Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article CISTERNA

CISTERNA. Exêoyelov, htoôoxi~, )éxxo4. Citerne. Les uns' font dériver le mot latin de ciste (coffre, réservoir) ; les autres a de cis terrena ou cis terrain (sous terre). Une citerne est un réservoir, le plus souvent souterrain et voûté, destiné à la conservation et à l'épuration des eaux pluviales ou des eaux apportées par les aqueducs, dans les localités où les eaux de source ou fluviales manquent ou sont de mauvaise qualité. La cisterna doit être distinguée du LAGOS et de la PlsctxA. La citerne est en général un réservoir souterrain et voûté, la piscine ou le lacis, un bassin découvert'. Cependant ces mots ont été pris quelquefois indifféremment l'un pour l'autre. L'usage des citernes remonte à la plus haute antiquité. Tous les peuples de l'Orient l'ont pratiqué. Les Égyptiens, les Hébreux, les Phrygiens, les Grecs, etc., ont creusé on construit des citernes. Les Romains ont laissé un nombre considérable de ces constructions dans toutes les parties de l'empire. Des ruines importantes témoignent du soin qu'ils y apportaient et plusieurs de ces grandioses citernes servent encore aujourd'hui. Les forteresses taillées par les Phrygiens dans les rochers de l'Asie-Mineure présentent des citernes et des silos creusés dans le roc 2; il en était de même probablement de celles dont Tacites signale l'existence dans l'enceinte du Temple de Jérusalem. Il est souvent question de citernes dans l'Écriture sainte, mais les différents passages de la Genèse, de Jérémie, de Samuel', n'indiquent pas si ces citernes étaient creusées dans le roc ou construites en maçonnerie. Des citernes existent encore à Sarepta, à Bethléem, à Emmaüs, à Bethsaïde, la plus importante est à Rama'. En Grèce l'eau des puits et des sources manque en beaucoup d'endroits, principalement dans les antiques acropoles [m.-impu rsj. Aussi les anciens habitants étaient ils obligés, comme ceux d'aujourd'hui, de se creuser des réservoirs artificiels, soit dans le roc, soit dans la terre pour les revêtir ensuite de maçonnerie. M. Heuzeye décrit une citerne très intéressante (fig. 1548), située dans la forte rosse de Pélégriniatza, a Elle est circulaire, dit-il, d'appareil hellénique, aujourd'hui à demi comblée par les éboulements. Son diamètre est de 9',60, les assises sont parfaitement régulières, les pierres larges et taillées à bossages. Les Grecs, dans leurs constructions ordinaires, ne faisaient usage d'aucune liaison, mais pour une citerne il était de toute nécessité que les joints fussent bouchés avec un enduit : dans celle-ci on trouve entre toutes les pierres les restes d'un ciment très dur... On y voit encore des pierres saillantes, disposées en échelons, qui servaient à descendre jusqu'au niveau de l'eau. Les nombreux fragments de tuile qu'on trouve parmi les terres éboulées feraient penser que cette citerne était recouverte d'un toit. tt Dans le même pays M. Heuzey a rencontré des citernes carrées taillées dans le roc vif'. Les petites citernes de l'Athènes primitive existent encore dans la région du Pnyx, au S.-O. de l'Acropole. Elles sont creusées dans le roc, en forme de bouteille ; des entailles servant de degrés permettent d'y descendre, Des canaux profonds y conduisent les eaux de pluie10. Longtemps on a cru voir là des prisons. Une de ces citernes a été mesurée : les murs ont 3m,30 d'élévation et sont enduits d'un ciment jusqu'à la hauteur de 3 mètres. Au sud de l'Acropole existe aussi une grande citerne formant une chambre quadrangulaire construite en polygones irréguliers et d'un excellent travail 11. Quelquefois une citerne est placée entre plusieurs maisons auxquelles elle pouvait servir en commun. On peut observer des réservoirs plus ou moins semblables à ceux d'Athènes dans les petites îles de l'Archipel qui sont dépourvues d'eau. A Délos, on en rencontre sous l'emplacement de presque toutes les maisons antiques; les unes sont voûtées, les autres couvertes de T ~-i-+f rri-F CIS 1209 CIS dalles ". A Céos, l'ancienne Iulis, on a découvert", sous un caveau dont la couverture est soutenue par un pilier taillé dans le roc même, une importante citerne, dans laquelle on