Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article CITHARISTA

CITHARISTA. KtOapte-r,jç, yâ),rnç. Cithariste, celui qui joue de la cithare. L'art de jouer de la cithare ou de la lyre (xeOap(ety) faisait partie chez les Grecs de toute bonne éducation. On l'enseignait aux enfants presque aussitôt qu'à lire et à écrire, et ensuite à chanter en s'accompagnant de ces instruments (xtdap î(a). Dans ce sens le plus large du mot, chacun était donc cithariste' [MUSICA]. Mais le même nom, dans une acception plus restreinte, désignait particulièrement le musicien de profession, le maître qui apprenait à jouer de la cithare et à chanter. On voit dans une peinture qui décore une coupe d'argile let signée du nom de Duris, un de ces citharistes avec ses élèves. Ils se servent, non de cithares proprement dites, mais de lyres plus légères montées sur des écailles de tortue [LYRA]; le maître et un des élèves touchent les cordes sans l'aide du plectrum, avec les doigts de la main gauche seulement, ce qui semble indiquer un simple accompagnement. Sur une autre coupe', on voit une scène pareille, ici reproduite (fig. 1565). Le maître et les élèves tiennent des cithares. Plus loin, sur la même coupe, un second cithariste accompagne et dirige un jeune homme qui apprend à jouer de la flûte. Les citharistes étaient généralement aussi des citha cir ._ 121.4 Cïi rides, c'est-à-dire qu'ils chantaient en s'accompagnant sur la cithare [cI'r'HAndenus]. Mals ils trouvaient leur emploi, indépendamment du. chant, comme instrumentistes', soit dans l'exécution de morceaux défi thés, soit dans l'accompagnement de la danse et du chant. Dans des peintures découvertes à Cyrène', qui appartiennent vraisemblablement au commencement de l'ère chrétienne, on voit plusieurs choeurs de musique, dont l'un faisaient entendre en public. Au contraire, il faut recorsxety) ; les derx autres lru touchent des deux mains: c'est est dirigé par un cithariste (fig. 15361; celui-ci, qui tient une cithare de très grande dimension_, n'est pas vêtu de la longue robe que portaient les citharèdes quand ils se naître des citharèdes dans deux musiciens ainsi vêtus, placés en dehors des choeurs. De ces trois musiciens, un seul se sert du plectrunt pour faire vibrer les cordes (xpF ce que les Grecs appelaient proprement 4+x),anv, Dans un sens yâà)nty peut être opposé à xt6x que 'g 2uTŸfç, l'exe entant, l'est xtOzpteli(' Les Latins distinguaient ces deux manières de jouer par les mots intus et forts cane etxtùzptrety finirent par devenir synonymes dans le sens de chanter avec accompagnement d'un instrument à cordes'. Des citharistes, d'un talent inférieur, sans doute en même temps au besoin joueurs de flûte fig. 15671', étaient appelés dans les sacrifices 10 et dans les banquets, où l'on faisait venir plus souvent encore des musiciennes. Les femmes grecques, en effet, jouaient de la cithare: non-seulement les citharistes de profession, de basse condition et de moeurs faciles (xt8apio.ptni, ~ ,t-rpizi), qui apprenaient cet art pour s'en faire un attrait qui les fît rechercher dans les réunions où les honnêtes femmes ne se montraient pas"; mais parmi ces dernières mêmes, il y en avait qui s'y exerçaient. On les voit n représentées dans des peintures de vases, la lyre en main ; ou bien cet instrument est suspendu auprès d'elles, avec d'autres objets qui indiquent une scène d'intérieur plutôt encore qu'une école (8'P xa)tnin, ludtls fidicinus53). Cette éducation musicale fut peut-être assez rare à Athènes et dans les pays habités par les peuples de CIT ---1?13 ~... CIT' race ionienne, où les femmes vivaient très renfermées et où les jeunes filles n'étaient guère préparées qu'aux soins à donner à leurs enfants et à leur ménage ; mais elle dut être plus développée chez les Doriens et chez les Éoliens, qui faisaient aux femmes une plus grande part dans la vie active et chez qui elles profitèrent de j tous les progrès de la culture générale 15, Ii suffit de rappeler ici la place que tenait la musique dans les écoles de Lesbos où se formèrent Sappho et ses émules. Celle-ci est figurée avec la lyre dans des peintures de vases et dans des bas-reliefs", Lorsque les moeurs helléniques s'introduisirent a Rome, les jeunes gens et les jeunes filles y apprirent aussi à jouer de la cithare, instrument longtemps, inconnu des vieux Romains"; l'usage n'en pénétra que lentement dans le culte, Elle prit place dans les cérémonies de rit grec", au théâtre, dans les fêtes et dans les banquets. Beaucoup de personnages même appartenant à de nobles familles y excellèrent dès le temps de la république, en dépit du préjugé romain qui ne voulait pas que l'on s'y montrât