COGNITIO I. Sous la République. En droit civil comme en droit criminel, à la procédure ordinaire de la République s'appliquent les mots: orme, aus omnoNARIUM, aUDICIUSI, ACTIOI. Il y a aussi une procédure exceptionnelle, la cognitio (praetoria). Elle peut se définir ainsi : instance particulière dans laquelle le magistrat tranchait lui-même, exceptionnellement, le litige porté devant lui, sans renvoyer I'affaire à un aunax. Les cognitiones praee toriae offrent un intérêt restreint et purement juridique'.
II. Sous l'Empire. Cognitio extraordinoria, extra ordinem, persecutio, tels sont les termes usités pour la procédure inaugurée par l'empire. Le droit nouveau des empereurs s'appelle jus extraordinariecm, par opposition au jus oe'dinariunz, droit de la République3.
C'est, comme l'a déjà fait observer Rudorff°, une erreur de croire, avec certains auteurs modernes', que, dans les cas où les magistrats, suivant le droit de la République et en vertu de leur n1IPERIUSI, procédaient, soit par voie de cognitio, soit autrement, il y avait un procès extra ordinem. A la vérité, il y avait, dans l'ancien jus ordinaeium, certains cas où le préteur cognoscebat; mais ces cas ne constituaient pas des cognitiones extraordinariae'. D'où il résulte que cognitio et cognitio extraordinaria sont deux choses distinctes.
Quand y avait-il cognitio extraordinaria?
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1 ° Dans les cas sur lesquels l'ancien droit civil et le droit prétorien étaient muets, et où cependant il fallait bien que l'autorité du magistrat se manifestât, pour rendre obligatoire ce qui, sans cela, n'aurait été régi que par les règles impuissantes du for intérieur et des convenances. La cognitio servait donc à régler des difficultés qui divisaient des personnes entre lesquelles un procès véritable ne pouvait s'agiter (par exemple, entre un esclave et son maître, un enfant et ses parents), ou relativement à des matières auxquelles n'avaient pourvu ni le droit civil, ni les prescriptions prétoriennes (par exemple, les fidéicommis, la dette alimentaire). Ce fut seulement sous les empereurs que ce mode nouveau commença à être pratiqué'.
2° La juridiction de l'empereur étant extra ordinenr, il y avait encore cognitio extraordinaria quand celui-ci se constituait juge d'une affaire au civil ou au criminel, soit directement, soit par un délégué 8
Dans le cas où la cognitio extraordinaria avait lieu par suite de la substitution du princeps aux juges ordinaires, le princeps se chargeait de l'affaire, ou la confiait à un délégué, soit de sa propre initiative, soit à la suite d'une dénonciation, soit en accueillant une supplicatio de la partie lésée ou de son représentant. C'est ce qu'on appelait cognitionem ou judicium suscipere 9, reeipere 10 excapere 11. Peut-être faut-il voir une intervention spontanée du princeps dans ce fait mentionné par Suétone 0: le nombre des procès s'était accru à un tel point que les tribunaux ordinaires n'auraient pu y suffire; Vespasien remédia ainsi à cette situation difficile « sorte elegit... « qui... judicia centumviralia extra ordinern dijudicarent, « redigerentque ad brevissimum numerum. » C'est certainement par une cognitio extraordinaria spontanée queTibère poursuivit les meurtriers ou les prétendus meurtriers de Drusus 13. A la suite d'une dénonciation, Néron jugealuimême Fabricius Veiento 1b; Trajan, dans une circonstance semblable,retint la cause del'Éphésien Clandius Aristonls et celle de Montanius Atticinus 16. Le même prince s'était réservé, après une supplicatio des parties intéressées, le jugement relatif au testament de Julius Tiro : « Ireredes, quum Ceesar esset in Dacia, eomununiter epistola scripte, petierant ut susciperet cognitionem. Susceperatt7, » Dans l'affaire de Pison, au contraire, Tibère avait refusé, malgré la demande qui lui en avait été faite, de se charger de la cognitio : petitunsque est a principe cogni
neur exciperet... integram causai;, ad senatum remittit 18. »
L'empereur, dans les jugements qu'il rendait par la cognitio extraordinaria, était seul juge, n'ayant pas, comme Ies autres magistrats, à tenir compte du vote d'un jury ou du sénat". Il était bien assisté d'un coxau. 'M choisi par lui, mais les membres de ce conseil n'avaient que voix consultative, l'empereur seul prenait la décision 20. Un texte de Tacite, relatif au procès de Pison, le donne à entendre : après avoir exposé, comme nous l'avons dit plus haut, que Tibère fut prié de retenir la cognitio de l'affaire, l'historien ajoute que l'accusé lui-même
ne s'y refusait pas : « studia populi et patrum metuens; contra fiera eut in deterius credita, judcce ab une, facilius discerni, odïum et invidïam apud multos valere 21, »
On ne sait pas d'une façon bien certaine quelle était la procédure suivie dans les causes jugées par cognitio extraordinaria. Rudorff croit cependant qu'elle ressemblait à une instance contradictoire, exempte toutefois des formes caractérisées et des limites de temps des judicia " .
