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CIBARIA. Les aliments. La manière dont se nourrissaient les anciens est peut être, de toutes les circonstances de leur vie, celle sur laquelle nous possédons le
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plus de renseignements. Eux-mêmes se sont chargés d'en fournir à la postérité. C'est un des sujets sur lesquels ils s'exerçaient volontiers. On sait qu'Archestrate lit un voyage spécial pour s'enquérir de ce que dans chaque ville on trouvait de meilleur à manger 1. Quelques élèves de Théophraste, Lyncée, Diapras, Hippolochus, ayant résolu d'entreprendre chacun pour leur compte une excursion analogue, s'étaient engagés à se communiquer mutuellement leurs découvertes, et de cette promesse résulta une nombreuse correspondance qui existait encore du temps d'Athénée 2. Un certain Eudème ou Euthydème avait écrit sur la préparation des aliments un traité dont le même Athénée nous a conservé les divisions principales et plus d'un passage 3; Philotime, un traité HEpi
médecins de l'antiquité, dont c'était d'ailleurs le devoir, ont particulièrement étudié l'alimentation, On s'accorde polar attribuer à Hippocrate 5 le IIEpi Elath,;, dont le second livre, le pins authentique, en traite presque entièrement. Deux des ouvrages de Galien sont intitulés : l'un IIEpi rpotptty
pendamment de ces travaux spéciaux, nous trouvons de nombreux documents chez les poètes lyriques et les poètes corniques, chez les historiens, chez les naturalistes, chez les agriculteurs et même chez les auteurs de traités d'art culinaire. Enfin les encyclopédistes tels que Pline et Athénée, déjà cités, les compilateurs tels qu'Oribase nous ont conservé de précieux documents, provenant d'auteurs plus anciens, dont sans eux le nom même nous serait souvent inconnu; et Galien, par ses Commentaires des oeuvres d'Hippocrate comme plu son glossaire, de même que Dioscoride par mainte synonymie, ont permis des déterminations qui sans leur secours seraient impossibles.
De tout temps, les anciens ont divisé les aliments en deux grandes classes : 1° l'aliment principal, en grec crins, eu latin fier, classe uniquement composée du produit des céréales; 2° l'aliment secondaire, en grec ô[ov ou ôaévtov, en latin toujours oésonium, qui comprenait le reste. Cependant ces deux classes d'aliment n'étaient pas rigoureusement distinctes. L'L ov était surtout toute nourriture végétale ou animale préparée sur te feu ; et comme le poisson était avec le pain la nourriture principale des Athéniens, ®vov désignait fréquemment le poisson 6. Aussi comprend-on que l'un des personnages d'aile comédie d'Aristophane proclame les lentilles le plus agréable de tous les GLx 7. Enfin on peut signaler au point de vue culinaire une troisième classe d'aliments, d'un caractère accessoire, les friandises qui servaient soit de hors-d'oeuvre ou -cpc:8,frg,017.s°, soit de dessert, en latin bellaria, en
Mais pour une classification méthodique on est obligé de recourir ici à des expressions d'un caractère plus moderne, Parmi les cibaria ion doit distinguer les aliments selon le règne de la nature qui les produit. Le règne minéral fournit peu, comme on sait; le sel est plutôt un condiment qu'un aliment (sxL, SA1.ArMA1 et la terre crayeuse que les Romains mélanm'aient à leur farine 70
ou à leurs amandes" ne peut guère être citée ici que pour mémoire. Le règne végétal était, des deux règnes organisés, celui qui contribuait le plus largement à la nourriture des peuples de l'antiquité, et, pour cette raison, doit être étudié ici en premier. Il fournit des aliments de deux ordres, Ies aliments liquides [PO'rloNES,
les aliments solides, qui vont être passés en revue.
Ces derniers, tels que les Romains et les Grecs les dénommaient, comprenaient : 1° les Frumenta par lesquels Archestrate commençait sa Gastronomie 13; 2° les Legumina (x P'poa«) ; 3° les Olera (a«xava) ; 4° les Ponta, terme sous lequel les Romains désignaient les fruits de quelque nature qu'ils fussent ; 5° les Fungi ptIboI'rrç).
Les céréales ne doivent être étudiées ici que quant à leur valeur alimentaire [RUSTICA REs, FRUMEPTUM]. Primitivement, on mangeait le grain à peine formé sur l'épi, c'est-à-dire encore tendre et commelaiteux. C'était Numa, disait-on, qui avait appris aux Romains à le torréfier [roRNACALIA]. La nourriture des premiers temps de Rome rte fut que du grain rôti et bouilli 13. Le grain qu'on semait et celui qu'on mangeait n'avaient alors qu'un même nom, parce que ce n'était qu'une chose : fart1. Plus tard les Romains eurent des mortiers de bois, et à l'aide du pilon, ils ôtèrent à leur far, qui était une épeautre, la balle qui, chez cette céréale, ne se sépare pas du blé parle battage. Archigène nous apprend" la préparation du far: on le faisait tremper pendant quelque temps dans l'eau, puis on l'en retirait pour le jeter sous le pilon; dès que la balle en était séparée, on le séchait au soleil, puis on le pilait de nouveau jusqu'à ce que le grain fût partagé en trois ou quatre fragments, et on le mettait au sec pour le conserver. Petit à petit, le far devint farine, et le dérivé farina s'introduisit dans la langue, bien que le terme primitif conservât le même sens, si bien que Pline put écrire que l'on faisait du far avec le triticum comme avec l'olyra. Le far portait aussi le nom ancien d'ador (edor Festus) ou adoreum. Plus tard ador, aussi bien que far, a désigné la farine. C'est dans ce dernier sens que Virgile a pu dire aderea lita pour désigner la pâte grossière qui servait à soutenir les mets dans les festins te, et dont l'ancien nom ombrien dut plus tard devenir celui de la table elle-même 17.
Les farines reçurent selon leur origine et leur préparation des noms divers. Il y eut même chez les anciens des produits, que notre civilisation ne connaît plus, intermédiaires entre le grain et la farine. L'alica fut un de ces produits, qui demeura en honneur à Rome même lorsque l'on sut y pulvériser le grain d'une manière plus parfaite. L'alita se préparait principalement en Italie avec le far ou Us. Pline " en distingue trois variétés, selon la gros-. seur du fragment, grandissimum, secundarium ou minimum, obtenu dans des mortiers de bois par le PlsroR. La plus grosse sorte n'était guère que le grain dont on avait enlevé la pellicule extérieure. Une fois ces préparations faites, on ajoutait à l'alita, pour la rendre plus blanche, de la craie de Puteoli, provenant de la colline nommée leucogaeon à cause de la nature de son sol. L'Afrique pro
qu'ils reçurent le sobriquet de pulmental'tï. Le puis était essentiellement composé de far et d'eau3". Pas-fois on y mêlait du fro__ mage récent,
du miel, un mnf37: c'était le mils punira. Les recettes qu'Apicius nous a
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duisit une fausse alita, faite avec un grain de qualité inférieure, et blanchie avec du plâtre au lieu de craie. Un passage de Paul d'Égine permet d'identifier l'aura des Romains avec le yôvâpog des Grecs, déjà connu au temps de Stésichore et d'Ibycus 19. D'après Dioscoride 20, le yôvàoos se faisait avec le triticum dicoccum, qui est aussi une épeautre. Divers témoignages amènent à comparer le xpvov à la variété la plus fine d'alica, L'âts p« était l'alita faite avec l'olyra d'Égypte 21, laquelle était nommée dans ce pays Oa,p«22. Quant au ,rp«';oç, c'était encore une alita faîte tantôt avec le blé 2', tantôt avec l'épeautren, probablement différente du yôvépoç par quelque circonstance de sa préparation.
Le pollen et le similago ont au contraire leurs analogues chez nos boulangers. Le pollen était la partie amylacée et intérieure du grain de blé 2', la fleur de farine, en grec yilptç; le similago sa partie extérieure ou azotée, la plus nourrissante, le gluten des naturalistes, le gruau de nos boulangers : c'était en grec le aep.tèa).tç. Il n'y a pas à mentionner ici le siligo, qui était une variété de blé, non
une farine [FauisiENTUM]. Quant à l'arnyluin, «,zu))ov, qui
n'était pas soumis à la trituration, il était fait avec le grain trempé dans de l'eau renouvelée plusieurs fois par jour et par nuit, gonflé ainsi, puis séché par filtration â travers des linges et enfin séché sur des plaques enduites de levain n. Cet amylum ou omZOlum servait dans la cuisine à lier les sauces; c'est ce qu'Apicius appelle en maint endroit obligare amolo° et parfois amolare; il servait aussi, imbibé d'huile, pour former un revêtement aux volailles mises à la broche, afin d'éviter l'action trop immédiate de la chaleur à leur surface".
La farine d'orge a été d'usage dès une antiquité très reculée29. C'est ce dont témoigne le nom de l'impôt destiné à subvenir à l'entretien des montures que l'État fournissait aux chevaliers romains [AES n0RDEARIUM]; c'est ce dont témoigne aussi le nom des gladiateurs, dits hordearii parce qu'on les nourrissait jadis de cette céréale. Les Romains s'en dégoûtèrent vite 3° : au temps de Galien elle ne servait plus habituellement pour le régime de l'arméeb1; au temps de Végèce 3° elle n'y figurait plus que comme punition [siiLiTUM PoENAE]. Mais en Grèce l'orge était entrée bien plus profondément dans l'alimentation. On y donnait le nom d'â)arrov à des fragments plus ou moins menus de grains d'orge, correspondant à l'alita des Romains, mais que l'on torréfiait légèrement33; quand la torréfaction était forte, l'orge portait, avant d'être réduite en farine, le nom de xciypuç n. La farine d'orge était encore très employée au temps de Galien dans certaines parties de la Grèce", dans les campagnes de file de Chypre, notamment, bien qu'on y cultivât le froment en abondance.
Toutes ces farines ont servi chez les anciens à préparer des bouillies, puis des pâtes, des gâteaux (placentas) et enfin du pain [PALAIS]. Les bouillies portèrent divers noms. Chez les Latins c'était le pals ou pulmentum; c'est de là
transmises sur
la préparation du puis Juliana se et d'autres bouillies, tout en reposant sur de l'alita bouillie avec de l'eau, sont plus compliquées encore, puisqu'elles admettent des cervelles d'animaux, du vin et divers aromates. Le 7.6),-roç 39 des Grecs correspond sans aucun doute au puis de la langue latine. Chez eux, toutes les farines des céréales ont été la base de bouillies alimentaires, le vséyoç comme les produits du ti4(140, du millet et du panic ou setaria italica 41. Ils laissaient aux Germains la bouillie d'avoine 4Y, laquelle n'était pour eux, cuite avec du vin sucré ,u3, qu'un aliment de luxe, estimé par Dieuchès 44. La farine la plus employée chez les Grecs fut toujours la farine d'orge, qui servait à confectionner la Nrtadv-1 et la µ«e«.
La 7rrtaâv5 était une bouillie d'orge mondée et non torréfiée 45. Bien que souvent employée par les malades, elle n'était pas pour cela exclue de la nourriture des gens bien portants 4". Il fallait savoir la préparer. La meilleure était celle qui commençait par se gonfler fortement pendant la cochon 47, et qui, après avoir jeté un premier bouillon, recevait l'addition d'un peu de vinaigre et continuait à mijoter à petit feu pour la dissolution de tous les principes solubles de la graine. Pline k8 et Horace 49 mentionnent la ptisane de riz, Galien 5o celle qu'on préparait avec du lait; mais l'usage de cette céréale semble avoir été peu répandu chez les Grecs, et il ne paraît pas qu'ils l'aient cultivée pour l'alimentation.
La ;.e,'« des Grecs sort de la catégorie des bouillies pour se rapprocher davantage du pain. La '.cria, que les Romains appelaient polenta, de l'éolien 7eo),uv':p« conservé par Hésychius, la p.zs«, déjà mentionnée par Hésiode3£, et aussi par Homère 52, formait la principale nourriture des Athéniens", et probablement aussi de plusieurs autres peuples grecs 36. D'après une prescription de Solon, on en servait tous les jours aux pensionnaires de l'État qui prenaient leurs repas dans le Prytanée; ce n'était qu'aux jours de fête qu'on. leur donnait en même temps du pain. II y avait plusieurs espèces de gala dont on trouve l'énumération chez Athénée G3, et qui différaient entre elles selon le liquide qu'on ajoutait à 1'u)U'305, soit du vinaigre miellé, de l'eau vinaigrée, de l'hydromel, de l'eau simple, du lait, du vin, etc., suivant la variété d'orge dont l'tzawtrov avait été fait, suivant qu'on la préparait au moment même de la servir, ou qu'on la laissait macérer plus ou moins longtemps".
Entre les farines des céréales et les produits des légua
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mineuses, on doit mentionner ici les bouillies composées dans lesquelles les anciens mélangeaient aux céréales les légumes secs ou même certaines herbes potagères. Ainsi l'on connaît une bouillie d'orge mondée et de lentilles, WxoitT«càv'5u, une bouillie d'orge mondée et de lèvesa8. La t«cep dont il est assez souvent question chez les poètes comiques athéniens était, d'après une glose conservée par Hésychius, un mélange de gruau d'orge torréfié et d'une purée.
Ana céréales succèdent, dans cette étude, les graines des légumineuses, Haura. Avant de les examiner, nous devons faire remarquer que les Grecs comprenaient sous le nom général d'a-Fa toutes les graines alimentaires qui n'entraient pas dans la panification a0, c'est-àdire, avec les légumineuses, les graines oléagineuses [oLEultrj. Nous nous tenons donc, dans la suite de cet exposé, aux graines que les Latins nommaient legumina, que Théophraste appelait, au point de vue alimentaire, avec tous ses compatriotes, zÉpoaa, à un autre point de vue plus technique et plus scientifique, èX)o;ia, c'est-àdire renfermées dans une gousse ou ao3Oç80
Les anciens mangeaient les graines légumineuses de plusieurs manières, à l'état vert ou à l'état sec, et soit crues, soit bouillies, soit grillées pour le dessert. Ils préparaient avec elles le Àè-ntoç, formé de graines moulues et bouillies dans l'eau; l'ETVoç, de graines écrasées. Les genres et espèces de légumineuses indigènes étaient fort bien distingués par eux et même classés. Les iXào3bxap7a sont partagés par Théophraste GI en deux catégories, sous les noms de ItaaEciipayµwa et d'«Sl.igpaxTz, suivant que la cavité de leur gousse est partagée par des cloisons, ou qu'elle reste simple. Ces cloisons sont formées par la condensation du parenchyme qui, au lieu de se résorber, constitue parfois dans les fruits des cloisons complètes ou de simples bourrelets adhérents aux valves. A la catégorie des d:areapxygéva appartiennent, parmi les Légumineuses dont nous avons à nous occuper ici : 1° le Lupin et °M° la Fève.
1° Le lupin, lupinum, Oépuoç (Lupin us kirsutus et L. angusti folius en Grèce, L. (lbus en Italie), que recherchaient particulièrement les philosophes voués à la sobriété", était un aliment pour le moins médiocre, comme l'attestait son bas prix fis. Son amertume obligeait à le traiter par l'eau chaude 64 pour l'en débarrasser avant de s'en nourrir, à moins qu'on ne voulût s'en servir en guise d'apéritif avec des condiments salés 6J.
2° La fève, faba ou baba des Latins, était chez les Grecs nommée xtiau.oç ou r,ézvoç. En lisant les auteurs anciens, ii importe de ne pas se laisser tromper par l'imperfection de leur nomenclature, et de se rappeler que les noms de xéauoç et de faba désignent quelquefois chez eux tout autre chose que la fève [LUTES]. Le terme de xéai.oçparaît avoir eu le sens général de graine comestible, comme le mut fève dans certaines provinces de France ; Oepuoxéag.oç était la fève de lupin. Lorsque Aristote" reconnaît que l'ail d'un poulet de dix jours, dans l'Geuf, est plus grand qu'un xéagoç, il a en vue une légumineuse qu'un passage de Galien61 permet de déterminer. C'était
la vesce, le vicia des Romains, aujourd'hui encore 3~xoç en Grèce, appelée 3tx(ov par Galien, et par Ies Attiques, dit-il, àpaxoç ou xéauoç. La, véritable fève, pour la distinguer, était nommée rvauo; €ààrlvtxdç. La vesce n'était mangée par l'homme qu'en cas de disette, ainsi que l'aix-rl" ou ervum vicioides Desf.. le cicer punicum de Columelle 69, et surtout en vert. Pour la fève, il en est déjà question dans Homère 70; on tenta parfois d'en faire du pain 71 ou tout au moins d'en mêler la farine, nommée lomentum, ;'psyµa, à la farine moins pesante des céréales', ce qui se fait encore dans certaines campagnes, et se faisait surtout dans les districts voisins du Pô". On mangeait les fèves vertes 71i ou mûres et grillées, telles qu'on en a trouvé à Pompéi. Les Romains les employaient particulièrement en purée, sous le nom de fabacia ou fabata, dans les festins préparés pour les funérailles ou offerts aux dieux [FABA]. Mais l'interdiction formulée par Pythagore restreignit de bonne heure l'usage de la fève. On a écrit quelque part qu'en Grèce la purée de fèves mêlée à la ptisane constituait à une certaine époque l'alimentation principale des gladiateurs, mais il faut prendre garde de s'en laisser imposer par le terme de 773g810v, qui a désigné toute purée de grains cuite dans du vin doux75. La fève, malgré sa flatulence, que l'on corrigeait par diverses additions, entrait dans plusieurs préparations culinaires78.
Les autres légumineuses appartiennent aux «« paxTa de Théophraste, c'est-à-dire, soit comme la lentille, à la tribu des viciées, soit comme le haricot à celle des phaséolées, soit comme le fénugrec à celle des lotées.
1° La lentille, lens, maxd5, encore aujourd'hui tpaxs ou tpax(a, ervum lens L., que caractérisent ses fruits plats ou ses graines comprimées. On en préparait une décoction et une bouillie, ipxxil77 dans laquelle entrait aussi l'«tp«xr , très voisine de la lentille par ses caractères botaniques et culinaires Nous devons encore mentionner ici une bouillie de lentilles et de bettes, 'CEVTÂo'aoz i8, une bouillie de lentilles et de bulbes, 3oaêosa478.
2° L'ervum ervilia L., ervum de Pline, ôoa°oç, aujourd'hui encore 6ô3t, ttotihé, qui se distingue de la précédente par ses fruits cylindriques allongés, lomentacés, c'est-àdire étranglés entre les graines. On le mangeait aussi dans les grandes famines S0. Sa farine servait de matière fermentescible pour la panification 81. M. Schliemann en a recueilli de la graine, dans ses fouilles de la
Troade 8'-.
3° Le pois chiche, cicer, ip€3ivOoç, aujourd'hui (5E3(vOta, que caractérisent ses fruits courts, cylindriques et velus, sa tige droite ligneuse se soutenant elle-même et ses feuilles multifoliolées non accrochantes. De même que le botaniste Lamarek81, Théophraste e8connaissait trois variétés de couleur dans les graines du pois chiche : les blancs, les rouges et les noirs. La variété à graines noires, plus robuste, était celle qui portait surtout en grec le nom de xpi'oç, en conformité avec celui d'un dème de l'Attique, nom traduit chez Pline et chez Columelle par arietinurn et que Linné a conservé dans la nomenclature botanique au cicer arietinum. Une autre variété de la même espèce, ip€3tvooç 6 ili;r.Epoç de Dioscoride, était le
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cicercula des Romains". C'était sans doute le pois chiche blanc, qu'Hippocrate préférait, l'Ëppiutoç époetaioç de Théophraste. Les paysans faisaient bouillir les pois chiches avec de l'eau ou du lait,ou les saupoudraient de fromage râpé 6°.
110 Les gesses, qui entrent dans le genre lathyrus de Linné, et qui diffèrent des précédents par des tiges couchées (i7rtyat4Ua),x Théophr.) à défaut de support, par leurs folioles plus allongées (7Cpo111Ixé67.Epa Théophr.), par leurs feuilles terminées en vrilles, par leurs fruits cylindriques, comprenaient chez les anciens deux plantes de grande culture, ervilaa et citera chez les Romains, )s OOupoç et wxpo; chez les Grecs, correspondant à deux plantes de la flore méditerranéenne, le lathyrus citera d'une part, et d'autre part le L. sativus d'Italie, qui paraît remplacé en Grèce par le L. quadrimarginatus Bory et Chaub. Le aélupoç était en grand usage dans la Mysie et la Phrygie; on le regardait comme plus nourrissant que 1't-);(po; et même que le haricot, et il remplaçait parfois la len
5° Le 7t(aoç ou 7rlaao;, que l'on est très porté à identifier avec notre pois. Mais il y a déjà longtemps que Link86 a reconnu combien différait du pois ce légume qui souffrait du froid dans la région méditerranéenne", que l'on ne pouvait semer qu'au printemps (dans l'Italie méridionale), et dans des lieux bien exposés. C'était probablement le pisum elatius Bieb., cultivé aujourd'hui sur plusieurs points de la région méditerranéenne et en Algérie 90.
6° Le haricot. Le nom de Sdatxoç, tiré de la forme du fruit, avait vieilli au temps de Galien91, où il était remplacé par celui de pxar(oao;, conservé encore aujourd'hui sous la forme Yxaouat«. On connaissait aussi le haricot sous le nom de aodç, celui de la gousse des légumineuses appliqué spécialement à cette espèce, dont on mangeait le fruit vert. Ce détail nous fait douter du sens attribué par les lexicographes au grec xdyxrl , latin couchis, qui se trouve dans Athénée, Hésychius (au mot xp(dç), Martial et Juvénal, et auquel on a imposé le sens de gousse comestible de la fève.
7° Le fénugrec, f3ouxEpaç, aiy(xEpxç (nom dû à la forme recourbée de son fruit), aussi xap7rdç (par excellence) et Tr.atç (d'où le nom actuel, Ti(àu), en latin fcenum graecum (d'où le nom technique de trtyonella foenum graecum) et siliqua9'. Considéré comme légume comestible, le Fénugrec rendait à peu près dans les repas des anciens les mêmes services que le lupin93.