trop habile, si l'on n'en faisait son métier1B. Au commencement de l'empire la musique faisait partie de toute éducation distinguée, et l'on vit même à la cour et dans la famille impériale des jeunes gens habiles à jouer de la cithares. Les bons citharistes étaient estimés pour leur talent, même indépendamment du chant qu'ils devaient ordinairement soutenir, soit qu'ils jouassent un solo, soit qu'ils fis sent leur partie dams un concert d'instruments; el. l'on appréciait le mérite de virtuoses qui savaient tirer des cordes de la lyre des sons comparables à ceux de la voix humaine 20. On peut voir (p. 3â, fig. 66) la reproduction d'une peinture d'Herculanum 2' oh une cithariste est placée à côté d'une chanteuse et d'un joueur de flûte : celui-ci, à l'aide du scaâilluta attaché à son pied, marque la mesure et paraît diriger l'orchestre. Dans une autre peinture" (fig. 1568), c'est la cithariste qui a la première place. Elle tient de la main gauche une lyre dont elle fait résonner les cordes avec les doigts seulement, et de la droite elle touche de la même manière les cordes d'une sorte CITIIAII OF.DUS_ 1 On ne trouve quo très lard les noms spéciaux de ÿi).r,xilaeuet;, n'accompagnaient aucun chant; cf. Plat. Ion, p. 533 b; Strab.IX, 10; Liban. m, p. 534 de harpe ou de trigonon, comme si elle voulait mettre les deux instruments d'accord. Les personnages qui l'entourent, chanteurs ou auditeurs, paraissent l'écouter avec une grande attention. E. SÂGI.Io, CITII9.R0EDUS. K,hapssèéç. Citharède.--C'était, comme l'étymologie l'indique, celui qui chantait en s'accompagnant de la cithare. Ce nom aurait donc pu s'appliquer, dans son sens le plus large, à tous les Grecs qui avaient revu une complète éducation, puisque tous s'exerçaient à cet art [oiesicet], et que pendant longtemps on ne sépara pas le jeu de la cithare (xttxotatç) du chant qu'elle fut d'abord destinée à soutenir'. Mais dans son acception rigoureuse et habituelle, ce mot ne désigne que des musiciens ayant l'ait de Ieur art une étude spéciale et plus complète, tels que les aèdes («otôoé) des temps homériques2, et. plus tard ceux qui, à leur exemple, se faisaient entendre dans les réunions publiques et privées, dans les cérémonies et les fêtes religieuses, et pour lesquels des concours furent institués à Délos, à Delphes, à Olympie, à Athènes et en d'autres endroits 3. Ils étaient recherchés et pour leur talent de virtuoses et pour leurs levons, et beaucoup s'enrichirent soit par cet enseignement, soit par les récompenses qu'ils recevaient à la cour des princes ou dans les villes où ils se transportaient 4. A côté des maîtres, dont les écoles étaient célèbres, il y avait des artistes inférieurs qui, à la manière des anciens aèdes, mais moins respectés qu'eux, gagnaient leur vie en se faisant entendre dans les carrefours ou en chantant et, en accompagnant los chants et les danses pendant les repas 5. On y fit surtout venir, au moins au temps de la décadence des moeurs, des femmes, appelées pour la plupart, comme les joueuses de flûte et les danseuses qui sy rendaient avec elles, plus encore pour Ieurs charmes et leurs moeurs faciles que pour leur talent de musiciennes. Les Romains, à l'imitation des Grecs, introduisirent la cithare et le chant dans leurs fêtes et dans leurs repas. C'était un divertissement assez commun dès le dernier siècle de la république, et qui le devint encore plus sous l'empire °. On chantait avec accompagnement de la cithare les poésies des lyriques grecs et aussi celles des lyriques latins 7p Des concours de cithare et de chant furent institués en 60 aptes 3.-C., avec beaucoup de solennité par Néron, qui se 'lattait d'y paraître comme un citharède accomplis. Logea Xeroneus, qui comprenait aussi des courses et des luttes athlétiques et gymnastiques, ne survécut pas à Néron, Il fut surpassé en éclat par des concours semblables qui firent partie de lagon Capitolinus, fondé en l'an 86, sous Domitien 9. Cet fait connaître la rémunération annuelle, 700 drachmes, donnée à un maitre de chant et de cithare. --5On voit dans un grand nombre de peintures de vases représentant des repas ou le rcmnos qui les terminait, des hommes jouant de la cithare ou d'autres instruments. [lest souvent difficile de distinguer si ce sont des musiciens toués ou les convives eux-mêmes (avnteosto.vi.6 Friedi0nder, Sitteugerdich,e liunzs. IIr, p. 230. On voit aussi des eilhacedes dans les représentations de repas sur les monu oxxtx ; Micall, L'Italie avant la fun i,, des Douzains, pl. xxxvux de l'édit. française. CIT 1216 C1T empereur fit construire pour les fêtes musicales un théâtre spécial, l'Odéon, dont l'enceinte couverte pouvait