Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article COENA

COENA ou mieux CENA. Aai7rv0e. -Nous réunirons sous ce nom, qui était celui du repas principal chez les Grecs et chez les Romains, les explications relatives aux usages des repas en général, en écartant tous les détails qui peuvent être mieux traités dans des articles spéciaux, auxquels nous renverrons. On trouvera ce qui concerne Cena et sirssv, comme leh et epulum, se rencontrent souvent employés pour signifier un repas quelconque, sans distinction d'espèce, mais ces mots ont aussi une acception plus restreinte : les deux derniers désignent alors un festin public ou religieux [EPULUM], les deux premiers l'un des repas de la journée par opposition à ceux qu'on faisait à d'autres heures. Dès l'âge homérique, on trouve trois noms pour désigner ces repas successifs : éptexov 2 était, alors (car les mêmes noms s'appliquèrent autrement par la suite) le déjeuner léger qu'on faisait le matin au lever 3; Sainvov, un repas pris soit dans la matinée soit vers le milieu du jourmais qui paraît être le premier repas solide et le plus important, toutes les fois que le mot est employé, non dans un sens large et indéterminé, mais avec précision et dans des circonstances qui ne laissent pas confondre le Saï77vov avec le Hprcov ou Soparoc: ce dernier repas était toujours celui du soir G. On rencontre encore chez Homère d'autres noms, qui se rapportent, non à l'heure du repas, mais à sa nature, à son caractère propre, ainsi aR etiVsl, qui désigne 7 un festin particulièrement abondant et joyeux et âprvoç, un de ces banquets où chacun des convives apportait son écot, qui restèrent toujours dans les habitudes des Grecs, mais en se transformant [ERANOS]. Aux temps homériques', ils n'étaient peut-être pas différents des repas auxquels les chefs du peuple, qu'on appelait aussi les anciens [GÉRONTES] étaient invités chez le roi ou se conviaient entre eux, toutes les fois au moins qu'ils devaient sacrifier et tenir ensemble conseil9, Les frais de ces repas paraissent avoir été supportés par la nation 10. Une partie des usages observés dans les repas des Grecs et des Romains resteraient inexplicables, si l'on rie commençait par en retrouver le principe dans les plus anciennes pratiques du culte. Le repas, à l'origine, était un acte religieux, le frugal souper cille chacun faisait dans sa maison aussi bien que les banquets qui rassemblaient tout un peuple pour quelque Pète solennelle, il n'y en avait aucun qui ne commentât par un sacrifice, ef; de même, à quelques rares exceptions près, il n'y avait pas de sacrifice qui ne fût suivi d'un repas 11 [SACRA]. C'est ce qu'on n'avait pas entièrement oublié au temps mémo où la religion avait le plus perdu de son empire sur les antes 12 : les prières du repas, le langage même, qui continuait à employer dans une acception vulgaire des termes appliqués autrefois aux choses consacrées ",étaient les témoins d'un âge où l'homme croyait véritablement COE -1270 -. COE partager avec les dieux ses aliments 16 où sa première et sa dernière pensée, quand il les prenait, était une invocation à la divinité du foyer qui les avait préparés et à qui il s'en croyait redevable 1s Dans les repas auxquels Homère nous fait. assister nous voyons presque toujours des hommes assemblés en plus ou moins grand nombre, autour de l'un d'entre eux, qui offre pour tous le sacrifice. C'est quelque fête solennelle qui en est l'occa sion, un deuil, une expiation, un mariage, l'accomplissement d'un voeu; ou bien un chef a invité à sa table d'autres chefs ou les anciens et les principaux de la nation; ou encore, chacun apportant sa contribution, ils se rencontrent chez l'un d'entre eux pour un festin en commun; ce festin peut même être motivé par un événement fortuit, comme l'arrivée d'un hôte, le départ d'un ami, l'annonce d'une heureuse nouvelle, un signe manifeste de la volonté des dieux : dans tous ces cas il paraît naturel que le repas ne soit que la suite du sacrifice et l'on s'explique le soin et la régularité constante avec lesquels sont faits tous les préparatifs ; ce sont là de véritables rites que le poète décrit en se servant de termes consacrés. Mais on ne peut guère douter que dans les autres repas, le même ordre ne fût suivi, et que toutes les cérémonies ne s'accomplissent avec le même soin religieux, quoiqu'elles ne soient pas toujours énumérées point à point. Chez Eumée, le porcher comme sous la tente d'Achille', c'est aux dieux que l'on sacrifie d'abord des victimes dont chacun ensuite prend sa part, et personne ne touche aux mets placés devant lui avant que les prémices qui leur sont destinés n'aient été consumés par le feu du foyer]'. Même dans l'antre du cyclope, Ulysse et ses compagnons, avant de manger des fromages qu'ils y ont trouvés, offrent aux dieux un sacrifice '. C'est celui qui commande dans la maison, qui sacrifie pour la famille et pour les hôtes réunis autour du foyer: aussi voit-on les princes eux-mêmes prendre le couteau (oé'jsmpa) pour abattre la victime, la dépécer, faire les parts que l'on doit réserver aux dieux et celles qui seront distribuées aux convives '9. Le maître en personne se charge de cet office, ou bien il est confié à des serviteurs spéciaux (at'cpoi) ". II y en a deux qui se le partagent dans les repas que font les prétendants dans le palais d'Ulysse 2j ; on en voit deux aussi sur un vase peint de très ancien style, au musée du Louvre (fig. 1690), l.'un qui découpe les viandes, l'autre qui les prendra des mains du premier pour 'les porter aux convives n. Cette division en parts égales (g.oipat)estd'usage constant danslesrepasréunissant plusieurs convives, dont nous trouvons la peinture chez Homère, et il n'est fait d'exception que pour les hôtes que l'on veut tout particulièrement honorer n, Le poète donne à ces repas leur véritable nom aig, qui indique le partage u. Les participants s'appelaient atXeog ve; et les distributeurs Eatvpot n, Le changement des moeurs détacha peu à peu du culte les repas ordinaires, où l'on n'en trouve plus de trace par la suite que dans les invocations et dans les libations par où ils commençaient et finis saient ; mais dans les repas publics [DAPS ou EPOLUM] et dans tous ceux qui suivaient des sacrifices le partage entre les convives demeura toujours rigoureux 26. Ce n'est pas la seule coutume des repas dont l'explication se trouve dans les anciennes pratiques religieuses. L'ablution des mains (v(qiaveat, Xov(t1v, üo1p ita-'etpiiç) 27 qui précède, dans les récits homériques, le sacrifice et la libation, et qui se conserva toujours dans les repas, n'était pour les anciens, même dans le temps où ils avaient le plus perdu de vue ces origines sacrées, autre chose que la purification nécessaire avant d'accomplir un acte religieux 28. Homère ne manque pas de mentionner cette ablution, comme une préparation indispensable, même après le bain, que, dès ce temps, l'on prenait volontiers avant le repas29; et dans quelques cas où la libation se renouvelle, ii la mentionne une seconde fois 30. La libation, qui, dans les temps postérieurs, ne se faisait plus qu'au moment où on allait desservir, au temps d'Homère se plaçait au début comme à la fin du repas, ou du moins on ne touchait point aux mets avant d'avoir répandu le vin sur le feu 3l : c'est ce qu'on pourrait d'ailleurs induire de cette circonstance, que le vin tout d'abord est versé aux convives 32, en même temps qu'on leur présente l'eau pour les mains ; c'est ce qu'atteste aussi le nom, ércip7ea0at, donné par le poète à la cérémonie même de la libation, au moment où elle s'accomplit pour la seconde fois3S. En effet âpxeaeat ou stc«p7su0at signifiant offrir les prémices le mot irr pteaeat ne peut avoir d'autre sens que les offrir de nouveau34. C'était la part des dieux, et celui qui l'offrait en l'accompagnant de prières 35 remplissait une fonction sacrée. Aussi voyons-nous que c'est souvent le maître de la maison qui l'accomplit : c'est, comme le remarque Athénée 36, le fils de Ménélas qui remplit cet office, le jour même de ses noces et dans le festin donné à cette occasion. En ce temps, dit le même auteur S7, dans ces réunions où tout était encore rapporté aux dieux, c'étaient des jeunes gens de condition libre qui servaient d'échansons. COE Il ajoute qu'aucun ei n'y était employé, ce qui ne doit s'entendre toutefois que des actes pouvant être considérés comme se rattachant au sacrifice : ceux-là, le prince lui-même, le chef de la famille ou ses fils y procédaient, ou quelques-uns des convives ou des hérauts, serviteurs libres et honorés 3R; mais nous voyons aussi des esclaves, souvent en grand nombre dans la demeure des personnages riches et puissants, occupés des autres soins du services. L'état servile ne paraît pas lui-même avoir été incompatible