecs et les Romains appelaient Barbares [BARBARI]. Il est à remarquer qu'on donnait aussi le nom de barbaricarii à une classe de brodeurs et celui de barbaricutn o,sns aux broderies qu'ils exécutaient 40. Les barbaricarii qui travaillaient à l'ornement des armes imitaient donc sur le métal les dessins des étoffes brodées que toute l'antiquité a connues [vESTtS, TAPES, PLUaiARn]. On rencontre appliquées aux broderies et aux incrustations des désignations communes, telles que Sta; curios, terme général, appliqué d'ailleurs à des objets de toutes matières rehaussés d'ornements d'or r1, tels que pièces d'orfèvrerie, verres, meubles, vêtements et par conséquent, aux dessins tracés en or sur métal aussi bien qu'aux tissus qui pouvaient leur servir de modèles. Ces dessins sont indiqués aussi par le mot 'Euaoyta fsig, appliqué à une chaussure, où étaient imitées des broderies d'or, d'une statue colossale de Dionysos, dans la description de la pompe de Ptolémée 42, et ailleurs, la chaussure que portait Démétrius Poliorcète en Macédoine 43. La même recherche qui avait conduit à tracer des dessins sur le bronze ou sur d'autres matières au moyen d'une incrustation ou d'un placage d'or ou d'argent, devait donner l'idée d'obtenir des contrastes analogues par l'introduction de substances différentes, telles que l'émail [CAELATURA, p. 799], le verre ou les pâtes colorées imitant i43 Cli ïI -1138 ®CE1R l'éclat des gemmes, dont il sera parlé ailleurs [GEnrslAU, vsvaoa], enfin par la niellure, dont nous dirons ici quelques mots, parce qu'elle se rattache à la damasquinure, Elle en est en quelque sorte la contre-partie, puisqu'elle consiste en un dessin noir se détachant sur un fond de métal plus brillant. La composition dont on se sert à cet effet est un mélange fusible de cuivre, d'argent, de plomb, de soufre, et ordinairement de borax. Ce mélange est en poudre; on en remplit Ies traits gravés on les creux du métal qu'on veut décorer on l'expose à un degré de chaleur suffisant pour en obtenir la fusion et on polit la surface après qu'il est refroidi"; au contraire, la damasquinure se bat à froid dans l'intaille et y adhère par le refoulement. Il existe encore des exemples fort anciens de nielles, tant grecs que romains. Un plat d'argent trouvé en Crimée, actuellement au musée de l'Ermitage, que l'on fait remonter au m° siècle avant J.-C., porte à son centre un monogramme entouré d'une couronne de laurier et a pour bordure une couronne semblable ; le chiffre et les couronnes sont niellés45. On voit des restes de niellure sur un des plus beaux vases du trésor de Bertbouvilie, conservé au cabinet des antiques de la Bibliothèque nationale à Paris 49. Tout le fond sur lequel se détache le relief doré des figures est moucheté de points noirs exécutés par ce procédé, et le trône sur lequel est assise une de ces figures est orné de compartiments disposés en échiquier, alternativement dorés et niellés. Il se trouve aussi quelques objets niellés parmi ceux qui composent le trésor trouvé en 4868 à Hildesheim, en Hanovre, actuellement au musée de Berlin 47. Sur d'autres encore, la niellure a servi à tracer des chiffres et des inscriptions". Nousreproduisons (fig. 1434) deux plaques de ceinturon en bronze fondu, ornées de dessins gravés et niellés, de travail romain. Elles ont été découvertes en Suisse, ainsi que trois autres à peu près semblables, à Windisch, l'ancienne Vindonissabs. A mesure que l'on descend vers un temps plus rapproché de nous, les exemples sont plus abondants. Les tombeaux de la Gaule en ont offert, aussi bien que les restes des stations militaires des Romains, dans les provinces septentrionales de l'empire; on en rencontre aussi chez les peuples barbaresqui leur succédèrent. D'autre part la niellure fut souvent employée par les artistes byzantins, comme on le voit par les descriptions des écrivains du bas empire, qui désignent ces procédés II. Les tissus ornés de dessins brodés en or ou mêlés de fils d'or introduits dans la