Les herbes potagères (aâxavX, olera) ont occupé jadis une si grande place dans la nourriture de l'homme qu'Antiphane a pu appeler les Grecs « des mangeurs de feuilles », ?uaaorpiilyEç95. Il est vrai que chez Homère, où il est si souvent question de repas, on ne voit jamais les héros manger des herbes. Mais on se demande, avec Athénée", à quoi pouvaient servir les carrés de légumes du jardin d'Alcinoüs. Hésiode est déjà plus explicite. Il cite la mauve et l'asphodèle. Dans les fragments qui nous restent d'Epicharme, on trouve un certain nombre de plantes potagères. Il y en a un bien plus grand nombre dans la collection hippocratique. C'était principalement
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dans le régime alimentaire des pauvres et des gens de la campagne que les légumes verts tenaient une si grande place, ou dans le régime de ceux qui y passaient quelque temps pour leur agrément 96, régime qui excitait les railleries des poètes comiques tels qu'Amphis", Diphile°8 et Aristophane89. A propos du jardin potager, Columelle100 veut que l'intendant (villicus) ne fasse pas trop de frais pour la nourriture de tous les jours, et qu'il puisse servir à son maître, si celui-ci survient à l'improviste, un repas champêtre non acheté. D'autres preuves à l'appui de ce que nous avançons ici ont été rassemblées par Schuch 1°1 Les herbes se mangeaient crues en salade (acetarium) ou cuites ; dans les deux cas on les servait avec du vinaigre, du garou, et fréquemment de l'huile. Souvent encore on les hachait pour les réduire en bouillie
Théophraste est de toute l'antiquité l'auteur qui nous a donné le plus de détails originaux sur les herbes potagères; en le lisant avec soin, on reconnaît même dans ses oeuvres des indices d'une nomenclature scientifique qui ne saurait être nulle part mieux reproduite qu'ici. Appréciant exactement, bien que d'une manière sans doute superficielle, les caractères botaniques de ces herbes, il nomme 7ra7c2oaz p;asTa celles dont les graines portent une aigrette ou pappus ; yu7voalrpua.Ta celles dont les graines lui paraissent nues; én).o(3o67tipuaTa celles dont les graines sont contenues dans une silique; iµtpaoto675épILŒTe. celles dont les graines paraissent à la maturité renfermées dans le calice comme dans une enveloppe; xopaadpptin celles dont la racine est tuberculeuse; (3o),P,mè11 celles où elle est bulbeuse. Il faut excuser le botaniste grec de ne pas s'être mieux dégagé des entraves que lui imposait une langue imparfaite, et d'avoir pris quelquefois pour des graines les fruits dont le péricarpe est mince et rudimentaire.
Les -:a7t7coa7répli.01Ta correspondent à la famille des composées, dans laquelle nous avons à examiner ici :
1° La laitue nommée par les Romains lactuca, à cause de son suc laiteux, par les Grecs O(pîa; , parce qu'elle passait pour guérir les morsures des animaux venimeux, En lisant Pline et Columelle, il ne faut pas se laisser induire en erreur par le nom de lactuca, qu'ils ont donné parfois à des plantes vénéneuses ou simplement purgatives, comme les euphorbes ou tithymales, parce que ces dernières ont aussi un suc laiteux, et à une algue, luira lactuca L., qui s'appliquait aussi sur les blessures. Il en est même résulté chez eux quelque confusion". Même en se restreignant au point de vue alimentaire, on constate que, sous le nom de lactuca ou de thridax, les anciens cultivaient et mangeaient plusieurs races végétales différentes, comme nous-mêmes sous le nom de laitue. Théophraste en distingue plusieurs 103; Pline bien davantage 104 ; Columelle en a bien caractérisé les principales 100. Les unes étaient sessiles, terme employé par Martial 70fi et que nous pouvons traduire par pommées c'étaient la caecilia, ainsi nommée de Cmeilius Metellus, variété verte ou roussâtre, et la gaditana, blanche et crépue, originaire de la Bétique; les autres s'éle
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valent davantage, et tenaient de nos romaines, savoir la cappadocia , dont Martial faisait si peu de cas 107 , et la cyprin, veinée de rouge, à feuille lisse et tendre, un vrai régal de gourmet. Quant à la race à tige large et aplatie dont parle Théophraste, c'était évidemment une de ces monstruosités par fasciation si fréquentes dans la famille des composées, et qui se transmettent facilement par hérédité. Fraas en a vu au jardin de Munich une tige large de deux pieds 198. On semait la laitue à des époques fort diverses, selon la variété, et l'on arrivait ainsi à en avoir de fraîches jusqu'en automne 7°° ; on la goûtait fort à Rome, même dans les premiers temps de la République, témoin le surnom de lactuca donné aux membres d'une branche de la famille Valeria1f0 et surtout depuis qu'elle avait contribué à préserver les jours du divin Auguste7l'. On en relevait le goût fade et aqueux par divers condiments 112 coaniMraTAl ; on en faisait même des conserves 1'3 Comme les anciens la reconnaissaient pour tempérante au point d'affaiblir la puissance génitale, d'où ses noms grecs (âatiurtç et euvo5/wv Ili) on lui associait la roquette uo, douée de propriétés opposées. Mais cette action était surtout celle de l'espèce médicinale, le lactuca virosa. Une autre espèce, plus amère (L. scariola?), était employée cuite, avec une sauce, feuilles et tiges.
2° Le laiteron appelé chez les anciens sonchus ou edyyoç. Ils en connaissaient sous ce nom plusieurs espèces; aujourd'hui encore celui de Goya; ou aoyoêc est donné en Grèce à plusieurs composées des genres helrninthia, urospermum et souciais. La plante comestible, dont on mangeait encore les racines en Italie au xvi° siècle116, est ici le soue/rus oleraceus L. Il est cité comme herbe potagère par Matron qui vivait du temps de Philippe de Macédoine 177, par Callimaque 1t6, par Nicandre A19, par Dioscoride 120 et par Galien 1a1
3° La chicorée, dont Dioscoride 122 nous a indiqué quatre espèces ou variétés, mais dans un texte incertain et altéré. Les variétés amères ont été mangées comme les variétés douces, crues aussi bien que cuites 123. Bien que la chicorée fût sauvage en Grèce, où on la nommait c4iç (plante sans doute aussi amère que l'absinthe, aepfeftov), les meilleures variétés alimentaires de ce légume paraissent être venues successivement de l'Orient, témoins les noms de la plante : son nom syrien, qui rappelait la cavité de la tige, creuse comme une flûte, et que les Romains transcrivirent par ambubaia et traduisirent par inlubus ou intybum; son nom copte, qui devint en grec xtyoapil ou xty,wprov 126 ; enfin son nom arabe qui fournit le terme taenia au latin barbare du moyen âge.
4° L'année, l'un des heleniuln (qui devaient ce nom à l'île de l'Archipel d'où ils étaient originaires), Piaula des Latins et plus tard l'effila campana de l'école de Salerne, qui n'avait de comestible que sa racine à la fois ai orna-tique et surtout amère; mais on savait faire disparaître
cette amertume 12%. La célèbre Julie en faisait sa nourriture quotidienne 126
h' Le chardon-Marie, silybum Marianulu, qui est encore un comestible dans la Grèce actuelle,l'etait déjà sous le nom de a(aulov an temps de Dioscoride ; on le mangeait avec de 1'1luile et du sel quand il venait de sortir de terre 127 Pline semble dire"° qu'on. avait renoncé à manger cette herbe cuite parce qu'elle était trop difficile à préparer,
6° Le cardon (xzxTOç, carduus), dont le nom grec est devenu, par suite d'une confusion regrettable, celui d'un genre américain, jadis inconnu en Grèce, où il est encore à peine cultivé aujourd'hui. II était propre à la Sicile 129 ; on te cultivait à Carthage, à Cordoue. Pline, qui sans doute ne l'aimait pas, s'indignait qu'on en fit des conserves, et qu'on rendît inaccessibles au peuple des plantes auxquelles les ânes refusaient de toucher 130. Les préparations qu'Apicius indique ut prouvent cependant qu'on le tenait dans une certaine estime.
'7° L'artichaut , décrit sous le nom de 7r'épvt par Théophraste 132. Galien, qui le nommait xivapa, nom presque conservé aujourd'hui, n'en faisait que peu de cas 113 Le réceptacle de cette composée, la seule partie qu'on
éu),o4, nom qui parait dans l'Édit de Dioclétien sur le maximum être celui du fruit tout entier.
8° La cardousse, scolymus hispanicus L., encore aujourd'hui exo),ui4pés, dont il est question dans les Singutaritez de Belon, qui l'avait observé dans l'Archipel; elle parait déjà dans Dioscoride comme comestible, sous le nom de axda ibi.os ; on la mangeait cuite comme nous faisons de l'asperge 136, et surtout sa racine 136 comme on le fait encore dans le midi de la France. D'ailleurs on pourrait en dire autant de la plupart des carduacées connues des anciens pour indigènes en Europe, comme en témoigne un chapitre spécial de Galien 136
Les yugvoa7cép,.atia de Théophraste sont nos ombellifères, et ont pour type le cerfeuil, dont les graines étaient nues pour les botanistes de l'antiquité. Il suffira de signaler ici certaines racines alimentaires
1° La carotte, qui ne paraît pas avoir eu la même importance dans la cuisine des anciens que dans la nôtre; ils la mangeaient cependant, aussi bien en Grèce qu'en Italie 1". On voit des carottes groupées avec d'autres légumes dans une peinture de Pompéi reproduite plus loin (fig. 1414). Le nom de paslinaca gallzca sous lequel Pline paraît la désigner particulièrement indique que nous avons hérité d'un goût de nos ancêtres. Cet auteur est d'accord avec Columelle 133 pour établir la concordance entre le pastinaca des Latins (qui du reste comprimaient sous ce nom des racines bien différentes, entre autres celles de la guimauve, hibiscus) et le axaLuàtvdç des Grecs. Chez ceux-ci le terme de xapsnôv existait bien, mais d'après Diphilus de Siphn.os 130 c'était le nom d'une espèce de cas
107 Mart. V, 79 ; Coium. XI, 3 . quae poilido et puai. densogoe folio vire:. Le vers 133 du livre X montre qu'il faut lire ici parc et non pexo. II n'y a pas de laitue cultivée qui soit velue. 106 P606, SSua. pl. PZ. clans. 206. -100 Diphil.
Tintai( VI, 4, parait avoir confondu l'artichaut et le cardon , il n'en est rien
cependant. Le nmt m qui commence le § i l se rapporte non à qui suit, mais à aven, sous-eutcudu. C'est bien ainsi que l'a eompris M. Wimmer,qui traduit nliué gantas, etc. Le contre-sens parait avoir été fait par Athénée qui a reproduit
.93 Gai. t. VI, p. 636. 7l faudrait écrire xuv , eornme l'avoue implicitement Galien dans le passage cité, la plante ayant été ainsi nommée à cause de l'un des sens de xo , clou, épine, connue ou peut l'inférer d'Athénée (,i, p.70), chez qui l'ou trouve d'ailleurs .noua et nd,n,,s. 134 Diosc. Ÿ1E, capi xiv. 133 Theo
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cotte beaucoup plus grosse que les autres. 2° Une autre espèce de pastinaca, qui, nous dit Pline dans le dernier passage cité, se propageait par sa racine comme par sa graine et rendait surtout des services dans l'art culinaire à sa deuxième année : il est impossible de n'y pas voir notre panais. Aussi reste-t-on dans l'incertitude sur la nature de 1'éAatpdêosxaç de Dioscoride 140, que Pline a traduit par la simple transcription du terme grec. -3° Quant au daucus de Crète, rangé par Galien parmi les aliments, c'est selon toute probabilité l'athamanta cretensis. 4° Le carvi, xâpov de Dioscoride '-41 et de Galien t43, est le careum de Pline ik3, ainsi nommé de son pays d'origine, la Carie. Fraas 144 a rapporté à cette plante le chara, dont César alimentait son armée en guise de pain 16' sous les murs de Dyrrachium, et qui valait à ses soldats les railleries de ceux de Pompée. d° Enfin le chervi, que Tibère faisait venir chaque année des bords du Rhin, est la racine sucrée du sium sisaron, le a(aapov des Grecs et le sise). des Romains 1". Pour être complet, il faudrait citer encore ici le centumcapita de Pline 1'e1 dont la tige et la racine étaient, dit-il. alimentaires chez les Grecs, et qui ne peut guère être que l'eryngiurn campestre.
Les I oêocts4p.tu de Théophraste sont nos crucifères. Les légumes potagers proprement dits de cette classe sont avec la roquette (eruca, ailisysv), que, d'après GaIienl"les paysans mangeaient avec du pain, et dont le nom grec signifie succulente, les espèces des deux genres brassica et raphanus. On entre ici dans une des grandes difficultés de cette étude: les espèces de ces genres sont en effet classées d'une manière différente par chacun des botanistes qui les ont le plus sérieusement étudiées. Il résulte de leurs travaux que ce n'est pas la grandeur ni la forme de la racine plus ou moins comestible qui constitue le caractère spécifiigne c'est ce que savait déjà Théophraste. D'ailleurs les noms de ces plantes ont changé dans l'antiquité avec les siècles, Théophraste S0 n'a que les termes de àé avoç, r5al,av(ç (fort distincts comme nous l'apprend d'ailleurs Hésychius) et yoypa b. Sous le premier de ces termes il désignait, comme le prouve sa description et les types qu'il en reconnaît, les variétés de chou mangées pour leurs feuilles sous le second, les variétés du genre brassica et du genre raphanus comestibles pour leurs racines alimentaires,
Chez Dioscoride, comme chez Athénée, le e%ï,uvoç de Théophraste se nomme xp«pg,i, terme déjà connu d'Aristote lao que les Attiques développaient en xopcttte) l 14t d'où par une fausse dérivation étymologique (de xdpi et de «uê) sw) la croyance fort erronée que l'usage du chou nuisait à la vue. Le chou, Glus (ou le légume par excellence) chez les Romains, était fort prisé des anciens, puisque Moschion, Chrysippe et Dieuchès lui avaient consacré chacun un mémoire spécial I3a; on sait combien Caton l'a vanté 133 Les populations riveraines de la Méditerranée avaient pu trouver le chou à l'état sauvage sur la plupart des côtes septentrionales de cette mer, où les botanistes le connaissent sous les noms de Brassica insularis, B. Robertiana, B. balearica et B. cretica. Ces formes ont été sans doute considérablement
E améliorées par la culture. Le type sauvage, à feuilles plus petites, plus rudes, à sue plus acre, était le éépavoç êyptx de Théophraste, le xpµGl âypta de Dioscoride, le brassica marina de Pline, le légume qu"Eudème nommait Àµop(ç dans son traité sur les herbes potagères 134, sans doute parce qu'on le conservait dans la saumure. Les variétés issues de ce type étaient très nombreuses. La première, à tige glande, forte et robuste, émettant des jets latéraux et terminée par une tête, était le xâ'A[ov d'Aristote et le caulis de Pline (d'où l'italien cavolino et notre chou dit cavalier), le éipavoç Aeldy,uààoç de Théophraste et le brassica laevis de Caton 16' ; sous les noms dbpu.avoç et de cymae ou cymata 1°6, du grec xûp.x pour xrh ecs (Galien) (noms synonymes d'après la traduction grecque de l'Édit de Dioclétien), on mangeait les bourgeons que nous nomruons les choux de Bruxelles, les délices de M. Apicius, sur lesquelles était déjà blasé le jeune Drusus 431 ; sous le nom de cauliculus, de jeunes rameaux encore tendres issus du développement de ces bourgeons, et dont C. Apicius indique plusieurs modes de préparation las La fasciation qui en élargissant tous ces rameaux aux dépens de leurs fleurs avortées constitue nos choux-fleurs (du latin cauliflora), particulièrement cultivée sans doute à Pompéi, donnait Urdus pompeianum 1oe. L'avortement qui ralentit ou même supprime le développement de la tige et produit nos choux-pommés était aussi connu des Romains, comme le prouvent, les expressions folio sessili, capite patulum, appliquées au chou de Cumes 1 5. ilos choux-frisés ou choux de Milan avaient leurs semblables dans le âtouvoç oH',, de Théophraste, le ze4t5tO esAetouais. d'Dudème 163 Palus sabellieum de Pline, l'apiacon de Caton. Telles sont les variétés comprises d Ins le lSé-suvoî de Théophraste.
Son âayav(ç comprend, nous l'avons dit, des types à racine dilatée et comestible appartenant aux genres brassica et aphanus, c'est-à-dire le navet, qui est un brassice, le raifort et le radis, qui sont des raphanus. Chez Hippocrate 1°h chez Dioscoride et chez Galien, pDecituadt est exclusivement le nom d'une espèce de raphanus; d'ailleurs le radis s'appelle encore aujourd'hui en Grèce rvpta baas'né td3. Mais Puise 18' e traduit par napus tout ce qui est relatif au stixuv(ç dans le passage de Théophraste, fi semble donc que sons ce dernier nom le disciple d'Aristote ait envisagé à la fois deux espèces alimentaires très différentes. C'est ce qu'il nous apprend lui-même, car il les a distinguées par leurs feuilles et par leur suc. Les éptuv:épxt sont évidemment les radis. D'après feu J. Gay 1e', le radis de la Grèce n'est autre que le raphanus maritimus Smith, qui croît depuis Gibraltar jusqu'à la mer Caspienne, et dont la racine vivace fournit la seconde année un corps gros et allongé. Cette distribution géographique concorde avec une assertion de Pline, d'après lequel 1e° Parrnoracia des Latins, qui est le bafxulç éypaa de Dioscoride 167, se nommait
j arme,' dans le Pont. Columelle tee désignait par asse tant semen le radis qui s'appelle en italien rantoracta 1". Tous ces témoignages concordent sur l'origine géographique de la plante. Ajoutons que le genre des radis comprend plusieurs espèces ou formes, notamment le raifort et le
v,
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petit radis rose, et que ce dernier était le radicula des Romains. Les anciens mangeaient ces légumes non seulement crus, mais aussi après coction u ; c'était un aliment très utile en hiver. On associait les radis à la chicorée "l ; et d'après Hippocrate r 2 et Galien on en mangeait aussi les feuilles et la tige, après coction.
Restent les atpav(ôeç yauxuTépat de Théophraste et son yorua(ç. Les premiers sont pour nous les navets ; le second, la rave. Pline a traduit le (Satpav(ç de Théophraste par napus, et son yoyyua(ç par rapunzt73. En outre Dioscoride a un yoyyob , et dans l'article où il en traite174, la synonymie est établie entre ce yoyyûarl, le yoyyu)(ç et le rapum des Latins. Chez Dioscoride aussit7a le navet, napus, s'appelle (3ouvias, la plante des collines ((louvai) sur lesquelles le navet se cultive encore aujourd'hui en Grèce1'; et Pline a dit du napus les mêmes choses que Dioscoride du (ouv(aç. Les meilleures races de rave ou de gongylis venaient de Narsia, celles de navet ou de bunias d'Amiterni. Des passages de Pline177 et de Columelle"8, où les deux auteurs ont parlé visiblement des mêmes légumes, le premier en prose avec les noms latins, le second en vers avec les noms grecs, fortifient ces déterminations, en dépit d'un texte un peu
ambigu de Galien 19. Les races que les anciens possédaient de ces légumes étaient des plus remarquables; Pline cite des raves qui atteignaient un poids de 40 livres 480. Les Romains en tiraient vanité, et s'amusaient même à les teindre avant de les servir. Quant aux préparations culinaires, on leur faisait subir les mêmes qu'aux navets481.
Les ig.ipa010CIrÉ znTa de Théophraste (proprement les plantes dont les graines sont renfermées dans le calice ou maotoç comme dans une écorce) comprennent dans la flore culinaire de la Grèce des genres appartenant aux feuilles végétales : 1° des labiées, 2° des portulacées, 3° des urticées, 4° des chénopodiacées, 5° des polygonées. Les labiées ne sont pas des aliments proprement dits (coNDIMENTA]. -Les portulacées ne comptent que le pourpier, portulaca, avSpcfyvr, peu estimé comme aliment par Galien18' bien qu'on le semât en Italiem Parmi les urticées nous devons citer l'ortie, xv(ôr , âxn)ss p7), urtica; les anciens croyaient en en mangeant se prémunir contre toutes les maladies de l'annéef8''. Les chénopodiacées renferment un grand nombre d'herbes innocentes que l'on peut assaisonner en salade. Les anciens connaissaient surtout l'arroche, atriplex, â0payaUs; le blitdm, pa(TOV, sorte d'épinard, la seule qu'ils aient eue, la blette de nos jardiniers dont le peu de saveur était proverbial ; enfin la bette, qui avec une souche développée est la bette-rave, beta, Teûr).ov, Tà ratov ou astiTatov. Ils faisaient usage de ses
feuilles, de sa racine charnue, savaient qu'elle aime les terrains salés, et en distinguaient deux variétés, la blanche et la noire, probablement d'après la couleur de la souche. Enfin partni les polygonées nous n'avons à mentionner ici que les rumex. Le aâra0ov était connu pour sa racine unique, profonde et charnue, notre racine de patience'85, qui se mangeait cuite, ou, chez les paysans, crue ainsi que l'ôgu),«itztav186, qui, d'après Dioscoride487, servait à ranimer l'appétit conjointement avec le aâaatov ayptov (le lapathi brevis herba d'Horace)78° et l'ô;aa(ç. En tenant compte de ce que ces trois dernières espèces ne peuvent appartenir qu'à la section acetosa du genre rumex, on arrive à désigner pour leur identification, avec de grandes probabilités, le rumex aculeatus L., le R. bucephalophorus, aujourd'hui encore en Grèce âypto)i'emOo189, et le R. acetosa L., notre Oseille.
Les xapaaopptga de Théophraste sont les plantes dont la tige se renfle inférieurement en une souche tubériforme, pleine, vivace, d'où partent les feuilles quand elle est formée, ce qui se voit chez les aroïdées et certaines cypéracées. Parmi les Aroïdées, il s'agit surtout de plantes que les anciens ont connues par l'Égypte. Le mot d'aros ou aron est égyptien18' comme celui d'oucaov191. Galien nomme quelque part l'arum de Cyrènes qu'il préférait. C'est là le colocasia antiquorum Schott, dont les tubercules, le niliacum olus de Martial, que l'on savait planter et cultiver en Italie 193, formaient un aliment de prix [LOTUS]. En Italie les tubercules indigènes de l'arum italicum Mill. et peut-être de l'arisarum vulgare Targ. étaient tantôt mangés crus 19w, tantôt, pour que l'âcreté en fût dissimulée, bouillis pour être assaisonnés ensuite avec la moutarde, l'huile, le vinaigre ou le Baron 19'. Quant aux cypéracées, il n'y a à citer ici que le cyperus escuientus, le xbteIpoç des Grecs, dont le nom a été confondu dans plus d'un manuscrit avec celui du xtbtpoç ou Henné. Peut-être d'autres espèces sont-elles aussi en cause, telles que le C. rotundus et le C. Longus. Les expressions de Théophraste, asst-s xai ivGlSr,ç196 se rapportent plutôt à cette dernière espèce. Le pe ou vxptov et le ,ua)tva0caa11 appartiennent à la même catégorie de plantes.