avec les fonctions ordinairement réservées aux hontes libres. C'est ainsi qu'on voit Eumée accomplir avec l'aide des autres pasteurs, esclaves comme lui, toutes l.es cérémonies du sacrifice qui précède les repas; il est vrai que c'est dans la chaumière ou il est le maître, alors qu'il y reçoit Ulysse '0. Ce repas chez Eumée, dont Homère fait une si exacte et si vive peinture, représente ce qui se passait dans toutes les humbles demeures, Pour faire fête à l'étranger les porchers vont chercher un porc déjà engraissé. Ils l'étendent devant le foyer. Eumée n'oublie point les dieux; il leur adresse sa prière, mais avant, il jette, d'abord dans le feu les soies de la tète du porc ; il le frappe ensuite avec une branche de chêne réservée pour cet usage. Puis, quand l'animal est sans vie, les pasteurs l'égorgent, le flambent et le coupent par morceaux. Eumée retire les entrailles, qu'il recouvre de la graisse prise au corps, les saupoudre de farine et, les jette dans le feu. Puis les pasteurs divisent le reste, embrochent les viande., Ies font rôtir et quand ils les retirent du feu, ils les déposent dans les plats. Eumée se lève alors pour faire les portions deux sont réservées pour être consacrées aux lymphes et à Hermès, les autres doivent être distribuées également aux convives ; 'un morceau de choix est destiné à l'hôte qu'on veut honorer. Mais avant que personne n'y touche, humée offre les prémices aux dieux, et fait des libations avec le vin. A ce moment seulement un esclave distribue les parts et chacun étend les mains vers les mets placés devant lui. Les choses se passent de la même manière dans la tente d'Achille, lorsqu'il reçoit les envoyés des Grecs "1, Aussitôt que le héros les aperçoit, il ordonne à Patrocle d'apporter un cratère pour mélanger le vin et de préparer des coupes. Lui-même avec l'aide de son ami et '1' .6 utomédon, il étend sur un billot, près du feu, le dos dune brebis, d'une chèvre et d'un porc, les découpe et les embroche ; Patrocle allume le feu. Quand la flamme tombe et s'éteint, il étend. les broches au-dessus des charbons, et les saupoudre de sel sacré; enfin ii. pose sur une table les chairs rôties et distribue le pain contenu dans des corbeilles. Achille coupe les viandes, Enfin il s'asseoir et da à Patrocle de sacrifier. Celui-ci fait les libations dans le feu; alors seulement on commence à manger. Les repas plus somptueux qui se font dan: le palais de Ménélas à Lacédémone " chez Nestor à Pylos ", ou à Ithaque chez Ulysse absent " ne diffèrent pas des précédents. Le,e mènes soins y sont pris par les princes et par leurs convives pour que tes animaux soient sacri_. liés, rôtis et .partagés sit oft les rites. A tous ceux qui y prennent part on offre l'eau à lacer, on distribue le pain et l'on verse le vin, et si quelque hôte survient, on le sert comme les rus';;és, et cul lui présente une coi. en faisant des veux pour son bonheur. West de la même manière que les convives se saluent aussi. entre eux quand ils s'invitent e boire réciproquement "". Souvent le festin par le chant d'un aède, qui, après en avoir pris sa lent, célèbre, en s'accompagnant de la cithare, les exploits des dieux et des héros et aussi par les danses, qui sont, avec le chant, dit le poète, « l'ornement des repas "9 ». L'usage etc se couronner pendant le repas n'est pas encore connu au temps d'Homère, non plus que celui de s'étendre sur des lits, Les hommes de cet âge mangeaient assis "" et non couchés, comme on fit constamment dans la suite. Quand la nouvelle coutume, venue d'Asie., eut envahi toute la Grèce, les seuls Crétois restèrent fidèles aux moeurs primitives be. Les plus anciennes peintures de vases, aussi bien que celles des tombeaux ou les bas-reliefs, en Italie comme en Grèce, montrent les convives étendus sur des lits (voyez les fig. dans la suite de cet article). On 'oit cependant ici (tige 1691) une scène de repas, détachée dune de ces frises en relie` d'un dessin r primitif, 'i1a. où l'influence de la Grèce est déjà sensible, qui , tc-erent certains, vases noirs de l 'Étrurie bel Des per ,'t rie s y son, assis . la manière des héros d'H3omère. On ptelquefois, et déjà clans l'antiquité " que °,ha.,'.un ( nsislo,re au repars avait une .table séparée mais en ne voit rias qu'il y eût e cet égard riel? de tltgu her : tantôt deux i,e»'sang les étaient assises, comme ici, à mérite tai °t= tantôt un plu grand nombre "; ordinairement re parle au pluriel des !ables qui soi t 3,., :,.t pour le festin''; une table est placée 'avant le et nt léénodocrl,s; une aussi devant -Ulysse. d il. reçoit l'hospitalité chez Alcinorts, et plis tard, entre comme un étranger dams son propre palais c Bans les récits d'Iton, les femmes assistent quelque fois au repas' rus . s 's'y prennent point part avec les hommes, 11 semble q'; 'les préparaient et prenaient le COE 1272 COE leur dans la partie de la maison qui leur était réservée n. Les tables restèrent servies aussi longtemps que les convives étaient réunis ; c'est seulement quand ils se séparaient que l'intendante (T7gc ou les autres servantes emportaient ce qui restait s7. Rarement on prolongeait le repas après le coucher du soleil. Avant de se quitter on remplissait de nouveau les coupes, les langues des animaux sacrifiés étaient jetées dans le feu et, après avoir fait une dernière libation, on allait prendre le repos de la nuit58. II. En arrivant à la période historique on est frappé d'un fait, qui s'est produit successivement chez les Grecs, chez les Romains et dans le monde moderne : c'est qu'avec le développement de la civilisation, le repas principal a été reculé de plus en plus vers la fin de la journée. On continua en général à manger trois fois par jour. Il y eut deux déjeuners, dont le premier était pris en se levant; il consistait, comme autrefois, en un peu de pain trempé dans du vin: de là le nom d'âxpàttage, âxp«Ttco.ôÿ qui lui fut donné o8, tandis que l'ancien mot CiptaToç ou âparov désigna dès lors le repas de midi ou du milieu de la journée, correspondant au prandium des Romains et à ce que nous appelons plus spécialement déjeuner 60. A Athènes, nous savons qu'il avait lieu après l'heure du marché, où l'on allait acheter les provisions, et après les séances des tribunaux, qui devaient bien se prolonger au delà de la quatrième et même de la cinquième heure (entre 10 et II h.)81 et peut-être plus loin encore. Nous savons peu de chose sur la nature de ce repas; on peut seulement conclure de quelques passages qu'on y prenait une nourriture plus substantielle, car on avait recours à la cuisine 62. Le repas qui correspond à notre dîner et que les Grecs nommaient ècPtoov par excellence, avait lieu à la fin de la journée à la tombée de la nuit n, ou même lorsque la nuit avait déjà commencé. C'était le repas pour lequel on faisait des invitations, et si nous sommes moins bien renseignés sur les dîners en famille que sur ceux de société, cela ne tient pas uniquement à ce que les seconds ont été l'objet de plus de récits et d'attention que les autres 6°: c'est que pour un Grec de la ville, en effet, l'idée de manger seul était tout à fait singulière ; il ne croyait pas avoir vraiment soupé s'il avait soupé sans amis "5. De là le grand nombre d'associations [GRANDS, TaiAsos], les souscriptions taient à tous la participation à des festins, quand aucun sacrifice, aucune fête, aucun repas public ou de famille, ne faisait échapper à la nécessité de dîner seul. Ces festins, dont l'usage remonte à une haute antiquitéfi7 avaient lieu soit chez un des convives, soit chez un affranchi, qui louait une salle pour cet usage, soit chez quelque hétaire de la ville68. On appelait aussi â7ct aaupRSoiv Sei7tvov le souper où chacun apportait sa nourriture dans des corbeilles n (aztupiôtç, x«vea) ou dans des coffres 7D. On voit (fig. f692) une corbeille et un coffre dans les mains d'un jeune esclave qui porte ainsi le souper de son maître 71. Sur les vases où sont représentées des réunions de con vives, sont fréquemment suspendues aux murailles des corbeilles semblables à celle qu'on voit ici et, qui doivent, selon toute apparence, indiquer précisément de quel genre de repas il s'agit 72. On peut donc, si l'on veut se faire une juste idée de ce qu'était un Sei7tvov, prendre pour type un dîner en ville, donné par un particulier à ses amis. La journée était consacrée aux affaires tant publiques que privées, à l'agora, à la gymnastique, aux bains ; on rentrait le soir pour se livrer tout entier à la vie intellectuelle et sociale. On cherchait sur tout à s'égayer d'une façon plus ou moins honnête. Après le dîner d'ailleurs avaient lieu les réceptions proprement dites; tantôt un nouveau cercle d'amis venait se joindre aux convives, tantôt au contraire ces derniers se levaient et allaient finir leur soirée