La même incertitude subsiste, s'il s'agit de déterminer les cas de cognitio extraordinaria. La cognitio impériale et certaines questions qui s'y rattachent sont un des points les plus obscurs du droit romain. Rudorff 23 affirme cependant que, à l'époque des Antonins, au temps de la jurisprudence classique, le domaine de la cognitio comprenait quatre parties du droit : l'administration, la procédure, les questions d'honneur et de pénalité 21.
Jusqu'à Dioclétien, les res cognitionis subsistèrent parallèlement avec l'ancien ordo judiciorum; mais, entre le règne de ce prince et celui des fils de Constantin, les judicia extraordinaria s'étendent de plus en plus20; toutes les affaires importantes sont transformées en cognitiones par le fait du demandeur21; l'ancien ordo judiciorum devient une antiquité juridique hors d'usage, et, à l'époque de Justinien, il est complètement tombé en désuétude 27.
Ce n'est pas à Rome seulement, mais partout où il réside, que l'empereur peut exercer son droit de cognitio28. Nous voyons Pline assister comme consiliarius l'empereur Trajan, statuant, dans sa villa de Centum cellae, sur des affaires dont il avait retenu la cognitio29. Verus se livrait à la débauche dans la villa qu'il avait fait construire sur la via Claudia; Marc Aurèle se rendit près de lui, et, pour lui donner un exemple salutaire, «cognitionibus perpetuis operam ledit 30. » Enfin l'épitaphe d'un employé du bureau a cogni.ti'lnibus (voyez ce mot), qui obiit in expeditione germanica31, où il avait suivi l'empereur, peut être citée à l'appui de ce que nous venons de dire.
Si un accusé pouvait solliciter la cognitio impériale, pouvait-il aussi la récuser quand on voulait la lui imposer? Il semble qu'il le pouvait, ou tout an moins que, dans certains cas, il y avait sujet à contestation. Tacite nous fait observer que Pison ne récusait pas la cognitio de Tibère : « quod ne reus quidem abnuebat 320 » Il en aurait donc eu le droit? Un texte de Suétone est plus expressif; il s'agit de Claude : « alium interpellatum ab adversariis de propria lite, negantemque cognitionis rem, sed ordinarii juris esse, agave causam confestim apud se coegit33.» Claude il est vrai n'admet pas la réclamation, mais l'accusé se croyait autorisé à la faire et ce fait suffit pour prouver que, dans certains cas, cette réclamation pouvait être admise.
La cognitio extraordinaria eut une importance politique réelle ; ce fut un des moyens par lesquels les empereurs absorbèrent les institutions républicaines au profit de la monarchies.
A l'origine les empereurs usèrent du droit de cognitio, comme de tous les droits nouveaux, avec une certaine
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modération dont ils se départirent bientôt. On peut juger de l'importance toujours croissante de cette institution par les textes des auteurs, et aussi par l'étude attentive du développement constant d'un bureau créé, probablement par Claude, pour aider Ies empereurs dans cette tâche de plus en plus absorbante [Voy. A coexiTioxiBUS], :11 semble que les cognitiones eurent, sous Septime Sévère, une grande importance 35, qui ne fit qu'augmenter après lui. A la fin du troisième siècle, en effet, le nombre des employés subalternes du bureau des cognitiones étant devenu plus considérable, on mit à leur tête un chef qui porta le titre de ntagister36. C'est ainsi que nous connaissons, par une inscription, un magister sacrarum cognitionum 64. Mais, vers la fin du quatrième siècle, les cognitiones et les l'ibelli (voyez ce mot) sont réunis sous un même chef qui prend le titre de magister libellorum et sacrarum cognitionunz38. Une inscription de Fan 376, mentionne un vir clarissimus ainsi désigné". Le texte de la Notifia dignitatum «magister libellorum cognitiones et preces traclat 4D » confirme sur ce point les données de l'épigraphie. M. Cuq voit dans ce fait la preuve d'une modification de la cognitio, et l'explique ainsi : l'empereur, à cette époque, rendait peu la justice en personne, il déléguait son pouvoir à un vice sacra cognoscens; de plus, les causes que l'empereur jugeait étaient alors des causes d'appel, déjà étudiées par les magistrats de première instance qui lui transmettaient les pièces de la procédure. L'empereur avait donc, moins qu'autrefois, besoin du secours des fonctionnaires e cognitionibus. De là l'importance moindre de ce bureau et sa réunion au bureau a libellis01. Quoi qu'il en soit de cette théorie, il y eut alors, dans la cognitio impériale, un changement qu'il était bon de signaler.