Les (3oa6ô1Sil de Théophraste, ou plantes bulbeuses, comprennent ici :
1° Le oabég. Ce terme a eu chez les Grecs, à une certaine époque, une valeur presque générique ; il s'appliquait à divers petits bulbes comestibles, parmi lesquels le (3oa6(vr, 197, comme on le voit fort bien en lisant avec attention le chapitre xxut du second livre d'Athénée (ce qui prouve l'importance qu'avaient jadis ces bulbes dans l'alimentation), ainsi que le chapitre cc du second livre de Dioscoride. Cependant le mot o)tbé a désigné spécialement le muscaricomosumL., qui porte encore aujourd'hui les noms de 3oa6ôç, (3op6èç, (3otipboç198 en Grèce, où il sert d'aliment aux moissonneurs. Le médecin Diphilus de Siphnos regardait ces bulbes comme très nourrissants; on les mangeait à moitié crus, mais leur goût un peu amer engageait à
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les assaisonner fortement avec des aromates. Un passage de Varron 199 prescrit de les manger avec des pignons doux, ou bien du suc de roquette et du poivre. D'autres assaisonnements plus compliqués indiqués par Apicius 200 prouvent que la qualité de la sauce faisait admettre ce mets des pauvres sur la table des riches.
2° Les alliacés, qui se divisent en deux catégories, selon qu'on employait dans la cuisine leurs bulbes seulement, ou bien leurs bulbes avec leurs feuilles.
A la première catégorie appartiennent principalement l'oignon et l'ail avec leurs variétés et quelques espèces voisines. L'oignon, aujourd'hui en Grèce xpog.uu t ou xpsg.sé, était déjà connu d'Homère201 sous le nom de xpop.µuov ; c'est lui probablement qu'au temps d'Aristophane le peuple d'Athènes appelait 04.sv 902 par allusion à son arome piquant et échauffant. C'est encore le cepa des Romains, qui en nommaient les bulbes capita; c'était l'vnio des paysans de l'Italie, quand le bulbe était seul et non accompagné d'une lignée (soboles) de caïeux acuminés ou spicae 203 Les anciens ont connu plusieurs sortes d'oignons 20` : leurs noms indiquaient surtout des races du pays, parmi lesquelles les oignons de Chypre étaient les plus estimés 205 Ceux d'Égypte étaient si excellents qu'ils recevaient des hommages à l'égal des divinités, au grand amusement de Juvénal 206 Le xpi e esov âcxaa6,vtov de Théophraste 207 n'est évidemment pas une race de pays. Mais Pline ayant ajouté à la traduction du texte de l'auteur grec : ascalonia, ah oppido Judaeae nomina ta 208, Linné a nommé notre échalotte allium ascalonicum, bien que cette espèce ne croisse pas en PalestineT09 et ne présente pas les caractères du xpôN.auov «axxaoSvtov de Théophraste. Ce dernier, le cepina de Columelle 210, ne donnait pas de caïeux, et par conséquent n'était pas notre échalotte, dont le caractère est d'en donner beaucoup au lieu de porter fleur. Bien que Galien 211 eût l'oignon, comme les autres alliacés, en médiocre estime, les anciens en faisaient au moins autant d'usage que nous. Ils le mangeaient cru ou cuit, sec ou confit'12. L'ail, allaûm, axipoSov, était préféré à l'oignon par Hippocrate Y13 parce qu'étant chaud il était en même temps évacuant; par la torréfaction, il perdait un peu de ses inconvénients, son principe, une huile essentielle, étant volatil. Le terme yalnç s'appliquait aux caïeux de l'ail, yvay(Sta et axépo en grec moderne. A côté de l'ail se plaçaient un certain nombre de bulbes désignés par les anciens sous les noms de axopoSpo7tpécov, ôptoaxépoSov, auxquels correspond notre rocambole (allium scorodoprasuun L., ou ophioscorodon Don), spontané dans les îles de l'Archipel grec, et qui n'est probablement qu'une variété de l'Ail ou allium sativunt L. L'ulpicum des Romains était beaucoup plus volumiueux que l'ail210. Broyée avec du vinaigre et de l'huile, cette espèce, connue par les Grecs à Chypre, fournissait une écume abondantesls d'où son nom grec d'euppoextipoôov , malheureusement traduit par Columelle en allium punicum/ C'était pour Végèce 216 l'ulpicum balticum ou gallicum, et c'est probablement Pallium na
grum L. (A. monspessulanum Gouan, A. magicum Brot.)
A la deuxième catégorie d'alliacés appartiennent d'abord le '(5 rotov xot)(opo),)m de Théophraste 217, cepula de Palladius 218, notre ciboule, l'alliera, fistulosum L., dont on coupait le feuillage pour le mêler aux aliments, puis le 7Cpciaov, porrum, notre poireau. Comme nous, les anciens mangeaient tantôt le bulbe, tantôt les feuilles du poireau, et ils le cultivaient de façons différentes, selon qu'ils voulaient en obtenir l'oignon, vaOSÀ),iç ou yiOu),alç 419, porri capot, ou les feuilles, porrum sectivum ou sectile 220. Non seulement ils tiraient un aliment des feuilles coupées, mais ils espéraient en les coupant faire grossir le bulbe'. A côté du poireau se trouvait 1't'y.sc ,onpxcov220 ou poireau de vignes, sur lequel nous ne savons que peu de chose.
3° L'asphodèle a été placé par Théophraste parmi les 3oaéa d•t,, bien que ses racines charnues, qu'il nomme (3«aavt~Sv (glandi formes), soient tuberculeuses et non bulbeuses.Il en est question comme aliment dans Hésiode 223; on les mangeait cuites sous la cendre avec de l'huile et du sel, ou écrasées avec des figues au temps de Théophraste 223; mais quelques siècles plus tard cet aliment, que Galien trouvait à peine mangeable 225, était visiblement en désuétude.
Il y a encore quelques légumes des anciens qui ne sont pas compris dans la classification précédente, et qui se répartissent en tiges, feuilles et bourgeons comestibles. Les tiges étaient nommées par les Grecs écot«payoç, d'une manière pour ainsi dire générale 226. Aussi faut-il bien se garder de traduire toujours ce mot par asperge. Théophraste"' n'a connu qu'une asperge sauvage, l'asparagus acutifolius L., qui parait (comme il le croyait) n'avoir que des épines et point de feuilles. Dioscoride 228 n'a aussi connu qu'une asperge (car la seconde partie de son chapitre relatif à ce légume paraît être une addition postérieure). Il la qualifie de 7CE7pato; uuéx«vOoç, ce qui rappelle le puâxxvOoç de Théophraste 429, probablement un leontice. Galien connaît aussi cette sorte d'âerxpayoç, et il cite de plus 430 l'âc sépayoç sxalXEtoç, qui guérissait le morbus regius, à ce que nous apprend la fin du chapitre cité de Dioscoride, et qui naît dans les jardins. Tout fait penser, d'après la description donnée dans ce chapitre, que c'est là notre asparagus of ficinalis. La culture de cette espèce
ne s'est introduite que tardivement. Caton est le premier qui la signale". Les asperges cultivées étaient au temps de Pline 234 un mets très estimé inaccessible aux pu
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vres. Les meilleures venaient de Ravenne et pesaient jusqu'à1/3 de livre. Les grandes asperges d'Afrique citées par Athénée 233 doivent appartenir à quelque autre espèce. Il ressort de divers passages de Juvénal 234, de Martial23s que la culture des asperges n'avait pas supprimé l'usage alimentaire des asperges sauvages, que Martial semble même préférer. Il ressort encore de l'Édit de Dioclétien sur le maximum 238 que les asperges sauvages étaient parfois fournies par les bourgeons sortant de terre (i3péz) du ruscus des Latins, notre ruscus aculeatus ou fragon.
La seule lige comestible à mentionner ici à côté des asperges est celle d'une orobanche. L'orobanche citée ici est celle de Dioscoride 237, le ).usééespov de Théo
phraste Ria, l'orobanche cruenta Bertol., parasite sur les
radicelles des légumineuses, que sa souche multiple étreint de ses divisions tuberculeuses agglomérées. La tige rougeâtre, épaisse et spongieuse de cette orobanche était mangée soit crue, soit en décoction dans des ragoûts, et passait même pour hâter la cuisson des graines des légumineuses. Il ne faut pas la confondre avec I'époééye•e de Théophraste239, notre cuscute epithyrnum, et que Hardouin 2'e a mal à propos rapportée au lathyrus aphaca L.
Les feuilles comestibles dont il nous reste à parler ici sont celles de la rue, des malvacées et du strychnos. Pour la rue, il y a un problème d'une solution difficile : le rata yraveolens, plante herbacée à feuilles caduques très profondément découpées, à odeur fétide, a des propriétés délétères, abortives; or cette plante était bien l'un des pute des Latins ; Pline a traduit par rata le n yavov des Grecs, et notre rue s'appelle encore en grec ni,yave cu surlyavtz 241 et aussi â,tnyavov. Cependant le niiyavov était un arbrisseau à feuilles persistantes, entières242, si notablement charnues que Théophraste nomme génériquement T« r,yévta les plantes à feuilles charnues us. On greffait le nryavov sur le figuier 244. Tout cela montre que letsiyavov-légume n'avait rien de commun avec notre Rue. Celle-ci est bien le njyavov é'ytov de la fin du chapitre 45 du 3e livre de Dioscoride, d'après ses propriétés, mais ne saurait être le ni,yavov xr,nn'j év, ou rata hortensis. Comme Dioscoride en décrivant les hypericum.2"5 compare leurs
feuilles à celles du 7*iyavn, on doit se demander si le 7avov-légume n'était pas un hypericum de la section Andro saemuin, à feuilles entières et persistantes, dont quelques espèces ont une odeur fétide analogue à celle de la rue 218.
La mauve, sur laquelle Apicius 2" a laissé des indications culinaires, tr.sàéy' ou lv.o)éi des Grecs YpB, malve des Romains, est assez connue pour qu'il suffise de la citer. Le corchorus, herbe potagère fort peu estimée qu'on ne mangeait guère qu'en Égypte, et dont l'amertume avait passé en proverbe "9, était une tiliacée, notre corchorus olitorius. Quant au strychnos, toutes les plantes que les Grecs désignaient sous ce nom étaient des solanées. Le stpvwo, ou •rpé7voç ièsHI1r-og paraît être le solarium nigrum, notre morelle, dont on peut en effet manger les feuilles
237 Diose. II, rocs, ; Plin. XXII, 80; Dodoëns Pempt. p. 543. 336 Theophr.
us, ", V, 6, 10; cf. Diose. 111, 45. Sprengel a commis un contre-sens en traduiDsdoëns Pempt. p. 77. 247 Api, n. 201. -24e Athen. 11, p. 59. 249 Theophr. It:pi pets, X11, 7, ; Schol. Nie. Ther. 626 ; Schol. Arist. S esp. 33 Plin. XXI, 52 et 166 ; Zenob. 15", 57 ; Diogen, Paroemiogr. gr. ed.v. Leutsch et Schneidcaiu,
bien que ses baies soient suspectes. Les Grecs la servaient sur leurs tables cuite aussi bien que crue 2a e.
Enfin l'unique bourgeon qu'il y ait à signaler ici est le bourgeon terminal du palmier, le chou-palmiste, que les Grecs n'apprirent à connaître qu'après avoir été mis en relation avec l'Asié, Il faut lire dans l'Anabase de Xénophon quel étonnement frappa ses soldats lorsqu'on leur offrit à manger l'èlxig,«),o1 tpôtvtxog 251. Plus tard cet aliment entra dans la vie des peuples de la Grèce 252. Le palmier fournissait aussi à l'alimentation les bourgeons de son inflorescence femelle encore enveloppés dans leur spathe201.
Nous arrivons maintenant aux fruits ou porno, qui sont ici très nombreux. En effet les anciens ont fait beaucoup plus de cas que nous des fruits sauvages. Ils acceptaient sur leurs tables bien des baies que récoltent seulement chez nous les enfants des villages, par exemple le fruit des églantiers 254• Les Grecs divisaient les fruits en (lipaiat, ,ls-ôapat et âxpôipua, divisions qui malheureusement ont manqué de constance et de netteté 2a5. Aussi avons-nous cru devoir recourir aux' termes latins, qui sont clairs pour tout le monde : ficus, male, baecae, siliquae, acini, morts, fraya, nuces, cucumeres.
Le figuier, ficus, fournissait à l'alimentation non seulement ses jeunes rameaux, xpaUtt (cradephroriae), qui se vendaient chez un marchand particulier 258 mais surtout ses fruits (oèsn). La figue a
été par excellence le fruit d'Athènes , et la barrière légale mise à son exportation257, jointe à certains traits des moeurs de la Perse, qui ne permettaient pas à son roi d'user d'aliments étrangers,
peut être invoquée parmi les causes qui ont hâté l'expédition de Xerxès. Hérodote de Lycie avait écrit un traité spécial sur les figues, auxquelles on attribuait avec raison le pouvoir de donner de l'embonpoint 258 Les figues fraîches étaient estimées surtout quand elles se présentaient sur le marché comme primeurs 259 ; mais les figues sèches caricae, io1ateg, étaient certainement le plus employé de tous les fruits, même après le repas et en superfétation 280. Souvent on coupait la figue en deux avant de la faire sécher 251, ce qui donnait le ficus duplicata.Dans bien des bourgades on peut dire que les figues tenaient lieu de pain 282. Dans la saison des figues, Caton diminuait la ration de pain des esclaves 26a On avait plusieurs sortes de figues ; les plus grosses étaient les olynthiennes. On connaît celles de Caunus, ville de Carie, et leur rôle prophétique quand Crassus partit pour l'expédition oit il perdit la vie 264
A côté du figuier se place le sycomore, feus sycomores, ousci ctvog 26s ou eruxôµnpog 288, feus aeyyptia E67, qui tient du mûrier par ses feuilles et du figuier par son fruit. Ce fruit précoce, et qui tirait de sa précocité son nom hébreu schikmim (au pluriel), d'où le grec euxdpuvo;,
c. axxt, Gal. VI, p. 635, 2`51 Xenoph. Anab. II, 3, 16. 252 Voy. Athen. li, p, 71. 253 âdiet. Dioclet. VI, 40 et le commentaire de M. Waddington. 255 Gal. t. V1, p. 589. 255 Voy. Notes du 1=1 vol. d'Oribase, p. 576. 256 Eustath. p. 1409, 63. Ou voit (fig. 415) une corbeille de figues fraiehes avec leurs rameaux et leurs folioles, d'après une peinture de Pompéi, Pitl. d'Ercolano, H. 257 Autiphan. ap Athen. III, 74. -258 Athen. XIV, 652. 259 Athen. In. p. 78. Laeil. ap. Noniume, éd. Quicherat, p. 312, 1. 10. 260 Athen. 11I, 79. 261 Pallad.
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croissait cependant pendant toute l'année sur le tronc de l'arbre, d'où vient qu'il était une véritable ressource contre la disette. C'est par l'Orient que la Grèce a connu ces fruits, très abondants à Rhodes 268,
Le terme de male comprend la plus grande partie des fruits des rosacées, même ceux des aurantiacées, la Grenade, et les jujubes. La plupart des arbres dont les Romains nommaient les fruits mala étaient appelés gr;Aéa par les Grecs, avec ou sans déterminatifs ; le mot gr),Éa était même plus exactement généralisé dans son application aux rosacées. Plusieurs de ces fruits sont réunis avec des raisins et d'autres encore dans une des peintures déjà citées 265 trouvées à Rome en 1783.
Le premier de ces arbres est le pommier, dont les anciens connaissaient beaucoup de variétés, même celle qui rapporte deux fois l'an m. C'est Pline qui a le mieux décrit ces variétés271, caractérisées par leur forme ronde comme les male epirolica ou orbiculata 27', par leur couleur rouge comme les mala syrica, par leur grosseur comme les mala appiana (qui pour cette raison ne pouvaient être nos pommes d'api), par quelques phénomènes tératologiques comme les pommes-jumelles et celles où une feuille naissait du fruit. Ces pommes, auxquelles Pline en ajoutait beaucoup d'autres, nommées d'après leur pays d'origine, étaient distinguées par les anciens en pommes fades, douces ou sucrées, aigres et astringentes.
Ils les mangeaient aussi bien cuites que crues 273, cuites soit dans la vapeur d'eau, soit dans la cendre chaude, enduites d'une couche de pàte 27'. En Grèce, une sorte de pommes, désagréables àl'estomac (par leur crudité sans doute) et que l'on réservait pour les faire cuire dans une tourtière (7c),«zavoç) avait pris de cet usage le nom de 7;Àai«vta 210.
Les poires, pipa, avaient chez les anciens des variétés encore plus nombreuses, dont on peut voir la liste chez Pline 2n, et qui variaient depuis un petit volume jusqu'à celui des gsvsrsi de Galien. M. Fée, dans le commentaire qui accompagne le texte de Pline, de l'édition Panckouelte, s'est efforcé de déterminer cesvariétés. On traitait les poires comme les pommes 277 ; on les servait parfois dans un bain d'eau 278. Les poires conservées, c'est-à-dire coupées par tranches et séchées au soleil 279, passaient pour très nourrissantes ; on les mangeait bouillies dans du vin coupé d'eau. Elles tenaient lieu de bouillie aux paysans, de même que les pommes 380, surtout en temps de disette. Apicius a un plat aux poires.
Le coing a été très prisé des anciens sous le nom de xuSwv(a (trouvé dans l'île de Crète) et de xobwv( transcrit avec quelque altération dans le latin malus cotoneum. C'est à lui que Virgile faisait allusion dans un vers élégant sous
le nom de cana.... tenera lanugine mata'. Il y a deux sortes de coings, les uns ronds, les autres allongés : ceuxci étaient les rr cpouOôltri),x des Grecs, ou mata struthea, plus doux et moins astringents que les autres 282. En entant le coignassier ordinaire sur le coignassier à fruits allongés, on obtenait le genus mulvianunl de Pline 283, la seule race de coings qui pût être mangée crue. Pline mentionne encore les chrysoraela, qu'un sculpteur antique regardait comme les fruits des Hespérides et a placés dans les mains d'Hercule. Les coings sont déjà mentionnés par Alcman, par Stésichore 284 et par Hippocrate 28n Glaucidès était l'organe de ses compatriotes en proclamant les coings les meilleurs de tous les fruits. En général on les cuisait soit dans le miel, soit par l'exposition au feu 250; Rufus recommande d'enlever les pépins et de les remplacer par du miel pour cuire ensuite le fruit sous la cendre enveloppé d'une couche de pâte 287. Apicius a donné la recette d'un plat aux coings2tl8 Enfin le coignassier servait encore à greffer le pommier; la greffe obtenue portait des fruits d'une douceur particulière, que nous ne connaissons plus, et que les anciens nommaient g.Ea(lr7)),a ou yataulgalna 289, en latin male mustea 220
Les nèfles ont été sans doute connues des anciens, mais moins qu'on ne l'a cru. Le néflier (mespilus germamea) ne croît pas en Grèce, et en Italie seulement dans la région montagneuse. Galien s'est trompé sur son compte 201, ce qui prouve qu'il le connaissait assez peu, Le g.EC77i).rl de, Théophraste 293 était un grand arbre à large cime et à feuilles profondément incisées ; ce n'était donc pas le néflier. Chez Dioscoride 293 il y a deux plantes complètement différentes. Celle du chapitre ci,xix convient à la description de Théophraste, elle s'appelle ,rp(roxxoi
cause des trois divisions de son fruit. Cela nous indique le crataegus tanacetifolia, nommé encore aujourd'hui'rptxoxxt« en Grèce. La seconde plante de Dioscoride, celle du chapitre cnxx, qu'il n'indique qu'en Italie, est bien notre Néflier. Il la nomme Ertgala(ç, c'est-à-dire s un peu pommier » et rapporte à ses fruits les g.xgrd,(SEç d'Flippocrate29Y, signalées aussi par le poète comique Aristomène et l'agriculteur .rEschylidès 290 ; il n'y a guère de doute que leur ;xxur)dç ne soit aussi l'tµogrI?(ç de l'historien Aêthlius 296 ; entre les deux il n'y a probablement qu'une différence de prononciation dialectale. Il faut cependant faire observer que ces termes correspondent expressément à des fruits dépourvus de noyaux, sans doute à une race particulière. En tout cas, les nèfles ne seraient pas les hypomelides de Palladius 297, dont cet agriculteur dit que l'arbre recherche les lieux chauds et insolés, exposés au vent marin, Ces détails conviennent mieux au crataegus Azarolus, cultivé d'une manière générale à Naples encore au xVl° siècle 198.
Les fruits du sorbus domestica,oûx ou sorbe des Latins, ont été mentionnés par Hippocrate 299. Dioscoride rapporte que ces fruits ou sorbes, écrasés par la meule, fournissaient une farine d'orge grillée, Apicius a aussi X00 un plat de sorbes.
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L'origine des pêches est connue. C'est le poète latin Suevius cité par Macrobe 301 qui l'a indiquée le premier. L'Europe en a dû la connaissance et l'acclimatation à l'expédition d'Alexandre. D'après Pline, ces fruits furent longtemps rares et valurent à une certaine époque environ 30 sesterces la pièce. Comme on doit s'y attendre, Apicius a un plat aux pêches 302.