dans une autre maison, et alors commençait le aul.tadatov, qui doit être traité à part, mais qui n'était le plus souvent que la seconde partie d'un d'un èobc',nv [aoMlssATlo]. Les invitations se faisaient la plupart du temps d'une manière fort simple. On prenait jour au marché ou bien on faisait dire à ses amis de venir. Dans certains pays plus raffinés, il était d'usage, selon quelques-uns, d'inviter à l'avance, les dames surtout; ainsi on accusait plaisamment les Sybarites de s'inviter un an à l'avance, afin que leurs femmes pussent préparer leur toilette. La coutume était même si large, que ceux des invités qui étaient très liés avec la famille, pouvaient amener des amis et même venir sans être invités (âxn1Toç, aûcdoaTOç, ât'cuir ïyair0g76), moeurs hospitalières qui, il est vrai, prêtaient à quelques abus et ont engendré la classe si méprisée des parasites [PARASrTI]. Si, d'une part, l'usage de ces surprises était restreint aux intimes, il faut observer, en outre, que ce n'était, en général, qu'après le dîner proprement, dit qu'on se présentait, pour le symposion. Du reste on trouvait toujours moyen d'écarter les importuns, les gens qui ne venaient que pour boire, et l'on peut retrouver dans le Banquet de Platon quelques-unes des formules polies par lesquelles on recevait ou renvoyait à son gré les nouveaux venus. Aristodème est reçu à bras ouverts; on lui dit qu'on l'a cherché partout pour l'inviter et qu'on n'a pu le trouver. Plus tard, lorsqu'AIcibiade vient frapper à la porte on donne pour mot d'ordre aux valets de ne laisser entrer que les amis et de dire aux autres que la réception est terminée. La question de délicatesse était ici prédominante: aussi Plutarque n a-t-il consacré un chapitre entier à examiner jusqu'à quel point on pouvait amener un convive avec soi, sans prévenir le maître de la maison. Ces convives surnuméraires (57nx)sIlTOt) portèrent plus tard le nom d'ombres (extal), probablement d'origine romaine 71, On s'habillait avec soin; ordinairernent on prenait un bain immédiatement avant le repas; on se parfumait76 COE 1273 CO E et la politesse exigeait, comme de nos jours, qu'on arrivât à l'heure, parce qu'on se mettait à table sans attendre les retardataires, dont l'arrivée causait toujours un certain trouble ". Il semble que l'usage des voitures pour se rendre aux invitations ait été une exception, du moins on cite comme une chose extraordinaire le fait de Périandre, maître de la maison, qui envoie prendre ses hôtes par ses propres équipages n. On a déjà dit que l'habitude de manger assis ne se conserva que dans un petit nombre de tribus helléniques, et particulièrement en Crète, où les moeurs doriennes restèrent plus austères qu'ailleurs. Dès avant les guerres médiques, les Spartiates eux-mêmes avaient adopté la coutume orientale de prendre leurs repas étendus sur des lits i9. Il ne s'agit ici que des hommes, car les femmes et les enfants, lorsque par hasard ils prenaient part à un dîner où des hommes se trouvaient réunis, ce qui n'était pas l'usage des Grecs 80, mangeaient toujours assis ; et même, dans un grand nombre de monuments funéraires u on remarque (fig. 1693) ce fait, que le mari est toujours couché, tandis que la femme et les enfants sont assis au pied du lit 82. Il va sans dire qu'il n'est question ici que des femmes ma niées, car les hétaires suivaient la mode des hommes, mais c'est surtout dans le symposion qu'elles se mêlaient Chaque lit (xÀïvII) était disposé ordinairement pour une ou deux personnes 83. Les monuments en montrent quelquefois un plus grand nombre, et les lits placés à la suite l'un de l'autre ressemblent alors à un long divan. Ces lits, dont nous n'examinerons pas ici la construction [LECTUS], étaient garnis de couvertures élégantes ou de fourrures e", et souvent assez élevés pour qu'on dût y monter au moyen de petits bancs. Les convives avaient derrière eux des coussins (irpiaxE? 0atov 85) semblables par leur forme à des oreillers ou à des traversins et recouverts d'une housse aux cou on les apportait parfois avec soi R6. A notre expression se mettre à table répondait en grec le mot zŒ ld5Ivc lMt, Il. littéralement se coucher. Ce n'était pas chose bien commode, semble-t-il, que de s'arranger dans cette position (a r;u« sqç xurux),(aemç $4), Les monuments nous montrent les convives appuyant le coude gauche sur le coussin (i 'K'^tx0)voç SsurvEtv88), en soulevant le haut du corps ; de cette façon ils sont à moitié assis, à moitié couchés sur le côté. L'habitude avait établi des règles de convenance ou de politesse grâce auxquelles on parvenait à ne pas trop se gêner mutuellement 89. Il y avait du reste des variations assez notables, ainsi que le montrent les monuments figurés 90. Ce qu'il y a de plus difficile à s'expliquer, c'est si, de deux convives, l'un tournait toujours le dos à l'autre. II est à présumer que les deux convives, tout en s'appuyant sur le même bras, comme on le voit sur un si grand nombre de vases peints, donnaient simplement une inclinaison différente à leur corps, en plaçant le bras, l'un plutôt vers le dos, l'autre devant la poitrine. Il est à remarquer en outre que les jambes des deux voisins n'étaient pas nécessairement parallèles et qu'elles avaient toute la largeur du lit pour s'étaler, en sorte que nous pouvons les considérer comme tournés presque en sens inverse l'un de l'autre. La question devenait plus compliquée lorsqu'on admettait un troisième compagnon 91. Le nombre des lits et des tables devait être très variable. On les disposait de façon à rapprocher autant que possible les convives, probablement en formant un demi-cercle ou un fer à cheval au centre duquel se trouvaient les tables. Il est rare qu'on puisse distinguer nettement cet arrangement dans les basreliefs ou sur les vases, dont la décoration se prête malaisément à la rendre visible. Cependant on voit dans la fig. 1695 tirée d'un vase du Louvre, un lit faisant retour sur l'autre à angle droit 92. Si l'on s'en rapporte aux monuments de l'art, les tables carrées (Tp«7TEat) et plus tard rondes et à trois pieds (Tpi7TOSEç) 93 devaient être un peu plus basses que les lits. Il y en avait une pour chaque lit. En général, on remarque dans tous les usages grecs relatifs aux repas une régularité moins grande que celle que nous devrons signaler relativement au triclinium romain. On observe cependant une gradation dans l'ordre des places, et la plus honorée (7cpdvo1,71)91 semble avoir été à droite du maître de la maison95, qui occupait toujours le 160 COE 1274 .-COE premier rang à. commencer par la gauche"; et la moins honorable («alios xafaa, Eeyaar ydpx) 97, celle qui en était le fij i~ ~i plus éloignée. Et, comme il se produisait souvent des disputes à cet égard entre les convives, Plutarque 98 recommande au maître de maison de désigner lui-même la place de chacun des invités. Plus tard il paraît que la mode romaine de faire appeler les convives par un valet (nomenclato7•, évoµaxlr',Twp} s'introduisit en Grèce". On commençait, en arrivant au souper, par se faire enlever les chaussures (SnoXûitv), comme on le voit dans le basrelief connu too qui représente l'arrivée de Bacchus chez Icarius (fig. 1696) ; on les reprenait quand on se puis les esclaves vous lavaient les opération qui pouvait se faire debout ou assis sur un lit i03 On poussait quelquefois le luxe jusqu'à mêler à l'eau destinée à cet usage du vin ou des parfums précieux 100. Ensuite on prenait place et les esclaves passaient de l'eau pour se laver les mains («77ot,aty, item petpnç Soûvxc i66) C'est alors seulement qu'on apportait les tables sur lesquels les mets étaient servis (Tâç 5t'pa72él .s E'ta.pépEtv), et chacun n'avait qu'à tendre le main pour saisir les portions toutes préparées dans des vases ou des plats, Le couvert était peu compliqué 105 : pas de fourchette, pas de couteau, ou du moins il n'est fait mention d'un couteau que dans un seul fragment de Phérécrate conservé par Pollux 1°6: mais on les-voit dans la main de quelques personnages sur les vases peints 107. La cuillère (xaiaov gI)aapov, afTZpov) [LICULS] seule est usitée pour les mets liquides ou qui ont de la sauce ; souvent même elle est remplacée par une croûte de pain (gurti(an 1"si. On mange presque tout avec les doigts, et ce n'est pas une mince difficulté d'apprendre aux enfants à s'en servir convenablement 1C à prendre les salaisons avec un seul doigt, le poisson, les bouillies, la viande chaude avec deux doigts 110 ; aussi fallait, il attendre que Ies mets ne brûlassent plus, et il paraît que certains gourmets qui avaient peur de leslaisserrefroidir se servaient de gants ou de doigtiers (Saxncunlpat n1) On n'avait pas de serviettes : on s'essuyait avec de la mie de pain ou avec une pâte préparée exprès et qu'on apportait quelquefois de chez soi, on la