Nous venons de voir qu'à cette époque l'empereur faisait souvent juger les cognitiones par un suppléant. C'était un personnage important, un consulaire, ayant exercé les charges les plus considérables. Les inscriptions le désignent de différentes manières ; il n'avait pas un titre déterminé : cognoscens vice sacra42, cognoscens ad sacras appellationes n, judex sacrarum cognitionum 44, eleetus ad cognoscendas vice C'aesaris cognitiones 4â, judex ex delegatu cognitionum C'aesarianaruni 46. H. TIIÉDENAT.
COGNITIONtBUS (A). On donnait le nom a cognitionibus à l'un des quatre bureaux de la. chancellerie bupériale et aux employés ou fonctionnaires attachés à ce bureau. Le but de cette institution était d'aider l'empereur dans I'exercice de sa juridiction, extra ordinem [coaNiTre) ; cela ne fait l'objet d'aucun doute, et le nom même du bureau indique sa destination générale. Mais, si l'on veut préciser, on rencontre de nombreuses difficultés. Nous essayerons d'exposer ce que l'on sait : 1° des cri
ginos de ce bureau; 2° des fonctionnaires qui le composaient; 3° de la nature de leur emploi,
1° Origine. -Le bureau a cognitionibus n'éxistait pas sous la République à côté de la cognitio praetoria. C'est une institution purement impériale.
Il est de toute évidence que, les cognitiones impériales prenant une Importance chaque jour plus considérable, l'empereur dut, à un moment donné, se faire aider dans une tâche à laquelle il ne pouvait suffire. Ce fut, on n'en peut douter, l'origine du bureau a cognitionibus, analogue aux trois autres bureaux qui formaient avec lui la chancellerie impériale (scrinia, voyez ce mot) : AB EPISTULis,
Si la cognitio extraordinaria date des origines de l'empire et ressort de la nouvelle constitution, il n'en est pas de même de l'administration correspondante, qui dut être créée sous Claude °, En effet, nous ne trouvons trace de son existence ni sous Auguste, ni sous Tibère, ni sous Caligula. Ce fait peut s'expliquer parla modération avec laquelle l'empire, désireux de ménager des susceptibilités encore éveillées, usa à l'origine de ses droits nouveaux. Les témoignages des auteurs s'accordent au contraire à nous représenter Claude comme un infatigable rendeur de justice. Suétone et Dion Cassius le premier cependant non sans faire de fortes réserves', l'en félicitent. Sénèque l'en raille vertement'. Si Claude a réellement mérité ces éloges et ces railleries, s'il est vrai, comme l'affirme Dion, qu'il rendait la justice tous les jours7, même, selon Suétone, pendant les jours solennels pour lui et pour les siens 8, le jour du mariage de sit fille par exemple souvent aussi malgré les fêtes religieuses observées de toute antiquité 1°, on comprendra qu'il ait créé, pour lui venir en aide, un bureau spécial.
A ces considérations s'ajoute ce fait que le premier ieyte d'auteur connu aussi bien que la première inscription faisant mention du a cognitionibus nous reportent l'un et l'autre au règne de Claude.
Le texte nous est fourni par Sénèque : Claude vient de mourir; Hercule l'introduit dans l'assemblée des dieux où il est mal reçu; de là on le conduit devant Plaque, qui cherche pour lui un supplice nouveau : Claude sera condamné à jouer aux dés avec un cornet percé, d'où les dés fuiront sans cesse. Sur ses entrefaites arrive Caligula qui se le fait adjuger et le livre à son affranchi Ménandre «ut e cognitionibus ei esset r; 1I. Ce supplice ressemble au premier ; grand amateur du jeu de dés i4, Claude était condamné à manier les dés sans parvenir à jouer; atteint de la manie de rendre la justice, il sera simple employé du bureau a cognitionibus, c'est-à-dire qu'il s'occupera de procès sans pouvoir les juger Y'.
L'inscription fait connaitre un T. Aelius Theodotus, qui
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fut, sous Claude, acljutor a cognitionibus t". C'est l'inscription la plus ancienne où soit attestée l'existence du bureau a cognitionibus. Ce bureau existait donc sous Claude et, quoique les preuves positives fassent défaut,il est vraisemblable qu'il fut créé par cet empereur43.