Palladius 303 distingue quatre sortes de pêches : duracina, praecoqua, persica, armenia. Les persica étaient des pêches ordinaires, velues; les persica duriora citées par Apicius ou duracina, plus estimées par Pline 301, Smpâxtva des Géoponiques 305 celles dont la chair adhère
au noyau 3o6Restent les praecoqua et les armenia appelés armeniaea par d'autres auteurs. Dioscoride identifie nettement ces deux termes 307 ' le passage cité de Palladius, peut-être apocryphe, les distingue, mais Galien aussi 30B, tout en convenant que certaines
personnes les confondent. Il est évident qu'il y avait là deux types peu différents l'un de l'autre. Les praecoqua, ainsi nommées par Martial309, fruits à maturité ou coction hâtive, sont les mêmes que les praecocia, qu'à l'époque de Pline on ne connaissait guère en Italie que depuis trente ans. C'étaient alors des fruits de luxe et d'un prix assez élevé. Plus tard ils devinrent d'un usage général, et le mot latin praecocia fut écrit en grec sous la forme rp«txdXXtov, donné par Galien, en arabe sous la forme berkouk, qui donna au grec byzantin (opiroxxa et à l'espagnol, avec l'article al, albarieoque, d'où est venu le français abricot3lo
L'introduction du citronnier paraît remonter aussi à l'époque de l'expédition d'Alexandre. Les poètes comiques Antiphane et Ériphus 311 nous parlent du citron comme d'un objet de curiosité récemment importé à Athènes. C'était pour Théophraste "8, le premier qui l'ait décrit, le Eaaov tiô N.ojLx'ov tiô aepatxôv xaÀoip.evov ; pour Pline, qui l'a traduit, le fruit du malus assyria; pour Dioscoride le xiiodµrli,ov 33, c'est-à-dire le fruit du x=Spoc. Le nom de xulpoç a été donné par les Grecs à plusieurs conifères, notamment à un arbre d'Afrique, le callitris quadrivalvis Vent., dont le bois est nommé par les ébénistes bois de thuya, niais il appartenait aussi au citronnier34, sans doute parce que les deux arbres possédaient la même odeur et servaient aux mêmes usages contre les insectes. Le mot x€Spoç, ayant passé en latin sous la forme citrus, il en résulte que nous lui devons à la fois le nom du citronnier et celui du cèdre 315. Chez Théophraste, le citronnier est un arbre épineux, déjà cultivé en Grèce
de son temps, dont les fruits, doués d'une odeur excellente, y étaient employés pour corriger l'haleine, de même que chez les Mèdes "6 ; ces fruits furent longtemps restreints à l'usage médical. On ne possédait pas les variétés que nous avons du citrus medica. Aussi, bien qu'en trois cents ans, de Pline à Palladius, la culture du citronnier se fùt répandue dans l'Italie méridionale, on ne fit pas des citrons le même usage que chez nous. Leur suc ne servait qu'à corriger le vinaigre de mauvaise qualité, et au temps de Galien "7 on en mangeait seulement avec du vinaigre et du garon la partie blanche intermédiaire entre la chair et l'écorce"8.
Les mala granata (ou mala cum granis) ont donné leur nom à la Grenade. L'arbre qui les portait était l'arbor punira, d'où le nom technique du grenadier, punira granatum L. Cependant il est à supposer que l'adjectif latin désigne ici la couleur pourpre des rameaux, de la fleur et du fruit, car le grenadier n'est pas spontané sur la côte d'Afrique J19. En Grèce sa culture remonte à une très haute antiquité, car le terme de (Sofa (ait. ~6a) est déjà dans l'Odyssée le grenadier habitait les jardins d'Alcinods ; il excitait les désirs de Tantale. On disait que Vénus l'avait planté à Chypre 320, ce qui indique bien son origine asiatique, confirmée par les recherches de géographie botanique. En Béotie, le nom local était afin, 321 plus anciennement afE àg d'après Callimaque 322, ce qui fait penser à la ville carienne de 5M«. Les anciens distinguaient des grenades douces, âpres, acides, vineuses, et des grenades sans pépins 3i3, le tout agréable au goût plutôt que nutritif. Galien assure qu'on ne mangeait jamais les grenades cuites, et Dioscoride que l'on employait comme assaisonnement les pépins de grenades acides dont on saupoudrait les mets et qu'on cuisait avec eux. Les anciens faisaient cuire dans l'enveloppe de la grenade (malicorium, -cet alita Diosc.) 381 certaines substances pour leur communiquer un goût particulier.
Nous ne dirons rien ici des fruits du jujubier [LOTUS], et nous passerons de suite aux baccae, lesquelles différaient des puma, dans une classification ancienne qui manque assurément de netteté, par leur volume plus petit ou leur chair moins ferme. Ici se rencontrent d'abord les espèces du genre prunus de Linné, qui comprennent deux groupes, les Pruniers dont le fruit est revêtu d'un duvet céracé, et les Cerisiers, auxquels ce duvet manque. Ces deux groupes sont nettement caractérisés dans des vers d'Ovide3''. Les véritables prunes, ou fruits des pruniers, étaient les cerea pruna396. Le prunus spinosa, dontles rameaux épineux 327 forment des broussailles 323 et des haies naturelles, était sans doute l'Ù'yopéoç d'Homère 329, et ses fruits, les prunelles de nos paysans, en Lorraine brins belles 330, les (ip«loàa 331. Le prunus insititia L., aux fruits arrondis, sauvage dans nos bois et susceptible de culture, a chez Théophraste deux noms, aaoîtiç pour l'arbre sauvage"' et pour l'arbre cultivé xoxxussàl , qui se rencontre déjà dans Archiloque 333 et dans Hipponax 334. Ce dernier terme,
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prunier de Coucou, et le nom de son fruit, xoxxiîm),ov, démontrent qu'on tenait en médiocre estime le prunier de nos bois. Aussi le remplaça-t-on volontiers par le prunus clomestica L., à fruits ovales-allongés. Celui-ci, originaire d'Orient, le auptaxv1 xoxxup.7f),ea de Dioscoride"', a porté aussi en Grèce le nom de 7tpouu.v.1 33s mais ce terme venait de l'Orient, Galien indique"' le nom de apouµva comme donné aux pruniers par les paysans des environs de Pergame. Les variétés cultivées par les anciens, en nombre considérable338, portaient des noms dont quelques-uns attestent des procédés de culture singuliers pour nous. Ils avaient les prunes greffées sur pommier (analina) ou sur amandier (anzygdalina). La plus estimée était la variété qui arrivait à l'état de pruneaux secs du pays d'origine, de Damas n , et dont le nom, étendu plus tard en Grèce à toutes les prunes cultivées, a fourni au grec moderne celui de Uq.taaxrwtci, à l'anglais celui de clamsons. Galien recommandait de manger les prunes cuites dans de l'eau miellée 3k0, Dioscoride dans du vin doux cuit.
Les cerises sont nettement classées par Pline" parmi les baccae. Il y a deux cerisiers principaux en Europe, le prunus avium L., sauvage de temps immémorial, et le prunus cerasus L., introduit à Rome par Lucullus après sa victoire sur Mithridate342. Ce sont les fruits noirs et acides du prunus avium L., qu'indiquait Ovide par le terme de nigro ltventia succo, et Pline par' celui' de nierrima. C'est le prunus avium que Théophraste désignait sous le nom de xpâiatyoç, si l'on comprend bien le témoignage d'Athénée. Le mot xspaeo; paraît déjà bien avant Lucullus, chez Théophraste et chez Diphilus de Siphnos. Pour Théophraste 845, le xipaao; croît le long des rivières et dans le voisinage des eaux ; il ne le donne pas pour étranger; il ne cite pas pour comestible son fruit à noyau tendre, et dit son feuillage semblable au feuillage découpé du;aea7its. Les seules analogies que ce x€paso; offre avec notre cerisier, c'est d'avoir la fleur rosacée, l'écorce spontanément ruptile et le fruit rouge. Chez Diphile, le sens se rapproche du nôtre 344; il vantait les cerises de Milet. Il est probable que les populations de l'Asie-Mineure ont donné le nom de xépaaoç à un arbre à fruit rouge comme le xipaao; de Théophraste et de la Grèce ancienne, et que le sdpaaoç asiatique a donné son nom à la ville de Cérasonte et au eerasus des Latins, qui ont reçu ce mot avec l'arbre. Le terme manque au De re rustica de Caton. Les cerises des bois, nos merises, étaient confondues par les Romains sous le nom de corna avec les fruits des cornouillers 34s
Les cornouilles, corna, xpvaa, ne peuvent avoir eu dans l'alimentation des anciens qu'une place restreinte. Elles ne servent chez Homère 546 qu'à nourrir les cochons. Hippocrate les range positivement347 parmi les fruits comestibles. C'étaient les fruits du cornouiller mâle, ainsi nommé à. cause de la plus grande force de son bois3,e. On le cultivait, mais sans succès, paraît-il, puisque les cornouillers sauvages portaient de meilleurs fruits 349
Nous devons encore signaler parmi les baccae, les fruits
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nommés myxa par Pline 350 et salâpat par Diodore U11, les baies du myrte et du genévrier, les fruits du plaqueminier, du gattilier, les dattes et les olives.
Les nzyxae sont les fruits d'une Cordiacée, le r_ordia myxa L. ; ces fruits que Théophraste compare à ceux du prunier352 servaient, aux environs de Thèbes d'Egypte, à faire des tourtes. Les haies de Myrtes furent longtemps un aliment de prédilection pour les anciens Romains [coamMENTA] ; pour les Grecs, qui leur enlevaient leur âcreté en les faisant griller ou bouillir 353, c'étaient spécialement des mets de dessert'Les baies des genévriers étaient nommées âpxeutièeç et r.Elle eç, parce que l'on désignait ces arbres sous les noms d'apxsulo, et de xièpoç, celui-ci commun à plusieurs conifères. Théophraste préférait les tisll ç 355, et Galien 356 les âpreuîfts,, les autres fruits devant subir une macération avant d'être servis. Les fruits du plaqueminier d'Europe, Ta $toanupa, que Théophraste compare à ceux du x€paaoç 357, sont donnés pour comestibles par Galien . La graine du gattilier se mangeait grillée 7JO. Comme cet arbre, le vitex agnus castus L., se nomme xyvoç à cause de la pubescence de ses feuilles qu'un simple contact déflore, et que âyvéç signifie chaste, on attribuait à tort à cette nourriture un effet tempérant.
Les dattes, moivtxe;, ?ot,ititt 0 vot, palaauéae, ont été mentionnées pour la première fois par le poète dithyrambique Mélanippidès 380. Les Grecs et les Romains ne les connaissaient
que par importation. Au temps de Périclès, les Athéniens en recevaient déjà de la Phénicie 361; au temps de Platon, c'était déjà pour eux des fruits de dessert 362, Aristote a cité les dattes sans noyau363 Pline ne connaissait pas moins de 49 espèces de dat
tes"; 364; les deux espèces les plus caractérisées étaient les (lattes de la Thébaïde ou dattes-patètes"G5 et les dattesnoix (xapuor é) qu'on tirait de la Palestine et principalement de Jéricho 386. Parmi ces dernières, on distinguait encore comme une excellente variété les picolai, longues d'un quart de cordée, et dont le nom vient de ce que le philosophe et historien Nicolas Damascène en envoyait à titre de rareté à l'empereur Auguste 567. On les trouve plus d'une fois représentées dans les peintures de Pompéi (fig. 1448).
Les olives étaient rarement mangées fraîches; on utilisait parfois avec du pain celles qui étaient tombées de l'arbre, mais en général on les faisait mariner [SALAGMA].
Nous n'avons pas cité ici le pea'sea des anciens, dont
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les fruits appartiendraient à cette catégorie, arbre singulier que tous les auteurs anciens ont dit être vénéneux en Perse et avoir perdu cette qualité en Égypte, où on l'avait transplanté. M. de Sacy, dans la Description de l'Égypte traduite par lui d'Abdallatif, a exposé tout ce que l'on sait de cet arbre perdu 366, et l'impossibilité où l'on est aujourd'hui de l'identifier.
11 est encore une catégorie de fruits difficiles à classer, baccis similiora quam matis, dit Pline 369. Nous voulons parler des tuberes que Sextus Papirius apporta d'Afrique en Italie vers la fin du règne d'Auguste, et sur lesquels divers détails ont été donnés par Palladius 370. On ignore absolument quels sont ces fruits.
La classe des siliquae, parmi les fruits comestibles, ne contient guère ici que ceux du Caroubier, notre ceratonia siliqua L. Théophraste s'élève avec raison contre ceux qui les nommaient figues d'Égypte 371. La seule ressemblance que les caroubes offrent avec les figues, c'est qu'elles sont souvent attachées au bois même de l'arbre. Les caroubes, 'rà xsp«Tt«, siliquae graecae ou syriacae, que la culture sut produire en Italie 372, ne paraissent pas avoir été fort en honneur chez les anciens, malgré le principe sucré qu'elles renferment. Galien 373°les regardait comme nuisibles à la santé et ne craint pas de dire qu'il aurait désiré qu'on n'eût pas importé ces fruits.
Les acini (pour nous les petites baies) étaient pour les Romains les fruits de la vigne et ceux du sureau.
Le raisin aété chezeuxl'un des principaux fruits de dessert, comme il l'est chez nous. Il y avait des gens qui pendant deux mois de l'année3T4 ne mangeaient que des figues et des raisins, avec un peu de pain, et qui cependant ne manquaientpas d'embonpoint. Les anciens distinguaient"' des raisins de première qualité (EJyevsis), c'est-à-dire des raisins charnus, des raisins doux, acides ou âpres, et des raisins vineux, dépourvus d'aucun goût particulier. Les anciens faisaient grand cas du raisin sec (17T2p(4); il en est déjà question dans Hippocrate "9; ils en distinguaient également plusieurs sortes 377. Tantôt on en enlevait les pépins, tantôt on les tirait de variétés qui en étaient naturellement dépourvues. Théophraste indique le moyen d'obtenir ces variétés 378. Les raisins secs, mélangés avec de la farine d'orge et de millet, et frits dans la poêle avec un oeuf et du miel, formaient un appoint important à la
Le sureau, «xu~, dans Hippocrate 380, ne joue que tout au plus un rôle alimentaire, mais Pline assure qu'on en mangeait les baies bouillies dans l'eau 381, et en effet Apicïus en confectionnait un plat 382
On sait que sous le nom de p.cip« l'on confondait les fruits du mûrier et ceux de la ronce, comme nous le faisons sous le nom de mûres. Les premiers, gép«, Zepuv«, rux«g.tv«383 sont déjà mentionnés par Eschyle, par Sophocle 38'' par Hippocrate 385 qui les range parmi les aliments. On les mangeait frais et même cuits 386 Les
seconds sont signalés de même par Eschyle et sous le
nom de g.4« «Tou chez Hippocrate 387, sous le nom
de (30'iTtvce chez Galien 338 qui les abandonnait aux paysans. Pline les donne nettement pour comestibles 3s9
La fraise, fraga, a été connue des anciens890, mais comme un fruit sauvage, et l'on peut assurer qu'ils n'ont pas cultivé le fraisier. Il y avait un fruit qu'ils comparaient à la fraise, à cause de sa couleur et de son aspect mamelonné, celui de l'arbousier, le xg«poç des Grecs. Les arbouses, T« utu.«(xua«, paraissaient sur les tables au temps de Périclès, et cet usage persista longtemps, depuis Théophraste 391 jusqu'à Dioscoride 399, qui les regardait comme un assez triste aliment. Pline est du même avis et fait valoir à l'appui de son opinion le sens du mot unedo, qui désigne en latin l'arbousier et son fruit 3s3
Nous arrivons maintenant aux nuces, ou fruits à enveloppes crustacées, qui comprennent 1° les noix ; 2' les glands ; 3° les châtaignes ; 4° les noisettes ; 5° les amandes ; 6° les pistaches et 7° les fruits des abiétinées.
Le mot grec x«puov et le mot latin nier se sont employés dans deux sens, l'un très étendu, comprenant tous les fruits que nous venons de nommer 39', comme nous en donnerons des exemples plus loin. Mais les mots x«pua ou noces sans adjectif se disaient exclusivement des fruits du noyer 395 et même quelquefois aussi avec un adjectif, comme Tà aTpclyyua«. x«pur, Tâ ~aatyexâ x«pu«. Il faut même admettre ai 7ceptx«( comme désignant les noix appelées 776[.37014 rç' cciç dans une inscription 396. En effet, d'après Dioscoride 397 et Pline 398, les noix de la Perse s'appelaient chez les Grecs 7cepatxXl et (32at'ma«(. Cependant le noyer est parfaitement indigène en Grèce, comme l'a prouvé récemment M. de Heldreich 399 ; aussi ces adjectifs désiguaieut-ils probablement certaine race de noix, préférée aux autres. Les noms sont ici une source de difficultés singulières. En latin le noyer a porté le nom de juglans, et les noix celui de nuces juglandes, tandis que c'est la châtaigne qui s'est appelée en grec A,18 13«),«voç. Les anciens ont mangé les noix fraîches, les noix sèches ramollies dans l'eau 400, et même grillées dans le four w0L On les prenait au dessert, quelquefois aussi avec du garon au commencement du repas.
Les glands ont sans aucun doute été mangés par les peuples riverains de la Méditerranée. Les preuves n'en sont peut-être pas aussi nombreuses qu'on l'a dit. On a cité le xapniupouo4 bpûç, de Lycophron 1105, Mais, d'après le scoliaste d'Aristophane 403 et Hésychius, bpTJ4 était, dans le vocabulaire primitif de la Grèce, le nom générique de l'arbre, et un synonyme de ôsvipov. On a aussi beaucoup cité un oracle de Delphes, rapporté par Hérodote 404, où le mot «a«vr~ui«yot pourrait ne désigner que des mangeurs de châtaignes 405. Dans le vers d'Homère 406
nous savons par Pline 407 et par Amphis 409 qu'âxuaoç dés
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signe le gland d'un chêne, le rptvoç ou chêne vert 509 ; resterait donc (3«),2vov pour la châtaigne. Toutefois on a quant au sens de (3),avoç, gland, et quant aux anciens usages des peuples de la Grèce, un passage non équivoque d'Hésiode 41o et d'autres témoignages probants.
D'ailleurs l'antiquité a été unanime à conserver là tradition qui faisait des anciens Arcadiens des mangeurs de glands. Les échos de cette tradition, encore vivants chez Aristote, 411 et chez Galien 418, se rencontrent non seulement chez un poète comme Apollonius de Rhodes 413 mais jusque chez un prosateur comme Plutarque 414 On fait remarquer que crtiydç dérive de yl iyol et esculus de esca. Bien que nous n'ayons trouvé aucun texte où esculus désigne positivement un chêne comestible, il n'est pas douteux qu'on n'ait mangé des glands en Italie. Dans les temps de disette on savait les moudre pour en faire de la farine et même du pain 415. Les glands étaient surtout estimés en Espagne, où on les admettait sur les tables au second service, surtout après les avoir fait cuire sous la cendre. Ce sont là les (3«i,avot âlrrot d'Oribase 416 I1 s'agit là des glands doux, fruits du quercus ballota, le bellouth des Arabes 417, qui doit avoir été le tpr,yéç de Théophraste 418 ou son nap(ç, et peut-être tous les deux. Le quercus ballota croît en effet en Grèce, ainsi qu'en Espagne, où ses glands sont encore en usage vulgaire dans l'alimentation 419
La châtaigne est un des fruits qui ont le plus varié de nom pendant les divers âges de l'antiquité. Nous avons cité plus haut celui de Atoç O«navoç, fréquent chez Théophraste 440, qui la décrit fort bien, enveloppée dans un involucre épineux, éw é,((vp «xavOwiet 421. Chez Hippocrate 422, par opposition aux noix, x«pux T« 6Tpdyyu),01, les châtaignes sont les noix larges, x«pux r« n).xTEa, expression qui e traversé bien des siècles 423 pour reparaître dans un des extraits de Dioclès faits par Oribase 424. Dioscoride, dans son chapitre Hapi xaa'civoiv 485, s'exprime ainsi : cd li aapStaval
vous, etc. C'est la seule fois que paraît le terme ,adcz, qu'un certain Agélochus a écrit âµwTa 426. C'était un terme de Sinope. Cependant le nom de x«aravov prévalut et détermina celui de beaucoup de localités 42'. Le scoliaste de Nicandre 428 connaissait quatres races de châtaignes, désignées d'après leur origine et les caractères de leur invo
nonov. «Sardibuseae(castaneae nuces(provenereprimum,» dit Pline 429. Ti) µce),axdv fait penser aux castaneae molles de
Virgile 430, Tô yuµ2d)D07cov aux nuces calvas de Caton, et Te, 7,17ctµov au purgabilts de Pline. Galien ajoute à ces noms celui de ),aux,livo , d'un bourg de l'Ida431. Les x«pua etlGotx« n'étaient encore que des châtaignes6''.Ces fruits, nommés xaaravzîz dans l'inscription n° 123 du recueil de Bceckh, ont été une consommation habituelle pour les anciens. On les torréfiait et même on les réduisait en farine.
Vient maintenant le noisetier, xaptia 7lpax),eo3Ttx3j de Théo
phraste et de Dioclès "3a, qui l'ont distingué soigneusement du châtaignier, ce qui ruine une opinion d'Oppius rapportée par MacrobeA34. Les noisettes se mangeaient fraîches ou grillées. Ces fruits se nomment encore aujourd'hui ),apToxupu« "3' et oouvrouxt«, du turc fonduk. Le mot turc est apparenté à plusieurs termes analogues du pehlvi et du persan 436. Cela nous montre que les termes anciens de ),a7rrox«pua et de novrtx« x«pua, identifiés par Dioscorideü07, devaient désigner la noisette, et que Io second de ces deux termes anciens n'avait probablement pas un sens géographique. Ce n'est que pour mémoire qu'il faut enregistrer une opinion contraire inscrite dans la compilation d'Athénée 438. En latin, les noisettes étaient les nuces avellanae et les nuces praenestinae. Ce sont cette fois-là des noms de pays. Avellanae vient, d'après Pline 439, d'Abellanae, village de la Campanie; et si les noisettes ont gardé le nom de Préneste, c'est pour un fait historique que Tite-Live rapporte avec détails 440: une troupe d'habitants de cette ville s'étant renfermée dans Casilinum, s'y trouvait assiégée par Annibal et réduite à la plus extrême famine, lorsque les Romains confièrent aux eaux du Volturne des claies chargées de ces fruits, que le courant porta sous les murs de Casilinum.
L'amandier existait à peine à Rome au temps de Caton, qui en nomme les fruits nuces graecas 441 ; c'est aussi à cet arbre qu'il faut rapporter, d'après le passage un peu incohérent de Pline 442, le nux mollusca dont l'amande rompait sa coque. Des amandes ont été figurées plusieurs fois dans les peintures de Pompéi (fig. 1419). On connaît des amandes dont le péricarpe ex
térieur se fend spontanément sur l'arbre. En Grèce l'amandier était bien plus ancien. Le terme d'«µvy10cil, qui paraît assez fréquemment dans Hippocrate443, est purement sémitique d'après Movers 444, et les amandes de
Naxos étaient célèbres. Les anciens distinguaient parfaitement les amandes douces des amandes amères44". Ils faisaient griller les premières. Les amandes amères ont passé dans toute l'antiquité pour empêcher l'ivresse quand on les mangeait avant de boire 446
Les pistaches sont les fruits du pistacia Sera, le staeax(a des Grecs, dont le nom trahit l'origine persane comme celui du répµtvOoç447, notre térébinthe. Pline classe nettement les pistaches parmi les nuces 448; elles sont venues à Rome par la Syrie. Discoride449 donne le fruit rouge du térébinthe comme comestible aussi; on lui reconnaissait 4a0 un goût piquant et agréable [CONDIMENTA).
