Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article COLLECTARII

COLLECTARII. Les collectarii' paraissent avoir formé une corporation de changeurs, faisant partie de la classe des nummularii', et, comme tels, attachés par leurs fonctions à l'administration des monnaies à Rome ou dans les provinces. En effet, ils étaient chargés de mettre en circulation sur leur comptoir (mensa) les nouvelles monnaies en les échangeant contre les monnaies étrangères, ou usées, ou rognées moyennant pour les dernières un tarif 3. D'ailleurs sous le bas empire 1' mica vinaria Orbis Itomae avait le droit d'exiger de cette corporation, à un taux déterminé, le change en argent de l'or qu'elle four COL 1292 --COL vissait à titre de subvention aux calcin coctores, qui apportaient des matériaux à Rorne °. Une constitution de Théodose et d'Ilonorius 5, rendue en 108, défend de prêter de l'argent au magistrat d'une province, et à tout collectaries de fournir le prix d'une dignité (honores) à celui qui désire se 1a procurer par cette voie, sous peine d'exil contre ce magistrat ou gouverneur (judex provinciae) et contre le changeur. G. HUMBERT. CDLLEGIIIRI. Réunion de personnes associées par la communauté des fonctions ou de la profession, ou pour la célébration d'un culte et y participant au même titre. Au point de vue du droit, le mot collegium est (avec sodaiitas) la traduction la plus exacte de l'expression fran qu'il s'applique dans sa signification propre aux associations qui oui une individualité distincte et peuvent acquérir des droits ou être soumises à des obligations. C'est là son sens technique; mais nous le voyons fréquemment employé par les auteurs pour désigner des réunions de citoyens qui, sans former une personne juridique, ne sont liés entre eux que par l'exercice simultané des mêmes fonctions. Ainsi 'lite-Live, Tacite, Cicéron' parlent du collège des consuls, des préteurs, des tribuns, des questeurs. On reviendra, aux articles concernant les magistratures, sur le principe qui faisait de ceux qui les exerçaient ensemble des collègues pour ne s'attacher ici qu'aux associations dont l'existence n'était bornée à la vie d'aucun de ses membres ni à la durée de leur participation individuelle. Les membres de ces associatiens portaient les noms de Sans étudier précisément ici la signification des synonymes de collegium, nous rappellerons que les mots sodalitas et soladitium, qui n'avaient pas d'abord une signification différente, finirent par s'entendre exclusivement des sociétés illicites (voy. le § III). Le mot societas s'applique aux associations temporaires ayant ordinairement pour but des opérations civiles ou commerciales qui rentrent dans le droit privé ; on le trouve cependant employé d'une manière impropre dans le sens de collegiton 5. Quant aux expressions ordo et corpus, elles ne comportaient primitivement aucun sens juridique et comprenaient toute réunion d'individus, 1. Dès le berceau de Rome 6, il existait des corporations chargées de l'entretien du culte, et la communauté des SACRA dont l'accomplissement était obligatoire dut être la première marque et le premier lien d'une association. De toute antiquité, la plupart des dieux avaient à Rome des collèges de prêtres spécialement attachés à leurs temples, et s'y réunissant pour fêter le jour de sa fondation comme le natalis dies du dieu même 7. Lorsqu'une divinité nouvelle s'introduisait dans l'État, un nouveau collège était formé soit par le pouvoir public, soit par l'initiative des citoyens ; d'ailleurs il était nécessaire que l'État voulût admettre le culte introduit. En dehors des grands collèges sacerdotaux des PON des SEprgDIVIRI EPuLONES, nous citerons parmi les corporations religieuses les TITI1 SODALES pour le culte sabin, les LuPE11ct, les ARVALES rxATRES, pour lesquels nous renvoyons aussi aux articles spéciaux, le collegiltm mercatorum pour le culte de Mercure', les collèges pour les jeux capitolins' [Lulli], ceux qui furent établis après l'introduction àRome de la MAGNA MATER dePessinunte10, enfin les innombrables sociétés que fit naître plus tard le servilisme impérial pour le culte des princes après leur Les repas en commun [EPULA] faisaient partie du cérémonial sacré de ces collèges 1s. Plutarque 13 attribue à Numa l'institution des corporations industrielles (collegia opifieum), primitivement au nombre de huit: charpentiers, potiers, corroyeurs, cordonniers, teinturiers ou foulons, chaudronniers, orfèvres et joueurs de flûte ; on en ajouta bientôt une neuvième, qui embrassait les professions indéterminées. M. Mommsen 1A a remarqué avec raison que celles qui viennent d'être nommées représentent un cycle industriel complet pour un temps et un pays où la farine était moulue, le pain cuit et la viande préparée à la maison, les étoffes filées, tissées et cousues par les femmes. Plus tard elles perdirent de l'importance par suite du travail des esclaves et de l'importation des marchandises étrangères, et d'un autre côté il s'y joignit des professions nouvelles, formant les corporations des boulangers (pistores), des marchands (mercatores), des bateliers (navicularii), etc. Rien ne porte à croire que ces corps de métiers aient exercé aucun monopole légal. Leur but était l'accomplissement de cérémonies religieuses, et sans doute aussi le maintien des traditions de leur art. Un fragment du commentaire de Gains sur la loi des XII Tables, inséré au Digeste 16, nous apprend que cette loi avait autorisé les corporations à instituer pour ellesmômes le règlement (pactionem) qu'elles jugeraient à propos, à condition de respecter les lois publiques. Cette disposition, ajoute Gaius, avait été prise à l'imitation d'une loi de Solon, dont il donne le texte. Ruinées par le travail des esclaves, les corporations industrielles se prêtèrent à tous les désordres qui affligèrent les derniers temps de la République, et se transformèrent aisément en clubs politiques et en sociétés secrètes. Déjà Marius avait recruté dans leur sein ses partisans les plus COL 1293 COL dévoués". Laloi Licinia 17 fut dirigée en 55 av. J.-C. contre certaines associations, plutôt sociétés que corporations, qui avaient pour objet l'exploitation de la brigue [AsuoTus] et de corruption électorale. Les associés se chargeaient chacun de gagner les votes d'une tribu ou d'une centurie. La loi Licinia punit ce crime du bannissement, en ajoutant que dans ces sortes d'affaires l'accusateur choisirait lui-même les juges dans les tribus qu'il voudrait. Une accusation de ce genre fait l'objet du discours de Cicéron pour Plancius. Cicéron nous apprend " que de son temps les colleyia se mêlaient activement de politique. Le mal alla si loin que le sénat se crut obligé de les supprimer par une décision rendue en 68 av. J.-C. u. Clodius les rétablit par un plébiscite 20, et en créa de nouveaux dans le sens de sa politique démagogique ; mais César et Auguste supprimèrent les créations de Clodius, et ne conservèrent que les corporations anciennes et légitimes". Sous le prétexte de sociétés de secours, il s'était glissé aussi dans l'armée des sociétés secrètes. L'empire supprima tout cela, mais il laissa se former de nouvelles corporations sous sa surveillance 22. La ressemblance des conditions, le besoin de se rapprocher pour des hommes quelquefois jetés par le sort dans une province loin [aine 23, ou, à Rome même, pour ceux que leur naissance ou leur profession mettait à part dans la société au milieu de laquelle ils vivaient24, quelquefois de simples relations de voisinage, firent naître partout une multitude de collèges. Il y en avait dans les maisons des riches et dans le palais impérial, Elles réunissaient presque toujours des esclaves et des affranchis, qui rendaient un culte aux dieux domestiques du patron à la libéralité duquel ils devaient un asile pendant leur vie et un tombeau après leur mort 2i. De ce nombre étaient les collegia tenuiorum ", sociétés de secours à l'usage des artisans et des petites gens, où l'on admettait môme des esclaves avec la permission de leurs maîtres. Un des buts poursuivis par ces associations était de former une caisse ((mca) par des cotisations mensuelles (slips menstrua) pour les frais de leur culte et surtout pour payer les funérailles de leurs membres. 