roulait entre les doigts de manière à en faire des houlettes («aoµaySal,iat), qu'on jetait ensuite aux chiens'''. Ce ne fut que beaucoup plus tard qu'on emprunta aux Romains l'usage des serviettes auxquelles on donna le même nom (7ttpd1e xipov) qu'aux essuie-mains dont on se servait après s'être lavé'. Nous sommes assez mal renseignés sur la manière dont se faisait le service ; il parait toutefois que l'usage permettait aussi bien aux invités de se faire servir par leurs esclaves particuliers, qui les suivaient partout, que par les valets de leur hôte ,I6 Comme cepen dant il fallait une certaine direc tion dans la mar che du repas, un esclave était spé cialement chargé de la surveil lance des autres, de l'arrange ment des tables et des soins de dans quelques maisons, il était de règle que le maître se fît sou mettre la carte des mets ou me nu (ypagJ.zaià1ov'I6) par le cuisinier. Donc, lorsqu'on ordonnait aux esclaves d'apporter les tables, d'autres valets entraient avec des plateaux (otfvaxcç) dont ils distribuaient Io contenu ou qu'ils plaçaient devant les invités, ceux-ci alors se servaient eux-mêmes ce qu'ils voulaient et le déposaient sur la table qui était placée devant eux 11 COE 1275 --COE Mais le nom de xcdva est donné aussi aux assiettes '" qui avec les corbeilles à pain (x«via, xxvâ 19), et les petits vases destinés aux assaisonnements et aux hors-d'ceuvre (d ~?a va , ôçi eç, 4cipta190, etc.) , composaient toute la vaisselle de table. On peut remarquer dans les peintures de repas sur un assez grand nombre de vases que des branchages garnis de leurs feuilles sont souvent étalés sur les tables 721, Le mot Tp«netat n'est pas employé toujours pour nommer la table sur laquelle les mets étaient servis, il désigne aussi une des deux grandes divisions du repas grec (-pôaTat, SEVTEpat Tp«7eat), divisions-qui ne correspondent nullement à notre mot service. Les 7cpïnrat Tp«tri zt sont le dîner proprement dit, qui peut comprendre plusieurs services, tandis que les ôEÛTEpat sont le dessert et le commencement du symposion; c'est le moment où l'on se met à boire. Cette dénomination vient de ce qu'en réalité à la fin du Sans revenir ici sur ce qui est dit ailleurs [CIBARIA] avec développement des diverses sortes d'aliments dont pouvait se composer le repas, nous devons indiquer simplement dans quel ordre ils y étaient offerts. Nous avons peu de renseignements sur la marche générale d'un grand repas grec. Les services différents ne sont pas indiqués. On s'est demandé si, comme chez les Romains, on débutait par des hors-d'oeuvre froids accompagnés de vin doux (prornnlsis), et la question semble être résolue négativement pour le temps de l'indépendance grecque 743. Sous l'empire cependant, un usage analogue semble s'être introduit et do là vient le nom de 7rpd7:xs employé par quelques auteurs', celui de Yuhpal -o«7t.*s1t désignant un service préliminaire composé d'huîtres, de coquillages, de raves, salades, hors-d'oeuvre de toute espèce, que l'on mangeait dans les temps antérieurs à la fin du repas 121, On servait alors, au commencement, des mets excitant l'appétit, mais qui n'étaient pas nécessairement froids 136. On apportait ensuite Ies viandes, poissons, légumes et ragouts de toutes sortes dont se C'était là le repas proprement dit 127. Lorsqu'il était achevé, après une nouvelle ablution (âtzovq.aeOat 110), pour laquelle les esclaves présentaient de l'eau et des serviettes [MANTELÉ] aux convives, on se parfumait, on se couronnait de fleurs [conoxA], chacun faisait une libation au Bon Génie [AGATIIODAEMON], en buvant une gorgée de vin pur 720, Les tables étaient alors enlevées et l'on en apportait d'autres, sur lesquelles était servi le dessert (S éacpat To7zE at 1301 C'était, en même temps que la fin du SEivvov, le commencement du suztroatov, dont il sera parlé ailleurs [cosissArto ]. Nous en dirons seulement ici ce qui appartient à notre sujet. Pendant la première partie du repas on ne buvait point 131; mais durant la seconde on était principalement occupé à boire : aussi les mets quo l'on offrait paraissent-ils avoir été choisis comme devant particulièrement plaire à ce moment. Le dessert est aussi appelé par les auteurs d'une époque ya(µaTa 132 De même, les mets qu'on prenait pendant le repas proprement dit s'appelaient iS€sµaTa, tandis que ceux qu'on prenait au dessert étaient désignés sous le nom de Tptuyààta. Ces changements de nom en indiquent un plus important dans l'usage. Tandis qu'autrefois le dessert était simple, il était devenu déjà au temps d'Aristote un véritable second repas, où l'on servait du gibier et de la volaille 133 Les éléments les plus simples d'un dessert étaient des fruits : figues sèches (tay«SEç), olives, amandes, noix, châtaignes, dattes 134, pommes, poires, raisins i i; puis du fromage [CASUS). Le but principal qu'on se proposait étant d'exciter à boire, on aimait aussi les épices et le sel. Le terme «ÀEç, souvent employé par les auteurs, demande quelques explications. Il est certain qu'on mangeait quelquefois du sel, soit mélangé avec du cumin ou d'autres herbes, soit enfin parfumé (As; x lute-t a; 2II8), mais les anciens semblent avoir aussi appelé à).Eç les gâteaux salés (i77(7taaTa) qu'on mangeait en buvant 137 ; ces gâteaux composés probablement de farine fortement assaisonnée de sel et épicée étaient léchés par les buveurs encore s'en tenaient à l'ail, à l'oignon, au silpbium, etc. 139. Les pâtisseries proprement dites ne faisaient pas défaut non plus. L'Attique en particulier était célèbre pour ses gâteaux (7t7.a xo vTE;) de toute espèce ; l'excellent miel de l'Hymette remplaçait le sucre 14° de là le noie de aussi au fromage (TETU et au sésame 144. On distingue assez nettement, dans les peintures de vase 145etsurtout dans les bas-reliefs (fig. 1697) 'ie sur les tables, des fruits, des gâteaux, et des cônes ou pyramides, qui sont euxmêmes des gâteaux, à en juger par les mots FATKÏ ou MEAI gravés sur des objets de méme forme trouvés COE 1276 COE dans les tombeaux et qui en étaient sans doute des imitations m. Naturellement le luxe des repas a varié suivant les contrées et les temps. On a vu ce qu'était la chère de l'âge homérique. A l'époque des guerres médiques, et même après encore, les raffinements de la table n'étaient pas encore introduits en Grèce 748. Jusqu'au temps d'Alexandre, Athènes fut renommée pour la frugalité de ses habitants, ou du moins pour la simplicité qui régnait même aux tables des riches 149 tandis que les Béotiens passèrent toujours pour aimer les grands festins et Ies bons repas 16°. Sybaris et les villes de la Grande Grèce sont celles qui passaient pour avoir poussé le plus loin le raffinement en tout genreist Les Spartiates, qui longtemps poussèrent la simplicité jusqu'à ses dernières limites, au temps des réformes de Cléomène rie le cédaient, quant au luxe, à aucun autre peuple grec. II. Les repas des Étrusques, qui se placent ici comme intermédiaires entre ceux des Grecs et des Romains, ne nous sont pas aussi bien connus. Les auteurs anciens ont cependant parlé de leur amour pour la bonne chère ', de leurs fastueux repas servis deux fois par jour, qu'ils prenaient couchés sur des lits couverts de riches tissus 168, coutume venue pour eux sans doute comme pour les Grecs de l'Orient. Sur ces lits les femmes prenaient place à côté des hommes 164, ce qui n'était conforme aux moeurs primitives ni des Romains ni des Grecs 166. Et parce que, chez ces derniers, les courtisanes seules se mêlaient aux hommes dans de pareilles réunions, les écrivains n'ont pas manqué de trouver dans ce fait un motif pour décrier les moeurs des Étrusques, mais leurs récits sont empreints d'une visible exagération Safi. Les peintures des tombeaux nous montrent (fig. 1698) des personnages couchés, tantôt un seul, tantôt deux sur chaque lit, ou un plus grand nom bre réunis sur une sorte de long divan formant une suite non interrompue ; devant les lits sont des tables à quatre ou à trois pieds chargées de vaisselle, et sous lesquelles se jouent librement des animaux familiers. De jeunes esclaves sont debout auprès d'eux, et, comme en Grèce, des musiciens, joueurs de flûtes ou citharistes, et des danseurs des deux sexes divertissent les convives. Quelquesuns de ces banquets sont éclairés par la lumière des lampes, les autres paraissent avoir lieu en plein jour, quelquefois sous l'ombrage des arbres ou sous une treille 1870 III. Chez les Romains, le contraste est plus grand encore que chez les Grecs entre la frugalité primitive et le luxe effréné de la table qui s'introduisit dans les familles riches, lorsque les richesses affluèrent à Rome. Dans cette période encore, il faudrait faire une distinction entre la simplicité des cultivateurs, celle de la population pauvre des villes, réduite à vivre de