descend du caveau supérieur par des degrés; l'entrée est une ouverture circulaire pratiquée dans le sol, les murs sont couverts d'un enduit très dur. Parmi les ruines de l'antique Thuria, de Messénie ", subsistent les restes d'une grande citerne, dont un côté est pris dans le roc, les trois autres construits en maçonnerie, et qui est divisée en trois chambres par des murs de refend. Les voyageurs ont rencontré d'autres citernes, en dehors de la Grèce propre, à Clazomène15, à Cnide18, àAntioche ", dans l'île de Cypre n, dans l'île de Crète 19, à Argyropolis, Aptera et Eleutherna, à. Cyrène 2°, à Syracuse Y1, à Camarine et dans plusieurs autres localités de la Sicile 2 Celles d'Alexandrie sont nombreuses et remarquables 23. Les Romains, qui tenaient à être largement approvisionnés d'eau, ont construit, comme nous l'avons dit, de vastes et monumentales citernes dans toutes les parties du monde qu'ils ont conquises. Nous allons citer ou décrire les principales parmi celles qui ont subsisté ou qui ont laissé des ruines plus ou moins importantes. Vitruve ne s'étend pas longuement sur les dispositions à donner aux citernes. 11 indiqueE4 le genre de maçonnerie (opus signinum) qu'il faut employer pour les construire et pour en faire les enduits, puis il ajoute : « Si l'on fait deux ou trois citernes, de manière qu'en passant de l'une dans l'autre l'eau puisse se clarifier, elle est bien meilleure, bien plus douce à boire. » Palladius 2s dit qu'une citerne doit être plus longue que large et donne le détail de la fabrication de l'enduit [TECTORIUI] dont on doit la recouvrir. Selon Pline 23 le mieux est de construire deux citernes, de telle sorte que les immondices de l'eau s'arrêtent dans la première et que le liquide arrive pur dans l'autre, comme à travers un filtre. Varron2T et Columelle 28 recommandent, le premier, de creuser des citernes que l'on couvre d'un toit; le second, de vastes citernes pour les hommes, et des piscines pour les troupeaux, dans lesquelles on rassemblera les eaux pluviales. Tous ces principes énoncés par les écrivains latins se trouvent appliqués dans la construction des citernes dont on a conservé des restes. A Rome, sur le mont Esquilin, existe une citerne creusée dans la terre et triple comme le prescrit Vitruve 3S Un des plus beaux exemples est celui que présente, dans la même ville, la vaste citerne des thermes de Titus, (42m sur 56), appelée aujourd'hui le Sette Sale, quoique, en réalité, elle présente neuf divisions30. Non creusée dans le sol, elle est construite en pierres d'appareil. M. Leclerc, pensionnaire de l'Académie de France à Rome, y a découvert des dispositions qui font croire que l'eau contenue dans cette citerne était chauffée ou du moins attiédie, pour l'usage des thermes voisins31. La communication entre les différentes divisions de ce vaste réservoir est formée par des portes qui ne sont jamais placées en face l'une de l'autre, afin que les eaux, forcées 11, de parcourir plus lentement un plus long espace, pussent se purifier en laissant déposer tous les sédiments qu'elles pouvaient contenir. Il existe encore à Fermo, autrefois Firmum, dans le Picentin, un remarquable édifice du même genre (fig. 549'551), qui remonte au temps des Césars 82. Il est situé pres H±F que au sommet d'une haute colline, loin de tout cours d'eau, et l'on n'a décou vert aucune trace d'aqueduc aux environs.Les eaux de pluie découlant des cimes qui l'entourent en amphithéâtre pouvaient seules remplir ce réservoir. 11 se compose d'une série de chambres carrées et voûtées, mesurant chacune en superficie 9 mètres sur 6 et ayant 5m.20 de haut. Elles forment deux étages superposés. L'eau passait d'un étage àl'autre par de. ouvertures qua drangulaires qui traversent les voûtes de deux en deux chambres ; et d'une chambre dans l'autre par des portes cintrées larges de 2",45, hautes de Im,50. Tout l'édifice est construit en opus signinum avec une rare perfection. Les murs du périmètre extérieur sont enduits jusqu'à la retombée des voûtes d'un ciment hydraulique; c'est vraisemblablement la hauteur à laquelle l'eau pouvait atteindre. Elle a déposé une telle quantité de sédiment en traversant ces salles qu'elles