11 y en avait un grand nombre qui prenaient le nom des dieux qu'elles honoraient particulièrement. Nous connaissons ainsi un collegium Aesculapii et llygiae; un collegium Avis G erneni ; un collegium cultorum Dianae et Antinoi 27, etc. Il y en avait aussi clans les légions du temps de l'Empire, qui paraissent avoir subvenu à beaucoup d'autres besoins qu'à ceux de la sépulture, car les associés recevaient des frais de routes, et quand ils obtenaient leur congé, on leur comptait une somme pour s'établir 28. Des patrons généreux, des confrères plus fortunés décédés sans héritier faisaient quelquefois don de leurs biens au collège. Un sénatus-consulte rendu sous MarcAurèle permit aux collegia l'acceptation des legs 20. Mais c'est surtout à partir d'Alexandre Sévère qu'ils prirent une grande extension. Ce prince, au lieu de les restreindre, suivant l'exemple de ses prédécesseurs, constitua, au té moignage de Lampride30, des corporations (corporel) des marchands de vin (vinariorum), des marchands de légumes (lupinariorum), des cordonniers (caligariorum), et de tous les métiers en général (omntno omnium artiurn). Il mit à leur tête des défenseurs tirés de leur sein (defensores ex sese), et régla les juridictions auxquelles ressortiraient leurs procès. Dès lors ces institutions ne firent que se développer jusqu'à la fin de l'empire, et l'on peut dire sans rien exagérer que les corporations du moyen âge n'en furent que la continuation. «Les empereurs, dit M. Levasseur", poussèrent les sociétés dans cette voie nouvelle. Quand ils n'eurent plus à redouter d'agitations séditieuses de la part de ces réunions, ils s'en firent un moyen de gouverner; les collèges furent une garantie contre la licence industrielle, et permirent en outre, au milieu de la dissolution lente de l'empire, de tenir enchaînés à leurs fonctions et à leurs travaux les hommes qui tendaient toujours à s'y dérober. La corporation, qui protégeait les ouvriers, devint aussi la chaîne qui les rendit captifs et que la main impériale serra d'autant plus que leur travail était plus pénible ou plus nécessaire à l'État. Un des soins qui préoccupèrent le plus les empereurs fut d'assurer l'approvisionnement des grandes villes, et surtout celui de Rome : l'un d'eux écrivait que rien n'était plus aimable que le peuple quand il avait mangé. Aussi des lois particulières régirent-elles les métiers qui avaient quelque rapport avec la subsistance publique ; ceux qui les exerçaient, sacrifiés à la tranquillité commune, furent traités beaucoup plus durement que les autres artisans et tenus dans une dépendance voisine de l'esclavage. Au-dessous d'eux il n'y avait que les ouvriers qui dépendaient immédiatement de l'État et qui travaillaient dans ses ateliers ; ceux-ci formaient encore une classe à part. Bene avait eu de bonne heure des esclaves publics. Sous les empereurs elle organisa de nombreuses familles serviles pour remplir divers offices 32. Puis à ces esclaves se mêlèrent des condamnés, des malfaiteurs, des hommes de la lie du peuple, qui furent principalement employés aux mines, aux fournitures des armées, à la fabrication des monnaies. Ils étaient traités comme de véritables esclaves, et l'histoire nous a conservé le souvenir d'une terrible révolte, à laquelle les poussa sans doute l'excès de la misère. C'était sous le règne d'Aurélien. Les ouvriers des monnaies, soulevés par Felicissimus, esclave devenu administrateur du trésor, prirent les armes. Il fallut envoyer contre eux des troupes et livrer dans Rome même une sanglante bataille; les rebelles furent vaincus, mais cinq mille légionnaires périrent dans l'action M. Ces distinctions existaient depuis longtemps en germe dans l'empire, mais c'est principalement dans le cours du second siècle qu'elles se montrent d'une manière nette, et que les classes ouvrières reçoivent la forme définitive et qu'elles ont conservée jusqu'à l'époque des invasions. Dès le troisième siècle on les trouve partout formées en collèges et partagées pour ainsi dire en trois groupes dont les membres jouissent COL 1294 COL d'autant moins de liberté individuelle qu ils ont avec l'État des rapports plus intimes. Ces trois groupes comprennent les manufactures de l'État, les professions nécessaires à la subsistance du peuple, et les métiers libres. » Les manufactures de l'État comprenaient les mines (salinae, auri argentine fodinae) dont les ouvriers portaient le nom de nielallarii; on comptait aussi les ouvriers des monnaies (monetarii), ceux des ateliers de luxe tels qu'orfèvres (aurarii, barbaricarii, argentarii), qui travaillaient pour la couronne, et des gynécées, qui sans doute travaillaient des étoffes (gyneciarii), des tisserands (textrini), des pêcheurs de pourpre (murileguli), des teinturiers (baphii), des ouvriers chargés des transports (bastagarii) S4, etc. Les mêmes manufactures comprenaient aussi