2° Fonctionnaires du bureau a eognitionibus. Les inscriptions nous en font connaître un certain nombre.
On ne peut en dresser la liste sans être dès l'abord frappé de la différence qui existe entre la condition des fonctionnaires a cognitionibus des deux premiers siècles, et celle de leurs collègues d'une époque postérieure.
Pendant les deux premiers siècles, en effet, les employés du bureau a cognitionibus sont des esclaves et des affranchis. Les inscriptions de cette période nous font connaître : 1° des a cognitionibus"; 2° des adjutores a eognitionibus
L'adjutor est d'ailleurs un fonctionnaire que l'on rencontre dans presque toutes les administrations. Les inscriptions en font connaître un grand nombre. Une liste considérable, quoiqu'incomplète, de ces employés se trouve dans le lexique de Forcellini (éd. de Vit) au mot adjutor.
A dater du règne de Septime Sévère, les a cognitionibus connus par les monuments épigraphiques ne sont plus des affranchis, mais des viri perfectissimi, personnages de l'ordre équestre. L'un est ancien procurator de la Bétique 13, deux autres anciens praeside.s de la Maurétanie ts.
Ce fait n'est pas particulier au bureau a cognitionibus. A une certaine époque, beaucoup d'emplois, particulièrement dans la chancellerie, exercés d'abord par des affranchis, passent entre les mains des chevaliers R0.
Cette réforme, commencée par Vitellius 41, fut poursuivie par ses successeurs avec des alternatives diverses. Hadrien lui fit faire un pas décisif °h Nous avons la preuve qu'elle était complète sous Septime Sévère, tout au moins en ce qui concerne le bureau a cognitionibus
Celte évolution s'explique. A l'origine, l'empereur n'est considéré que comme un particulier. Il administre, comme son propre patrimoine, la partie de l'empire romain qui lui est confiée. Les emplois nécessaires pour le service de cette administration ont un caractère privé, et l'empereur les confie à ses esclaves ou à ses affranchis. Peu à peu, avec les progrès de l'idée monarchique, la situation de ces employés se modifie, ils deviennent fonctionnaires publics 3}; ce fait, joint à l'importance de plus en plus considérable de ces emplois, les fit confier à des chevaliers.
Une nouvelle modification apparaît vers la fin du troisième siècle dans l'organisation du bureau a cognitionibus. Il est placé à cette époque sous la direction d'un chef qui porte le titre de magister ; une inscription
trouvée à Aquilée nous fait connaître un de ces fonctionnaires ss; son titre officiel est magister sacrarum cognitionum. D'ailleurs nous voyons également des nlagistri à la tête des autres bureaux de la chancellerie 23.
Enfin une inscription, datée par les noms des consuls de l'an 376, nous montre les cognitiones réunies aux libelli entre les mains d'un magister libellorum et cognitionum sacrarum 2'1; il y avait eu fusion des deux bureaux. La Notitia dignitatum, en orient 33 et en occident 28, confirme ce fait : « magister libellorum cognitiones et prece.s traclat. u (Voy. le mot COGNITIO à la fin.)
Une inscription que nous avons déjà citée 30 a été souvent commentée par les savants ; elle commence ainsi T. Fl(avio) Sereno, a cognitionib(us) Aug(usti) utrubique praesidi optimo, etc. On s'est demandé quel devait être le caractère spécial et l'emploi d'un fonctionnaire nommé a cognitionibus utrubique. M. L. Renier SI estime que ce personnage était attaché aux deux tribunaux du préfet du prétoire et du préfet de la ville, prononçant au nom de l'empereur et en dernier ressort, l'un au criminel, l'autre au civil. M. Mommsen 34 pense qu'il faut plutôt rapporter le mot utrubique, non aux deux tribunaux, mais aux affaires civiles et criminelles. Selon M. Cuq 36, le a cognitionibus de notre inscription était attaché à deux Augustes, associés à l'empire. C'est ce que lui semble indiquer le mot utrubique. Les éditeurs du Corpus incriptionum latinaru,n°" font rapporter utrubique à praeses qui suit, et non aux mots a cognitionibus. Le personnage aurait été selon eux utrubique praeses, c'est-à-dire« praeses duarum illauretaniarum extra ordinem conjunetarum. a
Nous avons, à dessein, omis de parler du procurator sacrarum cognitionum. L'inscription unique par laquelle on connaît ce fonctionnaire est fausse, ou, tout au moins, interpolée 3s
38 Emploi des fonctionnaires a cognitionibus. Quelles étaient les fonctions des a cognitionibus ? La question est des plus obscures. Les différentes opinions émises sur ce point ne peuvent guère être que des hypothèses. Nous nous bornerons à les résumer brièvement.