sont devenues en grande partie impraticables, par le défaut d'entretien. Une autre disposition souvent appliquée parles Romains dans la construction des citernes consiste à supprimer les murs de division et à soutenir les voûtes sur des arcs portés par des piliers ou des colonnes. II en existe un très bel exemple à Pouzzoles, près de l'amphithéâtre3". Les 152 nient à Constantine (1°ancienne Cirta), sur le Noudiat-Ati; à Bône (ancienne Hippone); à Philippeville (Rusicada) Il I uu;, V I ILS ers voûtes en sont portées par trois rangs de piliers sur la largeur et dit rangs sur la longueur. Elle est si vaste qu'on peut la parcourir en barque Elle sert encore aujourd ihui à sa destination. Non loin de Pouzzoles, à Baja. ciste un autre exemple du même genre, qu'on a appelé Piscina mirabile n, Ici (fig. 1552 et 9553) quarante-huit gros pilastres soutiennent Ies voûtes, partageant l'espace en cinq nefs. Dans le milieu le sol est plus approfondi, sans doute pour y rassembler le limon déposé. Cette citerne a 72 mètres sur 28 on y descend par deux escaliers de 40 marches chacun.. Dans les voûtes treize ouvertures existent encore par lesquelles on tirait de l'eau. Cette ha:,tense citerne était desti née au service de la flotte de Misène. L'ancienne Carthage avait aussi des citernes considérables"; elles furent restaurées en l'an 916 a v. J.-C. par C. Gracchus, quand il fonda, sur les ruines de la Carthage punique, la nouvelle Carthage. Parmi ces citernes étaient celles nui avaient été creusées dans la célèbre Byrsa, près le temple d'Esculape , et qui alimentaient le Cotant: et les ports ; les Romains re.staurél nt aussi celles, bien plus importantes, qui avaient été construites contre les remparts, près de la porte (potinée, En Algérie subsistent de nombreuses citernes construites par les Romains n. Nous les trouvons principale Gis et à Stora. Nous reproduisons (fig. 1554 1556) les plan et coupes de la citerne de Cherchell (Julia-Caesarea)37, dont les dispositions rappellent, en plus petit, celles des Selle Sale d rites plus haut. On peut y remarquer aussi les restes d'un escalier et des trous dans la voûte, analogues à ceux que nous avons signalés ci-dessus dans la Piscina aniraC ile. Des citernes particulières, moins importantes, également construites par les Romains, existent en Italie et en France. A Pompéi on peut observer comment les toits des cavaedia amenaient les eaux dans l'impluvium [cxv,l:nlc;til] ; elles tombaient dans les citernes construites au-dessous, où elles étaient ensuite puisées, selon les besoins du ménage, par des ouvertures entourées d'une margelle [rcrEA?,] presque toujours élégamment ornée. La C1S Maison de campagne, à Pompéi", offre un exemple très complet (fig. 4557) de ces petites citernes. On y puisait ['eau pour le service journalier de la maison par deux puits. A Home et à Ostie, où l'eau potable était abondante, ces petites citernes étaient rares. Sous le Monte Pincio, des galeries taillées dans le tuf, revêtues de stuc, servaient de citernes à la villa des Acilii Glabriones'°. La villa dite de Cassius avait une citerne rectangulaire divisée en deux nefs par une rangée de sept piliers 40° Sur le Palatin existent encore des citernes avec les ouvertures qui permettaient d'y puiser de l'eau. A Velletri, en novembre 1858, on a découvert, près de la station, une citerne de forme allongée, terminée par deux parties demi-circulaires et munie de deux puits'''. En France il existe, à Lyon, sur la montagne Saint-,iust, dans le clos d'un ancien monastère des Ursulines, devenu une maison de santé, une citerne antique qui est disposée à peu près de même que la Piscine mirabi7e. Les empereurs byzantins ont construit aussi un grand nombre de citernes très importantes. Nous en trouvons une très considérable, à Nicomédie, aujourd'hui lsmidt. Elle est composée de 36 piliers portant des arcades, surmontées de voûtes sphéroïdes rachetées par des pendentifs. Toute la construction est en briques, les impostes seules sont en grès. La surface est de 250 mètres carrés, elle contenait 1585 mètres cubes d'eau M. La plus vaste et la plus magnifique des citernes connues est à Constantinople, Les Turcs la désignent