peu, et le faste des gens aisés, dont le genre de vie nous est seul bien connu. Suivant les temps et les lieux, suivant la condition des individus, il y avait diversité, non seulement dans les mets, mais aussi dans le nombre et les heures du repas. Pendant longtemps la nourriture essentielle, le mets national du Romain fut une bouillie (puis, pulmentum), préparée avec du froment, ou de l'épeautre (far, ador) [FRUMENTUM] rôtie et concassée dans un mortier ; cette bouillie est restée toujours en usage dans les campagnes et même à la ville dans les ménages modestes et chez l'homme du peuple 168. L'invention du pain et les distributions gratuites qu'on en fit au peuple durent restreindre cependant la consommation de la puis. A part cette bouillie, on ne mangeait sur les tables vulgaires que des légumes verts ou secs, des asperges, de l'oignon, de l'ail, de petits poissons salés (mense), des fruits verts ou secs, du fromage, des espèces de biscuit (adipata)95", rarement de la viande. Le nombre des repas était ordinairement de trois ; le principal s'appela toujours cena, seulement, tandis que les anciens le faisaient vers le milieu du jour, l'heure descendit peu à peu jusqu'à l'entrée de la nuit, et il remplaça dès lors le repas du soir (vesperna). Ainsi, tandis qu'on comptait autrefois un déjeuner (jentacuium), un dîner (cena) et un modeste souper (vesperna), on eut (autant que l'on peut faire une règle pour des habitudes qui variaient sans cesse) un premier déjeuner (jentaculum), un second déjeuner (prandium ou merenda) et un dîner (cena), suivi encore chez les riches, lorsqu'ils recevaient du monde, d'un souper (comissatio) iso COE --1277 -COE 1. Le premier déjeuner, jentaculum ou jantaculum, devait son nom à ce fait qu'on le prenait à jeun (je tenus, jantare, ou jejentare161); on l'appelait anciennement silatum, parce que selon Festus 162 on buvait du vin aromatisé avec du séséli (seselis ou silis). Il avait lieu vers la troisième ou quatrième heure (c'est-à-dire, suivant la saison, entre sept et neuf heures 163) Le vin, soit pur, soit sous la forme de mulsum était la boisson ordinaire qui accompagnait ce repas, composé essentiellement de pain qu'on trempait dans le vin ou qu'on frottait de sel, d'ail ou de quelque autre condiment 1R''; parfois on prenait aussi du miel, du fromage, du lait, des oeufs, des fruits secs, des raisins, des dattes ou des olives conservées. Depuis que la boulangerie s'était développée à Rome, les pàtissiersvendaient dès les premières heures du jour du biscuit (adipata) aux enfants qui allaient à l'école 166 2. Le second déjeuner (prandium) avait lieu vers la sixième ou septième heure (entre onze heures et midi 166), quelquefois plus tôt : aussi l'a-t-on appelé cibus meridianus 167 Ceux qui ne faisaient pas de premier déjeuner X88, ou des gens cités pour leur intempérance, commençaient ce repas plus tôt 189. Les mets qu'on y servait étaient et pouvaient être chauds ou froids. Plaute nomme diverses espèces de charcuterie comme en faisant partie170:légumes verts ou secs; du poisson, des oeufs, des champignons, des fruits se trouvent également mentionnés 171 ; on se contentait souvent des reliefs de la veille froids ou réchauffés 172; en fait de boisson on avait du vin, du mulsum ou de la calda'73 [vrxuM]. Le nom demerenda, qui désignait, semble-t-il, surtout le repas du soir (vesperna) des esclaves fut ensuite appliqué à tout repas léger pris sans apprêt, par opposition à la cena et principalement au prandium Y9e. 3. Le dîner, cena, avait lieu à la fin de la journée, dans le sens que les Romains donnaient à ce mot, c'est-à-dire vers la neuvième ou dixième heure (entre deux et trois heures) 176. Car la journée des affaires(dies solidus)177 était terminée à une heure ; on prenait ensuite un bain, avant de se mettre à table. Dîner à une heure moins avancée s'appelait cenare de die 178, et était considéré comme peu convenable.. Dans les bonnes maisons, dès l'époque où le luxe commença à s'introduire à Rome, le repas se prolongeait d'ailleurs tout le reste de l'aprèsmidi ; il y avait même des orgies qui duraient jusqu'au jour (in lucem). L'expression tempestivum ou intempestivum convivium, prise toujours en mauvaise part, désigne à la fois un dîner commencé trop tôt ou terminé trop tard : par exemple, Suétone rapporte que Néron se mettait à table à midi et ne s'en levaitqu'àminuit 479. Ce n'est pas sans surprise qu'on voit citer comme un exemple d'une vie très rangée, celui de Pline l'Ancien, qui en été se levait de table à la nuit, en hiver vers la première heure de la nuit : c'està-dire qu'il restait trois heures à table'B0. On s'en étonnera moins si l'on considère que ce moment était celui du repos qui suivait une journée remplie, et d'un repos souvent occupé. C'était, pour des hommes éclairés, le temps des conversations les plus instructives, celui où quelques-uns se faisaient lire les oeuvres des grands écrivains ou les nouveautés du jour 181. Caton l'Ancien, sévère observateur des anciennes moeurs, se plaisait à ces entretiens 182. Spurinna, qui était très frugal, savait charmer ses hôtes, jusqu'à une heure avancée 183. D'autres faisaient venir des musiciens 186, des chanteurs 185 des comédiens 186, des danseurs 987 ou tout autre divertissement [ACIOAMA]. Comme chez les Grecs, on distinguait, quoique peut-être d'une façon un peu moins tranchée, le dîner proprement dit de la comissatio (aup.7roatov), banquet qui accompagnait et suivait le dessert, ou qui avait lieu un peu plus tard dans la soirée, et c'est à ce dernier que s'applique plus spécialement le nom de cornissatio, tandis que convivium désigne en général le repas auquel on invitait des amis. Le dîner (cena), dans les premiers temps de la République, était assez simple: on y voyait figurer essentiellement la bouillie nationale et les mets que nous avons indiqués plus haut (pulmentaria)180; ce n'est guère qu'aux jours de fête que l'on faisait meilleure chère et que l'on mangeait la viande des animaux immolés aux divinités. C'est vers la fin du sixième siècle de Rome seulement, qu'on commença à connaître et à rechercher des mets plus fins et une cuisine plus raffinée 189: on eut dans les grandes maisons des cuisiniers [CoQues], des boulangers [PISTOn], et des pâtissiers [DULCIAxrus] ; on fit venir de contrées lointaines les produits les plus divers ; on éleva dans les villas des volatiles de toute espèce, dans les parcs [vlVARIA, LEPORAI1IUM] du gibier. Ainsi se constitua un art culinaire très développé qui donna naissance à son tour à l'art de faire un menu, à l'art de servir et de découper les pièces de viande. Le luxe portait non seulement sur la vaisselle et le prix des pièces rares qu'on servait, mais aussi sur la façon artistique d'arranger les mets sur les plats. De nombreuses lois somptuaires essayèrent en vain d'en réprimer l'excès: on voulut fixer le nombre des convives, la dépense à faire, la nature et la quantité des mets 'y0. La recherche ne fit que croître dans tout ce qui pouvait contribuer à l'agrément du repas. La salle à. manger se nommait généralement triclinium, ce qui indique suffisamment que les convives étaient couchés [ACCUBITIJM]. Dans l'ancien temps, il est vrai, comme chez les Grecs des premiers âges, on mangeait assis dans COE -1278 COE l'ATRIum, auprès du foyer 1el. Le père seul eut d'abord le droit d'être couché, la mère était assise au pied du lit'92 les enfants tout auprès (ad fulcra lecti), sur des chaises ou des escabeaux 193 (voy. plus haut fig. 1693), quelquefois à une table à part, où on leur donnait de plus petites portions et sans doute pas de tous les mets (parciore mensa) "s; les esclaves étaient dans la même pièce, sur des bancs en bois (subsellia) et souvent ils avaient aussi une table séparée, ou bien ils mangeaient sur le foyer: c'est ce qui se faisait surtout à la campagne19'.Plus tard, on construisit des salles spéciales dans la maison, pour les repas d'invités, et les femmes et les enfants, qui n'y avaient pas eu d'abord accès,finirent par y prendre place. Dès lors, non seulement ils se mêlèrent aux conversations des hommes, mais encore on permit aux femmes de manger couchées à côté des convives 199, ce qui selon Plutarque'91 ne contribua pas peu à la corruption. On eut même des salles différentes selon la saison 799. Le TRICLINIUM d'hiver était situé au rez-de-chaussée de la maison et éclairé par des lampes, l'été on se transportait à un étage supérieur [CENAcuLuM], ou bien les lits étaient placés sous un velum 199, sous un berceau, sous une treiïle200, dans la cour ou le jardin. La figure 1699 en offre un exemple. Le chiffre normal des convives était fixé à neuf 20', et la disposition de la salle, en conséquence, était également fixe. Son ameublement se composait de deux parties essentielles: une grande