Il faut distinguer entre les deux périodes. Il est certain que, à toutes les époques, le fonctionnaire a cognitionibus aidait l'empereur dans l'exercice de son droit de juridiction extra ordinem, sans doute en lui fournissant les informations nécessaires 36, en faisant un rapport sur la question soumise 67. Mais comment cela se faisait-il, et dans quelle mesure? Ici commencent les difficultés.
Pendant la période où les employés de cette administration étaient des esclaves ou des affranchis , ils furent, suivant l'opinion de MM. Friedlander 38 et Otto
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Iàirschfeld n, les greffiers du tribunal de l'empereur.
Plus tard, quand le consilium pinucipis fut créé, les fonctions du a cognitionibus s'étendirent peut-ètre uniquement aux affaires sur lesquelles l'empereur pouvait statuer en dehors du consilium. Cette hypothèse a été proposée par M. Otto Hirschfeldk0 et reprise par M, àlispoulet ".
A dater de l'époque de Septime Sévère, peut-être d'Hadrien, le a cognitionibus, toujours chevalier, serait devenu, si l'on en croit des auteurs anciens et modernes", un membre du conseil de l'empereur, de sorte que l'expression a cognitionibus serait synonyme des mots consiliar°ius Augersti, a consilïis Augtssti.
Une troisième opinion voit, dans le personnage dont nous nous occupons, celui qui, dans d'autres textes, est appelé : vice sacra judicans, et vice sacra eognoscens Voy. le mot codivvrio à la fin), Le a cognitionibus serait donc un suppléant que l'empereur désignait pour juger à sa place. Nous ne croyons pas que cette opinion ait aujourd'hui beaucoup de défenseurs u.
M. Chut croit, non sans vraisemblance, que, à toutes les époques, affranchis ou chevaliers, les fonctionnaires a cognitionibus ont exercé un emploi analogue k4. Aucune des opinions précédentes concernant la nature de cet emploi ne le satisfait. Selon lui, le a cognitionibus (tait
« quelque chose d'analogue au commissaire enquêteur « de notre ancien droit français n. Il était chargé,
« soit au civil, soit au criminel, de diriger l'enquete sur
« le point litigieux, et de présenter à l'empereur un
« rapport s les faits qui donnaient lieu au procès « dont il était saisi 4a s:. La part de l'incertitude reste, on le voit, considérable. H. Tuner:-Ia2.
('®HORS. I. Enclos de ferme, bergerie [va-ex].
li in donné à une troupe d'infanterie de l'armée
; si Tite-Live l'applique à une troupe de cavad-, 'est que ceux-ci avaient mis pied à terre pour combattre l'infanterie.
Varron dit qu'on avait donné à la VILLA le nom de cohors, parce que les troupeaux y étaient renfermés (coercebaniur), plus, qu'on était arrivé adonnerr le même nom à une division de troupe:, parce que, de même que la villa était la réunion de plusieurs bâtiments, de même la cohorte était le réunion de plusieurs manipules; mais, un de nos meilieurs écrivains militaires, se basant stil ce que de fi t'qlentes alloc,itions étaient adressées aux troupes romaines, a supposé qu'on avait rdglé l'unité tactique d'après le nombre d'hommes qui pouvaient entendre un orateur, et que, dès lors, le mot eoh,,,'e provenait de relies tari, haranguer un certain nombre d'nomotes. Sous le Bas-Empire, le mot numerus remplaça le mot eohors; l'auteur de I'IIistor'ia trigar'tito dit expressément : « Romanarum cohortes nunc rataient » et l'en a même précisé ce mot en l'écrivant ainsi, vol "0, 4: Bans les IV'ovellee' on s'est contenté de le ïraduire en appelant la cohorte âù'Oizoç, et Svnésms a fait de mime.
Mais presque tous les écrivains grecs ont employé à lice sujet Ies mots „«i d€ços, ~zyga, s•w«is, Iiioç, x ?.o;°, qui manquent de précision, puisqu'ils peuvent servir et servent, en effet, dans leurs écrits à désigner un corps de troupe d'une importance variable, M est-à,-dire aussi bien. une centurie ou un manipule qu'une cohorte. De plus, en appliquant aux différents corps de l'armée romaine les expressions en usage dans l'armée grecque, dont les divisions n'étaient pas les mêmes, ces auteurs ont manqué d'exactitude dans leurs récits. Seulement, nous devons dire que le mot c';zufa, employé pour désigner une réunion de soldats marchant sous la même enseigne, correspond au mot signuin employé dans le même sens par un auteur latins : celui-ci, en disant que Jules César défendit à ses soldats de s'éloigner de plus de quatre pieds des signa, ne pouvait parler des enseignes, puisque celles-ci se trouvaient nécessairement à plus de quatre pieds de presque tous.