des fabriques d'armes pour les légions. La notice de l'empire en cite huit pour la Gaule au Iv° siècle: fabriques d'arcs et de flèches à Mâcon ; de cuirasses à Autun; d'épées à Reims ; d'épées et de boucliers à Amiens ; de boucliers, de cuirasses et de balistes à Soissons ; à Trèves deux fabriques, l'une de balistes et l'autre de boucliers, et enfin une fabrique de toutes espèces d'armes à Strasbourg. D'autres ouvriers accompagnaient les légions ; telle était peut-être la corporation des fumatores32, si l'on entend par là les faiseurs de signaux. Tous ces ouvriers militaires étaient sans doute les successeurs des centuries de forgerons, de fourbisseurs, de charpentiers attachées aux deux premières classes dans la constitution de Servius Tullius" Les manufactures de l'État avaient pour ouvriers des esclaves, des affranchis, des hommes libres, et pour les mines des malfaiteurs condamnés aux travaux forcés (in metallum damnati). Mais pour tous la servitude était à peu près la même, tous étaient marqués d'un fer rouge au bras ou à la main, afin de ne pouvoir se soustraire à l'atelier. Leurs enfants mâles ne pouvaient y échapper, et dans certains cas , par exemple lorsqu'il s'agissait d'ouvriers des monnaies, leurs filles mêmes ne pouvaient prendre des maris hors de la fabrique S7. II va sans dire que ces corporations ne jouissaient d'aucune autonomie, et qu'elles devaient obéir absolument aux préposés nommés par l'empereur. Les professions nécessaires à la subsistance du peuple, tant dans les provinces qu'à Rome même 3°, différaient surtout des manufactures de l'État en ce que leurs produits n'étaient pas absorbés par lui, mais vendus au public ; cependant les membres de ces corporations n'étaient guère moins assujettis et enchaînés à leur métier que ceux des premières. Ils ne pouvaient en sortir qu'en se, donnant un successeur, et à leur mort un de leurs enfants au moins devait prendre leur place, l'État ayant intérêt à ce que leur fonds continuât toujours d'être occupé. En revanche, ils jouissaient du monopole et de certains privilèges, tels qu'exemption de la milice, des corvées de toute espèce, des redevances, et des fonctions de la curie. Les principales corporations de cette classe étaient celles des bouchers divisés en trois catégories selon qu'ils vendaient du boeuf (boarii) n, du mouton (pecuarii)''0, ou du porc (suarii) 61; ils s'approvisionnaient par voie de réquisi tien dans les campagnes de l'Italie, et débitaient la viande gratis au peuple pendant une partie de l'année; des boulangers (pistores)d2, qui débitaientlepain soit an prix ordinaire, soit à prix réduit, soit même gratuitement, Les blés, tirés des provinces, leur étaient apportés par des corporations maritimes (nautae, navicularli), puis par la navigation fluviale d'Ostie à Rome (caudicarii), puis enfin par les déchargeurs et porteurs (saccarii, fi'umenti portitores). A la fin de l'Empire, les métiers libres étaient comme les autres constitués en corporations qui n'étaient pas moins tyranniques ; ceux de leurs membres qui s'enfuyaient étaient ramenés de force à leur travail : vains efforts pour maintenir une aggrégation sociale qui se dissolvait d'elle-même. Nous n'essaierons pas d'énumérer les corporations connues de métiers libres ; il y en avait une variété infinie, comprenant la plupart des industries" : celles du bâtiment, forgerons (l'abri, ferrarii), charpentiers (tignarii), menuisiers (dolabrarii), fabricants d'escaliers (scalarii) ; celles des foulons (fullones), des fabricants de couvertures et de vêtements grossiers (centonarii), des fabricants de toile (lintiarii), des fabricants d'outres (utriculat'ii) ; les nautes (nautae, navicularii), qui réunissaient le commerce des transports sur presque toutes les grandes rivières ; les médecins, les vétérinaires (mulomedici), etc., etc. Souvent, dan s les petites villes, plusieurs professions voisines étaient réunies dans un même collège, par exemple les labri avec les centonarii, les lignarii, etc. ; les utracularii avec les lintiarii, les lenuncularii avec les tabularii, etc. F. RAIDRY. II. Nous grouperons à la suite de l'exposé qui précède quelques notions sur la situation Iégale et la constitution des collèges, que l'on peut tirer principalement des textes juridiques et des inscriptions. Pour fonder une corporation il fallait le concours de trois personnes au moins