Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article CISSYBIUM

CISSYBIUM. Ktaatêtov. Vase à boire, nommé par Homère, c'est un cissybium qu'Ulysse remplit trois fois pour enivrer le cyclope'. Il parait avoir été d'assez grande dimension, mais sa forme ne peut être déterminée. Philémon9 le désigne comme un vase à une anse (N.ôvcovov 151 CIS __ 1202 --CIS itou ptov). Néoptolème le Parien assure que le cissybium était de bois, et Eumolpus dérive même son nom de ataaôç, lierre 3. Chez les Éoliens ce nom était l'équivalent de celui de axutpoç [scvenus], tandis que Denys de Samos le considère comme désignant la même chose que emploi très général, désigne toute espèce de corbeille et de boîte, et est à peu près synonyme des termes AxcA et cAPSA. Il est passé sans transformation de la langue grecque dans la langue latine 1. La ciste semble avoir été à l'origine une corbeille d'osier destinée aux usages de la campagne et spécialement à la conserve des légumes et des fruits ; elle était cylindrique et quelquefois carrée'. Par extension on désigna sous ce nom toutes espèces de boîtes et de cassettes. Voici les différentes acceptions dans lesquelles ce mot est pris par les auteurs anciens 1° Corbeille ou cassette dans laquelle on serrait l'argent; le mot cistaestdans ce sens synonyme de flscus, bien que dans le texte de Cicéron qui nous donne cette acception 6, ciste serve à désigner la cassette d'un particulier, par opposition au fiscus, caisse qui contenait l'argent du trésor 6 [riscus]. La ciste était fermée par un couvercle, que retenait sans doute une serrure ou un cadenas 2° On donnait aussi ce nom aux boîtes et paniers dans lesquels on conservait roulés les manuscrits [GAFSA]. -3° Sorte de panier dans lequel aux comices on déposait les suffrages [SUFFBAGIUM] 8. Une monnaie de la gens Cassia porte au revers la figure d'un sénateur debout, en toge, tenant une tablette sur laquelle se lit la lettre V (Votum ou Veto?); à ses pieds est une ciste «fig. 1541). - 4° Corbeille sacrée portée dans les mys boîte servant à enfermer des jouets d'enfants 10, des vêtements 11, des bijoux, des objets précieux 12, des objets de toilette. On donnait le nom de cistellatrix à l'esclave chargée de garder les cistes de sa maîtresse 'e. Sur les vases grecs ces corbeilles et ces boîtes sont fréquemment représentées; nous possédons en outre une centaine de cistes de bronze, qui ont été presque toutes trouvées à Préneste. 1. Les cistes représentées sur les vases grecs, et surtout sur les vases de la Grande-Grèce, où les scènes de toilette sont si communes, sont de plusieurs sortes. La plupart d'entre elles sont cylindriques et semblent avoir été faites en osier; elles étaient munies d'un couvercle plat ou bombé, tressé de la même façon. On ne peut avoir aucun doute sur leur destination. Sur un vase de la GrandeGrèce est représentée une suivante tenant une ciste de la main gauche, un miroir de la main droite 14. La figure 1542 montre une ciste ouverte à côté de laquelle est un miroir; dans l'intérieur de la boîte on voit l'extrémité supérieure d'un vase destiné à contenir de l'huile ou des parfums,etpeut-être aussi celle d'un strigile 1°. Sur un autre vase, une femme se regarde dans le miroir qu'elle a posé sur une ciste 16. Quelquefois des cordons permettent de suspendre l'objet; la figure 1543 en représente un de ce genre 17, muni aussi de trois pieds. Peut être faudrait-il appliquer également ce nom aux boîtes en forme d'édicules, quelquefois ornées de dessins, qui sont représentées suspendues le long des murs au-dessus des scènes de bain ou de toilette 18. Si des cistes en osier ou même en bois sont souvent figurées sur les vases peints, on ne voit pas jusqu'ici qu'on se soit servi, ni en Grèce, ni dans le sud de l'Italie, pour enfermer les objets nécessaires à la toilette, de ces boîtes en bronze qu'on a retrouvées en si grand nombre à Préneste. II. Les cistes de bronze qui ne proviennent pas de cette ville sont très rares; on a trouvé à Bologne et ailleurs 19 des vases cylindriques sans reliefs ni dessins à la pointe, et seulement ornés de quelques bandes parallèles. La ciste ovale de Vulci, conservée au musée Grégorien du Vatican 20, offre aussi un travail tout différent des cistes de Préneste ; elle est en effet décorée de dessins travaillés au repoussé et non de graffiti. II ne faut donc pas appliquer à ces deux objets antiques les observations suivantes qui ne concernent que les cistes de Préneste 21 Fabrication des cistes. Les cistes en bronze de Préneste sont cylindriques ou ovales ; l'intérieur