table carrée au milieu, et de trois côtés de la table, en fer à cheval, trois lecti tricliniares, x?,lvat, le quatrième côté restant ouvert pour la facilité du service. Autant qu'on en peut juger par les renseignements que fournissent les auteurs et par la vue du triclinium de Pompéi (fig. 1700), les lits consistaient ordinairement en un large support en bois, ou en maçonnerie formant un plan in clin dont le c "té bas était tourné vers les murs de la pièce, le plus haut vers la table ; ces supports ne devaient pas être très élevés, car on plaçait dessus des matelas (tori20a) et des couvertures (stragulae). Les trois lits étaient d'égale longueur et destinés à recevoir chacun trois personnes; ils avaient à une de leurs extrémités un appui ou dossier. Les places étaient séparées par un coussin ou oreiller garni (pulvinus), et le bord le plus élevé du lectus dépassait peu la hauteur de la table. Les convives s'étendaient en biais le haut du corps appuyé sur le coude sur l'oreiller c03 à gauche ; et les pieds vers la droite. Cette position devait nécessairement changer plus d'une fois pendant le cours d'un long repas 204. Chaque lit et chaque place avait d'ailleurs son nom et l'étiquette ne permettait pas de prendre place indifféremment 205. La figure 1701 aidera à comprendre les explications qui suivent 206. Le lectus du milieu (medius) était le premier en rang, celui de gauche (summus) le second, et celui de droite (imus) le dernier207; les deux premiers étaient réservés aux invités , le dernier à la famIlIe. La place d'honneur de chaque lit était celle de gauche, près du dossier, sauf pour le lectus medius où c'était celle de droite (locus consularis 208), laquelle se trouvait à côté du maître de la maison. Plutarque en donne plusieurs autres raisons de réserver au magistrat cette place auprès d'un angle libre : il pouvait ainsi donner accès aux personnes qui lui apportaient des messages, répondre, écrire et donner des signatures. Le maître de la maison se trouvait placé près de l'hôte qu'il honorait, sur le troisième lit, d'où il présidait au repas, ayant près de lui, aux places inférieures du même lit, sa femme ou ses enfantsY09 ou un affranchi 2IO. COE 1279 •COE D'après cela le. rang des places peut s'énumérer dans l'ordre suivant : 1° locus consularis ou imus (consiva) in medio (le do). -2° Summus in medio. 3°iledius in medio. -4° Summus in summo. 5° .lledius in .summo. 6° Imus in summo. 7° Summus in ïmo. -8° slledius in imo. -9° lents in imo. Telle était du moins la distribution des places à l'époque classique. On ne croyait pas alors pouvoir dépasser le nombre de neuf convives, quoique cela pût arriver, quand quelqu'un amenait un hôte non attendu (timbra, erxia, i7t(x'gg r,s), qui prenait place en surplus sur un lit 951. 11 pouvait être moindre 212, et d'autre part plusieurs triclinia pouvaient être disposés à la suite l'un de l'autre, dans une même salle à manger. Ce qui est de règle constante, c'est que, tant que se maintint la disposition du lit en carré, il n'était pas convenable de placer plus de trois personnes sur un même lit 213. Un type de repas normal se trouve dans Horace 210; on ne remarque dans la disposition des places qu'une seule irrégularité : c'est que l'hôt e, Nasidienus, a abandonnéla sienne àNomentanus et occupe la seconde de l'imus lectus. On a des exemples de festins où les convives sont répartis deux à deux lorsqu'ils ne sont que six. Dans celui où fut assassiné Sertorius à Osca il y avait sept personnes, les deux premiers lecti n'en comptaient que deux, les trois autres étaient sur l'imus 21s. Dans le cas où il n'y avait que deux personnes, les places, au lieu de s'appeler imus et summus, s'appelaient inferior et superior. Enfin souvent, lorsqu'une personne devait être seule sur son lit, c'était à l'hôte qu'il appartenait de le prendre 218. L'usage des tricliniat était tellement général jusque vers la fin de la république, qu'on en établissait même pour les repas donnés au peuple 217. On construisait aussi des salles pour une société plus considérable dans lesquelles il y avait non seulement l'espace nécessaire pour un service immense, pour des spectacles divers [ACROA11IATA], mais encore trois, quatre et jusqu'à dix triclinia 210, Cicéron parle des villas de Verrès, où les salles à manger (conclovia) contenaient trente lecti, avec des housses de luxe et tous les ornements d'un festin 219. Plus tard cependant cette disposition fut changée. Vers la fin de la République on adopta dans beaucoup de maisons les tables rondes ou ovales (orbes, mensae citreee) 220 ce qui nécessita la transformation des lecti: on établit un seul lit, en demi-cercle, auquel on donna le nom de SIGMA (d'après l'ancienne forme grecque de cette lettre : C 221) ou de STIBAUIL'M 222 [voyez aussi ACCUSITCM]. Cinq ou six, quelquefois jusqu'à huit convives se plaçaient sur un de ces lits 023; il fallait une table immense et d'un prix énorme pour qu'on pût l'entourer d'un lit à neuf ou douze personnes. Il ne parait pas que les places fussent séparées, comme dans le triclinium, par des coussins. Les monuments (5g. 4.703) nous montrent au contraire un seul coussin formant un bourrelet tout autour du sigma, et sur lequel les personnages sont accoudés tn, Du reste l'usage était de garnir également ces lits avec des tapis (sternere). Héliogabale imagina de supprimer complètement les lits, et on déposa simplement à terre le plateau de la table et les matelas avec leur garniture " . Mais cette mode ne prévalut pas. On peut citer jusqu'à la fin de l'antiquité des exemples de lits formant le sigma. Celui qu'on voit (fig. 1701) est une miniature du manuscrit célèbre de Virgile, de la Bibliothèque du Vatican [du ie siècle] 225, On remarquera aussi la forme de la table. On voit encore d'autres monuments où sont figurées des tables ayant elles-mêmes la forme d'un sigmna 027 ; plus souvent encore des tables rondes à trois pieds (tripodes) [voy. MENSA]. Quelquefois aussi on se passait tout à fait de table et les mets étaient apportés à chaque convive, ce qui, dans la règle, était cependant considéré comme peu convenable 228. Sur ces lits en sigma, l'ordre des places était tout différent de ce qu'il était sur le triclinium; les deux places d'honneur étaient aux deux extrémités (comma) 929, la première à droite (in dextre cornu), la seconde à gauche (in sinistro cornu); et comme on était couché, de la même ma COE 1280 -COE nière que sur le triclinium de gauche à droite, la personne occupant la première place (locus consularis) avait ainsi le visage tourné du côté libre du divan, ce qui lui permettait encore de communiquer avec les messagers qui pouvaient venir lui apporter des dépêches. Les autres places se comptaient à partir de la deuxième 230, c'est-à-dire de gauche à droite ; les femmes et les convives inattendus étaient assis sur des chaises ou tabourets m. On parlera ailleurs avec plus de détails de la construction des lits et des tables et du luxe apporté dans leur fabrication [MENSA, LECTUS], ainsi que des précieuses couvertures [STRAGULUM, vESTIS] que les esclaves (tricliniarcha, tricliniarii, slratores) chargés du soin du triclinium étendaient chaque matin et drapaient avec goût 25' (lecto.s ou triclinium sternere). Les parois de la salle étaient également ornées de riches tentures (voyez plus haut fig. 1696, 4699, une ouverture carrée (lacunar) du dessus de la table et l'on utilisa souvent cette ouverture pour faire descendre sur les convives des fleurs, des couronnes ou des présents 234 Outre les lits et les tables, l'ameublement de la salle à manger comprenait des buffets ou dressoirs [ABACUS DELPRICA, MoNOPODIUM], sur lesquels la vaisselle et l'argenterie étaient exposés. Le linge de table se composait à l'origine essentiellement d'essuie-mains (fig. 1705) [MAïvTELE"3, zEtpo'.uaXTpOV 236), fort utiles dans l'antiquité, où l'on mangeait presque tout avec les doigts. On s'en servait d'ailleurs aussi bien après s'être lavé que pendant et après le repas; plus tard ce furent des serviettes [MAPPAE 137], souvent décorées avec luxe et qu'on mettait devant la poitrine, afin de ne pas tacher ses vêtements 538 Quant aux nappes l'usage paraît en avoir été longtemps inconnu, et les auteurs de l'époque classique parlent souvent des bois des tables et de ses ornements et disent qu'on l'essuyait soigneusement entre chaque service avec un torchon [GAUsAPA 239]. Sous Domitien seulement, on commença à étendre sur les tables des nappes auxquelles on donna l'ancien nom des essuie-mains (mantele) et qu'on faisait souvent en étoffes précieuses, avec des ornements brodés à l'aiguille ou tissés dans la trame (mantelia picta de acu aut textilis pictura44U) ou de couleurs brillantes (cocco clarata, aurata , aurea 241). Les serviettes étaient fournies par 6`wi