Ona dit que Tite-Live, qui n'était pas homme de guerre et qui a confondu entre elles les institutions militaires des différentes époques, avait eu le tors, de parier des cohortes, à propos d'événements de guerre antérieurs aux guerres civiles'. Pour lui faire ce reproche, on s'est fondé sur ce que Polybe, l'homme le plus compétent en pareille matière et qui a décrit si minutieusement l'organisation légionnaire, n'aurait pas parlé une seule fois de la cohorte. A-.Xis Tite Live, cette fois, ne s'est pas tromnprt ; Pois be coistrait eus eut à ce qu'on e assuré, a parlé de l'organisation de la cohorte : en effet, l'auteur grec a dit3ri, dans son récif; de la bataille d'llipa, que Scipion fit soutenir par trois manipules des troupes qui opéraient un mouvement tourna-,,t, et il a ajouté : « C'est cette troupe d'infanterie que les Romains appellent cohorte ». Du reste, l'emploi de la cohorte à 1'époque oit la formation par manipules était la règle générale est démontré par la mention simultanée de ces deux unités tactiques 11, et surtout par le témoignage de plusieurs historiens qui racontent que des généraux ont confié certaines opérations militaires. à des corps de troupes composés d'un nombre de cohortes inférieur à dix'', et par conséquent inférieur à l'effectif d'une légion. Ajoutons le témoignage de Frontiu, d'après lequel l'ancienne légion était divisée en dix cohortes' . Enfin on vit plusieurs fois, sur les chan-1.;s de batailles la réserve de l'armée, formée par quelques cohortes, se Asidiar lie co/tartes"`.
Marius fit donc une règle de ce qui, p °..'.,deliir, nt, existait déjà couln_e exception. Avant lui, Emin,' r lit composée de citoyens libres pour qui le serai,, r nl tir ..ire était à la fois un honneur et un devoir, et chez lui l'on trouvait par conséquent un patriotisme ardent, un courage ir toute épreuve. Quand Marius enrôla indifféremment les hommes de toute classe, il comprit que le manipule, qui constituait l'ancienne unité ta tique, était trop faible, parce que chacun Se ses éléments avait, dimilrnr' lie va
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leur, et parce qu'on ne donne de la confiance aux soldats médiocres qu'en les réunissant par troupes nombreuses; il réunit donc un manipule de hastats, un manipule de princes et un manipule de triaires, et en forma la cohorte : dès lors, la légion ne comprit plus que dix unités tactiques au lieu de trente, et bientôt les distinctions établies entre les hastats, les princes et les triaires disparurent, enne laissant d'autres traces que les titres portés par les centurions; enfin, l'armement devint uniforme.
Cependant, malgré le complet abandon de la formation par manipules, on conserva longtemps l'usage de certaines expressions militaires qui s'y rapportaient : c'est ainsi que César u désigne par les mots manipules laxare l'action de desserrer les rangs, et que l'auteur du Commentaire sur la guerre civile 1fi emploie l'expression manipules circuit, pour dire que Petreius parcourt les rangs de ses soldats; c'est encore ainsi que Germanicus donne à ses soldats l'ordre de former les manipules17. En outre, et pendant bien longtemps, on continua à appeler manipulares16les simples soldats, et particulièrement ceux qui appartenaient à la môme centurie" les mots commanipulares ", commanipularïi 21, comnaanipulatio 17, comnianipuio 23, commanipulus 24 et commaaiplus n ont la même origine. Enfin, on désigna longtemps parle mot manipulus une fraction de la cohorte, probablement comme autrefois la réunion de deux centuries 28, quoique Végèce 47 prétende qu'on appelait ainsi le contubernium.