en est quelquefois doublé d'une boîte de bois ou de paille tressée. Le couvercle est la plupart du temps détaché de la ciste; mais quand celle-ci est de forme ovale, il y est joint par une charnière. Tantôt il entre dans le corps de la ciste, tantôt il en recouvre les bords. A ces pièces principales viennent se joindre des pièces accessoires : 1° des anneaux placés aux deux tiers de la hauteur du vase, et en nombre variable ; à ces anneaux sont souvent demeurés attachés des débris de chaînettes ; 2° la poignée, presque toujours formée d'un groupe de personnages et attachée sur le couvercle par une soudure ; 3° les pieds, au nombre de trois pour les cistes de forme cylindrique, de quatre pour les cistes de forme ovale. Le cylindre de la ciste est formé d'une plaque de bronze rectangulaire travaillé au marteau et sondée dans sa hauteur. On gravait d'abord les dessins à la pointe sur CIS . 1203 CIS la plaque de bronze, et c'était seulement après cette opération, qu'on donnait à celle-ci la forme cylindrique. Il y avait des plaques de toutes dimensions depuis 0',20 de hauteur jusqu'à 0',50. Lorsqu'on n'en avait pas de la dimension voulue, il arrivait quelquefois de prendre sur une plaque déjà gravée la hauteur nécessaire et on fabriquait la ciste sans se préoccuper des graffiti. Ainsi une ciste n'offre à nos yeux que la partie inférieure des personnages avec la galerie de palmettes qui se trouve au-dessous Y2. L'autre est formée seulement d'une galerie d'ornements et des bustes des personnages", La manière dont étaient attachés la poignée et les pieds ainsi que les anneaux, tout autour du corps de la ciste, montre combien dans les fabriques de Préneste on s'occupait peu des dessins ; la plupart du temps ils sont recouverts par ces pièces et complètement gâtés. Aussi semble-t-il que les cistes, malgré la valeur artistique de quelques-unes d'entre elles, comme la ciste Ficoroni 24, aient été surtout des objets de fabrication commune, Style, motifs d'ornementation, etc. Les pieds n'offrent qu'un nombre assez restreint de types; ils représentent ordinairement une griffe de lion surmontée d'un lion passant ou d'une tête de lion, de cygne ou de griffon aux ailes étendues, de harpies, de génies ailés agenouillés, tenant un strigile et s'essuyant les cheveux 2'. Ceux de la ciste Ficoroni, que nous reproduisons ici, figurent une griffe de lion écrasant une grenouille (fig. 1544), au-dessus est un groupe de trois personnages, peut-être Héraclès et Jolaos sous la protection d'Éros ; le même sujet se retrouve traité d'une manière presque identique sur un miroir étrusque 26. Les groupes que forment les poignées sont la plupart du temps des groupes athlétiques ; homme et femme luttant ou appuyés l'un sur l'autre, femme nue courbée la face vers le ciel (voy. p. 1079, fig. 1328), les pieds et les mains posant à terre, parfois aussi des groupes bachiques. Sur la ciste Ficoroni (fig. 1544), le groupe du couvercle représente, au milieu, un jeune homme revêtu d'un riche manteau qui retombe sur l'épaule gauche ; la partie supérieure du corps est nue, il porte des chaussures ; son cou est orné d'un collier auquel est suspendue une bulle ; dans les cheveux on voit une couronne avec des perles; il s'appuie sur deux satyres vêtus de peaux de panthère. L'un tient de la main droite une corne à boire, l'autre un ustensile dont il est difficile de déterminer la nature. Le plus beau groupe trouvé jusqu'ici est un Bacchus soutenu par un Faune ; n un autre représente un homme et une femme sous l'aspect de génies aux ailes déployées P8 ; un troisième, une Minerve à côté d'un cheval, etc. Le style de ces parties de la ciste est tout à fait différent de celui des graffiti, pieds et groupes ornant les couvercles ont été travaillés par des artistes latins, dans un style presque toujours réaliste, et ne sont pas sans offrir quelque analogie avec les bronzes de fabrication étrusque. Revenons à la ciste elle-même. Le couvercle est ordinairement orné d'une guirlande de feuillage et, au milieu, de groupes représentant des animaux, des chasses et surtout des divinités marines; quelquefois le sujet est plus compliqué, comme sur la ciste où on a cru reconnaître le combat d'Énée contre Turnus, sa réconciliation avec Latinus et son mariage avec Lavinie 2B. Quant au corps de la ciste il porte des graffiti divisés en trois zones: celle du milieu est la plus large, c'est là qu'est dessiné le sujet; celles du haut et du bas plus étroites sont couvertes de palmettes ou de guirlandes. Les ornements des galeries inférieure et