Restent, pour en finir avec les nuces, les fruits du pin pignon, pintes pinea L. Les cônes de ce pin, le raidi xo3vo?dpoç de Théophraste 451, ont reçu aussi des noms variés chez les Grecs ; xdxxteva chez Solon 452, xdxxa),ot chez Hippocrate 453, xwvot dans l'inscription n° 123 déjà citée,
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terme resté le plus vulgaire en Grèce, aTpo(3taot à l'époque de Galien ""4, qui éclaircit toute cette syponymie, aujourd'hui xouxxouvaptâ4'S; quant aux amandes renfermées dans ces cônes, c'étaient les ôcrpaxfîcç du médecin Mnésithée44SG les r.upilvtç de la même inscription, le 7cm(ç de Dioscoride 457 ou les xxpsz 7trrutva. En latin c'étaient chez Caton 458 les pineae nuces, dont Pline 459 énumère plusieurs variétés, sans qu'on soit bien sûr qu'il s'agisse toujours là des fruits du pinus pinea. Le même Pline rapporte que les habitants du Piémont donnaient le nom d'aquiceli aux pignons doux cuits dans le miel. On voit encore des pignons doux figurer dans les Saturnales de Macrobe 469 au v° siècle de notre ère.
Les fruits des cucurbitacées étaient au nombre de cinq dans les potagers des anciens. Hippocrate en si
s'est appelé également auiewv et adxuoitétwv. Les adjectifs dùgbç et iétwv sont opposés l'un à l'autre; Wuôç signifie le fruit vert dans sa crudité, tel qu'on mange le cornichon avant qu'il soit développé en concombre; 7d7cwv, de la même racine que le verbe 7tiotiw 46', désigne le fruit arrivé à une sorte de coction naturelle par une maturité complète. Quant à b U èTEpoç 'oérwv, que M. Littré a admis 406, il nous paraît que c'est une mauvaise leçon d'où le mot auirnv doit disparaître, et cela sur l'autorité de plusieurs manuscrits : le sens est ô il ètiEpoç (atxuôç). Théophraste a encore le xonoxévOr1 dont il ne connaît qu'une sorte467. Les trois variétés de cixudç qu'il indique dans le même passage ne sont que des races locales. Il nomme enfin le atxda qui avait 468 des rangées de graines écartées dans son fruit, ce qui pour nous le rapproche du 7t~7twv. Un passage de Speusippe 469 nous autorise d'ailleurs à identifier complètement ces deux termes. Dioscoride a aussi le xo),oxlv8l 470. Chez lui le terme atrudç ou adula deson chapitre suivant traite du 7ru7twv. Quant à son afxuç üyptoç, qui n'est pas comestible, c'est une cucurbitacée toute différente, le momevdica elaterium [UNGUFNTA]. De ces trois cucurbitacées, les plus anciennement connues des peuples de la région méditerranéenne, le xo),oxdvO-il se distinguait par sa rotondité "2; c'était notre potiron. On le mangeait soit bouilli dans l'eau vinaigrée, soit avec de la moutarde, soit bouilli 476. Il faisait souvent le fond d'un de ces ragoûts aromatiques dont les Romains étaient friands 474. En Grèce on le réservait à la nourriture des esclaves pour l'hiver, en le coupant par tranches qui séchaient suspendues dans la fumée". Le atxuôç tôµèç ou afxuç était le cornichon [SALAGSIIA]. Le itétnv ne peut avoir été que le melon ou la pastèque. Le grec moderne 7_7twva indique le premier sens. Mais les passages cités de Dioscoride et un autre de Galien 47G montrent que le 7tértwv excitait le vomissement, surtout par sa racine, que l'on réduisait en poudre pour exercer cette influence émétique. On ne le mangeait cru qu'avant sa maturité 477 et
à cette époque Galien recommande soigneusement de s'abstenir de sa chair intérieure où sont renfermées les graines. Ces détails nous écartent singulièrement du melon. Le 7tu7twv, qu'Ibn Beithâr (n° 303) traduit par battich, c'est-à-dire pastèque, fournissait un mets agréable quand on enlevait l'écorce pour faire cuire ce fruit dans un mélange d'huile, de vinaigre et de miel.
Une quatrième cucurbitacée, ivetxil xoÀoxdvOI, 7~ xal aêtà xxi adula, dit Ménodore 478, ainsi nommée parce que ses graines venaient de l'Inde, était la gourde, qui servait habituellement dans l'alimentation, surtout bouillie. Enfin le melopepo de Pline 479 existe encore dans nos potagers. Le radical geov, expliqué par Pline, indique que ce fruit ressemblait à celui du cognassier. Nous possédons encore des melons de la grosseur d'une orange qui doivent se rapprocher de cette race, toute nouvelle quand Pline écrivait, et qui, nommée melo par Palladius 480, nous a fourni le nom du melon.
Cette étude du régime végétal des anciens se termine naturellement par celle des champignons, dont le tissu azoté se rapproche par ses qualités alimentaires de celui des animaux. Les termes spéciaux qui désignent les champignons (ulxzTEm, fungi) chez les anciens sont nombreux, et plusieurs d'entre eux, tels qu'agaricus, boletus (f3te),(Tgç), amanites, ont été conservés dans la nomenclature moderne. Mais les termes modernes sont loin de correspondre aux termes anciens. Comme )êirlç signifie en grec une masse sphéroïde et que Pline parle du volva et (le la couleur rouge du boletus, il est probable que ce nom désigne l'agaricus caesareus ou oronge vraie, espèce du midi de l'Europe, dont l'hyménium se mangeait, comme le prouve le texte de Galien 481. Pline ajoute : temere 483, et son texte montre que les paysans de l'Italie, de même que les nôtres, confondaientà leurs dépens la vraie et la fausse oronge. Les a fungorum tutissimi qui rubent n de Pline 485 peuvent être identifiés, grâce à une des fresques de Pompéi que reproduit la figure 1420: c'est bien là notre lactarius deliciosus.
Les fungi pratenses dont Horace vante l'excellence 484 sont évidemment les pra
pestris), que nos hor
ticulteurs ont appris à cultiver sur couche artificielle. Les spongioli d'Apicius 495 devaient être nos morilles, dont l'hyménium a l'aspect d'une éponge, si le texte d'Apicius porte bien spongioli"'. Quant aux fungi faginei et aux funguli, ce serait beaucoup s'avancer que de leur assigner une détermination précise.
Il est déjà question de l'emploi alimentaire des champignons dans Hippocrate b87 et dans Épicharme. Ces végétaux semblent avoir été assez employés en Grèce, sans toutefois y être considérés comme un mets de choix". Dioscoride les tenait toujours et avec raison comme d'une
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digestion difficile m. Ils étaient très recherchés chez les Romains; Pline °e° les nomme opinzi cibi, sans dissimuler leurs dangers [VENENU➢I]. On les coupait avec des couteaux d'ambre jaune ou d'argent; quelques amateurs ne dédaignaient pas de descendre à la cuisine pour les préparer. On en faisaitvenir de secs de Bithynie. On les mangeait crus, grillés ou bouillis. Diphilus de Siphnos veut qu'on les prépare avec du vinaigre, du miel et du sel.
Les truffes, qui sont, comme on sait, des champignons hypogés, ont été fort appréciées par les anciens, bien que, selon toute probabilité, ils n'en connussent pas les meilleures espèces. Galien 491 les tient pour un aliment aqueux et sans goût prononcé, qui sert seulement de substratum aux assaisonnements. Cependant Théophraste 492 en a connu deux espèces particulières appelées µi7„ et itou, dont l'une venait de Cyrènes et l'autre de Thrace, qui avaient toutes deux une saveur très agréable et une odeur de chair. Suivant Dioscoride 493 on mangeait les truffes crues ou grillées. Apicius a encore d'autres manières de les préparer.
II. La nourriture végétale, dont nous venons d'indiquer les éléments, fut dans l'origine à peu près la seule connue des peuples anciens. Sans recourir, pour justifier cette affirmation, aux louanges d'un caractère un peu légendaire prodiguées par les poètes à l'antique frugalité 49', il suffit de rappeler [ARBORES sACaAE, p. 356] les traditions qui rapportaient à l'enfance de l'humanité le culte de certains arbres sa première nourriture, tels que le chêne à glands doux, le figuier, l'olivier et d'autres encore. La coutume se conserva longtemps à Athènes de servir tous les ans aux Dioscures un repas composé de fromage, d'un gâteau, d'olives mûries sur l'arbre et de poireaux, en mémoire de l'ancienne manière de vivre 495. Dans les plus somptueux festins de l'Iliade, il n'entre guère, en fait de viande, que de la chair de boeuf bouillie. On ne se nourrissait de celle des oiseaux qu'en cas de nécessité; de même dans l'Odyssée, où sont représentées tant de scènes de la vie maritime, on ne mange guère de poisson ; ou, quand cela se trouve, Ulysse s'en excuse sur une faim pressante q96, comme ailleurs Ménélas. Les Athéniens eux-mêmes avaient été frappés de cette profonde différence entre les moeurs de leurs ancêtres et les leurs, et cela dès le Ive siècle avant l'ère chrétienne X97. On vantait alors l'utilité d'un régime simple et salubre : saine pensée dont on trouva un écho répété, mais inutile en présence du luxe toujours croissant, chez Horace 496, chez Pline 499 et jusque chez Macrobe 500. Ce luxe de la table ne consista pas seulement à y faire figurer les meilleurs morceaux, et pour cela à nourrir dans des garennes, dans des volières, dans des viviers, des animaux préparés à point pour des convives blasés ; on s'ingénia à y servir les êtres les plus rares de la création, c'est-à-dire les plus difficiles à rencontrer, partant les plus chers à acquérir. Les nécessités de la vie avaient dans le commencement forcé l'homme encore sauvage à essayer de tous les végétaux, parfois à ses dépens ; les abus d'une civilisation trop raffinée le portèrent
à goûter, ne, fût-ce que par ostentation, de presque toutes les substances animales.
Pour mettre de l'ordre dans cette étude du régime animal, il importe de considérer séparément les qualités de l'individu dans l'espèce alimentaire, et celles de l'espèce elle-même 501. L'animal dont nous faisons notre nourriture varie en effet selon son âge, son état physiologique, son état de domestication ou de liberté, selon les lieux qu'il habite et selon la saison où on le capture.
L'influence de l'âge était bien connue des anciens, qui reconnaissaient avec raison comme préférable la chair des animaux adultes, encore voisins de la jeunesse50", et surtout rejetaient celle des bêtes âgées J03. Dans l'état physiologique, ils considéraient comme nous l'importance de la santé, et plus que nous celle du sexe, bien qu'ils aient varié sur ce point. Toutes choses égales d'ailleurs, le médecin Philotime 504 préférait les femelles ; le faisan mâle était cependant réputé meilleur que sa poule 505. Les mâles étaient surtout recherchés après une castration préalable 540 notamment les boucs et les béliers ; pour les femelles des mammifères on avait généralement soin d'éviter la période de lactation qui les affaiblit 507. L'état de domestication a été fort étudié par les anciens, plus proches que nous de l'origine de cet état. La même espèce, à l'état de domestication, leur semblait avoir une chair humide, à l'état sauvage une chair plus dure et plus sèche, moins grasse et plus facile à conserver longtemps 508, nourrissant davantage et laissant moins de résidu. C'est pour cela que Celse la trouvait plus légère à la digestion409. La station occupée par l'animal (solum,coeluin, aqua) était fort considérée. On savait par exemple que de la nourriture des perdrix dépendait le goût de leur chair. Les perdrix de Cirrha avaient mauvaise réputation ; elles sentaient l'ail, ce qu'Éliens10 attribue à l'instinct préservateur de l'animal. Le poisson était plus léger pris sur un fond de galet que sur un fond de sable, plus léger sur le sable que sur la vase 511, plus salubre dans la haute mer qu'à l'embouchure marécageuse des fleuves, par lesquels s'écoulaient les immondices des villes 512. C'est ce que Galien fait notamment remarquer du muge et des murênes 516 Si le rivage le long duquel vivaient les poissons regardait au nord, le poisson passait pour bien meilleur : celui d'un grand étang, ou même du Pont-Euxin, semblait inférieur à celui de la haute mer. Pour Mnésithée d'Athènes 514, le meilleur poisson se trouvait dans les bas fonds, à l'abri du vent. Il y a toujours eu certaines eaux renommées, le Rhin pour ses perches, le Tibre pour ses bars 515, surtout entre les deux ponts de Rome 516 C'est au printemps que les poissons sont généralement les meilleurs, à cause de l'époque ordinaire de leur frai 519 ; les oiseaux en automne, à cause de l'abondance des fruits dont ils se nourrissent, et les herbivores à l'époque où le gazon est le plus abondant '".
Les animaux qui remplissaient les meilleures de ces conditions ne rentraient pas toujours pour cela dans l'alimentation des anciens. Chaque peuple exceptait de la sienne quelque animal, consacré par lui à une
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divinité. Ce n'était pas toujours l'idée religieuse qui causait de semblables interdictions. Le nom de l'agneau est rattaché à une racine sanscrite han (occidere), d'où le dérivé également sanscrit aghnya, et ayhna, non laedendum 679, I'animal qu'il ne faut pas tuer prématurément, mais conserver pour le profit futur. Cette dérivation concorde avec une vive réprimande que, dans l'Iliade 596, Priam adresse à ses fils, qu'il qualifie, au milieu de ses invectives, de « ravisseurs d'agneaux et de chevreaux, » animaux qui appartenaient à la cité et se trouvaient placés sous la sauvegarde publique. Le sentiment de la nécessité de cette protection fut plus tard empreint, chez les Athéniens, dans une mesure législative spéciale 621; même du temps d'Athénée, un vestige de ces dispositions anciennes subsistait encore, concernant la prêtresse de Minerve à laquelle il était interdit d'immoler une jeune brebis, et même de goûter du fromage fait avec son lait 522. De même, à Rome, la religion protégea longtemps le boeuf, le compagnon du travail de l'homme 523. D'autres interdictions furent formulées dans des lois anciennes contre l'usage d'une nourriture trop choisie, notamment dans la loi Fannia qui prescrivait aux Romains de n'admettre sur leurs tables, en fait d'oiseaux, qu'une seule poule; encore fallait-il que la poule n'eût pas été engraissée 534 [suMP
TUARIAE LEGES]. D'autres raisons ont imposé le respect de certains animaux: ce sont les services qu'ils rendent en détruisant des êtres nuisibles, comme le font les ibis et les cigognes en avalant les serpents «°; en Thessalie il 1 y eut peine de mort pour le meurtre d'une cigogne, et un Romain qui, pour affecter un luxe bizarre, s'en fit servir une contre la coutume, en fut puni par les railleries du peuple.
Outre les animaux interdits, il y en avait que la mauvaise qualité de leur chair écartait du régime ordinaire. Terpsion, qui fut le maître d'Archestrate, avait soigneusement énuméré dans sa Gastronomie de quels mets il convenait de s'abstenir 525. Nous rencontrons ici des faits singuliers. L'antiquité a été unanime à considérer comme dangereuse la chair de la caille, parce que cet oiseau était supposé se nourrir d'herbes vénéneuses 52°, telles que la ciguë, l'ellébore, l'aconit napel. La chair de la salamandre aussi était regardée comme mortelle 523. Le mépris que l'on avait du lézard et de la tortue 529 était justifié par le mauvais goût du Tesludo Cephalo, le 7eov-riaç zs?,âtvrl, que l'an pêche dans la Méditerranée, sinon par celui du Testudo yraeca, le j ls'r, -AEpOL GI53°. Un proverbe cité par Athénée 531 prouve qu'il régnait chez les anciens au moins une grande indécision quant à l'usage de la tortue. La chair du cerf était rejetée comme indigeste' Galien mettait car le même rang celle de l'âne, fût-il jeune et de cette belle race d'Orient que Mécène avait vainement essayé de mettre en honneur 639. Manger des solipèdes
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était mal vu; c'était se ravaler au rang d'un esclave 534 Galien condamne l'usage alimentaire du cheval aussi bien que celui du chameau. Ces prescriptions n'ont de valeur historique que pour les contrées et les époques où elles ont été écrites, car Aristote tient au contraire la chair du chameau pour un mets fort agréable s35 et Diodore 695 rapporte qu'en Arabie on en faisait un très grand usage. Suivant Hérodote 537, en Perse, les riches se faisaient servir, au jour de leur fête, un boeuf, un âne, un cheval, un chameau rôti en entier; et du temps de Galien 539 on mangeait de l'âne et du chameau à Alexandrie.
Reste le chien. Sa chair est présentée comme un aliment usité dans plusieurs passages de la collection hippocratique 539. A une époque plus reculée 540, les jeunes chiens paraissaient fréquemment sur les tables, de même que chez les Romains 5-0i où cette nourriture était encore en usage, au temps de Pline, dans les festins d'un caractère religieux. Aussi est-on étonné de lire dans Sextus Empiricus que la chair de chien était considérée comme un mets impur. Quant au renard, s'il est aussi entré dans l'alimentation, comme en témoignent quelques passages des auteurs anciens 542, ce n'a jamais été que d'une manière accessoire.
En énumérant les nombreuses espèces animales dont les peuples de l'antiquité se sont nourris avec plus de constance 549, il faut observer un ordre scientifique, et il convient ici de suivre celui des anciens, c'est-à-dire de commencer par les quadrupèdes (T« reg«, r raxpâTOSn) pour continuer par les oiseaux, les limaçons, et enfin l'immense catégorie des animaux aquatiques ('c« ivulpcc).
Les quadrupèdes n'ont pas offert à l'alimentation seulement leur chair. On est quelque peu étonné de trouver dans le traité de la vertu des aliments de Galien un chapitre sur le sang des animaux 544. Le sang de lièvre, dit-il, est excellent, et on a coutume de le faire cuire avec les viscères de cet animal, ce qui nous prouve que notre « civet » est d'origine assez ancienne. On servait aussi sur les tables le sang du porc, et Homère n'avait pas ignoré la valeur nutritive de celui de la chèvre. Seul le sang de taureau était soigneusement exclu. L'antiquité s'est accordée à lui reconnaître des propriétés délétères 545, et lui a attribué la mort d'Annibal54e ainsi que celle de Thémistocle 647 Pour le lait, apprécié par les anciens comme il l'est par nous, et pour ses dérivés l'oxygala, le beurre et le fromage, nous renvoyons aux arti
Lorsque les peuples que nous étudions firent entrer les quadrupèdes dans leur nourriture, ils tirèrent de leurs diverses parties des produits plus variés que nous. Non seulement ils mangeaient toute bouillie leur chair, que l'on pouvait acheter chez le marchand de cette sorte de comestibles (6 igOorw).a ), mais encore ils connaissaient,
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sous le nom de suffocatio, un mode particulier de cuisson [coQUINA]l1A 11Es]. Sans doute ils servaient sur leurs tables, comme nous, la langue des animaux 548, leurs reins ou rognons, leur coeur, leur foie, surtout le foie gras, inventé en Sicile 549, et extrait d'animaux engraissés avec des figues 55o Mais ils se nourrissaient aussi d'organes dont le nom même est inconnu à nos cuisinières, par exemple les glandes salivaires et les ganglions lymphatiques "ô51, le thymus, qui ne se développe au devant du cou que chez les jeunes mammifères, les mamelles, les testicules 552, etc. En outre, les intestins et leurs annexes, que nous n'oserions pas admettre sur une table bien servie, étaient en grand honneur sous les noms multiples, et difficiles à identifier exactement, de lattes, rotais, ydpies (ipéat, Epicharme),;tô),t;, .1l'vaetpov, vvi(rrt; d'où le latin jejunum). C'étaient là les éspea p.dpte. Pour n'abandonner aucune parcelle utile de tissu animal, on creusait jusque dans les canaux osseux afin d'en retirer la moelle, et l'on extrayait même du canal rachidien jusqu'à la moelle épinière, plus estimée que la cervelle, comme étant moins nauséeuse 553
Les espèces vraiment alimentaires de quadrupèdes étaient le boeuf, le porc, la chèvre, le mouton, le lièvre, le lapin et le loir. Nous avons déjà parlé de la viande de boeuf, qui passait pour avoir servi de nourriture à Herculent, et qui avait, dès l'origine, en Grèce, un rôle prépondérant, de même qu'aujourd'hui en Europe. Comme cette viande est lourde à la digestion, et qu'elle passait pour engendrer les affections atrabilaires555, elle céda de bonne heure le premier rôle dans l'alimentation à celle du porc, qui paraît déjà dans l'Odyssée 558. Les anciens sont inépuisables dans les louanges qu'ils accordent au porc 557 ; on le trouvait fort léger à l'estomac en comparaison du boeuf 558. Les athlètes, dont le régime avait tant d'importance [ATILETAE, p. 517 et s.], et auxquels leur camarade Pythagore (qu'il ne faut pas confondre avec le philosophe 559) fit changer leur diète, disait-on, d'abord purement végétale 580 et composée principalement de figues 567, se nourrirent alors de boeuf, de taureau, de chèvre et de boue ; mais plus tard leurs médecins voulurent qu'ils substituassent à ces viandes si lourdes celle du porc. Il leur suffisait de la remplacer un seul jour par un poids égal d'une autre nourriture pour ressentir une diminution de leurs forces. On croyait la chair du porc semblable à celle de l'homme "9; de là sans doute une préférence, dans ce cas fort logique. C'était le pire encore jeune, mais adulte et à chair ferme (t€),tpel) que l'on préférait et qu'on engraissait pour la nourriture 563 : le cochon de lait ( a'Sanvoç, porcus lattons) 581, quoique jugé par les médecins trop humide, et capable d'engendrer plutôt de la lymphe que du sangJ6', était recherché sur la table des riches Romains. On en voit un sur un large plat que porte un des
518 Gal. t. V1, p. 676. 546 Plin. VIII, 77. 550 Gal. t. VI, p. 679. On sait que de cette habitude sont venus, à l'époque de la décadence littéraire, les nouveaux noms du foie, ui2o23r en Grèce et foutons en latin, d'où le français foie. 551 Voy. le chapitre IIsfs 48iooa de Galien, t. VI, p. 673. 552 Gal, t. VI, p. 676; Ath. 1. 1X, p. 396. 553 Gal. t. VI, p. 778. -554 Athen. 1. V1I, p. 276. 555 Hippocr, t. II, p. 88. 556 ap. Athen. 1. IX, p. 375. 557 Voy, nipper. II, 92; Plat. eomir. ap. Clem. Alexandr. Stouts. VU, vt, p. 304; Plie. IV, xxvut; Orib. t. I, p. 207 et les notes de Bussemaker ot Daremberg, 1. 1I, c. xxvuy p. 583. 558 Cels, p. 88. 559 Diog.-Laërt. Pylhag.; lamblieh.