trame ont été très répandus dans l'antiquité, et les expressions par lesquelles on les trouve quelquefois désignées permettent de rattacher les ouvrages ainsi exécutés à ceux que nous avons déjà rangés sous le nom de chrysographia; mais nous renvoyons les explications nécessaires à celles qui se rapportent à la fabrication des tissus mêmes, dont ils ne doivent pas être séparés. E. S. III. Il est peu probable en soi qu'on ait jamais écrit, sinon peut-être dans quelque cas exceptionnel, avec une encre aussi précieuse que l'encre d'or sur une matière offrant si peu de garanties de durée que le papier de papyrus; et, en fait, il n'en a pas été cité d'exemple précis, que nous sachions. Les premiers volumes à lettres d'or furent en peaux d'animaux préparées comme on savait le faire avant l'invention du parchemin. La tradition rapporte que, lorsque le grand prêtre Éléazar envoya à Ptolémée Philadelphe le texte des livres sacrés des Hébreux, les Septante déroulèrent devant le roi émerveillé des volumes faits de peaux d'une remarquable finesse, collées au bout l'une de l'autre avec une habileté telle que la soudure était invisible, et qui étaient écrits en caractères d'or41, Il existait dans le trésor d'un temple de Sicyone au n° siècle avant J.-C., au rapport de Polémon le Périégète, un livre écrit en lettres d'or et qu'avait consacré la poétesse Aristomaché, d'Erythrée, à la suite d'une victoire remportée par elle aux jeux Isthmiques". Ce livre devait être un livre vrai, soit en cuir, soit en parchemin, suivant l'époque où aura vécu Aristomaché, et non pas une offrande en or imitant la forme d'un livre. Il n'était pas bien rare, en Grèce, de consacrer des livres dans les temples : ainsi, par exemple, avait fait Héraclite pour son livre Sur la nature, qui fut conservé longtemps dans le temple de Diane à Éphèse. Gorgon, cité par Athénée comme auteur d'un ouvrage sur les Fêtes de Rhodes, écrivain d'époque d'ailleurs indéterminée, dit que, dans le temple d'Athéné à Lindos, la septième Olympique de Pindare était consacrée en lettres d'or43. A rapprocher ce texte des exemples précédents, il n'est guère douteux que ce ne fût aussi sous forme de livre à caractères d'or. L'empereur Néron ambitionna pour ses oeuvres le même honneur qui avait été fait à l'ode du grand lyrique grec. Au témoignage de Suétone ", CIIR -1139 CFIR une partie de ses poésies, qui avait obtenu un grand succès lors de la lecture au théâtre, fut dédiée eu lettres d'or à Jupiter Capitolin. Au second siècle de notre ère, la chrysographie des manuscrits semble être devenue déjà une industrie assez répandue. Le jurisconsulte Gaïus u, discutant sur des points de droit qui se rattachent à l'usucapion et à la possession de bonne foi, imagine l'espèce suivante : quelqu'un ayant écrit en lettres d'or sur du papier ou parchemin appartenant à autrui. C'est alors que Charax, un de ces philosophes qui prétendaient ramener les antiques légendes aux proportions des événements de la vie journalière, expliquait 56 que la « toison d'or» n'était autre chose qu'un livre en peau dans lequel se trouvait copiée une « méthode pour écrire en or » : d'où l'on peut tirer, sans hésiter, la conclusion que, du temps de Charax, de telles méthodes avaient cours dans le monde gréco-romain. Une mode dont l'origine remonte sans doute beaucoup plus haut, commença à faire fureur au troisième siècle. On employait beaucoup, dès les temps antérieurs, le brocart d'or sur fond d'étoffe couleur pourpre J7. Un luxe très aristocratique consista ensuite à posséder des manuscrits en parchemin teint en pourpre, à écriture d'or et d'argent. Maximin enfant, le même qui devint quelques années plus tard empereur et est connu sous le nom de Maximin le jeune, reçut en cadeau d'une de ses tantes, lorsqu'on lui choisit un précepteur, les oeuvres complètes d'Homère en or sur parchemin pourpre t6.Ce ne fut point la seule fois qu'on fit pour les poèmes homériques les frais de dispendieuses transcriptions. Au dire de