aujourd'hui sous le nom Bin-Bir-Direk (les Mille et une colonnes ; elle en a en réalité 224), et l'on croit y retrouver la citerne dePhiloxène, construite sous Constantin le Grand, dans la première moitié du Iv' siècle. Elle est aujourd'hui à sec et occupée par des cordiers et des ouvriers en soie. Selon M. de Hammer, elle comprend trois étages superposés. Les colonnes de l'étage supérieur, le seul que l'on visite, sont écartées de 3m,76; elles ont 0m,58 de diamètre et 7t",55 de hauteur, en y comprenant les chapiteaux de marbre, grossièrement sculptés. M. de Salzenberg 4:, a compté 15 rangées en long et 14 en Iargeur, total 210 colonnes. La hauteur est de 9m,40, la contenance de 325400 mètres cubes. Le deuxième étage, qui est inaecessible, est porté par des colonnes de 2m,40 de hauteur. Près de [Jin-Bir-irek se trouve une autre, citerne, également à sec, où l'on compte 28 colonnes corinthiennes, plus belles que celles de la citerne aux mille et une colonnes, En France, au me siècle, on construisait encore des citernes sur le plan des citernes romaines. Celle de l'abbaye de Vézelay, située dans le cloître, se compose de deux nefs voûtées, soutenues par une rangée de petits piliers carrés. Elle est creusée dans le roc et soigneusement enduite à l'intérieur 44. II. On construisit aussi de véritables citernes pour le vin en provision [mmcmi] ". Enfin on rencontre chez un auteur le nom cisterna friyidarîa, qui semble désigner une sorte de glacière 4ri. L'D. GUILLAUME. ;1S que mentionnent fréquemment les écrivains et les inscriptions pendant le ne et le net siècle avant l'ère chrétienne, a depuis longtemps' été reconnue par les numismates dans les pièces d'argent de l'Asie-1lineure,d'une fabrication .plate, avec peu de relief, qui ont pour type (d'où leur nom), d'un côté la ciste dionysiaque [CISTA bry8TICA[ entr'ouvertc et laissant échapper un serpent au milieu dune couronne de lierre muni de ses corymbes, et de l'autre un arc dans son étui, entredeux serpents dent les queues sont enlacées et les têtes dressées (fig. 1558 et 1559). Les cistoplzores appartiennent au système monétaire rhodien, dérivé de l'ancien système asiatique [r'RACnBBA). Le poids moyen en est entre 1t2"500 et 42',`800'; ce sont donc des tétradrachmes à l'unité de 3r°200 environ, donnée que conft'me pleinement le comparaison quo Festus 3 établit entre la valeur du talent des cistephares et celle de la monnaie romaine. On possède dans les colleci;ons numismatiques, en assez grand nombre, le di.drachme et la drachme qui corresponde ,it à, la série des cistoplzores. (ses pièces ne portent plus la ciste, mais d'un côté la massue d'Hercule et la dépouille du lion de Némée au milieu d'une c0uI°onne de pampres, et de l'autre u.tle grappe de raisins avec ses feuilles' (fig. 1560). Le didrachme pèse 6€1'505 à 68e450, .juste le même poids que les didrachntes ou drachmes fortes de Rhodes, sur l'un desquels est surfrappé un exemplaire du Cabinet royal de Berlin'. La drachme pèse de 3t"300 à 31r225. Jointes au passage de, restais, ces divisions établissent d'une manière indubitable sur quelle unité monétaire était fondé le système des cistophores. Mais, quoique assez multipliées, elles ont été évidemment frapper: en masses moins considérables que les grandes pièces à la ciste, dont le succès fut certainement dû en partie à la combinaison ingénieusement organisée par laquelle ces pièces pouvaient circuler également, sans d f cuités de change, sur les marchés on le poids attique était en usage, comme sur ceux où le poids asiatique p.rédo-. CIS --1212 CIS minait, puisqu'elles représentaient 3 drachmes attiques au taux de 4rr250, aussi bien que 4 drachmes rhodiennes légères'. Les villes où les cistophores ont été frappées, et dont elles portent les marques, sont en Mysie : Parium, Adramyttium et Pergame ; en Ionie : Smyrne et Ephèse ; en Lydie : Thyatira, Sardes et Tralles; en Phrygie : Apamée et Laodicée; enfin Nysa sur les frontières de la Carie' ; toutes villes qui ont été plus ou moins tôt comprises dans les domaines des rois de Pergame. C'est sous l'autorité de ces princes que l'émission en commença, après la fin de la fabrication des tétradrachmes autonomes des