ib. 1, De vils Pythag. c. 1v. Sao autos ap. Oribas. t. I, p. 51. 161 Plis. XXIIL 63. 562 simcon sets. Synt. p. 119. 563 Athco. IX, p. 383 et XIV, p. 356. ses Ath. IX, p. 396; Martial, 111, 47, 12; Cul. VII, 9, 4, 565 Orib. 1, 215. 696 Cassini Pitture entiche. 568 Ath. IX, 376. Ses Ib.
jeunes esclaves des peintures déjà citées, découvertes an siècle dernier près
de Saint-Jean de Latran 566. Le porc d'étable, non engraissé pour la table, était abandonné aux esclaves. On servait
souvent l'animal tout entier; Athénée nous a conservé l'exploit d'un cuisinier qui le présenta moitié bouilli et moitié rôti 587, et de plus farci. Le cochon farci était nommé par les Romains sus trojanus, en souvenir du cheval de Troie, farci d'hommes et d'armes. On conservait comme chez nous le porc sous forme de jambon 7r:pva xsù , zadai3, xn ,lia 566, le tuccetum de Perse 589, le fumosa perna d'Horace 570. Plusieurs contrées en AsieMineure, et l'Étrurie, le Picenum, la Gaule cisalpine en Italie, les pays des Séquanes en Gaule, des Ménapiens en Belgique, celui des Cerretani en Espagne, étaient réputés pour la fabrication du jambon 571. La couenne de lard, surtout celle du sanglier, était un mets très estimé chez les Romains (callus et laridum dans Plaute 57e, lardum dans Horace 573 en grec xd30,o4o 574 et xaMup dv). On préférait la peau épaisse de la partie postérieure du dos et de la partie supérieure du cou, lorsqu'elle formait des excroissances sous lesquelles se cachaient de petits amas de graisse : c'étaient là les glandia 575, dont une loi somptuaire avait défendu l'usage à Rome 576, Toutes les parties du porc formaient des plats plus ou moins recherchés, les pieds (petasones ungulae, ungellae), les oreilles, la hure (sin
ciput, (Sûr, oç 677), les abattis ('7 axp3oc?te), les entrailles (aqualiculum), même la cervelle 578 malgré les défenses des Pythagoriciens ; de sa chair et de son sang même le charcutier tirait aussi les mêmes produits qu'aujourd'hui [POaIMARIUS]. On recherchait les testicules des mâles 579. On engraissait les truies avec des figues pour rendre leur foie meilleur 583 ; mais c'étaient surtout leurs organes sexuels que l'on apprêtait pour la table, tant leurs tétines (sumen, oû8ap, 67coyât tiptov), bien entendu au moment de la lactation, que leur matrice elle-même, vulva,
et celle-ci non seulement dans l'état de vacuité 56', mais surtout dans l'état de primiparité et quand la portée
XIV, p. 657; Poli, VI, 52. 569 Pers. II, 43. Vov. Bréal, Tables eugubines,
p. 259, 586; Matit. XIII, 54, 55. 570 Hor. Sut. II, 2, 117 et 4, 60; Pers. VI, 70, et le commentaire de l'édition de Jahn. 571 Strab. III, p. 162; IV, p. 197; V, p. 218; Athen. XIV, p. 687 e; Polyb. II, 15; XII, 4; Varro, 24, rust. II, 4, 10; Matit. XIII, 35 et 54; Edict. Dioet. IV, 8 et la note de 51. Waddington. 572 Capt. IV, ,ss, 3 et 4; Pseud.1, fe 33 ; Pensa, II, v, 4; Api, n. 259. -573 Hor, Sut. II, 6, 64. Voy. aussi Isid. Orig. XX, 1, 24: Taxes lardum est sulfite dietues, etc. n 574 Ilcsych.. s. v. ; Florent, in Geopon. XIX, 6. 575 Notes du iF vol. d'Oribase, p. 613. 576 Plin. VIII, 51 ; XXXVI, 2. 577 Plin. 1. l.; Judiciam eoci et pist. ap. Wernsdorf, Poet. lat. min. II, p. 236; Schneider ad Cat. De re rust. 162; Ath. III, 96. 578 Ath. II, 66. 579 Gal, t. VI, p. 676. Seo Plie. VIII, 77. Édit. de Dioclétien, IV, Il. 581 Hor. Ep. 1, 15, 41; Plin. Ep. 1, 15, 3; Juv. XI, 81; Lucian. Rist. causer. 56; Apic, n. 260,
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avait été expulsée avant terme : c'est le N.7 pce r'xôo),âç des auteurs grecs 582. Dans un bas-relief de la villa Albani ses, on voit plusieurs de ces morceaux, la tête, un jambon, les tétines, une flèche de lard, suspendus à une barre, dans la boutique d'un charcutier. Celui-ci, tenant un large couperet, est en train d'accommoder une hure posée devant lui sur un billot.
Le sanglier, qui est le porc à l'état sauvage, aper,
Sicile 59'' dont Caton le censeur réprouvait l'usage, fut aussi servi tout entier sur les tables 58', et d'abord par un certain Publius Servilius Rullus. Cependant on le partageait aussi en plusieurs morceaux, dont le plus estimé était le râble (lumbus aprugnus). Le terme de xârpo; ixrcy(e;, sanglier châtré, employé par Antiphane 586 donne à penser que l'on élevait peut-être les jeunes marcassins avant de les lâcher dans les vivaria.
La chèvre et même le mouton ne tenaient dans l'alimentation qu'une place assez restreinte. Aux yeux de Galien, la chair d'agneau était humide et insuffisante pour la nutrition u ; elle avait, disait-on, plus de lait que de sang 588. La chair de la brebis semblait plus mauvaise encore, donnant plus de résidu; celle de la chèvre âcre et de qualité pire. On préférait les mâles de ces animaux, mais après une castration préalable, et à double fin, car leurs testicules étaient recherchés pour la table.
Nous ne parlons pas ici du cerf, dont la chair a un goût par trop sauvage 589, bien qu'Antiphane l'ait énumérée parmi les aliments 590 ; mais nous devons citer le Dama (Antilope Dama L.) mentionné par Juvénal', ainsi que son Pygargus 5sz qui est la gazelle d'Egypte, Antilope Oryx Pall. 593
Le lièvre, lepus, ),aytt1;, âaauaoiç, très estimé des Grecs aussi bien que des Romains 594, se servait rôti ou en civet 59', comme nous l'avons déjà indiqué, ou encore recouvert d'huile et de fromage, assaisonné avec de la coriandre et du sel ou avec d'autres aromates 596. Parfois on le suspendait au préalable dans la fumée59'
Le lapin, cuniculus, originaire d'Espagne598, se répandit de bonne heure en Corse 599 C'étaient les lapereaux qu'on estimait le plus, retirés vivants du ventre de la mère ou arrachés tout jeunes à ses mamelles.
Les loirs, ghi-es, ont été peu connus des Grecs, témoin le sage de Galien 600 qui ne les cite qu'en Italie, et l'incertitude, où l'on est de leur véritable nom grec 601. Au contraire les Romains les recherchaient beaucoup. Il en est déjà question dans Plaute 609. Sous le consulat de M. Aemilius Scaurus, 415 ans av. J.-C,, une loi somptuaire en interdit l'usage803. Malgré cette loi, Q. Fulvius Lupinus ou IIirpinus 804, qui était contemporain de Varron, s'avisa de les élever [GLIr,AxtuM]. Apicius 505 les faisait entrer dans un hachis. On estimait les loirs d'autant qu'ils pesaient davantage, et pour en montrer le prix le maître faisait parfois apporter des balances dans les festins 606
Il n'est presque pas d'oiseau de leur pays que les anciens n'aient fait servir à leur nourriture. Les oiseaux chanteurs eux-mêmes ont paru sur leurs tables, sacrifiés à leur somptuosité et à leur ostentation fi07. Apicius a consacré un livre tout entier de son traité d'art culinaire à l'assaisonnement des oiseaux. Nous devons même au goût des anciens pour la bonne chère et pour l'ornement de leurs tables, la domestication de la pintade, oiseau de Numidie, celle du faisan, l'oiseau du Phase, celle du coq, originaire de la Perse, et celle du paon, venu de l'Inde. Ne pouvant à propos de nourriture énumérer tous les oiseaux connus des anciens, nous devons nous borner à quelques détails sur les plus importants, placés dans l'ordre de la classification de Blainville.
Nous mentionnerons : parmi les préhenseurs le psittaeus, qui est la grande perruche à collier rouge, psittacus Alexandri L., oiseau qui fut apporté en Grèce par Onésicrite, commandant de la flotte d'Alexandre. Les instructions d'Apicius nous prouvent que cet oiseau rare a été l'une des victimes du luxe des Romains 608.
Parmi les passereaux dentirostres : 4° le merle, merula, xôaauioç et xLtxoç609;-2° l'étourneau, strudus, ao610' 3° la grive, turdus, r.(/),r;, turdus musicus L. 811, qui
fut de bonne heure très estimée en Grèce B10 et nourrie chez les Romains dans les grandes volières décrites par Varron [oaNITnoN], pour faire les délices des gourmets 613, assez friands pour en distinguer les sexes au goût 614; 4° la draine, ioa0tyoç616 turdus viscïvorus L.; 5° le loriot, ii,wp(ov, galgulus, assez recherché pour que l'on en fît un objet de commerce fi18, et difficile à reconnaître sous la dénomination de r.tvipwµoç ôptç 117; 6° le bec-figue, (rux«a(ç 618, que l'on chassait dans la saison des figues; 7° une sorte de fauvette, le motacilla troglo
dytes Gmel., en grec Tpwy).(tiq; ou itupyt,siç, qui se nichait dans les cavités des vieilles tours en ruines "19.
Parmi les passereaux conirostres : 1° le pinson, ca(voç 629 ; 2° l'ortolan, dont les noms anciens, miliaria 621, xst'/p(;, indiquent la nourriture habituelle.
Les colombins ont été fort connus des anciens. Les gens riches de Rome construisaient pour leur multiplication de véritables palais [OHNITuON], et consacraient des sommes considérables à l'achat d'un seul couple de ces
Fig. 14..54. Lièvre et poulet.
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oiseaux dont le sang même 622 est entré spécialement dans l'alimentation. Les différents types de colombins sont d'une détermination difficile, surtout parce que Buffon a traité celle des pigeons différemment dans deux passages, selon qu'il avait lu Aristote sur le texte grec ou sur la traduction latine 626. Les colombins, dont le nom générique était en grec reptc7opâ, sont, dans les écrits des anciens, au nombre de quatre : 1° le ramier, qui fait son nid sur les ramées, columba palumbus L., pâaca ou NIXTTIX 524 etpalumbes 623 ; 2°le petit-ramier, tpd..1t, désigné par quelques naturalistes sous le nom de palumbus minor, et que Buffon regarde comme une variété (lu précédent ; 3° le pigeon de rocher ou de colombier, columba domestica L., proprement 7rEptuTE0 en grec et columba en latin, dont les anciens ont distingué plusieurs variétés : en Grèce l'oivâç, plus grand et de couleur vineuse, le TEae`''a, plus petit ; en Italie le pigeon sauvage et le pigeon domestique, dont le croisement avait produit une nombreuse pustérité ; 4° la tourterelle, turtur, Tpu.aly.
Parmi les gallinacés, nous rencontrons : le paon, la pintade, le faisan, les tétras, le coq, l'attagen et la perdrix. Le paon, véwç, pavo, originaire de l'Asie, où il vivait en liberté dans les grands bois 826 et d'où le rapportaient les flottes de Salomon 627, fut introduit à Samos, où son effigie fut placée sur les monnaies, puis se répandit dans tout le monde grec et romain 628. A Rome ce fut l'orateur Hortensius qui fit servir le premier de la chair de paon, dans un festin qu'il donna pour fêter son entrée dans le collège des augures. Bientôt il n'y eut plus de dîner somptueux sans cet oiseau 629 apprécié sans doute pour son plumage 630 plus que pour sa chair, assez en tout cas pour qu'un seul oeuf de paon, bon à être couvé, valût cinq sesterces et un de ces animaux quarante.
La pintade, µs?nzyp(ç 631 afra ou numidica avis 632, gallina africana 631, dont l'élève en Grèce s'était concentrée en Étolie et en Béotie 634, était encore de grand prix à Rome au temps de Varron, bien que cet oiseau n'ait pas la chair excellente, et ne soit entré dans la cuisine des anciens qu'à cause de leur goût pour tous les produits étranges et rares.
Le faisan, tpaatxséç, fasianus, dont la tradition 635 rapportait l'introduction aux Argonautes, ne parut sans doute en Grèce que beaucoup plus tard. La première mention que nous en trouvions remonte à l'époque de Solon 636 H eut dès qu'on le connut la réputation culinaire qu'il méritait 83'. A Alexandrie il était élevé dans le palais des Ptolémées, où on le recevait de la Médie f38. Dans certains festins somptueux, chaque convive voyait paraître sur la table qui lui était destinée, un de ces oiseaux dont le prix était élevé et se trouve limité dans l'Édit de Dioclétien 689; enfin dans la cuisine on faisait un usage particulier de la graisse de faisan.
Le grand tétras ou coq de Bruyère, tetrao urogallus L. a été connu d'Aristote sous le nom de T€Tptrç 64o et de
Nuvig. seu vota, 23; Aelian. V, 20; XI, 33; Clem. Al. Paed. Il, I, 3. 627 Req. 2, 5; cul, 11; Hor. Epod. Il, 43; Petron. Sat. 93; iMart. III, 58, 15,
357, et dans le sens de faisan, voy. Lobeck Ad Phi ynicla. p. 460. 536 Ath. XIV. 054, 387; V. Ilehu Kulturplauzen ,e:4 Ilaustliere, etc., 16' éd., p. 264,
il
Pline 641 sous le nom de tetrao, ainsi que le petit tétras, tetrao tetrix L. C'est encore parlai les tétras qu'on range la gélinotte, gallina rustica de Varron, bonace aussi en latin, tetrao bonasia L., oiseau d'une grande rareté à Rome, que l'on ne pouvait élever que dans des cages, et qui avait donné son nom à l'insula Gallinaria 642, aujourd'hui l'île de Gallinara.
Le coq paraît avoir été connu depuis une haute antiquité 6'r3. Cependant il n'est pas nommé par Homère 644, et la plus ancienne mention s'en trouve chez le poète Théognis. I1 est à remarquer que le terme d'ôpvtç, d'abord nom général de l'oiseau, devint plus tard le nom spécial de la poule. C'est probablement par poule qu'on doit traduire épvtç dans ce vers d'Aristophane : 7r4repov ôpvtç Taûiç; ainsi que dans un vers de Ménandre cité par Athénée 645; et pour une époque plus rapprochée le texte de Galien est formel 646. Un autre nom du même oiseau, 7repatxôç ôpvtc ou â)dx'ro,ç 547 en indique l'origine, de même que celui de melicae ou mieux medicae aves 648. En latin c'étaient les gallinae villaticae, gallinae cohortales 849, dont les mâles étaient châtrés pour
la raison déjà exposée à propos des boucs65o L'élève de toutes les sortes de volailles fut dans beaucoup d'endroits, en Grèce aussi bien qu'à Rome, l'objet d'une industrie considérable. II en sera parlé ailleurs, [PASTEL)]. La figure 1454, qui représente un poulet gras suspendu auprès d'un lièvre est la repro
duction d'une peinture d'Herculanum 6'1. Les poules blanches étaient regardées comme meilleures que les noires 652
L'attagen, «T.aytjv d'Aristote, â'rTâyag d'Athénée, .rayâvapt en grec moderne S53, perdix petrosa, donnait une nourriture recherchée, réservée pour les occasions solennelles85b. Cet oiseau, qui est l'un des francolins de Belon, était porté de la Lydie en Égypte 651; il était connu surtout en Ionie, d'où le nom d'attagen ionicus 656. Aristophane vante les attagens des environs de Mégare. Clément d'Alexandrie nous apprend que ceux d'Égypte étaient le plus appréciés des gourmets. Saint Jérôme en parle dans ses lettres comme d'un morceau exquis6". L'attagas blanc de Buffon est le second lagopus de Pline, excellent quand on l'accommodait au safran 6'8.
Les anciens ont connu surtout une perdrix rouge, la bartavelle, perdix graeca Brisson, a€pE d'Aristote, nommée aussi xaxxâbr, 669, perdix des Romains 660 si
Colora. VIII, 2; voy. la note au mot medieus dans le glossaire des Seriptores rei rustica'', éd. Gesner. 649 Varr. et Colum. 1. c. 650 Gal. t. VI, p. 063.
654 Aristoph. ap. Ath. IX, 387. 656 Alex. Alma. ap. Ath. IX, 388. -656 Hor.
146
excellente pour l'estomac 651, La perdrix grise n'était pas connue en Grèce, et Athénée marque sa surprise de ce qu'en Italie les perdrix n'aient point le bec rouge. On en voit plusieurs fois représentées dans les pein tures 862 d'Herculanum et de Pompéi (fig. 1455).
Parmi les échassiers nous mentionnerons :
L'outarde: c'est l'o
Fig. 14J6. Perdrix et grenades. tés, confondue SOUS
le nom d'otus comme
sous celui d'avis tarda803 avec l'otus, qui est un oiseau de nuit. Aussi Pline donne-t-il l'outarde comme un mauvais manger, tandis que sa chair est excellente, au témoignage de Synésius 666, assurément compétent pour un oiseau de Libye 663
Le vanneau, dont parle Synésius dans le même passage sous le nom de Tai; ûyptoc„ en le comparant à l'outarde. Belon assure que de son temps le nom d'as; était donné en Grèce au vanneau, à cause de l'analogie de son cri avec le bêlement de la chèvre : l'oiseau désigné par Aristote sous ce même nom".
La grue, yépavo;, rais. Les anciens ont fait grand cas de la grue, qu'ils appelèrent l'oiseau de Scythie (parce qu'elle passait l'été au nord de la Grèce), et aussi l'oiseau de Libye (parce qu'elle séjournait l'hiver dans des contrées plus méridionales). Sa graisse était employée dans la cuisine 667. On recherchait les grues de l'île de Mélos 669
Il faut citer encore la bécasse, axoaôrx;669 ; le butor, butee 6'0 ; le râle de genêt ou roi des cailles, ipruyégz,rpa 671 ; le porphyrion qui est la poule sultane de Buffon, (u'ica por7Jh?lrio L. ; surtout le flammant, phoeuicopterus rober L., à l'aile couleur de flamme, que nomme pour la première fois Aristophane 673 et qui comptait parmi les délices des festins 619, Originaire des bords du i1 676 fréquent en Afrique 676 le tlammant fut introduit dans la cuisine par le célèbre gourmet Apicius, qui découvrit le premier les qualités de sa langue 077. Coelius Apicius 676 s'en est occupé avec de grands détails, et son texte, comme celui de Juvénal, prouve qu'on servait le phénicoptère entier sur les tables. La beauté comme la rareté de cet oiseau ne suffisent assurément pas pour nous faire comprendre les excès de Caligula non plus que ceux d'itéliogabale, qui se faisait servir des plats de langues de pilénicoptères 67s
Parmi les palmipèdes, nous citerons : les plongeons, ça]Lapiileç 66J ou tpal, )p;â=_ç 69t que l'on admettait dans des viviers spéciaux, sur le bord d'étangs artificiels ; les goëlands; xa,« ;ax7 les pélicans; les sarcelles, saxaôs„ dont
P. 390, 664 Sport,. Epist. iv, 165. 666 Ath. IX, 390. -615 Aristot, éd.
6l6 Plio. A, 69. 671 (rud, ap. Athca. IX, 393. 672 Phu. X,63; AHien. IX, 388.
IX, 373 Verr. Il. 'ust. 111, 11. 66e Athcn. IV, 163; 1X, 395, 663 Athm3. IX,
l'entretien avait fourni à la langue grecque le terme de uoaxotipoislov ; les canards 660; les cygnes 591; et surtout les oies, qui furent en grand honneur chez les anciens : L'élève de l'oie en basse cour, qui existait déjà à l'époque homérique696, donna lieu en Grèce à une industrie désignée par un nom spécial, celle des xv;voftooxoi, ou xr,voé6ixix 69se L'usage d'engraisser l'oie avec des figues pour en obtenir le foie gras, le ticalzcm jecur anseris d'Horace 696 remonte à une assez haute antiquité G"; à Rome on se disputait la priorité de cette invention 699.
Les anciens ont mangé les oeufs d'un grand nombre d'oiseaux, ils en faisaient une grande consommation et sous des formes très variées sas. Ils plaçaient ceux du paon en première ligne 590, même avant ceux du faisan et de la poule ; ceux de l'oie et de l'autruche venaient au dernier rang. Un passage d'Horace 391 prouve que les oeufs allongés étaient préférés comme contenant plus de blanc.
Les limaçons, xoxaixt xepaalat, ont été au nombre des aliments journaliers chez les anciens 690; on en a des témoignages d'une antiquité certaine 893. Ce ne fut cependant qu'au temps de la guerre civile entre Pompée et César que Fulvius Hirpinus 691 s'avisa de construire des parcs d'escargots, où l'on rassemblait des animaux d'espèce et de provenance différentes 690 [cocHLisAnlunz].
Les animaux aquatiques, 'ré évuépx, ont fourni aux Grecs la plupart des éléments de leur nourriture animale, comme le prouve un chapitre spécial de Galien et un traité tout entier de Xénocrate 696. Les =wfpx ont reçu de certains auteurs, dans leur généralité, le nom d'c40ueç, mais la majorité des naturalistes anciens s'entendait pour distinguer parmi eux : les poissons (y compris les lézards) G7 ; 2' les crustacés, 'à g.x),xxéa'paxx ; 3° les mollusques céphalapodes, là pultuaecipl.6x ; 4° les mollusques testacés, 'cà ôatipaxélepgx ; 5° les cétacés et autres grands animaux aquatiques, tels que les hippopotames, Tâ xr,rdlsx, belluae .narinae; 6° enfin les holothuries et les oursins, 'rà îciàérata ê/ u5.