supérieure de la ciste proviennent directement de l'imitation des vases grecs, quoique du reste on les retrouve aussi sur des objets de style étrusque, tels que la ciste prénestine d'argent du musée des Conservateurs 30; ce sont ordinairement des palmettes, des calices de fleurs n, ou des animaux aux formes légères et élancées luttant les uns contre les autres ". Les graffiti du milieu de la ciste, qui forment un ou plusieurs sujets, n'indiquent pas que les fabricants prénestins aient conçu quelque type particulier de la figure humaine; nulle part on ne trouve dans la manière de la dessiner des traces d'archaïsme. Tous les graffiti appartiennent à une époque où les proportions du corps humain étaient parfaitement connues et étudiées ; si quelquefois il est représenté d'une manière grossière, cela provient de la maladresse de l'ouvrier et non de l'ignorance générale des règles. I1 semble, quand on CIS 1204 CIS étudie ces figures, que leurs auteurs aient cherché à imiter des modèles grecs ; toutefois, malgré ces efforts, les proportions du corps sont toujours un peu massives. Il y a une imitation évidente de l'art grec ; mais l'artiste latin, à l'exception de l'artiste à qui nous devons la ciste Ficoroni, ne peut arriver à la même perfection ; la plupart du temps, il reste au-dessous du médiocre. Compositions. Sujets. La composition, sur les graffiti des cistes, comme sur ceux des miroirs, est quelquefois fort soignée. On a étudié bien souvent celle de la ciste Ficoroni ; les personnages y sont groupés de la manière la plus heureuse. Il n'y a qu'un sujet avec un centre, la victoire de Pollux sur le roi des Bébryces Amycos, épisode emprunté à la légende des Argonautes [ARGONAUTAE]. Tous les autres groupes se rallient à ce centre ; les personnages les plus rapprochés semblent s'intéresser à l'action, les autres s'en détachent peu à peu. Il n'y a pas d'autre exemple d'une composition aussi belle avec des gradations aussi délicatement observées. Toutefois, sur un certain nombre de cistes, le sujet est un. Dans ce cas, il y a presque toujours un centre; les personnages se distribuent de part et d'autre; mais il arrive souvent qu'à l'autre extrémité du diamètre deux personnages se trouvent dos à dos ou séparés par une colonne; les sujets continus, comme ceux de la ciste Ficoroni, sont très rares, et on le comprend, puisqu'en général ces objets semblent avoir été l'oeuvre de fabri cants plutôt que d'artistes. Quelquefois, lorsqu'un sujet ne remplissait pas entièrement la plaque de bronze destinée à fabriquer une ciste, on y ajoutait une seconde composition qui n'avait avec la première aucune relation, une simple scène de toilette, par exemple, à côté d'un sujet mythologique. L'identification des sujets est difficile, les personnages, et même un grand nombre de divinités, étant représentés sans les attributs qui les caractérisent. On a du reste remarqué que les vases peints de l'époque de la décadence sont moins accessibles que les autres à l'interprétation 33, il règne dans toute la composition un très grand vague. Il y a entre ces deux classes d'objets un autre point de comparaison : c'est l'analogie des sujets traités. Ceux qu'on voit le plus souvent sur les graffites sont précisément ceux qui appartiennent presque en propre à la dernière période de la céramique, comme le mythe d'Apollon et de Marsyas 34, le jugement de Pâris et les aventures de Persée. Si l'art latin imite l'art grec et spécialement les produits de la céramique, il prend pour modèles les produits les plus imparfaits, l'art le plus dégénéré. En dehors de ces sujets, on trouve les suivants représentés sur les cistes: naissance de Mars, Prométhée et Pandore 35, mariage d'Hercule et d'Hébé, combat de Grecs contre les Amazones, Persée délivrant Andromède et combattant Phinée 36, Thétis apportant les armes d'Achille, Achille égorgeant des prisonniers sur le bûcher de Patrocle, sujets palestriques, scènes bachiques. Les sujets vraiment latins sont rares. On n'en a trouvé que deux jusqu'à présent, la légende d'Énée et une scène de triomphe 97. La liberté dont usaient les artistes latins dans l'interprétation des mythes grecs apparaît frappante dans les deux cistes du musée du Louvre représentant le mythe de Prométhée et la délivrance d'Andromède; sur cette dernière, Andromède qui, suivant la légende, fut attachée au rocher les mains ouvertes, est représentée les mains liées à une fourche, que le P. Carrucci a comparée très ingénieusement au sororium tigillum, si célèbre parmi les Latins 33. Sur une ciste de la collection Barberini