fois cependant chaque convive mains. en apportait une, afin d'y mettre en partant les petits cadeaux [AFOPIIORETA 243] qu'il était d'usage de leur distribuer, comme on le voit par maint passage des auteurs satiriques. Plus d'un y emportait des restes et quelquefois des plats entiers 966. Le couvert était également très simple. Dans les représentations figurées on ne voit ordinairement que quelques plats et quelques vases à boire. Le couteau et la fourchette n'étaient guère employés qu'en dehors de la table pour découper les viandes en menus morceaux, qu'à table on mangeait avec les doigts 446, à l'exception seulement des oeufs, des escargots et autres coquillages, et de mets liquides qui se mangeaient à la Les mets n'étaient pas posés tout d'abord sur la table ; chaque service (fermium) était apporté sur un plateau (repositorium), qu'on fit d'abord en bois, puis en argent"' ; quelquefois au lieu d'un plateau c'était une sorte d'étagère ronde, contenant plusieurs plateaux superposés 2`7. Les plats devaient être arrangés avec goût, par un esclave spécial (structor). Chaque convive se servait à son tour, en étendant la main vers les plats 249. Quelquefois aussi les pièces de viande étaient apportées tout entières (fig. 1706) et l'esclave chargé de trancher (scis sor500) les découpait en présence des convives, tandis que d'autres serviteurs distribuaient les morceaux 261. Le pain, l'eau et le vin étaient distribués régulièrement 252 Les convives en arrivant se mettaient à leur aise; ils quittaient l'habit de ville, la toge et les souliers, pour COE -1281--COE mettre un costume plus léger (vestis eenatoria25t, ccol,3j nait avec soi un valet de pied (ad pedes), qui portait des vêtements de rechange'. Chacun, en se mettant à table (accumbere, discumbere), se faisait retirer ses sandales par son esclave (soleas deponere, demere258), et lorsqu'on voulait partir, on se les faisait remettre par lui (soleas poscere 259) c'est ce qu'on voit (fig. 1696) dans une peinture d'un tombeau étrusque26o Ensuite on faisait passer l'eau pour se laveries mains, opération qui se renouvelait entre les différents services, ou plus souvent selon le désir des convives Le service, dans ses diverses parties, était dirigé par le maître d'hôtel (tricliniarcha), qui avait sous ses ordres les tricliniarii, divisés selon leurs fonctions en structores, qui dressaient le couvert, scissores, qui découpaient, pocillatores, pincernae, qui versaient à boire, etc [SERVI]. Quelquefois le maître faisait distribuer les places par un nomenclator962 ; l'hôte (dominus, magister convivii 263) avait devant 272paar.:un~u€vwv), et expliquait la nature de chaque plat, sa préparation et ses mérites 264 Une cena romaine se composait ordinairement de trois parties : la gustatio, la cella proprement dite et le dessert, secundae mensae. La gustatio 265, nommée aussi gustus 266 ou promulsis "7, ce dernier nom vient de ce qu'on buvait pendant cette partie du repas du vin doux (mulsion [vINu7l], ou encore frigidamensa, I~uypai'rpéao a126s Elle se composait essentiellement de hors-d'oeuvre, de mets destinés plutôt à exciter l'appétit qu'à le satisfaire 289. Mais dans l'origine on ne faisait pas un service à part de ces sortes d'entrées : c'étaient des oeufs ((na)Y70, quelques salades (lactuca) 271 et légumes tels que le chou, l'artichaut, l'asperge, le potiron et le melon, accommodés au poivre et au vinaigre 272, Ies concombres, la mauve, le poireau, cuits à l'huile et au vin, des conserves de raves ou de navets, des olives, des champignons, des truffes, du poisson salé ou mariné; des huîtres et autres coquillages étaient servis en abondance 473. On y joignait parfois des mets plus consistants, des pâtés et rôtis de volaille et d'autres viandes27» Les esclaves apportaient ces plats sur un plateau spécial (gusiatorium ou promulsidare 4i5), Le repas proprement dit (cena) se composait de plusieurs services 276 (fercula, missus 977 ou cena prima, secunda, tertia E78, etc.). Longtemps on se contenta de deux servicesY79; plus 11. tard le chiffre normal semble avoir été trois 266; il y en eut dans quelques occasions, sans doute exceptionnelles, jusqu'à sept et davantage "1. Il est bon de noter que chacun de ces services se composait à son tour d'un ensemble de mets assortis, en sorte qu'il fallait souvent plusieurs esclaves pour l'apporter dans la salle 289. Nous voyons dans le festin de Trimalchion qu'on apporte, par exemple, un plateau à deux étages, ou plutôt surmonté d'un couvercle rond, sur lequel étaient représentés les douze signes du zodiaque, et sur chaque signe était un petit plat correspondant : sur le Capricorne, une locuste marine; sur le Verseau, une oie; sur les Poissons, deux mulets, etc. Mais ce n'est là qu'un simulacre, et au moment où tous les convives tendent la main vers ces mets vulgaires, quatre danseurs s'élancent au son des instruments et enlèvent le dessus du plateau. On découvre alors des volailles grasses, des tétines de truie, et au milieu un lièvre garni d'ailes en façon de Pégase ; aux angles du plateau sont quatre figures de Marsyas, et de leurs outres s'échappe du garon poivré qui coule sur des poissons. On voit par cet exemple de quel talent devait être le structor chargé de la disposition d'une pareille entrée. Un peu plus tard on apporte un sanglier entier, dans le ventre duquel se trouvent des grives vivantes et autour de lui des petits marcassins en pâte (coptoplacenta) ; dans ses défenses sont suspendus de petits paniers remplis de dattes (thebaïcae et caryotae) qu'on distribue aux convives comme cadeaux (apophoreta). Pendant qu'on mange le sanglier, on fait passer du raisin.Puis on sert comme troisième service un porc entier rempli de saucisses et de boudins. Dans les grands repas la pièce de résistance était ordinairement un sanglier ou un porc farci, c'est-à-dire rempli d'aliments divers; c'est ce qu'on appelait perdus trojanus. Le festin de Trimalchion est évidemment la description d'un dîner exceptionnellement fastueux, et quoique de pareils repas ne fussent point rares sous l'empire, on ne peut cependant le prendre comme type.Nous possédons d'ailleurs pour l'époque républicaine le menu d'un dîner de cérémonie, déjà fort somptueux (cena pontificales 263), dont on trouvera plus loin le récit. Le repas commençait toujours par une invocation aux dieux 285. Après la cena proprement dite, on faisait de nouveau le silence pour sacrifier aux dieux LARES, selon l'antique usage; on portait au foyer les portions mises de côté à cette intention (libata), notamment des gâteaux de farine rôtie et mélangée de sel (mola salsa) 285, et une coupe de vin : pour annoncer cet acte un esclave entrait dans la salle, la coupe àla main, et criait : « Dilwropïtii 286„ Après cela seulement on commençait le dessert, appelé nlensae secundae (secondes tables), quoiqu'il ne soit pas prouvé que, comme en Grèce, on ait changé Ies tables. Dans les triclinia d'ailleurs cette opération ne pouvait pas se faire à la lettre, en tout cas on devait enlever le 161 COE 12`2 .COG dernier 4'rp,ns ta,'istizt ou /enculam, et alors, ou bien on apportait les mets sur un nouveau plateau, ou bien on les posait directement sur la table, clans ce dernier cas on. comprendrait mieux l'étymologie donnée pàrFestus dur mot imiiomentum, qui, comme epïdeipnis 28', désigne les mets qu'on mangeait au dessert, et qui consistaient essentiellement en fruits frais ou secs ou. en pâtisseries Le dessert commençait la eosn'BATio, comme chez los Grecs le sxriPOsiox, pendant laquelle on se mettait àboire en abondance; car pendant; le repas proprement dit, on buvait sans doute, mais avec beaucoup de modération on croyait que le vin empêchait l'appréeierle goût des aliments". Dans le festin de Trimalchion nous voyons cependant tgn'on apporte au convmencement de la tend des amphores cachetées de vin de Faierne d'une année r po tE'e. Pour résumer ce que nous avons dit d'un repas romain complet (cenarecta, ab dao asque ad mata"), nous ne saurions mieux faire que de transcrire la, description du festin offert àl'inanguration de Le otuino comme flamine de Mars, à la belle époque de la république 99= : « La maison, dit Macrobe, fut décorée, et des lits d'ivoire furent dressés dans la salle à manger (trieliniu lectis ebw'neis stcata fuerunt). Les convives se placèrent sur trois triclinia, probablement six personnes à chaque table. Le menu du repas (eene) fut le suivant : Gustatio (Macrobe dit ante eenam); elle se composait ainsi : coquillages, à savoir : oursins, huîtres crues à discrétion, palourdes, spondyles; ].ives; 3' une poule grasse sur des asperges; 4' terrines d'huîtres et de palourdes (pattram osirearum, peloritiltrn) probablement cuites; 5° coquillages, savoir : glands de ruer (balanos) blancs et noirs, spondyles, glvcomorides