Les poissons ont rempli dans la nourriture des peuples riverains de la Méditerranée un rôle bien plus important qu'ils ne font dans la nôtre. Ils se trouvaient en tout temps dans leurs fleuves ou sur leurs côtes 598 Leur étude avait fait l'objet, au point de vue de l'alimentation, de plusieurs traités spéciaux, entre autres ceux d'Érasistrate et de Horion. Frais ou conservés [SALAGIHA], les poissons faisaient si bien le fond de la nourriture en Grèce, qu'à une certaine époque, ce sont eux que le mot évov y désignait principalement, 699, et que les médecins, obligés de respecter chez leurs malades l'influence d'une habitude acquise, s'occupèrent particulièrement de Ies nourrir de poisson.
C'était le poisson qui excitait le plus les recherches des gourmets. On lui donnait des épithètes dont l'exagération nous surprend, telles que 6edrxtq, enfant des dieux; les soles étaient pour Matron7p0 les sandales des
25, 697 Cupolis ap. Ath. IX, 384. 666 plia_ X. 27 et Pallad. 1, 30, 4. 699 Voy. Gal. t. VI, p. 705; Coupon. XIV, 7; Roth Sut. I, 3, 6 et Srhol. ; Siart. X, 48, ;Il XI, 53, 8; Plin. Epist. I, 15. 690 Athen. H, p. 57. 58. 691 Hor. Sut. 11, 4,12; Plat. Polit. p. 266 c, 894 Gal. t. VI, p. 669; Diose. Il, xi; Apic. n. 326 et s. 693 Ath. II, 63 et 04. 694 Plie. IX, 82. 653 Varr. III. 14. 696 Gal, Alun.
CI B -1.1.63 CIII
dieux. Les fragments qui nous restent d'une comédie d'Archippus 70' nous montrent un choeur composé de poissons qui se plaignent des excès commis à Ieurs dépens par les gastronomes, dont quelques-uns ont servi de point de mire aux railleurs: tel fut uncertain Callimaque, sur lequel les comiques ne tarissaient point ; tel encore Philoxène de Cythère, poète dithyrambique, lequel apprenant de son médecin qu'il allait mourir d'indigestion pour avoir mangé une grande partie d'un poisson, demanda à en manger auparavant le reste. L'usage habituel de cette nourriture augmenta forcément le prix des poissons recherchés, et l'éleva plus tard à des hauteurs insensées. Des hommes riches allaient volontiers choisir eux-mêmes les poissons ou les faisaient acheter par des serviteurs spéciaux7Ô2. L'esturgeon s'est vendu jusqu'à mille drachmes, sans qu'on eût pour cela la plus belle pièce du marché", et l'on a flétri le luxe d'un simple crieur public qui se permettait d'en faire servir un sur sa table704, sans doute accompagné, suivant l'usage, par des esclaves jouant de la flûte et couronnés de fleurs comme le poisson Iui-mcôme70'. Nous ne pouvons comprendre aujourd'hui qu'un rouget ait pu être acheté au prix de 1000 sesterces la livre pesant70t, ce qui donne 5 à 6000 sesterces pour le prix d'un de ces poissons, qui devenaient l'objet de raffinements culinaires aussi cruels qu'étranges. Le rouget n'était tenu pour frais que s'il mourait dans la salle même du festin ; et grâce à des rigoles provenant des piscines, on l'exposait aux yeux des convives expirant dans des vases de verre; on leur faisait contempler les dégradations de teintes qui, depuis le rouge de cinabre jusqu'au blanc le plus pâle marquaient avec des mouvements convulsifs l'agonie de la malheureuse bête, il fallait, d'après une recette de M. Apicius, et pour qu'elle semblât meilleure au goût, la faire périr dans une sauce faite avec les viscères d'autres rougets 7",
Les anciens ont connu et distingué environ 150 espèces de poissons, la plupart comestibles. Nous mentionnerons
1° Parmi les cyclostomes, la lamproie, petrornyzon marinus Gmel., yzta;tzç de Galien 70', à laquelle on doit attribuer ce qu'Athénée rapporte d'une murène fluviatile 700, comme ce que Strabon a écrit de sangsues de sep t coudées qui remontaient dans un fleuve de la Libye 719 ; et l'ammocet, petromyzon branchiales L., clupea de Pline "1,
2° Parmi les placoïdes, les raies, les squales, et les ophicéphales. Les raies comprenaient deux poissons à chair plus molle, le vâpxa 712 notre torpille, le torpedo dont Pline recommandait si fort le foie représentée au n° 6 de la fig. 1457, qui reproduit une peinture de Pompéi, et le zpu•t6Sv ou pastinaca7L° , raja astei"ias L.; et d'autres à chair plus ferme et partant plus nourrissante, le 3àroç ou 3âriç76 raja de Pline76 raja batis L., que l'on servait coupée en morceaux 717; le )atofâroç ou raie lisse, notre raie miralet; le ~fv'sT18, raja /lossada, à peau rude comme une lime; enfin l'atsrdç "a, myliobatis aquila, dont
la forme rappelle celle d'un aigle aux ailes éployées.
Les sqaules, yceasoi ou ya),ulivugot, xûveç, étaient peu appréciés des gourmets ; l'odeur désagréable de leur chair était cependant corrigée chez le squales stellatus L., durs
des anciens72o, ainsi que chez le squale renard, vulpes marïnus de Pline 7E' qui devait son nom à ce qu'on lui trouvait le même goût qu'au renard 122, et qui rendait célèbres les rivages de Rhodes "9, Auprès des squales se classe le marteau, zygaena malleus, léyatva 734 que sa grosseur faisait ranger parmi les relia; et la scie, pristis antiquorum, ;cpert; d Epicharme 725, serra de Pline 796.
Quant aux ophïcéphales, auxquels la structure particulière de leurs os pharyngiens, dits labyrinthiformes parles naturalistes, et par conséquent de leurs branchies, permettait de quitter pendant un certain temps l'élément humide, ont été clairement désignés par Théophraste "7
3° Parmi les ganoïdes, nous avons à citer les esturgeons, les silures et le sanglier. Nous avons déjà rappelé le goût ruineux des Romains pour l'esturgeon 728 l'acepeaaser de Pline, à côté duquel il convient de citer l'attilus, indiqué par le même naturaliste dans le Pô, autre sturionien nommé par Cuvier attilus plineanu.s. Le terme d's'7,Ân'L728 a été appliqué à l'acipenser, notre acipenser sturio L., mais paraît l'avoir été aussi à l'A. buse, qui habite une zone plus septentrionale proprement l'âv.axa'o; du Danube730. Les Grecs ont pu connaître le sterlet, acipenser ruthenus L., qui descend des grands fleuves de la Russie dans la mer Noire ; Cuvier a même pensé !rte certains acipenser ou aotja, de petite taille et tenus en estime particulière, étaient des sterlets que la Grèce envoyait parfois jusqu'en Italie721, et que Cicéron estimait fort'" tandis que le véritable esturgeon serait resté, dans l'usage, un poisson fort ordinaire, dont on ne faisait aucun cas au. temps de Pline. Le silure le plus connu de x"antiquité, silurus13o ou yèâva; du Danube et des grands fleuves de l'Europe734 ne donnait pas non plus un plat de choix 735 : c'est le silurus planïs; celui du Nil 736, le S. nzpstus L. Le sanglier, caper 07 ou a-per por°culus marinlas 7sz, tç 709 xaazpbç, xaIIploxoc et aussi yoipor, dont la tête était recherchée dans les festins, n'est autre que le balistes caz riseus t ., aujourd'hui encore govôéotpoç en Grèce.
4° Parmi les cycloïdes malacoptérygiens nous avons à signaler des poissons qui appartiennent aux familles des anguilliformes, des gadoïdes, des clupéides, des ésocidés et des cyprinodes ; et dans les anguilliformes, l'anguille, l'ophisure, le congre et les murènes. L'anguille, que Numa exceptait des tables sacrées à cause de sa valeur, a été chez les anciens aussi en honneur que chez nous, surtout chez les Grecs, celle du lac Copals", L'ophisure est l'ûpts Ozk.iaasoç d'Aristote. Le congre751 muraena coupai' L., si gros à Sicyone que l'on était obligé de le transporter sur un chariot, portait avec le nom de ydyypoç celui de yptiblei . Les murènes, qui doivent leur nom scientifique de murenophis Igelena Lacép. à un calembour consigné
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dans les Peipnosophistes d'Athénée, étaient en effet la pièce éclatante, le flambeau du repas, fats Toê êi(7c'iou; Elles étaient au nombre des poissons les plus recherchés 7" [rlscixA] ; on les atroue
l vées plusieurs fois représentées sur les murs de Pompéi dont la figure 1456 reproduit une peinture.
Les gadoïdes comprennent les espèces
du genre gadus nommées ifvot , v(cy..ot
aselli7". Le nom d ôv(exoç était surtout donné àla merluche, gadus merluccius L., comme ceux de 3âx7oç et de yeî,ap(r,. C'est au gadus egle/t'nus que l'on a rapporté l'',naToç T", au gadus iota L. le mustela de Pline ''°. Les clupéides sont des poissons très connus, qui ont encore un rôle important dans notre nourriture, et en première ligne l'alose, clupea7°6, alausa 7", dite en grec Opicaa à cause de la multitude de ses arêtes, comparables à des cheveux pour leur finesse ; 2' la sardine, alausa pilchardus Val., sardina748, auquel il paraît que l'on doit assimiler le chalcos749; 3° une espèce voisine de la sardine, le Tpy(; ou 7pty(a750 dont on obtenait à Athènes cent individus pour une obole 781 ; 4° enfin l'anchois, syxpxc(yoao;, Eyypauat; et inxoeTolAaç7J". Les ésocidés ne renferment pour nous que le brochet, esox lucius L., lucius d'Ausone 753, aujourd'hui encore loche en Picardie "".
Les salmonidés, habitant des régions plus septentrionales, n'ont été pour la plupart connus des anciens qu'à une époque relativement récente. Ils comprennent en effet le saumon, salmo salar L., salmo de Pline et d'Ausone7M; la truite saumonée, salmo lacustres L., fario d'Ausone 756; et le salar du même poète "7, qui ne peut s'entendre que des petites truites tachetées de rouge de nos rivières, le salmo trutta Lacép.
Les cyprinoïdes renferment la carpe, cyprinus carpio L., xutpivoç et xu-:piiavo;758; le goujon, cyprinus gobio L., gobie d'Ausone 759 et probablement aussi d'Ovide ; le barbeau, barbus d'Ausone 780, et le bynni du Nil, barbus bynni Val., le )nartôolviç, dont plusieurs exemplaires embaumés sont conservés au Musée Passalacqua ; la tanche, tinca vulgaris Cuv., déjà populaire dans notre pays à l'époque où Ausone célébrait les louanges de la Moselle761 ; la loche franche, cobitis barbatula L., redo d'Ausone ; et la loche d'étang, cobitis fossilis L., qui s'enfonce dans la vase et dont les habitudes ont été bien décrites par Théophraste 762, qui l'appelle ôpuxzèç iyOIç, parce qu'on le déterrait au lieu de le pêcher.
5° Parmi les cycloïdes acanthoptérygiens, nous devons passer en revue les familles des labroïdes, des Io
p. 746; Colum. VIII, 17. 749 Ath. p. 328-329. 750 Ath, p. 328. 751 Arisv. 97. 756 Ans. Mas. v. 128. 757 Ibid. N. 88. 758 Ath. p. 309; Cr. Har
phioïdes, des blennioïdes, des ténioïdes, des sphyrénoïdes, des trachinides et des scombéroïdes.
Plusieurs labroïdes sont représentés dans la fig. 1427, notamment au n° 9. Le principal de ces poissons était pour les anciens le scare, scarus creteusis Aldovrande, dont la patrie primitive est l'Archipel, et qui fut introduit dans la mer Thyrrhénienne, pour la plus grande joie des gourmets d'Italie, sous le règne de Claude763. L'excellence de ce poisson, attestée par une foule de témoignages766, lui avait valu le nom étrange de cerebrum Jovis 765. L'on estimait surtout la sauce faite avec les viscères du poisson que l'on apportait sous les yeux des convives,sauce que l'on croyait capable de rappeler l'appétit786. On sait que Vitellius "7 le fit entrer avec des cervelles de paon et de faisan, des langues de flamant et des laitances de murènes, dans ce plat recherché qu'il nommait le bouclier de Minerve. C'est au genre labrus, dont les espèces sont nommées tourds, turdo, sur le littoral de la Méditerranée, qu'appartiennent les poissons nommés par les anciens, â cause de l'analogie de leur coloration avec le plumage de certains oiseaux, tordus, 5i-An , ou morula, xd-cTu'oç 768. Il convient encore d'assimiler au julis mediterranea Risso notre girelle, l'iountç des Grecs 789 représenté fig. 1427, n. 12, et au xyrichthlfs cultratus, le neeacula de Pline, peste pectine aujourd'hui en Italie, et en Grèce 7ovTtxô4uapov et xTévt, ce qui rappelle les xTSVEç de Xénocrate 770.
Les lophioïdes ne nous offrent ici que la baudroie, dont Archestrate vantait l'abdomen 771 et à laquelle sa conformation singulière a valu les noms de ,«Tpaxoç et de nana. Le type des blennioïdes est dans le genre blennus, où nous trouvons les poissons nommés èEvvdç77" et notamment le blennus galtorugine, que l'on faisait manger aux enfants affectés d'une exagération de la sécrétion salivaire, d'où son nom ancien de ataa(ç.
Les ténioïdes ne nous offrent à citer que le Tatv(a 773 notre cepola rubescens; et les sphyrénoïdes la sphyrène, ap pacva "74, nommée par les Attiques x€s'pce, malheureusement confondue par les copistes avec la murène, ap.dpatva. Ce poisson, à chair délicate, est figuré sur la fresque de Pompéi reproduite fig. 1127, n. 7.
Le seul trachinide à indiquer ici est la vive, trachinus draco L., bpâxav des anciens '"5, aujourd'hui Spâxatva.
Parmi les scombéroïdes, le genre scomber de Cuvier, qui renferme les maquereaux, correspond à peu près à ce que les anciens nommaient génériquement aaûpoç et lacertus, à cause du vert doré qui colore le dos de ces poissons, Les espèces étaient ici le scomber et le colias, que l'on enveloppait de papier pour les cuire 776, usage spécial dont on menaçait les vers des mauvais poètes "7. Le scomber ou oxo,u[ipôç ne peut avoir été que notre maquereau, commun, scomber scombrus L., 6xoue7rp( encore en Grèce 778. Le colias était distingué par Pline en collas scxitanus, de la ville de Sex en Bétique "«c'est là le sexitanus lacerta de Martial 780, le scomber pneumato
81. 767 Suet. Vitell. 13. 763 Ath. p. 305. 7s9 Allen. p. 304. 770 Xe
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phorus Delaroche), et en colias parianus. On en pêchait en effet beaucoup aux environs de Parium dans l'Hellespont 781 ; la conservation du nom à Marseille sous la forme de cogniol, comme à Lemnos, du temps de Belon sous celle de xottéç, l'ait penser que c'est bien là le scomber collas Cuv. et Val. L'âv8(uç d'Elien a été rapporté au scomber ala longa. Entre les maquereaux et les thons est le pelamys sarda Cuv., l'«gala des Grecs782, aussi nommé yog.pâp.a'8', sarda de plusieurs auteurs.
Le thon a été l'un des poissons les plus estimés des anciens, qui lui donnaient même des noms différents suivant les ages 184. Le scordyle 7" des Grecs, d'où le cordyla ou cordylla des poètes latins que l'on traitait ordinairement comme les maquereaux 756, dit autç à Byzance, était le jeune thon lors de sa première sortie; la pélamide, le thon plus âgé, lorsqu'il retourne dans le Pont au printemps 187. Les très grands thons portaient le nom d'orcynus. Celte terminologie variée s'étendait jusqu'aux morceaux de l'animal. Le grand thon coupé en rondelles minces, séchées et semblables à des planchettes de chêne s'appelait ue),uv2p",ç 7"'. Du thon plus jeune ou de la pélamide, coupée en petits morceaux cubiques, était le xéétov, que l'on servait avec des ceufs durs coupés 789; le nom de cybium a même été donné au thon tout entier 790. Les parties voisines de l'épaule formaient le xasiitov; l'auchenia ou le cpév8u),oç était la partie de la nuque, et la queue l'opaiov. On recherchait particulièrement les pélamides de Chalcis791, les thons des bouches du Metaurus dans l'Adriatique et des côtes de la Laconie, de même que ceux qui broutaient les forêts d'algues sousmarines sur les côtes d'Espagne79', et dont la figure orne les monnaies phéniciennes de Cadix et de Carteia, mais surtout ceux dont le commerce a valu au port de Byzance le nom de Corne d'or. Quant au Ouvv(ç des Grecs, on l'identifie avec une autre espèce de thon, le thynnus thunnina Cuv.
Les scombéroïdes comprenaient encore le Tpdxoupoç 793, l'un des lacerti, de même que le Ztpiaç ou Opav(s 794, notre espadon, très estimé pour sa chair 19', quand on l'assaisonnait avec de la moutarde.
Parmi les eténoïdes acanthoptérygiens, nous devons passer en revue les familles des mugiloïdes, cottioïdes, gobioïdes, sicéno)des, sparoïdes et percoïdes. Les mugiloïdes ne comprennent à notre point de vue, outre l'OEp(v-1, atherina hepsetus Cuv., que le genre mugil, qui correspond à peu près au sens que présentent le terme ),eux(cxoç chez Athénée 196 et le terme xoeTpotiç chez Aristote "7. Le principal de ces poissons est notre muge ou mulet, le mugil cephalus L., mugi/ des Romains, xépa),oç des Grecs, capito chez Ausone, aujourd'hui encore cefalo à Rome, dont la tête volumineuse a toujours été un morceau exquis et qui n'était pas seul de son espèce 799. Il faut en effet citer à côté de lui le mugit auratus Risso, à chair plus glutineuse, à peau plus fortement enduite de mucus que celle des autres espèces, le yéF,oç 899; le muge à grosses lèvres, mugi/ cheilo Val., x€tmv, xsttmv ou x1ttmv 800 ; le
muge sauteur, nzugil saliens Lac., à forme mince, le ap7lvsuç sot figuré sur une des peintures d'Herculanum ; enfin le muge du Nil, mugal cryptocheilos Val., sans
doute l'ei6pup.1ç d'Athénée 808
Les cottioïdes (joues cuirassées de Cuvier) nous offrent à citer : 1° le trigle cuculus Bloch, notre grondin, xdxxu; d'Athénée ft9' ; a° l'hirondelle de mer, dactylopterus volitarls Cuv., xstileén fl0'0 ou xEttiov(aç90' que Speusippe rapprochait du précédent 006 ; 3° l'épinoche, connue de Théophraste sous le nom de xevTp(exoç 807 ; 4° les scorpènes, scorpaena scrofa L. et scorpaena porcus L., connues des Grecs sous les noms de exop7r(oç et de exépaunyu 808, et comparées au scorpion à cause des piquants dont leur tête est armée ; l'une d'elles est figurée fig. 1457, n. 2; 5° enfin le
507.T0ÿ ou XtTT07 d'Aristote, que l'on prend parmi les pierres des ruisseaux, notre chabot, eottus gobio L., que Numenius appelle xô10oç 609 et avec lequel il identifie le xtaêroç des Grecs810 que tous ses caractères rapprochent des cottes. Les auteurs comiques ou didactiques ont maintes fois parlé du xteec z81t et Galien lui a consacré un chapitre spécial 919.
Les gobioïdes renferment le gobius paganellus (G. piger Olivi non Linné), vulg. boulereau, le pux(çdes anciens, seul poisson qui fasse son nid dans les algues du rivage'''. Les gobies s'appelant encore à Toulon gobi et à Nice gobou, il est probable que le mot gobio a désigné en Italie cos poissons de peu de prix 816, par lequel, suivant MarHal', tous les repas commençaient en Vénétie. Linné a, en outre, désigné sous le nom de gobius aphya un poisson particulier; la dénomination était mauvaise. Le terme collectif d'âgé est synonyme de fretin; les Grecs désignaient sous ce nom ces amas de petits poissons, longs à peine d'un pouce, et de quelques lignes de diamètre 816
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qui restent ensemble quelque temps après l'éclosion et qu'on peut prendre et griller en masse d'un seul coup de feu 817 C'est ce qu'on nomrne nonnat sur les côtes de Provence, du latin non natus. On voit en effet par certains passages d'Aristote que ce fretin passait pour n'être pas toujours le résultat d'une véritable génération, mais pour provenir d'une sorte de concrétion de l'écume, ce qui lui valait aussi le nom d'4 fpôç 8is. Dans d'autres cas, l'idée de génération était devenue claire pour les observateurs de la Grèce, qui joignaient au mot 4 ?4x un déterminatif. L'4 féx xmôïTtç était lefretindu xms3(oç, l'itpés Tpty),"Tt7 celui du rouget. L'aphye a été très prisée des Grecs. Elle formait à Athènes la nourriture du pauvre, principalement l'aphye de Phalères, estimée à l'égal de celle de Rhodes 8f9. Dans les Chevaliers d'Aristophane 820, Agoraerite l'emporte sur Cléon parce qu'il vient annoncer que les aphyes sont à bon marché. On en voulait à tout prix dans certains repas. Apicius, selon Suidas, voulant satisfaire le désir que le roi Nicomède éprouvait de manger des aphyes, parvint à imiter ces poissons en découpant des raves en filaments ; et l'ouvrage que nous avons sous son nom indique 821 un autre moyen de préparer le a patina de apua sine apua. »
Les sciénoïdes qui ont servi à la nourriture des anciens étaient les ex(atvat ou umbrae, poissons dont le dos plus foncé paraît porter la trace d'une ombre. C'étaient le corvina nigra Cuv., xopaxïvoç 822, coraciuus 523, qui portait aussi le nom de XsrtEplrr,ç 824, et n'était pas d'ailleurs un
manger délicieux 888 ; L'umbrina vulgaris Cuv. (sciaena
cirrosa L.), ax(xtva "26 axtv(ç 327 et trat;ê;s4Ç"s, timbra de Varron et de Columelle ; et le sciaena aguila Risso, notre maigre, qui n'apparaît sur les côtes septentrionales de la Méditerranée que quand il est de grande taille, et que l'on trouve jeune sur les côtes d'Afrique. Aussi Columelle distingue-t-il les ombres d'Afrique et les autres.