cités de la Mysie, de l'Eolie et l'Ionie, et probablement (à ce que font supposer leurs types) sous l'influence de ces grandes corporations demi-religieuses, demi-théâtrales, et aussi quelque peu politiques, des IIONVSIAI OI TECHN1TAI, qui prirent une telle importance en Asie Mineure sous les Eumène et les Attale. Les plus anciennes mentions faites des cistophores par les auteurs anciens se rapportent à la guerre des Romains contre Antiochus le Grand, roi de Syrie, et on y voit que dès lors, c'est-à-dire dès le commencement du ne siècle avant notre ère, cette monnaie constituait la plus grande partie du numéraire d'argent circulant en Asie-Mineure et même dans certaines parties de la Grèce. On porta dans le triomphe de Manias Acilius Glabrio sur Antiochus et les Étoliens (190 avant J.-C.) 1130 0 tétradrachmes attiques et 248000 cistophores 8 ; dans celui de L. Emilius Itegillus, pour la défaite de la flotte du roi de Syrie, 34700 tétradrachmes attiques et 131300 cistophores'; enfin dans celui de L. Cornelius Scipio Asiagenes, après la victoire définitive (188 avant J.-C.), 180000 philippes d'or, 224000 tétradrachmes attiques et 331070 cistophores10. Deux ans après, quand Cn. Manlius Vulso reçut, après sa campagne contre les Galates, les honneurs du triomphe, il y exposa, dans le butin de son armée, 163_20 philippes d'or, 127000 tétradrachmes attiques et 250000 cistophores Ces chiffres sont formels. Tite-Live a dû les puiser dans les catalogues des Fastes triomphaux, et il est impossible d'admettre, avec M. Mommsen ", que la mention des cistophores y soit le résultat d'un calcul qui aurait traduit sous cette forme la valeur de monnaies d'une autre nature comprises dans le butin. Les indications de l'historien romain doivent donc faire écarter l'hypothèse de l'érudit berlinois, d'après laquelle l'émission des cistophores n'aurait commencé qu'avec la constitution de la province romaine d'Asie Elles ne permettent pas non plus d'adopter la conjecture très ingénieusement présentée par M. Barclay Head" au sujet de l'origine de ce monnayage. tt Il est probable, dit-il, que la chute de Rhodes (167 av. J.-C.), et le brusque déclin du commerce rhodien dans les années qui suivirent", inspirèrent à Eumène II la pensée de supplanter le monnayage de Rhodes dans la circulation métallique de l'Asie-Mineure, par la création d'une nouvelle monnaie taillée sur l'étalon rhodien et battue dans les principales cités de sa domination, d'une sorte de monnaie panasiatique, uniforme comme type, où les différents lieux d'émission n'étaient déterminés que par des marques accessoires de même que dans le monnayage contemporain de la Ligue Achéenne. Dans une semblable entreprise le roi de Pergame fut, suivant toutes les vraisemblances, soutenu et encouragé par les Romains, qui s'étudiaient alors activement à ruiner dans toutes les directions le commerce de Rhodes, par l'érection de Délos en port franc sous l'administration des Athéniens et par la réouverture des mines d'argent de la Macédoine (158 av. J.-C), où ils firent fabriquer en si énorme quantité les tétradrachmes de poids attique au nom des quatre provinces entre lesquelles ils avaient divisé cette contrée. » L'observation est d'une justesse historique parfaite, et ces circonstances si bien déterminées n'ont pu manquer d'exercer une influence des plus considérables sur le monnayage des cistophores ; mais elles ont eu seulement pour résultat d'en augmenter le développement et le succès, elles ne l'ont pas créé. II y avait déjà plus d'un quart de siècle que l'on fabriquait des cistophores, puisque vingt ans auparavant on en avait porté en abondance dans les triomphes sur l'Asie Mineure. Quand Attale III eut légué par testament ses états au peuple romain, les cistophores devinrent la monnaie officielle et locale de la nouvelle province d'Asie et continuèrent à se frapper exactement dans les mêmes conditions que dans l'époque antérieure. Tl y a pourtant une marque incontestable à laquelle on distingue les cistophores frappés sous ce nouveau régime de ceux du temps des rois de Pergame : outre les noms et les symboles des villes d'émission, les noms et les monogrammes de leurs magistrats