orties de mer; E, h -:_:mes; 7 filets de chevreuil et de sanglier; 8° pâté de vilaines grasses; 90 becfigues; 10° coquillages : murex et pourpres. -Cena proprement dite 1° tétines de truie; 2° hure de sanglier; 3° plat de poissons (patinant piseium); A4° plat de tétines de truie (pattram su,azinis); 5° canard : 6° sarcelles bouillies; 7e lièvres; 8° rôts de volailles. SSecantlae menses (Macrobe n'en fait pas une catégorie à part) : crème à la farine lamyiu,n) et biscuits (pdnçs Patentes). On est frappé dans cette cnumér«t-.rn de voir 'des pmees de viande déjà assez respectables, telles que des filets de chevreuil et de sanglier, 'Ire servies dans lagustatio.Marli1 -sa nous donne encore les menus de deux dîners plus simples, où l'on ne mange avant la cena que des salaisons avec des oeufs durs, de la laitue, des poireaux et quelques autres légumes. Pour vies sert yen ys, voit figurer une fois du raisin et l'autre fois des pommes. Il est parlé ailleurs qui accompagnaient d'ordinaire les repas de société. À la fin du dîner, quand on voulait partir, on appelait son esclave pour s;' raire mettre ses sandales : sot'eas noseere est donc synonyme de se lever de table. Beaucoup de gens, pour pouvoir supporter la masse de nourriture qui leur était offerte, prenaient, soit Id matin, soit après le bain, soit après le repas, des vomitifs dont l'usage était d'ailleurs recommandé par quelques médecins. Les oceasio rs de grands repas publics ou, pour mieux dire, de repas donnés au peuple (tende populai'es) se représentaient assez fréquemment, soit dans, les cérémonies religieuses, soit lorsque des candidats aux fonctions publiques, des triomphateurs, des héritiers de riches personnages, y invitaient tout le peuple [EPCLA]. En outre chaque corporation sacerdotale, chaque curie, chaque gens semble avoir eu des repas de corps à la suite des sacric_es qu'elle accomplissait régulièrement dans l'année. lien était de mime des col gos et confréries de toute espèce [,orr,olutiij. Des personnage léguaient en mourant une somme d'argent destinée a faire les frais d'un festif: annuel des membres de la famille, des affranchis et même des esclaves, auprès de leur tombeau. Les classes inférieures, surtout les ouvriers et aussi des esclaves, allaient manger dans los cabarets, dont quelques-uns offraient aux chalands des leeti 29', d'autres simplement des bancs et des chaises [hAUPONA, p. 973, fig. 1257j; eu bien ils mangeaient sur la place publique, comme on le soit faire de nos jours, à Naples et ailleurs, des mets achetés aux cuisines en plein eut998 h.t-cal. C M. t a. s à l'étage supérieur d'une maison. D'après l'étymo1 e (de coena), le coe:,aacnlurn aurait été d'abord une salle e ri nger, une pièce où 1 on soupe. Varron indique cette origine ; mais il ajoute que sous le nom de coeaacula on comprit tout l'étage supérieur de la maison 4. Il se composait généralement de chambres ou d'humbles logements, auxquels on montait par un escalier séparé de l'habitation principale et loués à un prix peu élevée Souvent un locataire principal les sous-louait à son profit t cette industrie s'appelait coenacul,siam eace"cea'e'. E. Sa,u,ro, COENAT'1O.._ Salle à manger [coExA, boWWUS]. (OGNA'1, COGNAf1O. -Ces mots s'appliquent exclusivement, en droit romain, à la parenté naturelle, par apposition aux sui et aux agnati, qui représentent la parenté civile. Les cognats sont ceux qui tiennent les uns aux autres par les liens du sang. Leur classification a été étudiée avec un grand soin par les juriconsultes romains. On a inséré au Digeste ° un traité presqu'entier de Paul, Liber singularis de ge'adiiotsetaj/nibus 51itomirlibus eorare, qui décrit dans tous leurs détails chacun des degrés de parenté. On les compte, soit en ligne directe (Gama recta), entre individus issus les uns des autres, soit en ligne collatérale (ex to'ansvet•so, tintiez transverse, obliqua, late!°alie), COG -1283COG entre individus qui ne descendent pas les uns des autres, mais d'un auteur commun. Les degrés se supputent par le nombre des générations intermédiaires, ou, si l'on veut, par le nombre de parents moins un. Ainsi, du grand-père au petit-fils,deux générations, trois parents, deux degrés. Le compte se fait dans la ligne collatérale en partant de premier parent, remontant à l'auteur commun, et redescendant au second parent. Ainsi entre des cousins germains, qui sont des petits-fils d'un grand-père commun, on compte cinq parents, ou du premier petit-fils au grandpère deux générations, deux autres du grand-père au second petit-fils, total quatre degrés. Nones DES PARENTS. 10 dans la ligne directe ascendante : 1°r degré pater, mater; 2° d. avus, avia, aïeul; 3' d. prouvus, proavia, bisaïeul ; 4° d. abavus, abavia, trisaïeul; 5' d. abavus, atavia, quadrisaïeul; G' d. tritavus, tritavia. Si l'on remonte encore, on ne dit plus que majores, les ancêtres. 2° Ligne directe descendante. 1°° degré eus, /Ma; 2' d. nepos, neptis; 3° d. pronepos, proneptis; 4° d. adnepos; 5e d. adnepos; G' d. trinepos; plus bas on ne dit plus que posterai;res, les descendants. 3° Ligne collatérale. Au 2° degré se trouvent les frères et soeurs, qui sont dits germains, consanguins ou utérins, suivant qu'ils sont frères de père et de mère, ou de père ou de mère seulement. Les neveux se nomment fratris filins, nepos, pronepos, etc. La nomenclature des oncles et des tantes est plus compliquée : oncles et tantes paternels, patries, amita, patries magnes, amita magna, propatrius, proamita, abpatrius, abamita; maternels, avunculus, matertera, avunculus rnagnus, matertera magna, proavunculus, promaterlera, abavunculus, abmatertera. Les cousins germains sont fratrespatrueless'ils sont nés de deux frères, fratres consobrini (consororini) s'ils sont nés de deux soeurs, fratres omitini s'ils sont nés d'un frère et d'une soeur. Puis les issus de germains, sobrinus, sobrina; les cousins germains de mon père ou de ma mère, propior sobrino, etc., etc. Pour plus de détails, nous renvoyons au texte de Paul cité plus haut. La cognation étant une parenté naturelle existe indépendamment des conditions du droit civil, mais la preuve n'en est pas toujours également disponible: facile dans tous les cas pour la mère et Ies lignes maternelles, elle n'est possible pour le père et les lignes paternelles que s'il yeeu des justes noces. Alors seulement le droit reconnaît la paternité et accorde des effets à la parenté qui en résulte, sauf les empêchements au mariage, pour lesquels il suffit d'un simple indice de parenté naturelle. En dehors de ce cas, les enfants issus hors du mariage n'ont qu'une parenté maternelle. La parenté servile ne produisait pas plus d'effets que la parenté naturelle avec le père en dehors du mariage. L'enfant né en esclavage et affranchi ensuite n'avait avec sa famille que des liens suffisants pour empêcher le mariage, mais insuffisants pour tout le reste. Justinien modifia cet état de choses en réglant la succession des affranchis [HIMES]. L'adoption et l'adrogation produisaient la cognation au même titre que l'agnation, car tout agnat était co gnat2; mais une fois qu'elles étaient dissoutes, cette cognation s'évanouissait, tandis que celle qui est produite par le lien du sang constitue un rapport naturel qui subsiste toujours et ne se dissout entièrement que par la mort, quoiqu'il perde quelques-uns de ses effets par les capitis diminutiones. Sauf les empêchements au mariage, le droit archaïque ne reconnaissait pas d'effets civils à la cognation ; mais elle paraît avoir eu, dès le principe, certains effets secondaires consacrés par les moeurs. 1° les cognats, avec les agnats et les alliés (affines), sous le titre commun de propinqui, necessarwii, famdiares, et avec les amis, faisaient partie du tribunal domestique (judiciurn domesticum); 2° ils étaient obligés de porter le deuil des cognats décédés; 3° ils jouissaient du jus osculi, c'esl, à-dire du droit de baiser à l'égard des femmes de la famille, dans les limites où la parenté constituait un empêchement au mariage. Ce droit fort ancien avait sans doute pour cause la reconnaissance des liens du sang. Les auteurs lui assignent cependant une autre origine : les parents auraient eu le jus osculi afin de pouvoir surveiller les femmes, et de s'assurer si elles observaient la défense qui leur était faite de boire du vina. La cognation commença à produire des effets juridiques utiles en vertu de l'édit du préteur. Les cognats furent appelés à la succession ab intestat dans des cas déterminés [mus] où ils occupèrent à peu près la place que le droit archaïque avait assigné aux gentiles. Sous l'Empire, leur importance augmenta, l'empereur Sévère les appela à faire partie des conseils de famille. Enfin Justinien, dans sa Novelle 118, les substitua complètement aux agnats. F. BUMDlav.