s'associant dans un but déterminé et pour une durée fixe ou indéfinie 4°. Un lien religieux consacrait toujours la réunion des associés, quelque fût le caractère de la corporation, et l'État était appelé à donner son approbation. Dans l'origine, pourvu que la corporation ne fût point directement hostile au pouvoir, elle se formait Iibrement. Mais, à la fin de la République, la surveillance de l'autorité devint de plus en plus sévère et à l'époque d'Auguste une loi Julia, puis un sénatus-consulte et diverses constitutions qui ne nous sont pas textuellement parvenues vinrent réglementer cette matière. Les lois du Digeste" nous disent clairement qu'il n'était point licite aux citoyens de fonder une société à leur caprice, les lois, les constitutions s'y opposent et le jurisconsulte ajoute que les sociétés autorisées sont très peu nombreuses. On trouvera plus loin (voy. § III) ce qui concerne les collegia illicite. Même lorsqu'elles n'encouraient pas la répression, les sociétés non autorisées pouvaient avoir une existence de fait, mais ne constituaient pas une personne juridique, et le jurisconsulte Paul nous apprend qu'un legs fait à une de ces sociétés n'est point valable, à moins qu'il ne soit fait à tous les membres individuellement". COL 1295 -COL Dans la plupart des corporations, la qualité d'associé était héréditaire ; les enfants suivaient la condition paternelle, sans qu'il fùt besoin de l'assentiment général. Au contraire pour l'admission d'un nouveau membre, le collège entier était consulté". Comme l'adjonction à la société entraînait des charges, les sociétaires ne pouvaient se démettre qu'exceptionnellement, et sous des conditions onéreuses, ou bien en fournissant un successeur "e. Mais ils pouvaient, pour leur inconduite ou pour une infraction aux règlements, être expulsés du corps social". La corporation se dissolvait : 1° par le décès de tous ses membres; car tant qu'il en restait un seul sa personnalité subsistait"; 2° par le retrait de l'autorisation gouvernementale; 3° par la volonté unanime de tous les membres de l'association. Dans maintes sociétés était établie une règle sévère interdisant à chaque membre de faire partie d'une société nouvelle, parce que la fortune de chacun était grevée en quelque sorte d'un droit de gage pour les dépenses communes. Une constitution de Marc-Aurèle et Verus défendit à tout individu d'être membre à la fois de deux corporations : il devait opter, sauf à se faire rendre compte de son apport à la corporation qu'il quittait 61. Les membres purement honoraires, qui ne participaient point aux charges, portaient le nom d'immunesg" par opposition à celui de collegiati, corporati, incorporati qui désignait les associés effectifs. Le corps social pouvait être propriétaire d'un certain nombre d'esclaves, et, dans certaines associations, ces derniers pouvaient figurer comme membres; c'est ce qui avait lieu, comme on l'a vu, pour les collegia tenuiorum, où les membres pouvaient être transportés quelquefois par punition a3. Les administrateurs des sociétés portaient le nom d'actor ou de syndicus : c'est a eux qu'était échue la mission de représenter la corporation en justice et de diriger ses procès'. Les autres associés chargés d'une fonction spéciale étaient : les curatores, qui s'occupaient de l'admission des associés nouveaux u ; les quaestores, ou trésoriers" ; les quinquennales, élus pour cinq ans ou pour une durée indéfinie et remplissant les fonctions de censeurs u; les 7naytstri, chargés de l'administration intérieure et désignés également sous les noms de praefecti, praepositi, procuratores et decuriones 56 La plupart des sociétés avaient des patroni, qui n'étaient point membres le plus souvent, et qui prêtaient simplement à la corporation I'appui avantageux d'un nom considérés. Et comme Ies membres se donnaient entre eux le nom de fratres 60, on donnait quelquefois à ces protecteurs le titre de patres. On rencontre aussi la mention de maires61 Toutes les associations étaient soumises à la surveillance de l'État, qui s'exerçait par l'intermédiaire des consuls, des édiles et des questeurs; sous l'Empire, elle rentra dans les attributions du PRAI,FECTUS URBI, qui s'occupait spécialement des associations communales. La première conséquence de la personnalité des sociétés était la possibilité d'acquérir des biens et de posséder une caisse commune (arca commuais) 64. Les sociétés d'origine ancienne, les prêtres par exemple, obtenaient même de l'État des concessions de territoire (pos.sessiones)63. Les associations communales étaient dans le même cas 61; et, de plus, elles pouvaient, avec l'autorisation impériale, établir et recueillir des impôts. Les sociétés acquéraient encore par droit de succession : il est à remarquer toutefois qu'elles étaient incapables de rien recevoir directement par succession testamentaire 6a, la transmission indirecte par fidéicommis leur était seule possible; mais plus tard l'acquisition par tous les modes de succession et de legs fut concédée sous forme de privilèges à un très grand nombre d'entre elles 69 De même qu'ils pouvaient acquérir, les collegia pouvaient être soumis à des obligations61, Mais la dette n'incombait qu'à la personne juridique et nullement à chaque sociétaire considéré comme simple individu 68 Les sociétés avaient des privilèges fort différents, qui dépendaient toujours de la concession du pouvoir; c'est ainsi que certaines communes étaient exemptes d'impôt, faveur qui fut accordée, pour la première fois, sous le lègue de Constantin". C'est ainsi encore que quelques sociétés héritaient de leurs membres, privilège concédé d'abord par Constantin aux décurions, étendu dans la suite à d'autres collèges16; et enfin que les cités créancières étaient privilégiées pour leurs créances 71 et pouvaient obtenir comme les mineurs une restitutio in integrum 4. Les associés de maintes corporations étaient exempts des charges publiques, de la tutelle, du service militaire75; il était rare que tous ces privilèges fussent concédés à la fois; on en a pourtant l'exemple à Rorne pour les xAYICU III. Collegia illicita. II était de principe à Rome qu'aucune association ne pouvait se former d'une manière permanente, ni constituer un être moral, sans autorisation préalable 76. Le concours des volontés des associés sans cette autorisation préalable et leur engagement réciproque constituait un délit, et donnait lieu à la dissolution de l'association parle sénat, indépendamment d'une accusation en forme. Sous la République en effet, le sénat exerçait la juridiction criminelle en Italie; Dirksen a même soutenu qu'elle lui appartenait dans Rome 78. Mais cette opinion a été combattue par Burkhardt 77 et Rubino 78, dont M. Laboulaye adopte l'avis 79. 11 nous semble COL 1296 COL qu'il est permis de concilier ces systèmes opposés en admettant que, dans des circonstances extraordinaires, le sénat pouvait exercer à Rome par lui-même ou par ses délégués une juridiction criminelle, lorsque le salut de l'État l'exigeait. Si celle intervention n'était pas rigoureusement conforme à l'esprit de la constitution, et surtout aux garanties établies par les lois Valeria et Porcia en faveur des citoyens, du moins faut-il reconnaître qu'elle se produisit plusieurs fois, avec l'assentiment tacite du peuple, bien que des protestations fort vives se soient élevées contre elle ultérieurement, notamment à l'occasion du meurtre des Gracques, et de l'exécution des complices de Catilina 80. Nous trouvons un exemple remarquable de la juridiction criminelle exercée par le sénat à Rome comme pression des bacchanales, en 566 de Rome. On sait que sous prétexte de solennités religieuses consacrées à Bacchus, il s'était formé des associations illicites, fort nombreuses, qui formaient des assemblées secrètes et nocturnes, où se pratiquaient ou se préparaient toutes sortes d'attentats. Le consul Sp. Posthumius dénonça au sénat l'existence de ces réunions criminelles, et, sur son rapport, un sénatus-consulte fut rendu, qui confia à Posthumius et à son collègue A. Marius Philippus une quaestio de clandestinis conjurationibus extra ordinern u. Cette délégation ou commission extraordinaire les autorisait à rechercher, à poursuivre et à arrêter les coupables, et à leur appliquer des peines, même la peine capitale; enfin àproposer des primes aux délateurs. Les consuls remplirent rigoureusement leur mission, et plus de sept mille personnes furent reconnues coupables d'avoir pris part aux serments de cette association ; les simples conjurés furent emprisonnés, un plus grand nombre furent mis à mort 82. Il est vrai de dire qu'auparavant les consuls avaient convoqué le peuple, et que Posthumius lui avait fait connaître les motifs et les termes du sénatus-consulte, qui