contenir plus de dix mille auditeurs". Des prix particuliers étaient destinés aux citharèdes vainqueurs, d'autres aux citharistes qui jouaient sans accompagner un chant, soit en solo. soit en choeur. A ces concours, qui revenaient tous les quatre ans, prenaient part des musiciens de tous pays1l. Ces artistes, qui allaient de ville en ville chercher un nouvel auditoire, acquirent souvent de grandes richesses 18, des honneurs et des privilèges. Ainsi Anaxenor de Magnésie", après avoir brillé sur les théâtres de l'Asie, fut nommé par Antoine, le triumvir, phorologos ou receveur des impôts de quatre villes ; il avait dans ces fonctions une escorte de soldats. Sa ville natale le revêtit de la pourpre de grand prêtre de Jupiter; et c'est ainsi qu'il était représenté dans le portrait qu'on voyait de lui à l'agora. Il avait en outre sa statue en bronze au théâtre, honneur accordé ailleurs encore à des citharèdes'. Les citharèdes, quand ils paraissaient dans les concours et dans les solennités du culte, revêtaient un riche et pompeux costume, au sujet duquel les écrivains anciens nous fournissent quelques renseignements, mais qui nous est mieux connu encore par les monuments. Cicéron, Lucien, Apulée 15 parlent d'une couronne d'or enrichie de pierreriès, d'une longue robe (palla, stola, tunica) de pourpre brodée d'or et de dessins de couleurs brillantes, et d'une chlamyde attachée par une agrafe (a6pi , 7tô p7trtua), d'où son nom d'ùctaopaiS ou éatrepamua16. Le dernier auteur ajoute à sa description une ceinture « à la mode grecque », fixant la tunique sans la relever; en effet, elle tombait jusqu'aux pieds. Mais il faut distinguer les époques : c'est ce que permettent de faire les nombreuses représentations que nous avons de citharèdes, particulièrement sur les vases peints 17. Dans les plus anciennes, ces musiciens n'ont pas un costume qui leur soit propre; ce n'est guère avant le v° siècle, quo les artistes se sont efforcés de les faire reconnaître par des traits distinctifs. Leur costume consiste d'abord en une robe ou tunique sans ceinture, descendant du cou, qu'elle en serre étroitement, jusqu'aux pieds ; elle est quelquefois rayée de bandes Iongitudinales. Pardessus cette tunique est souvent jeté un manteau, orné parfois aussi de dessins tissus ou brodés, et qui enveloppe le corps en laissant ordinairement le bras droit dégagé (fig. 1569)16; ou affectant la forme d'une chlarnyde, qu'une broche ou un bouton fixe sur l'épaule droite (fig. 1570) 19. Dans le cours du Ive siècle, la position de la chlamyde change : celle-ci est attachée par une agrafe sur le devant du cou, ou par deux agrafes sur l'une et l'autre épaule, et retombe en longs plis par derrière en laissant le devant du corps découvert. Cette chlamyde accompagne le vêtement de dessous plus ou moins richement orné que l'on a pu observer dans les monuments de l'époque précédente, lequel est quelquefois pourvu de manches et, de plus, assujetti par une large ceinture, que l'on rie remarque pas antérieurement. C'est le costume que Scopas avait donné à Apollon dans la célèbre statue qu'Auguste plaça plus tard au Palatin (p. 320, fig. 379) s0, et ce type fut après lui abondamment reproduits'. Ainsi est vêtu le dieu dans les bas-reliefs dits choragiques ss, qui passent généralement pour des offrandes de citharèdes vainqueurs; Apollon y est représenté recevant la libation que lui verse la Victoire (p. 329, fig. 377). On retrouve le même costume dans des statues, et des bas-reliefs, des peintures de vases, des pierres gravées, des monnaies, etc., °6 où sont figurés comme citharèdes soit de simples mortels, soit Apollon, soit des muses. La statue du musée de Naples qui est ici reproduite (fig. 1571), appartient à la CIV 1217 -CIO' dernière catégorie'". A côté (fig. 1572) on voit Apollon, d'après un vase peint". Si les figures de ce type se ratta chent à l'oeuvre de Seopas, d'autres représentations de musiciens dans le même costume, mais dépouillés de la chlamyde, paraissent avoir eu pour modèle la statue d'Apollon par Bryaxis, consacrée dans le sanctuaire de ce dieu à Daphné, près d'Antioche". Enfin dans quelques peintures de vases du 1v° et du v' siècle, on remarque des citharèdes, hommes ou femmes, portant par-dessus la longue tunique une sorte de casaque ornée l ' qui ne descend pas plus t-ez bas que les hanches et a, au lieu de manches, deux ouvertures pour les bras. Ce costume paraît avoir été, vers le Iv' siècle, adopté par les musiciens ; ailleurs on le voit porté par des joueurs de flûte et sur un vase du mu sée de l'Ermitage (fig. 1573), il l'est par Artémis tenant la lyre d'Apollon ; sur un autre par Apollon lui-même '.