l'historien byzantin Malchos, cité par Zonaras u, il périt dans l'incendie qui dévora sous l'empereur Basilisque (474477) la grande bibliothèque de Constantinople, un manuscrit d'une sorte bien singulière : c'était, dit-on, un intestin de dragon, de cent vingt pieds de long, sur lequel étaient écrites en or l'Iliade et l'Odyssée entières. Ce manuscrit, unique en son genre, remontait-il jusqu'au ma siècle, ou même plus haut, il n'est pas possible de le dire au juste : l'incertitude est limitée, en tout cas, à deux ou trois siècles. Dans la remarquable lettre, dit M. Wattenbach80, où Théonas, probablement évêque d'Alexandrie, donne au majordome-m ajor Lucien des indications sur la manière dont il doit s'y prendre pour bien disposer l'empereur, c'est-à-dire, à ce qu'on peut supposer, Dioclétien, en faveur des chrétiens, il lui fait la recommandation suivante au sujet de la bibliothèque du Palais 61 « Ne faites copier de volumes entiers sur parchemin pourpre et à l'encre d'or que sur l'ordre formel du prince. A partir de Constantin le Grand, c'est surtout pour les livres du Nouveau Testament que les libraires déploient toute la magnificence dont l'art de la calligraphie était alors susceptible. L'empereur Constantin 'nie même fit cadeau à S. Nicolas, évêque de Myre, d'un livre d'Évangiles en Iettres d'ors"; et plusieurs de ses successeurs passent pour avoir commandé, à son exemple, à des chrysographes des copies de l'Écriture Sainte". « Dans les manuscrits84 qui nous restent (de Publiiius Optatianus Porfyrius, versificateur du temps de Constantin) certaines lettres sont écrites au minium,et, au milieu d'an texte à l'encre ordinaire, forment par leur réunion des dessins rouges sur fond noir; elles figurent des tigre-s droites, des polygones, des chiffres, et jusqu'à un navire avec son gouvernail et ses rames, La préface d'Optatial.Ius nous apprend que jadis, dans la prospérité, il avait adressé à l'empereur des poésies dont l'exécution était bien autre usage différent de ceux qui ont été indiqués dans les lignes ci-dessus, de l'encre d'or et de l'encre d'argent. Dans les manuscrits pourpres d'Optatianus, les dessins, au lieu de se détacher en rouge sur fond noir, devaient cette fois ressortit' en or au milieu de l'écriture d'argent, Sur parchemin pourpre, on n'écrivait point avec l'encre ordinaire, qui loin de briller, n'aurait même pas été visible. Les Pères de l'Église grecque et latine du Iv° et du v° siècle se sont élevés souvent contre cette manie des livres d'or. Ils étaient indignés qu'on ouvrît avec ostentation un splendide Évangile en or pour en faire admirer l'exécution, et non point pour lire le texte sacré e5. On manque absolument de renseignements remontant à l'antiquité même, concernant la technique de l'écriture d'or. Plusieurs des textes rapportés ci-dessus indiquent clairement que l'or se préparait à l'état d encre liquide, Si nous en devions juger par l'apparence qu'offrent plusieurs codices autel quo nous avons eu l'occasion_ d'examiner, il semblerait que l'on écrivit en or avec plume, et non point qu'on peignît les lettres avec tilt seau. Enfin, si les anciens aimaient voir i or sur fend pourpre, on a eu l'habitude au moyen âge, après que l'usage de teindre le parchemin eut été abandonné, de superposer la lettre d'or, comme seconde couche, audessus d'une première lettre tracée au cinabre ou en CHY 1140 CHY toute autre couleur rouge [cINNABARTs] : l'or, semble-t-il, gagne ainsi en reflet. Il y a lieu de supposer que les anciens employaient déjà ce procédé quand ils écrivaient en or sur parchemin blanc. Ce. GRAOx, ques, sous l'empire, décernaient aux prêtres et aux m agistrats qui avaient rempli leurs fonctions avec éclat le droit de porter des ornements d'or'. Cette distinction était conférée par un décret de la cité pour un certain temps ou pour la vie. Les Argiens y ajoutaient encore le droit de porter des vêtements de pourpre Les Amphictions attribuèrent aux artistes Dionysiaques, entre autres privilèges,