est représentée la lutte d'Apollon et de Marsyas ; un grand nombre de divinités y assistent; il n'y en a qu'une seule qui soit absente : c'est précisément celle dont le rôle est le plus important et qui se trouve figurée dans toutes les représentations de ce mythe, Minerve. Enfin quelques-uns de ces graffiti rappellent des usages romains ou latins. La scène où est figurée Minerve tenant au-dessus d'un grand vase Mars enfant, représente la cérémonie de la LUSTRATro38. La scène de triomphe figurée sur une autre ciste est entièrement empruntée aux coutumes romaines. Les scènes de toilette sont aussi bien italiennes que grecques : les instruments employés à cet usage, miroirs, discernicula, peignes, alabastra, etc., sont ceux que l'on trouve dans les cistes ou à côté d'elles. En résumé l'art de Préneste est bien un art original, qui appartient au Latium, mais qui commence à subir l'influence de l'art grec et qui cherche, avec une grande imperfection de moyens, à en atteindre la pureté. Ce n'est ni l'art phénicien dont on retrouve des monuments dans les plus anciennes tombes de la nécropole prénestine [CAELATURA, p. 794 et s.], ni l'art étrusque des tombes de Tarquinii et de Caere ; ce n'est pas non plus l'art italogrec du dernier siècle de la République; c'est un développement qui précède l'introduction de l'art italo-grec. Date. La date de la fabrication des cistes prénestines a pu être déterminée au moyen des inscriptions latines archaïques que portent souvent ces objets A0. Si on examine la forme des lettres et les particularités orthographiques, on arrive à cette conclusion qu'elles ne sont pas d'une fabrication postérieure au commencement du second siècle avant notre ère, c'est-à-dire à la fin de la deuxième guerre punique. Plusieurs appartiennent à une époque où l'orthographe du nominatif masculin de la deuxième déclinaison n'est pas encore fixée, c'est-àdire à la période comprise entre 246 et 220; quelquesunes peuvent-être antérieures, mais il est peu probable qu'elles remontent au delà du troisième siècle. La période de fabrication des cistes ainsi que des miroirs s'étend donc à peu près de l'an 300 à l'an 200 avant J.-C. Ces inscriptions apprennent de plus qu'à Rome et dans le Latium, au troisième siècle, on signait les cistes, les miroirs, les strigiles. Toutefois on n'a trouvé jusqu'ici qu'une signature sur une ciste, sur la ciste Ficoroni : Novios Plautios med Roulai fecid". De l'usage des cistes de bronze. Différents systèmes ont été émis parles archéologues au sujet de l'usage des cistes. La première et la plus belle qui ait été découverte est la ciste Ficoroni. On la regarda d'abord comme un objet de toilette. C'est Visconti qui, le premier après la découverte de nouvelles cistes, assigna à ces objets un usage mystique. La dénomination de a cistes mystiques» appliquée aux cistes prénestines fut adoptée pendant de Ion CIS 1205 CIS gues années par les archéologues. Le savant Gerhard s'aperçut que la forme de ces cistes ne correspondait pas parfaitement à celle des cistes employées pour le culte. Il imagina de combiner les deux hypothèses : d'après lui, les cistes ont servi originairement au bain et à la toilette et plus tard au culte de Bacchus. Ses arguments ont été combattus par Otto Jahn 42 [cisTA MYSTICA]. Cette hypothèse n'est plus aujourd'hui acceptée de personne ; les cistes étaient certainement des objets de la vie ordinaire et nous avons indiqué plus haut que ce terme se rencontre très fréquemment dans les auteurs pour désigner toute espèce de boîte ou de cassette. Un ou deux textes qui se rapportent aux cistes employées dans les mystères ne peuvent s'appliquer à toute catégorie d'objets. On sait du reste qu'on a trouvé dans les cistes tous les objets qui composaient l'attirail de la coquetterie féminine, ce que les anciens appelaient le mundus muliebris [MUxnus]; miroirs, épingles, discernicula, alabastro, éponges, boîtes à parfum, boîtes à fard. Parmi les graffiti mêmes de la ciste Ficoroni est représenté un objet de même nature servant évidemment à la toilette. Les cistes ont été trouvées dans la nécropole de Préneste ou aux environs, la plupart du temps dans des sarcophages en pépérin ou dans les petites caisses en tuf appelées en italien pile, qui servaient à enfermer les os des corps consumés par la flamme du bûcher. Quelques cistes contenaient des ossements; il ne faut pas en conclure qu'elles aient été fabriquées pour les recueillir; il paraît assez naturel, qu'après avoir servi pendant la vie, elles aient été quelquefois employées comme urnes funé