monétaires, ils portent encore les dates d'une ère qui est celle de l'érection de la province proconsulaire ". Vers le milieu du ler siècle avant l'ère chrétienne, une modification considérable s'introduisit dans la fabrication des cistophores. On y inscrivit en latin les noms des proconsuls des deux provinces où se frappaient ces monnaies, de la province de Cilicie où la Phrygie était comprise, et de la province d'Asie, qui embrassait la Mysie, l'Ionie et la Lydie ". Parmi ces noms de proconsuls le plus illustre est celui de Cicéron, qui se lit sur des cistophores d'Apa mée et de Laodicée (fig. 1561); dans cette dernière ville avec le titre d'intperator, qu'il avait eu la petite vanité de se faire décerner par ses soldats après une bien mince victoire Les lettres de Cicéron prouvent que les pièces à la ciste étaient la monnaie la plus répandue dans sa province et dans celle qu'avait antérieurement gouvernée son frère Quintus, mais qu'on éprouvait quelque peine à les faire changer par les banquiers de Rome". En outre, CIS 1213 CIT sur les cistophores proconsulaires de la province d'Asie, au lieu de l'arc dans son étui, les deux serpents du revers embrassent dans leurs replis un symbole qui change chaque année R0, une aigle légionnaire, un trépied surmonté de l'aigle romaine, une édicule périptère, etc. Ces changements nous font arriver par une transition insensible aux tétradrachmes qui ont au droit, dans la couronne de lierre, la tête de Marc-Antoine, au lieu de la ciste mystique, et au revers, entre les deux serpents, la ciste surmontée de la tête d'Octavie" (fig. 1562), ou bien les effigies accolées d'Antoine et d'Octavie avec, au revers, les deux serpents embrassant la ciste que surmonte une image de Bacchus". Immédiatement après la défaite d'Antoine, Octave fit à son tour frapper deux monnaies, dont l'une, qui est un triobole ou hémidrachme du système des cistophores, porte au droit sa tête et au revers une Victoire debout sur la ciste qu'enveloppent les deux serpents, avec la légende ASIA RECEPTA24 (fig. 1563); l'autre, qui est un tétradrachme, laisse voir au droit la tête d'Octave, avec une couronne d'olivier , est la figure de la Paix, PAx, tenant le caducée et ayant auprès d'elle la ciste entr'ouverte, d'où s'échappe un serpents' (fig. 1564). Ces deux monnaies sont les dernières que l'on puisse désigner sous le nom de cistophores. Après l'organisation complète du pouvoir impérial, la province d'Asie ne perdit pas du premier coup le droit d'avoir sa monnaie d'argent particulière. Jusqu'au règne d'Hadrien, elle continua à frapper des tétradrachmes appartenant au même système de poids que les cistophores 23. Mais la ciste, devenue déjà tout à fait secondaire sur les monnaies d'Antoine et d'Octave, disparut complètement des tétradrachmes impériaux, équivalant toujours à 3 deniers. Sauf le poids et la nature de l'unité monétaire, ces tétradrachmes n'avaient plus rien de grec et étaient absolument semblables aux monnaies frappées à Rome. Les collections numismatiques en contiennent un grand nombre. Les légendes en sont purement latines ; au droit, on voit la tête de l'empereur régnant, et au revers des types fort variés, mais toujours subordonnés à l'effigie impériale. La série s'en interrompt un moment sous les règnes de Néron et de Vespasien, qui tentèrent de substituer à ces pièces des drachmes et des didrachmes, portant l'indication de leur valeur et taillés sur le pied un peu différent qui était en usage dans l'atelier provincial de Césarée de Cappadoce s'. Mais la tentative ne réussit pas et n'eut pas de suites; aussitôt après Vespasien l'on reprit la fabrication des tétradrachmes sur l'ancien pied Sous Hadrien l'on procéda à un recensement et à un contrôle général des cistophores qui se trouvaient encore dans la circulation de la province d'Asie. Ceux qui avaient trop perdu de leur poids furent retirés. Ceux qui étaient usés, mais dont le poids restait encore acceptable, furent contremarqués et remis ainsi dans les mains du public $'. Après Hadrien on ne frappa plus de tétradrachmes provinciaux, mais l'usage de ces monnaies dans l'intérieur de la province se perpétua jusqu'à la grande crise monétaire