Avant Marius, les troupes alliées, quand elles n'étaient pas assez nombreuses pour former une légion, et les troupes étrangères (peregrinae copiâe) 2s étaient organisées en cohortes, dont les noms rappelaient la nationalité de ceux qui en faisaient partie 49 ; cet usage se maintint après l'abandon de la formation par manipules 30. En outre, queiqués cohortes portaient le nom de l'empereur, qui les avait formées, et même deux noms d'empereurs, probablement le nom de celui à qui elles devaient leur première organisation et ensuite le nom de l'empereur régnants'. On ajoutait parfois à la dénomination des cohortes, l'indication du pays où elles étaient cantonnées n. Si dans l'une d'elles se trouvaient des contingents fournis par plusieurs nations, celles-ci étaient mentionnées dans la dénomination adoptée". Enfin , il arrivait aussi qu'on se bornait à signaler l'arme dont les soldats faisaient spécialement usage : telles étaient les cohortes funditerum s4 et les cohortes sagittariorum n, etc, Quand on voulait en désigner à la fois plusieurs appartenant à des nationalités différentes, on employait une expression particulière pour les distinguer des cohortes légionnaires (cohortes legionariae 36) : on les appelait alors cohortes socuae97, cohortes sociorum 38, cohortes auxiliariae 19, cohortes auxiliares I6, mais plus généralement cohortes alarme". Quelquefois pourtant, on se bornait à désigner ces troupes par le mot cohortes". Nous en trouvons la
preuve dans les détails donnés par Suétone 43 sur la composition de l'armée de Vespasien : « Additis ad copias duabus legionibus, octo ails, cohortibus decem, atque inter legatos, etc. » S'il avait été question de troupes nationales, ces cohortes n'eussent pas été désignées ainsi, puisque dix cohortes légionnaires formaient précisément une légion"; Suétone se serait donc borné à dire : « Additis ad copias tribus legionibus, octo alis, atque inter legatos, etc. » Mais il faut remarquer qu'llygin, au contraire, quand il emploie le mot cohortes seul, désigne ainsi les troupes auxiliaires, il ajoute les épithètes peditatae ou equitalae.
Les cohortes dont les soldats étaient armés à la légère étaient désignées par l'expression cohortes leves " et cohortes cetratae 46 par allusion au bouclier léger, cetra "7, dont elles étaient armées, et par opposition à l'expression cohortes scutatae 48, employée à propos des cohortes légionnaires qui portaient le grand bouclier, scuturn [cLIPi:us]. les cohortes expeditae 49 n'étaient autres que celles à qui l'on faisait momentanément déposer leurs bagages pour qu'elles pussent opérer plus rapidement; celtes qu'on appelait cohortes coloniae "0 se composaient de soldats recrutés dans les colonies; enfin, on continua à appeler cohortes subsidiariae" les troupes de réserve ou de soutien pendant le combat. On trouve dans quelques inscriptions" la mention de corps do troupes appelés cohortes novae tironum : peut-être s'agit-il de cohortes organisées temporairement pendant une campagne et destinées, comme nos bataillons et nos compagnies de dépôt, à instruire les recrues et combler les vides produits dans les rangs des corps permanents; néanmoins, en voyant l'auteur du Commentaire de la guerre d'Afrique "3 mentionner, parmi les corps qui figurèrent au combat d'Uzita, des légions qu'il appelle legiones tironum, on est autorisé à croire que cette dénomination s'appliquait à des troupes de nouvelle levée.
Lorsque la décadence de l'armée commença, beaucoup de jeunes citoyens romains préférèrent servir dans les corhortes auxiliaires où le service était moins pénible, la discipline moins sévère et les récompenses plus fréquentes que dans les cohortes légionnaires". Quelquefois aussi ils formèrent des cohortes particulières qu'on appelait voluntariorum numeri "; voluntariorum cohortes "6 civïzan romanorum voluntariorum cohortes sr', cohors militum italicorum voluntariorum "s, cohors ingenuorurn ou civium romanorum ingenuorurn 59, cohors prima equitata civium romanorum Dans les cohortes de citoyens romains volontaires, on recevait aussi des étrangers destinés probablement à en compléter l'effectif 61
L'effectif d'une cohorte légionnaire fut d'abord de trois cents hommes, puisqu'elle comprenait un manipule de hastats, un de princes et un de triaires; il s'éleva à environ cinq cents hommes Iorsqu'elle devint unité tac