Beaucoup de sparoïdes ont été connus des anciens. Les n°" 14 et 15 de la fig. 1457 en représentent deux types. Nous ne citerons que les principaux le çipyoç, sargus vulgaris Cuv,, qu'Archestrate vantait saupoudré de fromage829, le sparulus d'Ovide 830, poisson petit et médiocrement goûté 834, le sparaillon des côtes de Provence, sargus annulons Cuv.; evipos, tenu au contraire par les Grecs en grande estime, et qui appartient sans doute au même genre, mais qui a été confondu par les copistes avec le exipos, de manière à rendre la détermination du premier difficile ; le auap(ç ou g.ap(r 832 notre picarel; le ea.atv(ç ou (Aatv(ç 683, maena vulgaris Cuv., dont la chair prend à certaines époques un goût de venaison, qui a fait donner à ce poisson le nom de Tpâyoç; l'epu@pivoç d'Aristote 834, rubellio de Pline 835, (îrn des Cyrénéens, pagellus erythrinus Cuv., à chair blanche et molle, figuré pl. 1457, n. 5, le rutilus pagur d'Ovide 336; le Ipaypdç 837 dont on ne mangeait que la tête 838, aujourd'hui encore e.p y
817 Aussi Cala est-ii synonyme de 81v-a; (Ath. p. 301.1-818 Aristot. H. anion. VI, xv; Ath. p. 284-285. 819 Archestr. ap. Ath, p. 285; Plie. IX, 74, 820 Aristoph. Fiquit. 641 et s. 621 Apic. n. 132. 823 Ath, p. 300, 308, 309. 823 plisIx, 34 et 32. 851 F.uthyd. ap. Ath. p. 309; Archestrap. Ath. p.117.-825 Amphis ap. Ath. p. 309. 820 Aristot, O. c. Vite 19. 837 Gal. Alun. fac. t. VI, p. 4. -_ 828 Xenocr6'; Ath, P. 332. 829 Ap. Ath. p. 321. 830 Ovid. Hal106-107. 831 Matit. III, 60. 832 Sonnini, Foy. en Grèce, H. 833 Ath. p. 3t3 ; Plia. IX, 42; cf. Ath. II, 63, 65; 3111, 29s. 034 Aristot. IV, es VI, Atm; VIII.
Opp. Hal. I, v. 97; Ath. p. 327; Xenocr. i, 835 Plin. XXXII, 49; Apic. n. 439. 811 Ovid. Hal. 168, 837 Xenocr. 6',-838 Archest, ap. Ath. p. 327. -833 Athen. P. 313. 845 nicesius ap. Ath, 313; Colum. VIII, 16; Plis. XXXII, 8, -841 Ccray Parerga, m, 104. -842 Ath. p. 328, 325; Plin. IX, 16, 25; Varr. H. rast. 1U, 3; Col. VIII, 16; Macrob, II, 51 ; Matit. Ani, 90; Apic. n. 473, 474. 843 Ath,
yapt en Grèce, d'après Bory de Saint-Vincent, c'est-à-dire le pagrus vulgaris Cuv. ; le g.dpp,upoç 839 ou p.dpgoàsl, pagellus morrnyrus Cuv. ; le N.e).xvoûpoç II00, notre oblade, oldada melanura Cuv. et Val.; la daurade, xpuaofpfç ou 1727coupoç, xpuam77m de Plutarque R4', aurata des Latins (d'où le surnom d'Orata donné à Sergius, le promoteur des viviers), l'un des poissons les plus estimés S42 représenté fig. 1457, n. 3; le auvayp(ç d'Athénée 543, dentex des Romains 84'4, dentex vulgaris, nommé aussi auvébouç bien que ce dernier nom nous semble appartenir surtout au dentex macrophthalmus; l'iatvx, charax puntazzo Risso : le (3w; 6Y5, boops vulgaris Cuv. ; le eiaa.0 646, boops salpa Cuv.
Les percoïdes nous offrent aussi à citer : notre perche de rivière, perca ~luviatilis L., la perca d'Ausone ; la perche marine, serranus scriba Cuv., perca de Pline'', 7espx-1 d'Athénée; la variole du Nil, perca nilotica L., latus de Strabon et d'Athénée 8"; le xavva 849 ou xivvoç, serranus cabrilla Cuv. ; un autre poisson qui fut l'un des poissons sacrés pour les anciens, l'40v(aç d'Athénée 380, dit aussi xx),eivutu:oç, xaX),tx05; et fXào4; le cernier, poly prion cernuus, àp foç ou ôp ftSç 881; l'uranoscope dont les yeux regardent le ciel, porteur d'épines qui conseillent de n'y pas toucher, d'où les noms d'oupxvoaxéosoç, d'dvmopvaç et d'iyvéç 592, auxquels il faut joindre ceux de i;µspoao(Tp,ç, de vuXTEp(ç et de q,awiaoit.ti,1, tirés de ce que ce poisson dort pendant le jour niché dans le sable ; on a vanté la grosseur du foie de ce poisson 853 Mais de tous les percoïdes, le plus apprécié des anciens était notre bar, ?inca; 854 ou lupus 585, représenté fig. 1457, n. 4. On croyait. que la peine que se donnait ce poisson pour remonter le cours de l'eau le rendait tendre 910, par exemple entre les deux ponts du Tibre et dans le Géson près de Milet; hors de ces circonstances, les bars d'eau douce étaient peu estimés5S7, Ceux de moyenne taille étaient ceux qu'on préférait ; on appréciait surtout leur tête.
C'est au voisinage des percoïdes que l'on classe le mut/us barbatus L., ou rouget de la Méditerrannée, en latin mullus, en grec Tp(yÀn 658. Le mullus 809, auquel l'existence de deux barbillons à la mâchoire inférieure a valu les noms de barbatusS60 de barbatulus861, de amymvofdpoçBe , et de ysveïxrç ou 7uvah Ttç 863, et sa teinte rouge le nom de pt)TO cip oç B6$ est représenté ici, fig. 1458, d'après une peinture de Pompéi. C'é
tait l'un des poissons les plus estimés des anciens et surtout des Romains865. Le gastronome Archestrate a soigneusement indiqué sur quels rivages on devait le pêchers". On le cherchait
au loin; aucuns frais ne paraissaient trop grands pour se le procurer. 011E1 avec étonnement les prix auxquels il atteignait 867. Asinius Celer, au temps de Caligula, en
p. 322. 841 Colum. VIII, 16; Apic. n. 471, 472. 846 Aristot. O. c. IX, 3; Ath, p. 286. 846 Ail en, p. 322. 3;7 Plin. 1X, 24; Apic. n. 438. 848 Ath. p. 312. --843 Xenocr. 850 Ath. p. 282. 851 Ib. p. 3t5; Flin. IX, 24; XXXII, 24, et 52. 852 Ath. p. 356. 853 Aristot. O. e. II, e. xv s ; Achao.
XuI, 4. -854 Ath. p. 310, 311; Xenocr. Gal. Ali.. fac. I. III, c. xxv'. -930 plis. IX, 28, 79; lima. XIII, 80; IRsr. Sa;. Ii, 2, 32; Lueü. ap. Macrob. Sot. 111. 12. 858 Oolum. XI II, I6, 4. 857 Var r. II, rus. III, 3, 9. 858 Ath. p. 324-25 Gal. Aile,. facIII, e. xxvu; Xenocr. 5,'. 659 Pl e. IX, 30. 8,o Varr. B. rusa. III, 17; Cic. Ad. Att. II, 1. 801 Cic. Parados,. V, 2. 832 Xenocr. 1. c.
663 Sophron api 4th. 323, liratosthce. au. Ath 2,4,-881 ytatron ap. Ath. p. 135. 865 Diphil. ap. Ath. 353; tlorat. Set. 2 ,3 4, Matit. X, 37, 31; XI, 50.-800 Archestr. ap. Ath. p. 330, 3211. 167 Sus. R", 15; V, 93; sot, les évaluations de Letronne dans l'Hist. nat, des poissais de Cuvier et Valenciennes, t. III, p. 314.
les yeux en la préparant 693. Le calmar, lolago 895, Tei,Otç, et le
figurés, le premier plus estimé des Grecs que la seiche 696, le second recher
ché par eux à Thases et en Crète d97.
Les mollusques testacés aquati
,ua 698, se trouvent déjà énumérés au point de vue culinaire par Hippocrate 899 c'est-a
dire, parmi les
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acheta un au prix de 1558 fr. 868, mais les plus chers de tous furent ceux dont parle Suétone, qui au nombre de trois furent payés 30,000 sesterces, soit 5844 fr. C'était le foie des molles qui passait pour en être la partie la plus délicieuse; c'est pourquoi on le broyait avec du vin pour obtenir la sauce d'assaisonnement 859, et c'était pour avoir de gros foies qu'on payait si cher les gros mulles. Ajoutons que les mulles qui, d'après Pline 87°, se trouvaient surtout dans l'Océan septentrional et occidental devaient appartenir à l'espèce du mulles surmuletus L.
Enfin parmi les pleuronectoïdes nous trouvons d'abord la sole, pleuronectes soleaL., solea et lïngulaca 871 des La tins (oéyawacoç 672, que l'on pêchait près de Chalcis d'Eubée, et qu'Apicius enseigne à préparer au gratin 673; la limande, xi0apoç 875, moins estimée naturellement que la précédente; l'oculata de Celse 875, pleuronectes oculata;il't'afapov ou xopiç de Horion 876, la pégouse de Marseille ; le carrelet, passer de Pline et cTpoSOoç d'Aristote, pleuronectes platessa Cuv. ; enfin le turbot et la barbue, qui se ressemblent beaucoup, la seconde différant du premier par l'incurvation des deux premiers rayons allongés de la nageoire dorsale qui lui a valu son nom. Le mot rhombus a désigné l'un et l'autre chez Pline 877. Il a traduit par rhombus le éf ça d'Aristote 878, qui est aussi la barbue. Les Grecs prisèrent fort les psettes d'Éleusis 879, recommandées comme d'une digestion facile par le médecin Mnésithée 880. Leur 5é otoç 881, à chair plus tendre, est incontestablement le turbot, dont ce mot caractérise la forme.
Les Grecs ont encore vanté plusieurs autres poissons, par exemple le glaucus, estimé déjà d'Ilippocrate 88', et dont la tête excitait tant de convoitises 883 ; la détermination en est impossible aujourd'hui eea.
Parmi les crustacés, râ ;.a).ax6aTpaxaS3S dont l'étude n'a donné Iieu à aucune divergence de synonymie, il suffit de signaler le homard, é Taxoç, astuces 886, qu'Archestrat.e recommandait de choisir pourvu de grandes pinces, et qui, quand il atteignait de grandes dimensions, prenait le nom de iéuts ; la langouste, xapatoç, ypajia7ov, locusta, fort recherchée et dont Apicius indique plusieurs sortes de préparation 867; elle est figurée parmi d'autres comestibles dans une peinture d'Herculanum que nous reproduisons (fig. 1459); les deux espèces de crevettes, l'une, le xap(s (ou xmpiç, xsap(ç), souilla, que l'on servait sur des feuilles de figuier ; l'autre, zZ.p.aaaoç, ypûç, abondante près des rivages de Lesbos, comme l'indique son nom de y.59up.va7oc; le crabe, xapeivoç, cancer, peu estimé, comme on le pense ; et l'écrevisse, xapxivoç 7totagté, 886.
jadis plus d'importance dans la nourriture de l'homme que nous ne leur en connaissons aujourd'hui. La seiche, tirs(« fl95, sepia o f,îicinalis L., aussi figurée dans la peinture ici reproduite (fig. 1459), entrait dans l'usage commun à Athènes, où le prix moyen était d'une drachme pour trois seiches, et où l'on recherchait celles d'Abdère 891. On la trouvait d'une digestion facile89a,pourvuqu'onluieûtenlevé
murex (rupépai), et particulièrement le murex brandraxis, représentés fig. 1459, nos strombes (xr puxeç 940, murices de Pline) et nos patelles, ao7téîeç901, nourriture indigeste qui exigeait de forts condiments 902, auxquels il faut joindre les haliotides, Tat)T(a ou ô,oâota ; et parmi les acéphales, les jambonneaux, 7c(vvat, les xoéveç, nos peignes ou pectoncles, fig. 1459 et fig. 1457, n. 17, les TS)a(vat, les abc et les huîtres, ô6Tpea. Les jambonneaux, de même que d'autres coquillages, sont fréquemment habités par un petit crustacé parasite qui sort de leur coquille pour chercher sa nourriture et y rentre pour s'abriter. Les anciens croyaient à tort que la nourriture était partagée entre le jambonneau et le crustacé9°g qu'ils nommaient 7ttvvoyûa« , et que le bon goût du mollusque dépendait de la chasse plus ou moins heureuse faite par son conservateur 904. Les Toà)àost étaient distingués en marines, mytili, 908 nos moules, et en fluviatiles, probablement nos anodontes. Quant aux géen, un passage de Pline906 permet d'y voir l'unie margaritifera; on estimait surtout les ptéaç d'Ephèse997 Les anciens n'ont pas négligé les huîtres, vendues parfois à des prix très élevés 908; celles d'Abydos dans le détroit des Dardanelles, celles de la côte de Brindes, celles du lac Lucrin, etc., ont été célèbres 969. On les mangeait quelquefois cuites "0. A ces bivalves il faut joindre les co)ar,veç et les y gal. Le terme de etaarv était générique chez les Grecs, qui en distinguaient plusieurs sortes, sous la dénomination fausse de mâles et de femelles ; ceux-ci, aussi nommés tivvx [ç, nos pholades, brillaient parfois de lueurs phosphorescentes jusque dans la bouche des convives. Le nom de a"up.at ou ar,p.at était donné aux bivalves à valves bâillantes. Xénocrate en indique plusieurs espèces, notamment"' celles dont les valves sont hérissées d'épines comme la cupule des glands du quercus terris ou l'involucre des faînes 912 (c'est le sphondylus gaederopus), et celles dont les valves sont transparentes et striées, les yôXninç d'Aristote "«c'est l'anomia ephippium). La partie postérieure du corps des Gastéropodes, renfermée dans le fond de leur coquille, qui est d'une couleur noire et contient le foie de ces mollusques, de même que
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les parties internes et profondes des bivalves, qui contiennent ce même organe, étaient nommées u.ilxmv, et étaientparticulièrement recherchées par opposition à la partie antérieure du corps des gastéropodes, nommée :puXq),oç. Le cuisinier ne faisait aucun cas de la partie moyenne, Tô «v0oç, celle qui produisait le florem purpurae.
A. côté des mollusques il faut citer l'anatife, dont la
coquille multivalve af(ivlu),oç, sphondylus 914, forme un
renflement prononcé au-dessus du pied, 915 par lequel elle s'attache aux corps sous-marins ; et les balanes, ai p i),uvoi, agréables à l'estomac, que l'on estimait à proportion de leur grosseur, surtout celles d'Égypte 916 et dont les valves multiples forment au-dessous de la partie inférieure de l'animal un revêtement protecteur comparé encore à la cupule du gland de chêne.
En dernier lieu viennent les acalèphes, comprenant l'holothurie ou ortie de mer, xv(t , éxx),/pr, 917, qui roulée en cercle ressemble à un concombre 918 ; et les oursins de mer, s'xévot Otaâcatot, qu'il était important de débarrasser919 avant de les servir de leur enveloppe épineuse.
II. On trouvera ce qui concerne l'alimentation des bestiaux, des volailles et de tous les animaux de la ferme et de la basse-cour aux mots PASTIO et VILLA RusTICA; à ORNITnON ce que l'on sait de la nourriture des oiseaux de Volière; pour celle des poissons dans les rivières nous renvoyons à PISCINA ; pour celle du gibier dans les garennes à LEPORARIUM et VIVARIUM. Nous ajouterons seulement à ce qui vient d'être dit des aliments destinés aux hommes, quelques mots au sujet des substances employées pour la nourriture des animaux.
Sans parler des fourrages, que les herbivores se procuraient librement dans les pàturages il faut nommer ici les farines et les grains, les fruits, le vin, même des aliments empruntés pour les nourrir au règne animal et au règne minéral, et jusqu'à la fiente des animaux eux-mêmes.
La farine a été fournie tantôt par les céréales, tantôt par les légumineuses. Parmi les premières, c'est l'orge qu'on a le plus employée. On formait avec de l'eau et de la farine d'orge des boulettes dont les animaux se montraient friands, non seulement les veaux920, les bêtes de somme, auxquelles cette préparation paraissait donner plus de vigueur921, et les ànes922, mais surtout les gallinacés. Dans d'autres cas, on mélangeait la farine d'orge avec de l'eau miellée, pour obtenir une chair plus savoureuse923; plus souvent avec du vin924, surtout du vin cuit quelquefois avec de l'huile 925. Parfois la farine était du far, c'est-à-dire de la farine d'épeautre ; et quand on y mettait plus de recherche encore, de la farine de pur froment ou triticum. Les colimaçons destinés à la table [cocnLEARIUM] passaient une partie de leur vie936dans des pots enduits àl'intérieur d'un mélange devin cuit et de farine de blé, dont le fond était garni de quelques feuilles de laurier, et les parois percées de petits trous pour l'accès de l'air. La farine était employée même pour engraisser les gros vers qui rongent le bois, (c'est-à-dire la larve du cossus ligniperda), dont l'homme avait inventé de faire usage927.
Les différentes préparations des farines ont presque toutes servi dans la nourriture des animaux, le gluten et la polenta pour les oies 9", l'alita pour les colombes ses On recourait même à une cuisson préalable.La bouillie refroidie entrait dans le régime des paons', que des fèves légèrement grillées excitaient à la reproduction. L'hordeum semicoctum passait pour favoriser la ponte des volailles931, entremêlé des feuilles et des graines de la luzerne en arbre, le cytises des Latins. Le pain blanc était employé avec succès, souvent trempé dans un mélange formé de 1/4 de bon vin et de 3/5 d'eau 93a. Ces recherches prirent une telle exagération qu'elles furent défendues par les lois somptuaires. Pour frauder ces lois, on engraissa les volailles avec du pain trempé dans du lait, procédé qu'elles n'avaient pas prévu.
Le grain des céréales servait rarement en nature, par exemple l'orge pour les paonse33, le blé et le millet pour les tourterelles 936 et les oies 995, le millet pour les grives936 niais surtout pour les becs-figue, dits miliariae ares". Ce sont surtout les légumineuses dont les graines ont été employées aussi (pisum, phaseolus, ervum, tracta), et tout particulièrement la fève. La purée résultant de la cuisson de la fève (liquor coctae fabae), servait spécialement dans l'alimentation des chiens, à condition qu'elle fût tiède; bouillante, elle passait pour engendrer la rage s38.
Le principal des fruits à mentionner ici est la figue, souvent jointe à la farine dans la confection des offae 939, mais souvent employée seule, notamment pour engraisser les oies et améliorer les qualités culinaires de leur foie84°, invention excellente dont on se disputait l'honneur9°. On donnait aux oies, pendant vingt jours, des ligues pilées, macérées dans l'eau et roulées en boulettes951. Les frères Quintilius943 avaient une manière plus compliquée de les engraisser ils employaient d'abord le froment et l'orge, ensuite des bols allongés (xo),nipta), dont on augmentait graduellement le nombre; plus tard un ferment trempé dans une décoction chaude de mauve, avec de l'eau miellée pour boisson; enfin, les derniers jours, on mêlait au ferment les figues sèches écrasées. La figue était aussi employée pour l'engraissement des truies 94a En Orient, on leur donnait des dattes 9"5. D'une manière générale, Columelle recommandait de leur fournir non seulement des glands, comme aux loirs [uLrnARlun], mais toutes espèces de fruits, selon la saison946, des pommes947, des prunes, des poires ',des nuces de diverses sortes. Des fruits plus petits, tels que ceux du myrte, du lentisque, de l'olivier sauvage, du lierre, de l'arbousier, figuraient encore dans l'alimentation des grives, pour varier une nourriture 849 trop farineuse, qui aurait pu exciter le dégoût d'oiseaux habitués à butiner dans les bois. Le raisin a joué aussi un rôle important dans la nourriture des animaux. Les boeufs de travail, chez les Romains, étaient nourris habituellement avec des graines rondes, des fèves, des glands, du marc d'olives et de raisin. Les glands et les produits de la vigne n'étaient pas moins appréciés pour les canards°"°
On a donné enfin parfois une nourriture animale aux gallinacés omnivores. Les paons recevaient du fromage
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nouveau n1 et des sauterelles, auxquelles on avait au préalable enlevé les pattesBS'. Sur les rivages de l'Adriatique les pécheurs donnaient de petits poissons à leurs poules, et les oeufs de fourmis ont été recherchés dès l'antiquité par ceux qui élevaient des faisans".
On savait quelle est l'importance du sel comme condiment clans la nourriture du bétail9'4. Si la cendre est entrée dans celle des gallinacés, ce n'est qu'en vertu d'une superstition ridicule : on s'imaginait que les résidus de la crémation d'une belette joints à la farine dont on gavait les volailles, les garantissaient contre les attaques de ce visiteur si redouté des poulaillers9'`.
Vient en dernier lieu la fiente des oiseaux. On la donnait avec avantage aux boeufs et aux cochons 956, en même temps qu'elle servait pour engrais. Ir Eue. FOURNIER.
Ce nom comprend, non seulement les denrées alimentaires distribuées par rations aux officiers et soldats' ou aux fonctionnaires qui leur étaient assimilés, mais encore les sommes qu'ils recevaient pour les dépenses de leur entretien. En principe, le soldat romain, comme le grec, se nourrissait et s'équipait à ses frais Les tribus devaient y pourvoir, chacune donnant aux hommes qui lui appartenaient ce qui leur était nécessaire 3. Lorsque la solde fut régulièrement établie dans l'armée romaine, en 348 de Rome (406 av. J.-C.), ce ne fut d'abord qu'à titre d'indemnité payée aux soldats pour les dépenses qui Leur étaient imposées. Si des fournitures leur étaient faites en nature, la valeur en était déduite sur le montant de la solde. Nous renvoyons pour ces questions aux mots TRIBUTUM et sTIPENDIUM. On expliquera dans l'article suivant [CIBARIA MILITIJM] en quoi consistait la nourriture du soldat romain ; on trouvera ce qui concerne les approvisionnements et la distribution des vivres au mot EROGATIO.
Le même nom, cibaria, était donné aux sommes allouées aux officiers qui accompagnaient celui qui avait le commandement militaire dans les provinces', ainsi qu'au salaire et aux gratifications accordés à des employés auxiliaires et aux esclaves publics le principe de l'indemnité pour les dépenses qu'ils avaient à faire dans l'exercice de leurs fonctions leur étant aussi appliqué. [Voyez aussi CONGIARIUM, SALARIUM]. Enfin on trouve ce nom encore employé pour les contributions en argent auxquelles étaient taxées les provinces pour l'achat des
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grains nécessaires à l'alimentation de l'armée et des fonc
Quant aux denrées alimentaires délivrées à bon marché à la nombreuse population de Rome, et plus tard à celle de Constantinople, on peut consulter les articles FRUMEN