les investissait de pouvoirs extraordinaires83. Il paraît du reste que la peine de mort avait été édictée antérieurement par la loi des Douze-Tables contre les assemblées ou attroupements nocturnes 81. En outre, la même loi interdisait aux nodales ou membres d'un colledium, d'insérer dans leurs conventions ou règlements des clauses contraires à la loi générale, bien qu'en principe ils fussent maîtres de leurs statuts. C'est ce qu'on peut inférer d'un fragment du commentaire de Gaius sur la loi des DouzeTables, conservé dans les Pandectes de Justinien 8'. D'un autre côté, le sénat, tout en laissant subsister les dieux et les cérémonies des nations conquises, se réservait une haute juridiction en ce qui concerne l'introduction à Rome de divinités ou de pratiques religieuses nouvelles, notamment par des associations pieuses. L'autorisation de ces cérémonies était regardée comme rentrant dans la sphère de la haute administration 86. Le sénat intervenait soit par voie d'avertissement ou de prohibition, soit par voie de répression suivant les cas S7. En 686 de Rome (68 av. J.-C.), il supprima les associations de gens pauvres, sauf les anciennes, mais Clodius les rétablit. En 699 de Rome (55 av. J.-C.), à la suite d'un sénatus-consulte relatif aux réunions électorales, fut rendue une loi Licinia de sodaliciis, qui interdit les associations publiques dans une tribu en leur appliquant la peine de la violence A8 [vis]. Sous l'empire, les magistrats statuèrent également extra ordinern contre les associations illicites de toute nature ; ce qui autorisait le plus grand arbitraire en ce qui concerne l'instruction et la peine. Après la dissolution d'un colle,gium prononcée par le sénat ou par l'empereur, tout citoyen était autorisé par un rescrit do Sévère à accuser les associés devant le praefeclus urbi 89. Mais ceuxci pouvaient être poursuivis d'office et sans accusation régulière (inscriptio in crimen), en vertu des constitutions impériales ou mandats qui prescrivaient aux présidents des provinces [PaovrnclA] de réprimer les sociétés illicites, surtout parmi les militaires 90. La contravention à ces prohibitions était regardée comme un délit analogue à la violence publique, ou à la lèse-majesté [vis, MA.IESrAS] ; aussi Ulpien nous apprend-il qu'on y appliquait la peine de ce dernier crime 8l. Mais il ne résulte pas de là que cette infraction fût traitée, à tout autre égard, comme un crime de majesté. Du reste, on n'appliquait ce châtiment rigoureux qu'aux associations formées dans un but coupable ; quant aux associations simplement irrégulières, c'est-à-dire non autorisées, elles devaient se séparer, et les associés reprendre leurs apports. Les réunions religieuses n'étaient permises, même aux vétérans, sous prétexte d'un voeu ou de 'toute autre cérémonie, que conformément aux prescriptions des constitutions ou sénatus-consultes, qui exigeaient une autorisation préalable 92. Il nous paraît certain que les persécutions contre les chrétiens reposèrent uniquement sur le principe qui prohibait toute association illicite , et notamment celles qui tendaient à introduire de nouvelles doctrines ou pratiques religieuses non autorisées. Or le culte chrétien n'obtenait jamais que la tolérance, sous certains empereurs, parce qu'on le considérait comme exclusif de tous les autres cultes autorisés, et spécialement comme attentatoire aux fondements traditionnels de la prospérité romaine; quelquefois aussi le refus de toute espèce de sacrifices à l'empereur faisait ranger les chrétiens parmi les criminels de lèse-majesté. Leur persécution paraissait donc avoir au premier chef un caractère politique, et reposer sur la violation des lois de l'empire, plutôt que sur des prohibitions spéciales 83. Sous les empereurs, on appliqua aux propagateurs de doctrines ou religions nouvelles ou inconnues et de nature à troubler les esprits, la peine de la déportation, et aux humiliores la peine de mort 94 ; contre les citoyens romains ou leurs esclaves, qui se faisaient circoncire, ou contre les juifs qui soumettaient à la circoncision les esclaves d'une autre nation, on prononça des peines analogues 96. Mais souvent on procéda plus cruellement contre les chrétiens, à cause de leur opiniâtreté et de leur foi indomptable 96, et COL --1297-® COL surtout à cause de leur refus de sacrifier aux dieux de la patries'. G. HUMBERT,