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tique 62, et il resta à peu près invariable pendant bien longtemps, puisqu'il était encore de 480 hommes sous le règne de Trajan u. Il est vrai qu'a la bataille de Pharsale les cohortes de Pompée étaient de 409 homrnes, et celles de Jules César de 275 hommes, mais les deux armées étaient en campagne depuis un certain temps et celle de César était particulièrement affaiblie 64. Au temps de Végèce les cohortes légionnaires étaient dites quingenariae, d'un effectif de 500 hommes, quoiqu'en réalité elles comprissent chacune 555 fantassins dont 500 soldats, 50 decani ou chefs de contubernium et 5 centurions, et en outre 66 cavaliers dont 5 décurions et un chef de terme. Mais la première cohorte, formant une sorte de corps d'élite commandé par le primipile et chargé de garder l'aigle de la légion [sIGNA aIILITARIA], avait un effectif deux fois plus considérable. Elle existait déjà autemps de César : en effet, on voit, dans la relation de la bataille de Pharsale 66, que Crastinus, qui avait été primipile de la dixième légion, se présenta devant la troupe qu'il avait commandée, et décida 120 hommes de la même centurie à commencer l'attaque avec lui; or, à cette époque la légion de César comprenant au plus 500 hommes, il fallait que la première cohorte eût un effectif bien plus considérable que celui des autres, pour qu'on pût tirer 120 hommes d'une seule de ces centuries; en outre, nous devons faire remarquer que les soldats de cette cohorte, dans le passage en question, sont appelés electi milites. Hygin 67 appelle cette cohorte cohors prima et dit qu'elle avait un effectif double de celui des autres. Au temps de Végèce 66, on l'appelait cohors miliaria, et elle comprenait 132 cavaliers dont 120 soldats, 10 décurions et 2 chefs de turme, plus 1105 fantassins dont 100 soldats, 100 decani et 5 centurions de dignité inférieure ; les 5 autres centurions, appelés ordinarii, étaient trop considérés pour être comptés en même temps que les soldats. Il y avait quelquefois plus d'une cohors miliaria par légionGe
L'effectif des cohortes auxiliaires a toujours été variable : il était tantôt de 460 hommes70, tantôt de 600 hommes". La cohors miliaria peditata comprenant 1000 hommes et la cohors quingenaria peditata comprenant 500 hommes étaient entièrement composées de fantassins", mais il y avait en outre des corps mixtes. L'usage de faire combattre des soldats d'infanterie mêlés à des cavaliers, comme le faisaient les vélites, subsista après la suppression de ces derniers et le rôle en fut attribué aux auxiliaires. Jules César", ayant remarqué les bons résultats obtenus par les Germains exercés à ce genre de combat, en prit un certain nombre à sa solde'", et plus tard fit faire le même service à ses entesignanin. Les empereurs continuèrent à employer des auxiliaires organisés de la même manière" etformantdescohortes spéciales appelées cohortes equestres77 ou cohortes equitataen: Josèphe'', donnant la composition de l'armée de Vespasien, parle de cohortes comprenant chacune 613 fantassins et 120 cavaliers; Hygin en mentionne deux espèces, la cohors miliaria equitata 80, comprenant 760 fantassins
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et 240 cavaliers, et la cohors quingenaria equitata 8t, comprenant 380 fantassins et 120 cavaliers.
La cohorte légionnaire ayant été à l'origine, comme nous l'avons dit, formée de la réunion de trois manipules, comprenait six centuries ; cette division existait encore au temps d'Hygin eI et de Trajan. Végèce 83 dit qu'autrefois il y avait dix centuries dans la première cohorte, tandis qu'il n'y en avait que cinq dans chacune des autres ; mais quand Végèce rappelle un ancien usage, il ne précise rien et parle simplement de ce qui a précédé le temps où il vivait, indication qui est beaucoup trop vague; cependant, comme il dit ailleurs es que chaque centurie avait à sa suite une machine de guerre, et que, par conséquent, il y avait 55 machines par légion, on doit en conclure que la légion entière comprenait 55 centuries : 10 pour la première cohorte et 5 pour chacune des autres. Donc la cohorte était, de son temps, subdivisée de la même manière que précédemment. Quant aux cohortes auxiliaires, Hygin 8S dit que la cohors miliaria peditata comprenait dix centuries et que la cohors quingenaria peditata en comprenait six, que la cohors miliaria equitata était partagée en dix centuries et dix turmes et la cohors quingenaria equitata en six centuries et six turmes : les centuries étaient subdivisées en contubernia de dix hommes chacun et les turmes en décuries 8".
Les cohortes légionnaires étaient commandées par des tribuns, tribuni militum, tribune legionums', ou tribuni militum legionum 88, ou par ceux qui en remplissaient les fonctions, praepositi 89; et les cohortes auxiliaires par des préfets, prae fecti cohortium 90. De même qu'on avait soin de réunir dans la même cohorte les auxiliaires appartenant au même peuple, non seulement à cause de la communauté de langage, mais encore parce que tous conservaient leur armement national91, on leur donnait généralement pour préfet un de leurs compatriotes 90; néanmoins M. Henzen93 pense que les cohortes auxiliaires qui portaient le n° 1 étaient commandées par des tribuns. Le praefectus cohortis était d'un rang inférieur à celui du praefectus alae96.
Quant aux chefs des subdivisions de la cohorte, on les trouvera indiqués à l'article PROMOTIONES.
Dans la légion attachée à chacune des deux flottes permanentes de Misène et de Ravenne, les cohortes étaient aussi commandées par des tribuns".
Nous parlerons ultérieurement des cohortes organisées en vue d'un service spécial, c'est-à-dire des cohortes prae
COIIORTALLS [oFFlcluli].